Le Geôlier revêtu d'ombre s'écarta quelque peu de la maléfique
image de son souverain. Celui arrivait souvent, après tout, lui et Melkor avaient autant de sujets de préocupations personnelles que concernant leurs envies de domination.
Le Geôlier, que nous n'appelerons plus longtemps ainsi, était tout particulièrement intéressé par la dernière création de l'esprit de Morgoth. Ce
Morolantir le fascinait tout bonnement.
Soudain, un de ses seuls hommes à être autorisés à se tenir dans
Torech Ungol se présenta à lui. C'était un grand haradrim au crâne rasé et à la mine sévère. Les mots
Balthazar le Noir seraient inmanquablement venus à l'esprit d'un Gondorien l'ayant vu. Il était vrai que mis à part qu'il avait encore deux mains et était moins effrayant, la ressemblance était frapante. Mais la plus grande différence était qu'aucun d'eux n'aurait jamais la considération qu'avait Balthazar aux yeux de leur maître.
Et le serviteur commença, dans sa langue maternelle, d'une voix forte pour signaler sa présence et pleine de révérence pour marquer son respect :
-Sibi Amouth ,avant de continuer plus bas en Haradrim.
Amouth acquiessa d'un signe de tête et l'autre partit.
S'il avait l'air passablement désintéressé, l'homme vêtu d'ombre se délectait de cet instant. A force de servir Melkor, seul et isolé, il n'avait plus entendu prononcer son nom depuis quelque temps. Aujourd'hui, le son d'Amouth lui paraissait particulièrement doux. Les Haradrims avaient fini par l'appeller ainsi. Quel meilleur preuve de sa terrible influence pouvait-il y avoir ?
Le cavalier noir s'avança, escorté par le chauve qui l'avait annoncé. L'émissaire qui avait fait si peur à l'armée de Gondor cette nuit avait renoncé a absorber la chaleur de ce qui l'entourait. Il dégageait toujours un parfum envoûtant et oppressant et, mis à part à Amouth, il faisait frissonner tout le monde.
De sa voix semblable à un sifflement grave ponctué de rictus suraigus, il salua :
"Grand Seigneur '...""Ne prononce pas mon véritable nom, l'interrompit le Geôlier vêtu d'ombre.
Il est maudit et a été perdu bien avant ta naissance. Ici, je suis Amouth..""Amouth ? répéta l'autre comme s'il réfléchissait.
Ah, je comprend... De l'Haradrim... Référence au passé. Plutôt amusant... Mais je ne suis pas venu pour ça... Alors, est-ce bien vrai ?"Amouth, que le amusant semblait avoir irrité, sembla fondroyer le cavalier noir du regard, ce qui était compliqué à affirmer vu son manteau d'ombres.
"Puisque que te l'ait dit. Me vois-tu dire des âneries ? Le Seigneur des Ténèbres a créé un nouveau palantir, Sombre Visionnaire..."Lorsque le cavalier répondit, sa voix était teintée de respect et de crainte :
"Le Seigneur des Ténèbres ? A..avez-vous réussit à le faire revenir véritablement ?"Amouth ricana.
"Bien sûr que non. C'est imposible. Ce n'est que l'ombre de son esprit dans un corps de mortel, comme nous l'avions prévu.""Dans ce cas, poursuivit l'autre, et sa voix avait repris son éclat naturel, je dois vous rappeller de lui faire part de..""
Suffit ! , rugit Amouth d'une voix teintée d'autorité naturelle.
Je sais parfaitement ce qui dois être dis, et tu en serais bien incapable, toi. Il est inutile de me rappeler ce dont j'ai participé à l'élaboration !"Pendant que ces mots résonnaient dans la pièce, l'aura d'ombre entourant le Geôlier s'accrut et sembla un instant tenter d'engloutir le cavalier noir.
Ce dernier répliqua, une once de crainte dans la voix.
"Je sais, je sais... Et je comprend aussi combien c'est dangereux. Mais il est inutile de jouer avec volutes noirs. Je connais votre vissage, moi. Et après un bref instant :
Pensez-vous pouvoir le dominer si nécessaire ?"L'étrainte de l'ombre se relâcha, et le visage d'Amouth se dessina, son visage pâle, ses yeux qui semblaient éteints, sa bouche au sourire sinistre, son nez mutilé. Il répliqua d'un air hautain :
"Le vaincre... Tu t'oublies... Mais j'ai du donner pour établir la connection, et si les choses tournaient mal, je pourrait tenter de la rompre. Mais ce n'est pas ce ue nous voulons, n'est-ce pas ?"L'autre hocha doucement la tête, avant d'ajouter :
"Je suis venu pour autre chose aussi."Amouth acquiessa et tendit la main. Quelque part, il y eu comme le bruit d'une trappe qui s'ouvre, et l'instant d'après il y avait un objet grossièrement sphérique, enveloppé dans du tissu dans sa main. il le tendit au cavalier.
"Je n'en ai plus besoin, avec le Morolantir. Cela fait si longtemps que je n'y ai plus regardé. Plus rien ne pourrait nous surprendre...""Avant de partir, puis-je...le voir ?"La demande du cavalier c'était faite humble. Le grand homme pâle au manteau de ténèbre fut plus échauffée.
"Le Seigneur des Ténères, fut-ce seulement son ombre, ne s'exhibe pas comme un bête. Et cela ne lui plairait pas. (il désigna l'amas de tissu)
Je ne lui ai pas dit être en possession d'un palantir..."Le cavalier hocha humblement la tête. Il préférait éviter de déchaîner sur lui les foudres du Seigneur des Ténèbres et de rendre plus ardue la tâche de son interlocuteur.
A nouveau, Amouth parla, sur un ton redevenu naturel :
"Autre chose... Meakil Duzingi a assassiné Denethor de Harad. Ce foutu chien aux basques de Gondor a vidé les terres du Sud de presque tous les adorateurs de Melkor, mes envoyés sont morts par sa faute. Cette fois-ci est la fois de trop. J'aurais du m'en occuper bien avant... Lorsque tu repartiras, tu iras trouver Ethan Hôrath. Tu as compris pour quelle mission..." Amouth ricana.
"Très bien... Alors il sera bien vite en route pour assassiner Meakil Duzingi."La conversation ne tarderait pas à finir, et le cavalier repartirait comme il était venu.
Enfin, Amouth s'enquit :
"Ne crains tu pas de voyager seul avec un tel objet ? Avec la route que tu as à parcourir, tu aurais mille fois l'occasion de te faire attaquer. Et la perte du palantir serait..intolérable."Le cavalier noir ricana et, l'espace d'un instant, l'air se refroidit et on put presque deviner une mince couche de givre blanc se cristaliser sur le sol de la caverne.
"Oh non, je n'ai eu aucun problème pour venir... J'ignore pourquoi, les coeurs les plus vaillants ont l'air de me trouver inquiétant... Mon approche seule suffit à les faire flancher...(à nouveau un ricanement)
De toutes façons, je prendrai le chemin le plus court... Dommage d'ailleurs, j'aurais voulu faire un saut jusqu'à Blankanimâd, mais c'est ce monstre de Sarcha qui a été envoyé en émissaire chez mon beau-frère.""Oui en effet, dommage, dit Amouth en secouant la tête.
Je ne suis pas sûr que ce soit la personne idéale pour convaincre le vieux Roi de nous aider, même comme argument ultime la présence du Seigneur des Ténèbres parmi nous... Il n'est pas bon d'avoir un émissaire aux manières dignes de Gorgomêsh."Petit rictus mauvais. Gorgomêsh était le chef des semi-trolls d'Amouth, pour autant qu'on considère comme un chef celui qui parmi eux est le plus grand et braille le plus fort. Autant dire qu'une comparaison avec lui était une terrible insulte.
La conversation s'arrêta sur l'inquiétante moquerie de ces deux personnages inquiétants.
Une longue route attendait le cavalier noir. Quant à Amouth, au vu de ce qui l'attendait, il se demandait s'il ne préférait pas parcourir en long et en large la Terre du Milieu à pied.