À la recherche de pierre précieuse

Sombres sont les étendues qui s’étirent aux pieds des tertres noirs. Et rares sont les fous à s’y aventurer. Simon était de ceux qui aiment le risque et les frissons pour quelques pièces d’or. Cela faisait toujours de bonnes histoires à raconter. Et des histoires, il en courrait plus dans les tavernes qu’ailleurs. Les anciens avaient toujours raconté de jolies calembredaines à propos de joyaux enterrés et de pierres précieuses aussi grosses que le poing. Mais personne n’en avait jamais vu la couleur. Cela faisait rêver les gosses et sourire les grands-mères, rien de plus.

Simon pourtant, avait eu vent de faits biens réels non loin des tumulus ancestraux. Un ou deux courageux s’étaient aventurés loin au-delà des collines de son village pour pénétrer sur les terres des spectres. L’un d’eux était revenu aussi pâle que la mort, mais le second avait les poches plus chargées au retour qu’à l’aller. Simon l’avait vu, une pierre aussi rouge que le sang d’un homme, pas plus grande qu’un pouce, miroitante au soleil et absorbant chacune de ses rayons. Il ne pouvait s’empêcher d’y songer depuis.

C’est ainsi qu’il prit la route au petit matin avec l’idée de s’enrichir un peu. Il ne connaissait pas grand-chose aux pierres précieuses, il n’avait jamais vu d’or, et seules quelques pièces de cuivres occupaient le fond de sa bourse. Mais il avait de l’espoir et suffisamment de cran pour s’aventurer sur les Hauts des Galgals. Il s’était équipé d’une dague un peu usée par le temps qu’il avait pris soin d’aiguiser avant de partir, et d’un bâton de marche. Rien d’impressionnant, mais il espérait que cela serait suffisant en cas de mauvaises rencontres.

Des rencontres, en réalité, il en fit peu. Seuls quelques marchands empruntaient la route des Hauts, mais ils ne s’attardaient pas en route et faisaient trotter leurs poneys pour quitter les lieux au plus vite. Pourtant l’homme qu’il croisa plus tard dans la journée n’avait rien d’un marchand. Il était d’une autre nature, un peu comme les rôdeurs d’antan. Simon prit la peine de traverser une vaste prairie pour le rejoindre. Il le héla tandis qu’il se rapprochait de lui.

- Hey, hey ! Hola, Bonjour l’ami ! Vous venez de loin comme ça ? Je veux dire, à pieds, et tout. C’est qu’on voit pas beaucoup de gens comme vous dans le coin. Vous allez vers les Hauts vous aussi ?

Simon avait la naïveté inhérente à sa jeunesse. Il parlait vite en mangeant presque tous les mots qu’il prononçait, et il semblait si enhardi par sa rencontre qu’il en oubliait toutes politesses.  

Simon acquiesça à la proposition de l'étranger. Seul, il n'était pas certain d'avoir assez de courage et de détermination si d'aventure il rencontrait des spectres. Enfin, s'ils existaient réellement. Il n'en avait jamais vu lui-même, or il avait tendance à ne croire que ce qu'il voyait de ses propres yeux. Il engagea de nouveau la discussion alors qu'il suivait le rôdeur. Il devait forcer l'allure pour rester à son niveau, l'homme avait des foulées plus longues et plus rapides que les siennes.

- Est-ce vrai ce qui se dit ? A propos des Galgals et des esprits qui y résideraient ? On en parle beaucoup pour effrayer les enfants mais certains marchands ou voyageurs rapportent des faits étranges dans le coin. Il paraitrait que ce sont des rois qui sont enfouis là bas dessous. Comme s'il pouvait y avoir eu un royaume ici !

Simon haussa les épaules dans un geste de dédain. Il souhaitait se donner l'air d'un aventurier aguerri et sûr de lui, mais bien des choses lui échappaient en vérité. Il était fils d'un petit commerçant à la boutique chargée de bibelots. Son ordinaire était d'avantage teinté de poussière que d'or et d'argent.

- Vous est-il déjà arrivé de parcourir les Hauts ?

Plus ils avançaient et plus Simon sentait son estomac se serrer. Un noeud fait d'excitation et d'angoisse face à l'inconnu. Et quand il était tendu, il parlait, comme si chacun de ses mots était autant de boucliers ou d'armures pour repousser un ennemi intangible. Il sentit sa dague peser contre sa hanche et le froid mordant de la lame lui arrache un frisson.

Ils avançaient au milieu de prairies parsemées de fleurs et de petits buissons. Les terres étaient utilisées pour le pacage des animaux mais les bêtes n’étaient pas encore venues paître à cette période de l’année. Ils laissaient derrière eux des empreintes dans la poussière du chemin. Il n’avait pas plu depuis de longs jours, et l’air sec irritait la gorge du jeune homme. Plus loin devant eux se dressa une des hautes pierres ancestrales qui indiquait un tumulus. Simon leva le regard sur la stèle et ralentit l’allure. La pierre d’un gris sombre étendait son ombre silencieuse sur les hautes herbes qui dansaient sous le vent. Des vagues vertes animaient les collines au rythme du souffle céleste.

Le rôdeur continua d’avancer comme si de rien n’était. Simon le suivit avec plus de prudence. Rien à l’horizon. Seuls le chant de petits oiseaux venait briser le silence environnant. Pourtant, il lui semblait entendre des voix, lointaines et lugubres, comme si elles venaient des profondeurs même de la terre, surgies du passé.

- Avez-vous entendu cela ?