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 Entre quatre murs

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Entre quatre murs EmptyMer 28 Jan 2015 - 0:24
- Au rapport soldat !

La voix du commandant était sèche, et elle claqua comme un fouet dans l'air. Nul besoin d'être un génie pour comprendre qu'il ne valait mieux pas plaisanter avec lui. D'ordinaire, il n'était déjà pas connu pour sa patience et pour son tact. On le surnommait Commandant Fureur, à cause de sa propension à hausser le ton dès que quelque chose lui déplaisait. Aujourd'hui, il avait des raisons d'être en colère, mais il y avait tant à gérer qu'il ne paraissait même plus capable de savoir sur quel officier porter sa rage. Le lieutenant qui venait de pénétrer dans la petite pièce était sa victime du moment, et l'homme se redressa, annonçant d'une voix limpide :

- L'incendie a été maîtrisé, mon Commandant. On n'a pas déploré de victimes, seulement quelques blessés légers. Davantage à cause de la panique qu'à cause des flammes. Deux de nos hommes ont…

Le lieutenant ne termina jamais sa phrase, interrompu par un coup de poing redoutable venu s'abattre bruyamment sur le bureau en chêne massif. Les papiers qui se trouvaient dessus s'éparpillèrent, et un des hommes présents dans la pièce s'empressa d'y remettre de l'ordre discrètement, jetant de fréquents regards à l'officier supérieur comme s'il craignait de prendre la place de la table s'il venait à faire trop de bruit. Il y eut une demi-seconde de silence, avant que tempêtât la voix de stentor du militaire :

- Comment une telle chose a-t-elle pu se produire !? Je veux des explications, sur-le-champ !

Avant d'avoir eu le temps d'obtenir une réponse, il poursuivit sans s'adresser à personne en particulier, mais s'adressant dès lors à tout le monde :

- Est-ce que des cavaliers ont été dépêchés vers Minas Tirith !? Est-ce qu'on a prévenu le Général Cartogan !? Hm ? Non !? Mais à quoi êtes-vous payés bande de raclures !? Faites immédiatement parvenir des nouvelles à Minas Tirith, dites-leur que ce n'est rien, et qu'ils ne doivent pas s'inquiéter ! Idiots ! Voudriez-vous gâcher le mariage royal pour si peu !?

- N-Non, mon Commandant…

La tension était palpable, et chacun avait en cet instant envie de disparaître dans le moindre recoin, se faire oublier pour échapper à la tempête qui paraissait s'abattre sur leurs têtes, surgie de nulle part. Il y avait des années qu'on n'avait pas vu le Commandant ainsi, en proie à une fureur innommable, que les événements exceptionnels pouvaient certes expliquer. Son visage rougissait à vue d'œil, au même rythme que celui de ses hommes pâlissait alors qu'ils comprenaient que tout le monde en prendrait pour son grade. Sans exception. Le premier à réagir fut un jeune capitaine, qui s'inclina du buste, et qui partit distribuer les ordres, trop heureux de pouvoir quitter la pièce pour échapper à la hargne de son supérieur. Les autres éprouvèrent une pointe d'envie, qui fut balayée par la colère dévastatrice de l'officier :

- Et alors, ces explications, elles arrivent !?

- O-Oui, mon Commandant, reprit le Lieutenant tétanisé. On a capturé un homme qui est très certainement notre coupable, mais il est un peu… un peu dérangé. Je ne suis pas certain qu'il nous en apprendra beaucoup lors de l'interrogatoire…

En effet, l'individu qu'ils avaient appréhendé était du genre étrange, et en dépit du temps qu'il avait fallu pour éteindre l'incendie, il n'avait pas pris la peine de s'échapper. Curieusement. Comme s'il tenait particulièrement à être pris, ou comme s'il se fichait pas mal des conséquences de son acte irréfléchi. A n'en pas douter il était fou, mais ce n'était pas sa condition qui allait attendrir le Commandant, pas le moins du monde. Le militaire n'était pas réputé pour faire de cadeaux à qui que ce soit, et après ce qu'il venait de se passer, il n'hésiterait pas à le secouer un peu pour lui faire cracher le morceau. Rugissant, il ordonna :

- Allons voir cet enfoiré ! Allez, je vais l'interroger personnellement !

Comment refuser un ordre direct ? Les hommes se dépêchèrent d'emboîter le pas à leur supérieur, qui descendit les marches de la forteresse d'un pas pressé, sans se soucier des hommes qui s'affairaient sur son passage. Il les écartait du bras sans ménagement, lançant une œillade sombre à ceux qui ne le reconnaissaient pas immédiatement, et qui s'apprêtaient à protester. Son regard s'arrêta un moment sur l'unique bâtiment qui avait brûlé, et dont il ne restait plus que des ruines noircies et branlantes. Une longue colonne de fumée noire s'élevait encore du magnifique tas de bois qui s'était enflammé, et qui était à présent irrécupérable. C'était un véritable désastre, et les hommes qui n'avaient pas veillé avec assez de zèle seraient punis comme ils le méritaient. Bon sang, comment une telle chose avait-elle pu arriver ?

Les bottes ferrées du Commandant résonnèrent dans les escaliers de pierre, qui descendaient jusqu'aux geôles de la forteresse, où se trouvait le prisonnier. Son prisonnier. Les hommes qui le suivaient ne faisaient pas moins de bruit, et on aurait dit qu'une véritable cohorte déboulait dans les prisons, à la plus grande surprise des gardes qui vinrent accueillir la délégation avec l'air inquiet de ceux qui savent que face à une telle détermination, il n'est pas de courage qui valût. Le Commandant les rassura du geste – un geste qui ne les rassura pas, d'ailleurs, et qui tendit davantage à les effrayer – et les contourna pour se diriger vers les cellules. Elles étaient pour la plupart vides, et celles qui étaient occupées ne contenaient pas l'homme qu'il cherchait. C'étaient tous des voleurs de bas étage que l'on condamnerait fermement avant de chasser hors de la forteresse, guère des incendiaires fous qui mettaient le feu aux bâtiments officiels.

Du même pas pressé, qui forçait ses hommes à trottiner derrière lui pour le suivre, le Commandant traversa un couloir étroit, avant d'ouvrir brutalement une porte derrière laquelle se trouvait une salle  close, qui servait à interroger les prisonniers. Trois hommes étaient occupés à hurler sur un homme seul, tout sourire, alors qu'il était clairement dans une situation désavantageuse. Ligoté à une chaise, il était à la merci de ses geôliers qui lui tournaient autour en lui promettant un sort particulièrement désagréable s'il ne coopérait pas. Mais l'homme paraissait s'en ficher éperdument, et au moment où le Commandant pénétra dans la pièce, il s'était mis à chanter une comptine enfantine d'une voix un peu éraillée. Ses yeux regardaient le lointain, comme s'il voyait quelque chose qui ne lui apparaissait qu'à lui seul. Il y avait fort à parier qu'il avait perdu la raison depuis bien longtemps. L'entrée fracassante des officiers supérieurs ne lui fit pas perdre le fil de sa mélodie, alors que les trois geôliers s'étaient immobilisés et tus, muets de stupeur de voir leur chef ici, aussi en colère. Ce dernier traversa la pièce comme un taureau en pleine charge, et asséna un coup de poing spectaculaire au prisonnier, qui s'écroula par terre, un filet de sang épais et poisseux coulant le long de sa bouche.

- On ne chante pas en ma présence, ordure !

A défaut d'avoir rendu la raison au détenu, il lui avait fait passer l'envie de se moquer du monde, ce qui était pour l'officier une petite victoire. Il ordonna à ses hommes de relever le malheureux, dont la joue prenait déjà une teinte violacée, et dont l'œil gonflait un peu plus à chaque seconde. Les geôliers se regardèrent, surpris par tant de violence, mais qu'auraient-ils pu y faire après tout ? Sa rage n'étant toujours pas retombée, le Commandant saisit fermement le col de sa pauvre victime, et le secoua sauvagement pour le forcer à arrêter de regarder dans le vague. Deux claques vinrent parachever cette séance de réveil, qui ne s'acheva que parce que le criminel venait de supplier que son bourreau arrêtât :

- Ah ! Lança celui-ci d'une voix satisfaite. Eh bien il parle comme tout le monde notre dérangé… Voilà comment on fait parler une mauviette, soldats ! Et toi, espèce de petit incendiaire mal luné, je te conseille de te montrer coopératif, sinon je te jure que tu vas passer un sale quart d'heure, c'est clair !?

Il y eut un hochement de tête apeuré. Le fou ne riait plus du tout, et il paraissait soudainement redevenu assez lucide pour prendre la mesure non pas de son acte, mais bien des conséquences de celui-ci. S'il avait eu les mains libres, il les aurait sans doute dressées devant lui pour se protéger. Toutefois, attaché ainsi, il était à la merci de la moindre violence. Le Commandant reprit, sans vraiment se calmer :

- Ecoute-moi bien, tu vas me dire pour quelle raison tu as décidé de venir foutre le feu à ce stock de flèches, d'accord !? Allez, réponds !

- Je sais pas ! Je sais pas ! Il l'a dit !

Le Commandant esquissa un sourire :

- Qui ça « il » !? Qui t'a dit de le faire !?

- Je sais pas ! J'ai jamais rencontré… Je sais pas…

Les hommes dans la salle se regardèrent, stupéfaits par le spectacle. Décidément, ce prisonnier était bel et bien fou, et les mots qu'il alignait n'avaient aucune logique. Ils auraient depuis longtemps arrêté, et statué sur son sort : il était fou, et il méritait d'être traité comme tel. Le Commandant, toutefois, paraissait ne pas vouloir en démordre, et il s'accrochait à chaque bribe d'information.

- Et qu'est-ce qu'il a dit !? Hein !? Il t'a dit de venir incendier l'armurerie de Cair Andros !? C'est ça !?

- Non ! Non, non, non ! « Il est nécessaire de déconstruire ce qui a été érigé pour nous priver de l'ordre primordial ».

Un silence de plomb s'abattit dans la salle d'interrogatoire, et même le Commandant demeura muet un moment, ce qui n'était clairement pas dans ses habitudes. Cette dernière phrase ne pouvait pas être du fou. La tournure, la structure, et l'idée qui était véhiculée derrière… A moins qu'il n'eût eu un éclair de génie soudain, quelqu'un lui avait bel et bien soufflé ces mots, et donc les actes qu'il avait commis. Catégorique sur ce point, l'officier reprit d'une voix étrangement calme :

- Et qu'a-t-il dit d'autre ?

- « Nous nous dresserons en légions pour faire triompher l'ordre véritable, et repousser à jamais les incursions insidieuses d... »

- En légions ?

Le Commandant paraissait à la fois sceptique et inquiet. Il ne semblait pas vouloir accorder davantage de crédit aux paroles de son prisonnier, mais dans le même temps, il lui semblait que tout cela cachait trop de mystère, trop de secrets pour être ignoré plus longtemps. Mais en même temps, sur quel fondement s'appuyait-il ? Les paroles d'un homme dérangé, qui aurait tout aussi bien pu avoir tout inventé. Mais le militaire était paranoïaque, et il se méfiait de tout. Il lui fallait découvrir la vérité, à tout prix.

- Comment ça « en légions » ? Vous êtes des légionnaires, c'est ça ? Vous êtes une armée ? Vous voulez attaquer le Gondor ?

L'idée était saugrenue, et aucune armée n'aurait accepté d'embaucher un fou pareil dans ses rangs. En même temps, l'Ordre de la Couronne de Fer n'avait eu aucun scrupule à embaucher ceux que personne ne voulait, et on avait vu les résultats. Toutefois, les hommes de la Couronne de Fer étaient connus pour leur sournoiserie, pour leur grande intelligence, et pour leur capacité à échapper à toute traque. Cet homme n'appartenait clairement à cette catégorie d'agents infiltrés qui posaient tant de difficultés aux troupes régulières. Alors d'où venait-il ? Qui était-il ? Et surtout, qui l'avait envoyé, et dans quel but ? Autant de questions qui ne pouvaient demeurent sans réponse. Le fou fit « non » de la tête, mais le Commandant avait déjà ancré l'idée dans son esprit :

- Si, bien entendu… Continua-t-il non sans se moquer. Vous êtes une armée qui veut attaquer le Gondor, c'est ça ? Vous êtes des légionnaires, et vous allez fondre par milliers sur Cair Andros, n'est-ce pas ?

- Non… Non… Je sais pas… Arrêtez la musique !

Le Commandant haussa un sourcil, mais ne se démonta pas. Il sentait qu'il était sur le point de le faire craquer, et il n'avait pas envie de se laisser distraire par les divagations d'un individu clairement dérangé, mais qui paraissait en savoir beaucoup sur ce nouvel ennemi, sur ces légionnaires :

- Il n'y a pas de musique, alors reste concentré ! Qui t'a envoyé, tu sais forcément quelque chose !

- Personne ! Personne ! La musique ! Arrêtez la musique !

Un coup de poing léger au visage le calma un instant, et laissa la possibilité à l'officier de lui envoyer une nouvelle salve de questions, criées toujours plus fort, de sorte à lui mettre la pression au maximum :

- Alors ! Qui !? Il y a forcément quelqu'un ! Dis-moi pourquoi tu es là ? Quelle était ta mission ? Et qui sont ces « légionnaires » dont tu parles !? Quelle cause servez-vous !? Parle bon sang ou je t'arrache la tête !

- Orbe ! Cria finalement le fou. Orbe ! Orbe ! Pardon ! Oh, pardon… Pitié… Pardon…

Et il se mit à sangloter, comme un enfant. Le Commandant ne s'en attendrit pas pour autant, même si les questions qu'il se posait intérieurement le détournaient en partie de sa colère et de sa brutalité. Il interrogea à haute voix, mais les mots qu'il prononçait s'adressaient tout autant à lui qu'au prisonnier :

- C'est votre cause ? C'est un groupe ? C'est un nom de code ? C'est un lieu ? Vous êtes les Légionnaires d'Orbe ? Les Légionnaires de l'Orbe ?

- Non, non… Pitié, la musique…

Le malaise était croissant dans la salle, et il semblait que plus le pauvre homme était poussé dans ses retranchements, plus sa folie se libérait. La musique qu'il disait entendre, il était certainement le seul à la percevoir, et il était terrible de voir un esprit humain à ce point tourmenté, être malmené par la volonté d'un homme. Toutefois, chacun comprenait l'importance de ce qui se jouait. Depuis l'Ordre de la Couronne de Fer, il y avait bien eu des menaces, des groupes qui avaient tenté de se bâtir sur ses cendres, ou qui avaient voulu jouir de son prestige. Ils n'avaient jamais duré très longtemps, mais l'armée devait veiller attentivement, et prévenir tout danger. Aussi, personne ne bougea quand le Commandant poursuivit :

- La ferme avec ta satanée musique ! Dis-moi qui commande ces « Légionnaires de l'Orbe », hein !? Il y a forcément quelqu'un, vous avez forcément un chef !

- Non… Non ! Personne ! Personne !

Le Commandant serra les dents, et envoya un nouveau coup de poing au prisonnier, beaucoup plus fort cette fois. Le malheureux bascula à nouveau sur le sol, dans une position qui lui broyait la main et appuyait douloureusement sur son bras. L'officier, debout face à lui, appuya de son pied sur son épaule, afin de mettre sa victime au supplice. Il y eut des cris, des hurlements de douleur, mais par-dessus ce vacarme, les cris du militaire qui ressemblait à s'y méprendre à un fou, lui aussi :

- Parle ! Parle ! Dis-moi qui commande votre légion ! Donne-moi un nom ! Un nom ! Tu m'entends !? DONNE-MOI UN NOM !

- Ah ! Pitié ! Non ! Le Dauphin ! Pitié, arrêtez la musique ! Pitié ! Pitié ! Je sais rien d'autre ! Je sais rien ! Pitié !

Insistant encore un peu pour la forme, et pour être certain d'avoir obtenu tout ce que son prisonnier savait, l'officier supérieur finit par retirer son pied, et par reculer comme s'il s'était trouvé en présence d'un pestiféré. Il ordonna à ses hommes de le relever, ce qu'ils firent diligemment, avec dans les yeux une lueur de crainte. Ils n'avaient jamais vu leur Commandant comme cela, et ils ne souhaitaient pas le revoir de sitôt. Clairement, il leur avait filé une peur bleue, et ils auraient tout donné pour ne pas assister à cette scène surréaliste. Le calme revenu, le Commandant se retourna vers ses seconds, qui avaient pâli très nettement, et qui attendaient la suite avec crainte. Il se racla la gorge, et lança :

- Ce qui s'est dit ici doit rester secret, je ne tiens pas à alimenter un vent de panique avec des noms farfelus. Orbe, légion, dauphin… Ce ne sont que des mots. Je vais faire un rapport au Général Cartogan, cela dit, mais il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Faites simplement doubler la garde, et assurez-vous que ceux qui ont laissé cet incendie avoir lieu soient de corvée pour le mois entier, c'est compris !?

- Oui, mon Commandant !

Sans un mot de plus, ils sortirent, abandonnant là le prisonnier, et les quatre murs qui lui serviraient de paysage jusqu'à ce qu'on trouvât le temps de le juger pour son acte. Derrière eux, derrière cette porte qui venait de se refermer, ils laissaient la marque visqueuse et répugnante de leurs actes, de leur folie et de leur sauvagerie, pour se draper de nouveau du masque socialement convenable de la distinction et de l'honneur. Mais au fond de la fosse, quelle différence y avait-il entre le fou et le sain d'esprit ?


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
Entre quatre murs Signry10
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