Le "Nouveau Refuge"

Les journées étaient courtes, à peine le soleil se levait qu’il semblait être déjà à son zénith. Un zénith caché par l’épaisse brume du matin. À travers celle-ci, le groupe avançait dans cet ordre : Sombre-Chêne, fier et mélancolique sur son destrier, ensuite venait le capitaine Amnel, son visage marqué par la douleur, derrière lui, le cheval du capitaine Palantir marchait sans peine, son cavalier perdu dans un autre monde et épuisé, il dormait, venait après Sighild et enfin son père qui fermait la marche, il était aux aguets, surveillants chaque arbre cachant sa vue. Devant lui, la colonne avançait sans peine, étant le seul Homme (oui Homme avec une majuscule, je dis ça pour éviter qu’on me foute dans le club des boulets à dire que les autres hommes du groupe ne le sont pas) de celle-ci, la visibilité augmentait avec le temps, la matinée se terminait, le ciel s’éclaircissait et la brume se dispersait. Les membres du groupe furent vite éblouis par l’or blanc. Calion dormait toujours, il était tourmenté, son esprit s’endormait mais un chaos indescriptible avait lieu à l’intérieur, un mélange de sentiments et de situations qui se répétaient, un horrible vacarme avec comme seule musique un requiem sourd manipulait son esprit.

Plus tard, le groupe arriva dans une plaine où, au loin, à l’horizon, se dressaient des collines de neige qui étincelaient. Le groupe pouvait apercevoir une longue colonne de cavaliers au loin, une longue bande noire s’étalant sur une cinquantaine de mètres. Le groupe s’avança prudemment vers celle-ci qui continuait son chemin vers l’Est, vers le Rohan. Lorsque le groupe rejoignit la colonne, une rapide présentation s’imposa. Il s’agissait d’une caravane de marchands rohirimms et gondoriens qui venait de l’Ered Luin et allait vers Dol Amroth.

Les journées passèrent rapidement et les blessures du capitaine Amnel disparurent pour ne laisser que quelques traces, une cicatrice par-ci, par-là. Alors que la caravane traversait l’Eastfold, les regard de Sombre-Chêne se portèrent vers les Monts Brumeux, vers Imladris. Qu’était-elle devenue après sa capture par l’Ordre de la Couronne de Fer ? Nul ne le sait encore. Son regard pointa alors vers le Nord Est et l’Emin Muil. Sur la rive gauche se dressait Gar Thulion, le dernier refuge des Noldor à l’Est des Monts Brumeux.
Les rescapés de la Bataille d’Imladris se séparèrent des marchands afin de continuer vers l’Emyn Muil. Ils préférèrent longer le Grand Fleuve car les provisions manquaient et les marchands n’avaient donné que le strict minimum pour se nourrir. Lorsque la troupe se retrouva sur la rive droite du puissant Anduin, elle mit pied à terre. Sombre-Chêne s’occupa du capitaine Palantir tantôt sombrant dans un sommeil, tantôt délirant à scander qu’il mangerait son cheval s’il le pouvait et les deux rapaces qui l’accompagnaient. Ils durent l’attacher à un arbre afin d’éviter qu’il ne fuit et qu’il ne cause des dommages à une population ou qu’il ne meure dans le froid, le rescapé de tant de guerres et témoins des grands événements. Ils réussirent à pêcher quelques poissons, le fleuve n’étant pas gelé, un amas d’écailles scintillait dans les eaux, le soleil frappant le fleuve de toute sa splendeur. Les reflets engendrés par le soleil sur la neige et l’eau donnèrent l’impression d’être dans un diamant voire même une étoile. Varda aurait surement été heureuse ici.

Le lendemain, restaurés et reposés, ils reprirent la route afin d’atteindre les forêts de l’Emyn Muil sur le versant Ouest de l’amas de montagnes. Ils parvinrent aux alentours de la colline d’Amon Hen mais ce n’est pas pour autant qu’ils s’arrêtèrent. Ils continuèrent à longer la rive droite de l’Anduin jusqu’à arriver à un gué qui leur permit de traverser le fleuve rétrécit à cet endroit. Sans peine, ils le franchirent et sans se retourner, continuèrent vers la cité.

Calion se réveilla, il était calme et le groupe remarqua que lorsqu’il était assis (ou plutôt enchaîné) à son cheval, il ne bronchait pas et n’avait pas envie de nourrir de sa chair. Il ne dormait pas, il était très éveillé même. Il était fiévreux et tremblait, il avait froid, son manteau ne lui était plus d’un très grand secours ici et il ne bougeait pas afin de se réchauffer. Ses yeux, injectés de sang inspiraient la haine et le meurtre. Calion Palantir n’était plus le même et le groupe pensait qu’avec le temps, ses blessures guériraient et qu’il irait mieux … Ils se trompèrent. Les jours de chevauchées avec la caravane donnèrent le temps à son nez de regagner sa couleur après avoir été remis par Calion lui-même. Son nez sera comme neuf dans quelques jours, du moins si rien ne lui arrive, seule une bosse serait à réduire après une opération bénigne. Ses autres blessures cicatrisèrent plus lentement, il n’en resta que de rares traces, comme pour le capitaine Amnel.

Alors qu’Aranwë, son cheval aussi blanc que la neige marchait derrière celui de Voronwë, Calion ferma ses paupières qui cachèrent alors ses yeux rouges, ses cheveux détachés et en bataille se glissèrent devant lui, des mèches cachant son visage pâle et encore quelque peu tuméfié, le capitaine se retrouva à rêver, une plénitude non atteinte depuis des jours et des jours. Il ne savait pas ce que c’était, une personne, un paysage, peut-être Eru lui-même qui sait. Un éclat blanc comme la neige qui l’entourait s’engouffra dans ses pensées et fut vite absorbé par une vision d’horreur, les drapeaux de l’Ordre de la Couronne de Fer sur le Taniquetil, trône de Manwë. Le Noldo se réveilla et vit apparaître devant lui une cinquantaine de chevaucheurs de loups aux crocs acérés d’où le sang dégoulinait par filet, ils fonçaient sur le groupe qui resta calme malgré les apparences. Les chevaucheurs n’avaient pas de visage, ils semblaient non pas comme des spectres mais comme des décapités … Des cavaliers sans têtes. L’un d’eux s’avança plus rapidement, il avait le visage de Calion. Le Noldo, enchaîné à son cheval se retrouva sans pouvoir bouger. Les yeux écarquillés et pris de peur, le capitaine prit la parole fortement, paniqué.

« Qu … Qu … Qui es-tu ?! Pourquoi tu as mon visage ?! ... Réponds ou je te tue sale raclure ! »

Le chevaucheur semblait ne pas comprendre le capitaine et il dégaina son épée à ce moment là. Elle étincelait, les autres chevaucheurs gardèrent dans leurs fourreaux leurs lames. Cependant le chevaucheur n’intervint pas, il paraissait préoccupé par autre chose.

« Approche que je te tranche la gorge ! »
Calion croisa son regard, le regard de l’autre Calion qui ne perdait pas patience. Il était seul, personne autour de lui.

« Où sont-ils passés ?! Ils m’ont abandonné ces fumiers ! Qu’ils crèvent ! Allez APPROCHE ! »

***

Un feu intérieur s'était installé en lui. Le chaos avait laissé place à une paisibilité inattendue, un réconfort certain. Le feu avait pris la place de la glace traversée tout le long du périple. Traînés à travers la basse ville avec Sighild la magicienne et Calion Palantir, le capitaine de l'infanterie de la cité de Gar Thulion souffraient toujours.

Emmenés dans une grande pièce où siégeait un feu gigantesque, ils furent allongés dans des lits et séparés par un paravent blanc. Une femme commença à s'occuper de la magicienne et un homme de Calion. Les deux furent recouverts de draps blancs et de couvertures de la même couleur. Le cas de Sighild était à la fois banal et unique, en effet, elle avait subi des blessures comme tout autre Elfes mais elle les avaient subi du pire d'entre eux, Lammath. Sans doute aura-t-il un impact à vie sur elle. Quant à Calion, ses diverses blessures s'étaient soignées durant le voyage, notamment lorsque le groupe avait rejoint la caravane de marchands, en Rohan, mais le poison subsistait toujours en lui et l'effet qu'il avait sur lui était difficile à cerner. Des coups de folies à répétition, des insultes même envers ses camarades, il ne reconnait plus personne et les quelques moments de répits qu'il a ne lui suffisent pas à se reposer convenablement.

Le rôle du guérisseur était d'annuler l'effet du poison répandu dans tout son organisme. Pour cela, il se devait d'utiliser une plante aux propriétés médicinales inégalables, l'Athelas. Le guérisseur se leva et s'approcha d'une table. Diverses plantes et ustensiles se trouvaient dessus. Délicatement, il se saisit de plusieurs feuilles d'Athelas qu'il pila à l'aide d'un mortier dans un petit bol. De l'eau bouillonnait dans un autre récipient sur le feu, il s'empressa de la retirer avec le récipient pour la poser la table. Il se saisit de deux verres en bois et y versa les feuilles pilées puis l'eau. À l'aide d'une cuillère (je ne vous dis pas à quel point j'ai ri en écrivant ce mot .... Faut que j'arrête de regarder Kaamelott) il mélangea la solution qu'il versa dans les deux verres.Le guérisseur se retourna vers sa compagne et la rejoignit.

"Comment va-t-elle ?"

"Je n'ai pas été mise au courant des dangers qu'elle a bravé, mais elle me semble très courageuse. Et lui ?"

"Le poison a eu le temps de faire son effet. Je dois annuler les effets. Le guérisseur tendit le verre à sa compagne. Fais lui boire ça. Je sais qu'elle dort, il faut justement en profiter. Ensuite, mets ces bouts d'Athelas pilée sur le philtrum. Nous laverons leurs corps ce soir."

La guérisseuse s’exécuta. Elle saisit de sa main gauche la tête de la magicienne et lui fit ouvrir la bouche, elle y versa ensuite quelques gouttes du breuvage dans celle-ci puis la ferma à l'aide de sa main droite, débarrassée du verre. Elle recommença l'action plusieurs fois afin de terminer le verre. Son compagnon fit exactement la même chose avec Calion qui dormait profondément.

***

Quelques jours plus tard, après des soins continus, un once d'espoir arriva, les corps des deux Elfes étaient redevenus à température normale. Il était enfin temps. Les guérisseurs avaient fait le plus dur, ils devaient maintenant patienter.

Sighild qui se réveilla, effrayée, elle repoussa les mains de celle qui s'était occupée d'elle durant tant de journées.

"Restez calme, vous êtes en lieu sûr."

Ça s'agitait autour de Calion qui dans son lit dormait toujours. D'abord Sighild la magicienne qui ne fit en vérité rien car l'épuisement était plus fort qu'elle et elle fut reconduit dans son lit très rapidement. Aussi vint de Lothlorien un guérisseur particulier et de renom. Il demanda à être seul avec le malade et c'est dans une nouvelle chambre qu'il travailla au chevet du capitaine de Gar Thulion. On pouvait penser que ce guérisseur voulait le bien de Calion jusqu'à ce qu'il lui plante une petite lame dans son corps afin de le calmer, heureusement, c'était pour le sauver. La plaie fut rapidement soignée et ce, sans aucun soucis.

Le temps passait lentement pour Calion. Les heures semblaient être des jours et les jours des semaines. Et au bout du quatrième, enfin une solution, un remède pour calmer le capitaine de Gar Thulion. Le guérisseur força le malade à boire la mixture immonde. Insultant, hurlant, pleurant, Calion finit par se calmer. L'apaisement, enfin.

Quelques heures plus tard, totalement calmé, Calion ouvrit ses yeux, toujours injectés de sang mais changés. À son chevet, le guérisseur, Nidnama qu'il avait déjà croisé il y a longtemps, une connaissance, rien de plus mais devenu un ami grâce à ce qu'il a fait pour lui. Calion le regarda et dit en soupirant.

"Merci ... Un mal me rongeait mais je sais qu'il est encore enfoui en moi. Vous l'avez pourtant repoussé. Merci."

Calion se rendormit pour se réveiller à nouveau quelques heures plus tard. Il remercia à nouveau Nidnama, son sauveur et lui demanda ce qu'il s'était pasé pour qu'il arrive ici et s'il pouvait voir ceux avec qui il a partagé ces péripéties dangereuses ainsi que son prince, Rustor Erumelgos à qui il devait rendre des comptes. Il demanda aussi à son guérisseur si son nez avait été réparé car fracturé, Calion l'avait lui-même replacé dans le feu de l'action mais ne savait pas s'il était redevenu comme avant.

****

Nidnama n'avait pas eu le temps de répondre à Calion car un homme rentra dans la chambre, un Elda au cheveux blancs et aux vêtements sombres. Calion fut surpris de voir quelqu'un de ce rang voir un pauvre capitaine et Calion le fut encore plus lorsque l'Elfe en face de lui l'appela "Seigneur". Calion ne le fit pas attendre et lui répondit par de douces paroles.

"Seigneur Arminas vous m'honorez de votre présence dans cette chambre où le sang, la sueur et les larmes ont coulé. Mes guérisseurs disent vrai seigneur, Calion se leva de son lit à ce moment-ci, mais de quelle épreuve s'agit-il ?"

Arminas continua sur sa lancée et expliqua alors que le conseil elfique s'était réunis mais qu'il s'enlisait profondément car de nouveaux éléments n'étaient pas apparus.

"Vous lui faites en quelque sorte un procès ? Au seigneur Sombre-Chêne ?"

Calion était dubitatif, il leva un de ses sourcils puis pensa à ce moment. *Ce n'est pas réellement la faute Sombre-Chêne, nous étions trop peu, nous avons été battus par le nombre ...* Puis Calion déballa la suite de sa pensée devant Nidnama et Arminas.

"Je ne déclinerai pas votre invitation seigneur, mais laissez-moi juste le temps de m'habiller et je serai à vous. Se tournant vers Nidnama. Merci encore, vous me direz plus tard pour mon nez. Puis Calion se revêtit d'une tunique à la couleur de sa maison, le bleu, qui patientait sur une chaise, pliée. Quelqu'un avait du la ramener alors qu'il dormait. Calion chaussa ses pieds puis peigna ses cheveux sans pour autant les attacher. De nouveau vers Arminas, habillé et se tenant le plus droit possible. Je vous suis seigneur Arminas. Amenez-moi au conseil elfique."

Avant de partir, Arminas posa une question à Sighild qui avait décider de venir dans la chambre de Calion pour voir s'il allait mieux.