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 Une page ne se tourne pas, elle se déchire

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Lithildren Valbeön
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Lithildren Valbeön

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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptyLun 22 Juil 2019 - 12:44
La nuit tombait doucement sur la ville. Lithildren et Reinil attendaient.

- Cependant, je pourrais essayer de joindre le capitaine Erelas… De le mener jusqu'à vous. Personne ne me connaît ici, et je ne suis pas recherché comme vous pouvez l'être. Si vous me dites qu'il peut vous appuyer, alors cela vaut peut-être le coup. Un seul mot de votre part, et je m'en vais le retrouver et lui demander assistance. C'est le moyen le plus sûr, car j'ai bien peur que Sanson ne nous dénonce par crainte d'être sanctionné.

Elle réfléchit à cela deux minutes. Dans l'éventualité où il pourrait joindre Erelas, qui disait qu'il aiderait Lithildren ? Il l'avait aidée à entrer une fois, la ferait-il sortir puis entrer encore en douce ? Sûrement pas. Et puis, si jamais leur cible avait déjà passé les portes, il aurait pu prévenir les gardes de la possible venue d'une Elfe. Au moins il ne savait pas que Reinil était là. Néanmoins, c'était dans le cas où il était déjà dehors. Mais s'il était encore dedans ? Alors il verrait Reinil et ça n'augurerait rien de bon. Si Cereis voyait Reinil, il saurait que Lithildren arrivait. Alors il pourrait faire envoyer un message, bloquer l'accès de retour malgré le plan de Lithildren pour retourner à l'intérieur.

Reinil avait aussi raison sur un point : on ne pouvait pas se fier à Sanson. Il était pauvre d'esprit, pauvre tout court et il pourrait faire n'importe quoi pour ne pas finir dans la cabane de cadavres. La Noldo fronça le nez et les sourcils.

- Maintenant que nous sommes ici, je m'interroge… Qu'arrivera-t-il à monsieur Nallus si nous quittons la Cité Blanche ? Pensez-vous que nous pourrons encore l'aider depuis l'extérieur ?

Lithildren n'avait pas pensé à ça. Pas une seconde. En fait, elle avait pensé ne pas rester dehors assez longtemps mais... quelle était la garantie qu'elle pourrait retourner à l'intérieur même si elle suivait son plan ? Sa seule envie était de tuer Cereis, dele torturer et lui soutirer des informations. Mais si elle faisait cela, elle ne pourrait pas entrer de nouveau avec Cereis... ce qui était son plan de base. Mais elle avait oublié Nallus. L'Elfe fit face à un dilemme : sauver Nallus et avoir des informations - ou pas. Soit sauver Mevan et avoir des informations de Cereis mais potentiellement ne plus pouvoir rentrer. L'Elfe souffla doucement, ferma les yeux et se plongea dans ses pensées pour réfléchir.

Nallus était un mentor pour Reinil. Il était un scolaire respecté, aimé et intelligent. De plus, d'après la lettre anonyme que l'Elfe avait déchiffré, il en savait sûrement bien plus que ce que la Noldo pouvait imaginer. Cela expliquait vraisemblablement son arrestation : quelqu'un avait suivit l'auteur de la lettre, vu qu'elle avait atterrit à l'Université puis fait arrêter Nallus pour éviter qu'il ne déchiffre les informations. C'était le plus plausible. Si Nallus venait à être torturé et/ou exécuté, Reinil en voudrait à Lithildren. Il considérerait sûrement qu'elle était responsable de cette perte. Mais surtout, cela ferait une source d'informations en moins. Elle était venue le sauver. Elle ne pouvait pas abandonner la mission que Gil lui avait donnée.

Chance Mevan commandant respecté et aimé de ses hommes. Il n'avait aucune information sur ce qu'il se tramait dans la cité et ne servait "que" de moyen de pression sur Lithildren. Il était un soldat. Fort, avec une histoire chargée et un esprit tactique et militaire...

Et si...? Lithildren glissa sa main sur elle et sortit, presque de nulle part, la statuette que Gil lui avait donnée. Elle pouvait utiliser ceci... Elle ferma les yeux et serra l'objet dans sa main. Puis le rangea. Elle ne devait pas montrer à ses ennemis qu'elle avait un point faible. Qu'elle n'avait aucun point faible. Elle rouvrit les yeux. Sa décision était prise.

- Nous devons sauver Nallus en priorité.

Elle se redressa, l'air déterminé et grave, tendant la main à Reinil.

- Nous avons du travail. Nous devons trouver la Bâtisse Close pour y rejoindre Neige. Elle saura sûrement qui est... enfin. Quelqu'un. Elle parlait juste pour lui, de sorte que Sanson n'entende ni n'écoute pas. Si elle demandait à Sanson s'il connaissait une "Bâtisse Close", il pourrait donner l'information si on le questionnait. Alors mieux valait ne rien dire. Allez, viens. Une telle bâtisse doit forcément être dans les environs. Nous devons trouver notre contact.

Elle était certaine de ce qu'elle faisait et s'efforçait de chasser ses possibles remords de son esprit. Elle ne devait pas penser à ce que Cereis ferait à Mevan, mais à ce qu'ils pourraient faire à Nallus si elle sortait. A cet instant, elle savait qu'elle venait de prendre la meilleure décision pour Nallus, Reinil et elle. Elle avait un pincement au coeur concernant Mevan mais peut-être qu'ils ne lui feraient rien si elle ne se montrait pas, ni donnait d'indices concernant un quelconque lien. Lithildren devait se montrer froide, impartiale, peu importe les conséquences. Elle était triste de peut-être perdre le Commandant. Mais elle devait accomplir sa mission... et elle aimait Oropher. Elle l'aimerait à jamais.

- Toi qui connais mieux la cité, où est-ce qu'il y aurait un établissement abandonné qui pourrait correspondre ? Ou bien... un bâtiment au milieu d'autres, qu'on ne pourrait pas soupçonner ?
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Ryad Assad
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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptyMar 23 Juil 2019 - 19:07
Face à l'ennemi, il fallait parfois faire des sacrifices. Abandonner un pion pour emporter une pièce plus forte, être capable de choisir qui vivrait et qui mourrait pour que l'équilibre fût restauré ? Hélas, il était toujours plus aisé de laisser périr une petite pièce de bois ou un inconnu qu'un individu que l'on appréciait, que l'on respectait… S'il arrivait quelque chose à Chance, Lithildren devrait vivre avec sa décision, et faire face aux éventuelles conséquences. Mais son choix semblait fait, et Reinil n'était pas enclin à l'en dissuader. Pour lui, la vie d'un militaire vaudrait toujours moins que celle d'un érudit, car le bras capable de manier l'épée est beaucoup moins rare que l'esprit affûté d'un sage ayant voué sa vie au savoir.

Le jeune garçon, hochant la tête pour marquer son assentiment, se mit à réfléchir à voix basse :

- La Bâtisse Close… Je ne connais pas toutes les ruelles du premier cercle, mais il y a un endroit qui pourrait correspondre. Je n'ai appris son existence que par hasard, il y a longtemps. On m'a défendu de m'en approcher, on m'a dit que même les gardes n'osaient pas s'y rendre, et que c'était un lieu dangereux. Je vais vous y conduire.

Ils laissèrent partir Sanson, et sitôt qu'il eût disparu de leur champ de vision, se fondirent dans les ombres de la Cité Blanche pour mieux rejoindre leur destination. Reinil avait beau être un jeune étudiant de l'Université, il semblait connaître Minas Tirith comme sa poche. Comme s'il avait passé quelques années de sa jeunesse à arpenter ces lieux au mépris du danger et de la saleté qui régnaient ici. La glorieuse forteresse des Hommes avait évidemment sa part obscure, et à mesure qu'ils s'y enfonçaient ils pouvaient voir la misère et la crasse. La plupart des habitants avaient été évacués de ce niveau, mais si Neige leur avait donné rendez-vous dans la Bâtisse Close, c'était qu'il restait des civils dans le premier cercle, des hommes qui préféraient affronter le danger d'une attaque des envahisseurs plutôt que de se révéler au grand jour. Sans doute pas des gens très recommandables…

Ils serpentèrent à travers les ruelles sans croiser la moindre âme, sinon un ou deux chats errants qui les regardèrent passer de leurs yeux méfiants. Ils feulaient parfois, comme pour les défier de venir contester un morceau de nourriture tombé d'un chariot, qu'ils se disputaient pour survivre. Les deux bipèdes les ignoraient en poursuivant leur marche, approchant peu à peu de leur destination.

- C'est ici, finit par lâcher Reinil en désignant une maison apparemment abandonnée.

Il n'était pas facile de la localiser, elle qui se tenait au fin fond d'une rue, bien dissimulée. En outre, les fenêtres barrées et la porte close donnaient le sentiment que rien ne se tramait à l'intérieur. Pas un son n'en filtrait, et pendant un instant il leur apparut qu'ils pouvaient s'être trompés. Mais le jeune garçon semblait catégorique, et son doigt tendu en direction du bâtiment ne tremblait pas le moins du monde.

Il leur restait à savoir quoi faire désormais. Neige avait indiqué à Lithildren qu'elle l'attendrait à l'intérieur, mais ils ne voyaient aucune ouverture, aucun moyen de rejoindre la Bâtisse Close autrement qu'en enfonçant la porte. En outre, ils ne savaient pas sur quoi ils risquaient de tomber à l'intérieur. Dans leur situation actuelle, pouvaient-ils se permettre de tomber dans un piège ? Reinil était loin de ces considérations militaires, faisant preuve d'une naïveté touchante.

- J'ignore comment entrer… nous devons peut-être simplement frapper à la porte ?

Sa question suscita un rire léger derrière eux, et ils se retournèrent dans un même pas, sur le qui-vive. Jusqu'à présent, ils avaient eu la certitude de ne pas avoir été suivis, mais de toute évidence ils s'étaient trompés. Il fallait dire que même les sens acérés d'une Elfe ne pouvaient rien face à la connaissance du territoire que pouvait avoir un homme entraîné. Et entraîné, celui-ci l'était de toute évidence. Il avait la démarche féline d'un combattant, et le regard d'un homme qui avait déjà eu à passer quelqu'un par le fil de l'épée, et qui ne s'émouvait plus de ce genre de choses.

Un détail attira cependant l'attention de Lithildren et Reinil. L'homme saignait. Son bras gauche était replié contre sa poitrine, et du sang gouttait d'une large plaie ouverte qu'il n'avait pas pris la peine de refermer. Une simple bande de tissu déjà trempée limitait de manière dérisoire le flot carmin qui s'écoulait à un rythme inquiétant.

- Ne vous en faites pas pour ça, ce n'est qu'une égratignure, mentit-il. Par contre, vous risquez de subir un sort bien moins enviable si vous vous rendez là-dedans, croyez-moi.

Son sourire énigmatique n'était pas facile à analyser. Ami ? Ennemi ? La réponse n'était pas évidente.

- C'est Neige que vous cherchez, j'en suis bien conscient. Mais elle ne se trouve pas ici. On vous a tendu un piège ici. Des hommes de Cereis attendent votre arrivée à l'intérieur, et Neige elle-même s'en est tirée de justesse.

- Et comment le savez-vous ? Demanda Reinil, plein de méfiance.

L'homme haussa les épaules en désignant son bras blessé :

- Je l'ai appris au prix fort. J'ai eu le malheur d'être fidèle à Neige dans ces temps troublés. L'heure est venue de faire un choix. Le bon, si possible. Votre arrivée dans la Cité Blanche a servi de déclencheur à une série d'événements qui étaient peut-être inéluctables, et qui risquent fort de nous coûter la vie, tous autant que nous sommes.

Ces paroles faisaient écho à ce que Reinil et Lithildren avaient pu percevoir. Une forme de fébrilité de la part de Cereis, une agitation bien inhabituelle chez les gardes. Une tension permanente qui ne pouvait que se relâcher à un moment donné, à l'instar du bras épuisé d'avoir bandé un arc trop longtemps, qui libère la flèche sans se soucier de sa trajectoire. Le coup mortel pouvait se ficher dans le cœur de la cible, ou bien d'un malheureux passant. L'homme sembla tout à coup vaciller, et il prit appui sur le mur. Il allait de toute évidence moins bien qu'il voulait bien l'admettre, sa blessure était grave, et il perdait trop de sang pour rester dans cette position bien longtemps. Il tint cependant à poursuivre :

- Vous n'avez aucune raison de me croire, mais je suis votre allié. Et il y en a d'autres qui, comme moi, ont fait le choix de la raison. Minas Tirith est sur le point de devenir un champ de bataille, et vous aurez besoin de toutes les lames disponibles pour vous aider. Même la mienne…

Au moment où il prononça ces mots, il s'écroula lourdement en arrière, retenant à peine sa chute en s'appuyant sur la façade d'une maison. Le souffle court, le regard fébrile, il rassembla ses forces en voyant l'Elfe et le jeune garçon approcher. Ils pouvaient mettre un terme à sa vie immédiatement, et il le savait. Pour autant il savait aussi qu'ils avaient besoin de lui, et ce fut d'une voix ferme qu'il ajouta :

- Je suis peut-être mal en point, mais je peux vous mener à Neige. Elle se trouve près d'ici, dans une cache sûre. Je peux vous y conduire si vous me prêtez votre épaule.

Il tendit le bras en direction de Lithildren, pour solliciter son aide. Le geste était simple, mais il impliquait tellement.

La confiance.

La denrée la plus rare en Terre du Milieu à l'heure actuelle. L'Elfe avait appris douloureusement qu'il n'était pas possible de lutter seul, pas contre les ennemis qu'elle cherchait à affronter. Il y avait là dehors des forces qui la surpassaient, et qui ne pouvaient être terrassées que par l'union d'hommes et femmes volontaires, prêts à se sacrifier pour la cause. Elle avait choisi de se reposer sur Reinil, et plus largement sur la Société des Chercheurs. Mais il n'était pas difficile d'accorder du crédit à des hommes de science, qui ne représentaient pas une menace. Il était autrement plus difficile de prendre la main d'un inconnu qui pouvait aussi bien essayer de la poignarder dans le dos, ou de la conduire tout droit dans un piège.

Vérité et mensonge se mêlaient parfois sur les mots d'une même page, et il appartenait à la guerrière de démêler le vrai du faux pour tracer son propre chemin.

Le sentier était sinueux, et cette fois encore elle arrivait à une intersection.

Reinil l'observa, attendant sa décision, et les conséquences qui iraient avec.


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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptyMer 24 Juil 2019 - 10:58
Elle savait qu'elle devrait regretter son choix. Que la mort de Mevan pèserait sur sa conscience. Mais qu'était-il ? Une autre âme perdue sur le sillage de l'Elfe déjà tapissé de cadavres de proches, amis, confrères, personnes de confiance. Un de plus, un de moins, elle ne ferait plus la différence avec le temps. Pour le moment, elle avait dû faire un choix. Un choix crucial entre le cœur et l'esprit. Elle aurait dû choisir Mevan, sans doute. Mais pour quoi faire ? Sortir de la cité, tuer Cereis et tenter d'entrer à nouveau avec Mevan ? Si elle avait mieux joué, elle n'aurait pas eu à le laisser dehors dans un premier temps. Les pièces étaient en place et on ne revient pas sur sa décision. Les temps étaient aux durs, pas aux faibles. Lithildren le savait et devait agir en tant que tel.

- La Bâtisse Close… Je ne connais pas toutes les ruelles du premier cercle, mais il y a un endroit qui pourrait correspondre. Je n'ai appris son existence que par hasard, il y a longtemps. On m'a défendu de m'en approcher, on m'a dit que même les gardes n'osaient pas s'y rendre, et que c'était un lieu dangereux. Je vais vous y conduire.

Elle hocha, l'air grave, de la tête. Sanson disparut sans demander son reste, non content d'avoir tout de même empoché quelques piécettes, pour sa peine. Reinil guida l'Elfe, qui avait rabattu sa capuche sur la tête, à travers les ruelles sombres et sales de la cité. Cela lui rappelait les geôles du Rhûn... pensée qu'elle chassa presque immédiatement. Ce n'était pas le moment de songer au passé. Elle devait apprendre à aller de l'avant. Reinil arriva finalement à une ruelle et pointa vers une bâtisse aux porte et fenêtres condamnées. Ca ne pouvait qu'être là, oui.

- J'ignore comment entrer… nous devons peut-être simplement frapper à la porte ?

Lithildren allait répondre mais il y eut un ricanement derrière eux. L'Elfe sentit une colère sourde en elle monter : comment avait-elle pu se laisser suivre ? Il lui fallut quelques secondes pour discerner un homme qui s'approchait. L'Elfe remarqua de suite sa blessure, en fait, elle remarqua l'odeur de sang qui s'approchait.

- Ne vous en faites pas pour ça, ce n'est qu'une égratignure. Par contre, vous risquez de subir un sort bien moins enviable si vous vous rendez là-dedans, croyez-moi. Puis, après une courte pause. C'est Neige que vous cherchez, j'en suis bien conscient. Mais elle ne se trouve pas ici. On vous a tendu un piège ici. Des hommes de Cereis attendent votre arrivée à l'intérieur, et Neige elle-même s'en est tirée de justesse.
- Et comment le savez-vous ?
- Je l'ai appris au prix fort. J'ai eu le malheur d'être fidèle à Neige dans ces temps troublés. L'heure est venue de faire un choix. Le bon, si possible. Votre arrivée dans la Cité Blanche a servi de déclencheur à une série d'événements qui étaient peut-être inéluctables, et qui risquent fort de nous coûter la vie, tous autant que nous sommes. Vous n'avez aucune raison de me croire, mais je suis votre allié. Et il y en a d'autres qui, comme moi, ont fait le choix de la raison. Minas Tirith est sur le point de devenir un champ de bataille, et vous aurez besoin de toutes les lames disponibles pour vous aider. Même la mienne…

L'homme perdait son équilibre et de sa consistance. L'Elfe fit un pas vers lui. Il avait besoin de soins. Enfin... S'il était un allié.

- Je suis peut-être mal en point, mais je peux vous mener à Neige. Elle se trouve près d'ici, dans une cache sûre. Je peux vous y conduire si vous me prêtez votre épaule.
- Il n'existe aucun endroit sûr en ces temps troublés.

Lithildren s'approcha. Il tendait le bras pour demander de l'aide. Aide qu'elle ne pouvait pas refuser s'il disait la vérité et elle n'avait que son épée pour protéger Reinil. Elle avait beau être douée, elle n'était pas invincible non plus, et une embuscade aurait raison d'elle. L'air dur, elle tendit le bras opposé, serra sa poigne juste sous le coude de l'homme, recule une jambe et, en tirant et prenant bien appui, parvint à redresser l'homme. Il ne tint pas longtemps et s'appuya sur l'Elfe qui montrait plus de force que son corps svelte ne laissait penser.

D'un ton sadique, froid et cruel, mais pas moins sérieux, elle glissa à l'homme pour que Reinil n'entende pas :

- Si vous mentez, je vous tue. Vous n'aurez même pas le plaisir de souffrir, cela serait trop de risques. Je suis impitoyable envers mes ennemis. Prenez-moi pour une pauvre Elfe perdue et sans défenses, vous deviendrez un trophée sur une liste déjà longue. Sommes-nous clairs ?

Elle enfonça un ongle dans la peau de l'homme, entre deux côtes. Cela ne servait à rien mais elle voulait que le message soit clair : elle n'avait plus le temps de montrer de la pitié. Elle était en croisade et n'avait pas le luxe de perdre du temps avec des imbéciles.

Lithildren connaissait les risques. Mais entre subir une potentielle embuscade dans une bâtisse aussi condamnée et isolée, et suivre un homme mourant soit à Neige soit un autre piège, Lithildren avait fait son choix. Pourquoi elle choisissait de le croire ? C'était simple : il était faible. Il tenait à peine debout et, même s'il réunissait toutes ses forces, il ne pourrait pas crier. Alors si c'était un piège, elle se ferait un sadique plaisir de l'abattre.

L'Elfe commençait à être fatiguée de se faire balader comme un pion. Les gens la prenaient comme une poupée dont on dispose à volonté, passant de mains en mains parce qu'elle est utile ou fait bonne figure. Elle ne faisait pas confiance mais tâchait de calculer au mieux les chemins les plus logiques, ou en tout cas avec le moins d'options foireuses. Et cette option était la moins foireuse. Enfin, elle espérait.
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Ryad Assad
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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptySam 27 Juil 2019 - 1:49
Une simple poupée de chiffon, un pion.

C'était tout ce qu'était Lithildren dans cette histoire plus grande qu'elle.

La Cité Blanche était un labyrinthe dans lequel se mêlaient amis et ennemis, et elle y serpentait sans trouver la sortie, incapable d'échapper à l'étroitesse des lieux, à cet inconfort permanent, à la sensation d'être suivie quoi qu'il advînt. Des hommes qu'elles ne connaissait pas cherchaient à l'aider ou à la tuer, à la guider ou à la perdre. Seule sa raison et son intuition pouvaient l'aiguiller sur ce chemin imprévisible, alors que ses objectifs initiaux se faisaient toujours plus lointains.

Sauver Nallus. Sauver Chance. Sauver la Terre du Milieu.

Chaque pas en avant la rapprochait-elle d'un de ces buts ? C'était ce qu'elle devait continuer à croire, malgré tout. L'homme blessé, appuyé lourdement sur elle, eut un sourire amusé en entendant les menaces de la guerrière. De toute évidence, ce n'était pas la première fois qu'on lui promettait de telles choses, et il ne se souciait plus guère d'être effrayé ou inquiet de son sort. Il avait survécu jusqu'ici, et rien ne lui indiquait qu'il n'en serait pas de même cette fois. Il répondit péniblement :

- Je m'en doutais. Mais ne vous inquiétez pas, je n'ai pas prévu de vous doubler.

Et il ne mentait pas.

Lithildren avait fait le bon choix en faisant confiance à cet homme, qui la conduisit à travers les ruelles du premier cercle. La plupart des soldats se concentraient sur les remparts, et tournaient leur attention vers l'extérieur, si bien qu'ils n'eurent pas vraiment à faire d'effort insurmontable pour échapper à leur surveillance. Les gardes en armure étaient repérables à des dizaines de mètres grâce au bruit de leur lourd équipement qui claquait sur le sol comme s'ils étaient venus en frappant des casseroles les unes contre les autres. Il suffit au trio de s'abriter intelligemment pour laisser passer les patrouilles, avant de reprendre la route. L'homme finit par s'arrêter devant ce qui semblait être l'entrée d'une cave, à l'arrière d'une maison que rien ne semblait distinguer des autres. Il fit signe à l'Elfe et au jeune garçon d'attendre en retrait, et s'avança en titubant pour toquer à la porte selon un code pré-établi.

Tant de mystère, tant de détours pour en arriver là.

Telle était la vie de Lithildren, désormais, condamnée à ramper dans les ombres.

Trois secondes plus tard, la trappe s'ouvrit, et on les invita à entrer. Reinil eut un moment d'hésitation, perplexe à l'idée de suivre un inconnu dans ce qui s'apparentait à un tunnel obscur. Cela ressemblait grandement à un piège, mais ils n'eurent d'autre choix que de suivre leur guide dans les ombres, en priant pour ne pas tomber nez à nez avec un bataillon de soldats de Cereis prêt à les arrêter… ou pire. En réalité, ils descendirent le long d'un petit escalier vers ce qui semblait être une salle aménagée, où se trouvait une demi-douzaine de silhouettes. Des combattants, à n'en pas douter, éclairés par la lueur fade de quelques bougies distribuées ici ou là. Ils faisaient cercle autour d'un chef que Lithildren et Reinil n'eurent aucun mal à reconnaître :

- Neige… souffla le garçon sans cacher son soulagement.


La femme aux cheveux blancs se permit un sourire, mais son regard était fatigué, comme si elle avait passé les deux derniers jours à se cacher, à lutter, à combattre pour sa vie. Elle semblait indemne, même si son visage se crispait quand elle bougeait un peu trop rapidement. Tout du moins elle était en vie.

- Vous avez réussi à venir jusqu'ici. Merci d'avoir ramené Réland en vie également, nous n'aurions pas supporté de le perdre.

L'intéressé répondit par un signe de gratitude de la main, mais il s'assit et laissa deux des hommes dans la pièce se pencher sur son cas, et essayer de réparer son bras. Pendant ce temps, Neige prit le contrôle de la conversation, parlant lentement pour essayer de véhiculer toutes les informations qu'elle avait à transmettre sans rendre son propos confus :

- Lithildren, je vous présente les seules personnes en lesquelles vous pouvez avoir une confiance absolue dans cette cité… Les seules personnes qui seront prêtes à aller jusqu'au bout pour vous aider à accomplir votre mission. Ces hommes sont fidèles au Gondor, et à notre cause.

Elle marqua une pause. Ils n'étaient qu'une poignée, mais dans leur regard on lisait une détermination à toute épreuve. Nul doute que ces combattants donneraient leur vie s'il le fallait, et il y avait fort à parier qu'ils ne survivraient pas tous à ce qui allait suivre. Déjà deux d'entre eux – Neige et Réland – étaient blessés, et avaient dû affronter des ennemis cachés dans la Cité Blanche. Les autres seraient probablement pris pour cible dès qu'ils se révéleraient au grand jour. Les armes, théoriquement interdites dans les rues par l'ordre du général Cartogan, étaient pourtant sorties et prêtes à tuer. Le sang avait coulé, et désormais il n'était plus possible de faire machine arrière.

- Vous avez été honnête avec moi jusqu'à présent, et c'est à mon tour désormais de vous confier la vérité. Tout ceci est parfaitement secret, mais vous devez le savoir pour comprendre à qui vous avez affaire. Nous appartenons tous à la branche spéciale de l'armée du Gondor : nous sommes en charge de toutes les missions délicates d'espionnage, d'infiltration, d'assassinat… Toutes les choses que l'armée régulière ne peut accomplir, nous le faisons, et bien plus encore.

Reinil ouvrit des yeux ronds. Il avait bel et bien entendu parler d'hommes au service du Haut-Roy, qui travaillaient incognito à des missions spéciales, mais jamais il n'aurait pensé en rencontrer un. Encore moins tout un groupe, et être lié à eux d'une manière qui rehaussait tout à coup l'intérêt de sa présence ici. Il avait l'impression de vivre un rêve de gosse, sans très bien mesurer le danger qu'une telle révélation représentait. En effet, si Neige s'ouvrait ainsi à Lithildren, elle prenait le risque de voir la jeune femme les trahir involontairement, sous la torture par exemple. Cela signifiait qu'elle attendait de l'Elfe le même degré d'engagement que le reste des espions. Ou plutôt, elle l'exigeait.

La situation était trop grave pour laisser le choix à quiconque.

La neutralité n'était plus une option.

- Nous sommes de ceux qui pensent que notre mission est de protéger le royaume, même contre lui-même. Cependant, certains parmi nous ne partagent pas cette vision, et considèrent que le professeur Nallus, que vous-mêmes et ce que vous savez, constituent une menace pour la sécurité du Gondor. A leurs yeux, vous êtes des traîtres, des fauteurs de troubles. Et nous, qui croyons dans votre bonne foi, ne valons pas mieux.

Elle marqua une pause, en plongeant son regard glacé dans celui de Lithildren. Il y avait chez Neige une forme d'amertume teintée de rage. Traquée, considérée comme une renégate dans son propre royaume, elle était piégée au sein de la ville qu'elle considérait comme son foyer aujourd'hui. Elle observait l'Elfe comme si cette dernière était la seule à pouvoir comprendre ce qu'elle ressentait. Ce sentiment indescriptible quand un prédateur se changeait en proie, et devenait l'ennemi de son propre peuple. L'espionne poursuivit :

- Alors ils nous ont déclaré la guerre, et ils ont décidé de nous éliminer de la partie, purement et simplement. Vous, moi, nous tous qui sommes ici nous trouvons sur la liste des assassins les plus entraînés et les plus redoutables de la Cité Blanche. Les plus redoutables à part nous, bien entendu.

Les hommes partagèrent un rire cynique inquiétant. Lithildren était entourée de lions, de forces de la nature qui ne se laisseraient pas arrêter si facilement. L'Elfe comprit peut-être à ce moment que le discours de Neige ne lui était pas seulement adressé. Elle essayait également de remonter le moral de ses troupes, comme si elle se préparait à un grand combat.

- Nous ne nous laisserons pas prendre si facilement, et nous ne resterons pas passifs pendant qu'ils essaient de nous faire taire. Nous avons des armes, nous avons du talent, et surtout nous avons du cœur. La seule chose qu'il nous manque, Lithildren, c'est une cible. Une cible à frapper, à détruire. Ce que vous avez appris pourra nous aider à comprendre qui nous affrontons, à comprendre qui sont nos ennemis.

Elle s'approcha de l'Elfe et du garçon, posant une main sur l'épaule de chacun d'entre eux, comme pour les intégrer à leur conspiration. Sa détermination était totale, absolue, et particulièrement communicative. Elle porta son attention sur le jeune Reinil, et lui souffla :

- Je n'oublie pas le sens premier de ta quête jeune homme. Le professeur Nallus ne mérite pas de finir ses jours dans une prison sordide. S'il sait quoi que ce soit, nous l'apprendrons, même si nous devons prendre d'assaut les geôles de Minas Tirith pour cela.

Ces paroles résonnèrent longtemps dans l'air. Neige avait parlé d'une guerre, et le mot n'était pas usurpé… Elle était prête à défier ouvertement l'armée, les troupes royales, ses alliés d'hier, si l'Elfe le lui demandait. Quelque chose avait changé. Une rupture dont les conséquences n'étaient pas encore mesurables, mais qui frapperait avec la violence d'un tremblement de terre. Des institutions s'effondreraient dans un fracas terrible, le sang coulerait à flots avant la fin de cette tragédie.

Et au milieu de tout ceci, une Elfe et un jeune garçon.

#Réland


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Lithildren Valbeön
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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptySam 27 Juil 2019 - 10:19
L'homme n'avait pas réagit à ses menaces. Pour l'Elfe Noldo, cela indiquait qu'il ne mentait pas. Pourquoi serait-il aussi calme, impassible, si il mentait ? A moins d'être excellent comédien, les menteurs ont cette lueur dans le regard. Ce quelque chose qui leur dit qu'ils sont foutus. Pas lui.

Lithildren avait l'impression de faire les bons choix.... dès qu'elle n'était plus seule. Depuis qu'elle avait prit Reinil avec elle, l'Elfe voulait bien faire. Elle voulait être l'héroïne, la femme exceptionnelle qu'il voyait en elle. Elle voulait être l'Elfe qu'il croyait voir. Si seulement il savait... Mais la Noldo avait une tâche à accomplir. Elle ne devait reculer devant rien, choisir avec sagesse et vivre avec les conséquences. Reinil lui donnait une sorte de foi, de courage qu'elle avait perdu depuis la disparition d'Oropher. Mais elle avait cet instinct primaire maternel protecteur qu'il avait déclenché avec son innocence et sa gentillesse. Elle se promettait de lui montrer les merveilles du monde et de le protéger face aux sombres visages.

L'homme pesait lourd sur elle. Elle espérait qu'il ne meurt pas dans ses bras, d'un coup d'un seul. Il les mena à une cave derrière une maison anodine. Lorsqu'il lâcha Lithildren pour aller toquer selon un code, l'Elfe prit Reinil près d'elle. La porte s'ouvrit. Elle passa devant, main sur la garde de son arme et le pas prudent. Elle gardait Reinil juste derrière elle, par prudence.

Mais la scène lui fit prendre un visage rare chez elle : la surprise. La bonne surprise. C'était Neige. Lithildren se sentait soulagée et elle lâcha la garde de son épée. Reinil et elle soufflèrent un coup. Enfin ils pouvaient baisser leur garde quelques minutes, souffler et apprécier la compagnie de visages amicaux. Enfin... aussi amicaux que ces gens bourrus pouvaient l'être. Ils approchèrent tous les deux du groupe de Neige, le pas plus léger maintenant.

- Vous avez réussi à venir jusqu'ici. Merci d'avoir ramené Réland en vie également, nous n'aurions pas supporté de le perdre.
- Si nous n'avions pas croisé Réland, nous serions tombés dans le même piège que vous. Il nous a sauvé la vie, alors il me semblait judicieux de faire de même. Je suis ravie de voir que vous n'êtes pas perdue, Neige.

La guerrière elfique était sincère. Perdre Neige aurait été désastreux, à bien des points de vue.

- Lithildren, je vous présente les seules personnes en lesquelles vous pouvez avoir une confiance absolue dans cette cité… Les seules personnes qui seront prêtes à aller jusqu'au bout pour vous aider à accomplir votre mission. Ces hommes sont fidèles au Gondor, et à notre cause. Vous avez été honnête avec moi jusqu'à présent, et c'est à mon tour désormais de vous confier la vérité. Tout ceci est parfaitement secret, mais vous devez le savoir pour comprendre à qui vous avez affaire. Nous appartenons tous à la branche spéciale de l'armée du Gondor : nous sommes en charge de toutes les missions délicates d'espionnage, d'infiltration, d'assassinat… Toutes les choses que l'armée régulière ne peut accomplir, nous le faisons, et bien plus encore.

La Noldo s'en était doutée. Elle avait dit être de l'armée et Cereis était son (ancien) subalterne. Mais il avait été envoyé tuer Chance Mevan, alors l'Elfe s'était doutée que les activités de Neige n'étaient pas toutes immaculées. Cela plus sa tenue. Elle ne portait pas l'armure mais une tenue plus... confortable. Enfin, tout traduisait des activités hors des lois et des regards. Lithildren la laissa continuer.

- Nous sommes de ceux qui pensent que notre mission est de protéger le royaume, même contre lui-même. Cependant, certains parmi nous ne partagent pas cette vision, et considèrent que le professeur Nallus, que vous-mêmes et ce que vous savez, constituent une menace pour la sécurité du Gondor. A leurs yeux, vous êtes des traîtres, des fauteurs de troubles. Et nous, qui croyons dans votre bonne foi, ne valons pas mieux.
- Je sais ce que cela fait, croyez-moi. Vous pensiez réellement que les Elfes en avaient quoi que ce soit à faire ? Elle souffla du nez avec un amusement cynique. Comme d'habitude, mon "peuple" pourrait regarder les Humains tomber et tous périr sans lever le petit doigt.

Le ton de Lithildren n'était pas hautain, ni de défi. Mais un ton de colère et d'amertume. Neige et elle avaient cela en commun : la rancœur de la trahison laissant cet arrière-goût dans la bouche et sur le cœur. Elles se comprenaient, sûrement plus qu'elles ne le pensaient de prime abord.

- Alors ils nous ont déclaré la guerre, et ils ont décidé de nous éliminer de la partie, purement et simplement. Vous, moi, nous tous qui sommes ici nous trouvons sur la liste des assassins les plus entraînés et les plus redoutables de la Cité Blanche. Les plus redoutables à part nous, bien entendu. Nous ne nous laisserons pas prendre si facilement, et nous ne resterons pas passifs pendant qu'ils essaient de nous faire taire. Nous avons des armes, nous avons du talent, et surtout nous avons du cœur. La seule chose qu'il nous manque, Lithildren, c'est une cible. Une cible à frapper, à détruire. Ce que vous avez appris pourra nous aider à comprendre qui nous affrontons, à comprendre qui sont nos ennemis.

Neige approcha et posa une main sur l'épaule de la Noldo, l'autre sur une épaule de Reinil.

- Je n'oublie pas le sens premier de ta quête jeune homme. Le professeur Nallus ne mérite pas de finir ses jours dans une prison sordide. S'il sait quoi que ce soit, nous l'apprendrons, même si nous devons prendre d'assaut les geôles de Minas Tirith pour cela.

Il y eut une pause solennelle.

- Neige. Ma lame est à votre service. Ma mission seule n'a jamais été que de secourir Nallus, vous le savez. Minas Tirith ne doit pas tomber, et je suis prête à donner ma vie pour une cause qui est juste. Mon peuple ne fera rien, mais je ne suis ni mon peuple ni leur ambassadrice dans ce foutoir. Je suis une lame et une femme en mission, loin de chez elle.

Elle marqua une pause suite à ce discours. Autant que les hommes sachent dans quoi ils s'embarquaient.

- J'ai quelque chose pour vous. Un nom. Comme vous me l'aviez demandé, Neige, j'ai suivi Cereis. Et je suis tombée sur une scène des plus... insolites dirons-nous. Il a reçu, juste devant l'Université, la visite d'un homme appelé "Lord Rhydon". Cereis semble le craindre et lui obéir. Le Lord a ordonné à Cereis de "s'occuper du cas" du Commandant Chance Mevan, qui est stationné dans le camp du mur, à l'extérieur. Leur but, pensaient-ils, serait de m'attirer dehors.

Il y eut un silence pesant. Si ce nom leur disait quelque chose, ce n'était pas bon signe.

- Il avait une réunion ce soir mais j'ignore où. Je n'ai rien de plus que cela, je suis désolée.
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Ryad Assad
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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptySam 27 Juil 2019 - 16:46

La réaction de Lithildren réchauffa le cœur de Neige. Ce n'était pas souvent que des gens qui n'appartenaient pas à l'Arbre Blanc se souciaient sincèrement de son bien être. Voir cette Elfe soupirer de soulagement en la voyant en vie lui tira un sourire. C'était toujours à l'heure la plus noire que les étincelles d'espoir brillaient avec le plus de force, et même si la guerrière immortelle n'en était pas consciente, elle venait de raviver la flamme chez ces hommes traqués qui cherchaient avant tout à donner un sens à leur vie… et à leur mort probable.

L'espionne inclina la tête courtoisement, et répondit avec modestie :

- Votre présence et vos connaissances nous sont d'une plus grande aide encore. C'est nous qui sommes heureux de vous voir ici.

La pensée était honnête, car Lithildren semblait avoir déclenché une réaction en chaîne que rien ne pouvait arrêter, ce qui signifiait qu'elle avait réussi à faire sortir les traîtres de leur tanière. Sa simple présence les agitait comme si elle avait frappé à grands coups de pied dans une fourmilière, rendant leurs ennemis vulnérables à mesure qu'ils se dévoilaient. Afin de clarifier les choses pour tout le monde, Neige fit l'exposé de la situation à voix haute. A mesure qu'elle parlait, elle se rendait compte que leur quête les pousserait forcément vers des extrémités auxquelles ils étaient certes préparés, mais qu'ils auraient préféré ne pas voir de leur vie. Le meurtre ne les effrayait pas tant que la perspective de devoir retourner leurs lames contre leurs alliés d'hier. Des alliés qui pour certains étaient des amis, des compagnons. Simplement parce qu'ils avaient choisi un camp différent, ils devenaient des obstacles à supprimer si nécessaire.

Comme le fit remarquer Lithildren sur un ton acide, de telles décisions n'étaient que rarement prises par les Elfes, qui étaient davantage contemplatifs, méditatifs, et qui évitaient de se hâter. La discorde chez ce peuple pouvait avoir des conséquences dramatiques, et ils évitaient dans la mesure du possible les conflits internes. L'espionne était ravie de tomber sur une représentante du beau peuple qui partageât sa vision des choses. Elle se permit de répondre :

- De tous les Elfes que j'ai pu croiser, vous êtes la première qui me semble suffisamment pragmatique pour comprendre ce que nous faisons, et pourquoi nous le faisons. Je sais que vous ferez ce qu'il faut pour protéger le royaume du Gondor, et peut-être qu'un jour vous parviendrez à convaincre ceux de votre race de nous prêter assistance. Bien que j'éprouve de la colère en pensant aux jours sombres que nous avons traversés sans l'aide des Premiers Nés, je sais également combien une alliance entre nous est nécessaire et profitable. Un jour, vous pourriez être le pont entre les vôtres et les nôtres.

Elle n'ajouta rien d'autre à ces paroles énigmatiques, laissant Lithildren prendre la mesure de ce que cela pouvait impliquer. Retourner auprès de son peuple, d'abord, mais revenir avec un but, une ambition, et des perspectives nouvelles. Pour différente qu'elle fût des Eldar, elle n'en demeurait pas moins une immortelle, et en cela elle demeurait soumise aux lois des siens. Cela ne signifiait pas qu'elle ne pouvait pas en jouer pour convaincre, persuader, et inciter son peuple à agir. Le monde avait besoin de la sagesse des Elfes, aujourd'hui peut-être plus que jamais.

L'entente entre les deux femmes était étonnante, alors que rien ne semblait les rapprocher au premier abord. Pour autant, toutes deux mues par de profondes blessures qui peinaient à cicatriser, elles se battaient courageusement pour protéger un monde qui les rejetait et n'avait de cesse de les blesser. La guerre était leur environnement naturel, et bien qu'elles eussent essayé à de nombreuses reprises de s'en éloigner, l'appel du sang et de la mort les ramenait en permanence sur les chemins de la violence. Ce qui sauvait leur âme, dans cet enfer de feu et d'acier, était la conviction de servir le bien commun, de défendre ceux qui devaient l'être, et de pourfendre ceux qui méritaient la mort.

La justice était leur bouclier, la colère leur épée.

Alors, lorsque Lithildren apprit à Neige l'identité de la fameuse cible que l'espionne attendait, le sang de cette dernière ne fit qu'un tour, et elle sembla soudainement prise d'une fureur à peine contrôlée.

- Rhydon ? C'est Rhydon qui est derrière tout ça ?

Elle se retint de briser le mobilier qui se trouvait autour d'elle, mais de toute évidence ce nom ne lui était pas inconnu. Les hommes autour d'elle semblaient tout aussi choqués, pour ne pas dire dévastés d'apprendre la nouvelle. Lord Rhydon. Voilà en effet un nom qu'ils avaient appris à connaître au cours des derniers mois. Répondant aux interrogations silencieuses des Lithildren et de Reinil, Neige lança :

- Lord Rhydon appartient également au service de l'Arbre Blanc. Il en est le chef depuis la disparition mystérieuse de notre précédent mentor, celui que nous surnommions La Tête. Si Rhydon est derrière tout ça, cela signifie que la gangrène s'est emparée du royaume à un niveau sans précédent. La corruption est pratiquement remontée aux racines du pouvoir, et il nous appartient d'agir rapidement. En sa qualité de directeur du service, Rhydon peut mobiliser toutes les ressources dont il aura besoin pour nous appréhender. Nous devons frapper fort, avant qu'il ait le temps de comprendre.

Neige était bouleversée par cette nouvelle, mais son esprit rigoureux lui intima de se focaliser sur des considérations pratiques. Trouver des solutions, inventer des plans, voilà quelle était sa qualité principale, celle pour laquelle elle était capitaine et non pas simple exécutante. Ses hommes attendaient qu'elle montre la voie, et elle le fit avec brio :

- Si Rhydon a ordonné l'exécution de Mevan, il outrepasse largement ses prérogatives. L'armée régulière est sous le commandement du général Cartogan, et lui seul peut décider de traduire un officier supérieur devant un tribunal. Exécuter un commandant est un acte de haute trahison, a fortiori s'il ne s'agit que de faire pression sur vous. Ne vous inquiétez pas, Lithildren, je mettrai des hommes sur le coup, et ils s'occuperont de Cereis. Ils feront tout pour l'empêcher de mener à bien sa sordide mission.

Elle savait que l'Elfe aurait voulu participer à ce combat, qui avait quelque chose de personnel. Elle avait croisé Cereis, elle l'avait regardé dans le fond des yeux, et il aurait été normal de vouloir mener ce duel à son terme. L'heure viendrait bien assez tôt, mais pour le moment elle devait se concentrer sur le plus important.

- C'est une chance que vous ne soyez pas dehors à l'heure actuelle, sans quoi Cereis aurait réussi son plan. Il vous aurait piégée à l'extérieur de la cité, et à défaut de pouvoir vous éliminer, il aurait au moins pu vous tenir hors de la partie. Au lieu de quoi, lui et Rhydon pensent aujourd'hui que vous vous trouvez soit dans l'Université, soit occupée à essayer de sauver le commandant. Ils ne s'attendront pas à ce que vous essayiez quelque chose d'autre.

Un sourire carnassier apparut sur son visage. Son option n'était pas défensive, bien au contraire. Acculée, elle prévoyait de contre-attaquer avec toutes les ressources à sa disposition pour profiter de l'effet de surprise :

- Nous allons libérer le professeur Nallus, et le mettre à l'abri. Nous neutraliserons Cereis dans le même temps, et cela privera Rhydon de tout moyen de pression pendant un temps. Il nous restera ensuite à éliminer ce dernier, et à utiliser les informations de Nallus pour justifier notre action. Le général Cartogan nous fera peut-être arrêter, mais il entendra notre version et je suis persuadée qu'il verra que nous avons agi par nécessité.

Les risques étaient considérables, mais il y avait effectivement une faille dans la défense de Rhydon, et elles pouvaient l'exploiter. Restait à savoir si elles sortiraient vivantes d'une telle opération, mais cette considération était seconde. Le plus important était de protéger le royaume de cette nouvelle menace intérieure. Neige avait vu l'Ordre de la Couronne de Fer grandir au sein des plus hautes sphères du pouvoir, et elle ne laisserait pas un nouveau mal pernicieux s'épanouir sans au moins tenter de le purger. Si sa vie devait être donnée en sacrifice pour éviter les massacres, les trahisons et la terreur, elle accepterait joyeusement de savoir que son existence aurait servi à rendre ce monde meilleur.

- Lithildren, nous avons une armurerie où vous pourrez trouver tout ce dont vous aurez besoin. Un poignard supplémentaire peut toujours servir, et vous apprécierez peut-être une cuirasse légère à porter sur votre tunique. De quoi éviter les égratignures inutiles. Quoi qu'il en soit, prenez ceci.

Elle tendit à l'Elfe de solides brassards de cuir, frappés aux armes du Gondor. Ils n'étaient pas fait en acier, mais bien utilisés ils pouvaient aider à dévier une lame ennemie. Plus important encore, ils jouaient le rôle de signe de reconnaissance. Neige s'en expliqua :

- Ce symbole est, depuis des temps immémoriaux, celui des serviteurs du Gondor qui œuvrent pour le bien commun. C'est celui des serviteurs de la lignée des rois, les défenseurs de la justice et de la paix. Certains des soldats que nous rencontrerons accepteront peut-être de nous aider en les voyant, et ils pourraient bien vous sauver la vie.

Tous les espions présents dans la pièce en portaient, sans exception. C'était de toute évidence un équipement destiné au combat, car ils se préparaient à lutter férocement pour leur vie. La discrétion était oubliée, ne restaient que l'impérieuse nécessité de réussir. Neige prit Lithildren à part, pendant que tous commençaient à s'équiper, et lui souffla :

- Attaquer la prison en trop grand nombre risquerait de nous compliquer la tâche. Je vous veux avec moi pour aller chercher Nallus, et nous prendrons deux hommes supplémentaires. Reste la question du garçon qui vous accompagne. Il n'a pas l'air de savoir se battre, et j'ai peur qu'il soit tué si nous l'emmenons avec nous. Cela dit, cette cache ne restera pas sûre très longtemps, et il risque tout autant sa vie ici. Je vous laisse décider, et lui expliquer votre choix. Quoi qu'il en soit, trouvez un moyen de lui faire vos adieux, car il n'est pas certain que vous puissiez vous revoir quand tout sera terminé…


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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptySam 27 Juil 2019 - 19:08
- De tous les Elfes que j'ai pu croiser, vous êtes la première qui me semble suffisamment pragmatique pour comprendre ce que nous faisons, et pourquoi nous le faisons. Je sais que vous ferez ce qu'il faut pour protéger le royaume du Gondor, et peut-être qu'un jour vous parviendrez à convaincre ceux de votre race de nous prêter assistance. Bien que j'éprouve de la colère en pensant aux jours sombres que nous avons traversés sans l'aide des Premiers Nés, je sais également combien une alliance entre nous est nécessaire et profitable. Un jour, vous pourriez être le pont entre les vôtres et les nôtres.

Oh oui, elle comprenait. Mais convaincre les siens du bien-fondé de sa mission ? Elle avait pensé à utiliser les preuves des événements actuels pour à la fois payer sa dette envers sa cité natale mais aussi bouger son peuple. Peuple qui était resté inactif, inactivité qui avait conduit au sac d'Imladris. Les Elfes avaient toujours montré une force guerrière utile lors de la grande guerre contre Sauron sur les terres du Mordor, lorsqu'il avait été vaincu une première fois. Les Elfes avaient été utiles lors de la bataille au pied du mont Erebor. Mais ils n'avaient plus bougé depuis trop longtemps. Les Elfes se reproduisaient si lentement qu'une guerre pourrait les anéantir entièrement. Cette race était si végétative ! Cela avait le don de mettre Lithildren dans une rage sourde.

Mais si elle pouvait payer sa dette... Libérer un criminel de guerre et tuer deux gardes de prison dans une cité elfique était un crime atroce, surtout si perpétré par une Elfe. Elle avait trahit les siens, trahit ses amis, tout ça pour une vengeance. Vengeance qu'elle n'avait même plus en tête d'accomplir. La Noldo avait bien plus important à faire, désormais, comme démêler les trahisons et complots puis retrouver l'amour de sa vie. Une chose après l'autre.

- Rhydon ? C'est Rhydon qui est derrière tout ça ?

Le nom avait fait mouche. Ils eurent tous une moue crispée.

- Lord Rhydon appartient également au service de l'Arbre Blanc. Il en est le chef depuis la disparition mystérieuse de notre précédent mentor, celui que nous surnommions La Tête. Si Rhydon est derrière tout ça, cela signifie que la gangrène s'est emparée du royaume à un niveau sans précédent. La corruption est pratiquement remontée aux racines du pouvoir, et il nous appartient d'agir rapidement. En sa qualité de directeur du service, Rhydon peut mobiliser toutes les ressources dont il aura besoin pour nous appréhender. Nous devons frapper fort, avant qu'il ait le temps de comprendre. Si Rhydon a ordonné l'exécution de Mevan, il outrepasse largement ses prérogatives. L'armée régulière est sous le commandement du général Cartogan, et lui seul peut décider de traduire un officier supérieur devant un tribunal. Exécuter un commandant est un acte de haute trahison, a fortiori s'il ne s'agit que de faire pression sur vous. Ne vous inquiétez pas, Lithildren, je mettrai des hommes sur le coup, et ils s'occuperont de Cereis. Ils feront tout pour l'empêcher de mener à bien sa sordide mission. C'est une chance que vous ne soyez pas dehors à l'heure actuelle, sans quoi Cereis aurait réussi son plan. Il vous aurait piégée à l'extérieur de la cité, et à défaut de pouvoir vous éliminer, il aurait au moins pu vous tenir hors de la partie. Au lieu de quoi, lui et Rhydon pensent aujourd'hui que vous vous trouvez soit dans l'Université, soit occupée à essayer de sauver le commandant. Ils ne s'attendront pas à ce que vous essayiez quelque chose d'autre.

Lithildren hocha de la tête. Si Reinil n'avait pas raisonné l'Elfe, elle serait dehors avec lui. Mais il avait posé la bonne question au bon moment et elle avait réalisé qu'elle aurait été en très mauvaise posture "juste" pour sauver Mevan. Elle devait se concentrer sur Nallus et Rhydon. Et surtout rester à l'intérieur des murs.

- [b]Nous allons libérer le professeur Nallus, et le mettre à l'abri. Nous neutraliserons Cereis dans le même temps, et cela privera Rhydon de tout moyen de pression pendant un temps. Il nous restera ensuite à éliminer ce dernier, et à utiliser les informations de Nallus pour justifier notre action. Le général Cartogan nous fera peut-être arrêter, mais il entendra notre version et je suis persuadée qu'il verra que nous avons agi par nécessité.

- C'est très risqué. Je sais que vous êtes tous prêts à donner vos vies pour le Gondor, et je donnerais la mienne pour vous aider, mais nous ne serons pas utiles une fois morts. Il faudra un plan plus solide que les murs de Minas Tirith pour libérer Nallus sans risquer de se faire tuer ou pire, emprisonnés nous-mêmes et exécutés en tant que traîtres. Cela me fait songer que Rhydon me semble être un très bon candidat comme membre de la Fraternité dont je vous avais parlé. Sinon... pourquoi risquer de se promener armé en ville près de l'Université et d'envoyer un assassin tuer un Commandant respecté ? Il y a quelque chose qui me déplaît... Je ne peux m'empêcher de penser que Cartogan a subit une forte influence. La Fraternité a infiltré les hautes sphères de la Cité, alors il n'est pas impossible que Rhydon en fasse partie, tout comme il n'est pas impossible qu'il ait des permissions qui nous dépassent. Toute la situation de la ville me tracasse. Dans le camp du mur, il y a des murmures comme quoi on les enferme volontairement dehors, les interdisant de voir leur famille, et je ne parle pas des blessés. Ils n'ont aucune aide de la Cité, juste ce que parfois on leur accorde.

Elle s'était laissée emporter. Lithildren tâcha de recentrer ses pensées sur la situation actuelle. Sur ce qu'elle vivait au présent et allait vivre au futur.

- Lithildren, nous avons une armurerie où vous pourrez trouver tout ce dont vous aurez besoin. Un poignard supplémentaire peut toujours servir, et vous apprécierez peut-être une cuirasse légère à porter sur votre tunique. De quoi éviter les égratignures inutiles. Quoi qu'il en soit, prenez ceci.

L'Elfe regarda les brassards. Elle se sentait à la fois surprise et honorée. Neige lui faisait confiance et comptait sur elle. La Noldo était déterminée à ne pas la décevoir et agir avec et pour elle, à suivre la même cause. C'était la chose la plus juste qu'elle avait fait en quatre siècles. Lithildren prit les brassards et les mit à leur place sur elle. Elle les regardait, une lueur dans les yeux. Elle se sentait... importante. Plus précisément, dans un rouage important. Elle se sentait faire partie de quelque chose d'enfin plus grand qu'elle. Lithildren laissa cette sensation la submerger et lui donner de la force morale.

- Ce symbole est, depuis des temps immémoriaux, celui des serviteurs du Gondor qui œuvrent pour le bien commun. C'est celui des serviteurs de la lignée des rois, les défenseurs de la justice et de la paix. Certains des soldats que nous rencontrerons accepteront peut-être de nous aider en les voyant, et ils pourraient bien vous sauver la vie.
- Je ferai honneur à la confiance que vous m'accordez. Et je ferai honneur à ces brassards et ce qu'ils représentent.

Lithildren fut prise à part par la femme aux cheveux blanc.

- Attaquer la prison en trop grand nombre risquerait de nous compliquer la tâche. Je vous veux avec moi pour aller chercher Nallus, et nous prendrons deux hommes supplémentaires. Reste la question du garçon qui vous accompagne. Il n'a pas l'air de savoir se battre, et j'ai peur qu'il soit tué si nous l'emmenons avec nous. Cela dit, cette cache ne restera pas sûre très longtemps, et il risque tout autant sa vie ici. Je vous laisse décider, et lui expliquer votre choix. Quoi qu'il en soit, trouvez un moyen de lui faire vos adieux, car il n'est pas certain que vous puissiez vous revoir quand tout sera terminé…
- J'y ai pensé lorsque vous avez commencé à parler. Je ne peux pas le laisser rentrer à l'Université et il n'a nulle part où aller. Je ne peux que lui dire de se rendre à ce repère de soigneurs, où les persécutés par la garde se rendent pour leur échapper. C'est le seul endroit où il sera en sécurité. Je vais lui parler.

Lithildren alla retrouver Reinil. Il était à la fois apeuré et émerveillé de la situation et les gens qui l'entouraient. Lithildren s'agenouilla devant lui, prenant ses mains.

- Il va falloir que je m'en aille. Tu n'es pas en sécurité ici, enfin pas assez longtemps pour que je puisse t'y laisser. Tu ne peux aller nulle part sans risquer des problèmes. Alors il faut que tu ailles à cet endroit où les persécutés vont. Tu échapperas peut-être assez longtemps aux soldats pour nous laisser le temps d'agir. Elle prit Reinil dans ses bras et le serra comme si c'était son fils. Elle avait les larmes aux yeux et sa voix tremblotait légèrement. J'ignore si nous allons nous revoir. Si c'est le cas, je t'emmènerai à Imladris, je crois te l'avoir déjà promis mais je me répète. Si nous ne nous revoyons pas... Alors je te souhaite de... de... d'être...

Elle n'avait pas les mots. Elle fermait les yeux pour ne pas céder à ses larmes. Lithildren ignorait si ces adieux seraient éternels, mais cette simple formalité lui était déchirante.
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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptyDim 28 Juil 2019 - 12:33

- Rhydon lié à la Fraternité ? Peut-être qu'il est effectivement en contact avec ces gens, mais quoi qu'il arrive il représente une menace et doit être éliminé. Dans la mesure du possible, nous essaierons de lui arracher ses secrets, mais le laisser en vie présente un risque trop grand. Le tuer doit être notre priorité absolue.

Lithildren avait raison, cependant. Si Rhydon n'était qu'un simple pion sur l'échiquier, il fallait être capable de neutraliser celui qui le commandait, et qui était peut-être le cerveau derrière tout cela. Il faudrait de la retenue pour cela, mais Neige n'était pas certaine de pouvoir y parvenir. Elle connaissait assez son supérieur pour savoir qu'il ne se rendrait pas sans combattre. Inflexible, il avait l'âme d'un militaire, et elle ne l'imaginait pas se rendre facilement. Il disposait en outre de toutes les ressources de l'armée régulière pour les arrêter s'il le souhaitait, et pour Lithildren, il exerçait peut-être même son influence directement sur le général Cartogan. Si tel était le cas, alors il pouvait paralyser la machine militaire du Gondor, et tuer leur petite rébellion dans l'œuf.

- Le commandant des troupes du Lebennin, ce Mevan dont vous parlez… Vous pensez qu'il pourrait être de notre côté ?

La question apparemment anodine de Neige ne l'était pas tant que ça. Elle préférait ne pas en arriver à de telles extrémités, mais si nécessaire ils pouvaient peut-être trouver un appui inespéré dans la présence de cette forte garnison à l'extérieur des murs de Minas Tirith. Si, comme l'affirmait Lithildren, la troupe commençait à s'interroger sur ce que les autorités militaires complotaient, et que leur officier supérieur venait à être pris pour cible, cela pouvait conduire le royaume aux portes de la guerre civile. Dans ce cas, les troupes du Lebennin, qui comptaient parmi les plus expérimentées et les plus disciplinées du royaume, pouvaient se révéler être un formidable allié pour contraindre Rhydon et ses partisans à déposer les armes. Pourtant, si le conflit venait à prendre une telle ampleur, ils auraient échoué dans un sens en permettant à leurs ennemis de diviser l'armée du Gondor, alors que les menaces extérieures exigeaient que le royaume s'unît dans la difficulté.

Achevant leur conversation pour se concentrer sur l'immédiat, Neige se dirigea vers ses hommes pour leur donner quelques consignes. Elle savait que beaucoup d'entre eux prendraient des risques inconsidérés en essayant d'arrêter Cereis. Ils connaissaient tous leur cible, et savaient qu'il était un adversaire redoutable. A trois contre un, ils auraient pu en venir à bout facilement, mais il serait probablement entouré par une forte garnison de soldats réguliers qui, ignorant tout de la situation, prendraient les membres de l'Arbre Blanc toujours fidèles à Neige pour des traîtres mal intentionnés.

- Messieurs, fit-elle à voix basse, vous savez de quoi Cereis est capable. Notre nouvelle alliée nous a confirmé qu'il risquait de s'en prendre au commandant Mevan de la garnison de Rammas Echor. Dans l'idéal, vous devez intercepter Cereis avant qu'il ne quitte la Cité Blanche, et le neutraliser. Tuez-le si vous estimez que cela est nécessaire, mais soyez discrets afin de nous donner le maximum de temps pour agir. Ne prenez aucun risque inutile, et ne vous attardez pas. Si vous êtes pris vivant, demandez à être jugés par le général Cartogan. Les formalités administratives sont longues, et le temps qu'on instruise votre procès nous aurons trouvé le moyen de vous innocenter.

Ils hochèrent la tête pesamment, conscients qu'ils n'auraient aucun besoin d'un procès. Ils accompliraient leur mission, ou mourraient en essayant. Il n'y avait pas d'autre alternative.

Pendant ce temps, Lithildren s'était approchée de Reinil, qui semblait encore un peu impressionné par tout ceci. Des complots, des secrets, des mystères… son jeune esprit aventureux n'en demandait pas tant, et il avait l'impression d'être inutile face à ces guerriers sur-entraînés qui allaient tenter de porter un coup fatal à l'ennemi du Gondor. Pour autant, il était là : ils lui faisaient l'honneur de l'accepter parmi eux, et c'était en partie grâce à ses efforts que l'Elfe en était arrivée là. Il éprouvait une profonde fierté à l'idée d'avoir fait ce qu'il fallait, et son désir de poursuivre était grand. Cependant, que valait la connaissance à l'heure de l'action ?

Lorsque Lithildren vint pour lui parler, il s'était déjà résigné. Il comprenait que de tels enjeux le dépassaient, et qu'en tant que novice de l'Université, il était bien plus indiqué pour lui de demeurer à l'arrière.

- Je comprends, ne vous en faites pas. Je trouverai le chemin du Sanctuaire, et je parlerai à sire Alatar. Je suis sûr qu'il me fera bon accueil. Quand vous aurez réussi à libérer monsieur Nallus, vous n'aurez qu'à venir nous y trouver. Je me cacherai là-bas, et je suis sûr que les hommes du roi ne songeront jamais à m'y chercher.

La confiance du jeune garçon était touchante, quoique naïve. Il n'avait aucune idée de la violence qui était sur le point de se déchaîner, et dans son regard juvénile se mêlaient une forme d'assurance tranquille et d'inquiétude de circonstance. Il savait ce que représentait le danger, mais il semblait ne pas réussir à conceptualiser la notion de chaos. Si une guerre civile venait à éclater entre les murs de Minas Tirith, les morts se compteraient par milliers, et la violence n'épargnerait ni les civils, ni les riches, ni les pauvres, ni les femmes ou les enfants. On assisterait à des scènes d'une cruauté sans nom à tous les coins de rue.

Ils devaient absolument empêcher cela.

Reinil rendit son étreinte à Lithildren, en essayant de la rassurer du mieux qu'il le pouvait. Il avait l'impression de se trouver dans les bras de sa mère, et comme à l'époque il essayait de chasser son souci en lui apportant des paroles réconfortantes. Il ignorait si cela apaiserait le cœur de l'Elfe, mais il était d'une telle douceur et d'une telle gentillesse que ses seuls efforts avaient de quoi donner le sourire :

- Tout ira bien, Dame Lithildren. Tout ira bien. Faites bien attention à vous, et quand tout sera terminé, alors oui, nous pourrons nous rendre à Imladris. Ce serait un rêve pour moi que de pouvoir voir la cité des Elfes.

Il se blottissait contre l'Elfe comme s'il s'agissait de sa propre mère et leur relation curieuse, forgée par le marteau de l'impérieuse nécessité, paraissait plus forte que celles qu'ils avaient pu tisser par le passé. Pour Reinil, cette guerrière représentait l'horizon d'un avenir meilleur, d'une vie différente… une vie qui ait du sens. Pour cette raison, il ne pouvait pas envisager sa disparition. Dans son esprit, ce n'étaient pas des adieux… Il était persuadé de revoir la valeureuse guerrière, car les véritables héros ne pouvaient pas mourir, et il voyait en Lithildren une héroïne dont on chanterait les louanges dans le futur. Il ignorait seulement que dans la réalité, la chance et le hasard jouaient un rôle bien plus important que le talent et la bravoure.

Ce fut ce moment que choisit Réland, qui avait suivi la conversation, pour intervenir. Il avait fait bander sa vilaine plaie, et même si son visage était encore marqué, il marchait sans trop de difficulté :

- Si vous le souhaitez, fit-il, je veillerai sur le jeune garçon. Avec mon bras dans cet état, je ne serai pas très utile au milieu de la bataille, mais je peux assurer sa protection et le conduire en sécurité jusqu'au Sanctuaire. C'est le moins que je puisse faire pour rembourser ma dette, puisque vous avez accepté de ne pas me tuer sur-le-champ.

Son sourire malicieux ne trahissait aucune animosité. Il comprenait la méfiance dont l'Elfe avait fait preuve envers lui, et il était sincèrement heureux de savoir qu'elle avait accepté de prêter sa lame à leur cause. Ils auraient bien besoin d'une guerrière immortelle pour réussir dans une entreprise qui semblait perdue d'avance.

- En échange, promettez-moi de veiller sur Neige. Le Gondor perdrait une de ses plus précieuses gardiennes s'il venait à lui arriver quelque chose. Je préfère la savoir en vie pour affronter un avenir qui s'annonce bien sombre.

Cette requête ne serait pas facile à tenir. Neige semblait déterminée à aller jusqu'au bout, et elle était peut-être plus résolue encore que ses soldats, comme s'il l'idée même de survivre à cette mission lui était étrangère. Protéger la vie de cette dernière tout en essayant d'accomplir la mission ne serait pas une mince affaire, assurément.


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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptyDim 28 Juil 2019 - 14:55
- Le commandant des troupes du Lebennin, ce Mevan dont vous parlez… Vous pensez qu'il pourrait être de notre côté ?
- Il nous aidera, oui. Je devrai le convaincre mais il se battra pour une cause juste. C'est grâce à lui que j'ai pu arriver ici, ainsi que grâce au Capitaine Eralas. Ils nous aideront.

Lithildren comprenait le sens de la question. Si les hommes de Neige sauvaient Mevan, il aurait une dette envers eux. Et puis, cela ferait une petite armée. Si la tentative d'assassinat se révélait, certains soldats normalement avec Cartogan se retourneraient pour suivre Neige et Lithildren. Mais pour cela, les hommes de la femme aux cheveux blanc devaient réussir à arriver à temps et sauver le Commandant Mevan. Et avec de la chance, Eralas oserait suivre aussi. Mais c'était seulement dans le meilleur des cas. Il n'y aurait pas de seconde chance si les choses tournaient mal.

- Messieurs, vous savez de quoi Cereis est capable. Notre nouvelle alliée nous a confirmé qu'il risquait de s'en prendre au commandant Mevan de la garnison de Rammas Echor. Dans l'idéal, vous devez intercepter Cereis avant qu'il ne quitte la Cité Blanche, et le neutraliser. Tuez-le si vous estimez que cela est nécessaire, mais soyez discrets afin de nous donner le maximum de temps pour agir. Ne prenez aucun risque inutile, et ne vous attardez pas. Si vous êtes pris vivant, demandez à être jugés par le général Cartogan. Les formalités administratives sont longues, et le temps qu'on instruise votre procès nous aurons trouvé le moyen de vous innocenter.
- Si vous voulez sauver Chance Mevan, je ne peux que vous conseiller de partir au plus vite. Je l'ai suivi déjà ce soir et il doit être soit aux portes soit déjà dehors à l'heure qu'il est. Vous réussirez, je vous fais confiance. Et que les Valar vous protègent.

Lithildren avait le cœur battant. Plus les secondes passaient, plus tout cela devenait très réel. De plus en plus réel.

Parler à Reinil était si dur. Mais le jeune garçon avait cette naïveté et cette innocence qu'elle aimait et dont elle avait besoin. Ca lui réchauffait le cœur.

- Je comprends, ne vous en faites pas. Je trouverai le chemin du Sanctuaire, et je parlerai à sire Alatar. Je suis sûr qu'il me fera bon accueil. Quand vous aurez réussi à libérer monsieur Nallus, vous n'aurez qu'à venir nous y trouver. Je me cacherai là-bas, et je suis sûr que les hommes du roi ne songeront jamais à m'y chercher. Puis, après un instant. Tout ira bien, Dame Lithildren. Tout ira bien. Faites bien attention à vous, et quand tout sera terminé, alors oui, nous pourrons nous rendre à Imladris. Ce serait un rêve pour moi que de pouvoir voir la cité des Elfes.

Elle était contente de l'entendre. Réland approcha soudain en titubant.

- Si vous le souhaitez, je veillerai sur le jeune garçon. Avec mon bras dans cet état, je ne serai pas très utile au milieu de la bataille, mais je peux assurer sa protection et le conduire en sécurité jusqu'au Sanctuaire. C'est le moins que je puisse faire pour rembourser ma dette, puisque vous avez accepté de ne pas me tuer sur-le-champ. En échange, promettez-moi de veiller sur Neige. Le Gondor perdrait une de ses plus précieuses gardiennes s'il venait à lui arriver quelque chose. Je préfère la savoir en vie pour affronter un avenir qui s'annonce bien sombre.

Lithildren se tourna pour être face à l'homme. Elle tendit la main et empoigna avec force l'avant-bras libre de l'homme. Cette façon de faire était un signe de frères d'armes, de fraternité. C'était une promesse et un symbole fort vu leur différence raciale.

- Je vous promets de veiller sur Neige, même si elle veillera aussi sur moi. Et je vous remercie du fond du coeur de veiller sur Reinil. Vous pourrez en profiter pour soigner votre bras au Sanctuaire. De manière plus efficace, je veux dire. Prenez soin de vous, Réland. Que les Valar vous protègent, Reinil et vous.

Lithildren sentait que le moment allait bientôt venir pour la troupe de partir. Chacun n'allait plus tarder à sortir effectuer sa mission. Elle ne put s'empêcher, après avoir lâché Réland, de dire à voix haute dans une prière :

- Que les Valar nous protègent tous...

Ils auraient bien besoin de leur aide pour venir à bout de cette guerre militaire intestine. Il fallait encore sauver Mevan et Nallus, neutraliser Cereis et Rhydon, montrer les preuves à Cartogan et démanteler pierre par pierre la Fraternité. Tout ça avant qu'ils ne se fassent tuer. Une mission impossible et surtout suicide. Mais la Noldo était prête : donner sa vie pour une cause plus grande. Si son Seigneur et Oropher le savaient, ils seraient fiers d'elle. Lithildren espérait avoir l'honneur d'annoncer à son peuple ce qu'elle avait fait, de dire à Oropher ce qu'elle avait accomplit.

Elle priait pour que tous survivent.
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Une page ne se tourne pas, elle se déchire - Page 2 EmptyDim 28 Juil 2019 - 18:07
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