Esgaroth baignait dorénavant sous un ciel grisâtre qui s’assombrissait davantage. Les lanternes des rues s’allumaient une à une par les adolescents, qui travaillaient à la chaîne, afin que toute la ville soit éclairée, en suivant un tempo bien rythmé. Pourtant, ce n’était plus ces mêmes jeunes garçons qui si gentiment allumaient les torches, mais bien des créatures difformes et qui dévisageaient l’Elfe lorsqu’ils passaient près d’elle.
Alors qu’elle était appuyée contre un mur de pierre, Del sentait quelque chose coulé sur sa tempe et qui vint s’unir avec les quelques larmes qui avaient glissés sur sa joue. Elle déposait doucement sa main sur celle-ci et réalisait qu’elle n’avait pas encore guéri de sa blessure à la tête. Les sifflements du vil serpent qu’elle ne cessait d’entendre était bien plus présent qu’auparavant et envahissaient ses tympans.
En premier lieu, elle devait connaître l’identité duquel de ses compagnons avait péril sur le lac. En s’avançant vers la place publique pour se dissimuler entre des tonneaux et des passants, Delaynna tendait l’oreille attentivement pour écouter les conversations des habitants. Pourtant, elle n’entendait que ces affreux sifflements qui sortaient de la bouche de chacun qu’elle tentait attentivement d’écouter la discussion. Del se sentait épié. Observé par une ombre qui semblait suivre ses moindres gestes et surtout, prêt à la saisir, telle une véritable proie. Delaynna avait une mauvaise impression d’être la proie de cette vile créature… ou bien de cette ville devenue soudainement terrifiante.
S’éloignant de la place publique, Del croisait le regard des deux individus qui l’avait croisé. Ils se mirent à sa poursuite. Disparaissant dans l’ombre des tonneaux et des commerces, la dame de l’eau fut saisie de force par une poigne et qui la fit disparaître des yeux maléfiques de ses poursuivants.
« Chut ! Pas un bruit ! » Fit le monstre en la traînant fermement par le bras. Les poursuivants de la jeune Elfe passèrent sans les voir, et leurs pas s’éloignèrent bientôt dans une autre direction.
« Venez, venez, ne traînons pas ici… »
La drôle de créature ne lâchait pas la main de Delaynna, l’entraînant toujours plus loin dans les profondeurs putrides de la ville, là où l’on stockait et dépeçait les poissons qui servaient à nourrir la cité. Plus ils s’avançaient à travers les petites ruelles de la ville, Del avait l’impression de s’enfoncer dans quelque chose où il n’y avait plus de profondeur. Ces rats anormalement gros, aux yeux bouffis de rage. L’un d’entre eux bondit avec une agilité surprenante, et se retrouva au sommet d’un tonneau, observant Delaynna et la créature-fourmi qui sans se soucier d’eux.
Alors que la créature-fourmi se tournait en direction de l’Elfe, elle pouvait constater que celle-ci était plus effrayée que la Dame de l’eau.
« Vite, donnez-moi votre or avant qu’ils reviennent… » En baissant le regard vers les nombreuses pattes de ladite créature, Del remarquait le petit couteau qu’elle tenait, nerveusement.
« Je vous en prie, ne faites pas d’histoire. Je veux juste votre or, rien d’autre. » En penchant la tête un peu sur le côté pour remarquer le tremblement intense de la créature, les paupières de la Dame de l’eau tombaient lourdement. Sa respiration était plus lente et la sueur perlait son front. La créature répétait sans esse ses mêmes paroles, « donnez-moi votre or, vite ! ».
Le sifflement de la bête augmentait. Et plus la fourmi répétait la même phrase, plus le sifflement se transformait en phrase, une phrase qui faisait vibrer ses tympans. « Une âme en échange de la tienne… »
Del écarquillait en entendant cette phrase. Avait-elle bien saisi l’information ? « Tue-le… achève-le… »
Sa main se glissait doucement dans sa besogne pour y saisir le petit couteau que sa sauveuse lui avait donné avant de la quitter. Elle le sortait doucement pour exécuter la commande qu’on lui dictait de faire. Elle entendait une seconde voix, celle-ci plus familière lui rappelait ;
» -Nous nous reverrons bientôt, » disait la voix de Sig en se remémorant la sensation qu’elle avait eu lorsqu’il avait lâché sa main pour quitter avec Achas pour aller patrouiller sur le lac. C’était les dernières paroles qu’il lui avait dites. Delaynna relâchait le petit couteau dans sa besogne et eut une autre idée.
La peur que vivaient les deux individus étaient véhiculés de façon différente. La peur vécue par l’elfe, semblait se répondre par une certaine adrénaline. Del entendait un léger cliquetis au fond de sa besogne. Une idée lui vint vite à l’esprit en entendant ce petit bruit. Del saisit le bocal de sangsues et l’ouvrait d’une seule main.
-Non, se contentait-elle de dire. La créature écarquillait les yeux en entendant la dame de l’eau. C’était un mélange de sa voix habituelle qui était sortie de sa bouche ainsi qu’un bruit aqueux. Elle sortait le bocal et d’un seul coup, Delaynna lui lançait le bocal qui éclatait et les sangsues se répandaient sur le visage de la fourmi. La jeune femme se dépêchait à courir pour éviter la fourmi. Tout en retenant son capuchon sur sa tête afin de cacher ses oreilles, Del échappait à celui qui avait essayé de la sauver pour profiter d’elle à son tour.
Afin de reprendre ses esprits, Del arrivait près des quais. Le ciel s'était obscurcit. La dame de l'eau observait que tous les bateaux étaient arrimés et les filets de pêches misent de côté. Il faisait terriblement noir mais elle était capable de suivre son chemin grâce à sa vision elfique.
Soudain, Delaynna constatait une lueur blanche sur le quai principal. Elle observait celle-ci et voulait s'en approcher. On aurait dit qu'elle était empli de bienveillance et de pureté. Embarquant sur le quai, Delaynna s'avançait lentement vers celle-ci en retirant son capuchon dévoilant ainsi son visage aux yeux de ceux qui était sur le quai. Plus elle s'approchait, la lumière s'adoucissait. Elle reconnut lentement les robes des veuves du lac ainsi que leurs lanternes. Le sentiment étrange que l'elfe ressentait à ce moment, semblait lui indiquer qu'elle était en sécurité parmi elles.
Une main vint touché la sienne et la fit sursauté. Les visages s'étaient tournés vers elle.
-Nous pleurons votre compagnon madame, dit une vieille dame en tendant sa lanterne vers l'elfe. C'était une bouffée d'air frais et surtout de tristesse.
Learamn Agent de Rhûn - Banni du Rohan
Nombre de messages : 1016 Age : 25 Localisation : Temple Sharaman, Albyor Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan
La procession se poursuivait en silence. Les femmes aux lanternes s’avançaient lentement en direction du lac, plongée dans un mutisme en hommage au héros qui avait sacrifié sa vie pour libérer la Cité du mal qui l’accablait. Depuis le début du Quatrième Âge, les héros étaient devenus rares. Le temps des grands affrontements entre Bien et Mal avaient cédé leur place à des luttes d’influences répondant aux intérêts personnels de différents dirigeants de ce monde plus que jamais profane. Alors quand, au milieu de la nuit, une figure désintéressée surgissait des ténèbres pour apporter sa sagesse et sa bravoure au service du monde, il était un devoir collectif de l’honorer comme il se doit. Mort pour une nation qui n’était pas sienne, sacrifié pour un peuple étranger. Tel était le tragique mais noble destin d’Achas de VertBois. Cela, les Veuves de Lacville en avait bien conscience.
L’une d’entre elle se pencha en avant, dans un mouvement qui ressemblait presque à une révérence religieuse. Délicatement, elle déposa sa lanterne dans le creux d’un papier en osier qui flottait sur les eaux froides du lac. Elle poussa légèrement la petite embarcation qui s’en alla voguer jusqu’au coeur du lac. Elle fut bientôt imitées par ses congénères et, quelques minutes plus tard, ce furent des dizaines de petites lueurs blanches qui illuminaient les eaux sombres de LacVille. Un dernier hommage, certes, mais aussi une marque de défiance envers l’obscur menace qui régnait dans ses flots.
Pour Delaynna, toujours en proie aux terribles hallucinations dont elle était victime depuis son retour à Esgaroth, le spectacle n’en devenait que plus poétiques. Les lanternes étaient devenus lucioles et les dames de la ville, des Anges de la Nuit venus écarter la Fatalité à l’aide de la lumière sacrée.
Mais ce répit poétique fut de bien courte durée. La Dame de l’eau sentit une main puissante agripper fortement son épaule, se refermant sur elle comme une pince. Son agresseur la tira en arrière, la forçant à s’éloigner de la procession au bord du rivage. Encore faible et tourmentée, l’elfe ne put résister à la poigne ferme de l’inconnu. Celui-ci l’attira jusque dans une ruelle adjacente déserte et la poussa à lui faire face. Son visage était difforme et repoussant. Une peau intégralement couverte de poils bruns, d’immenses mandibules faisant office de lèvres et huits yeux noirs et globuleux. L’arachnide n’avait pas lâché prise et continuait à tenir fermement Delaynna avec ses longues pinces et se mit à parler.
La voix du monstre, cependant, était bien familière.
Une voix plaintive et désespérée qui n’avait rien de celle d’un monstre.
Une voix apeurée et désemparée que la Dame de l’Eau ne connaissait que trop bien. “Tu es là! Tu es enfin revenu! Oh Nertha, tu m’as tant manqué. Tant manqué. Moi qui croyait t’avoir perdu à jamais dans les profondeurs du lac…”
Le Capitaine Syla, car il s’agissait bien de l’officier endeuillé, délirait complètement, croyant voir en l’elfe, son épouse disparue. Resserant son emprise sur elle, il tenta de la faire avancer encore un peu plus vers le centre de la ville. “Allez! Viens! Insista-t-il. Allez, il est temps de rentrer à la maison. Notre petite Gail nous attend. Oh elle sera tellement, tellement heureuse de te voir.”
L’araignée-Syla disposait d’une force étonnante et il l’attirait inexorablement dans ses pattes luisantes. La créature était clairement plus forte physiquement que la Dame de l’Eau affaiblie.
C’est alors qu’un bruit sourd retentit et que, complètement sonné, l'arachnide se laissa complètement tomber au sol. Derrière le monstre se tenait un magnifique félin à la majestueuse crinière blonde. Le Lion, pourtant si impressionnant, lui parla d’une voix douce, presque chantante. “Par les Porteurs de l’Unique! Dame Delaynna, que vous arrive-t-il? Décidément elle ne vous a pas raté...”
Il s’approche délicatement de l’elfe pour ne pas l’effrayer et lui tendit une sorte de petite outre dans laquelle il avait écrasé quelques herbes séchées. “Tenez, tenez... buvez-cela. Cela vous aidera”
La boisson, au goût légèrement fruité, revigora l’esprit embrumé de l’elfe. Lentement, la crinière de poils se mua en boucle blonde et la face du félin en un jeune visage au sourire radieux. L’homme qui lui faisait face était vêtu d’habits colorés et qui auraient pu être jugés extravagants par de nombreux habitants et coiffé d’un large chapeau surmonté d’une plume. Ce qui était certain, c’était que cet individu ne cherchait pas à passer inaperçu.
A moins que là était sa stratégie pour que nul ne soupçonne ses réelles activités. “Ian, Ménestrel d’Esgaroth. J’imagine que vous avez entendu parler de nous, non? Sinon, sachez tout simplement que nous ne servons pas les intérêts de Saule, ni d’aucunes âmes mal intentionnées de Lacville.”
Il se tourna alors vers le capitaine Syla, toujours inconscient. A ses pieds se trouvait les restes d’une cithare qui avait explosé sous le choc. “Je n’y suis pas allé de main morte mais il fallait bien ça, cet officier a le crâne bien dur.”
Il réajusta sa sacoche et jeta quelques regards nerveux autour de lui. “Il s’est passé beaucoup de choses à Esgaroth durant ces dernières heures mais les rues sont pleines d’oreilles indiscrètes. Laissez-moi vous guider vers une des demeures de notre Guilde, je pourrais répondre à certaines de vos questions… y compris sur la sorcière et le mal qui guette la ville…”
Ian laissa sa dernière phrase en suspens, se demandant si , au vu dans l’état dans laquelle il avait retrouvée son interlocutrice, celle-ci n’avait pas croisé la route de cette fameuse sorcière. Ou de l’un de ses agents. Mais l’heure n’était pas encore aux discussions. Le ménestrel se pencha au-dessus de Syla et tenta de le soulever par les épaules. “Un petit coup de main? On ne va quand même pas laisser ce pauvre bougre ici…”
On lui présentait l’une des lanternes. Delaynna sondait celle-ci du regard. La petite flamme ne cessait de danser et tout était que silence. Les sifflements semblaient s’être assoupis lorsqu’elle regardait celle-ci. C’est avec un geste délicat que la dame déposait sa lanterne dans le creux ce petit papier en osier qui flottait sur les eaux froides et noires du lac. Elle poussait légèrement la petite embarcation qui s’en allait voguer jusqu’au coeur du lac. Quelques minutes plus tard, ce furent des dizaines de petites lueurs blanches qui illuminaient les eaux. Le dernier petit panier d’osier quittait le quai pour suivre ses semblables pour un ultime adieu.
Delaynna se mit un peu à l’écart du groupe afin de se recueillir pour faire ses adieux à son compagnon. Mais elle fut vite interrompue par une poigne qui la saisit. C’était une main puissante qui avait agripper son épaule. Son agresseur la tirait en arrière, la forçant à s’éloigner de la procession au bord du quai. Personne du groupe de femme n’avait vu la scène puisqu’elles observaient tous le départ des lanternes à travers l’horizon.
Del ne pouvait résister à la poigne ferme de l’inconnu. Celui-ci l’attirait jusque dans une ruelle adjacente déserte et la poussait à lui faire face. Les sifflements de serpents avait recommencé de plus belle. Son visage était difforme et repoussant. Une peau intégralement couverte de poils bruns, d’immenses mandibules faisant office de lèvres et huit yeux noirs et globuleux. L’arachnide n’avait pas lâché prise et continuait à tenir fermement Delaynna avec ses longues pinces et se mit à parler. Au début, elle n’entendait que des sifflements. Mais cela se mélangeait avec des paroles qui devenait plus claires à ses oreilles.
La voix du monstre qui l’avait saisit, devenait de plus en plus familière. C’était une voix plaintive et désespérée qui n’avait rien de celle d’un monstre. C’était cette même voix apeurée que Delaynna avait sauvé auparavant.
«Tu es là! Tu es enfin revenue! Oh Aline, tu m’as tant manqué. Tant manqué. Moi qui croyait t’avoir perdu à jamais dans les profondeurs du lac… Allez! Viens! Allez, il est temps de rentrer à la maison. Notre petite Gail nous attend. Oh elle sera tellement, tellement heureuse de te voir. »
La créature saisit l’elfe entre ses pattes et la serrait terriblement fort. Del avait de la difficulté à retrouver son soufle. Il la relâchait doucement pour l’observer à travers ses nombreux yeux. La même voix résonnait dans sa tête :
« Une âme en échange de la tienne… Tue-le… achève-le… »
La voix résonnait tellement fort dans sa tête qu’elle n’entendit pas le bruit retentir. Elle se sentait plus légère alors que la créature la relâchait et tombait inconsciente au sol. Delaynna était aussi molle qu’un simple pantin.
« Par les Porteurs de l’Unique! Dame Delaynna, que vous arrive-t-il? Décidément elle ne vous a pas raté... Tenez, tenez... buvez-cela. Cela vous aidera. Ian, Ménestrel d’Esgaroth. J’imagine que vous avez entendu parler de nous, non? Sinon, sachez tout simplement que nous ne servons pas les intérêts de Saule, ni d’aucunes âmes mal intentionnées de Lacville. »
Une ombre noire s’approchait d’elle. Même si l’individu était terriblement proche d’elle, Delaynna ne pouvait distinguer son visage. C’était une ombre d’un puissant félin qui était si proche. La dame de l’eau sursautait lorsqu’elle ressentie le liquide froid humecté ses lèvres. Le liquide traversait sa gorge et rafraichissait son corps. Cela prit un certain moment avant que la potion manifeste un effet.
« Il s’est passé beaucoup de choses à Esgaroth durant ces dernières heures mais les rues sont pleines d’oreilles indiscrètes. Laissez-moi vous guider vers une des demeures de notre Guilde, je pourrais répondre à certaines de vos questions… y compris sur la sorcière et le mal qui guette la ville… »
L’ombre devenait plus claire et se transformait en une image plus lucide. Elle avait en face de lui un jeune homme portant des couleurs vives. Il ne faisait aucun doute pour elle que celui-ci était un ménestrel. Mais pouvait-elle vraiment avoir confiance en lui après tout ce qui s’est passé son arrivé en Esgaroth ? Elle reculait d’un pas vers l’arrière alors qu’il insistait pour qu’elle le suive. Il approchait un bras vers elle afin de se mettre en marche. Cependant, Delaynna se braqua.
-Êtes-vous avec la Sénéchale ? Se contentait-elle de dire au ménestrel. Delaynna se remémorait les paroles d’Aleksandra : « C'est exact, Dame Delaynna. Ce témoin existe, mais cela doit rester parfaitement secret, vous ne devez en parler à quiconque. Pour l'heure nous ne souhaitons pas ébruiter l'affaire, afin de découvrir ce qui se trame réellement à Esgaroth. Pour dire les choses simplement, mes amis les Ménestrels ont trouvé un des soldats du comte, échoué sur le rivage du Lac, inconscient et blessé. Ils est toujours dans le coma, mais peut-être que la médecine elfique saurait le guérir… le ramener à lui… et ainsi nous pourrions toutes les deux avoir des réponses à nos questions… En aidant cet homme, vous aideriez la cause de la vérité et, je l'espère, vos amis perdus sur le Lac. »
Elle tentait de se soutenir sur le mur et constatait le corps inconscient de Syla étendu sur le sol. Le dénommé Ian lui demandait de l'aider afin de soulever Syla. Il avait raison, on ne pouvait pas le laisser là, par terre. Elle inspirait pour oublier son mal et se penchait pour le prendre de son côté et Ian de l'autre. Delaynna cachait le visage de Syla sous son lourd capuchon et ensemble ils s'enfonçaient dans les ruelles. Ian les guidait jusqu'à l'un des édifices de la guilde des ménestrels.
L'édifice dans lequel les amenait Ian avait perdu son éclat. C'était pourtant hier encore que les ménestrels étaient bien reconnu en Esgaroth et apportait une certaine joie et du réconfort à travers leur art à ses habitants. Maintenant, c'était un endroit moins chaleureux et persécuté par ceux qui jugeait bien de détruire leur réputation. Ils se dépêchaient à y accéder. La pièce dans laquelle ils se trouvaient semblait être une salle de rassemblement. Des tables éparpillées dans la salle, une petite scène au fond afin de s'y produire lorsque l'un d'entre eux avait composé ce qu'il croyait être son plus grand succès auprès de ses confrères.
Ils déposaient Syla sur la table la plus près d'eux. Celui-ci émit un gémissement lorsque sa tête touchait la surface. Del reprit son souffle et fixait du regard celui qui l'avait sauvé de l'attention de Syla.
-Que savez-vous des elfes qui sont revenus du Lac ? demandait Delaynna, avec sa voix douce. La voix était demeurée douce mais dans son mal-être, elle s'impatientait à connaître l'identité de celui qui avait péril sur le lac. Était-ce Sig ou Achas ?
Learamn Agent de Rhûn - Banni du Rohan
Nombre de messages : 1016 Age : 25 Localisation : Temple Sharaman, Albyor Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan
Ian était un homme d’un naturel jovial. D’ordinaire, il n’était pas rare de le croiser au coin d’une rue, cithare à la main, entonnant une chanson populaire reprise en chœur par les passants. Il faisait partie de ces gens qui faisait d’Esgaroth la ville agréable qu’elle avait été depuis de longues années. Mais ce soir-là, son sourire habituel s’était complètement effacé. Ses traits étaient tirés, des cernes entouraient ses yeux clairs et son jeune visage semblait las, las et fatigué. Le Ménestrel était clairement inquiet.
Il avait mené la Dame de l’Eau vers une grande bâtisse hissée sur des pilotis au-dessus d’un des grands canaux de la ville. Jadis, véritable centre culturel de cette partie du Monde, l’Académie des Ménestrels avait perdu de sa superbe depuis la montée au pouvoir du Comte Saule. Restrictions financières, sanctions judiciaires, démantèlement de leur réseau d’information; le nouveau dirigeant de Lacville n’y était pas allé par quatre chemins pour réduire l’influence de leur guilde et ainsi asseoir son autorité. Nombre de ses camarades s’étaient alors exilé, à Dale ou vers le Sud, là où leurs talents seraient appréciés à leur juste valeur. Ian, lui, avait fait le choix de rester dans sa cité natale. Malgré les dangers, il ne se voyait nulle part ailleurs.
Ils franchirent la grande porte en bois ouvragé et firent leur entrée dans une grande salle de réception. La pièce avait longtemps été l’un des grands lieux de rencontre pour les habitants d’Esgaroth qui pouvaient se rendre ici pour boire, assister à de nombreuses représentations et surtout partager des informations. Mais l’endroit tombait clairement en désuétude. Une importante couche de poussière recouvrait le sol, de nombreuses toiles d’araignées occupaient les coins des murs et la scène vide qui trônait au fond n’avait pas été utilisé depuis un long moment. Ils déposèrent un Syla, toujours inconscient, sur la grande table de chêne. Ian s’épongea son front ruisselant de sueur et prit quelques secondes pour reprendre son souffle. Il invita ensuite Delaynna à s’asseoir. “Je vous proposerais quelque chose à boire. Mais les cuisines sont bien vides. Et puis, il me semble que vous avez déjà sans doute bu bien trop de tisanes pour aujourd’hui.”
L’artiste se redressa. Le temps leur était compté et la liste de ses alliés rapetissaient au fil des heures. Certains disparaissaient, d’autres prenaient peur et rentraient dans le rang. “Votre arrivée à Esgaroth a déclenché des évènements étranges Ma Dame. Des forces puissantes sont à l’œuvre.”
Il ouvrit le bouchon de son outre et huma le parfum de la décoction qu’il avait fait boire à l’elfe quelques minutes plus tôt pour la libérer de ses hallucinations. “Et je ne parle pas simplement du Comte Saule…”
Ian se redressa et se mit à faire les cent pas autour de la table. “Si je suis avec la Sénéchale? C’est une bonne question. C’est une politicienne avec ses qualités mais aussi ses défauts. Cependant, il se trouve que nos intérêts convergent, oui. Elle est malheureusement introuvable à l’heure où je vous parle. Et de nombreuses personnes ici aimeraient vous voir disparaître aussi…”
Une ombre passa sur le visage du jeune homme quand la Dame de l’Eau évoqua le sort de ses compagnons. “Ils n’en sont pas tous revenus vivants je le crains Ma Dame. Le protecteur de Vertbois est la dernière victime du Mal qui sévit sur le Long Lac. L’autre est revenue en compagnie d’un groupe de réfugiés venus d’Orient, des anciens esclaves. Cela a rendu le Comte Saule fou de rage mais il les a autorisés à accoster. Votre ami vit toujours, pour le moment…Il monte en ce moment même un équipage de brave volontaires pour aller au-devant d’une mort quasiment certaine.”
Le Ménestrel s’approcha de l’Elfe, nullement intimidé par la présence d’un tel être au sein de son Académie. Ian avait cette candeur et cette aisance dans la voix qui mettait rapidement ses interlocuteurs en confiance. Il sentait bien la tristesse et l’inquiétude de la Dame de l’Eau. Voir une âme si pure tant éprouvée le remplissait d’une vraie tristesse. Il ne ressentait aucun désir ou attirance physique pour elle, cela ne l’intéressait pas vraiment. Maus un artiste tel que lui avait toujours été animé par la quête du Beau et il croyait bien avoir face à lui son incarnation parfaite. “Je sais que votre cœur vous intime de vous porter à son secours. Mais réfléchissez-y à deux fois. Je n’ai pas tous les éléments mais quelqu’un ou quelque chose cherche à vous tenir éloignée de toute cette histoire…ou vous faire croire qu’on cherche à vous éloigner pour mieux vous attirer vers le piège.”
Syla semblait s’agiter auprès d’eux. Il commençait à marmonner des choses inintelligibles; seuls quelques mots et noms ressortaient et en disaient long sur l’état mental de l’officier. Ian ne lui accorda pas un regard, plongé dans sa réflexion.
“Saule a tout fait pour nous mettre des bâtons dans les roues mais, à moins qu’il n’ait perdu la raison, il ne s’en prendrait pas à la Sénéchale ou l’émissaire d’Angrod de cette façon. Et puis cette façon de faire…je pense que vous avez attiré l’attention de la “Sorcière”.”
L’utilisation de la magie et le rôle du surnaturel était des concepts bien moins inhabituels pour une elfe qu’au sein de la civilisation humaine. Cependant, l’évocation d’une sorcière ne pouvait laisser indifférent, même les Premiers Nés. Rares étaient les individus désignés d’une telle manière et généralement cela n’augurait rien de très bon. “Elle est arrivée dans la ville peu après les premières disparitions et fut la première à se porter volontaire pour résoudre le mystère. Puis, elle s’est installée ici, à commencer à poser des questions et à travailler dans l’ombre en gagnant de l’influence au sein de la population. Je ne l’ai jamais vu de mes propres yeux et j’ignore à quoi elle peut bien ressembler mais son mode opératoire semble assez clair. Aucune manifestation magique à ma connaissance mais de la monnaie sonnante et trébuchante pour recruter de nombreux habitants à qui elle confie ses missions et ses… décoctions. Elle est passée maître dans l’art des poisons, hallucinogènes et breuvages douteux en tout genre. Cela doit vous évoquer quelque chose, non?”
Ian se gratta le menton avec un air circonspect. “Je l’ignore encore pourquoi mais elle est à l’œuvre. Et vous êtes au centre de son attention. On dit qu’elle rechercherait quelque chose. Peut-être craint-elle de vous voir l’en empêcher; ou alors pense-t-elle que vous pourrez l’aider à mettre la main dessus. Avez-vous entendu quoi que ce soit à son sujet depuis votre arrivée?”
The Young Cop
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Lorsqu’ils déposèrent le corps de Syla sur la grande table de chêne, celui-ci ne réagit point. Delaynna prit un moment pour observer la grande salle de réception. Personne ne pouvait être indifférent face aux souvenirs qui se dégageait de cette grande pièce qui était autrefois si festive et rempli de gaieté. Alors qu’Ian s’installa pour s’asseoir, il poussa une chaise pour elle.
“Je vous proposerais quelque chose à boire. Mais les cuisines sont bien vides. Et puis, il me semble que vous avez déjà sans doute bu bien trop de tisanes pour aujourd’hui.”
Delaynna se retourna vers lui, prise par surprise par la remarque du Ménestrel. Cependant, elle déclina l’offre de s’asseoir et demeura debout, les bras croisés contre sa poitrine. Il constata que la Dame de l’eau ne bougeait pas et poursuivit.
“Votre arrivée à Esgaroth a déclenché des évènements étranges Ma Dame. Des forces puissantes sont à l’œuvre.”
Delaynna demeura les bras croisés alors qu’il poursuivait ses explications. Son esprit devenait de plus en plus clair après avoir bu la tisane qu’il lui fit boire. Delaynna était à la quête d’information pour connaître l’état de ses compagnons et celle de la Sénéchale. Pouvait-elle faire confiance au jeune ménestrel pour lui avouer qu’elle était avec Alekandra lors de sa disparition et qu’elle s’était sacrifiée pour sauver la Dame de l’eau ?
Au moment où il révéla l’identité de la dernière victime du Lac, Del ferma les yeux. Une larme roula le long de sa joue alors que le ménestrel s’approcha d’elle point intimidé par ce qu’elle dégageait. Elle ouvrit rapidement les yeux lorsqu’il lui annonça les intentions de son ami Sigvald. Del se contenta de s’éloigner du ménestrel de quelques pas et regarder la scène vide. Elle eut un sourire en coin lorsqu’il suggérait que son cœur l’incitait à se porter au secours de Sigvald.
Bien sûr qu’elle aurait prêté secours à son compagnon. Elle se remémorait le début de leurs aventures ensembles, lorsqu’elle l’avait guéri de ses blessures et lorsqu’il avait relâché sa main pour quitter la chambre de l’auberge pour aller sur le lac. Elle déposa sa main droite contre son cœur alors qu’elle faisait dos à son interlocuteur. Elle murmura un hommage à son compagnon déchu afin que son âme puisse rejoindre ses ancêtres. Achas aurait dû mourir auprès des siens et non contre le mal qui guettait le lac.
“Je sais que votre cœur vous intime de vous porter à son secours. Mais réfléchissez-y à deux fois. Je n’ai pas tous les éléments mais quelqu’un ou quelque chose cherche à vous tenir éloignée de toute cette histoire…ou vous faire croire qu’on cherche à vous éloigner pour mieux vous attirer vers le piège.”
-Les Dames de l’eau n’apparaissent que lorsqu’une aide est nécessaire. Si j’ai accompagné mes compagnons c’est parce qu’ils avaient besoin de mon aide.
Elle marqua une pause avant de rajouter :
-Sigvald est un grand guerrier. Il n’a plus besoin de moi maintenant. Il a déjà choisi son destin bien avant que je le rencontre. Nous étions pleinement conscients de l’ampleur de cette mission. Elle ne put s’empêcher d’avoir un petit sourire et rajouta : Nous sommes deux personnalités tout à fait différentes. Il est donc évident que je lui servirais d’épine. Cependant, tout ce que je souhaite c'est qu'il sache que je suis vivante et que nous poursuivrons notre mission chacun de notre côté. souleva-t-elle.
Syla commençait à s’agiter auprès d’eux. Del se retourna et s’approcha doucement de lui alors qu’il continuait de murmurer des choses inaudibles. Del soupira et songeait que derrière l’état de l’ex capitaine se cachait une petite fille seule, sans parents pour prendre soin d’elle dans cette ville remplie d’horreur. Quant au sort de Syla, le pronostic demeurait sombre. Les événements l’avait fait sombrer dans la folie. Delaynna ne pouvait rien faire de plus, autre qu’espérer que lui et sa fille soient pris en charge par une âme bienveillante. Y-avait-il toujours auprès des humains ? C’était un questionnement que l’elfe se gardait pour elle-même.
“Saule a tout fait pour nous mettre des bâtons dans les roues mais, à moins qu’il n’ait perdu la raison, il ne s’en prendrait pas à la Sénéchale ou l’émissaire d’Angrod de cette façon. Et puis cette façon de faire…je pense que vous avez attiré l’attention de la “Sorcière”.”
Une ombre passa sur le visage de l’elfe lorsque le ménestrel fit mention du comte Saule et de ladite sorcière. Les sourcils froncés, Del repensa à tous les événements qui se sont déroulés depuis son arrivée en Esgaroth :
La vision floue qu’elle avait eu dans la bassine. Pourtant, elle pouvait encore ressentir le monstre qui l’aspirait au fond du lac afin de la noyée. Cette vision qui a mené Achas a un terrible destin.
S’en est suivi la rencontre entre elle et le comte Saule lors du banquet. Delaynna pouvait encore ressentir le regard impudique sur elle. Elle avait attiré son attention ainsi que celle de ses hommes de mains, Toras, son Conseiller Martial et DuGrand le chef de la Milice. Elle s’était montrée aux yeux de tous lors de cette soirée. Elle devenait une cible parfaite pour eux. La rencontre avec la Sénéchale chez son cousin. La discussion qu’elles avaient eu autours d’une tasse de thé. On lui avait avoué que les ménestrels avaient retrouvés un témoin important qui était dans le coma. Cette discussion s’en ait suivi par le kidnapping de l’elfe et de la Sénéchale et ses orcs qu’elle avait aperçu. Était-ce le début de ses hallucinations ? Elle avait songé en premier lieu que l’enlèvement était orchestré par les hommes de mains de Saule. Aleksandra s’était sacrifié pour que Del puisse s’échapper par l’âme qui passait par là…
Après le coup qu’elle avait reçu sur la tête, elle s’était retrouvée dans cette vieille cabane. Cette vieille dame l’avait soigné et lui avait suggéré d'aller rencontrer ladite sorcière, qui se trouvait rarement à Esgaroth. Il s’en ai suivi par les hallucinations qui l’ont suivi tout au long de son retour dans la ville. Et puis, elle avait fait le rencontre avec Ian.
Le ménestrel questionna l'elfe concernant les informations qu'elle savait sur la sorcière. Il mentionnait que l'elfe avait grandement attirée son attention. Elle décida de faire confiance au ménestrel et lui avoua ;
- Depuis mon arrivée en Esgaroth, je suis au coeur d'une tempête. On m'a enlevée, on m'a sauvé et m'a renvoyé ici pour rencontrer ladite sorcière. On m'a raconté son histoire qu'elle s'était porté volontaire pour aider les gens du lac afin de mettre fin aux disparitions mais que le peuple la vite méprisé. On m'a dit qu'elle n'était pas souvent ici en Esgaroth.
On m'a également fait mention qu'un survivant du lac était caché par les ménestrels et était dans un état critique. Laissez-moi vous venir en aide afin que je puisse le soigner.
Face à au questionnement du ménestrel, il avoua que la dame de l'eau semblait être au centre de l'attention de la sorcière. Que Delaynna pourrait l'empêcher ou bien l'aider à obtenir son gain. Delaynna était intriguée par cette révélation. Elle n'était qu'un simple papillon de nuit attirée par les flammes dansantes. Que pouvait-elle bien être dans cette situation, le papillon de nuit ou la flamme ?
Learamn Agent de Rhûn - Banni du Rohan
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Ian ne put masquer sa déception face au peu d’informations que Delaynna avait au sujet de la sorcière. Cela faisait des semaines qu’il avait mené l’enquête au sujet de cette mystérieuse figure qui était mystérieusement apparue dans la cité peu après les premières disparitions sur le lac; mais malgré tous ses efforts il n’avait jamais réussi à l’identifier avec certitude ou prouver un quelconque méfait de sa part. Elle était passée maître dans l’art de l’illusion et avait parfaitement réussi à couvrir ses arrières jusqu’ici. Il fallait dire que l’atmosphère pesante qui régnait sur la ville, symbolisée par l’autorité de plus en plus rigide d’un Comte Saule, n’avait pas arrangé les choses pour la mission des Ménestrels. Ian poussa un soupir. Qu’il était loin le temps où sa guilde bénéficiait du soutien de la ville entière et jouissait d’un réseau d’information sans commune mesure de ce côté-ci du continent. En l’espace de quelques années, il avait vu son organisation perdre son prestige et son influence. Il n’avait rien pu faire pour contrer cela, témoin impuissant du délitement de l’institution qui représentait tout pour lui. “Ce qui est certain c’est qu’elle vous a trouvé assez menaçante pour vous viser et ainsi risquer d’exposer sa couverture. J’ignore ce qu’elle craint de votre part mais elle en a peur. Et ceci c’est un atout importan à votre disposition.”
Le jeune artiste détestait s’écouter parler comme un de ces politiciens qui régnait au sein du Conseil de Lacville; lui qui aurait aimé pouvoir s’exprimer seulement en rimes et alexandrins, cithare à la main. Malheureusement, il avait été happé par les jeux de pouvoirs depuis de longues années et se retrouvait parfois, bien malgré lui, à réfléchir comme les aristocrates qu’il méprisait.
Il se releva, soulevant un nuage de poussière le long de sa cape lie de vin et se dirigea vers le Capitaine Sylla étendu sur la large table de bois, toujours inconscient. Un rapide examen pour s’assurer qu’il ne mourrait pas dans les heures à venir; à priori il était hors de tout danger immédiat. Son âme, cependant, semblait bien plus meurtri que son frêle corps.
“Dame Delaynna, si vous voulez bien recueillir de l’eau du lac dans un seau juste dehors. Elle n’est pas bien propre mais pour le réveiller et le débarbouiller cela fera l’affaire.”
L’elfe obéit et se dirigea à l’extérieur, laissant l’agréable air nocturne se faufiler dans son élégante chevelure. Mais alors que la Dame de l’Eau se pencha pour plonger le baquet dans les eaux sombres du canal; l’eau devant elle se mit à tourbillonner et elle fut comme aspiré au sein d’un terrible maëlstrom qui l’emmenait vers les profondeurs.
Elle chuta ainsi pendant de longues minutes, ou alors était-ce des heures? Ou même des jours? Elle n’aurait su le dire, tant toute notion du temps semblait avoir disparu au sein du vortex.
Subitement, tout redevint calme et silencieux. Au fond des abysses, les ténèbres régnaient sans partage. A droite, à gauche, au-dessus et en-dessous d’elle; elle ne pouvait rien discerner. Seules deux orbites d’un bleu électrique étaient visibles au loin, foudroyant du regard l’elfe quinquacentenaire. C’est alors qu’une voix profonde et distante, provenant des abîmes mêmes, se mit à résonner dans son esprit.
“Dela…Delaynnaaaa…Delaynna…”
Les deux yeux se rapprochaient à mesure que la voix dans tête s’intensifiait. Bientôt ce furent deux immenses globes éblouissants.
“Ils ont voulu voler mon trésor Delaynna….Ma pupille…. Ils ont voulu le voler…Ils doivent payer. Ils doivent…. MOURIR!”
Le tourbillon réapparut alors subitement, et l’obscurité céda sa place à une mer tumultueuse sous un ciel gris. Autour d’elle des épaves et divers objets éparpillés flottant au gré des vagues et surtout une odeur prégnante. Elle voulut saisir une poutre qui flottait non loin de là mais lâcha un cri d’horreur quand elle se rendit compte qu’il s’agissait là d’un bras arraché à son propriétaire. Laissant son regard errer autour d’elle, la Dame de l’Eau ne put que constater que le monstre avait mis ses menaces à exécution. Cadavres et ruines l’entouraient. La dernière chose qu’elle aperçut fut le corps inerte de Sigvald empalé sur le mât d’un navire oriental, sa longue chevelure d’argent pendant dans le vide.
Elle fut alors subitement arrachée des flots par la poigne ferme du Ménestrel qui souleva son visage immergé, la ramenant sur le quai qui faisait face à l’Académie.
“Bon sang! Dame Delaynna qu’est-ce qui vous a pris?”
Il fallut quelques secondes à l’elfe pour se rendre compte qu’elle n’avait jamais vraiment quitté les planches des docks, plongeant simplement son visage dans le lac. Ian l’aida à se relever et la ramena au chaud à l’intérieur de la bâtisse.
Là, ils retrouvèrent Syla, qui avait émergé et s’était redressé sur la table.
“Qu’avez-vous vu?” Fit le capitaine fou.
“-Laissez-là tranquille voulez-vous.” lui rétorqua Ian.
Mais Syla insista. Il se releva et s’approcha de Delaynna, un air grave sur le visage, dénué de toute la folie qu’on lui prêtait. “Qu’est-ce que le Lac a révélé à la Dame de l’Eau?”
Alors que le ménestrel lui demandait d’aller chercher de l’eau, l’elfe haussa un sourcil. Bien que ce fut une demande très simple, l’elfe redoutait de toucher à nouveau au lac. Les expériences auprès de celui-ci n’avaient pas été très concluantes pour l’elfe. Celui l’effrayait de plus en plus malgré que son corps fût attiré facilement par l’élément.
C’est dans l’obscurité que Del se glissait à l’extérieur. Elle se rendit au quai. L’eau était très calme. Elle se penchait doucement pour aller cueillir l’eau dans le fond du baquet qu’elle aperçut l’eau tourbillonner. Elle n’a pas eu le temps de sursauter de surprise que le tourbillon l’a saisi pour la noyer comme lors de sa première vision dans la chambre de l’auberge.
Submergée par l’eau, Delaynna rouvrit les yeux. La quiétude régnait dans les abysses du lac. Elle y ressentie un certain calme qu’elle n’avait pas ressentie dans son autre vision. C’est alors qu’elle se fit interpeller par cette voix profonde et distante. Elle se retournait et aperçut ses grands yeux bleu électrique. Soudain, ils se retrouvèrent si près d’elle, que l’elfe levait doucement sa main pour pouvoir toucher la présence devant elle.
“Ils ont voulu voler mon trésor Delaynna….Ma pupille…. Ils ont voulu le voler…Ils doivent payer. Ils doivent…. MOURIR!’’
Qu’était-ce la créature qui se trouvait face à elle ? Le regard perçant qui semblait voir au-delà du corps de l’elfe, lui rappelait vivement la description du fameux regard de Smaug le Terrible que les conteurs lui racontait lorsqu'elle était enfant. Elle vit les yeux de la créature disparaître et le tourbillon réapparaître. Elle se retrouvait sous une eau tumultueuse ou elle parvint à sortir sa tête de l’eau. Elle regardait autours d’elle et remarquait de nombreuses épaves. Elle tentait tant bien que mal de demeurer sur place mais le courent était bien fort.
En remarquant un objet solide à laquelle elle pouvait s’appuyer, elle tentait de le saisir. En voyant réalisant qu’il s’agissait d’un bras démembré, elle lâcha un cri d’effroi. Le dragon avait bel et bien mis son plan a exécution. Elle regardait la ville au loin, complétement en ruine. Du coin de l’œil, elle aperçut une chevelure étincelante. Elle s’élançait pour retrouver le corps de son compagnon de voyage, celui à qui elle avait promis de le soutenir dans sa quête de rédemption. En arrivant près de lui, elle l’interpellait par son nom. Elle s’appuyait sur le bras de l’elfe afin de se hisser sur le mât. Son regard vide se déposait sur la Dame de l’eau.
En réalisant l’état de son compagnon, Del saisit délicatement la tête de son compagnon entre ses délicates mains. Entraînée par le mouvement des vagues, la Dame de l’eau lui fermait les yeux et déposait sa tête contre le front de Sig. Elle demeurait ainsi pendant un moment. Alors qu’elle fut arrachée des flots, elle tentait d’attraper la main de Sigvald comme point d’encrage. Le tourbillon fut plus fort qu’elle et l’entrainait dans l’eau. Le courant la promenait brusquement tel une poupée de chiffon. Une force la soulevait vers la surface et c’est dans un grand souffle qu’elle se revint à la réalité.
“Bon sang! Dame Delaynna qu’est-ce qui vous a pris?”
L’elfe tremblait. Après quelques instants, elle réalisait qu’elle était toujours sur le quai. Le ménestrel l’aidait à se relever. Les jambes de l’elfe étaient molles et la ramena à l’intérieur de l’Académie. En voyant la pâleur de la Dame de l’eau, Syla s’élançait vers elle.
“Qu’avez-vous vu?” Fit-il simplement, en prétendant savoir ce qu’elle avait vu.
Le ménestrel aboyait au capitaine de la laisser tranquille, cependant l’ancien capitaine était insistant et reprit tout son sérieux. En un simple déclic, on aurait pu prétendre que toute la folie qu’avait eu l’ancien capitaine s’était dissipé. Il redemandait à l’elfe ce qu’elle avait vu. Elle fermait les yeux. Elle voyait encore le corps inerte de Sig, qu’elle pouvait sentir entre ses mains. Elle déposait ses mains sur ses cuisses. Elle prit une profonde inspiration et d’une voix claire et inébranlable expliquait ce que le Capitaine désirait tant savoir;
-Mes visions doivent être interprétées avec précaution. Il faut l’interpréter judicieusement. Lors de ma dernière vision, je vous ai aperçue près du lac, en train de vagabonder. Celle-ci a directement envoyé Achas à la mort, en croyant que vous aviez pris le chemin de la folie…
Cette révélation amenait un pressentiment de malaise entre les trois individus. Syla baissait la tête en se rendant bien compte de l'impact de ses agissements dernièrement. Delaynna rompue le silence et révélait sa vision que tous voulaient entendre impatiemment :
-J’y ai vu la mort sur le lac. Des embarcations Orientales et d’Esgaroth complètement détruites. Un prédateur qui a réussi à détruire sa proie pour protéger ce qui lui appartient. Sa pupille...
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Ian se gratta sa barbe mouche avec un air circonspect. Le Ménestrel avait entendu bien des histoires sur les capacités des Elfes, en particulier ceux qui résidaient au cœur de la Lorien. Des sorcières, des magiciennes, des Dames de l’eau…de nombreux qualificatifs étaient utilisés pour les désigner, mais il n’avait jamais été aisé de faire la différence entre mythes et réalité. Pourtant, il avait une représentante de ce peuple qui se tenait devant lui, porteuse d’un grand pouvoir qu’elle ne semblait pas complètement maîtriser. Si un être immortel ne pouvait contrôler une telle magie, comment un simple mortel pouvait-il lui être utile?
Delaynna les mit en garde que ses visions étaient à prendre avec beaucoup de précaution et pouvaient mener à de terribles conséquences si elles étaient mal interprétées. Pourtant dans le récit que fit l’elfe de ses hallucinations, il y avait quelque chose de troublant. Des embarcations Orientales et d’Esgaroth détruites, leurs équipages massacrés teintant de rouge les eaux sombre du Grand Lac. Cela était-il une simple coïncidence? “Vos visions me laissent assez perplexe Dame Delaynna je dois dire; et correspondent étrangement à la réalité. Selon mes informations, la flotte composée par votre ami est précisément composée de barges d’Esgaroth mais aussi d’un navire de guerre Oriental aux mains d’anciens esclaves venus du Rhûn.”
Il jeta un coup d’œil à l’horloge qui trônait au fond de la salle de banquet de l’Académie. “A l’heure qu’il est, votre ami a sûrement déjà quitté le port pour affronter le monstre qui sommeille près des ruines. Si vos visions prédisent réellement l’avenir…alors il s’agit d’un avenir affreusement proche.”
La Dame de l’Eau se devait d’agir vite. Suivre l’interprétation littérale de ses prémonitions l’avait déjà mené à de nombreux désastres; d’un autre côté son ami s’en était allé affronter la bête pour y rencontrer une mort quasiment certaine. Elle n’était pas une guerrière mais ses pouvoirs, quand le champ de bataille se trouvait sur les eaux, pouvaient se révéler fort utiles.
Le Capitaine Sylla, resté quasiment muet jusque-là, se leva. Il tituba légèrement avant de retrouver son équilibre; le masque de folie qui recouvrait son visage avait cédé sa place à un voile de tristesse. “J’irais. J’irais sur le Grand Lac pour y défier le Mal qui y réside. Peut-être y retrouverais-je ma Nertha…”
Ian observa l’officier, un pincement au cœur. L’homme qui tenait face à eux avait été brisé par la vie, et pourtant il était encore debout, malgré son état pitoyable, prêt à partir au-devant d’une dernière mission suicidaire. Le ménestrel reprit: “Je ne suis ni guerrier ni navigateur et je vous serais bien inutile face au monstre. Cependant, si votre cœur vous dicte d’aller au secours de votre ami, alors je peux vous arranger une embarcation pour vous et le Capitaine Syla.”
Derrière eux, l’horloge continuait de battre les secondes a rythme affreusement régulier. Le temps leur était compté.
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Cette horloge continuait d’avancer. Ces secondes qui devenaient chose du passé. Le temps était contre elle. Le silence régnait dans la pièce entre les trois individus. Del se devait de choisir judicieusement ce qu’elle allait faire par la suite. Elle se mit à réfléchir à voix haute afin que chacun de ses compagnons connaissent sa réflexion.
-Il y a beaucoup de chose qui se produise à l’heure actuelle ménestrel. Aux yeux d’Esgaroth, je manque toujours à l’appel ainsi que madame la Sénéchale. Depuis mon retour, je n’ai entendu aucune battu, aucun avis de recherche afin de nous retrouver. Si je réapparais ainsi, sans madame la Sénéchale, je représenterais encore plus une menace que je le suis présentement. Cependant, j'éprouve un souci pour elle. Elle doit être retrouvée, sinon j'ai peur qu'un coup d'éclat se propage dans la citée, un autre qui fera de lourds dommages collatéraux.
«À l’heure qu’il est, votre ami a sûrement déjà quitté le port pour affronter le monstre qui sommeille près des ruines. Si vos visions prédisent réellement l’avenir…alors il s’agit d’un avenir affreusement proche.»
Oui, Del se devait d'agir vite. Cependant, si elle suivait sa vision, cela pouvait l'amené à un autre désastre. La Dame de l'Eau était prise avec un conflit interne. Suivre le chemin de l'instinct ou celui de la raison ? Elle était loin d'être une redoutable guerrière comme son compagnon. Cependant, la vision qu'elle avait eu, la sensibilisait à la créature qui du lac. Est-ce que cela pouvait être utile sur le lac, face à ce danger éminent ? Devant la créature qui tentait de protéger son trésor au prix de sa vie.
C'est alors que Syla se leva et s'approchait de l'elfe.
«J’irais. J’irais sur le Grand Lac pour y défier le Mal qui y réside. Peut-être y retrouverais-je ma Nertha…»
Cet homme, autrefois capitaine, se tenait en face de l'elfe. Delaynna détournait le regard de l'horloge et observait l'homme déchiré. D'un geste, l'elfe levait sa main et vint la déposé sur la joue du Capitaine. C'est avec douceur que Delaynna acceptait le sort que cet homme se donnait.
-J'ai tenté de vous sauver... mais vous ne vouliez pas l'être...
Ian s'approchait d'eux en observant le moment qui semblait figé dans le temps entre l'elfe et l'ancien capitaine.
«Je ne suis ni guerrier ni navigateur et je vous serais bien inutile face au monstre. Cependant, si votre cœur vous dicte d’aller au secours de votre ami, alors je peux vous arranger une embarcation pour vous et le Capitaine Syla.»
Delaynna retirait sa main de la joue du capitaine et se retournait vers le ménestrel. Le temps continuait de jouer contre elle. [/i]
HRP : Je m'excuse de la courte réponse !!!
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Ian observait en silence, et avec une certaine tristesse, l’échange entre Delaynna et le Capitaine Syla. Il y avait même quelque chose d’attendrissant à voir cette elfe de Lorien partager ainsi la peine d’un simple mortel, un chagrin qui aurait pu paraître insignifiant aux yeux d’un être immortel. Une larme coula le long du visage du vétéran et vint finir sa course sur les doigts filiformes de la Dame de l’Eau. Le ménestrel hésita de longues secondes avant de rompre le silence, ne désirant pas briser ce moment suspendu hors du temps. Il ignorait tout de la relation qui s’était nouée entre ces deux personnes mais Delaynna semblait vouloir partager le fardeau du malheur qui accablait son interlocuteur. Était-ce là une particularité de son peuple? Un don lié à ses pouvoirs prémonitoires ? Ou tout simplement l’expression d’une âme pure? “Votre bravoure et votre amour seront contés et chantés par les Ménestrels ; soyez-en assuré Capitaine Syla.”
Sur ces paroles qui se voulaient réconfortantes, Ian jeta un coup d’œil à l’horloge dont le tic-tac résonnait dans le hall de l’Académie, l’heure tournait dangereusement.
“Le combat avec le monstre a déjà dû débuté sur le Grand Lac; si vous voulez vous y joindre Capitaine Syla, il nous faut faire vite.”
D’un geste impatient il invita ses compagnons à le suivre à l’extérieur où le jour s’était déjà levé; combien de temps avait-il passé à converser? Toutefois, la lueur du soleil était dissimulée par un épais brouillard, comme un signe annonciateur du réveil du dragon. Les rues étaient encore peu animées à cette heure précoce et Ian les guida jusqu’aux quais sans trop d’encombres. Il avait offert à Delaynna une longue toge munie d’un capuchon afin de dissimuler ses traits elfiques et d’évoluer en toute discrétion. Des choses étranges se tramaient dans les rues de Lacville et il valait mieux ne prendre aucun risque.
Il s’éloignèrent du port principal pour se diriger vers des berges moins fréquentées situées derrière les hangars et finit par s’arrêter devant une petite embarcation de bois qui flottait devant eux. Elle pouvait difficilement accueillir plus d’une personne à la fois et semblait pouvoir voler en morceau à la première vague un peu trop virulente. “C’est là tout ce que j’ai à vous offrir mais cela devrait suffire pour rallier les ruines de la vieille ville.”
Il dénoua la corde qui retenait la barque à la bite d’amarrage et invita le soldat à embarquer en lui tendant les deux rames.
“Que les esprits du Lac veillent sur vous Capitaine, puissiez-vous trouver ce que vous cherchez dans les profondeurs du Grand Lac.”
Sur ces mots d’adieux, il s’éloigna pudiquement, laissant Delaynna saluer l’officier à son tour. Puis ils observèrent ensemble Syla s’éloigner lentement du rivage avant de disparaître dans l’épaisse brume qui régnait sur les eaux sombres.
Ian se tourna vers l’elfe, un air décidé sur le visage. Le sacrifice de Syla l’avait secoué mais également motivé à s’engager pleinement dans cette enquête auprès de son invitée. Le ménestrel était un jeune homme brillant mais il avait parfois tendance à prendre du reul par rapport aux évènements, glaner des informations afin de les redistribuer contre des faveurs tout en évitant soigneusement de se mêler de trop près à toute affaire qui pouvait le salir. Avec Saule sur le dos des siens, il valait mieux se montrer très prudent. Mais ce jour-là se jouait le destin de sa cité entière. Il ne pouvait rester dans sa tour d’ivoire, simple allié ponctuel des elfes venus aider son peuple. Il avait passé de longues années à composer, chanter, écrire pour glorifier légendes et héros de Lacville. Des héros qui, désormais, manquaient cruellement à Esgaroth. “J’ignore où se trouve la Sénéchale mais je suis décidé à vous aider à la retrouver Dame Delaynna, et lever le voile sur le mal qui accable ma cité. Vous avez parlé d’un survivant du Lac qui pourrait nous être utile. Je sais en effet où il se trouve, les Ménestrels l’ont recueilli alors qu’il était mourant sur la berge et l'ont ramené pour être soigné. Nous pensions que le Comte Saule frapperait à notre porte pour le récupérer mais celui-ci se soucie bien trop peu du devenir de ses hommes pour dispenser ainsi son énergie.”
Ian la mena vers une petite bâtisse près du port qui servait d’hôpital de fortune. Ils y furent accueillis par une dame d’un certain âge qui portait un tablier d’infirmière et qui les accueillit avec un grand sourire. Quelques lits avaient été disposés au milieu de la salle de vie, où l’on traitait malades et blessés. “Esgaroth dispose d’un réel hôpital mais les hommes du Comte Saule le contrôlent d’une main de fer. Ici nous prenons soin de tous ceux qui risqueraient de perdre leur liberté en s’y présentant. Le Comte s’est assuré que tous ceux qu'ils voyaient comme des opposants ne pouvaient prétendre aux droits les plus fondamentaux.”
Il désigna finalement de l’index le dernier lit au fond de la pièce, où un homme hirsute était plongé dans un profond coma. Une longue taillade avait été refermée au niveau de son front et l’on avait bandé son bras gauche dont il ne restait que la moitié.
“Il est mourant. Commenta Ian. Son mal semble profond et notre médecine a échoué, peut-être que vos dons de guérison pourraient le ramener parmi nous…”
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“Le combat avec le monstre a déjà dû débuté sur le Grand Lac; si vous voulez vous y joindre Capitaine Syla, il nous faut faire vite.”
Le jeune ménestrel empressait le pas aux deux individus. Il offrit une lourde cape à l’elfe afin de l’aider à se cacher du regard des autres. Delaynna déposait la lourde cape sur ses épaules qui dissimulait parfaitement ses traits d’elfe. Lorsqu’ils sortirent à l’extérieur, le brouillard était installé depuis un moment déjà.
Ian offrit une barque à Syla. Assez petite pour permettre à une seule personne d’embarquer. L’ancien capitaine s’empressait de monter dans l’embarcation et sans même jeter un dernier regard vers eux. Dès que la barque s’éloignait, Ian encourageait l’elfe à le suivre.
La ville se réveillait lentement. Alors qu’ils sillonnaient les quais, Ian confirmait la présence d’un survivant. La rumeur de la Sénéchale était donc vraie. Ce monstre qui veillait les ruines du lac. Ou plutôt qu’il veillait sur son trésor doré qui dormait au fond du lac si les visions de Del étaient exactes.
Il la conduisait vers cette petite bâtisse qui semblait être abandonné. Il lui expliquait que cet établissement servait d’hôpital de fortune pour les plus démunis. Delaynna jetait un regard sur tous les lits improvisés. Diverses personnes y étaient allongées. Ceux qui semblaient diriger l’hôpital semblait être principalement des femmes. L’une d’entre elle marquait l’elfe. Cette femme dont le visage était marqué par la lourde tâche de prendre soin des siens. De sa famille, de ses amis, de sa communauté. Celle-ci semblait être connue de Ian.
Ian pointait de l’index le dernier lit au fond de la pièce. Ils sillonnaient entre les lits pour arriver en face de celui qu’ils recherchaient. Delaynna s’approchait du lit du survivant. Par simple aisance, l’elfe s’installait près de l’inconnu et examinait ses blessures de plus près.
C’est alors qu’elle lui prit la délicatement la main droite. Ian lui annonçait le pronostique du blessé. Mourant. Ils avaient tout essayé, selon Ian. Del remarquait le seau d’eau tout près du lui. Elle se retournait vers Ian et s’adressait à lui.
- Faites-moi confiance, je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir de le sauver, affirmait l’elfe.
Dans le creux de ses mains, elle se penchait pour cueillir l'eau du seau. Elle vint la déposer sur le front du blessé et laissait délicatement glisser le bout de ses doigts sur son visage. La marque représentait parfaitement le résultat d'une attaque d'une griffe. Elle pouvait ressentir dans son corps des picotements tout le long de son corps, comme si la griffe effleurait sa peau. Del fermait les yeux et tentait d'ignorer la sensation. Elle se mit à murmurer d’une voix douce des paroles elfiques que ni la vieille dame et ni le jeune ménestrel pouvaient comprendre. Elle répétait le chant une deuxième fois et une troisième fois. C'est à ce moment que l'elfe glissait sa main dans la sienne et puis, le silence planait. Toujours les yeux fermés, l'elfe se mit à gémir de douleur. Elle continuait à murmurer la même phrase elfique. Elle serrait encore plus fort la main du blessé quand soudain...
C’est avec un regard stupéfait que le jeune ménestrel réalisait que la poitrine de l’inconnu commençait à se soulever de façon plus régulière. Les yeux de Delaynna était tout grand ouvert mais son esprit semblait ailleurs. Tout comme lorsqu'elle avait figé face au lac. Mais pour elle, tout ce qu'elle semblait entendre était la même voix qu'elle avait entendu plutôt murmurer son nom. Celle du verre qui l'appelait. Et la voix de son ami qui résonnait au fond d'elle;
Pour les Ténèbres et la Flamme Immortelle. Que seule la mort l'emporte !
Del fut repoussé par la réalité lorsque le blessé la repoussait par la peur de la voir. Elle ignorait combien de temps elle avait été absente mais ce fut assez longtemps pour que celui-ci reprenne conscience.
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Ian observait la scène qui se déroulait sous ses yeux avec fascination. Il avait déjà entendu certaines choses au sujet de la médecine des Elfes mais jamais n’avait-il imaginé qu’elle puisse être si différente de celle pratiquée par les mortels. Points de médicaments ou d’opérations, mais un simple contact accompagné d’incantations qui avaient plongé la salle entière dans une autre dimension. Delaynna répétait la même formule cryptique en boucle, d’abord dans un murmure quasiment imperceptible, puis avec plus en plus d’intensité. Son corps s’animait progressivement de tremblements et des perles de sueurs commençaient à suinter sa peau parfaite. Face à elle, le blessé revenait littéralement à la vie. Sa poitrine, presque inerte jusque-là, s’était mis à se soulever de manière régulière.
Delaynna gémit de douleur, l’homme poussa un hurlement venu d’outre-tombe. Une des infirmières voulu intervenir pour faire cesser cette folie mais Ian l’en dissuada d’un geste du bras. “Non, laissez-la ! Elle sait ce qu’elle fait.”
Quelques pénibles minutes passèrent jusqu’à ce que le patient ne rouvre les yeux face à sa sauveuse, à bout de forces. Les yeux écarquillés, son esprit en un autre lieu. Le ménestrel l’avait déjà vu dans cet état quelques heures auparavant, quand il avait extirpé la Dame de l’Eau, en état de transe, du lac. Le jeune homme s’agenouilla près d’elle après qu’elle fût repoussée par le soldat meurtri, et lui tâta le front. Il était brûlant. “Delaynna…Delaynna…Tout va bien. Vous l’avez sauvé, nous allons enfin pouvoir obtenir des réponses.”
Il se doutait qu’elle avait eu certaines visions, comme lors de son premier épisode. Cependant il s’abstint de l’interroger à ce sujet, ils avaient fait le choix de se rendre jusqu’ici dans l’espoir de tirer au clair cette sombre affaire et il se devait de s’assurer que l’elfe ne perde pas de vue son objectif premier.
Reportant son attention sur le soldat du Comte Saule, il demanda : “Tu peux remercier ta bienfaitrice soldat. Sans elle, nous n’aurions sans doute pas pu vous sauver.”
L’homme qui reprenait lentement ses esprits acquiesça silencieusement de la tête. “Que s’est-il passé sur le Long Lac ? La nuit où vous avez été blessé ?”
Le soulagement jusque-là visible dans les yeux sombres du blessé céda immédiatement sa place à l’effroi. Le simple souvenir de ce funeste affrontement suffisait pour le paralyser totalement.
“Je…je…ne sais plus. Le monstre. Il est sorti des profondeurs sans crier gare, tuant et détruisant tout sur son passage. Et puis, et puis il a disparu d’un coup… -Disparu ? Comment cela ? -Je ne sais pas…je vous dis ce que j’ai vu…Il a mis le bateau dans tous les sens, comme s’il cherchait quelque chose…et puis il m’a parlé… -Parlé ? Le ver vous a parlé ?”
Le récit du témoin était confus et plutôt bancal. L’homme venait de sortir d’un profond coma et trier ce qui relevait du réel ou de son imagination n’était pas simple. “Il…Le monstre m’a fixé avec ses grands yeux rouges et j’ai entendu…Sa voix…là…”
Il pointa son index sur sa tête, comme pour indiquer que la bête avait directement communiqué à son esprit. “Et que vous a-t-il dit ? -Il m’a demandé où était sa pupille…son trésor…et ensuite je ne me souviens plus de rien.”
Ian fronça les sourcils d’un air circonspect. Ainsi, selon ce témoignage, ce monstre avait lancé l’assaut dans l’espoir de trouver quelque chose ? De mémoire il s’agissait de la première attaque sur le lac ; était-il possible que ce soit cet objet transporté par le Comte Saule qui ait pu réveiller le dragon, le tirant des abymes pour l’attirer vers la surface ? “Ce trésor ? Aucune idée de quoi il pouvait bien s’agir ? -Je…je ne sais pas si je peux en parler…De toute façon je n’en sais pas grand-chose…”
Le ménestrel insista et finit par faire craquer cet esprit déjà bien tourmenté ; les talents de persuasion de son ordre n’était plus à prouver.
“Nous transportions un objet précieux pour le Comte, arrivé d’une contré lointaine. Il se trouvait dans un coffre et je n’ai jamais pu le voir vraiment ; je me souviens simplement de la lumière intense qui s’échappait par le verrou de sa boîte. La guérisseuse parlait même d’un objet magique… -La guérisseuse ? Il y avait une guérisseuse à bord ? -Oh oui ! Un sacré phénomène, peu avant l’attaque elle m’a fait boire une tisane étrange et quelques secondes plus tard elle s’était volatilisée.”
Ian échangea un regard perplexe avec Delaynna qui reprenait doucement ses esprits à ses côtés. Une tisane étrange pouvant mener à des visions, une intrigante guérisseuse, un objet magique et un dragon aquatique ; le tout au milieu d’un complot politique ? Était-ce le début d’une mauvaise blague ou un véritable cauchemar ? Comment tout cela pouvait avoir le moindre sens ? “Cette guérisseuse…elle avait un nom ?”
Le ménestrel avait formulé la question mais en réalité il connaissait déjà la réponse. Cela faisait de longues semaines qu’il enquêtait sur le compte de cette étrangère, venue vendre ses services au Comte Saule quelques mois plus tôt. Elle avait revêtu plusieurs identités, engagé divers tiers pour accomplir ses méfaits et était parvenue à brouiller de nombreuses pistes. Longtemps sa véritable identité était demeurée un mystère, jusqu’à ce qu’un nom inconnu apparaisse sur la liste de l’équipage recruté par Sigvald pour embarquer sur l’Âzâdî pour aller combattre le monstre. Il n’avait pas fait le rapprochement quand il avait tenu la liste entre les mains, désormais les choses étaient bien plus claires.
Le blessé fut secoué par un nouveau tremblement puis, dans un souffle, lâcha : “Venefica…”
Le ménestrel se tourna vers Delaynna. Lui, d'ordinaire si calme et composé malgré son jeun âge cédait progressivement à la panique qui montait dans ses tripes. “Ma Dame! Je crains fort que le dragon ne soit pas le seul danger que votre ami doit affronter sur le Lac…”
The Young Cop
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