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 A la Croisée des Chemins

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Lithildren Valbeön
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Lithildren Valbeön

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A la Croisée des Chemins EmptyLun 30 Avr 2018 - 19:04
[ Suite de La Demeure dans les Fondations ]


Lithildren avait longé le fleuve avec le mercenaire. Elle avait lavé le drap et les bandages, à peine arrivés près du fleuve, puis avait découpé une bande de ce même drap. Une fois fait, elle avait préparé un nouveau baume et avait recouvert des bandages secs et plus ou moins propres et du drap à peine humide. Elle avait espéré que cela suffirait à ralentir l'infection, voire à apaiser les souffrances de son nouveau compagnon de route.

En chemin, elle lui avait posé des questions : Quel était son nom, tout d'abord ? Depuis combien de temps connaissait-il Gier ? Quand l'avait-il rejoint ? Que savait-il sur Gier, sa quête, ou même les autres mercenaires avait qui il avait travaillé ? Se souvenait-il de sa vie avant de descendre dans les souterrains ? Combien de temps pensait-il y avoir passé ? Pourquoi était-il en bas ? Connaissait-il un dénommé Gil ? Que savait-il d'autre de pertinent ?

Tant de questions, qu'elle avait posé bien espacées pour ne pas qu'il se sente harcelé. Lithildren avait essayé d'avancer un maximum chaque jour, chevauchant même parfois dans la nuit. Elle avait allumé des feux chaque fois qu'elle avait réussit à pécher quelques poissons, laissant la plus grosse part de ses prises au mercenaire. Elle mangeait aussi, se reposait comme elle pouvait, faisait la garde de nuit avant de sombrer dans le sommeil. Elle avait essayé de se réveiller à l'aube, mais parfois le sommeil qui s'accumulait n'avait pas la même idée en tête.

Elle tâchait de rendre le voyage le plus supportable possible. Quand elle avait pu caser les maigres provisions qui diminuaient drastiquement et les herbes dont la quantité s'épuisait rapidement aussi, elle avait usé du drap comme couverture pour l'homme la nuit, se laissant quant à elle, dormir tout près du feu ou contre le cheval.

Le temps passa, l'état de son compagnon de route se dégradait progressivement malgré les bons efforts de la belle. Elle essayait de le maintenir en vie, de soigner comme elle pouvait son bras, mais s'il n'avait pas de vrais soins l'issue serait inéluctable. Alors qu'elle ne fût pas son soulagement lorsque, après des jours de voyage, les portes de Tharbad se firent plus proches. Elle autorisa un arrêt pour essayer de pécher encore quelques poissons - grâce à ce fameux bâton qu'elle avait taillé en pointe grâce à son épée - pour alimenter le mercenaire.

Lithildren regarda les portes de la cité et espéra sincèrement y trouver les réponses à ses questions. Qui était Gil ? Pourquoi Sadron l'avait envoyé le voir ? Ou la voir. Peut-être qu'à la mention du nom du sage cette personne l'aiderait. Elle devait aussi trouver de l'argent, des soins, et cela n'était pas à sa portée actuellement. Lithildren avait perdu toutes ses possessions et il ne restait que ce qu'elle avait pu prendre à Sadron. Les étapes vers l'achèvement de sa nouvelle quête étaient floues, peut-être Gil éclaircirait tout.

#Lithildren #Gilgamesh
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptyVen 4 Mai 2018 - 15:25
Tharbad. Quelle ville bien étrange.

Les portes de la ville se dressaient entre deux tours de garde modestes, qui accueillaient les visiteurs en jetant leur ombre sinistre sur les plaines marécageuses des alentours. Le soleil avait l'avantage d'assécher la plupart d'entre eux, et de rendre les champs praticables, mais il ne protégeait pas de l'odeur nauséabonde des plantes palustres en décomposition. Traverser cet espace n'était pas un plaisir, et les deux voyageurs ne croisèrent personne en route. Pas de fermiers affairés dans les champs, ni de bergers occupés à faire paître leurs troupeaux. L'herbe était de toute façon trop rare pour nourrir un cheptel. La ville, sise à cheval sur les deux rives du fleuve, se dressait au milieu de nulle part comme un îlot d'humanité dans ces étendues désolées.

Le paysage n'avait rien de charmant, ni de particulièrement attrayant. Il dégageait même quelque chose d'assez angoissant, pour ne pas dire menaçant. Les deux cavaliers jetaient de fréquents regards autour d'eux, conscients que quelque chose pouvait surgir à tout moment et ruiner la fin de leur périple, qui n'avait pourtant pas été une sinécure. Alart, le mercenaire au service de Gier, s'était affaibli de jour en jour, souffrant particulièrement des rigueurs du voyage. La blessure infligée par l'épée de Sadron, que Lithildren conservait soigneusement avec elle, prélevait son dû sur son organisme déjà fragilisé par le temps qu'il avait passé dans les souterrains d'Ost-in-Edhil. Respirer l'air frais lui avait redonné quelques forces, mais à peine assez pour arriver jusqu'à la cité de Tharbad qui se dressait devant eux.

Pour survivre, il avait été contraint de collaborer avec l'Elfe, ce qui n'avait pas été une chose facile pour lui. Élevé dans les alentours des Galgals, au cœur du grand royaume arnorien, il concevait une méfiance particulière pour tout ce qui était surnaturel. Les Elfes et la magie étonnante de Gier étaient pour lui un repoussoir, et il avait davantage servi par crainte que par réelle conviction, même si l'appât du gain avait également joué un rôle. C'était peut-être pour cela que, lorsque Lithildren lui avait offert de parler en échange de la vie sauve, il n'avait pas longuement hésité. Il n'était pas comme Jessp, qui prenait sa mission très à cœur, et maintenant que toute perspective de ramener un trésor chez lui s'envolait, il souhaitait simplement rejoindre son village natal, et ne plus jamais en sortir. Il avait vu assez d'horreurs pour une vie entière.

Alors il avait parlé.

Prudemment, d'abord. Il lui avait confié son nom : Alart, comme son grand-père. Cela n'avait pas été très difficile de l'inciter à parler de lui, de son village, de ses proches. Il n'était pas encore marié, et il comptait sur cette expédition pour faire fortune et trouver une épouse intéressante. Il rêvait d'aventure et de quitter son village « médiocre » qui lui apparaissait tout à coup comme l'endroit le plus sûr de la Terre du Milieu. Il voulait aussi s'occuper de ses deux parents vieillissant. Il n'aurait pas d'or pour leur payer un château, mais au moins reviendrait-il en vie pour travailler la terre et les nourrir lors de leurs vieux jours. Tout ceci, il l'avait confié sans y être véritablement obligé, préférant parler d'autre chose que des sujets les plus délicats. Mais Lithildren n'avait pas longtemps éludé les questions qui lui brûlaient les lèvres, et elle était revenue à la charge au sujet de Gier.

- Il m'a embauché il y a environ deux mois. Je ne le connaissais pas avant ça…

Il se serait souvenu avoir croisé un tel homme auparavant, ça oui. Il ressemblait à un négociant un peu étrange, certes, mais déterminé. Un de ces jeunes idéalistes qui pensent qu'ils peuvent changer le monde à eux seuls. C'était peut-être stupide, mais il y avait chez lui une telle force de conviction qu'il avait réussi à les convaincre de le suivre. Par appât du gain, essentiellement, mais aussi et surtout parce qu'il leur avait montré la carte.

La carte.

Il sentit que cette information piquait l'intérêt de Lithildren, aussi avait-il jugé bon d'en parler un peu plus longuement, pour éviter son courroux :

- Une carte au trésor. Il ne nous a pas dit comment il l'a eue… ni où… ni comment il a réussi à la déchiffrer. Aujourd'hui, je me demande s'il ne l'a pas tout simplement volée, mais qui en Terre du Milieu pourrait détenir une carte aussi rare et précieuse ? Une carte dont même les Elfes ignorent l'existence.

Sa question flotta dans l'air un moment. Hélas, il n'avait pas de réponse à offrir à l'Elfe, et devait la laisser avec davantage d'interrogations. Les autres éléments qu'il trouva à lui communiquer étaient d'une grande banalité. Ils cherchaient des trésors, et avaient pour cela investi beaucoup de temps et d'énergie dans la recherche de ceux-ci. Seul l'appât du gain l'avait poussé à rester, même si rapidement le désir de protéger sa part s'était fait plus fort. A chaque nouvelle victime dans leur camp, la part individuelle augmentait, et avec elle les réactions méfiantes des membres de l'expédition. La lutte violente entre eux n'avait été que la conclusion logique de tout ceci, et une fin tragique pour leurs rêves de richesse. Plus décourageant encore que ces maigres informations était le fait que le mercenaire n'avait pas entendu parler de ce fameux « Gil ». Il n'avait mis les pieds à Tharbad qu'une fois, quand ils avaient traversé la ville rapidement sur la route vers Ost-in-Edhil, mais ils n'avaient pas eu le temps de s'y attarder, et il n'en gardait pas un souvenir très précis.

Ce fut donc une nouvelle découverte pour lui lorsqu'ils arrivèrent près de la grande porte de la ville. A mesure qu'ils approchaient, ils pouvaient voir que la cité de Tharbad avait perdu le lustre qu'elle avait pu avoir dans son passé. Les remparts mal entretenus étaient attaqués par les plantes grimpantes, et se fissuraient par endroit. Quelques rénovations n'auraient pas été de trop, mais une telle entreprise demandait des moyens, de la main d'œuvre, et surtout du temps. Le Rude Hiver avait hélas ponctionné allègrement dans ces trois ressources, et aujourd'hui la principale préoccupation de la ville était de nourrir sa population qui avait largement diminué. Beaucoup de gens avaient fui vers les grandes villes du centre, comme Annúminas, pour échapper à la misère et aux attaques des sauvages qui sévissaient la région de Dun. Aujourd'hui, Tharbad survivait à peine sur ces terres hostiles, loin de tout, et désespérait de voir les marchands du Gondor de plus en plus absents. Depuis quelques temps, on n'en voyait plus beaucoup circuler, comme si quelque chose les retenait dans leur pays. On murmurait que de drôles de choses se passaient là-bas, que des Orientaux malfaisants menaçaient les terres du Haut-Roy.

C'était mauvais pour les affaires.

Du fait des circonstances, le peuple de Tharbad était devenu un peu méfiant vis-à-vis des étrangers, et les portes orientales n'étaient plus ouvertes systématiquement, comme à la grande époque de paix. Trop de menaces s'agitaient pour que l'on pût encore décemment faire confiance à des inconnus, ce qui n'était pas pour servir les intérêts de Lithildren. Alors que les deux cavaliers se tenaient à une petite centaine de mètres seulement, ils virent un petit détachement de gardes de la cité venir à leur rencontre, à cheval. Ils portaient des cuirasses légères, et de longues lances un peu usées, mais leurs regards étaient sévères. Certains allaient tête nue, d'autres avec un casque mal entretenu, et ils n'avaient pas d'uniformes comme on pouvait en trouver dans les grandes cités. C'étaient plutôt des miliciens urbains, qui faisaient leur travail avec zèle contre une rémunération modique.

- Je serais vous, fit Alart avant que les cavaliers ne fussent à portée d'oreille, je ne leur donnerais pas ma lame. C'est un coup à ce qu'elle disparaisse « par accident ».

Le conseil valait ce qu'il valait. Les hommes arrivèrent bientôt, et avisèrent la très mauvaise mine des deux voyageurs. Ils n'avaient aucune raison de se montrer agressifs, mais ils gardèrent quand même une distance prudente, tandis que leur chef s'approchait légèrement :

- Halte là, cavaliers ! Que venez-vous faire dans la noble cité de Tharbad en Arnor ? Si vous souhaitez entrer, remettez-nous vos armes et vos biens pour inspection, et pliez-vous aux lois du Gouverneur. Sinon, faites demi-tour, et que vos dieux vous protègent.


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A la Croisée des Chemins EmptyMar 19 Juin 2018 - 18:06
L'Elfe avait écouté mais n'étais nullement satisfaite des réponses d'Alart. Elle se montra douce et compréhensive, à l'écoute et sans jugements ni pensées. Ce qui n'était pas aisé vu qu'il faisait partie de ceux qui avaient probablement ôtés la vie à Oropher et celle de Sadron. Mais il était utile, et en tant que """Gardienne d'Ost-in-Edhil""" elle se devait de faire ce qu'elle pouvait afin de poursuivre son but.

Ses forces la quittaient autant que l'espoir. Mais sa nouvelle force donnée par une volonté inflexible étaient son pain du jour et son eau de rivière. Néanmoins, la bonne volonté ne suffit généralement pas à remplacer de la nourriture ou de la vraie eau. Même le cheval qu'elle avait prit était fatigué de cette course contre le temps et la mort d'Alart. Mais il tenait le coup.

Donc. Une carte, avait-il dit ? C'était un point non négligeable. Si elle n'était pas une hors-la-loi, elle aurait sûrement demandé de l'aide aux siens. Si elle parvenait à sortir de là en vie, revigorée, armée et avec une forte confiance se dégageant d'elle, peut-être lui accorderait-on un temps de parole. En attendant, ses habits étaient miteux et c'était encore un miracle qu'elle ne soit pas nue tellement ils étaient abîmés, troués et déchirés. Elle était sale, les cheveux en bataille et crasseux.

La seule chose qui marqua les gardes fut son regard déterminé et prêt à en découdre malgré son corps qui n'en pouvait plus. Malgré leur méfiance aux portes de Tharbad, ils se jetaient mutuellement des regards incertains. Ils avaient des ordres et étaient déterminés à les appliquer, mais les talents de bretteurs des Elfes et le regard de celle-ci en valaient la peine ? leur chef, en revanche, n'en était même pas remué. Ses ordres étaient clairs et il n'allait certainement pas laisser cette créature faiblarde le séduire malgré sa quasi-nudité et son air.

Lithildren s'adressa à leur chef d'une voix posée, claire mais dénotant sa force d'esprit. Même si cela ne remua pas le coeur des Hommes...

- Je suis en quête de réponses et je n'ai pas de temps à perdre. Mon compagnon de route est mourant et je ne cherche que le refuge auprès de quelqu'un appelé Gil. Ces lames sont miennes et à vos airs, je gage que vous ne me les rendrez jamais - et j'ai besoin de ces armes - ou alors elles seront revendues, usées par vos comparses ou que sais-je encore. Je ne suis pas là pour me battre et je suivrais n'importe quelle règle de votre gouverneur pour me faire discrète à la condition qu'on me laisse garder mes armes.

Elle fit trépigner sa monture d'impatience, par un jeu de jambes et de mains discret mais efficace. Lithildren avait braqué son regard argenté droit dans celui du chef de l'escouade.
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptyMar 3 Juil 2018 - 21:47
Tenir tête aux soldats de Tharbad sur leurs terres était un pari risqué, que Lithildren avait pris en connaissance de cause. Elle savait que les blessures de son compagnon et son inflexibilité pouvaient gagner la sympathie ou le respect des hommes, et leur permettre de pénétrer dans la cité. Toutefois, comme dans tout pari, il fallait s'attendre à perdre.

- Vous avez peur que nous ne vous rendions pas vos armes ? Pour qui nous prenez-vous, pour de vulgaires voleurs de grand chemin ?

La question était rhétorique, et il n'aurait pas été prudent d'y répondre. Il fallait dire que les hommes, hormis leur attitude confiante et le fait qu'ils vinssent directement de la cité, n'avaient rien qui pouvait véritablement indiquer qu'ils étaient des gardes. Ils étaient mieux équipés que des bandits, mais à peine. En outre, il était préférable de ne pas énerver des hommes qui paraissaient gouvernés par leurs émotions. Il y avait de la colère dans la voix de l'officier, et ses soldats eurent la même réaction d'orgueil blessé. Certains d'entre eux auraient probablement songé à empocher le pactole, c'était vrai. Ils n'avaient pas pu manquer de remarquer la belle lame elfique, et ils savaient qu'ils pouvaient en tirer un prix substantiel sur le marché. De telles armes étaient des bijoux d'orfèvrerie, et bien des marchands auraient payé le prix fort pour mettre la main dessus. Après tout, on offrait de telles armes aux princes et aux seigneurs les plus puissants. Mais désormais, les hommes étaient vexés, et ils n'avaient pas l'intention de laisser une étrangère bafouer leur honneur. Le même répondit :

- J'ignore ce que vous voulez à Gil, et j'ignore quel refuge il pourra bien vous accorder dans son état, mais vous n'entrerez pas ainsi armée dans la cité de Tharbad.

Au moins, Gil semblait exister. Mais les implications des paroles de l'officier n'étaient guère rassurantes, et il n'était pas envisageable en l'état de lui en demander davantage sans contrepartie. Allant plus loin, il enchaîna :

- Je vois bien que votre compagnon est mourant, mais croyez-vous que le sort d'un étranger me préoccupe ? Pour autant que je le sache, vous êtes plus dangereux que celui qui lui a infligé cette blessure.

Ce n'était pas qu'une supposition en l'air. Il avait vu dans le regard de Lithildren qu'il y avait une forme de noirceur en elle, qui n'était pas commune chez les représentants de son peuple. Les Elfes n'étaient pas nombreux à venir à Tharbad, mais il en avait déjà vu dans son existence, et elle ne leur ressemblait en rien. Elle était plus sauvage, plus brutale, et elle ne lui inspirait pas confiance. Qu'elle refusât de se séparer de son arme n'arrangeait pas les choses. Cependant, malgré ses paroles cinglantes, il ne voulait pas simplement les éconduire ainsi. Tendant la main pour leur offrir une seconde chance, il lança :

- Si vous voulez parler à Gil, je peux vous conduire à lui. Mais les lois du Gouverneur s'appliquent à tous, et vous ne faites pas exception malgré vos oreilles pointues et votre arrogance. Déposez les armes, à moins que vous préfériez passer la nuit à l'extérieur des murs. Les Valar seuls savent ce qu'il adviendra de vous alors.

Quelques gardes firent la moue, comme s'ils savaient très bien ce qu'il adviendrait des deux voyageurs. De toute évidence, des choses désagréables rôdaient dans les parages à la nuit tombée, et ils n'auraient pas souhaité à leur pire ennemi de se retrouver hors de la ville quand le soleil cédait la place aux nuages sombres. Alart, dont chaque respiration paraissait douloureuse, répondit, acerbe :

- Vous me laisseriez crever sur le bord de la route ? Je sais pas ce qui vous manque le plus, le cœur ou les couilles…

On repasserait pour la diplomatie. L'officier eut un sourire narquois :

- Je manque seulement de patience, surtout devant la vermine qui amène des problèmes. Avec de la chance, tu te seras vidé de ton sang d'ici demain, cafard. Elle par contre, c'est une autre affaire. Alors elle n'entrera pas à Tharbad armée comme une maraudeuse, pour y faire je ne sais quoi. C'est votre dernière chance, mais réfléchissez bien, les nuits sont fraîches dans le coin.


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A la Croisée des Chemins EmptyMer 4 Juil 2018 - 18:26
Lithildren observa la réaction des hommes. Elle avait au moins attiré leur attention et leur faisait comprendre qu'elle n'était pas n'importe qui ou qu'elle n'était pas une simple voyageuse sortant d'une escarmouche banale sur la route. Elle ferma les yeux quelques secondes, sous le coup de la fatigue. Réfléchir et se tenir aussi droite que ça était un poids insupportable pour son esprit. Elle ne tiendrait pas longtemps et ses choix étaient limités.

Certes, ils avaient l'air de vulgaires bandits, mais ils restaient en supériorité en bien des points - sauf au combat... mais ce n'était pas le sujet. Et Lithildren avait plus urgent à faire que résister ici, avec un blessé et son état sur le dos. Etre sage et obéir était la meilleure façon d'agir.

- Bien. Je n'ai absolument aucune envie de créer un débat politique ou de me comporter comme une arrogante qui s'offusque qu'on lui demande de poser les armes. On m'a demandée d'aller trouver Gil, mais le pourquoi est à la fois privé et déplaisant. J'ai des questions dont je dois trouver les réponses et de mauvaises nouvelles à annoncer. Si vous me conduisez à Gil, je vous laisserais mes armes. Mais à vous seulement. Et j'estime imaginer que si vous savez faire respecter les lois de votre Gouverneur, vous saurez être un homme d'honneur en me garantissant le retour de mes armes, car mon séjour à Tharbad sera, je l'espère, bref.

Lithildren ignora Alart, mais répondit d'une voix cinglante à celui-ci, bien que peu audible par les gardes :

- Taisez-vous. Je vous ai apporté ici uniquement parce qu'il était possible de sauver votre corps et votre âme, mais vous restez mon prisonnier. Je n'ai que faire de votre vie, seules ce que vous savez m'intéresse. Quand vous serez apte à marcher, vous partirez de votre côté. Point. Alors fermez votre bouche si vous ne voulez pas subir le même sort que la caravane de marchands d'esclaves que j'ai décimé.

Oui elle romançait les choses à propos de la caravane, mais l'on devait la prendre au sérieux, et non pas pour une faiblarde. Lithildren soupira de fatigue et détacha sa lame de sa ceinture pour la tendre au chef des gardes.

- Menez-moi à Gil, je vous en prie. C'est... très urgent, et vous n'imaginez pas le bienfait que cela engendrera si vous me rendez mon arme à mon départ. Vous aurez fait peut-être bien plus qu'être un garde. Bien plus.

Elle lui sourit d'un air... amical, sans aucune animosité. Elle était épuisée, faible et il ne lui restait pas grand-chose à part le mince espoir d'arriver à ses fins. Et elle tait capable de tout pour y parvenir, même si cela signifiait prendre des paris risqués et perdre. Mais au moins, elle gravirait la montagne, pierre par pierre, même si elle devait en périr pour cela.
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A la Croisée des Chemins EmptySam 7 Juil 2018 - 12:24
Les gardes ne purent s'empêcher de lâcher un soupir de soulagement, en voyant que l'Elfe acceptait de se plier à leurs directives. Aucun d'entre eux n'avait réellement envie de combattre, et ils savaient que si la guerrière devait succomber sous le nombre de leurs lames, elle trouverait le moyen d'emporter au moins l'un d'entre eux dans sa chute. Personne ne voulait être la malheureuse victime d'une altercation qui dégénérait. Le chef de la petite compagnie perçut bien le ton incisif de la femme quand elle accepta de lui remettre ses effets. Elle escomptait bien récupérer sa lame, et lui mènerait la vie dure s'il ne veillait par sur elle précieusement. L'homme fronça les sourcils, mais c'était bien la seule chose qu'il pouvait faire, car elle avait fini par céder. Il répondit sur le même ton :

- Si le retour de vos armes peut vous aider à partir rapidement, je m'assurerai qu'elles vous soient rendues en l'état et sans difficulté quand vous en aurez fini ici.

Il aurait pu s'arrêter là, mais il jugea utile d'ajouter :

- Le monde est sombre et hostile, mais tous les Hommes ne manquent pas à leur parole, comme vous semblez le croire.

Il la laissa méditer sur ces paroles, et se délecta de voir qu'elle remettait en place son compagnon de route blessé. De toute évidence, ces deux-là ne travaillaient ensemble que par la force des choses, et l'officier de Tharbad sourit en voyant qu'elle n'avait pas particulière l'intention de collaborer avec lui. C'était peut-être une ruse pour les tromper, mais vu leur état respectif, il ne pouvait pas imaginer qu'elle avait dit ça pour les convaincre qu'ils étaient inoffensifs. L'homme blessé n'était pas une menace. Par contre, la femme laissa échapper quelque chose qui n'était pas anodin. Elle évoqua une caravane de marchands d'esclaves qu'elle avait anéantie à elle seule. L'officier regarda ses hommes, dont le regard venait soudainement de changer. Une pointe d'inquiétude fleurit dans leurs yeux, et se déploya comme du lierre, enserrant bientôt leurs tripes. Ils se mirent à observer anxieusement autour d'eux, soudainement mal à l'aise :

- Des marchands d'esclaves, vous dites… Ne restons pas là, rentrons vite à l'abri des murs.

Ils se mirent en route, formant une longue colonne. Lithildren se plaça en tête, aux côtés de l'officier, qui avait de toute évidence envie d'échanger quelques mots avec elle. Alart se plaça au cœur de la colonne, entouré par deux hommes qui veillaient à ce qu'il ne tombe pas de selle. Le sentier de terre laissa bientôt la place à des pavés plus ou moins bien entretenus, qui formaient la Vieille route du sud. Cet axe de communication central faisait la jonction entre le royaume d'Arnor et ses principaux alliés : le Rohan dans un premier temps, et le Gondor par la suite. C'était une artère fréquentée par bien des marchands, dans un passé pas si lointain, mais le Rude Hiver avait frappé, et l'Enedwaith était devenu une terre sauvage et dangereuse. On disait que les Dunlendings s'agitaient dans leurs collines, et des Orcs avaient récemment été aperçus… L'officier de Tharbad, qui s'était présenté sous le nom de Helyes, évoqua rapidement ces différentes menaces à Lithildren, et lui demanda :

- Les marchands d'esclaves ne sont pas courants dans la région. Sauriez-vous m'en dire à plus à leur sujet ? D'où ils venaient ? Où ils allaient ? Il y a quelques villages isolés dans la région, qui auraient besoin d'être prévenus si une telle menace planait sur eux.

Il était sincèrement inquiet, même s'il s'efforçait de conserver une attitude professionnelle et un ton neutre. Les Orcs et les bandits étaient une chose, mais des marchands d'esclaves déterminés s'en prenaient non pas aux récoltes et aux convois : ils s'attaquaient aux plus vulnérables, aux femmes et aux enfants. Ils ravageaient des communautés, et répandaient la terreur partout sur leur passage. En outre, si la mort aux mains d'ennemis brutaux était terrible, personne ne souhaitait voir un de ses proches être réduit en esclavage et emporté vers des terres lointaines. Des pères et des frères avaient mené des expéditions désastreuses pour récupérer des membres de leurs familles, rendus fous par le chagrin et le malheur.

Il la laissa lui dire ce qu'elle savait, essayant d'enregistrer ses maigres informations pour pouvoir faire son rapport à ses supérieurs du mieux possible. Au fond de son esprit, il gardait en tête quelque chose que lui avait dit l'Elfe, et dont il n'arrivait pas à se défaire. Ses derniers mots : « Vous aurez fait peut-être bien plus qu'un garde ». Cette phrase tournait en boucle dans son cerveau, et il ne parvenait pas à penser à autre chose. Faire plus qu'un garde… Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Il avait toujours vu son existence de manière simple : protéger Tharbad, sa famille et ses proches qui y habitaient. Le monde avait connu des heures sombres, menacé par l'Ordre de la Couronne de Fer, mais cet objectif était toujours resté identique en lui. Cependant, maintenant qu'il y pensait, il avait vu de drôles de choses dans sa cité. Des allées et venues d'hommes étranges, et plus récemment cette réunion de plusieurs dignitaires de la Terre du Milieu, qui étaient venus ici pour s'entretenir d'affaires secrètes. Et désormais, cette Elfe qui parlait comme si de son action dépendait l'avenir de l'ensemble de la Terre du Milieu… En faisait-elle beaucoup pour l'impressionner, ou bien était-elle réellement engagée sur une mission de grande ampleur ?

Il n'aurait su le dire.

- Pourquoi voulez-vous voir Gil ? Demanda-t-il tout à coup. Je ne vois pas ce qu'il pourrait avoir à vous apprendre…

Il ignorait si l'Elfe allait lui donner davantage d'informations. Peut-être que tout ce qu'elle entreprenait était marqué du sceau du secret également. Toutefois, si Tharbad devenait un point névralgique où se rassemblaient les défenseurs de la Terre du Milieu, il voulait en savoir qu'il lui était permis. Et peut-être, pour une fois, être plus qu'un garde.

Leur petite troupe arriva bientôt devant les portes de la ville, qui s'ouvrirent devant eux. Ils furent accueillis par de nouveaux hommes d'armes, qui avaient l'air aussi mal équipés que ceux de la compagnie qui était venue à la rencontre de Lithildren et Alart. Ils furent invités à mettre pied à terre, et des palefreniers vinrent s'occuper des chevaux des gardes, tandis que Helyes se présentait face à une sentinelle :

- Mets ces armes en sûreté dans la consigne. Elles seront rendues à cette femme Elfe quand elle exprimera le désir de quitter Tharbad. S'il leur arrive quoi que ce soit, je t'en tiendrai pour personnellement responsable, c'est clair ?

Le jeune homme, surpris par cette menace à peine voilée, hocha la tête et se dépêcha de filer vers la caserne toute proche pour y déposer ces effets. Helyes jeta un regard à Lithildren, comme pour lui dire « j'ai fait ce que vous me demandiez », avant de faire signe à ses subalternes :

- Emmenez cet homme voir un guérisseur, de toute urgence. Il y a de bonnes chances qu'il ne survive pas, mais si quelqu'un arrive à le rafistoler, cela nous évitera de remplir la fosse commune inutilement. Allez.

Sans un mot, ils accompagnèrent Alart, qui avait l'air de plus en plus pâle, si c'était possible. Ils s'engouffrèrent dans une rue adjacente, et disparurent bientôt à la vue de Lithildren et de l'officier, qui se retrouvèrent bientôt tous les deux. L'homme l'observa des pieds à la tête, avant de lâcher :

- Vous avez mauvaise mine. Je vous proposerais bien d'aller vous reposer, mais si vous me dites que c'est très urgent…

Il lui fit signe de le suivre, et emprunta une direction qui les rapprochaient du centre de la cité. Tharbad n'était pas une belle ville. Dans ses pierres mal entretenues, dans ses rues sales et odorantes, on pouvait sentir toute l'histoire de cette cité. Frappée par la peste puis largement inondée à la fin du Troisième Âge, elle avait progressivement été reprise en main par l'Arnor qui avait voulu en faire un point stratégique sur la Gwathló. Comme leurs ancêtres, ils avaient échoué à drainer les marécages, et à assainir les lieux pour en faire une ville prospère. Tharbad survivait grâce au commerce et à sa garnison, mais les deux avaient décliné sévèrement ces dernières années, et cela se ressentait dans l'architecture de la cité. L'état de décrépitude de certaines façades renseignait sur les difficultés des couches les plus pauvres de la population, tandis que la noblesse locale se concentrait au cœur de la cité. Helyes bifurqua avant qu'ils ne pussent voir les bâtiments les mieux entretenus, pour s'enfoncer au contraire dans un quartier marchand qui avait connu des jours meilleurs.

Quelques commerçants ici ou là présentaient des étals à moitié vides, et appelaient des passants qui n'avaient de toute évidence pas assez d'argent pour se permettre de dépenser sans compter. Quelques gamins des rues tendaient la main vers Lithildren, leurs yeux brillant d'admiration en voyant une véritable Elfe passer devant eux. Ils évitaient cependant de trop l'approcher en voyant l'officier de la garde qui se tenait à ses côtés, et qui leur jetait des regards sans équivoque.

- Ça n'a pas toujours été comme ça, fit Helyes.

Tharbad était une cité triste, mais il aimait cet endroit malgré son état de désolation. Il essayait de protéger ce qu'il en restait, en attendant des jours meilleurs. Il se sentait à la fois honteux et fier de sa ville natale, et la présence de l'Elfe renforçait ces deux sentiments qui le déchiraient de l'intérieur. Il s'abstint d'en dire davantage au sujet de la situation de la cité, préférant se concentrer sur sa mission : trouver Gil. Ils traversèrent une place marchande un peu plus animée, puis s'engouffrèrent dans une rue voisine. L'officier avait l'air de savoir où il allait. Il finit par s'arrêter devant un mendiant qui dormait par terre, la bouche ouverte et un filet de bave coulant le long de sa joue. Une bouteille vide avait roulé de sa main recroquevillée comme une araignée morte, et il ronflait bruyamment. Sans ménagement, Helyes le poussa de sa botte, jusqu'à enfin réveiller le malheureux.

- Oh ! Oh ! On se calme, fit ce dernier en grognant. Puis, réalisant à qui il avait affaire, il s'excusa : Toutes mes excuses général !

Il imita un salut militaire ironique, mais Helyes ne se formalisa pas. Au lieu de quoi, il donna un coup de pied dans la bouteille que le mendiant essayait de récupérer pour voir s'il restait quelques gouttes au fond de celle-ci :

- Mince, maréchal… Pourquoi vous m'réveillez comme ça ? Qu'est-ce que vous voulez ?

- Ce n'est pas moi, c'est elle. Apparemment, elle doit te parler de toute urgence.

Il se tourna vers Lithildren, avant de lui lancer :

- A vous de jouer. Je ne sais pas ce que vous voulez à Gil, mais le voilà.

Il recula d'un pas, et attendit patiemment, curieux de voir pourquoi une Elfe dépenaillée, blessée et farouche en avait après un des mendiants les plus célèbres de Tharbad.


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A la Croisée des Chemins EmptySam 7 Juil 2018 - 19:38
Lithildren était épuisée mais elle se dit que tout ça en valait la peine. Elle avait l'air d'une sauvageonne sortie de son trou pour la première, ce qui contrastait fortement avec son épée et son arc de très bonne facture. Elle sourit doucement à celui qui menait les gardes et dû faire preuve d'une sacrée force d'esprit pour rester debout. Les gardes, cela dit, semblaient s'inquiéter soudainement quant à la mention des marchands d'esclaves. Ce que l'Elfe aux cheveux de jais comprenait.

Elle sentait qu'elle avait peut-être trouvé un allié, si en retour elle donnait du sien. Se mettre des gardes à dos par fierté n'était pas souhaitable dans son état et la diplomatie passait aussi par abandonner un peu de soi pour le bien commun. Au moins Alart aurait ses soins et elle aurait peut-être du repos. Elle avait remplit sa part du marché et espérait seulement du bien à ce mercenaire.

Elle marcha en tête avec le dénommé Helyes. Elle lui donna en retour son propre nom, avec un sourire sincère et un hochement de tête. L'Elfe fixa un moment les pavés qui défilaient sous ses pas mesurés et moins graciles qu'à l'accoutumée. Elle était voûtée et repensait à Gier, songeant qu'elle lui ferait volontiers manger ces pavés quand elle aurait mit la main dessus. Elle repensa à tous ces gens morts à cause de lui, d'elle aussi. Son visage passa du sourire, au sérieux, à la haine puis à la tristesse en quelques instants. C'est Helyes qui la tira de sa rêverie.

- Les marchands d'esclaves ne sont pas courants dans la région. Sauriez-vous m'en dire à plus à leur sujet ? D'où ils venaient ? Où ils allaient ? Il y a quelques villages isolés dans la région, qui auraient besoin d'être prévenus si une telle menace planait sur eux.
- Ils sont passés dans le secteur, je ne sais pas où précisément. Ils nous ont surpris au petit matin, moi et mon ancien compagnon de route. Je ne sais pas grand-chose quant à la route, mis à part qu'ils faisaient route vers Minas Tirith pour nous revendre. Un Nain, une jeune Humaine et deux... hommes grands et musclés étaient aussi prisonniers et ils droguaient la nourriture pour nous faire dormir et passer le voyage. J'ai anéantis une grande partie de la caravane quand ils ont quasi mortellement blessé mon ancien compagnon de voyage.

Elle n'entra pas plus dans les détails. Ce n'était ni nécessaire ni plaisant. Helyes n'insista pas non plus et elle l'en remercia mentalement. Le silence s'installa encore un moment. Lithildren laissa son esprit voguer auprès de celui d'Oropher. Elle priait les Valars de l'avoir laissé en vie malgré tout. Gier le faisait peut-être prisonnier en songeant qu'elle le pourchasserait. Si cette éventualité existait, elle ferait tout pour l'accomplir, mais ce n'était plus la priorité de Lithildren. Sa priorité, sa véritable mission était d'accomplir la dernière volonté de Sadron dont les fils avaient sûrement péris eux aussi.

- Pourquoi voulez-vous voir Gil ?Je ne vois pas ce qu'il pourrait avoir à vous apprendre…
- Je l'ignore moi-même, mais j'espère trouver assez tôt les réponses à mes questions.

Elle était sincère. Pourquoi Sadron lui avait donné ce nom ? Elle espérait que Gil comprendrait et lui donnerait ce qu'elle voulait. Une fois aux portes, Lithildren céda son cheval fraîchement réquisitionné aux mains des palefreniers et souhaita le meilleur du monde à Alart avant qu'il ne soit emmené se faire soigner. Elle offrit ensuite ses armes - arc, flèches et lame - à Helyes qui les donna à un jeune garde effrayé de la menace qu'il proféra. Lithildren remercia d'un hochement de tête approbateur son nouvel allié.

Si elle était franche, honnête et qu'elle ne montrait aucun signe hostile, elle gagnerait peut-être la confiance d'Helyes. Elle souhaitait ardemment se laver et jeter ses habits troués qui dévoilaient plus qu'elle ne le voulait. Son esprit et son cœur étaient autant en lambeaux que ses habits. Elle n'avait pas encore pleuré pour tout ce qu'elle avait vécut, pas encore elle n'avait évacué la frustration, sa peine, ses meurtrissures. Elle avait besoin de repos, de nourriture, d'un bain et d'alléger son âme de sa peine immense. Ensuite seulement serait-elle prête à affronter les événements qui suivraient.

La ville de Tharbad était délabrée. Elle n'aurait su dire si c'était une cité ou une ruine, mais les manques de moyens étaient de plus en plus clairs. L'odeur et l'ambiance étaient pesants pour elle, mais elle s'efforça de ne rien faire paraître. Cependant, elle ressentait un pincement au cœur pour Helyes. Elle avait de la peine pour ces enfants qui lui demandaient de l'argent, qu'elle leur aurait volontiers donné avec la bénédiction des Valar. L'Elfe essaya de garder le rythme des pas d'Helyes et de le suivre jusqu'à un mendiant bavant et ronflant.

L'Elfe était... indécise. Elle pensait qu'elle aurait à faire avec un marchand, un bourgeois ou quelqu'un de... plus... enfin. Elle déglutit et attendit que l'homme soit réveillé puis sourit doucement à Helyes quand il recula. Il lui laissa la directive. Alors Lithildren s'agenouilla devant l'homme et soupira doucement.

- C'est Sadron qui m'envoie. Alors qu'il rendait son dernier souffle, il m'a dit de venir vous voir. Alors je suis venue... J'ai besoin de réponses, je vous en supplie...
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptyLun 9 Juil 2018 - 15:50
Gil, l'œil torve, observa Lithildren pendant une seconde. Il parut remarquer qu'il s'agissait d'une Elfe, mais l'alcool qu'il avait ingurgité ne lui permettait peut-être pas de confirmer son observation première. Il cligna des yeux une première fois, une deuxième, avant de laisser son regard glisser rapidement vers Helyes. Comme s'il ne lui faisait pas confiance. Un bref éclair de lucidité, avant qu'il ne répondît sur le même ton espiègle qu'il avait utilisé jusque là :

- Voilà qu'on m'emmène une donzelle ! Pas lavée, pas parfumée, mais elle f'ra l'affaire. Allez ma jolie, viens donc, fais pas attention à ce gros amiral !

Il tendit ses mains maladroites vers la jeune femme, sans vraiment y croire lui-même. L'Elfe aurait très bien pu se défendre toute seule, mais Helyes s'interposa en faisant claquer sa langue. Il avait de la pitié pour les mendiants de la ville, qui survivaient comme ils le pouvaient et s'oubliaient dans la boisson pour ne pas avoir à affronter un quotidien par trop difficile. A défaut d'être honorable, c'était une attitude compréhensible. Toutefois, il ne souhaitait pas voir Gil importuner une étrangère, même si celle-ci lui avait fait une terrible première impression.

- On se calme, Gil. La dame t'a posé une question, contente-toi de répondre.

- Sinon ?

Il se redressa en position assise, et leva le menton fièrement comme un enfant impertinent. Il n'était pas toujours facile de raisonner un ivrogne, mais celui-ci était déterminé à embêter le militaire qui se trouvait en face de lui. L'officier se pencha légèrement et répondit :

- Sinon je m'arrangerai pour qu'on vienne te ramasser et te faire dormir à l'ombre. Et pas de cellule individuelle, cette fois. Alors, tu réponds à la dame ?

La menace fit son petit effet, et trouva un chemin jusqu'à l'esprit embrumé de Gil. De toute évidence, dans un contexte aussi tendu, les petits brigandages étaient monnaie courante, et les prisons devaient déborder. Il n'était pas recommandé de devoir y faire un tour, et Gil n'avait pas particulièrement envie de se retrouver au milieu d'une cellule remplie de gens violents prêts à lui faire passer un sale quart d'heure. Il n'était pas encore assez ivre pour avoir perdu son instinct d'auto-conservation.

Se tournant vers Lithildren, qui attendait toujours sa réponse, il lui jeta :

- Vous avez dit qu'il s'appelait comment, votre type ? Sadron ? Désolé, jamais entendu parler. Mais si j'peux vous renseigner sur autre chose…

Son sourire s'élargit, dévoilant un sourire amputé de quelques dents. L'invitation n'était pas du goût de Helyes, qui mit fin à l'entrevue sur un ton sec en pointant son doigt vers le mendiant :

- Assez de temps perdu, Gil. Tu ferais mieux de te tenir à carreaux, car ton comportement m'agace.

- D'accord, m'sieur le sénéchal, d'accord.

Il leva les mains comme un prisonnier clamant son innocence, et l'affaire en resta là. Helyes semblait vouloir l'impressionner plus qu'autre chose, et il fit comprendre à Lithildren qu'ils pouvaient s'en aller. De toute évidence, ils ne tireraient rien de plus du mendiant qui leur adressa un salut ironique de la main alors qu'ils s'éloignaient. Ils revinrent sur leurs pas, traversant les mêmes rues peu rassurantes. Quelques regards les accompagnèrent, mais les gens d'ici avaient le front bas et la mine grise. Une étrangère de plus ou de moins ne les intéressait pas, si elle n'était pas prête à dépenser de précieuses pièces d'or. Helyes n'avait pas vraiment besoin de lui poser la question pour savoir où serait sa prochaine destination, et il préférait ne pas trop déranger la femme Elfe à ses côtés, qui paraissait ruminer quelque chose. De toute évidence, elle n'était pas heureuse de ne pas avoir la réponse à ses questions, et elle était plongée dans un mutisme qui trahissait son agitation intérieure. Soit. Il la conduisit sans mot dire jusqu'à une petite auberge frappée d'un sanglier, et la ramena à la réalité en lâchant :

- Vous dormirez convenablement ici, si vous avez ce qu'il faut pour payer votre place. Quelques punaises de lit, mais rien de méchant. Si vous demandez au patron, il vous pourrez lui acheter une tenue plus… décente.

Helyes posa les yeux sur Lithildren, sans s'émouvoir outre mesure de sa mise. Il avait une épouse qu'il aimait beaucoup, et il n'avait jamais été attiré par les aguicheuses qui en révélaient trop. Il était comme ça. Il se permit d'ajouter, à titre de précaution :

- Pas sûr qu'on vous trouve quelque chose à votre goût, cela dit.

Il haussa les épaules sans donner davantage de précisions, avant de prendre congé :

- Maintenant que vous avez parlé à Gil, je suppose que vous ne vous éterniserez pas longtemps ici. J'enverrai un garçon vous porter des nouvelles de votre compagnon de route demain matin… si vous êtes encore là.

Il ne se cachait même pas de vouloir la voir partir de sa ville dans les plus brefs délais.


~ ~ ~ ~


Trouver un lit et un baquet d'eau chaude relativement propre n'avait pas été aussi long qu'on aurait pu le penser. L'état de Lithildren invitait à la sollicitude, et le tenancier n'était pas un homme mauvais ou manquant de cœur. Ainsi, pour la première fois depuis des lustres, elle avait pu se laver en profitant d'un pain de savon, objet précieux pour quiconque avait vécu ce que l'immortelle avait vécu. Le lit n'était certainement pas digne d'un prince, mais le confort d'un matelas – même de piètre qualité – surpasserait toujours celui de la pierre dure et froide d'une caverne. Lithildren était arrivée dans la soirée, et la nuit ne tarda pas à tomber sur la cité de Tharbad. Par la fenêtre de sa chambre, elle pouvait voir le soleil disparaître progressivement derrière les murs de la ville, et bientôt elle fut elle-même gagnée par le sommeil.

Au beau milieu de la nuit, cependant, elle fut réveillée par un bruit inquiétant. Un bruit discret pour qui n'avait pas l'ouïe exceptionnellement développée des Elfes, mais qui parvint tout de même à la tirer de son sommeil. En ouvrant les yeux, elle put voir une silhouette dans sa chambre, qui se déplaçait furtivement depuis la porte vers la fenêtre. Il s'agissait d'un homme, à en juger par sa démarche, qui faisait de son mieux pour se montrer silencieux.

Raté.

Il tira doucement les rideaux de la chambre, obscurcissant encore l'atmosphère, avant de se retourner vers Lithildren. Avait-il vu qu'elle ne dormait pas, ou prenait-il seulement l'initiative pour ne pas l'effrayer au réveil ? Difficile à savoir. Quoi qu'il en soit, il se mit à parler à voix basse, mais suffisamment fort pour être entendu :

- Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un comme vous vient à Tharbad.

L'homme se déplaça, et alluma une petite bougie qu'il posa sur l'unique table qui occupait la pièce. Le halo révéla son visage. Un visage que l'Elfe connaissait pour l'avoir déjà vu plus tôt dans la journée.

Gil.

Le mendiant se tenait là, mais il ne ressemblait plus guère à un ivrogne vautré au milieu de la route. Il avait retrouvé un peu de dignité, et surtout il paraissait être beaucoup plus alerte, concentré. Sa voix avait changé également, sa manière de parler aussi. Il n'était certainement plus le même homme.

- Une Elfe, rien que ça… Mais vos jolies oreilles pointues ne font pas de vous un modèle de vertu. Qui êtes-vous, et que voulez-vous ?

Alors que Lithildren remuait pour se mettre dans une position plus confortable, Gil sortit de sa poche une arme légère, une de ces petites arbalètes que l'on trouvait dans le sud. Trop peu puissante pour être utilisée sur un champ de bataille, mais idéale pour les assassins. A cette distance, et compte-tenu du fait que la jeune femme ne portait pas d'armure, le coup serait assurément mortel.

- Restez calme, et gardez les mains bien en vue, c'est compris ?

Il ne souriait pas du tout, mais à l'exception de son arme brandie, rien dans son attitude n'évoquait une quelconque agressivité. Il avait l'air… curieux. Comme s'il se demandait sincèrement qui elle était, et pourquoi elle était venue le trouver. S'il avait trouvé le moyen de s'introduire dans sa chambre à la faveur de la nuit, c'était parce qu'il voulait des réponses à ses questions au moins autant qu'elle.


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A la Croisée des Chemins EmptyLun 9 Juil 2018 - 19:47
Lithildren s'était tue. Sa jolie voix s'était éteinte dans sa gorge et elle aurait pu pleurer si elle avait pu.

Tout ça pour rien.

Tout ce voyage, ces sacrifices, ce temps perdu... pour rien. Elle avait du mal entendre le nom que Sadron lui avait donné. Ca pouvait être quelqu'un d'autre, quiconque, autre chose... Peut-être même pas une personne, en fin de compte, mais un nom de code ? Peu importait. L'esprit de Lithildren venait de se briser comme le verre. Un petit château de confort et de volonté franche venait de s'écrouler en elle et la profonde peine qu'elle ressentit la fit basculer sur les fesses. Ses épaules s'affaissèrent, son air perdit toute trace de joie ou d'espoir, de volonté ou de détermination.

Minée, elle referma son esprit comme l'on referme une porte après une séparation douloureuse. Elle s'était sur-estimée et s'en voulait. Son air vague ne faisait que renforcer son apparence désastreuse de vagabonde et d'errante... ce qu'elle avait été depuis très longtemps. A peine de plus de quatre siècles d'existence et aucun jour n'avait été utile à quelque chose... Tout ça avait été vain. Sa recherche de vérité, son statut d'hors-la-loi elfique, la mort de tant de gens... Tout ça pour du vent. Des rêves futiles d'une Elfe amnésique. Elle avait l'impression de n'être que bonne à retourner sur la route et à y périr sans obsèques ni honneurs funèbres. Même Oropher n'avait pas eu ce droit.

Helyes l'emmena loin de Gil. Il parlait, elle écoutait vaguement. Oui, elle serait partie le lendemain mais aucun son ne put sortir de sa bouche. Avec ce qu'elle avait enduré, un rien pouvait la satisfaire : même un bout de pain paraîtrait divin.

¤ ¤ ¤ ¤

Lithildren bénit les Valar d'avoir eut le droit à un peu de savon dans son bain. Elle resta longtemps, longtemps dans ce simple baquet d'eau tiède à peu près propre avec ce pain de savon. Elle fixa ladite chose pendant de longs instants, pensive, comme s'il s'agissait d'un cadeau des Valar en personne. Elle passa un temps infini à retirer le sang, la crasse, la boue, la sueur, tout ceci de sa peau délicate. Elle prit même le temps de laver ses cheveux comme elle le put. Et après cela, elle paressa dans ce baquet jusqu'à ce que l'eau soit gelée et qu'elle se mette à trembler de froid.

Le tenancier avait été... plus généreux qu'elle ne l'aurait espéré. Il avait trouvé pour l'Elfe des habits de cuir très simple de facture moyenne mais elle avait été absolument ravie d'avoir quelque chose de mieux que ses loques. Au moins elle se sentait habillée, à présent... Le matelas était miteux mais elle était bien plus à l'aise dans ce confort que dans une grotte...

Entourée des draps du lit, elle observa le ciel longuement. Jusqu'à ce que la nuit soit noire. Elle avait à peine mangé mais c'était suffisant. Elle s'endormit dans ce lit rapidement, bercée par une sensation de sécurité restaurée malgré son moral complètement miné par la journée.

Dans ses rêves, elle entendit des bruits. Comme une canne sur du bois. Non, des pas. Ses oreilles frémirent et elle ouvrit discrètement un oeil. La silhouette qu'elle vit la fit se tendre. A peine arrivée en ville qu'on voulait déjà l'assassiner ? Elle n'avait pas d'arme... L'Elfe attendit. Il ferma les rideaux puis alluma une lampe.

Gil.

Le perfide... Il en savait plus qu'il ne le montrait. Il ne voulait juste pas que le maréchal le sache... Futé. Lithildren devait reconnaître que le geste était habile. Il s'approcha, parla. La belle aux cheveux noirs désormais bien elfique en apparence s'assit sur le lit, enroulée dans ses draps. Elle planta son regard d'argent dans celui de Gil.

- Sadron est mort dans mes bras. En mourant, Sadron m'a dit de vous trouver, que vous comprendriez... Elle bougea pour aller chercher le journal que Sadron lui avait donnée. Il pensait que vous pourriez m'aider... Un sorcier appelé Gier a mené des fouilles dans les ruines d'une antique cité elfique et a trouvé quelque chose qui... qui le rend plus puissant que vous ne sauriez l'imaginer. Il s'est cependant enfuit avec cet anneau et... et j'ai besoin d'aide pour comprendre, savoir qui est Gier, puis le traquer et le détruire.

Lithildren baissa les yeux et serra les mains sur le journal de Gier.

- S'il vous plaît, je ne sais rien de plus que ça, croyez-moi...
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A la Croisée des Chemins EmptyLun 9 Juil 2018 - 22:00
Gil fronça les sourcils, en écoutant le récit de Lithildren. Il n'aimait pas véritablement ce qu'elle lui racontait. Il n'avait été le type à croire aux contes de fée, et tout ce qui avait un lien plus ou moins proche à la magie l'effrayait. Il n'avait pas envie de finir en changé en une bête bizarre, ou bien terminer son existence esclave de la volonté d'un mage au chapeau pointu et à la longue barbe. Ça non. Il préférait encore vivre en ivrogne, au fond des rues de Tharbad. Aussi, quand l'Elfe acheva de lui parler, il resta un long moment silencieux, parfaitement immobile dans la pénombre. La bougie jetait sur son visage des lueurs menaçantes, mais paradoxalement on lisait sur ses traits marqués par la vie une forme de lassitude. Celle d'un homme qui en avait trop vu, trop fait, mais qui continuait malgré tout à accomplir son devoir avec un acharnement confinant à la folie. Ses yeux plongèrent droit dans ceux de l'Elfe, alors qu'il essayait de déterminer s'il pouvait lui faire confiance. Il n'était pas facile de jauger les gens de son espèce, mais contrairement à ses semblables, elle avait l'air moins hautaine et moins glaciale. Sans doute que les épreuves traversées avaient contribué à lui remettre les pieds sur terre. C'était souvent comme ça, avec ceux qui acceptaient de sortir de leurs jolies forêts et qui se confrontaient à la réalité de la Terre du Milieu. La violence, la mort, la guerre, et tous les malheurs qui les accompagnaient. Il fallait des épaules solides pour encaisser tout cela sans broncher, et Gil n'avait encore jamais croisé quelqu'un qui y parvînt sur le long terme. Les plus endurcis mouraient jeunes, et les plus vulnérables allaient chercher un refuge quelque part. Loin de tout. Il aurait peut-être dû faire pareil.

La femme Elfe aussi.

Elle avait l'air désespérée. Désespérée, et perdue. C'était ce qu'il avait vu dans son regard quand il lui avait dit qu'il ne connaissait pas l'homme qu'elle cherchait. Elle n'avait pas été en colère, pas agacée comme l'officier de la garde. Seulement désarmée, comme si tout à coup le centre de son univers s'écroulait. La dernière chose qui la faisait tenir sur pieds venait de disparaître, balayée, et elle n'avait pu que s'éloigner bêtement en compagnie de Helyes. En la regardant partir, Gil n'avait pas pu s'empêcher d'éprouver une pointe de curiosité.

Qui réagissait comme ça ?

Il s'humecta les lèvres, et prit une profonde inspiration, avant de lâcher sur un ton solennel :

- Je suis désolé… Je ne connais pas votre Sadron…

Désolé, il l'était sincèrement. Il avait l'impression d'infliger un nouveau choc à l'Elfe, alors qu'elle n'avait clairement pas besoin de ça. Avec ce qu'elle avait vécu, elle n'avait pas besoin d'être poussée pour tomber. Elle s'était lavée, et elle avait retrouvé un peu de dignité, mais cela ne changeait rien à la fragilité qui se dégageait de tout son être. Une petite poupée de cire, prête à rompre. Gil, conscient qu'il n'était pas utile de la menacer davantage, rangea son arme dans la poche d'où elle était sortie, et enchaîna :

- A dire vrai, je ne comprends rien à vos histoires. Des sorciers, des anneaux, des ruines… Je ne touche pas à ces choses-là, figurez-vous.

Il se dirigea vers la porte, comme s'il allait tout simplement quitter la pièce en laissant Lithildren plantée là, son journal dans les bras. Toutefois, il s'arrêta devant l'huis, et se tourna vers l'Elfe avec une mine amusée qui correspondait davantage au personnage qu'elle avait pu observer la veille :

- Par contre, je connais quelqu'un qui s'intéressera à votre baratin. Allez, venez avec moi, il nous attend.

Il avait décidé de la croire. Comme ça, spontanément. Il n'était pas payé pour avoir des raisons objectives, il était payé pour son intuition. Et son intuition était souvent bonne. Il y avait des choses qu'on ne pouvait pas expliquer, et son talent en était une. En attendant, il pressentait que l'Elfe était sincère dans son propos, et qu'elle n'essayait pas de le rouler dans la farine. Un bon point pour elle, sinon elle serait repartie avec un carreau d'arbalète en plein cœur, et des regrets d'avoir essayé de lui mentir. Il la laissa enfiler ses bottes précipitamment, et rassembler ses affaires. Elle veillait en particulier sur ce petit journal qu'elle gardait précieusement contre elle, comme un totem. Gil n'aurait pas su dire ce qu'il contenait, mais c'était de toute évidence important. Pour cette raison, il choisit de ne pas poser d'autre question à ce sujet, préférant tout simplement éviter de se mêler de ce qui ne le regardait pas.

Quand l'Elfe fût prête, il lui fit signe de le suivre discrètement, et ils quittèrent bientôt l'établissement, deux ombres dans la nuit fraîche de Tharbad. Gil était un peu plus petit qu'elle, mais ses petits pas énergiques le portaient rapidement vers l'avant, sans qu'il parût hésiter le moins du monde quant à leur destination. Il regardait par-dessus son épaule régulièrement, et fit quelques tours et détours pour s'assurer qu'ils n'étaient pas suivis. Entre temps, il se plut à faire la conversation à voix basse, sans pour autant se laisser distraire de sa surveillance active des environs :

- Désolé pour tout à l'heure, fit-il. Vous savez… les remarques, tout ça… C'est le personnage qui veut ça…

Il haussa les épaules, bifurqua une nouvelle fois. De toute évidence, Gil ne faisait pas confiance à Helyes pour des raisons qui échappaient encore à l'Elfe. Il n'avait pas voulu parler en sa présence, même si l'officier avait semblé disposé à aider. Difficile de savoir pourquoi, mais l'histoire entre ces deux hommes n'était pas récente, et ils avaient peut-être un contentieux latent. Ou autre chose. Le mendiant continua à parler de choses et d'autres, prenant surtout soin d'indiquer à celle qui le suivait quand se baisser, quand s'arrêter, et quand se taire. Il semblait connaître chaque recoin de la ville, allant jusqu'à savoir qui dormait à quelle heure dans telle bâtisse, et qui était susceptible d'avoir l'oreille attentive au beau milieu de la nuit. La prudence ne semblait pas être un simple effet pour impressionner l'Elfe, car les deux fois où ils entendirent une patrouille approcher, Gil se montra particulièrement tendu.

Il finit par s'arrêter à l'arrière d'une maison, et plongea la main dans le fond de son pantalon sans égards pour la décence. Il en sortit une petite clé abîmée, qui lui servit à ouvrir ce qui ressemblait à la porte extérieure d'une cave. Elle mesurait moins d'un mètre de haut, et plongeait dans les sous-sols de la ville, si bien qu'ils durent se pencher largement pour pénétrer à l'intérieur. Sans attendre, Gil prit la main de Lithildren, et lui souffla :

- Baissez la tête, et ne faites pas de bruit.

L'obscurité était totale ici, au point que même les yeux de l'Elfe ne pouvaient rien discerner dans la nuit absolue qui l'entourait. Pas un rayon de lumière pour venir lui donner un aperçu de ce qui pouvait l'entourer. Le sol était meuble, probablement de la terre, mais c'était tout ce qu'elle pouvait percevoir. En tendant les doigts, elle pouvait toucher ce qui ressemblait à un mur, dont les parois avaient été taillées dans une pierre poreuse qui s'effritait facilement. Pour le reste, elle devait faire confiance à ses sens, ayant totalement perdu celui de l'orientation en plus de la vue.

- Attention à…

Il y eut un bruit de choc, et Lithildren put deviner la fin de la phrase, au moment où une poutre basse venait embrasser son front. Elle ne marchait pas assez vite pour se blesser sérieusement, mais la sensation ne devait pas être agréable. Gil n'ajouta rien, mais son silence moqueur était presque aussi éloquent que s'il avait éclaté de rire. Il la conduisit ainsi pendant un temps qui parut durer une éternité, avant de s'immobiliser finalement au milieu de nulle part. Il lui fit signe d'attendre, et lâcha la main de l'Elfe, qui tout à coup se retrouva parfaitement esseulée au milieu de nulle part, dans les ombres. Le passage s'était sensiblement rétréci depuis qu'ils l'avaient emprunté, et l'impression d'être enfermé était saisissante. De quoi raviver des souvenirs.

Il y eut bientôt quelques coups portés contre un objet en bois, et au-dessus de leurs têtes ils entendirent bientôt des bruits de pas. On s'activa à faire glisser quelque chose, puis tout à coup la lumière envahit leur boyau. Une figure féminine les observa depuis la surface, tandis que Gil, le pied sur le premier barreau d'une échelle, commençait à monter. La jeune femme, une humaine de toute évidence, lança un regard un peu méfiant à l'Elfe. Elle ne fit aucun commentaire cependant, et s'effaça pour laisser passer le mendiant qui lâcha un soupir de soulagement. Lithildren le suivit bientôt, et se retrouva dans un réduit, au milieu de tonneaux. L'un d'eux avait probablement servi à verrouiller l'entrée du tunnel secret, car la jeune fille s'appliqua à le remettre en place. Elle avait de longs cheveux roux, et quelque chose en elle respirait la tristesse et la souffrance, sans qu'il fût possible de déterminer pourquoi. Elle avait des traits beaux, mais son visage marqué par l'affliction aurait été mille fois plus attirant avec l'ébauche d'un sourire. Or, elle ne paraissait pas capable d'accomplir un geste aussi simple. En silence, elle les conduisit vers une autre pièce, à l'étage, et ils remontèrent finalement dans ce qui ressemblait à une maison plongée dans la pénombre.

Une grande maison.

Ils avaient à l'évidence quitté les quartiers les moins bien famés de la ville, et s'étaient rapprochés de son centre, là où l'on trouvait les habitants les plus fortunés et les plus riches. Cela ne semblait pas être la demeure de Gil, qui prenait soin de suivre leur hôtesse et de ne rien toucher ni salir. Il était aussi étranger à cet univers que pouvait l'être Lithildren, et il avait perdu un peu de sa superbe. La jeune femme les conduisit à travers un haut d'entrée de belle dimension, avant de les conduire dans un salon intimiste. Aussi intimiste que pouvait l'être une pièce capable d'accueillir une vingtaine de convives, naturellement. C'était un beau salon, décoré modestement mais propre et bien rangé. Un homme âgé était assis dans un fauteuil, mais il ne tarda pas à se lever en voyant approcher ses invités. Le mendiant retira son chapeau et inclina la tête devant le maître des lieux, avant de les annoncer :

- Monsieur, c'est la personne dont je vous ai parlé… Euh… Je pense qu'on peut lui faire confiance.

- Je ne doute pas de votre jugement, répondit le vieillard. Madame, j'ai cru comprendre que vous me cherchiez.

Sa phrase sonnait comme une question, mais c'était en réalité une affirmation. Il l'observait sans sourciller, pas plus impressionné par sa qualité d'Elfe que par le danger potentiel qu'elle pouvait représenter. Il en avait vu d'autres, de toute évidence, et malgré son âge il ne paraissait pas souffrir de la fatigue de devoir rester éveillé si tardivement. Il l'invita à s'asseoir, et fit signe au mendiant de les attendre dehors. La jeune femme rousse, elle, resta dans la pièce.

- C'est moi, Gil… Mon ami me sert de couverture, et me permet de filtrer les individus qui me recherchent. Vous n'imaginez pas combien de personnes courent après moi. Du thé, peut-être ?

Il sourit, et se versa une tasse, en proposant une autre à Lithildren par la même occasion.

- Maintenant que vous connaissez mon nom, aurais-je l'opportunité de connaître le vôtre ? Ainsi que la raison de votre visite, peut-être ? Je vois que vous amenez un carnet qui m'a l'air fort intéressant avec vous… je suppose que tout ceci est lié à la mort de Sadron.

Contrairement à Gil le mendiant, Gil le vieux semblait beaucoup plus affecté par cette nouvelle. Sa voix vacilla très légèrement à la mention de l'Elfe qui s'en était allé rejoindre Valinor, et il s'en expliqua brièvement :

- Je connaissais bien Sadron. Je n'aurais jamais pensé qu'il quitterait la Terre du Milieu avant moi… Dites-moi comment il nous a quitté, je vous prie. Et n'épargnez aucun détail. Je sens que vous avez en vous une longue histoire, mais je devine que si mon vieil ami vous a envoyé vers moi, cela vaut la peine que je vous écoute attentivement.

Il leva sa tasse, comme pour trinquer, passant implicitement la parole à Lithildren. Derrière cette dernière, la jeune femme rousse prit place sur une chaise, croisant ses jambes fines pour écouter le récit qui serait fait avec grande attention.

La nuit risquait d'être longue.


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A la Croisée des Chemins EmptyVen 13 Juil 2018 - 19:28
- Je suis désolé… Je ne connais pas votre Sadron… A dire vrai, je ne comprends rien à vos histoires. Des sorciers, des anneaux, des ruines… Je ne touche pas à ces choses-là, figurez-vous.

Elle fut déçue une fois de plus. Ses épaules s'affaissèrent à nouveau et elle baissa le regard. Donc tout espoir serait perdu ? Elle ne saurait y croire...

- Par contre, je connais quelqu'un qui s'intéressera à votre baratin. Allez, venez avec moi, il nous attend.

Uh ? Comment ? Lithildren se redressa. Elle sortit du lit et profita qu'il soit retourné pour se rhabiller à une vitesse ahurissante. Bottes, haut, pantalon, elle enfila sa nouvelle tenue avec hâte. La motivation allait et venait puisqu'elle n'avait que ça désormais à elle, pour elle. Elle refit rapidement le baluchon autour du journal pour le cacher, serrant cet objet contre elle avec une force digne d'un volonté infaillible de vivre.

Gil et elle se glissèrent dans la nuit. La fraîcheur caressa sa peau propre et elle sentit une vigueur nouvelle s'instiller au fur et à mesure qu'ils marchaient dans la nuit. Elle sourit à Gil à ses excuse, le rassurant qu'elle comprenait tout à fait. Elle se doutait bien qu'on ne pouvait guère faire confiance aux autorités, avec le monde devenant aussi fou que lors des guerres longtemps auparavant.

Ils s'arrêtèrent devant une maison. Elle regardait autour alors que Gil lui prenait la main subitement et l'entraînait avec elle. Sans y faire attention, elle se prit une poutre dans le front et lâcha un "Aïe" alors qu'elle s'était figée. Elle vit clairement l'expression de Gil. Et laissa échapper un petit rire quant à la situation quelque peu cocasse, elle devait bien l'admettre. Cela sembla détendre un peu l'atmosphère et ce ne fut pas pour déplaire à l'Elfe.

Lithildren avança avec Gil, peu rassurée. Depuis les couloirs sombres sous les ruines, elle avait du mal avec les endroits étroits et sombres. Lithildren se sentit projetée à quelques jours plus tôt, quand elle et Oropher fuyaient Gier... Elle crut ressentir la peur de la mort, l'angoisse d'être seule et enfermée, l'angoisse de ne plus voir la lumière... Cela dit, de cette expérience, elle en était ressortie avec une meilleure vision dans l'obscurité. Mais l'angoisse, elle, la prenait aux tripes. C'est pour cela qu'elle se paralysa lorsque Gil la laissa seule avec son angoisse. Elle respira, mais semblait replonger dans un état second de peur. Elle voulut soudainement hurler de peur, se rouler en boule et pleurer. Ce qui expliqua son petit cri quand elle entendit quelque chose glisser. Ça lui rappela trop cet humain hybride, changé en créature immonde, qui avait essayé de la dévorer. Elle couina, et dès qu'elle put, se jeta vers la lumière.

Lithildren se ressaisit en se raclant la gorge. Elle observa le salon avec attention, les yeux écarquillés. Elle n'avait pas vu de belle décoration depuis Imladris. Cela remontait à si loin... Enfin telle était son impression. Lithildren observa le véritable Gil, bouche bée. Les mots manquaient à l'Elfe aux cheveux de jais, qui restait sans voix face à cette... révélation. Elle s'assit, quoiqu'un peu lourdement, sur le fauteuil que lui montrait le vrai Gil. Elle cligna doucement des yeux en appréciant le soudain confort immense. Elle accepta timidement la tasse de thé et la prit doucement dans ses mains, humant la doux parfum émanant de la boisson. L'Elfe retombait à Imladris pendant sa courte période de paix intérieure.... avant de retourner dans la réalité.

Alors LUI connaissait Sadron. Elle en était à la fois soulagée et attristée. Il lui demanda d'expliquer sa venue. Son récit, en somme. Lithildren but une gorgée de thé, doucement, posant le journal sur ses genoux, de sorte que Gil le voit.

Puis elle raconta son histoire depuis la caravane des marchands d'esclaves jusqu'à la mort de Sadron, avec tous les détails morbides. Son récit était précis, complet et elle laissa traverser ses émotions dans chaque parole. Elle ne s'arrêta pas une seconde pour penser, juste pour boire un peu de son thé. Elle n'omit aucun détail, pas un seul et glissa même quelques pensées.

Son récit dura plusieurs heures... Et elle ne donna son nom qu'à la fin. Lithildren.
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptyMar 17 Juil 2018 - 9:32
Pour Gil, il n'était pas d'heure trop tardive pour discuter de telles affaires. En dépit de son âge relativement avancé, il conservait un certain dynamisme, une énergie assez incroyable qui lui permettait de rester à la fois actif et concentré. Son corps lui faisait parfois défaut, et il usait plus qu'il l'aurait voulu de certaines plantes censées contrer la douleur que ses articulations lui infligeaient, mais son esprit demeurait acéré et clair. Il n'avait rien perdu de sa vivacité, et ceux qui le côtoyaient quotidiennement avaient pu relever que, depuis quelques mois, il paraissait même encore plus lucide et déterminé qu'auparavant. Des forces étaient en mouvement dans les profondeurs du monde, et comme à chaque fois il se dressait pour y faire face, rassemblant ses ressources et ses forces. Aujourd'hui, une nouvelle carte venait de se rajouter dans sa main déjà bien garnie. Une Elfe en bien piteux état, certes, mais qui semblait disposer d'informations précieuses dont il avait besoin.

Besoin pour reconstituer les faits.

Il la laissa parler sans l'interrompre, emmagasinant les données nouvelles qu'elle lui offrait sans les mettre en doute dans un premier temps. Il avait l'impression qu'elle était en train de vider un sac bien trop lourd, et pour l'heure il accordait du crédit à ses paroles. Même quand elle évoqua des événements pour le moins étranges, des affaires de sorcellerie, des hommes transformés, enragés, à l'esprit embrumé… même alors, il ne leva pas un sourcil interloqué, et il ne donna pas le moindre signe qu'il était étonné par ce qu'elle lui rapportait. Il avait vu suffisamment de choses inexplicables dans son existence pour ne pas s'émouvoir de récits qui auraient fait pleurer de terreur les gens du commun.

Tel était son fardeau.

La seule fois où il sembla détacher un instant son attention de Lithildren fut quand elle évoqua son terrible adversaire, celui qu'elle avait croisé dans les sombres couloirs d'Ost-in-Edhil. Gier. Les yeux de Gil glissèrent brièvement vers ceux de la femme rousse assise dans un coin. Elle se trouvait derrière Lithildren, laquelle fut incapable de voir le signe qu'elle adressa au vieil homme. Cela n'avait pas duré plus de quelques secondes. L'Elfe mit finalement un point final à son récit, lequel s'achevait sur une note assez sombre. Elle avait réussi à s'échapper des souterrains non sans mal, abandonnant tout ce qui comptait derrière elle, et se raccrochant sans réserve à cette « mission », au legs de Sadron qui donnait désormais un sens à sa vie. Gil pouvait comprendre. Il savait ce que l'on pouvait ressentir lorsque l'on décidait de dédier sa vie à une cause plus grande que soi-même. Les sacrifices étaient immenses, et les récompenses n'étaient pas toujours de nature à pouvoir être appréhendées par l'esprit humain. Toutefois, il savait faire ce qui était nécessaire, et Lithildren était parvenue à la même conclusion concernant sa propre existence immortel. A quoi bon fouler Arda pour l'éternité, si on ne donnait pas un sens important à sa vie ?

- Je suis désolé pour votre perte, lâcha brusquement Gil après que l'Elfe eût gardé le silence pendant quelques secondes.

Il n'avait jamais été très doué pour ce genre de choses, et il préférait largement se concentrer sur ce qui pouvait encore être fait. Les disparus n'étaient pas plus mal où ils se trouvaient, et il n'avait pas l'intention de les pleurer bien longtemps :

- Nous pleurerons les morts plus tard, je le crains. Pour l'heure, le temps joue contre nous.

Gil se leva, comme s'il avait du mal à tenir en place. Il était nerveux, agité, mais paradoxalement il arborait un léger sourire sur le visage. Il était difficile de discerner ce qui passait dans l'esprit du vieil homme. Probablement beaucoup d'idées qui s'entrechoquaient.

- Vous ne m'avez pas encore parlé de ce carnet que vous gardez près de vous… Le journal de Gier, c'est comme ça que vous l'avez appelé. Je suppose que vous l'avez lu, ou du moins feuilleté. J'aimerais savoir ce que vous en tirez, savoir comment vous l'interprétez. Vous seule avez rencontré ce « sorcier », et vous avez désormais une connexion particulière avec lui.

De nouveau son regard glissa vers la femme rousse, qui n'avait toujours pas prononcé un mot. Il s'attarda moins longtemps que la première fois, cependant. Cette fois, il ne semblait pas chercher une réponse, mais simplement à faire passer un simple message. La brève pause dans son débit sinon rapide prit fin lorsqu'il reprit :

- Je pense qu'il faut exploiter cette connexion, afin de pouvoir mettre un terme aux agissements de cet homme. Mais j'ai bien peur que ce maître des arts sombres ne représente un défi mortel, même pour quelqu'un comme vous. Il y a des forces dans ce monde que même les Elfes ne maîtrisent pas, et qui pourraient vous balayer en un clin d'œil.

Il claqua des doigts pour appuyer son récit, puis se fendit d'un sourire presque amusé :

- Alors, qu'en pensez-vous ? Vous voulez toujours vous engager sur cette voie ?

Il n'avait encore rien révélé à Lithildren, mais il lui demandait déjà de s'engager à se battre à ses côtés contre la menace que représentait Gier. Un vieil homme mystérieux, dont elle ignorait tout. Pouvait-elle réellement lui faire confiance ? Sadron le connaissait, mais cela signifiait-il qu'il était fiable pour autant ? Gil associait l'engagement de l'Elfe aux informations dont elle disposait. Si elle voulait bénéficier de ce qu'il savait et des ressources à sa disposition, elle devrait parler à cœur ouvert de ce qu'elle avait lu et compris du journal de Gier. En un mot, elle devait lui faire confiance.

Confiance.

Une telle chose existait-elle encore ici, en Terre du Milieu ?


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A la Croisée des Chemins EmptyMer 18 Juil 2018 - 19:28
Le fond de son thé était glacé quand elle termina son récit. Elle avait gardé sa concentration pour cette histoire qui lui serrait le cœur, gardé son esprit intact pour cet instant précis. Elle reposa doucement la tasse sur la petite table basse qui lui faisait face, le regard perdu dans le vague. Conter son aventure était aussi douloureux qu'un poignard dans le cœur et elle ressentait l'absence cruelle d'Oropher. Elle serra les poings, comme si la main de celui qu'elle aimait encore était dans la sienne. Lithildren retint ses larmes en déglutissant. Elle ne devait pas céder... pas maintenant.

Elle remercia d'un hochement de tête vague Gil aux condoléances qu'il énonça. Mais ils avaient plus importants à faire. Il demanda à l'Elfe épuisée ce qu'elle pensait du carnet. Elle posa le regard sur ledit journal et l'observa.

- Il n'en reste plus grand-chose, Sadron l'avait récupéré par je-ne-sais-quel-procédé. Il était jeune et fougueux, désireux de percer les secrets enterrés par le temps sous la terre de mes ancêtres. Il voulait s'enrichir, devenir.. important. Il a engagé des mercenaires en leur promettant célébrité et richesses et a convaincu des paysans pauvres avec les mêmes promesses. J'ignore combien de temps ils sont restés sous la surface, mais ce fut assez pour qu'il devint un vieillard faible à peine capable de marcher debout ; alors que ses mercenaires et mineurs gardaient force et vigueur. Avec les fouilles, il a convoité le pouvoir d'anneaux anciens que mes ancêtres voulaient que nul ne trouve...

Elle déglutit à nouveau en effleurant le journal.

- Ça l'a rendu fou. "A moi, rien qu'à moi", écrit-il plusieurs fois. Il comptait éliminer tout le monde lorsqu'il aurait obtenu satisfaction, mais visiblement ma venue et celle de mon ami Elfe l'a perturbé. Enfin... plus ou moins.

Lithildren repensa à cet humain qui l'avait aidé dans les mines. Quelle cruelle erreur avait-elle commise... Elle aurait dû le garder en vie. Lui au moins lui aurait donné des informations peut-être ? Elle ressentait la morsure froide du remord lui enserrer le cœur et l'esprit pendant un instant.

Mais il avait parlé d'exploiter la connexion qu'elle et Gier avaient... Existait-elle ? Elle releva le visage vers Gil et le jaugea du regard avec une expression impossible à déchiffrer, même pour le plus habile des traducteurs d'expressions faciales. Il lui demanda si elle était partante.

Et elle se mit à fixer sa tasse de thé.

Pouvait-elle ? Devait-elle ? En était-elle capable ? A quel prix, quelle fin ? Avec qui, quoi, vers où ? Tellement de questions, si peu de temps et tant à faire. Mais Lithildren n'allait pas abandonner maintenant, non. Elle pivota son regard déterminé vers Gil et ouvrit la bouche.

- J'irais jusqu'aux confins de la Terre du Milieu. De la plus haute des montagnes aux entrailles de nos terres. Je défierais les Valar s'il le faut, mais je ne vais pas abandonner maintenant. Peu importe l'issue, je veux essayer et tout donner. Et je souhaite ardemment planter ma lame dans le cœur de Gier si l'occasion se présente.

Elle n'avait pas vraiment le choix non plus. Que pourrait-elle faire d'autre ? Passer sa vie dans une prison à Imladris à ruminer ses erreurs ? Non. Elle irait où il le faudrait, accomplirait ce qu'elle devait accomplir, même si elle devait donner sa vie. Elle n'avait pas le luxe de devoir réfléchir à qui donner sa confiance et elle avait trop traversé jusque là pour refuser la main tendue par Gil. Sadron l'avait menée ici, les Valar l'avait menée ici. Elle DEVAIT trouver la raison. Et s'y tenir. Et faire confiance à cet inconnu était à l'instanté sa seule chance d'accomplir sa destinée.
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A la Croisée des Chemins EmptyVen 20 Juil 2018 - 14:43
- Intéressant…

Gil ne cessait de murmurer cela, en écoutant le récit que lui faisait Lithildren au sujet du journal qu'elle avait trouvé. Plusieurs des éléments qu'elle lui disaient venaient s'imbriquer dans la toile de ses pensées, remplissant des espaces demeurés vides trop longtemps. Le canevas complexe de la vérité se construisait peu à peu dans son esprit, mais beaucoup de zones d'ombre demeuraient encore. L'Elfe l'aidait à y voir plus clair, mais les efforts de leurs ennemis pour dissimuler la nature réelle de leurs intentions étaient pour l'heure couronnés de succès. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne pût percer leurs mystères à jour, mais le temps était justement ce qui risquait de leur faire défaut. C'était une course de vitesse, et ils partaient avec un retard considérable. Ce sorcier avait disparu dans la nature, en possession de trésors arrachés au cœur d'Ost-in-Edhil, et ils en étaient toujours à s'interroger sur ses intentions véritables.

Les anneaux…

Ce n'était pas une nouvelle qui était pour réjouir Gil, même si elle lui paraissait « intéressante ». Il avait vu et entendu suffisamment de choses étranges dans son existence pour savoir qu'il ne fallait pas sous-estimer les puissances issues d'un passé oublié. Les démons qui rôdaient dans les ombres et vous glissaient sous la peau ne prenaient pas toujours la forme de spectres à la peau glaciale. Ils se présentaient parfois sous l'apparence innocente d'un bijou, et condamnaient quiconque s'en emparait à vivre un cauchemar. Traqué pour les pouvoirs que renfermait ledit objet, ou bien bourreau de son prochain car rendu ivre de puissance, le détenteur d'un tel bien devenait une parodie de lui-même, une créature pathétique et effrayée qui avait le choix entre fuir toute sa vie, ou semer le chaos sur son passage. De toute évidence, ce sorcier avait choisi la seconde voie, ce qui n'augurait rien de bon…

- Vous n'êtes pas sans savoir, fit soudainement Gil, que les anneaux de pouvoir ont semé la mort et la désolation sur la Terre du Milieu. On raconte que les grands anneaux ont été détruits, fort heureusement. Cependant, même un fragment d'un tel pouvoir, s'il venait à tomber entre les mains d'un individu mal intentionné, pourrait mettre à genou des royaumes entiers…

Nouveau coup d'œil à la femme rousse. Il revint à Lithildren.

- Votre détermination à vouloir arrêter Gier est louable. Je ressens en vous les accents de la vengeance, et le désir de faire payer à cet homme ce qu'il vous a fait. Je crains que ce sentiment vous conduise à votre perte, mais il pourra également vous aider à surmonter les obstacles inévitables qui se dresseront sur votre route.

Le vieil homme se leva, et s'approcha d'une commode qui se trouvait non loin. Il ouvrit un des tiroirs, et en sortit un document, qu'il revint tendre à son interlocutrice. Il s'agissait d'une lettre couverte d'une fine pellicule de poussière. Une copie, à l'évidence, qui n'avait pas le charme de l'original, mais qui délivrait le même message.

Spoiler:

Il l'offrit à la lecture de l'Elfe, tout en lui demandant :

- Ce sorcier… Gier… A-t-il jamais mentionné la Fraternité de Yavannamirë ?

Il laissa un moment à Lithildren pour digérer les informations à sa disposition. La Missive des Érudits était un document dont bien peu en Terre du Milieu connaissaient l'existence. Il était permis de se demander comment le vieil homme avait pu en obtenir une copie. C'était avant tout une lettre destinée aux souverains et aux personnalités éminentes de ce monde, laquelle avait été rédigée et signée par des dignitaires des Peuples Libres parmi les plus éminents. Le grand savant Makiaveel, la comtesse de Sora, et bien d'autres encore, qui avaient uni leurs forces pour diffuser un message de paix, d'unité, mais aussi d'alarme. Avaient-ils été entendus ? Gil l'ignorait. Il n'avait pas eu vent d'efforts conjoints de la part des royaumes des Peuples Libres pour lutter contre cette menace. Il vit dans les yeux de Lithildren, cependant, que lire cette lettre venait de lui ouvrir les horizons que lui-même voyait depuis longtemps. Gier était une menace, mais il prenait place dans un système bien plus important.

- Vous connaissez peut-être certains des noms qui sont inscrits au bas de cette lettre. Tous sont d'éminents savants de leurs royaumes respectifs, des hommes et des femmes de renom, dont la probité ne fait aucun doute.

Il ne les connaissait pas tous personnellement, mais il avait eu vent de leur réputation, et on lui avait rapporté que ces individus étaient voués à la défense des Peuples Libres et de leurs valeurs. Ils n'auraient pas écrit cette lettre tous ensemble dans le simple but de conspirer.

- Vous ne serez pas non plus étonnée d'apprendre que cette missive n'a pas suscité beaucoup de réactions de la part des souverains. L'appel à l'unité est resté lettre morte, et les Peuples Libres apparaissent aujourd'hui bien divisés.

Il n'en dit pas davantage. Il connaissait certains éléments, il avait eu vent de certaines choses. Les rapports s'étaient détériorés entre l'Arnor et le Gondor. La crise politique du Rohan avait fragilisé le royaume, qui désormais se méfiait un peu de ses voisins. Les Elfes s'étaient repliés dans leurs demeures, et refusaient de participer aux grandes affaires du monde. Partout, la puissance du Gondor semblait décliner, et l'empire d'Elessar s'était recroquevillé sur lui-même. Le Rhûn s'était soulevé, le Harad s'était soulevé, et désormais les frontières n'étaient plus sûres. On parlait de hordes venues de l'est, on parlait de guerre au Harondor. C'était une heure bien sombre pour le Royaume Réunifié.

- Cependant, ce que vous avez vu au fond de ces souterrains… Ce sorcier maléfique en quête des « artefacts des temps anciens »… Comment ne pas faire le lien avec ce que nous évoquent ici ces Érudits ? Cela ne peut être une coïncidence.

Il laissa Lithildren lire la lettre de nouveau. Faire corps avec ce qu'elle contenait. L'Elfe émergeait des profondeurs de la terre, et ces informations ressemblaient à s'y méprendre à une bouffée d'oxygène. Elle retrouvait le monde connu, avec ses intrigues, ses mystères, ses dangers et ses merveilles. Dans les coulisses, des forces s'animaient et travaillaient à la réalisation d'un objectif dont ils n'avaient pas encore connaissance. Mais Gil était déterminé à les arrêter, et il voyait en Lithildren une alliée potentielle dans ce combat. Une alliée qui paraissait pour l'heure bien diminuée. Dans son état actuel, elle ne serait d'aucune utilité à personne.

- Vous n'avez pas encore eu le luxe de profiter d'une bonne nuit de sommeil, fit soudainement le vieil homme. Votre corps a atteint et dépassé sa limite, et pour l'heure vous avez besoin de vous reposer. Reprendre des forces. Ce n'est qu'ainsi que vous pourrez affronter les dangers qui nous menacent. Je dois prendre contact avec quelques personnes, organiser certaines choses… Cela me demandera du temps, plusieurs jours assurément. Je vous recontacterai dès que j'aurai arrangé la suite. En attendant, profitez de ce sursis pour vous reposer. Tharbad n'est pas une ville charmante, mais vous aurez au moins le luxe d'y dormir au calme.

Il tendit un bras vers la porte, et la femme rousse se leva pour aller l'ouvrir. Gil le mendiant attendait à quelques pas, et il sursauta en voyant qu'on venait finalement le chercher. Il n'avait même pas osé s'asseoir sur le fauteuil qui se trouvait à quelques pas, trop mal à l'aise pour s'approprier le mobilier exquis qui décorait chaque pièce de la bâtisse. Serrant ses mains nerveusement, il s'approcha pour attendre de recevoir ses ordres.

- Veillez à ce que dame Lithildren regagne son lit sans être vue. Je ne tiens pas à éveiller l'attention de la garde. Quand vous aurez terminé, reprenez votre poste.

- Bien, monsieur.

L'intéressé s'inclina légèrement, et invita Lithildren à le suivre. Elle n'aurait pas toutes les réponses ce soir. Elle ne saurait pas qui était Gil, ni qui étaient ses contacts, ou encore les raisons pour lesquelles il semblait si désireux de faire chuter la Fraternité de Yavannamirë. Tant de choses qui pouvaient avoir leur importance. Son sourire énigmatique flotta dans l'air un moment après que l'Elfe eût quitté son champ de vision, repassant par le même souterrain qu'elle avait emprunté à l'aller.


~ ~ ~ ~


Gil s'installa lourdement dans son fauteuil, rattrapé par une fatigue soudaine. La femme rousse s'approcha de lui, pour s'enquérir de son état.

- Ça va, ça va… Il y a tant à faire, et si peu de temps… J'ai l'impression que nous ne comblerons jamais notre retard.

Pour la première fois depuis le début de la soirée, la jeune femme ouvrit la bouche. Elle avait une voix douce et pure, où perçaient cependant des accents tristes.

- Nous devrions peut-être demander de l'aide…

Le vieil homme eut un sourire désabusé. De l'aide. L'heure était grave, et quand l'orage pointait, rares étaient ceux qui se souvenaient qu'il était préférable de serrer les coudes et de travailler ensemble. Chacun s'enfermait derrière ses volets, et priait pour que la tempête l'épargnât. Il avait longtemps cru qu'en collaborant, qu'en faisant confiance, il parviendrait à faire quelque chose. Hélas, la vie lui avait prouvé le contraire. Il avait perdu des hommes de valeur. Il en avait vu certains retourner leur veste, d'autres devenir complètement fous. Les rares qui n'avaient pas déçu ses espoirs travaillaient aujourd'hui sans tête, et s'escrimaient à protéger un héritage qui était déjà mort. Nathanael, Neige… Ils ne se rendaient pas encore compte que l'arbre avait commencé à pourrir.

- Non, Kallista, non… Nous devrons y arriver sans eux.

Le regard de la jeune femme s'assombrit. Elle comprenait, évidemment. Gil lui passa une main paternelle sur la joue, et lui demanda :

- Et toi, mon enfant, comment vas-tu ? Toujours ces cauchemars ?

Elle acquiesça :

- Je crois qu'ils ne me quitteront jamais.

- Tu as besoin de temps… Et de paix. Je suis désolé de t'infliger tout cela.

Elle posa une main fraîche sur celle du vieil homme. Une étincelle de souffrance était venue chasser la tristesse abyssale de son esprit. Brièvement.

- Ce n'est pas de ta faute…

Ils restèrent un long moment ainsi, à partager un silence éloquent.


~ ~ ~ ~


Lorsque Lithildren rejoignit finalement son lit, et que Gil le mendiant l'abandonna à une solitude bien méritée, il ne restait plus beaucoup de temps avant le lever du jour. Quelques heures, tout au plus, avant que les activités de la ville ne reprissent pour de bon. Gil le vieux lui avait donné quelques jours pour se remettre, bien conscient que sa constitution elfique lui permettrait de récupérer bien plus vite qu'un humain. Elle avait besoin de s'organiser, cependant, et de trouver quoi faire de ses journées. Il ne l'avait pas signifié explicitement, mais il entendait probablement l'envoyer sur les routes pour une mission plus ou moins dangereuse. Elle devait s'y préparer, et faire le tour de la ville pour rassembler ce dont elle aurait besoin pour son départ. Il fallait aussi gérer le cas de Alart, dont elle aurait probablement des nouvelles le lendemain. Et puis il y avait cette missive, qui soulevait un grand nombre de questions. Une telle assemblée ne s'était pas réunie au hasard, et ils devaient avoir des éléments en leur possession pour avoir fait une telle chose. Lithildren était restée longtemps coupée du monde, et elle avait besoin de retrouver ses marques. De comprendre. C'était seulement à cette condition qu'elle parviendrait à cerner Gier, à comprendre ses motivations et son plan, et peut-être à l'arrêter.

Mais Gil n'avait pas manqué de lui rappeler que cette quête risquait de lui coûter plus cher qu'elle aurait pu l'imaginer. Perdre la vie n'avait pas beaucoup de sens pour un Elda, alors que pouvait-elle perdre alors qu'aujourd'hui elle n'avait plus rien ? Probablement que seule la confrontation avec son destin lui permettrait de répondre à cette terrible question.

#Kallista


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Dernière édition par Ryad Assad le Sam 21 Juil 2018 - 0:19, édité 1 fois
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A la Croisée des Chemins EmptyVen 20 Juil 2018 - 18:14
- Nul ne peut oublier les Anneaux de Pouvoirs, ni la Guerre de l'Anneau.

Lithildren savait bien que le vieux Gil en faisait mention. C'était... comme si l'histoire se répétait encore une fois. L'obsession des anciens pour les anneaux était... mortelle pour les générations jeunes. Un problème récurrent. Il faudrait traquer, trouver et détruire tous ces anneaux mais le temps que l'on mettrait pour cela reviendrait au même que laisser aux opportunistes l'occasion de mettre sur pieds de terribles vengeances et à d'anciennes organisations néfastes de revoir le jour.

- Votre détermination à vouloir arrêter Gier est louable. Je ressens en vous les accents de la vengeance, et le désir de faire payer à cet homme ce qu'il vous a fait. Je crains que ce sentiment vous conduise à votre perte, mais il pourra également vous aider à surmonter les obstacles inévitables qui se dresseront sur votre route.

Elle le savait. Dans son esprit couraient autant de raisons louables que folles de faire ce qu'elle faisait. Vengeance. Amour. Destinée peut-être. Elle voulait toutes ces raisons, car permettaient à l'Elfe d'avancer. Mais elle apprenait à ne pas laisser parler sa vengeance plus que son désir de sauver la Terre du Milieu. Elle avait la volonté de faire ce qu'elle pouvait à son humble niveau, mais elle avait le doute d'en avoir les capacités. Lithildren avait comprit que seule elle n'arriverait à rien, mais que seule elle avancerait à travers les ombres de son propre esprit.

- J'ai surtout compris que maintenant il n'est plus temps de fuir après des souvenirs éparses. J'ai passé ma longue vie à à la fois chercher et fuir mon destin ; et maintenant que les Valar m'y confrontent je ne vais plus fuir en me plaignant comme une enfant. Il est temps de grandir dans l'adversité et de saisir les opportunités.

Elle se surprenait elle-même à esquisser de telles sages pensées. Mais elle grandissait. Elle se demanda si son fiancé et ses parents étaient fiers. Si Oropher était fier. Sa peine la rendait plus forte mais plus frêle à la fois. Elle ne savait pas combien de temps elle pourrait se montrer si forte, si fière et si droite. Les doutes suffisaient à la faire baisser des bras alors qu'en serait-il de véritables épreuves de force ou d'intelligence ? Elle avait été toute sa vie isolée du vrai monde : d'abord à Imladris, puis en Lothlorien, puis en Arnor... Quatre siècles d'isolement et seulement quelques... mois déjà ? Quelques mois dans le monde, à en découvrir ses habitants, caractères.

Ce que disent les Elfes ne sont parfois guère plus que des pensées arriérées. Autrefois on lui disait que l'Homme était cupide et vil, qu'il ne pensait qu'égoïstement à son bien seul. On lui disait que les actions de l'Homme avaient conduit le monde à sa ruine et qu'il valait mieux vivre loin d'eux que parmi eux. Mais la réalité était bien autre. Les Elfes avaient leur part dans les tourments de la Terre du Milieu mais ils occultaient ces souvenirs. Ça entache leur "perfection".

Lithildren cligna des yeux lorsque Gil lui tendit la lettre. Elle la lut, attentivement, sortant de ses rêveries.

- Ce sorcier… Gier… A-t-il jamais mentionné la Fraternité de Yavannamirë ?
- Non, jamais. En tout cas pas devant moi. Il parlait peu et j'étais à la mine. Si mon compagnon était là, peut-être saurait-il vous répondre, Gier et lui ont passé bien plus de temps ensemble que moi.
- Vous connaissez peut-être certains des noms qui sont inscrits au bas de cette lettre. Tous sont d'éminents savants de leurs royaumes respectifs, des hommes et des femmes de renom, dont la probité ne fait aucun doute. Vous ne serez pas non plus étonnée d'apprendre que cette missive n'a pas suscité beaucoup de réactions de la part des souverains. L'appel à l'unité est resté lettre morte, et les Peuples Libres apparaissent aujourd'hui bien divisés.

Elle ne connaissait aucun de ces noms. Et n'était pas étonnée du reste non plus. Si les Elfes avaient bien raison à propos d'une chose, c'était du chaos entre les Peuples Libres. Les Hommes se déchiraient entre eux, entre Royaumes, pour des querelles politiques, économiques ou militaires. Les choses se gâtaient, c'est tout ce qu'elle savait. Les situation diverses des peuples... elle l'ignorait. Déjà qu'elle avait du mal à replacer ses cours d'histoire, alors savoir la situation actuelle dans ces trois grands domaines... c'était impossible.

- Cependant, ce que vous avez vu au fond de ces souterrains… Ce sorcier maléfique en quête des « artefacts des temps anciens »… Comment ne pas faire le lien avec ce que nous évoquent ici ces Érudits ? Cela ne peut être une coïncidence.
- Je ne crois pas aux coïncidences. Si c'en était une, elle serait trop troublante. Venue au mauvais moment. Mais peut-être est-ce mon ami et moi qui avons poussé Gier à sortir de son trou alors qu'il ne comptait pas sortir avant plus longtemps. Mais peut-être faut-il cela pour que les Hommes s'unifient à nouveau ? Ce serait triste, mais c'est visiblement la seule chose que les Rois écoutent : la Destruction. Le Chaos. La Ruine absolue.

Lithildren avait le regard fixé sur les noms au bas de la lettre. En fait, sur tous les noms que contenaient la lettre. Certains rappelaient en elle des leçons venues du fin fond de sa mémoire, d'autres sonnaient creux comme des pots. Elle était debout, dressée et droite malgré la fatigue qui la faisaient vaciller doucement sur ses jambes fines. Elle ressentait de plus en plus la fatigue envahir son corps mince et finement sculpté.

- Vous n'avez pas encore eu le luxe de profiter d'une bonne nuit de sommeil. Votre corps a atteint et dépassé sa limite, et pour l'heure vous avez besoin de vous reposer. Reprendre des forces. Ce n'est qu'ainsi que vous pourrez affronter les dangers qui nous menacent. Je dois prendre contact avec quelques personnes, organiser certaines choses… Cela me demandera du temps, plusieurs jours assurément. Je vous recontacterai dès que j'aurai arrangé la suite. En attendant, profitez de ce sursis pour vous reposer. Tharbad n'est pas une ville charmante, mais vous aurez au moins le luxe d'y dormir au calme.

Lithildren leva son regard argenté sur le vieil homme. Un regard plein de remerciements sourds et d'une grande force de volonté. Elle n'avait pas grand-chose de plus en elle. Lithildren enroula la lettre et la garde, la cachant soigneusement dans sa poitrine. Une astuce instinctive féminine. Elle tourna la tête vers Gil le Mendiant qui fut rinvité dans la pièce et le suivit. Elle lança un dernier regard vers Gil le Vieux, qui avait ce sourire énigmatique au visage. Elle avait encore bien des questions mais son esprit n'était plus à ça près. Elle aurait les réponses en temps voulu et avait cruellement besoin de repos. Elle avait déjà avancé. Elle avait une corrélation possible entre Gier et la Fraternité de Yavannamirë, Gil avait des contacts et elle pourrait peut-être se mettre dans quelques jours en route vers son destin.

Le chemin de sa vie semblait se dessiner, même s'il restait de très nombreuses zones d'ombres. Tant de questions sans réponses, de doutes et de peurs. Tellement d'obstacles. D'incertitudes. De choix à faire. Mais elle voulait être prête. Elle devait l'être. Pour ses parents. Geraïhn. Oropher. Sadron. Eugénion le Hobbit. Les fils de Sadron. Holric. Elle devait faire ça en leur mémoire à tous, même si un seul était de source sûre en vie. Elle aurait voulu qu'Holric le soit, lui aussi. Comme tous les autres, en vérité. Mais ses choix avaient mené ces hommes et sa mère à leur perte. Était-elle maudite ? Était-elle condamnée à faire souffrir tous les hommes qui entraient dans sa vie, d'une manière ou d'une autre ?

Lithildren songea à tout cela même après que Gil le Mendiant l'ait laissée seule dans sa chambre d'auberge. Elle se dévêtit à nouveau et s'allongea. La fatigue la gagna certes avec rapidité mais ses quelques heures de sommeil furent remplies de songes peuplés par tous les visages du passé. Ceux des gens qu'elle s'était cité plus tôt.

Elle revit Eugénion et rentendit sa philosophie amusante et intéressant.
Elle revit Oropher et tout ce qui le concernait.
Elle revit Sadron et ses fils, leur bravoure.
Holric et ses envies, sa déception face à l'Elfe qui l'abandonnait.
Elle avait oublié le visage de ses parents et de son fiancé. Même leurs voix. Mais elle n'oublia pas leur présence.

Au réveil, Lithildren était couverte de sueur. Elle sanglotait silencieusement en fixant le plafond. Toutes les personnes qui avaient compté sur elle, pour qui elle avait compté, qui avaient compté pour elle... étaient mortes ou déçues. Disparues. Chaque fois que quelqu'un venait dans sa vie, elle faisait les choix qui conduisaient à la mort. Elle pensait n'avoir rien à perdre... mais elle devait rester en vie pour racheter ses erreurs. Si elle ne le faisait pas, alors tout cela était vain.

Et elle devait réussir.
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptySam 21 Juil 2018 - 4:59
Le lendemain de son entrevue avec Gil, quand Lithildren décida de descendre pour profiter d'un bon repas, elle eut la surprise de découvrir que quelqu'un l'attendait au rez-de-chaussée. Un homme dont elle connaissait bien le visage désormais, qui tourna le regard pour l'accueillir alors qu'elle dévalait les dernières marches. Helyes. Il avait toujours sa tunique de cuir et son épée, mais il semblait avoir laissé de côté son attitude hautaine et méfiante de la veille. Cela ne signifiait pas qu'il était détendu pour autant, mais il semblait seulement que l'objet de son inquiétude avait changé. Il n'était plus seulement préoccupé par l'arrivée de l'Elfe, mais bien par autre chose. Très probablement les esclavagistes dont cette dernière lui avait parlé. C'était une nouvelle perturbante, et il avait fait remonter la nouvelle à ses supérieurs hiérarchiques, qui l'avaient chargé de mener une reconnaissance dans les parages.

Inutile de dire que l'idée ne l'enchantait guère.

Il se leva pour accueillir Lithildren, et la salua d'une virile poignée de main.

- Bonjour à vous, j'espère que vous avez bien dormi.

Il ignorait tout de ses activités nocturnes évidemment, et à l'évidence il était sincère en disant cela. C'était une attention délicate, qu'il ne fallait pas confondre avec de l'amitié pour autant. Il se montrait courtois, certes, mais guère plus chaleureux qu'auparavant. La raison de sa présence ici n'étant pas immédiatement évidente, il alla droit au but :

- Je suis venu pour vous parler de votre compagnon de route… Son état ne s'est pas vraiment amélioré durant la nuit, et les guérisseurs ont fait de leur mieux pour le stabiliser, mais…

Il marqua une pause, cherchant ses mots. Il ne voulait pas faire dans le sentimentalisme, car il n'avait pas caché son mépris pour l'individu en question, et pourtant il n'était pas sain de se moquer d'un blessé grave. Aussi, afin de ne pas mélanger ses sentiments personnels envers cet homme détestable et ses obligations professionnelles, il choisit de parler simplement et sans détour :

- Il est toujours en vie, mais les Valar seuls savent pour combien de temps encore. J'ai pensé que vous voudriez venir le voir.

Il n'avait aucune idée de la relation exacte qui unissait Lithildren à Alart. Il avait supposé au départ qu'ils pouvaient être complices dans une quelconque affaire, mais de toute évidence ils ne s'entendaient pas si bien que ça, et avaient été réunis par un caprice du destin. Étaient-ils tous les deux prisonniers des esclavagistes ? Victimes d'un sort cruel et inhumain, ils s'étaient sans doute échappés ensemble, et avaient dû continuer leur chemin bon gré mal gré, en se serrant les coudes. C'était à mettre au crédit de l'Elfe, car elle aurait sans doute été plus vite si elle n'avait pas eu à transporter avec elle un homme à l'agonie. Helyes scruta le regard de la femme, à la recherche du moindre indice pouvant laisser deviner quel lien les unissait. Se montrerait-elle indifférente à la nouvelle de sa mort imminente, ou bien au contraire s'inquiéterait-elle de ne pas voir les efforts des guérisseurs couronnés de succès ? Il s'efforça de glaner autant de renseignements que possible, en faisant confiance à son sens de l'observation.

- Venez, j'ai peur que nous tardions trop.

Ils quittèrent la petite auberge, et furent immédiatement accueillis par les rayons d'un soleil brillant, qui ne dissipaient pas encore la fraîcheur matinale. L'air était piquant, vivifiant, et il se déversait dans les poumons comme un torrent glacé qui gorgeait chaque veine et chaque artère. Lithildren s'éveillait à peine, mais la ville de Tharbad était déjà affairée. Des hommes ici ou là traînaient de lourds chariots qui venaient probablement de l'extérieur de la cité : les maigres arrivages provenant de l'Arnor, que les boutiquiers de la ville présenteraient dans leurs étals d'ici quelques heures tout au plus. La logistique complexe de cette fourmilière humaine confinait au chaotique, mais inexplicablement chacun semblait savoir quoi faire et où aller. Au sein de cette marée humaine, l'Elfe et le soldat évoluaient comme des saumons remontant une rivière. Ils évitaient les silhouettes penchées qui peinaient sous le poids de leur cargaison, et souffraient misérablement pour payer leur repas quotidien. C'était cela, la vie. Des âmes par milliers qui s'épuisaient dans l'indifférence générale, et qui se battaient pour avoir le privilège de voir le soleil se lever le lendemain. Jour après jour, mois après mois, année après année, jusqu'à ce que l'âge vînt les briser, ils continuaient à se battre. Ce devait être une chose bien étrange, pour une Elfe. Son immortalité lui faisait certainement appréhender le temps différemment. Helyes se demanda tout à coup si elle percevait les efforts de ces gens comme ridicules et pathétiques, ou si au contraire elle voyait dans leur acharnement à vivre une forme de noblesse.

Il n'osa pas lui poser la question.

Cela ne signifiait pas qu'il n'osait pas parler, bien au contraire. Un peu plus loquace que la dernière fois, il lui montra quelques établissements où elle pourrait trouver du matériel. Il lui pointa du doigt un homme qui vendait des tenues de voyage confortables à un prix honnête, et qui serait peut-être d'accord pour faire du troc si elle n'avait rien pour payer. C'étaient des conseils utiles, mais dans un coin de sa tête Helyes savait que s'il lui disait tout cela, c'était parce qu'il n'avait pas forcément envie de la voir rester à Tharbad. Alors qu'ils continuaient à remonter les rues, ils furent arrêtés par une scène touchante. Une vieille femme remerciait abondamment deux hommes qui s'efforçaient de remettre en place la roue de son chariot, sortie de son châssis. Helyes parut complètement oublier sa mission, et il vint prêter main-forte aux deux hommes. Calant son épaule solide sous le véhicule, il poussa de toutes ses forces pour permettre à l'un des gaillards de trouver le bon angle. La roue finit par revenir en place, et la vieille femme reconnaissante les prit dans ses bras, avant de continuer son chemin.

- C'est dans les moments durs que l'on doit se montrer solidaires, lança Helyes en guise d'explication.

Celle-ci faisait étrangement écho à la conversation que Lithildren avait eue avec Gil, la veille au soir. Elle lui avait fait remarquer que les Peuples Libres sortiraient peut-être grandis de leur affrontement contre les forces qui s'agitaient dans la nuit. Les épreuves partagées étaient parfois le ciment d'amitiés renforcées. Le vieil homme avait hoché la tête, conscient que c'était en partie vrai. Les rois et les princes ne voyaient que leur intérêt propre, et rares étaient les monarques à avoir une vision, une idée de ce qu'ils voudraient léguer à l'histoire une fois qu'ils auraient fait leur temps. Seulement quand leurs fortunes et leurs pouvoirs étaient menacés réalisaient-ils qu'il était parfois nécessaire d'enterrer la hache de guerre, de collaborer, et de lutter ensemble. Lors de la grande Bataille du Nord, au cours de laquelle tant de vies avaient été perdues, les Hommes de tous horizons avaient su se rassembler sous une seule et même bannière. On avait même vu les gens de l'est lointain se rallier aux Peuples Libres, et mourir à leur côté. Que restait-il de cette alliance, désormais que le mal était vaincu ? Des cendres, et des souvenirs amers. Gil avait alors répondu, en essayant de cacher son fatalisme et son cynisme :

« Le jour où on m'écoutera enfin, Lithildren bien des malheurs seront évités. Tant de gens innocents ont souffert aux mains de nos ennemis, tant de belles âmes brisées par le mal, simplement parce qu'il est plus simple de détourner les yeux de la catastrophe qui vient que d'y faire face. La tempête approche… vous en avez senti la force et la violence. Mais osez en parler, et vous serez traitée de folle, de dangereuse, de maléfique. C'est pour cela que nous devons agir en secret. Pour protéger la Terre du Milieu de son propre aveuglement. »

Ce bref rappel aux paroles prononcées par Gil était lié à un même constat. Celui de la misère et de la violence du monde. L'injustice de la vie, qui frappait toujours les plus démunis, et les obligeait à s'entraider pour ne pas mourir seuls. Helyes n'était qu'un garde sans envergure, un homme comme il en existait tant de par le monde. Pourtant, il faisait son travail avec zèle, et il s'efforçait de se battre pour ce en quoi il croyait. Gil en faisait tout autant, avec sans doute davantage d'influence sur le cours des choses. Pour noir et hideux que fût le monde, il restait encore quelques étincelles de courage et de valeur chez les Hommes. Pas tous, loin de là, mais pour chaque Gier qui s'efforcerait de semer la guerre et la mort, il y aurait au moins un Helyes qui viendrait tendre la main à son prochain. Du moins fallait-il l'espérer, sans quoi toute lutte était vide de sens…

- Nous y sommes, lâcha enfin le soldat en désignant du menton un bâtiment sans charme.

C'était une maison en pierre nue et froide, qui ressemblait davantage à un mouroir qu'à une maison de guérison. Alart avait-il compris, en franchissant cette porte étroite et austère qu'il effectuait son dernier voyage ? Helyes les fit entrer, et les mena à travers des couloirs désolés et désolants. Partout, on entendait les plaintes des blessés, des malades, des mourants. L'odeur était difficilement supportable. C'était celle de la maladie, des chairs en décomposition, de la pourriture. Le bâtiment n'avait pas été conçu pour accueillir les patients, mais pour les retenir : pour éviter qu'ils ne pussent répandre le mal dont ils étaient affectés à l'extérieur, et contaminer la cité. C'était la raison pour laquelle les fenêtres et les portes étaient si hautes et si étroites. Pour laisser entrer de minces rais d'une lumière blafarde, sans laisser la mort se propager dans les rues.

Ils croisèrent sur leur chemin des guérisseuses affairées. Des femmes de tous âges, débordées. Elles leur accordaient un regard, puis constatant qu'ils étaient bien portants, les ignoraient pour retourner aux malheureux qui les appelaient au secours. Littéralement.

« Venez m'aider », gémissait une voix âgée. « Venez m'aider… ».

Et cette femme si jeune qu'elle ressemblait encore à une enfant de courir à son chevet, les bras chargés des quelques linges propres qu'elle avait pu trouver. Ils n'étaient pas à Annúminas, où les maisons de guérison étaient bien approvisionnées, richement dotées par la volonté royale et les donations généreuses des nobles locaux. Ici à Tharbad, comme à Fornost, comme à Bree, et pour ainsi dire comme dans toutes les modestes cités de la Terre du Milieu, on survivait comme on pouvait. Avec ce que l'on pouvait. Si on le pouvait. Les hivers prélevaient leur tribut sur les Hommes aussi bien que sur les récoltes, et le Rude Hiver qui s'était achevé avait emporté avec lui bon nombre de malheureux. Ceux qui étaient allongés là étaient pour beaucoup des victimes des aléas climatiques ou de ses conséquences. Marchands attaqués par des brigands désespérés, fermiers meurtris par le gel, et qui ne récupéraient toujours pas alors que le soleil était revenu depuis plusieurs mois.

C'était une tragédie.

Helyes finit par les faire entrer dans ce qui ressemblait à une alcôve, où on avait installé un lit de fortune. Alart s'y trouvait gisant. Il était encore plus pâle que la dernière fois que Lithildren l'avait vu, si c'était possible. Toute vie semblait avoir quitté son corps, et seul le stridor qui s'échappait de sa poitrine indiquait qu'il respirait toujours, et qu'il était encore avec eux. Il ouvrit les yeux péniblement, et ceux-ci apparurent vitreux. Il avait des cernes prononcées, et il avait transpiré abondamment. Sa peau était luisante, ses cheveux trempés, ses mains moites.

- Vous êtes venue… souffla-t-il d'une voix éteinte.

Il était condamné, et il le savait. Il y avait dans son ton une forme de soulagement et d'anxiété. Il voulait faire les choses bien avant de disparaître.

- Approchez… approchez…

Il ressemblait à un parchemin ancien, dévoré par le passage du temps. Le toucher ou le déplacer risquait de le réduire en poussière, mais ne rien faire était presque encore pire. Ils étaient là, à l'observer abandonner cette vie, sans même pouvoir dissiper ses souffrances ou la crainte qu'on lisait dans ses yeux. Il ne partirait pas en paix. Il quittait ce monde trop jeune, fauché dans la fleur de l'âge.

- J'ai peur…

Quel âge pouvait-il bien avoir ? Vingt-cinq ans, peut-être ? Moins de trente, c'était certain. Ses mots envoyèrent un frisson dans l'échine d'Helyes. C'était un spectacle déchirant, et s'il avait pu éviter de devoir y assister, il l'aurait fait. Il n'avait jamais eu de problème particulier avec le champ de bataille, et donner la mort à un ennemi ne l'émouvait pas plus que ça. Cependant, cette longue agonie était terrifiante à ses yeux, et elle lui rappelait trop douloureusement que tout le monde n'avait pas une fin rapide. Certains avaient le temps de souffrir le martyr, et de repenser à l'ensemble de leur existence avant de partir. C'était parfois l'heure des regrets et des larmes. Alart se mit d'ailleurs à pleurer, incapable de se retenir.

- Je veux pas mourir…

Il serra la main de Lithildren dans la sienne, mais ses forces le quittaient déjà.

- Les laissez pas m'enterrer… S'il-vous-plaît, les laissez pas…

Helyes serra les dents, en s'efforçant de contenir ses émotions. Il était un officier de la garde de Tharbad, un soldat endurci… il n'avait pas envie de s'apitoyer sur le sort d'un inconnu. Mais cet inconnu était peut-être passé dans les griffes de l'enfer, et il avait trouvé le moyen de survivre et de chevaucher jusqu'ici. Pourquoi ? Pour mourir malgré tout ? Qu'avait-il gagné en grappillant quelques journées ? C'était terriblement injuste. Il reprit, un ton moins fort, sa voix se faisant de moins en moins assurée.

- Pardonnez-moi… Pardonnez-moi pour tout… Pitié… dites-moi que vous me pardonnez…

Avant que Lithildren trouvât le temps de lui répondre quoi que ce fût, elle sentit la main d'Alart glisser entre ses doigts. Il rendit son dernier soupir, si faible qu'il n'aurait pas réussi à éteindre une bougie. Ses yeux se voilèrent comme si des mains invisibles étaient venues déposer un linceul sur ses iris glacés. L'homme s'en était allé, mais au moins il n'était pas parti seul. Helyes passa une main sur son visage, s'efforçant de retrouver une contenance. Cela n'avait pas été un moment particulièrement agréable. Il s'éclaircit la gorge, et lança :

- Que faisons pour son corps, alors ? C'est vous qui le connaissez le mieux, après tout.


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A la Croisée des Chemins EmptyDim 22 Juil 2018 - 11:50
La "nuit" de Lithildren avait été courte, certes, mais elle avait été plus reposante qu'espéré. Elle se leva engourdie mais heureuse de ne pas être dans une grotte, un chariot ou en pleine nature. Non pas que vivre dehors lui déplaisait, au contraire, mais parfois elle regrettait les lits confortables d'une auberge. Elle s'étira longuement, fit des mouvements de souplesse, quelques exercices musculaires puis s'habilla. Elle avait refait le petit baluchon pour y mettre le journal de Gier et avait caché la lettre donnée par Gil dans un pli de ses nouveaux habits de cuir. Ils n'étaient pas réellement à sa taille ni de bonne qualité mais au moins elle n'était plus à moitié nue.

Elle descendit ainsi apprêtée, dans le but de négocier à manger, quand il vit Helyes. Il n'était pas en armure mais portait quand même son épée. Elle ignorait quelles affaires amenaient l'homme mais ils échangèrent une poignée de main virile.

- Bonjour à vous, j'espère que vous avez bien dormi.
- Mieux que dans les derniers endroits où j'ai dormi ces dernières semaines, merci.

Lithildren comprenait bien qu'il n'était que bassement courtois. Il ne se souciait guère d'elle ou de son état. Peu importait, elle avait trouvé ce qu'elle voulait trouver et s'était reposée convenablement. Il ne lui manquait plus qu'à attendre des nouvelles de Gil.

- Je suis venu pour vous parler de votre compagnon de route… Son état ne s'est pas vraiment amélioré durant la nuit, et les guérisseurs ont fait de leur mieux pour le stabiliser, mais…

Oh. Non... Pauvre Alart. Lithildren ressentit de la peine monter en elle.

- Il est toujours en vie, mais les Valar seuls savent pour combien de temps encore. J'ai pensé que vous voudriez venir le voir.

Elle hocha doucement de la tête. Elle n'appréciait guère s'attacher à un humain ni à quiconque depuis la disparition d'Holric, d'Oropher et de Sadron mais le minimum qu'elle puisse faire était de voir un mourant. Il lui avait été utile et après tout il n'était pour rien responsable de ses actes... Au final il voulait juste avoir un avenir meilleur après ça. Lithildren et Helyes se mirent alors en route à travers les rues bondées de Tharbad.

La ville était une masse vivante et grouillante. Lithildren n'était guère à l'aise mais elle ressentait de la peine, de la compassion et une forme d'admiration pour la volonté de survivre de tous ces gens. Ils savaient quoi faire, quoi dire, quels gestes accomplir pour obtenir leur pitance et ce qu'ils allaient tâcher de placer sur les étals. Helyes et elle remontaient le flot continu de gens qui portaient, traînaient, se voûtaient sous le poids des cargaisons. Lithildren, sur son chemin, aida ici et là ceux qui avaient des difficultés plus grandes. Elle était jeune et avait une force à peine plus grande que celle d'un humain moyen, sa vigueur et son aide étira un sourire sur quelques visages. Si elle avait pu, elle aurait donné des pièces à tout-va mais elle n'avait rien à donner.

Lithildren regarda Helyes aider les deux hommes remettre en place la roue du chariot d'une vieille dame. Elle cligna doucement des yeux, voulant les aider elle aussi mais finissant par rester à l'écart.

- C'est dans les moments durs que l'on doit se montrer solidaires.

Elle le savait. Autant qu'eux. Lithildren tâcha plutôt de retenir l'emplacement de ce vendeur d'équipement qu'Helyes lui avait montré et il se remirent en route. Le bâtiment dans lequel ils entrèrent pour aller rendre visite à Alart était... indescriptible. L'odeur ambiante donna des hauts-le-cœur à l'Elfe, la vue des patients lui donna la chair de poule. Elle ne se sentit vraiment pas bien ici mais continua d'avancer.

Ils arrivèrent devant Alart. Le pauvre homme était pâle, mal en point. Lithildren sentit son cœur se serrer. Elle vint s'asseoir à son chevet, le visage empreint d'une expression compatissante. Elle vint doucement poser une main sur celle d'Alart, qui la serra faiblement. Elle posa alors sa deuxième main sur celle d'Alart pour la serrer.

- Vous êtes venue…
- Je suis là... Chhht, tout va bien... dit-elle d'un ton empli de douceur.

Elle venait de lâcher la main d'Alart pour la poser sur son front. Le pauvre homme était si faible... Alors qu'il gémissait, exprimait sa peur, Lithildren souffla entre ses lèvres un air elfique. Elle laissait couler une larme sur sa joue tellement la situation était déchirante alors que sa douce voix basse accompagnait l'âme d'Alart hors de son corps. Elle souhaita en sa langue un voyage paisible et une mort belle dans "l'au-delà", qu'il puisse rejoindre ses ancêtres en paix. Qu'elle le pardonnait et était là. Alart glissa hors de ce monde et finit par s'éteindre.

Lithildren fit taire sa voix, n'empêchant pas ses larmes de couleur. Elle posa son front sur celui d'Alart puis y pressa brièvement ses lèvres. Elle lâcha la main qu'elle posa sur le ventre de l'homme en essuyant ses propres larmes.

- Il mérite d'être emmené à son village... que ses parents choisissent.

Elle se souvint qu'Alart lui avait expliqué comment et où était son village. Il aurait peut-être souhaité que ce soit elle qui l'y emmène ? Lithildren l'ignorait mais elle s'avoua préférer faire ce voyage à la place de quelqu'un d'autre.

- Si vous ne pouvez dépêcher un homme ou deux pour ça, je le ferais dès mon départ. Je sais que vous voulez que je m'en aille au plus vite mais j'ai encore besoin de... deux, peut-être trois jours ici. Je m'en irais dès que je le pourrais sans même que vous vous en aperceviez.

Elle avait parlé avec une lassitude latente dans sa voix. La tristesse face à la mort était une chose contre laquelle elle ne pouvait pas lutter. Que ce soit Helyes qui demande à un homme ou deux de faire le trajet ou elle-même qui l'effectuait, Alart retournerait à la terre de ses ancêtres. De sa famille. D'une manière ou d'une autre.
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptyMer 25 Juil 2018 - 13:27
Il n'était pas aisé de mourir loin de chez soi. Les combattants qui partaient en guerre avaient la chance d'être entourés par de fidèles compagnons, qui pouvaient souvent leur rendre les derniers hommages funéraires. Mais ici, à Tharbad ? Alart était seul et démuni, et sans la volonté de Lithildren il aurait sans doute fini dans une fosse commune. C'était là qu'on enterrait les brigands et les inconnus, comme s'il était criminel de ne pas appartenir à la petite communauté urbaine. Comme si être seul faisait automatiquement de vous une potentielle menace. C'était à peu de choses près ce que pensaient les gens d'ici. Helyes hocha la tête en entendant l'Elfe affirmer qu'elle se porterait volontaire pour transporter le corps du malheureux jusque chez lui. C'était louable.

- Je ferai le nécessaire pour que sa dépouille soit embaumée convenablement. Cela suffira pour les quelques jours que devrait prendre le voyage, et ainsi nous n'aurons pas à utiliser des techniques plus… radicales.

Il n'ajouta rien, mais l'implication était claire. Afin de transporter des dépouilles tout en préservant un minimum d'hygiène, les docteurs du corps pratiquaient différentes formes d'embaumement qui permettaient de ralentir la putréfaction des chairs et des organes. Ces méthodes plus ou moins répugnantes dépendaient principalement de la durée que devait passer le cadavre à l'air libre. Pour les longs voyages, la meilleure option consistait encore à démembrer le corps, le dépecer, l'éviscérer, puis le faire bouillir pour séparer la chair des os. On pouvait ainsi transporter ces derniers sur de longues distances, tandis que les organes étaient salés et ramenés dans des barils. Helyes avait assisté une fois à une telle scène, loin au nord quand il avait combattu sous les drapeaux de l'Arnor contre leurs ennemis maléfiques. Il se souviendrait à jamais de l'horreur de ce spectacle : une véritable mutilation post mortem qui désacralisait le corps des héros tombés au combat. Il s'était dit alors qu'il préférait être enterré en terre inconnue que d'être ramené à sa famille dans un tel état.

Fort heureusement, donc, Alart n'aurait pas à connaître le déplaisir d'un tel traitement.

Ils quittèrent bientôt la pièce, laissant le malheureux aux bons soins des femmes qui circulaient ici comme des spectres. Helyes leur adressa quelques mots, afin qu'elles tiennent le corps prêt pour le jour où Lithildren déciderait finalement de partir. Puis, sans un mot l'un pour l'autre, ils remontèrent le couloir, et retrouvèrent la sortie. L'air à l'extérieur leur sembla tout à coup plus pur, plus frais, comme s'ils émergeaient d'un puits de fumée et de ténèbres. Ils voyaient de nouveau clair, et leurs sens se réjouissaient de retrouver le contact avec un vent qui ne charriât pas les effluves de la mort et de la maladie. L'officier avait accompli son devoir, et de toute évidence il lui tardait de s'éloigner de cet endroit pour retourner à ses affaires. Il se tourna vers l'Elfe, un air désolé sur le visage :

- Je vais devoir vous abandonner, j'ai à faire. Si vous avez le moindre problème d'ici à ce que vous quittiez Tharbad, référez-vous directement à moi.

La proposition pouvait paraître sympathique, mais c'était à la fois une faveur qu'il lui faisait et une manière de contrôler la situation si jamais elle enfreignait la loi. Il ne voulait pas qu'un autre garde un peu plus clément ou seulement subjugué par le charme elfique se laissât amadouer par cette guerrière. La confiance n'excluait pas une forme de vigilance, et il préférait ne pas la quitter des yeux trop longtemps. On ne savait jamais. Helyes finit par s'éloigner, descendant à grandes enjambées vers la porte est de la ville, où il allait probablement prendre ses attributions. Ses missions impliquaient principalement de contrôler les allées et venues des marchands qui entraient et sortaient de la cité, en s'assurant qu'ils ne transporteraient pas d'armes illégalement, et surtout qu'ils n'en profiteraient pas pour faire de la contrebande. Leurs biens étaient taxés en effet, et ils le paiement des soldats dépendait largement de leur capacité à assurer des rentrées d'argent stables au pouvoir de la ville. S'ils laissaient passer trop de convois sans y prêter attention, c'était leur paie qui risquait d'être amputée. Inutile de dire qu'ils travaillaient avec zèle, dans ces conditions.

Lithildren se retrouva alors seule. Seule dans cette grande cité de l'est de l'Arnor, avec pour seule compagnie ses propres pensées, et pour seule activité l'objectif de préparer le voyage qu'elle devrait probablement entreprendre d'ici peu. Les jours défilèrent alors, chacun plus ou moins identique au précédent. Quelques cavaliers de la garde de la ville partirent en éclaireur au dehors, sous le regard inquiet de leurs femmes et de leurs épouses. Ils n'étaient qu'une douzaine, ce qui représentait tout de même un contingent assez important au regard des maigres forces dont disposait la cité. Ils arboraient les couleurs de Tharbad, et avaient pour l'occasion revêtu des armures d'acier relativement légères et des casques. Cette mission était autant une affaire d'intimidation que de neutralisation, et il apparut évident qu'ils ne souhaitaient pas décimer les esclavagistes, mais simplement les repousser loin de leurs terres. Personne ne se souciait de ce qu'ils faisaient au-delà de la zone d'influence de Tharbad, et s'ils voulaient capturer du bétail humain, ils pouvaient aussi bien ponctionner chez les Dunlendings. Ces sauvages barbus étaient coriaces, et feraient de bons esclaves, sans doute. Helyes ne faisait pas partie du cortège, mais il assista à leur départ, et veilla à leur adresser quelques mots d'encouragement.

Ce fut seulement au troisième jour, comme l'avait anticipé Lithildren, qu'elle reçut la visite de Gil le mendiant. Au troisième soir, pour être particulièrement précis, puisque celui-ci décida de venir la voir dans sa chambre comme la première fois. Il eut la délicatesse de frapper toutefois, et de ne pas la surprendre dans son sommeil, ce qui n'était pas désagréable.

- Vous êtes attendue, madame, fit-il sur un ton particulièrement respectueux.

Puis il prit la route, et Lithildren le suivit. Ils empruntèrent le même itinéraire que la première fois, faisant preuve de la même prudence. Tharbad n'était pas une ville qui grouillait de dangers, mais de toute évidence Gil l'ancien paraissait soucieux de ne pas révéler la nature de ses activités secrètes. Il n'avait pas confiance dans la garde, et certainement pas dans le pouvoir à la tête de la ville, pour des raisons qui n'appartenaient qu'à lui. Étaient-elles pour autant justifiées ? Les deux ombres circulant à la faveur de la nuit retrouvèrent bientôt le vieil homme, qui fit asseoir Lithildren dans le même fauteuil que la première fois, allant jusqu'à lui servir un thé dans la même théière. Il y avait un côté excessivement familier à tout ceci. Seule l'absence de la femme rousse était remarquable.

- Bienvenue Lithildren, lâcha l'ancien, j'ai appris la nouvelle pour votre compagnon de route. Toutes mes condoléances.

L'attention était de pure forme, car il semblait ne pas s'émouvoir particulièrement de la mort d'un homme. Il l'avait fait venir pour autre chose, et ce n'était pas pour sympathiser outre mesure. Gil était un personnage efficace, décidé et volontaire, qui ne s'arrêtait pas pour pleurer les disparus. Il avait bien mieux à faire de son temps.

- J'ai pris la liberté de contacter un individu de confiance, qui vit à Minas Tirith, et de lui communiquer quelques unes des informations que vous avez pu trouver au sujet de Gier, et des mystères de la cité perdue des Elfes. Sa réponse m'est parvenue dans la journée, et elle confirme une partie de mes craintes. Je vous en prie.

Il sortit un pli de sa poche, et le tendit à Lithildren, qui put le lire sans difficulté puisqu'il n'était pas codé :

Citation :
Très cher G.,

J'ai lu, édifié, le rapport de l'affaire de la cité perdue. Je crains qu'il s'agisse du signe avant-coureur du danger qui nous guette. Il nous faut nous tenir prêts, car la menace qui a frappé les Elfes pourrait bientôt toucher notre royaume. Faites venir votre atout jusqu'à moi dans les plus brefs délais, en toute discrétion. A partir de maintenant, il serait préférable que nous communiquions de manière codée : j'ai le sentiment que nos échanges pourraient être interceptés.

N.

C'était un message à la fois court et instructif, qui dévoilait une partie du mystère, tout en rajoutant de nouvelles questions. Cette affaire était comme une pelote de laine, et à mesure que Lithildren tirait sur le fil, de nouveaux développements semblaient surgir. Gil lui reprit la lettre et la rangea dans la poche de son veston, avant de donner les explications qui manquaient à l'Elfe.

- Nallus est un de mes amis. Un des rares en qui je puisse avoir confiance, et un des encore plus rares que je peux encore contacter sans attirer l'attention. Il travaille à Minas Tirith, dans un cercle que l'on appelle la Société des Chercheurs. C'est une réunion d'intellectuels, de savants – et entre nous soit dit d'illuminés – qui disent travailler pour protéger les Peuples Libres. Ils rassemblent des informations, et essaient de constituer des réseaux pour être capables de prévenir le prochain malheur. De toute évidence, ils n'ont pas vu venir Gier… comme quoi, tout ne s'apprend pas dans les livres et les parchemins… Mais passons…

Le vieil homme avait une confiance modérée dans la Société des Chercheurs. Il ne critiquait pas leurs intentions, mais il trouvait leurs méthodes relativement inefficaces, voire naïves. Croire que l'on pouvait tout prévenir simplement en plongeant le nez dans d'anciens documents était une lubie : il fallait des hommes et des femmes sur le terrain, prêts à tout pour récolter les informations vitales qui n'étaient jamais données de bon cœur. Ce que le textes avaient à révéler était précieux, naturellement, mais le passé avait par nature une longueur de retard sur le présent.

- Les gens de la Société ne vous aideront pas à planter une lame dans le cœur de votre sorcier, mais ils pourraient vous aider à mieux le comprendre. J'ignore ce qu'ils peuvent vous apprendre au juste, mais Nallus ne vous ferait pas venir s'il n'avait pas quelque chose pour vous.

Il marqua une pause presque théâtrale, avant de reprendre :

- Vous devez vous rendre à Minas Tirith sans tarder. Traversez le Rohan sans vous y arrêter. Son peuple est rustre et affligé : ils ne vous feraient pas bon accueil. Le Gondor traverse une grave crise en ce moment, et l'hospitalité de la Cité Blanche pourrait vous décevoir. J'espère cependant que les habitants de la Cité Blanche sauront oublier leurs craintes, et accueillir une Elfe en ces temps troublés. Vous devrez user de persuasion pour obtenir ce que vous voulez, mais j'ai l'intuition que vous saurez vous en sortir.

Gil ne s'étendit pas davantage sur la fameuse crise que traversait le Gondor, mais Lithildren apprendrait assez tôt que les frontières du pays étaient fermées du fait d'une menace de guerre imminente. Elle parviendrait à traverser sans problème les plaines du Riddermark, mais une cavalière isolée apparaîtrait suspecte aux hommes du Haut-Roy Mephisto, qui risquaient fort de l'arrêter et de la questionner. On disait que des hommes de l'est étaient venus s'emparer de Cair Andros, et des régiments de toutes les provinces avaient afflué en Anórien pour participer à la défense de la capitale si d'aventure elle venait être attaquée. De tels bouleversements ne pouvaient pas passer inaperçus, et probablement que l'écho d'une telle crise s'était répercuté jusque dans les lointaines terres du sud. Gil n'en savait pas suffisamment pour donner des conseils spécifiques à Lithildren, et il jugea préférable de ne rien lui dire. Tout ce qu'il pouvait avancer ici, depuis son fauteuil à Tharbad, pouvait se révéler être faux une fois arrivé sur le terrain, et il ne voulait pas la perturber inutilement. Il avait appris par expérience que donner trop d'informations à un individu pouvait être contre-productif, car celui-ci s'accrochait à celles-ci désespérément, au lieu de faire preuve d'esprit d'initiative et de s'adapter. Dans le jeu auquel ils jouaient, la mort était souvent la récompense de ceux qui commettaient cette erreur.

- D'après mes calculs, si vous voyagez léger et sans vous laisser ralentir, vous devriez mettre environ un mois pour rallier Minas Tirith. La chevauchée risque d'être éreintante, mais paradoxalement vous devriez pouvoir retrouver des forces. Après votre passage sous terre, ce ne sont pas les heures en selle qui vont vous tuer, assurément.

Il eut un rire sec qui s'interrompit bien vite, comme s'il se souvenait de quelque chose. Parler de mort et de souterrains lui avait permis de se souvenir d'un détail.

- D'ailleurs, quelque chose me vient en tête. Gil… L'autre Gil, je veux dire… m'a rapporté que vous aviez le désir de ramener le corps de votre compagnon de route chez lui. Je ne peux pas vous empêcher de faire ce que votre cœur vous commande, naturellement, mais si vous souhaitez rallier Minas Tirith le plus vite possible, je peux prendre mes dispositions pour que quelqu'un s'occupe de cette tâche. Si cet homme est bien un Arnorien, comme on me l'a rapporté, il vous obligerait à faire un détour de quelques jours. Je vous laisse toutefois décider de ce que vous préférez.

L'ancien n'ajouta rien. Il appartenait à Lithildren de faire ses propres choix, ses propres arbitrages. Elle avait désormais à établir des priorités. Respecter sa parole, ou bien suivre les directives d'un homme qu'elle connaissait finalement à peine. Gil n'était pas là pour l'aider à prendre la bonne décision, car de bonne décision il n'y avait pas. Il était simplement curieux de voir quelle serait la voie que préférerait l'Elfe. Allait-elle se lancer à corps perdu dans une quête de vengeance et de justice, au risque d'abandonner une partie d'elle-même ? Allait-elle au contraire s'efforcer de retenir une partie de son âme, au risque de compromettre sa mission ? Le vieil homme au sourire mystérieux attendit patiemment, conscient que ce n'était que le premier d'une longue liste de dilemmes auxquels serait confrontée l'Elfe…


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A la Croisée des Chemins EmptyJeu 26 Juil 2018 - 12:35
- Je ferai le nécessaire pour que sa dépouille soit embaumée convenablement. Cela suffira pour les quelques jours que devrait prendre le voyage, et ainsi nous n'aurons pas à utiliser des techniques plus… radicales.
- Je vous en remercie. L'attente ne sera pas longue, deux, peut-être trois jours encore, c'est tout. Je dois encore me reposer avant de me mettre en route.

Elle ne dit rien de plus, fixant le corps sans vie d'Alart. Elle adressa une autre prière elfique en silence et se releva. Quand Helyes et l'Elfe sortirent du bâtiment, ils eurent comme un nouveau souffle. L'air changea du tout au tout entre la suffocation et la libération. Lithildren regarda Helyes s'en aller, sans rien dire. Elle se retrouva seule dans la masse grouillante de gens mais savait où elle devait aller.

Elle fit le chemin inverse et chercha à repérer le fameux marchand de tenues de voyage. Elle le retrouva après quelques minutes et s'isola pour pouvoir lui parler tranquillement. Il la dévisagea avec une méfiance non-dissimulée. Elle lui expliqua qu'elle avait besoin d'une tenue plus adaptée pour un voyage prochain, dans une poignée de jours, mais que n'ayant pas d'argent elle pourrait échanger la tenue de cuir qu'elle portait - donnée par l'aubergiste - et lui donner un coup de main s'il en avait besoin. Il parut réfléchir à la proposition. Elle le rassura en ajoutant qu'elle ne demanderait pas d'argent mais qu'elle - en effet - ne dirait pas non à une piècette ou deux. Il se rebuta mais finit par accepter l'échange. Il lui montra quelques pièces de tenue et aida à tester les tailles, etc.

Lithildren finit par obtenir une tenue légère mais satisfaisante, ne la gênant pas dans un quelconque mouvement. Et comme promis, Lithildren passa les trois jours qui suivirent à aider ce marchand et d'autres personnes dans la rue. Quand elle parvenait à avoir une pièce, elle la refusait ou la donnait de suite à un mendiant. Mais elle en garda tout de même une petite pincée. Elle ne pourrait décemment pas continuer toute sa vie à faire des échanges de bons procédés, encore moins quand il s'agissait de nourriture.

¤ ¤ ¤

Comme promis, Gil le mendiant revint le troisième soir. Il toqua, cette fois-ci, laissant à Lithildren l'occasion de se vêtir un minimum avant qu'il n'entre. Ils allèrent dans les ruelles, encore une fois, jusque chez Gil le vieux.

- J'ai appris la nouvelle pour votre compagnon de route. Toutes mes condoléances.

Elle hocha brièvement la tête pour le remercier. Mais elle savait que s'il la convoquait ce n'était sûrement pas pour un échange de politesse ou prendre de ses nouvelles. Non, il devait avoir du nouveau, des informations et elle se tenait prête à écouter.

- J'ai pris la liberté de contacter un individu de confiance, qui vit à Minas Tirith, et de lui communiquer quelques unes des informations que vous avez pu trouver au sujet de Gier, et des mystères de la cité perdue des Elfes. Sa réponse m'est parvenue dans la journée, et elle confirme une partie de mes craintes. Je vous en prie.

Elle prit la petite lettre qu'il lui tendit et la lut attentivement. "L'atout" ?

- Nallus est un de mes amis. Un des rares en qui je puisse avoir confiance, et un des encore plus rares que je peux encore contacter sans attirer l'attention. Il travaille à Minas Tirith, dans un cercle que l'on appelle la Société des Chercheurs. C'est une réunion d'intellectuels, de savants – et entre nous soit dit d'illuminés – qui disent travailler pour protéger les Peuples Libres. Ils rassemblent des informations, et essaient de constituer des réseaux pour être capables de prévenir le prochain malheur. De toute évidence, ils n'ont pas vu venir Gier… comme quoi, tout ne s'apprend pas dans les livres et les parchemins… Mais passons… Les gens de la Société ne vous aideront pas à planter une lame dans le cœur de votre sorcier, mais ils pourraient vous aider à mieux le comprendre. J'ignore ce qu'ils peuvent vous apprendre au juste, mais Nallus ne vous ferait pas venir s'il n'avait pas quelque chose pour vous.

Il fit une pause pendant laquelle Lithildren tâcha de remettre les choses en ordre. Minas Tirith ? L'Elfe repensa au fait que c'était sa destination initiale après la libération d'Oropher. Là où ils devaient retrouver l'assassin de Geraïhn et les parents de la belle. Elle inspira pour ne pas trop y penser et rester concentrée. Tout la ramenait là-bas, comme si son destin s'y trouvait. Pourquoi pas, après tout.

- Vous devez vous rendre à Minas Tirith sans tarder. Traversez le Rohan sans vous y arrêter. Son peuple est rustre et affligé : ils ne vous feraient pas bon accueil. Le Gondor traverse une grave crise en ce moment, et l'hospitalité de la Cité Blanche pourrait vous décevoir. J'espère cependant que les habitants de la Cité Blanche sauront oublier leurs craintes, et accueillir une Elfe en ces temps troublés. Vous devrez user de persuasion pour obtenir ce que vous voulez, mais j'ai l'intuition que vous saurez vous en sortir. D'après mes calculs, si vous voyagez léger et sans vous laisser ralentir, vous devriez mettre environ un mois pour rallier Minas Tirith. La chevauchée risque d'être éreintante, mais paradoxalement vous devriez pouvoir retrouver des forces. Après votre passage sous terre, ce ne sont pas les heures en selle qui vont vous tuer, assurément.

Un mois ? Quel long voyage ce serait... Heureusement qu'elle avait des armes et un cheval ! Et une tenue neuve, et quelques piècettes de monnaie. Lithildren soupira doucement. Dommage que le Gondor soit à l'opposé de la Comté, elle serait volontiers passé voir Eugénion... Peut-être au retour, quand tout serait terminé.

- D'ailleurs, quelque chose me vient en tête. Gil… L'autre Gil, je veux dire… m'a rapporté que vous aviez le désir de ramener le corps de votre compagnon de route chez lui. Je ne peux pas vous empêcher de faire ce que votre cœur vous commande, naturellement, mais si vous souhaitez rallier Minas Tirith le plus vite possible, je peux prendre mes dispositions pour que quelqu'un s'occupe de cette tâche. Si cet homme est bien un Arnorien, comme on me l'a rapporté, il vous obligerait à faire un détour de quelques jours. Je vous laisse toutefois décider de ce que vous préférez.

Elle regarda Gil le vieux un instant.

- C'est aimable à vous, Gil, mais je tiens à effectuer cela moi-même. Même si je dois sacrifier quelques jours... Mais j'ai vu ce qu'il a fait, entendu ce qu'il a dit et j'ai assisté à tout les événements auxquels il est relié. Je pense être la mieux placée pour demander à sa famille de lui donner, à défaut d'une sépulture, au moins des rites ou un enterrement digne de ce nom, et non pas dans une fosse commune. Il n'a peut-être pas fait grand-chose, mais comme tous ceux qui ont travaillé pour Gier, il voulait de l'argent pour améliorer la vie de sa famille. Trouver une épouse, avoir des terres et donner une vie meilleure à ses parents comme à ses éventuels enfants. Il n'aura pas la chance de faire tout cela. Néanmoins, sa famille reste en droit de savoir ce qu'il est advenu de lui. J'étais à son chevet... il me l'a demandé. C'est le moins que je puisse faire avant de me lancer dans une suite sans relâche d'événements qui risquent de me dépasser.

Elle fit une pause dans son discours.

- J'ai de nombreux regrets, de nombreuses morts vaines sur la conscience. Si je peux au moins faire ce geste, j'imagine que je me sentirais plus... légère pour le reste de mon voyage.

Elle se rendit compte à cet instant qu'elle ne reviendrait sûrement pas de cette... quête. Elle avait tout dissimulé derrière un masque épais de vengeance mais elle comprit enfin qu'elle n'était qu'un grain de poussière dans une maison abandonnée depuis des lustres. Un pion dans l'échiquier du destin du monde. Elle devait apprendre à dépasser ses buts pour le bien commun, ici la sauvegarde du monde. Comme le célèbre Legolas avant elle, qu'une Elfe soit dans cet échiquier pouvait changer bien des choses... sans compter qu'elle était plus "humaine" qu'une "Elfe", grossièrement.

Lithildren inspira. Puis regarda Gil.

- Si je dois traverser le Rohan puis le Gondor, il me faudrait une... lettre. Vous savez, ce genre de laisser-passer qui me permettra d'obtenir au moins un accueil moins virulent que si j'étais une vagabonde. Une invitation, si vous préférez. Si je prétends être là pour la Société des Chercheurs, il me faudra une preuve écrite à montrer à des gardes. Ça m'évitera de finir en prison, tête coupée ou chassée de Minas Tirith.

La requête pouvait sembler grosse mais elle avait du sens pour Lithildren. Peut-être en aurait-elle pour Gil. Lithildren essayait de penser vite mais bien. Elle devait agir et non plus se cacher, ne plus se limiter. Même si elle devait être discrète, parfois il fallait enfoncer des portes à coups de pieds pour aller où on veut aller.
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A la Croisée des Chemins EmptySam 28 Juil 2018 - 10:46
La réponse de Lithildren surprit légèrement Gil.

Positivement.

Il ne s'était pas attendu à voir l'Elfe s'en tenir à son idée première, qui consistait à aller porter le corps de son défunt compagnon jusqu'à sa famille. C'était un noble geste, qu'il pouvait être difficile de comprendre de la part d'une guerrière immortelle. Sa vie était vouée à ne jamais prendre fin, et elle aurait pu, comme beaucoup des gens de son peuple, passer à côté des misérables mortels qui s'endormaient sur son chemin pour marcher froidement vers sa mission. Au lieu de quoi, elle avait choisi d'accorder son attention à un anonyme, un inconnu dont personne ne se souviendrait dans quelques années. Les paroles de Lithildren touchèrent Gil plus qu'il n'aurait voulu se l'avouer. Il tendait parfois à oublier que parmi ceux qui s'opposaient aux Peuples Libres, tous n'étaient pas des monstres en puissance, avides de sang et de carnage. Il y avait des innocents qui s'engageaient dans des entreprises qui les dépassaient de très loin, en vue de faire un peu de profit. Des âmes désespérées qui cédaient à la tentation, qui se vautraient dans le péché dans l'espoir de construire un avenir meilleur. Ils étaient peut-être les véritables victimes des jeux de pouvoir qui se déroulaient au-dessus de leurs têtes.

- Vous avez raison… Finit-il par lâcher. Notre conscience est tout ce qui nous reste dans les heures sombres. La conviction que tout ce que nous faisons, nous le faisons avec les bonnes intentions… pour la bonne cause.

Il détourna le regard un instant, cherchant une silhouette qui ne se trouvait pas là actuellement. Il revint à Lithildren, et haussa les épaules :

- Si cela peut vous apaiser, alors faites ce que vous croyez juste. Mais prenez garde de ne pas laisser vos sentiments interférer avec votre mission. L'heure viendra bientôt où vous serez confrontée à des choix difficiles… Si vous cédez, l'avenir du Gondor risque d'être compromis.

Gil n'en dit pas davantage sur « l'avenir du Gondor », préférant garder ses secrets pour lui. Il semblait tout de même avoir quelque chose derrière la tête en disant cela, et il était certain qu'il en savait davantage qu'il voulait le laisser paraître. Qui pouvait dire combien de secrets recelait cette maison apparemment normale en plein cœur de Tharbad ? Sans doute plus qu'il était possible d'en retenir… Et au centre de cette toile d'araignées d'informations se tenait ce vieil homme au regard futé, qui dévisageait Lithildren avec attention. Il croyait en avoir fini avec elle, mais l'Elfe prit la peine de lui formuler une dernière demande qui était loin d'être farfelue. Un sauf-conduit pour pouvoir circuler paisiblement au Gondor. Il s'immobilisa un instant, avant de sourire brusquement :

- Vous avez raison… Avec toutes les tensions qui nous menacent, vous ne serez pas à l'abri de rencontrer un officier particulièrement zélé qui vous causera quelques difficultés. Alors… que pourrais-je vous donner qui vous permettrait de circuler librement au Gondor ?

Il parut hésiter pendant un instant. Il aurait sans doute pu lui écrire une lettre signée et cachetée, dont l'autorité aurait été incontestable. Grâce à un tel document, elle aurait sans doute pu se frayer un chemin sans trop de problème jusqu'à l'anti-chambre royale. Toutefois, il ne souhaitait pas apposer son nom au bas d'un document officiel, et trahir ainsi sa couverture. Tout reposait sur sa capacité à rester discret, à se faire oublier, et à agir indirectement. Il ne pouvait pas se dévoiler trop rapidement, au risque de compromettre tout ce sur quoi il avait travaillé jusqu'à présent. Non. Il faudrait trouver autre chose. Gil s'éloigna du secrétaire sur lequel reposait un encrier, et parut réfléchir un instant, comme s'il considérait plusieurs options.

Son embarras était évident.

- Ah… Cela pourrait convenir, oui…

Il finit par revenir vers Lithildren avec un petit coffret de bois qu'il sortit d'un tiroir. C'était un bel objet ouvragé, qui devait contenir un objet précieux. Il le déverrouilla à l'aide d'une petite clé, et en sortit un objet qui ne semblait pas mériter un tel écrin. Gil capta le regard surpris et peut-être un peu déçu de l'Elfe, et il lui glissa sur un ton presque amusé :

- Ne vous fiez pas aux apparences, cet objet vaut beaucoup plus cher que tout ce que vous possédez.

C'était dur à croire. Il lui présenta une petite sculpture en bois qui figurait un arbre stylisé. Il n'était pas difficile de reconnaître le symbole du Gondor, mais cela n'expliquait ni la supposée cherté de l'objet en question, ni la façon dont celui-ci allait pouvoir aider Lithildren à pénétrer dans le grand royaume des Hommes. L'ancien consentit à lui donner quelques informations supplémentaires :

- Vous aurez sans doute reconnu l'arbre du Gondor… Il s'agit d'une sculpture réalisée dans le bois du troisième Arbre blanc de Minas Tirith, un de nos symboles les plus sacrés. Cet objet est sans commune valeur en Terre du Milieu.

Il avait raison. L'Arbre blanc du Gondor était légendaire, descendant de Telperion de Valinor. Il représentait la capacité des Hommes à toujours se relever malgré les défaites, et à toujours voir l'espoir refleurir. Un tel objet était chargé de pouvoir et d'histoire. Gil ne jugea pas utile d'expliquer comment il en était arrivé à posséder un tel bien, et se contenta de le faire glisser entre les doigts fins de Lithildren.

- Rares sont ceux à pouvoir brandir un tel objet… J'espère que vous ne rencontrerez aucun d'entre eux au cours de votre périple.

L'avertissement valait ce qu'il valait.

- Grâce à cet objet, vous pouvez mettre à votre service n'importe quel homme portant l'uniforme du Gondor, et utiliser toutes les ressources dont vous aurez besoin pour accomplir votre mission. Mais n'abusez pas des privilèges qu'il vous offre, au risque d'attirer une attention indésirable et potentiellement néfaste. Ne le perdez pas, j'escompte bien que vous me le rendiez quand vous aurez achevé votre mission.

Lithildren avait bien entendu. A l'aide de ce simple objet, elle pouvait commander virtuellement à toutes les forces du Gondor ou presque. C'était là une immense responsabilité, et il était inutile de préciser qu'un tel objet ne devait pas tomber entre les mauvaises mains, au risque de causer la perte du royaume. Les civils y seraient pour la plupart insensibles, mais les militaires détenaient le pouvoir réel, et pouvaient en quelques heures prendre le contrôle de la totalité d'une province. Cependant Gil avait raison : un tel pouvoir était nécessairement contrebalancé par l'autorité supérieure du Haut-Roy et de ses principaux dignitaires, qui auraient tôt fait de découvrir l'usurpatrice et de lui faire payer son outrecuidance. Afin de ne pas en arriver à de telles extrémités, il serait nécessaire de jouer finement, et d'utiliser cet avantage avec parcimonie, si possible loin de la foule. En effet, le risque était à la hauteur du bénéfice potentiel, et le châtiment pour une telle imposture était sans doute exemplaire.

- Avec ceci, vous devriez éviter une bonne partie des désagréments que vous évoquiez. Mais vos actions seules décideront de votre sort dans cette affaire. Écoutez ce que vous dit votre conscience, et tout ira bien.

C'était un conseil à la fois vague et sage. Peut-être le meilleur et le pire que pouvait lui donner Gil, qui n'avait jamais été particulièrement doué dans l'exercice. Les longs discours et les phrases bien tournées n'étaient pas de son ressort : il n'était pas un orateur, ni un chef de guerre capable d'effacer la peur du cœur des hommes. Sa spécialité était toute autre.

- Je ne vous retiens pas, Lithildren. Vous avez une longue route devant vous, et le temps nous est compté. Ne tardez pas.

Sur ces mots, Gil l'ancien mit fin à l'entrevue.

Ce moment marquait le début d'une nouvelle aventure pour l'Elfe.


~ ~ ~ ~


Helyes avait été prévenu du départ de l'Elfe, et il sortit en hâte de son lit où il avait de toute façon passé une mauvaise nuit. Des images de guerre et de sang venaient encore le hanter parfois. Il avait demandé à être prévenu quand Lithildren viendrait à quitter Tharbad, et il avait pressé le pas pour rejoindre les portes, afin de ne pas faire attendre inutilement la femme. Il l'avait trouvée là, juchée sur son cheval qui avait été bien traité pendant son séjour ici. Les palefreniers de la garde avaient peu de moyens, mais beaucoup d'affection pour les bêtes majestueuses, et celle-ci avait reçu de bons soins. Elle était en pleine forme, et prête à partir. La cavalière paraissait avoir récupéré elle aussi. Les stigmates de ce qu'Helyes identifiait encore comme une agression par des bandits étaient toujours visibles sur son visage et sur ses mains, mais les coupures commençaient à cicatriser, et les contusions à disparaître. D'ici une semaine ou deux, tout au plus, elle aurait retrouvé des traits présentables en société.

L'officier s'approcha d'elle en jetant un œil à son chargement. En croupe, on avait attaché le cadavre du malheureux Alart, qui avait été embaumé pour l'occasion et enveloppé dans un épais linceul afin de limiter la dégradation du corps et l'inconfort de ceux qui se trouvaient autour. C'était une précaution utile, et les guérisseuses avaient fait de l'excellent travail en la matière. Le militaire n'était pas venu les mains vides, et il portait les armes de la guerrière, qu'il lui tendit sans cérémonie :

- Alors comme ça vous quittez Tharbad. Je suis content que tout se soit bien passé. Voici vos effets, comme promis.

Il la laissa vérifier l'état de son équipement, une précaution inutile puisque tout était en ordre. Helyes y avait veillé personnellement, soucieux de voir l'Elfe quitter la ville. Mais maintenant qu'elle était sur le point de partir, il avait la désagréable sensation de manquer quelque chose. Il ignorait la raison spécifique de sa présence ici, ni vers quoi elle partait, mais il se sentait affreusement bête, comme s'il était laissé de côté alors qu'elle s'apprêtait à accomplir un voyage fantastique. Il soupira. Il avait déjà vécu de drôles d'aventures dans le nord, et même si l'appel de la guerre le tentait, il savait qu'il avait de bonnes raisons de rester à Tharbad, notamment une femme aimante et dévouée. Elle ne lui pardonnerait jamais de partir ainsi sans penser à leur enfant qui allait bientôt naître.

- Les routes de l'Arnor sont relativement sûres, nous avons de nombreuses patrouilles qui y veillent quotidiennement. Vous n'avez aucun souci à vous faire.

Il hocha la tête pour appuyer ses propos. Une grande partie du travail de la garde de Tharbad consistait à sécuriser les routes commerciales des alentours. Ces routes étaient bien peu fréquentées aujourd'hui, mais ils continuaient à veiller avec zèle pour éviter que bandits et brigands pussent s'installer dans le vide laissé par les autorités. Jadis, la garde étendait son périmètre d'action vers l'est et le Rohan, mais désormais que leurs moyens étaient plus réduits et que les Dunlendings s'agitaient, le gouverneur de la cité avait préféré concentrer les patrouilles vers l'ouest, et confier la sécurité des convois à destination des autres royaumes à des mercenaires privés.

- Faites bon voyage, dame Elfe. Si vous revenez un jour à Tharbad, j'espère que cela se fera dans d'autres circonstances…

Il n'était pas immédiatement clair si Helyes faisait référence au pauvre Alart, ou bien à l'état de décrépitude de la ville. Peut-être un peu des deux. Il aspirait naturellement à des jours meilleurs, ceux qui verraient la cité retrouver son prestige d'antan, et où les voyageurs isolés n'auraient aucun risque d'être pris pour cible par des esclavagistes et des maraudeurs en quête de butin. Les deux allaient nécessairement de pair.

- Allez, et que la bénédiction des Valar soit sur vous !

Les portes de Tharbad s'ouvrirent alors en grinçant. Devant, une route sinueuse qui s'enfonçait vers l'ouest, et les vastes plaines du Cardolan encore bien dépeuplées en comparaison du reste du royaume. Le voyage serait tranquille et calme. Propice à la réflexion et à l'introspection. Alors que Lithildren faisait aller sa monture le long du sentier, elle put sentir un regard posé sur elle. Derrière Helyes, caché à l'angle d'une maison, Gil le mendiant l'observait avec attention. Il lui adressa un discret signe de la main, avant de disparaître lui aussi.

Chacun d'entre eux suivait son propre chemin, et accomplissait sa propre mission.


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A la Croisée des Chemins EmptyJeu 2 Aoû 2018 - 10:33
- Mais prenez garde de ne pas laisser vos sentiments interférer avec votre mission. L'heure viendra bientôt où vous serez confrontée à des choix difficiles… Si vous cédez, l'avenir du Gondor risque d'être compromis.

Lithildren opina doucement du chef. Tous ses choix l'ayant menée ici avaient été pris, pour une sacrée majorité, avec le cœur et non la tête. Mais maintenant, elle devait penser au bien commun, aux innocents, à tous ceux que Gier menaçaient avec sa folie des grandeurs. Elle connaissait son devoir mais elle devait encore l'accomplir et en avoir les épaules.

Mais Gil semblait savoir plus qu'il ne l'avouait. Il prétendait ne pas savoir grand-chose mais visiblement ses contacts s'étendaient relativement loin. S'il avait un "ami" dans cette Société des Chercheurs, nul doute qu'il en ait ailleurs. Des amis lui devant des faveurs, sans doute, mais surtout des contacts étant ses yeux ici et là. Lithildren avait saisi ces fonctionnements humains durant son emprisonnement au Rhûn. Son geôlier recevait des espions et contacts dans son salon et même si elle ne souvenait pas des paroles, elle se souvenait des gestes. Gil était-il de ces hommes à la main longue ayant un pouvoir bien plus grand qu'ils ne voulaient l'avouer ? Qui était-il, au final ? Lithildren se posait toutes ces questions lorsque le vieil homme revint à elle avec une petite boîte. Il en sortit un objet et comme elle n'avait que vaguement écouté, elle parut surprise et haussa un sourcil.

- Ne vous fiez pas aux apparences, cet objet vaut beaucoup plus cher que tout ce que vous possédez.

Ce n'était pas difficile, elle ne possédait rien. Ou plus exactement, ses possessions étaient volées ou échangées. Rien qui ne soit à elle à proprement parler. Mais à part cela, elle n'avait rien. Juste des armes, un cheval et des habits de facture correcte.

- Vous aurez sans doute reconnu l'arbre du Gondor… Il s'agit d'une sculpture réalisée dans le bois du troisième Arbre blanc de Minas Tirith, un de nos symboles les plus sacrés. Cet objet est sans commune valeur en Terre du Milieu.

Elle prit délicatement la petite sculpture dans sa main. Il semblait si fragile mais au vue de sa rareté elle se doutait bien que quelque chose se cachait derrière un simple petit arbre.

- Rares sont ceux à pouvoir brandir un tel objet… J'espère que vous ne rencontrerez aucun d'entre eux au cours de votre périple.

Il y en avait d'autres ? D'autres sculptures ? Vraiment ? Si tel était le cas, alors elle ne devait pas...

- Grâce à cet objet, vous pouvez mettre à votre service n'importe quel homme portant l'uniforme du Gondor, et utiliser toutes les ressources dont vous aurez besoin pour accomplir votre mission. Mais n'abusez pas des privilèges qu'il vous offre, au risque d'attirer une attention indésirable et potentiellement néfaste. Ne le perdez pas, j'escompte bien que vous me le rendiez quand vous aurez achevé votre mission.

Elle était en train d'y penser. Lithildren avait beau voir la facilité derrière la possession d'un tel objet, elle pouvait aussi voir la lourde responsabilité se cachant derrière. Là où tout homme aurait vu l'opportunité de monter d'échelons en échelons et d'accéder à des pouvoirs hors d'atteinte, Lithildren voyait une dague dans l'ombre prête à frapper au moindre faux pas. Elle ne devrait user de cet objet qu'en absolue nécessité, quand l'argent ou ses services n'avaient aucune autre utilité. Elle comptait bien le brandir si on l'empêchait de traverser la frontière et afin d'atteindre la Société des Chercheurs, pas ailleurs. Lithildren inspira doucement.

- Il n'arrivera rien à cet objet. Je vous le rapporterai une fois mon devoir accompli.

Lithildren trouverait bien quelque chose pour contenir le petit arbre. Elle le mettrait avec le journal de Gier, enveloppé dans un bout de drap ou dans une bourse qu'elle trouverait bien quelque part... Non, peut-être devrait-elle le garder sur elle. Elle trouverait bien. Gil mit fin peu après à leur rendez-vous nocturne et elle retourna dans sa chambre d'auberge guidée par Gil le mendiant. Elle le remercia infiniment et lui fit des adieux rapides.

Une fois dans sa chambre, Lithildren fit le vide dans sa tête. Elle se remémora tous les visages qu'elle avait croisé depuis sa rencontre avec Eugénion, se rappela certaines choses... Mais son passé devenait de plus en plus vague. Elle se souvenait des quelques scènes impliquant Oropher mais oubliait presque tout le reste. La chose étrange était qu'elle sentait qu'elle oubliait peu à peu, que quelque chose lui manquait et elle arrivait à situer certains de ces désagréments... mais c'était tout. Sa mémoire flanchait mais elle possédait des savoirs intrinsèques qu'elle n'oubliait pas. Et se battre en faisait partie.

Lithildren récita une longue prière aux Valar de l'aider dans son voyage. Elle pria pour qu'Oropher soit en vie, même si elle en doutait. Mais elle priait surtout pour la réussite de sa mission. Elle ne pouvait pas se permettre d'échouer. Elle devait réussir. Pour Oropher, Alart, Holric, Eugénion, ses parents... et Geraïhn, elle supposait. Elle ne comptait plus l'Elfe dans son cœur, Oropher y avait prit la place. En fait, elle s'était rendue compte qu'elle n'avait jamais aimé Geraïhn. Elle s'était rabattu sur lui pour une raison qu'elle ignorait alors que celui qu'elle aimait la regarder s'éloigner... Oropher. Si jamais il y avait une chance pour qu'il soit en vie... Mais son cœur et son esprit avaient un discours différent. Elle ne devait pas laisser son amour ou sa haine prendre le dessus et l'empêcher d'accomplir son devoir.

¤ ¤ ¤

Le lendemain, Lithildren se réveilla mieux que les précédents jours. Elle avait passé du temps à se reposer, reprendre des forces et maintenant elle était prête. Elle sentait toujours quelques courbatures dans son corps et quelques douleurs dû à sa faiblesse en arrivant à Tharbad mais elle reprenait du poil de la bête. La plupart de ses blessures sans grand intérêt avaient disparu et elle songeait qu'une fois au Gondor elle aurait retrouvé une certaine... apparence plus elfique au lieu d'avoir l'ait d'une baroudeuse.

Quand elle fut préparée et qu'elle eut récupéré le sac que le marchand d'armure lui avait offert pour son départ, elle sortit de l'auberge et donna une piécette au tenancier pour le remercier. Elle n'avait pas grand-chose de plus à offrir à part cela et en était désolée. Elle gardait un peu d'argent pour elle, même si elle n'avait pas beaucoup. Lithildren positionna le sac en bandoulière alors qu'elle traversait la ville vers ses portes. Une fois arrivée, elle annonça son départ et demanda son cheval et ses armes.

Ce fut Helyes qui lui apporta ses armes après plusieurs minutes d'attente. L'Elfe était déjà juchée sur son cheval, se tenant droite et fière. Le corps d'Alart était attachée à la croupe de la monture qui était en pleine forme. Il lui tendit grossièrement ses armes. La vérification à laquelle elle procéda n'était pas pour vérifier leur état mais pour une raison qu'elle saisissait mal elle-même. Ces armes lui donnaient du courage et la force et les tenir... la motivaient à avancer et lui rappelaient son devoir. Elle plaça ses armes sur elle ou son destrier rapidement avant de se tourner vers le soldat.

- Je vous remercie, Helyes. Je sais que vous n'avait guère apprécié ma présence et que votre seul désir est que je m'en aille mais sachez qu'en m'autorisant l'accueil à Tharbad vous avez... fait plus qu'être un simple soldat.

Elle venait de répéter l'exacte même phrase que quand elle était arrivée.

- Que les Valar vous accompagnent et veillent sur vous et les vôtres.

A ces mots, elle tourna bride et lança son cheval sur la route au petit galop. Quand elle fut plus loin, elle fit accélérer la monture à une allure raisonnable, ni trop fatigante ni trop lente. Lithildren appréciait enfin l'air pur des prairies et collines, des plaines et montagnes, cet air pur hors des villes. Elle aimait cette vie vagabonde mais à cet instant elle se sentit terriblement seule. Ces derniers mois, elle s'était habituée à voyager avec Oropher alors maintenant faire route sans lui... c'était comme un vide qui venait de s'installer dans sa vie et auquel elle refusait de s'habituer.
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptySam 11 Aoû 2018 - 14:58
La chevauchée de Lithildren s'était déroulée sans incident majeur.

Les vastes plaines de l'Arnor étaient beaucoup plus sûres depuis que le roi Aldarion avait repris le pouvoir, et l'ouest de la Gwathló était aujourd'hui fréquentable par les cavaliers isolés et les marchands. L'Elfe n'en croisa pas beaucoup sur son trajet, d'ailleurs. Helyes ne lui avait pas menti en lui disant que Tharbad était devenue une cité marginale dans le royaume, et que les commerçants ne se déplaçaient plus si loin pour faire commerce. Ils préféraient circuler dans les grands centres urbains d'Annúminas et de Fornost, voire Bree quand ils voulaient s'approcher des étranges Hobbits. Cette situation, triste pour la cité fluviale, était une bénédiction pour Lithildren qui n'eut pas à affronter de mauvaise rencontre.

Si elle avait continué vers l'ouest plus longtemps, elle aurait sans doute pu rencontrer quelques patrouilles remontaient les routes en essayant de disperser les bandits, mais elle n'eut pas à aller aussi loin. Il lui fallut à peine plus d'une journée de cheval pour rallier le village du malheureux Alart, et elle ne vit qu'une poignée d'hommes et de femmes qui vaquaient à leurs occupations, lui accordant à peine plus d'un regard avant de continuer leur chemin. Les gens d'ici avaient la vie plus douce que ceux du nord et de l'est du royaume, pourtant ils partageaient la même méfiance et la même rudesse propre aux gens de l'Arnor. Les séquelles de la guerre contre l'Ordre de la Couronne de Fer mettraient encore longtemps à guérir.

Le village d'Alart n'était pas très différent de ceux que l'on pouvait croiser ici ou là en Terre du Milieu. Quelques fermes, et de larges exploitations terriennes, sur lesquelles hommes et bêtes travaillaient de concert. Une vie difficile et qui ne permettait pas de s'arracher à sa condition et de rêver à un avenir meilleur. Ces quelques maisons faites de rondins de bois, qui supportaient péniblement les hivers éprouvants, offraient un refuge bien maigre face aux aléas de la vie. Il n'était pas difficile de comprendre pourquoi le jeune arnorien s'était engagé auprès de Gier. La perspective de s'enrichir et de vivre une vie meilleure pouvait rendre fou n'importe qui, a fortiori celui qui n'avait rien.

En s'approchant, Lithildren vit de nombreux regards se tourner vers elle. Des enfants, pour la plupart, dont certains s'en allèrent en courant prévenir leurs parents, tandis que les autres la dévisageaient avec un mélange d'admiration et de crainte. Elle n'aurait pas pu leur cacher sa nature elfique, et pour ces bambins davantage accoutumés à voir des soldats au visage fermé ou des marchands éreintés, la présence d'une immortelle sur le seuil de leur porte était une apparition surréaliste. Ils s'éloignèrent d'elle quand elle mit pied à terre, craignant quelque sorcellerie de sa part. Pour autant, ils n'eurent aucun geste agressif envers elle. Les descendants des Dúnedain gardaient encore dans leur mémoire le souvenir de l'ancienne alliance des Elfes et des Hommes. L'Elda finit par s'arrêter sur ce qui ressemblait à l'espace central du village, au milieu de quelques maisons, près d'un corps de ferme en mauvais état. Un chien aboya devant son passage, davantage pour marquer son territoire que pour la chasser.

Bientôt, une silhouette se détacha de la masse des enfants qui observaient Lithildren sans un mot. Un homme relativement âgé, qui marchait en s'appuyant lourdement sur un bâton. Il avait le visage marqué par le passage des années, mais son dos était toujours droit et son regard fier. Ses yeux d'un bleu perçant n'avaient rien perdu de leur vigueur. Il observa l'Elfe pendant un moment, sans paraître s'émouvoir de ce qu'elle était bien plus âgée qu'il ne le serait jamais. Il avait l'air d'avoir déjà rencontré des gens comme elle, et il ne se montrait plus impressionné par leur simple présence. Cependant, on pouvait déceler dans son regard une forme de surprise, teintée de prudence. Après tout, on racontait que de nombreux Elfes s'étaient rangés sous les ordres de l'Ordre de la Couronne de Fer, venu pour abattra le roi Aldarion.

- Salut à vous, lança-t-il brusquement. Cherchez-vous de l'aide ?

Il n'avait pas encore repéré le chargement très inhabituel que transportait Lithildren, et croyait toujours naïvement qu'elle s'était égarée et qu'elle avait besoin de quelqu'un pour lui indiquer le chemin vers la cité la plus proche. Après tout, rares étaient les étrangers à s'aventurer par ici pour le plaisir. En outre, il sentait dans le regard de l'Elfe qu'elle était là pour une affaire d'une certaine gravité, et non pour l'agrément. Ouvrant les mains pour lui montrer qu'il ne cherchait pas querelle, il répéta :

- Que pouvons-nous faire pour vous ?


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A la Croisée des Chemins EmptySam 11 Aoû 2018 - 19:25
Lithildren appréciait ce décor moins hostile que les alentours d'Ost-in-Edhil. L'herbe était plus verte et l'air plus frais, vivifiant. L'Elfe avait du mal avec la solitude que l'absence d'Oropher lui procurait mais elle arrivait à garder la tête occupée avec les questions qui la taraudaient.

Son avenir et celui de la Terre du Milieu reposaient sur tellement d'épaules. Elle n'était qu'un pion parmi d'autres, une information en plus. Elle savait où tout avait commencé et avec qui, ce dont il était capable. Mais elle ignorait pourquoi, où et avec qui. Elle voulait se rendre utile et elle devait se rendre à la Minas Tirith, rencontrer Nallus de la Société des Chercheurs et ensuite... cela dépendrait de Nallus. Celui-ci savait des choses et voulait utiliser Lithildren.

Mais elle se demandait quel usage on lui mettrait sur le dos. Politique ? Un atout diplomatique entre Humains et Elfes ? Une pensée lui vint alors. Et si ses agissements lui garantissaient une grâce auprès des siens ? Après tout ça elle ne saurait pas quoi faire. Peut-être irait-elle purger sa peine pour avoir tuer un garder, essayer de tuer un homme et avoir libéré Oropher, ennemi des Elfes à cause de son ancienne affiliation à l'Ordre de la Couronne de Fer. Ou elle continuerait de vivre en recluse et exilée jusqu'à la fin de ses jours, voyageant ici et là et aidant les pauvres. En tout cas elle savait qu'elle retournerait voir Eugénion à Bree.

Mais penser au futur était prématuré. Elle devait penser à l'instant présent et se concentrer sur sa mission. Et sa première mission était de ramener Alart à sa famille.

¤ ¤ ¤

Les nuits étaient douces et fraîches. Lithildren dormait contre le ventre du cheval, le corps d'Alart posé devant elle, à un mètre ou deux. Elle repartait à l'aube et changeait d'allure selon l'heure de la journée, jusqu'au bout du jour. Et elle rêvait d'Oropher la nuit, imaginant un futur avec lui qu'elle n'aurait jamais. Elle se réveillait en pleine nuit, en sueur et en larmes. Plus le temps passait et plus elle savait qu'elle aimait un homme qu'elle ne verrait plus jamais. Même si elle espérait qu'il soit encore en vie.

¤ ¤ ¤

Lithildren arriva en vue du village qu'Alart lui avait décrit. C'était un endroit pauvre et sur le point de flancher à tout instant. Les maisons étaient comme fébriles et le prochain hiver pourrait bien avoir raison des habitants...

Les regards qu'elle dirigeait vers sa personne elfique la gênaient. Elle n'était pas du tout à l'aise avec les regards des autres, que ce soient la méfiance, la peur... Elle tâcha de sourire à ceux qu'elle regardait. L'elfe aux cheveux de jais descendit de son cheval et le mena par les rênes vers le centre du village. Elle regarda le vieil homme s'approcher d'elle et essaya de lui sourire en coin, doucement.

- Salut à vous. Cherchez-vous de l'aide ?

Il fit signe qu'il était inoffensif.

- Que pouvons-nous faire pour vous ?
- Salutations. Je ne cherche pas d'ennuis, au contraire. Je cherche la famille d'un dénommé Alart. Elle se tourna et porta le linceul avec le corps à l'intérieur. Il faut que sa famille récupère le corps d'Alart pour qu'il possède un enterrement correct.

Lithildren approcha un peu, restant proche de son cheval.

- Je vous en prie.
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Ryad Assad
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A la Croisée des Chemins EmptyDim 12 Aoû 2018 - 23:36
Le vieil homme ne put s'empêcher de lâcher un soupir de soulagement quand l'Elfe lui expliqua qu'elle n'était pas là pour semer le trouble dans son petit village. Il avait déjà vu assez de guerres et de malheurs pour une vie, et il souhaitait seulement profiter de ses enfants et de ses petits enfants dans la quiétude de leur foyer. Une vie simple mais heureuse, loin du fracas des armes et de la guerre. Cependant, il fallait croire que la réalité du monde ne pouvait pas rester éloignée bien longtemps, et qu'elle était vouée à le rattraper. Lorsqu'elle lui déclara qu'elle cherchait la famille d'Alart, il se figea soudainement. Il savait ce que cela pouvait bien signifier, et il n'afficha pas le même sourire que les plus jeunes laissèrent fleurir sur leurs visages encore innocents. Ils croyaient peut-être naïvement que leur aîné était revenu couvert de trésors, et qu'ils allaient pouvoir festoyer en sa compagnie, à l'instar de rois ou de princes. L'adulte, lui, percevait la véritable nature de la présence de l'Elfe.

Lorsque Lithildren s'appliqua à descendre le corps de l'infortuné, le vieil homme profita de l'occasion pour dissimuler les larmes qui s'étaient amoncelées dans son regard. Autour de lui, tous n'eurent pas sa maîtrise, et un silence éloquent s'abattit sur l'assistance, seulement rompu par les sanglots que ne pouvaient contenir des âmes trop jeunes.

- Suivez-moi, fit le vieil homme.

Il conduisit l'Elfe sans rien ajouter, et les enfants les encadrèrent comme un cortège funèbre. A l'échelle de leur petit village, c'était une véritable tragédie, et la mort d'Alart était de toute évidence un traumatisme pour eux tous. Ils s'éloignèrent en direction d'une grande bâtisse, sorte de lieu commun où se retrouvait le village. Les enfants attendirent à l'extérieur, alors que le vieil homme et Lithildren pénétraient à l'intérieur. Il y faisait plus frais qu'au dehors, bien qu'un grand feu brûlât non loin, répandant une douce lumière qui dissipait péniblement les ombres tenaces qui s'accrochaient au moindre recoin. Quelques femmes se trouvaient à l'intérieur, et elles tournèrent la tête vers les nouveaux venus, sans cacher leur surprise. L'une d'entre elles, dont les cheveux gris trahissaient son âge plus sûrement qu'aucun autre signe physique, s'approcha du vieil homme en le prenant par le bras :

- Fredric ? Qui est cette jeune femme ?

Puis elle se rendit compte que Lithildren n'était pas une simple « jeune femme », mais bien une Elfe, une créature immortelle que l'on évoquait dans les légendes et les contes. Une vision aussi inattendue que saisissante, même pour les gens de l'Arnor. Elle se tut et laissa celui qui était vraisemblablement son époux expliquer la situation :

- Ce que nous craignions est arrivé, Hela. Alart nous a quitté.

La femme étouffa un cri de surprise, mais d'autres dans la pièce n'eurent pas une réaction aussi mesurée. On entendit bientôt quelques murmures, suivis par de longues plaintes désespérées. Une femme en particulier s'effondra, soutenue par ses amies. Il n'était pas difficile de comprendre qu'elle était la mère de l'infortuné.

- Cette Elfe nous a rapporté son corps, fit l'homme, afin que nous puissions lui donner les derniers rites.

Les regards se tournèrent vers Lithildren. Ils avaient tant de questions. Fredric fut le seul à prendre la parole, néanmoins. Après avoir invité la voyageuse à déposer le linceul qui contenait le corps du défunt, il lui demanda de lui raconter la façon dont celui-ci avait perdu la vie :

- Si vous avez fait l'effort de nous ramener Alart, je suppose que vous devez savoir quelque chose des circonstances de son décès. Nous avons besoin de comprendre…

Ses poings étaient serrés, comme si une forme de colère sourde s'était emparée de lui. Il avait trop souvent enterré de jeunes âmes pour pouvoir encore supporter un tel drame dans son entourage proche. Alart n'était pas son fils, mais ici ils se considéraient tous comme appartenant à une seule et même grande famille. Cette perte l'affectait terriblement, comme l'avait affecté le départ d'Alart quelques temps plus tôt. Il laissa Lithildren lui donner les explications qu'elle jugea utiles, avant de lui glisser :

- L'appel de l'or semble avoir eu raison de notre Alart… Je lui avais bien dit de ne pas suivre ce vaurien de Dale…

Un silence pesant s'installa.

Il finit par lancer :

- Notre village est modeste, mais si vous le désirez vous pouvez passer la nuit ici. Nous inhumerons le corps d'Alart dès demain matin, en présence de tout le village, comme le veut notre coutume. Vous êtes naturellement la bienvenue, si vous souhaitez y assister. Peut-être les prières des Premiers Nés aideront-elles son âme à trouver le repos.


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Lithildren Valbeön
Exilée
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Lithildren Valbeön

Nombre de messages : 363
Age : 26
Localisation : Les Terres Sauvages
Rôle : Exilée, Gardienne d'Ost-in-Edhil involontaire

~ GRIMOIRE ~
- -: Elfe Noldo
- -: ~ 400 ans
- -:

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A la Croisée des Chemins EmptyLun 13 Aoû 2018 - 0:54
Lithildren avait la mine basse et attristée. Elle avait vu l'espoir puis la déception fleurir sur le visage de personnes trop innocentes pour connaître ce genre de douleur. Ils semblaient tous aimer et respecter Alart, ce qui renforça le pincement au cœur que l'Elfe ressentait. C'était au-delà de la simple peine au milieu du deuil. Elle accompagnait leur peine et la partageait sans qu'elle sache trop pourquoi.

Elle suivit le vieil homme, secondée par le cortège funèbre. La belle Elfe ne put retenir des larmes lors de cette marche pendant laquelle d'autres pleuraient avec elle. Ou plutôt elle pleurait avec eux, pour être plus en accord avec la réalité. Lithildren entra à la suite du vieil homme dans le grand bâtiment et observa la lueur des flammes lécher les murs et essayer d'effrayer des ombres plus tenaces que le Rude Hiver. Elle ne dit rien jusqu'à ce qu'on lui montre un endroit pour déposer le linceul. L'Elfe sexécuta avec délicatesse, ne voulant pas sembler brusque ou indélicate.

- Si vous avez fait l'effort de nous ramener Alart, je suppose que vous devez savoir quelque chose des circonstances de son décès. Nous avons besoin de comprendre…

Lithildren laissa un moment s'écouler avant qu'elle n'ose prendre la parole. Elle posa une main sur le "front" d'Alart à travers le linceul et inspira doucement.

- Il voulait de l'or pour vous aider. Comme tant d'autres braves gens dont il devait surveiller les moindres faits et gestes... Ils voulaient tous une vie meilleure, appâtés par le pouvoir du gain et les promesses qui jamais ne furent tenues. Je me dois d'être franche avec vous car vous mentir serait plus cruel que la réalité. Il est tombé au combat contre deux Elfes, un... un ami et moi. Mais j'en suis la seule survivante. Alart a tenu bon plusieurs jours. Je l'ai porté à Tharbad où i la rendu son dernier souffle devant moi.
- L'appel de l'or semble avoir eu raison de notre Alart… Je lui avais bien dit de ne pas suivre ce vaurien de Dale…
- C'est pour vous qu'il a fait ça. Elle balaya l'assemblée du regard. Pour vous tous et toutes. Il a été la victime de la cruauté d'un homme qui ne voulait pas tenir ses promesses. Il aurait été éliminé comme du bétail dans les ruines de mes ancêtres. D'une certaine manière... j'ai permis à Alart de retourner auprès des siens au lieu d'être oublié dans des cavernes sombres. Bien d'autres n'ont pas eu sa chance...

Lithildren ferma doucement les yeux. Attendez... De Dale ? Gier viendrait donc de Dale ? L'Elfe ne laissa aucunement l'information lui échapper et se promit de questionner le vieil homme à ce sujet plus tard.

- Notre village est modeste, mais si vous le désirez vous pouvez passer la nuit ici. Nous inhumerons le corps d'Alart dès demain matin, en présence de tout le village, comme le veut notre coutume. Vous êtes naturellement la bienvenue, si vous souhaitez y assister. Peut-être les prières des Premiers Nés aideront-elles son âme à trouver le repos.
- Je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité, vous êtes trop bons. Mais je dois avouer que je ne serais pas contre un toit pour dormir cette nuit. Si les prières de mon peuple peuvent vous rassurer et aider Alart à rejoindre ses ancêtres, alors je serais honorée d'assister à ce rite funéraire.

Elle inclina doucement la tête en gage de respect. Elle poursuivit plus à l'intention du vieil homme.

- Je ne souhaite pas être impolie et je sais que vous êtes en grand deuil... Mais l'homme qui est responsable de cette tragédie, celui qui a causé la mort de douzaines d'hommes innocents prêts à tout pour leur famille et améliorer leur vie... Cet homme-là je le pourchasse pour que justice soit faite. Je ne vous poserais pas de question ce soir pour respecter votre deuil, mais après l'inhumation... J'en aurais une ou deux à vous poser. S'il vous plaît, c'est important pour moi.

Lithildren essayait d'avoir le plus de compassion et de gentillesse dans sa voix, son attitude, son regard, tout. Elle comprenait et ressentait la peine de ces gens mais si ils pouvaient l'aider à avancer dans sa question "Qui est Gier ?" alors elle devait saisir l'opportunité. Elle ignorait si le vieil homme allait tenir jusqu'à demain mais elle prierait les Valar qu'ils l'aident. Même si cet homme ne savait que peu de choses, tout indice était à prendre. Gier viendrait-il donc de Dale ? Cela ferait une piste après Minas Tirith, à condition que Nallus n'en donne pas d'autre. Mais ça restait un point important de suite, départ ou quelque chose.

Après tout, si Gier était de Dale, il irait sûrement là-bas pour se cacher le temps d'établit la suite de ses opérations. Et si Oropher s'y trouvait... Elle ne voulait pas laisser l'occasion de la sauver lui échapper des mains.
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