“Attention serrez les dents ça risque de piquer.”
Sans attendre une seconde de plus l’infirmière versa
la totalité du liquide contenu dans son flacon en verre sur le flanc blessé d’Eofend qui, surpris, lâcha un long cri de douleur ainsi qu’une série de jurons qui ne seraient jamais sortis de sa bouche en temps normal.
“Mais vous êtes complètement folle!
-Ouais on m’dit souvent ça mais j’vous avais prév’nu moi. ‘Faut bien désinfecter.”
Le sous-officier préféra ne pas ouvrir le débat autour du mot “parcimonie” et marmonna quelques excuses après son emportement mais visiblement
la vieille dame qui l’avait pris en charge ne semblait pas si offusquée, comme s’il était habitué à ce genre de comportement. Eofend n’avait pas hérité du meilleur guérisseur disponible ce qu’il avait d’ailleurs expressément ordonné au vu de l’état de ses compagnons qui se trouvaient tous entre
la vie et
la mort. Il s’enquérait fréquemment au sujet de ses hommes blessés auprès du personnel qui bien souvent se contentait de hausser les épaules en ajoutant presque par dépit “ Nous faisons tout notre possible sergent…” Il avait tout de même appris que l’on avait retiré
la flèche fichée dans
la poitrine d’Halgor sans aggraver
la plaie béante ce qui représentait déjà une petite victoire mais rien n’était encore assuré. Plus loin, au fond du bâtiment, on avait placé des rideaux autour du dernier lit sur lequel le capitaine reposait; les infirmiers allaient et venaient sans cesse, une expression tantôt désespérée et tantôt écoeurée sur leurs visages fatigués. Si jamais le pauvre officier était amené à survivre alors il porterait à jamais
la marque de ce massacre en règle; les brûlures faciales qu’il avait subi n’étaient pas réparables, ses traits calcinés et déformés ne devaient plus avoir grand chose d’humain.
L’infirmière, qui s’était entre temps éclipsée pour quelques secondes, revint avec un long bandage en coton pour compresser
la blessure de son patient, ce qu’elle fit avec une délicatesse toute relative qui arracha à Eofend un nouveau grognement de douleur. Le pansement était si serré que le sous-officier avait désormais du mal à respirer convenablement; il s’efforça de garder son calme et signala poliment son gène;
la vieille dame fit mine de réajuster le tout sans que le pauvre blessé ne ressente aucune différence.
Il but quelques gorgées d’eau qui avait un étrange goût amer et se redressa sur sa couche sous le regard réprobateur de l’infirmière qui ne décida toutefois pas d’intervenir, sûrement son meilleur choix jusqu’ici.
Soudain une voix faible mais néanmoins familière monta alors aux oreilles d’Eofend:
“Sergent…”Celui-ci tourna
la tête et aperçut un peu plus loin à sa gauche Méared qui le regardait, les paupières entrouvertes. Il n’était clairement pas “en bon état” mais les guérisseurs avaient fait un travail remarquable en traitant au plus vite ses blessures avant de lui redonner quelques forces.
“Méared! Comment te sens tu?”La question était clairement stupide, cela ne pouvait pas aller bien mais il n’avait rien trouvé de mieux à lui dire.
“Sergent….répondit le jeune
garde ,
il faudra parler au capitaine Learamn.
-Au Capitaine?
- Oui...je crois qu’à présent on la mérite enfin notre prime spéciale.”
Les traits de Méared se tordirent alors étrangement pour former quelque chose qui se rapprochait de ce petit sourire espiègle qu’il affichait constamment. Eofend sourit à son tour, heureux de retrouver celui qu’il avait pensé perdu à jamais . L’heure n’était certes pas aux calembours mais le sergent ne pouvait refuser une lueur d’humanité après tant de barbarie.
Eofend conseilla ensuite au jeune homme de prendre du repos, il ne se fit pas prier et se laissa mollement retomber dans son oreiller. C’est alors que le sergent Dervenn fit irruption dans
la grande salle, se dirigeant d’un pas leste vers le
Garde Royal. Quand le soldat de
la Garde Verte fut arrivé à sa hauteur , Eofend se redressa et les deux hommes se saluèrent chaleureusement.
“Comment les choses évoluent-elles?
-Bah...moi je n’ai pas grand chose à craindre mais je m’inquiète surtout pour mes gars, c’est sérieux ce qu’ils ont.
- Puissent les Valars guider les mains de nos guérisseurs.”
Eofend se renfrogna quelque peu, cela faisait plusieurs fois que le soldat du Roi faisait référence aux Valars, ces êtres que l’on disait supérieurs , voire créateurs mais dont
la majorité des personnes, y compris le sergent d’Isengard, n’en connaissait rien et d’ailleurs ne s’en souciait pas tellement.
La même chose dont il était certain c’était que les Valars ne leur avaient pas été d’un grand secours jusque là. Certaines personnes avaient besoin de se référer à des divinités supérieures pour se donner de l’espoir, une raison d’avancer; Dervenn faisait manifestement partie de cette catégorie au contraire d’un Eofend beaucoup plus sceptique sur
la question. De toute façon ils en savaient bien trop peu tout deux pour être en mesure de lancer un débat sur le sujet.
“Je suis venu vous informer qu’une compagnie est sur le point de partir vers le lieu où les combats se sont produits. Nous allons nettoyer tout ça et récupérer nos morts.”
A ces mots, le
Garde Royal se leva de son lit et après avoir légèrement chancelé se tint droit devant son interlocuteur.
“Alors j’irai.”Dervenn ne semblait qu’à moitié surpris par
la demande de son frère d’armes comme si en venant ici il avait secrètement espéré une telle réaction à l’annonce de cette nouvelle. Il tenta tout de même de s’opposer de manière peu convaincante :
“Mais c’est que vous êtes…
-Blessé? Croyez moi si vous appelez ça une blessure je ne peux rien pour vous. J’ai perdu presque tous mes hommes là-bas et vous croyez que ce sont quelques gouttes de sang perdues qui vont m’empêcher de leur rendre un dernier hommage?”
Il n’en fallait pas plus pour convaincre le soldat du Roi, qui hocha
la tête en signe d’approbation.
“Je comprends Sergent, malheureusement la décision finale n’est pas de mon ressort. Il vous faut parler au Capitaine Osgarsson.
-Je ne demande que cela.”Avec un petit sourire amical, Dervenn lui fit signe de le suivre. Ils sortirent de l’infirmerie en faisant fi des protestations de
la vieille aide soignante qui refusait de voir son patient partir ainsi et se dirigèrent vers l’entrée du camp où un petit groupe de cavaliers s’étaient rassemblés et attendaient visiblement des retardataires avant le signal du départ. Parmi eux deux porte-étendard affichaient fièrement les armoiries d’Orthanc et de l’Isengard. D’un côté cela était normal, les différentes compagnies militaires du Rohan avaient toujours affiché leur appartenance à telle ou telle région en même temps que leur allégeance au royaume. Mais d’un autre côté, pour le cas de
la Garde Verte d’Isengard les choses apparaissaient quelque peu différente depuis l’installation du jeune roi en ces terres. C’était comme si cette faction s’était complètement dissociée du reste de l’armée pour créer un corps militaire indépendant ayant fait scission avec l’autorité centrale d’Edoras, en soi il n’y avait rien d’alarmant mais quelque chose dans ce patriotisme exacerbé et mal placé gênait Eofend qui se retint cependant de tout commentaire.
“Capitaine! Capitaine! Appela plusieurs fois Dervenn jusqu’à ce qu’une silhouette monté sur un majestueux cheval ne tourne
la tête.
-Qu’y a-t-il sergent? répondit l’officier d’un ton dur mais dénué de tout dédain ou méchanceté.
-Le sergent Eofend de la Garde Royale ici présent désire se rendre sur les lieux du carnage à nos côtés et…
-La Garde Royale ah….intéressant.” coupa Osgarsson en portant son attention sur le blessé qui accompagnait son subordonné.
En prononçant les mots
“Garde Royale”, le capitaine eut un rictus peu avenant qui indiquait clairement des antécédents et de mauvais souvenirs.
“Vous êtes un des hommes de main de Mortensen alors? A priori, un soldat d’expérience répondant aux ordres d’un jeune loup catapulté officier supérieur…”Eofend garda son calme malgré
la provocation sans équivoque, il avait une requête et il s’agissait de ne pas tout saccager en réagissant de façon stupide.
“Mon Capitaine, je désire seulement rendre un dernier hommage à mes hommes qui sont tombés pour leur royaume. Je vous en supplie , vous savez ce que c’est de perdre des hommes, j..”Osgarsson le coupa d’un geste de
la main et Eofend crut bien y voir un refus catégorique.
“Inutile de palabrer sergent! Vous venez avec nous mais je compte sur vous pour ne pas nous ralentir.”
Il fixa Eofend d’un regard autoritaire.
“ A notre retour j’aurai quelques questions à vous poser et je vous conseille d’y répondre si vous voulez continuer à jouir de l’hospitalité de notre souverain.”
Sans un mot de plus le capitaine fit éloigner sa monture et prit
la tête du groupe. Au moins Eofend avait obtenu ce qu’il voulait, pas de
la manière
la plus attendue mais peu importait. Dervenn lui tendit les rênes d’un cheval rapidement dépêché pour le
garde royal, ce dernier l’enfourcha prestement et
la petite compagnie partit vers le sud. Les deux sergents chevauchaient côte à côte en queue de peloton.
“Un sacré caractère votre capitaine non?” fit Eofend d’un ton faussement innocent.
Le sous-officier de
la Garde Verte esquissa un sourire.
“Ce n’est pas le plus tendre des supérieurs que j’ai servi c’est vrai mais c’est un homme juste et un guerrier valeureux totalement dévoué au Roi. Ce n’est pas le genre de capitaine avec qui vous vous mettrez à plaisanter mais croyez-moi il ne vous lâchera jamais pour peu que vous vous montrez loyal. Il est connu sous le nom de “La Lice”, le rempart du Rohan ; il est prêt à tout donner pour défendre son pays. En Isengard il est considéré comme l’un des meilleurs officiers des troupes de Sa Majesté. ”
Le
Garde Royal assimila tant bien que mal les informations, ce capitaine lui avait fait bien mauvaise impression quelques minutes auparavant mais il le savait, parfois les apparences étaient trompeuses. L’autre capitaine qui attendait
la mort à l’infirmerie en était le meilleur exemple: si irritant durant toute
la mission avant de prouver sa véritable valeur lors d’une lutte désespérée. Si ce que disait Dervenn était vrai alors “
la Lice “ était peut être un homme de confiance.
Le trajet dura de longues heures sous un soleil de plomb à travers les plaines du Riddermark. A mesure qu’ils s'éloignaient d’Isengard, de son climat frais et de sa végétation luxuriante; alors l’air devenait de plus en plus sec, l’herbe de plus en plus jaune et
la faune de plus en plus rare. Depuis
la fin de l’hiver, une chaleur étouffante était tombée sur le Rohan durant de long mois ; ces dernières semaines il y avait bien eu quelques signes d’amélioration mais le climat était encore loin d’être idéal pour l’activité agricole. Il se disait même que certains éleveurs avaient même décidés de faire migrer leur troupeau vers les territoires nains faute de pâturage. Pour Eofend qui n’était même pas encore convalescent le voyage fut douloureux mais sa fierté personnelle l’empêcha d’émettre
la moindre plainte et il se contenta de serrer fortement les dents.
Au bout de quelques heures ils eurent
la confirmation qu’ils avaient faite bonne route: une nuée de corbeaux noir de jais s’élevait au loin au sommet d’une colline encore fumante. Visiblement gêné par l’odeur de brûlé,
la Lice fronça les sourcils avant de faire signe à ses hommes de se diriger vers
la fameuse butte. Eofend reconnaissait parfaitement l’endroit. Comment l’oublier? Alors qu’ils s’approchaient des lieux, le rythme cardiaque du sergent accéléra considérablement et il fut parcouru d’un frisson comme s’il craignait de découvrir ce qu’il y avait là bas. Pourtant il le savait déjà:
la mort et le chaos. En effet, le spectacle n’était pas beau à voir; des corps étaient éparpillés ça et là sur le sol calciné, tordus dans d’étranges positions. Certains étaient carbonisés, d’autres criblés de flèches ou morcelés. De larges traînées de sang coloraient le paysage d’une teinte grenat sombre. Les charognards ailés qui s’étaient déjà attablés furent chassés par
la Garde Verte à grands moulinets d’épées. En voyant les premiers cadavres Eofend eut un haut-le-coeur et manqua de chuter, ayant remarqué son malaise Dervenn lui posa une main sur l’épaule pour lui manifester son soutien. L’intention était belle mais le soutien moral ne suffisait pas à cicatriser d’aussi profondes blessures. Face à ce macabre décor
la Lice resta de marbre, aucune émotion n’apparaissait sur son visage; le capitaine ferait ce qu’il avait à faire sans laisser ses sentiments interférer. Il avait toujours fonctionné ainsi et c’était cela qui lui avait permis de se faire respecter dans
la hiérarchie.
“Brûlez les corps des brigands et récupérez ceux des nôtres!”Les hommes mirent pied à terre et s’attelèrent à cette tâche de croquemort sans broncher. Ils passaient de macchabée en macchabée pour déterminer s’il s’agissait de l’un de leur frère d’armes ou non puis ils s’y prenaient le plus souvent à deux pour soulever le corps pour soit l’entasser sur
la charrue destinée aux cavaliers tombés soit dans le brasier naissant qu’on avait allumé pour les bandits. Eofend déambulait au milieu de cette agitation comme un zombie, le regard fixé vers le sol à
la recherche de visages connus et amis. Deux soldats passèrent devant lui, portant un corps qu’ils avaient l’intention de mettre au feu.
“Attendez! les hé
la le
Garde Royal.
-Qu’y a-t-il? fit l’un des deux hommes interrompu.
-Cet homme c’est l’un des nôtres, ramenez son corps avec les autres.”Les deux hommes hésitèrent.
“Vous en êtes sûr Sergent? Il ne ressemble pas à un cavalier.
-Car ce n’en est pas un, c’est un pisteur que nous avons engagé pour nous aider à suivre les traces des bandits. Il est valeureusement tombé en se battant à nos côtés.”Il avait reconnu les traits de Starfol dont les yeux vides s’étaient écarquillés dans les derniers instants de sa vie. Une quantité immense de sang s’était échappé de sa gorge tranchée et avait inondé ses vêtement déjà sérieusement becquetées par les oiseaux. Le pauvre homme avait juste était engagé pour une petite mission qu’on avait qualifié de “sans danger” en échange d’une petite bourse qui lui garantissait quelques mois d’existence pour lui et sa famille. Sa femme qui l’imaginait à cette heure encore fringant en train de mâchonner sa pipe en faisant quelques bons mots ne le reverrait plus jamais rentrer. Les deux hommes haussèrent les épaules et changèrent de destination pour déposer le corps du pauvre chasseur dans
la charette.
L’opération dura plus d’une heure durant laquelle Eofend tâcha d’identifier tous les morts rohirrim, il ne parvenait toujours pas à mettre un nom sur les cadavres ; parfois car il ne connaissait tout simplement pas assez le cavalier d’autres fois car les visages étaient trop déformés pour être identifiables. Ce dont il était cependant presque sûr c’est que Bryhn n’était pas ici; il aurait reconnu
la carrure de ce brave colosse entre milles. Une infime lueur d’espoir réchauffa le coeur du sergent; et si il avait survécu et était parvenu à s’échapper de
la mêlée pour aller trouver refuge? Les chances de survie d’un homme blessé et probablement sans montures étaient minces dans cette partie reculée du royaume où les hameaux étaient rares et dispersés mais au moins avaient-elles le mérite d’exister.
L’odeur du charnier humain devenant de plus en plus insupportable, le capitaine donna l’ordre de quitter les lieux. Tout le monde remonta à cheval et
la troupe se remit en route vers Orthanc.
Après quelques minutes de chevauchée
la Lice fit signe du doigt à Eofend de s’approcher, ce que ce dernier fit à contrecoeur. Visiblement l’heure de l’interrogatoire avait été avancée.
“ Sergent... Eofend, c’est bien cela?
-Oui mon capitaine.
-Dites-moi sergent, qui sont ces hommes capables de massacrer une compagnie entière de cavaliers du Rohan?
- A vrai dire nous n’en savons rien; nous pensions poursuivre de simples cambrioleurs pas des guerriers parfaitement organisés.
-Des cambrioleurs? Depuis quand la Garde Royale se charge de poursuivre les auteurs de petits larcins?
-Nous avons reçu un ordre de mission, je me suis contenté de l’appliquer sans discuter. Vous savez comment cela fonctionne mon capitaine.
-En effet je le sais…”Mis à part
la petite remarque moqueuse concernant l’affectation des Gardes Royaux, Osgarsson semblait hautement préoccupé par cette histoire et il s’évertuait donc à extraire d’Eofend tout ce qu’il en pouvait. Il poursuivit
“Mais je sais aussi que Mortensen n’enverrait pas sa garde rapprochée si loin d’Edoras sans une très bonne raison. Une raison personnelle sinon il aurait pu simplement ordonner à des compagnies régulières de s’en charger. Il avait besoin d’hommes qui lui étaient loyaux.
-Il est le Vice-Roi, nous devons tous lui être loyal.
-Bien entendu sergent....Dites-moi sincèrement que transportaient-ils?”Face à l’hésitation d’Eofend,
la Lice insista:
“Répondez sergent! C’est un ordre!”Le
garde royal serra les poings autour de ses rênes ; il venait de recevoir un ordre clair et direct de
la part d’un supérieur et l’insubordination ne pouvait entrer en ligne de compte à ses yeux. Eofend avait toujours placé le respect hiérarchique comme une des valeurs suprêmes dans l’armée et dans le cas présent l’équation était élémentaire: Osgarsson était capitaine, lui sergent. Ce qui se passerait au dessus et plus tard n’était pas censé influer le comportement du sous-officier qui se retrouvait donc dos au mur.
“Ces hommes ont réussi à pénétrer dans les Caves d’Or d’Asthrabal le Bourgeois et y dérober…
-Des artefacts…”Les yeux de
la Lice s’illuminèrent un court instant et il passa machinalement
la main dans sa barbe parfaitement taillée d’un air satisfait.
“C’est donc cela que vous deviez lui ramener….Intéressant. Sa Majesté le Roi avait elle été préalablement mise au courant de la tenue de cette opération?
-Cette question ne relève pas de ma compétence mon capitaine, je l’ignore.”
Si ,effectivement, il n’en savait officiellement rien Eofend était parfaitement au courant que le Vice-Roi n’avait pas pris le temps d’alerter l’Isengard avant de lancer l’opération, il avait fallu agir au plus vite pour rattraper ces bandits et de longues tractations avec les proches du Roi auraient sapé toute chance de succès. Le sergent en avait déjà trop dit à son goût et il passa donc ce “détail” sous silence sans réellement mentir.
“Bien...Merci vous pouvez disposer sergent.”La troupe arriva à destination peu après
la tombée de
la nuit. On plaça les cadavres dans des cercueils en bois que l’on parqua à
la morgue en attendant l’enterrement qui devait être organisé sous peu.
La Lice revint alors vers Eofend et lui fit d’un ton plus clément qu’auparavant.
“Je vous informerai au sujet de leurs obsèques dès que les choses seront décidés. En attendant prenez du repos; ce fut une dure journée pour vous.” Le capitaine tapota alors l’épaule de son subordonné quelque peu surpris de ce geste amical venant d’un homme qui s’était montré si cassant quelques heures plus tôt. Mais Eofend était bien trop épuisé et secoué pour continuer à réfléchir à ce sujet là, il décida donc de retourner à l’infirmerie pour y trouver le sommeil.
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Deux jours se passèrent sans que les choses n’évoluent de manière notable. Eofend récupérait peu à peu , Dervenn était venu l’informer que les funérailles des guerriers tombés auraient lieu le lendemain, Méared avait bien meilleure mine et parvenait même à rester conscient plusieurs heures d’affilée tout en ayant une conversation cohérente, l’avenir d’Halgor était toujours incertain et aucune nouvelle n’avait fuité sur l’état du capitaine au visage brûlé, à priori il était encore vivant puisque les guérisseurs s’affairaient toujours autour de son lit mais on n’en savait rien de plus.
Ce matin là, Dervenn se rendit à l’infirmerie pour prendre nouvelles des gardes royaux; Eofend déjà éveillé malgré l’heure lui partagea son envie de se dégourdir un peu les jambes.
“Dans ce cas là que diriez vous de visiter un peu les lieux comme vous risquez de passer un moment par ici? J’ai un peu de temps devant moi, je pourrais vous servir de guide.”
Les deux sous-officiers sortirent donc de
la baraque en ignorant une fois de plus les protestations de
la vieille dame du personnel et se mirent à marcher dans le camp. Dervenn lui présenta les lieux les plus importants ainsi que d’autres curiosités de l’endroit, ils poussèrent
la visite jusqu'à Orthanc où résidait le cercle restreint des proches du Roi Fendor. Ils se dirigèrent vers les barrières naturelles qui offraient une protection efficace et durable au fief du monarque, c’est là qu’ils aperçurent un groupe de cavaliers qui venait vers le campement. En plissant les yeux, Eofend put distinguer deux fanions: l’un portait les armoiries du Château d’Or , l’autre celles de
la guilde des guérisseurs du royaume. Le coeur du sergent s’emplit alors d’une chaude joie qui lui arracha un large sourire. Face à l’incompréhension de Dervenn, le
garde royale tenta de lui expliquer les choses sans grand succès.
“Il a réussi! Théomer a réussi! Fantastique! C’’est Meduseld qui nous envoie de l’aide!”Les compétences des guérisseurs qui officiaient au palais et les moyens dont ils disposaient étaient bien supérieurs à ceux qui se trouvaient ici, si seulement le Vice-Roi avait dépêché ses meilleurs éléments pour venir secourir à ses hommes. Dame Aelyn n’avait sûrement pas pu se déplacer à cause de son statut important et de sa grosses mais il y a avait d’autres professionnels émérites que le sergent espérait voir dans ce groupe.
L’espoir était peut-être permis.