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 La Purge: Sauver les apparences

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Learamn
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Learamn

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apparences - La Purge: Sauver les apparences EmptyDim 31 Jan 2021 - 20:03

La Cave avait été complètement saccagée. Ce qui avait été, encore quelques heures plus tôt, une petite boutique de bric-à-brac anodine était devenue un véritable champ de bataille. Les articles en tous genres jonchaient le sol rougis par le sang de ce qui avaient osé s’opposer à la volonté du Général Cartogan. Le Lieutenant Cereis exultait et ne faisait visiblement aucun effort pour dissimuler son large sourire. Enfin, avaient-ils mis la main sur la tête du Réseau d’Anakel… Des mois qu’ils essayaient de démanteler ce réseau criminel, qu’ils arrêtaient de petits exécutants, qu’ils tentaient d’arrêter l’esclavage clandestin et les enlèvements à répétitions. Pourtant, la Garde de Minas Tirith n’avait jamais réussi à remonter jusqu’à la source et identifier les têtes pensantes du réseau. Mais cela, s’était avant que Cartogan et le Directeur Rhydon n’initie la Grande Purge. Dans les bas-fonds de la capitale, les organisations criminelles du genre avaient fait leur loi pendant trop longtemps. L’Arbre Blanc, pourtant affilié aux affaires extérieures, s’était saisi du dossier et il n’avait fallu que quelques semaines pour que leurs espions n’obtiennent de précieuses informations. Tout cela n’avait pas été chose aisée, mais les plus talentueux des agents étaient parvenus à s’infiltrer dans le réseau. Dès lors, il avait fallu se montrer patient, car même une fois à l’intérieur du réseau, le fonctionnement hiérarchique restait obscur et chaque membre de l’organisation n’interagissait directement qu’avec des seconds couteaux sans intérêts. Mais la persévérance avait finir par payer et un de plus brillants infiltrés avaient obtenu une information capitale.

Une réunion prévue dans l’arrière-boutique de la Cave entre un certain Alrik Danten, marchand du Premier Cercle et Anakel en personne.

L’occasion était trop belle. Cereis avait choisi ses meilleurs hommes, ceux qui étaient prêts à tout pour la défense de leur royaume. Le combat avait été bref mais particulièrement violent. Pris par surprise, les criminels avait pourtant opposé une résistance aussi farouche qu’artisanale aux soldats du Gondor. Une poignée d’entre eux avait dégainé de vraies armes, le reste des bandits n’avaient pas hésité à charger les guerriers avec des outils variés. Là une fourche rouillée, ici un gourdin clouté. Sable dans les yeux, coups en dessous de la ceinture ; toutes les règles de dignité militaire n’avaient pas vraiment cours ici et les Gardes s’étaient montré réellement déstabilisés. Même la vieille femme, identifiée comme Anakel, leur avait donné du fil à retordre. Armée d’une lance, et férocement protégée par deux colosses aux mines patibulaires, elle avait fait mordre la poussière à deux gondoriens. Même le Lieutenant Cereis avait subi un violent coup, asséné avec le manche en bois, et sa lèvre inférieure saignait désormais abondamment.

Toutefois, submergés par le nombre et l’équipement bien supérieur de leurs ennemis, les criminels finirent par faiblir. Les plus couards tentèrent de s’enfuir, les autres se sacrifièrent pour leur patronne. Cette dernière se tenait toujours aussi droite, dévisageant l’officier d’un regard sévère. Elle tenait toujours fermement le manche de sa lance désormais brisée.

“C’est fini chèvre galeuse ! Rends-toi à présent ! “

La dame n’esquissa pas le moindre geste. Les insultes et injonctions de ce grossier officier ne semblaient pas l’affecter le moins du monde. Au contraire, elle se montrait étonnamment paisible. Comme si elle avait attendu ce moment depuis bien longtemps.

“Va au diable ! Saisissez-la, on verra si elle fait toujours autant la maligne au fin fond d’un cachot!”

Malgré leur réputation de passoire ces dernières années, les geôles de Minas Tirith restaient un endroit peu enviable, qui plus est pour une personne d’un âge si avancé. Sans ménagement, les hommes du général prirent “Anakel” par les épaules. Il y avait encore beaucoup de monde à arrêter au sein du réseau, mais maintenant que la tête avait été coupée, tout serait plus simple.

Cereis balaya la pièce du regard :

“Waldemar, Drauler, Bernor! Fouillez cet endroit de fond en comble! Ramenez-moi toute information que vous jugez nécessaire et ne laisser rien au hasard. Et surtout tâchez de trouver où se terre le reste des membres, surtout ce diable de Sauer… Si on le trouve, c’en est fini de leur petit groupe de voyous.”


----------------------------------------


Sauer était pourtant bien là. Il avait été alerté par les bruits de combats alors qu’il se rendait au rassemblement avec un peu de retard. Tapi dans l’ombre, il avait assisté aux combats sans juger qu’il était nécessaire pour lui d’y prendre part. Après tout, chacun avait son rôle dans le réseau.

Les trois gardes entamèrent leur recherche avec un certain zèle et au rythme où ils allaient, ils auraient tôt fait de mettre la main sur quelques renseignements compromettants. Ils s’approchaient d’ailleurs dangereusement du bureau d’Alrik, qui avait détalé dès le début des combats. Au fond d’un des tiroirs et derrière un ingénieux double-fond, se cachait une liste de documents que le Gondor ne devait pas trouver. L’arrestation de la Vieille Dame les avait tous pris par surprise et Cartogan avait parfaitement réussi son coup. Cependant, le réseau avait tout intérêt à ce que le général continue à croire qu’il s’était définitivement débarrassé d’eux.

Sauer devait à présent faire un choix, attendre dans l’ombre en espérant que les trois gardes ne trouve pas un document savamment dissimulé aux yeux de tous. Ces hommes-là étaient probablement assez stupides pour passer à côté sans se poser aucune question. Ou alors devait-il risquer de trahir sa présence et s’assurer que les gardes n’approche pas du bureau en houx.


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apparences - La Purge: Sauver les apparences EmptySam 6 Fév 2021 - 2:24

C’était une mauvaise journée ! Sauer l’avait tout de suite su. A la seconde où il avait été réveillé, à peine minuit passé, par le fracas du poing de Jacob qui avait traversé le mur de torchis. Il l’avait su en luttant pendant de longues minutes contre son âme damnée rendu ivre de rage par l’un de ses vieux cauchemars, souvenirs de multiples années comme bête de combat. Il en avait récolté une pommette bleuâtre, une côte probablement fêlée, un vague grognement de remerciement, et la certitude que, décidément, ce serait une mauvaise journée !

S’en était suivi une matinée aussi désastreuse. Les rumeurs du zèle de Cartogan et des dégâts occasionnés sur les principales organisations criminelles de la Cité Blanche avaient jetées un vent de panique parmi les alliés, associés et petits exécutants du Réseau. C’était désormais une certitude : à tout moment le regard du terrible général se tournerait vers eux. Ils avaient pris trop d’ampleur pour demeurer encore longtemps invisibles.
Certains rats voulaient quitter le navire. Certes, le noyau dur des Anakel était d’une loyauté sans faille mais ils ne devaient leur puissance qu’aux nombreux satellites qui gravitaient autour d'eux, pour étendre leur influence et leur emprise. Pas qu’il était théoriquement interdit de quitter le Réseau, mais il revenait à Sauer la tâche ardue de s’assurer que personne ne partait en emportant avec lui les trésors et secrets de l’organisation. Un travail à sa mesure et dont il tirait la satisfaction malsaine du travail accompli. La tâche n’était pas sans attrait mais le temps lui manquait. Il avait dû se montrer expéditif et sans finesse. Un travail à la chaine qui ne lui ressemblait pas et qui le frustra beaucoup. C’était une mauvaise journée !

La dernière tentative de la Garde pour mettre à bas le Réseau s’était soldé par la perte tragique de la précédente Avatar, avait jeté un coup de pied dans la fourmilière mais surtout assuré quelques temps de tranquillité bien mérité au Réseau. Après tout, sitôt le perturbateur à quelques pas plus loin, les fourmis se remettaient en ligne. Le Réseau était bien protégé, à un niveau qui dépassait la compréhension des pantins de Cartogan. Mais comme toute chose, il serait éphémère. Sauer avait fourni à Anakel les moyens de ses ambitions mais si les choses devaient mal tourner, il pourrait aussi bien trouver une autre tête de rat pour poser la couronne. Il n’était pas pressé. Travailler pour Elle était confortable, jamais ennuyeux et lui offrait un contrôle et une restriction qui le maintenait entre les lignes, loin de la tentation de ses vieux démons. Sans compter qu’il savait reconnaitre et respecter un esprit brillant quand il en voyait un. En parlant de ça… il était bien dommage que Cartogan soit à ce point réputé incorruptible, il y avait du potentiel chez cet homme-là, pensa justement Sauer alors que sa lame tranchait méthodiquement la gorge tendre d’un mendiant un peu trop avide qu’il avait traqué jusque dans les ruines noircies de flammes d’une ancienne habitation.

Le Général se rapprochait d’eux, il ne pouvait pas le nier. La boutique de Sandatt avait encore été retournée, sans preuve de nouveau – ils n’apprenaient donc jamais – et cela commençait à irriter Anakel. Sandatt, quant à lui, l’avait pris avec beaucoup de philosophie comme à son habitude. Les prêteurs sur gages étaient évidement les premiers qu’on soupçonnait de recèle. En ce point Sandatt était blanc comme neige et à ce titre intouchable. S’il n’y avait pas de soucis à se faire pour lui personnellement, il n’empêchait que nombre de petits prestataires de la branche d’Alrik s’étaient fait attrapés avec de la marchandise volée, deux des filles de Thyia étaient derrière les barreaux à attendre la corde et Meld était dans tous ses états depuis qu’elle avait appris qu’on avait passé les fers à six de ses garçons, parmi ses meilleurs voleurs.
Sauer était un loup. Il était le chasseur, pas la proie. Il n’aimait pas se sentir traqué et cette situation lui portait de plus en plus sur les nerfs.

Le dernier signe que Sauer aurait dû lire sur la suite des évènements de la journée fut quand la petite voleuse était venue lui annoncer un changement dans le lieu de réunion des Six, lieutenants fidèles d’Anakel, relocalisée dans la Cave, la petite boutique qui servait de couverture à leurs trafics.
Depuis que Cartogan avait agité le Marché Noir, les Anakel évitaient comme la peste leur planque principale, dans la citerne-cathédrale située sous le Sanctuaire. Les trésors qui y dormaient ne devaient pas voir se braquer sur eux le regard du Général.
Cependant, la Cave n’était pas prévue pour accueillir autant de monde. C’était un petit commerce qui tirait sa force de son anonymat relatif. Heureusement, sur les Six, seuls quatre étaient présents dans la Cité. Kett et Thyia étaient restés coincés à l’extérieur quand les portes avaient été closes et la quarantaine décrétée pour la Cité, et Anakel avait décrété qu’ils leur seraient plus utiles dehors de toute façon – Sauer soupçonnait que ses raisons ait été plus sentimentales que pratiques. Rolf avait refusé de se rendre dans les bas-quartiers de peur d’être surveillé et Meld devait les rejoindre plus tard après avoir fait acte de présence à un évènement mondain. Ne restait plus que deux pour répondre à l’appel : Alrik, qui de toute façon était le propriétaire des lieux, et Sauer lui-même. Et la perspective de passer une heure dans la même pièce que cet homme n’était pas pour lui plaire. Danten était efficace mais il ne lui faisait aucunement confiance et attendait patiemment le jour où un faux pas lui permettrait de le rayer du tableau une bonne fois pour toute.

Malheureusement, malgré toutes ces alertes, il n’avait pas su voir ces signes pourtant évidents. Et c’est ainsi qu’il s’était retrouvé avec l’Egorcheur, dissimulé derrière un groupe de badauds curieux et mécontents qui se pressaient autour de l’entrée enfoncée de la Cave. Ils étaient arrivés juste à temps pour voir les gardes faire une entrée fracassante dans la petite boutique, faire le ménage par le fer et finalement porter – ou plutôt trainer – hors de la boutique la Vieille Femme qui demeura pourtant d’une grande dignité.

Il était temps d’agir. Sauer se tourna vers Jacob à son côté et d’un simple claquement de doigts et un regard appuyé, l’envoya en mission. D’abord avertir Meld de ne pas se présenter au rendez-vous, protéger ce qui pouvait l’être, avertir qui de droit et surtout s’assurer que cette frappe, qui ne devait pas être isolée, n’avait pas touché le cœur de l’organisation. Le rouquin avait fort à faire. Ensuite, il serait grand temps d’éliminer ceux qui avait su pour la réunion et qui avaient trahi. A ceux-là Sauer réservait les pires supplices. Il était nettoyeur et il était grand temps de faire le ménage.

Il se glissa sans peine dans une ruelle parallèle étroite et se faufila près d’une minuscule ouverture pour espionner ce qui se passait à l’intérieur. Les dégâts étaient considérables. Bien que la plupart des objets vendus ici n’avaient qu’une faible valeur marchande, la quantité brisée au sol commençait à faire grimper sérieusement la facture.
Il reconnu sans mal le lieutenant Cereis. Encore un incorruptible, voilà qui n’arrangeait pas ses affaires ! Sauer eut un rictus satisfait en constatant que la Vieille lui avait rendu la monnaie de sa pièce. Bien… Néanmoins les ordres qu’il donnait n’auguraient rien de bon. Sauer se savait recherché, et cela depuis bien avant son intégration au Réseau, mais jamais on ne l’y avait associé de si près et si exclusivement. Pour être honnête, il n’avait rien vu venir. Malgré les nombreux avertissements et la guerre éclair que Cartogan avait mené contre les autres groupes, Sauer ne s’était pas attendu à être frappé si vite et si juste dès le départ. Les sécurités du Réseau s’en trouvaient gravement ébranlées. Il ne restait que le secret de leur système de commandement pour encore protéger ses membres les plus vitaux. Ils s’étaient fait avoir comme des bleus !

A présent des secrets compromettants de l’organisation étaient à portés de main de la Garde. Encore une fois Alrik était à blâmer. Il s’était montré trop fier et confiant, trop imbu de sa personne pour faire preuve de la prudence la plus élémentaire. Ce n’était pas pour rien que le Réseau compartimentait tout. Mais bien sûr, les règles ne s’appliquaient visiblement qu’aux sous-fifres !
Sauer analysa ses possibilités avec beaucoup soin. Il ne pouvait pas permettre que des informations tombent entre de mauvaises mains mais il n’avait aucune envie de lancer la Garde dans une joyeuse chasse à l’homme dont il serait le gibier pour les éloigner de l’objectif. Il regretta d’avoir envoyé Jacob ailleurs, lui aurait fait le lapin idéal pour mener ces lévriers. Tant pis ! Il ne pouvait pas se permettre de les laisser fouiller la Cave. Il claqua de la langue.

Lentement mais surement, il se positionna à côté de la fenêtre la plus éloignée de la porte d’entrée. Elle était si étroite que les hommes de Cereis seraient bien obligés de faire le grand tour. Il prit soin de rester hors de vue, dans l’ombre des bâtiments alentours. La Garde ne connaissait pas son visage, et il espérait bien qu’il en soit ainsi encore longtemps.
Sortant un poignard des plis de sa chemise, il fit crisser la lame contre la pierre friable de la paroi extérieure. Le bruit sinistre attira l’attention des occupants de la boutique. Il s’adossa tranquillement contre la paroi. Il avait le temps. Parmi les badauds présents sur ce côté peu fréquenté, aucun n’oserait se mettre en travers de sa route. Il était le croque-mitaine dont on racontait les horreurs pour effrayer les enfants… et les adultes.

« - Bonjour Lieutenant… Cereis, n’est-ce pas ? » lança-t-il d’une voix trainante et doucereuse.

Les soldats aurait pu jurer que la température avait baissé de quelques degrés à l’intérieur lorsque la voix de Sauer retentit, à peine plus haute qu’un murmure et qui pourtant sembla résonner dans la pièce. La petite fenêtre laissait paraitre une ombre floue sur le mur en vis-à-vis comme un fantôme vengeur.

« - Ce taudis avait beaucoup d’importance pour les gens du quartier, ils risquent de vous en tenir rigueur. » continua-t-il sur un ton de conversation qui laissait entendre qu’il n’y attachait lui-même pas la moindre importance.

Il profita de la sidération des gardes pour lancer son unique avertissement.

« - Vous avez visiblement trouvé ce que vous étiez venu chercher. Elle survivra peut-être même assez longtemps à votre passoire à barreaux pour voir le jour de son procès, qui sait… Vous êtes libre d’écraser tous les cafards qu’il vous chante. Mais si vous lancez vos chiens après moi, prenez garde. Que tous les rats de ce cercle m’en soient témoins, je noierais cette Cité dans le sang de tant d’innocents que vous en perdrez le sommeil. Vos familles, vos amis, personne ne sera à l’abri. Vous savez qui je suis, Cereis. Vous savez de quoi je suis capable. Ne me tentez pas… Waldemar… Drauler… Bernor… » énuméra-t-il, savourant chaque syllabe. « Je pourrais me souvenir de ces noms-là… Ou pas… L’avenir nous le dira. »

Il ne prit pas le temps de savourer son effet. Déjà le bruit de cavalcade qui lui parvenait lui disait que les gardes n’avaient pas l’intention de s’avouer vaincus si vite. Avec un sourire mauvais, il prit un pas rapide, fendit un petit attroupement et disparu dans les ombres. Il connaissait aussi bien les ruelles de la Cité que s’il les avait construites. Et si la Garde ne mordait pas à l’hameçon, il lui suffirait de faire un crochet pour revenir sur ses pas et repenser son plan premier. Sinon, il allait les mener jusque dans le quartier le plus mal famé de Minas Tirith, parmi les taudis. Là où les patrouilles étaient les moins nombreuses et où l’on retrouvait encore des gars prompts à l’affrontement avec l’autorité.


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apparences - La Purge: Sauver les apparences EmptyMer 10 Fév 2021 - 11:14


“Mais c’est qui ce type?!”

Le lieutenant Cereis n’était pas particulièrement réputé pour sa patience ou son sang-froid et voir cet inconnu qui jouait aux équilibristes le narguer de la sorte ne lui plaisait pas du tout. Le bougre avait eu la présence d’esprit de se placer hors de portée, dans le cas contraire il aurait été certain que l’officier de la Garde ne cherche à l’étrangler à mains nues. L’inconnu était dans l’ombre et tout ce que les soldats pouvaient distinguer était une silhouette svelte et élancée. Le malfrat avait de toute évidence le sens de la théâtralité et son intervention eut un petit effet sur certains des hommes présents. Ses premiers mots, prononcés d’une voix aussi basse qu’inquiétante, avaient complètement refroidi l’atmosphère. Les Gardes, surpris, échangèrent des regards incrédules; Cereis crut même voir une lueur d’inquiétude dans les yeux de l’un de ses subordonnés. Et cela n’était pas pour lui plaire. Vraiment? Les fiers guerriers du Gondor étaient-ils tombés si bas qu’ils tremblaient de genoux devant le premier fantaisiste venu se moquer d’eux. Cereis lui n’était pas du genre à se montrer impressionner par si peu.

Ses menaces pourtant firent leur petit effet. L’homme connaissait leurs noms… Peut-être avait-il simplement écouté leur conversation lors des minutes précédentes mais être interpellé de la sorte par son nom faisait toujours son petit effet. Quant à la vengeance promise sur sa famille et celle de ses hommes, Cereis devait admettre que cela n’avait jamais été agréable d’entendre de telles choses mais il s’était endurci avec le temps et avait appris que les rats, une fois acculés, tenaient souvent ce discours de la dernière chance pour pouvoir s’échapper du piège tendu par les prédateurs. Ce jour-là Cereis était le chasseur.

“Sauer…”
souffla l’officier.

Il n’avait pas vu le visage de l’inconnu et ne savait finalement que peu de chose sur ce criminel au nom bien connu dans les bas-quartiers de la ville mais la manière dont il avait insinué son identité ne laissait que peu de place au doute. Leur cible prioritaire était juste devant eux et son arrestation pouvait définitivement mettre un coup d’arrêt aux sombres agissements du Réseau d’Anakel. Comme s’il avait anticipé la réaction du soldat, le truand disparut à travers la fenêtre. Il ne pouvait leur filer entre les doigts.

“Rattrapez-le!”
hurla Cereis en prenant ses armes.

Les trois soldats du Gondor s’élancèrent prestement à l’extérieur de la Cave. Sauer avait déjà pris de l’avance et les hommes, en armures lourdes, allaient devoir faire le tour de la bâtisse pour rejoindre la ruelle où il avait sauté, au milieu d’un quartier qu’ils ne connaissaient que trop peu.

Mais alors qu’il s’apprêtait à suivre ses hommes dans cette folle course poursuite, Cereis s’arrêta net. L’attitude de Sauer était pour le moins étrange. Pourquoi révéler sa couverture alors qu’il avait échappé à la Purge? Pourquoi prendre le risque de faire connaître son visage? Non, le bougre avait assurément quelque chose d’autre derrière la tête. Narguer les hommes du Gondor pour prendre la fuite lâchement ne signifiait qu’une chose: Sauer cherchait à faire diversion. Il avait attiré leur attention avant de les inviter à le chasser à travers le dédale du Premier Cercle. Le criminel cherchait à les éloigner de quelque chose de précieux qui se trouvait dans cette pièce. Et ils avaient mordu à l’hameçon.

Cereis fit volte-face et son regard se posa lentement sur le magnifique bureau en bois de houx qui trônait au fond de la pièce.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------


De leur côté, Waldemar, Drauler et Bernor s’étaient élancés sur les traces de Sauer sans la moindre hésitation. Et comme ce dernier l’avait probablement prévu, perdirent rapidement sa trace. Ingénieusement dissimulé à leurs yeux, il pouvait constater avec satisfaction que les trois guerriers n’avaient plus la moindre idée d’où le malfrat pouvait bien se terrer mais aussi d’où ils se trouvaient. Les guerriers en armures devaient aussi subir les regards courroucés des habitants de ce quartier malfamé qui voyaient d’un très mauvais œil la présence de Gardes dans ce coin-là de la ville.

Cependant le membre du réseau pouvait constater que Cereis manquait à l’appel. L’officier avait-il bifurqué pour suivre une autre piste ou était-il resté fouiller la Cave. Sauer l’ignorait mais les enjeux étaient trop grands pour que toute possibilité soit laissée de côté.

Plusieurs choix s’offraient désormais à lui. Il pouvait sortir de sa cachette pour affronter les gardes au risque de se faire arrêter. Il pouvait tout simplement courir à toute allure vers la Cave, mais là encore il se ferait remarquer et attirerait l’attention des Gardes. La discrétion était aussi possible, mais rebrousser chemin sans se faire remarquer lui prendrait plus de temps, un temps qui lui était compté jusqu’à ce que Cereis ne mette la main sur le précieux document. Ou alors, il pouvait rester caché et attendre pour préserver sa couverture; après tout le fameux parchemin était caché aux yeux de tous de façon très ingénieuse et fouiller le bureau n’était définitivement pas suffisant pour mettre la main dessus. Un certain degré d’intelligence et de perspicacité était requis pour actionner le mécanisme révélant le double-fond du tiroir concerné, et Cereis ne semblait pas être un grand savant.


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apparences - La Purge: Sauver les apparences EmptyMar 23 Fév 2021 - 2:08

Il ne fallut pas très longtemps à Sauer pour se rendre compte que le lieutenant n’avait pas suivi la course. Cela signifiait très probablement qu’il était resté en arrière ! Pestant dans sa barbe, le criminel n’avait plus d’autre choix que d’aller au bout de la chasse. Heureusement, le quartier mal famé dans lequel il avait l’intention de perdre les Gardes n’était qu’à quelques rues.
Il y avait deux explications possibles à l’étrange réaction du militaire. Trois, à dire vrai, mais Sauer connaissait trop bien les lieutenants de la Cité pour croire que Cereis fut un lâche. Soit l’homme ne le connaissait pas autant qu’il le croyait et le pensait bien trop loyal au Réseau pour croire à son bluff, soit il avait sous-estimé son intelligence et le lieutenant avait mis le doigt sur une piste. L’une comme l’autre de ces explications n’était pas pour lui plaire. Cela lui compliquait sérieusement la tâche. Néanmoins ce n’était pas une réflexion pour le moment présent.
Une poignée de minutes suffit à faire se refermer le piège sur les malheureux Gardes. Une seconde, ils suivaient la silhouette en fuite, celle d’après ils étaient seuls au milieu des ruelles crasseuses. Un cri de chouette raisonna, tout proche. En pleine journée. Par deux fois. Mais avant qu’ils n’aient pu comprendre à quel point la situation était incongrue, ils se retrouvèrent entourés d’individus à la mine patibulaire qui étaient visiblement là pour en découdre. Sauer avait utilisé contre eux le cri d’alarme habituel de ces quartiers qui avait poussé les trafiquants de tous poils à se terrer et fait sortir gardes du corps et voyous sans foi ni loi pour régler la nuisance.

Sauer regarda une dernière fois les pauvres diables prêt à se faire passer à tabac en récitant de nouveau leurs noms dans sa tête. Ils rentreraient peut-être chez eux dans un piteux état mais ils rentreraient quand même. Les voyous n’étaient pas prêt à déclencher une guerre ouverte avec la Garde et surtout Cartogan. Mais Sauer n’était pas homme à manquer de parole, il avait l’intention de s’assurer qu’aucune de ces trois-là ne lui chercherait plus jamais de noises. Il irait faire une petite visite dans les demeures de ces braves gens. En personne ou en envoyant un de ses gars, il ne savait pas trop. Peut-être pas pour égorger toute la maisonnée. A la réflexion, un simple animal mort sur le lit d’un enfant pourrait suffire à faire son petit effet. Tout dépendrait des suites de cette journée pénible et surtout de son humeur finale. Anakel trouvait que le sang versé inutilement faisait du tord au Réseau et qu’il attirait trop l’attention. Etait-ce encore là du sentimentalisme ou une inquiétude saine pour l’intégrité de sa toile, il n’en était lui-même pas sûr.

Il commença à faire demi-tour, par le chemin le plus rapide. Son pas était vif mais il prit le parti de ne pas trop attirer l’attention sur lui en faisant le trajet retour en courant. A l’instar de ses longues enjambées, son cerveau tournait à pleine vitesse. Il n’avait pas spécialement envie de se dévoiler au lieutenant et aucun de ses sous-fifres ne se trouvait dans les parages pour exécuter cette basse besogne. Il était dans une position particulièrement inconfortable et quelqu’un devrait payer pour cela. Il avait même une idée très nette de qui cela pourrait être.
Il ignorait précisément quel document se trouvait dans la Cave. Il s’apprêtait peut-être à risquer sa peau pour deux trois lignes comptables qui ne pouvaient pas faire grand mal au Réseau ni même être d’un grand secours au Général. D’un autre côté, une seule petite information mal placée pourrait enfoncer un bélier dans les multiples défenses de l’organisation, mettre à mal son fonctionnement et mener à terme à l’écroulement de sa structure. Et il avait travaillé trop dur pour faire émerger ce petit groupe de rats au dessus de la masse grouillante pour regarder sans rien faire tous ses efforts réduits à néant par un arrogant militaire qui se voyait déjà roi dans l’ombre du roi.

Il lui fallut plus de temps que prévu pour retourner à la Cave. Les badauds avaient commencé à se disperser, non sans avoir attrapé au passage une partie de la marchandise jetée à même la rue durant la perquisition destructrice. Mais un reste d’agitation suffit à faire comprendre à Sauer que le lieutenant était toujours à l’intérieur. Mais cette fois-ci, il avait une chance, Cereis était désormais bel et bien seul.
Au corps à corps, il avait peu de chance de s’en sortir face à un homme rompu à l’art militaire. Mais il y avait bien des façons de neutraliser cet avantage. La Cave était exiguë, la place y manquait pour dégainer et se battre dans les règles de l’art. Seule l’élément de surprise avait fait perdre cet atout aux voyous dont les cadavres décoraient désormais le sol.

Sauer se tenait dans l’entrée. La bataille avait soufflé presque toutes les bougies et les lampes de la pièce et les petites fenêtres n’éclairaient que peu l’intérieur. Il releva son col pour dissimuler le bas de son visage et pénétra prudemment dans les lieux.
Un autre problème se présentait à lui. Il ne pouvait tout simplement pas éliminer le lieutenant. Cartogan ne verrait pas d’un bon œil de devoir compter les cadavres de ses hommes. Cela ne ferait qu’attiser sa colère et le rendre encore plus hargneux. Mais il devait à tout prix protéger les secrets du Réseau… tout prix, sauf celui de sa vie cela allait de soi.

Cereis était penché au dessus du bureau de bois précieux qui jurait avec le reste du décor. Sauer comprenait pourquoi son intérêt y avait été attiré. Encore et toujours : Alrik et son orgueil. Il fouillait et retournait les tiroirs avec acharnement. Pour le moment il n’avait rien trouvé mais s’il n’était pas totalement stupide, il finirait par tomber sur ce qu’il cherchait. Alrik n’était pas connu pour ses cachettes les plus subtiles.
Inutile de faire quelque chose d’inconsidéré pour le moment. En prenant grand soin à ne poser ses pieds sur rien de bruyant, Sauer se coula avec une lenteur extrême dans un recoin sombre. Le pied léger, la respiration silencieuse, patient, l’arme au clair. Si près de Cereis qu’il ne lui faudrait que trois enjambées pour être sur lui. S’il avait un minimum d’instinct, il sentirait la présence d’un autre prédateur à ses côtés.

Mais soudain, une idée germa dans l’esprit de Sauer. Deux grosses lampes à huile en terre cuite trônaient, encore allumées, dans un coin de la pièce, miraculées du massacre. Lestement, il rengaina son poignard et se précipita dans cette direction. Le mouvement soudain attira inévitablement l’attention du lieutenant, qui fut pris au dépourvu de le voir ainsi devant lui. Qui aurait pu croire qu’un criminel recherché oserait à ce point braver la Garde.
Sauer n’eut qu’une fraction de seconde. Il saisit l’une des lampes, banda ses muscles et l’envoya s’écraser avec fracas aux pieds de Cereis. L’huile répandue s’enflamma aussitôt, occasionnant un mouvement de recul de la part de son adversaire. Sauer attrapa immédiatement la deuxième lampe et l’explosa à son tour sur le bureau de houx. Les nombreux parchemins éparpillés par la fouille prirent feu, puis se fut au tour du bois dont le vernis fortement inflammable laissait déjà échapper une fumée épaisse et acre.

Il y eut un cri, ou un grondement, et Sauer se retrouva brusquement projeté à terre. Cereis l’y avait plaqué, l’écrasant du poids combiné de ses muscles et de son armure. Sauer jura et envoya son poing percuter la lèvre déjà abimée du lieutenant. S’en suivit un pugilat désordonné alors que les flammes commençaient à gagner du terrain dans la boutique, courant le long des les rideaux mités et des poutres antiques.
Sauer était un combattant vicieux, qui n’hésitait pas à se servir de toutes les faiblesses qu’il pouvait trouver. Son regard était terrible, froid, menaçant et traversé d’une vive douleur, mais on n’y trouvait aucune trace de cette saine peur qu’aurait ressenti tout homme dans sa situation. Au souvenir de ces yeux, Cereis comprendrait que quelque chose clochait chez cet homme-là, quelque chose qui était censé être là mais qui n’y était pas. Dans ce regard il y avait également le désir de tuer, non pas pour sauver sa vie, mais par la simple pulsion du geste.

Sauer avait bien conscience que la situation était critique. S’ils ne sortaient pas rapidement, l’un comme l’autre seraient asphyxiés par l’incendie. Mais engagés comme ils l’étaient dans cette bataille de volonté, ils risquaient simplement d’y passer. Et plus important encore, il fallait qu’il sorte le premier s’il ne voulait pas être accueilli par les geôles de Minas Tirith sitôt extrait de la Cave. Les aléas de la matinée l’avaient cependant affaibli pour ce combat. Les dizaines de kilos supplémentaires qui pesaient sur ses côtes abimées le faisaient souffrir le martyr.
Cereis ne lâchait pas prise. Chaque fois que le nettoyeur reprenait le dessus, la situation se retournait. Tant et tant qu’à force de rouler au sol, les deux hommes s’étaient retrouvés à quelques mètres de la sortie tout au plus. Si seulement il pouvait se débarrasser quelques secondes de cet homme, il serait sur ses jambes en un rien de temps, déjà loin avant même que le lieutenant ne reprenne ses esprits.
La rage lui fit décocher un coup de coude particulièrement violent qui désarçonna le lieutenant. Une part de lui voulait continuer à le frapper et le frapper encore. Comment cet homme avait-il osé poser ses mains sur lui ?! Mais ce n’était ni le lieu ni le moment. La liberté était là, à portée de main. Il n’avait que quelques pas à faire.


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apparences - La Purge: Sauver les apparences EmptyMar 2 Mar 2021 - 10:55


Tout s’était déroulé si rapidement. Cereis, plongé dans sa recherche au sein des nombreux tiroirs du bureau, sursauta quand il sentit les flammes lécher ses mollets. Par réflexe il eut un pas de recul et constata avec horreur les dégâts. Déjà, les précieux parchemins se consumaient et toutes les preuves compromettantes pour le Réseau d’Anakel se transformaient en cendres. Fou de rage, l’officier identifia rapidement la source de l’incendie. L’homme était là, sournoisement tapi dans l’ombre, un sourire satisfait sur son visage cruel. Le lieutenant se précipita alors sur le malfaiteur et les deux hommes roulèrent lourdement au sol. Un nouveau coup porté à la mâchoire lui ouvrit sa lèvre déjà meurtrie et bientôt le goût du sang gagna le palais du Gondorien. Mais cette sensation là il la connaissait, c’était exactement la même qu’il avait ressenti sur les champs de bataille. Il décupla donc de rage et soumit Sauer à une pluie de coups puissants visant son visage. D’un point de vue purement physique, le hors-la-loi ne faisait pas le poids. Cereis était plus grand, plus lourd, plus endurant, mieux entraîné et après chaque choc, la garde sommaire de Sauer faiblissait. Il serait alors à la merci de la Garde. Mais le nettoyeur était un homme rusé et n’hésitait pas à exploiter habilement chaque faiblesse qu’il pouvait identifier dans les défenses du soldat. Un coup dans les parties intimes, des doigts dans les yeux, des morsures aux doigts; tout était permis pour les suiveurs d’Anakel. Et puis, il y avait au fond de ce regard une lueur de folie peu commune parmi les malfrats des bas-fonds. Ce Sauer n’était pas un simple brigand se confondant en excuses et justifications dès que les Gardes de la Cité Blanche arrivaient dans le quartier. Non, cet homme était déterminé à aller jusqu’au bout des choses.

Mais qu’est-ce que cela pouvait vraiment signifier?

Bientôt Cereis sentit la fumée pénétrer dans ses poumons et fut pris d’une toux puissante. L’air frais se raréfiait et il sentait l’incendie gagner du terrain dans leur dos. Pourtant il ne lâcha pas prise, il tenait enfin ce fameux Sauer dont ils entendaient le nom depuis de longs mois sans pour autant parvenir à l’identifier, moins encore à mettre la main dessus. S’il parvenait à s’échapper, le Réseau d’Anakel survivrait assurément et il faudrait tout reprendre. Mais tout ceci n’était qu’une question de temps. La Ligue des Ombres, les Griffes d’Ammoth, le Réseau… tous ces bandits n’avaient plus leur place dans la glorieuse capitale du royaume du Gondor et le général Cartogan avait été très clair sur ses instructions et le sort qu’il fallait leur réserver. Avec la destruction des preuves matérielles, il était indispensable de mettre cet homme aux arrêts, sous la torture, il avouerait. Cereis en avait la conviction.

L’officier du Gondor avait toujours le dessus sur son adversaire mais faiblissait à vue d’œil. Ses attaques étaient moins tranchantes, moins rythmées. Les vapeurs toxiques de l’incendie semblaient le perturber plus que Sauer qui avait désormais une fenêtre d’action. Malheureusement pour ce dernier, il entendit à l’extérieur les cris et appels sur le feu qui embrasait rapidement la Cave. Les renforts ne tarderaient pas à venir et les choses se compliqueraient grandement pour Sauer.

A présent que les documents secrets étaient partis en fumée: le choix du nettoyeur était simple. Il pouvait profiter de la faiblesse qui gagnait Cereis pour tenter de se débarrasser de cet officier qui connaissait désormais son visage, au risque de voir les gardes arriver pour l’arrêter d’une seconde à l’autre. Ou alors il pouvait profiter de la confusion pour prendre la fuite, mais alors son identité serait désormais révélée aux autorités.



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apparences - La Purge: Sauver les apparences EmptyVen 23 Avr 2021 - 18:43

Le combat avait laissé les deux adversaires dans un triste état. Chacun arborait un visage tuméfié, la tête et les bras couvert de son propre sang et de celui de l’autre. Si Cereis avait la lèvre fendue, se promettait un œil au beurre noir conséquent et que son nez saignait abondamment, Sauer présentait des pommettes violacées, une arcade éclatée et, lorsqu’il montra les dents comme un animal, elles étaient teintées d’un rose vif qui laissait présager que plusieurs de ses gencives avaient subies le même sort. Les deux hommes, pendant une seconde, étaient dos au sol. L’air chargé de cendre et de fumée toxique les faisait tousser et cracher au rythme de leur respiration haletante.

Un moment de répit… C’était là la seule possibilité qu’avait Sauer de s’en sortir vivant mais quelque chose le retenait : la bête sombre et terrible qui était toujours tapie au fond de lui. Il était tiraillé par l’envie d’évacuer sa frustration, de cette journée abominable, des douleurs qu’on lui avait infligées, de l’humiliation et de cet homme qui avait fait emporter la vieille femme dans un cachot humide pour y être torturée. Il réussi à s’éloigner suffisamment de son adversaire pour se relever, non sans lui décocher un violent coup de pied dans la mâchoire. Son bras gauche, serrer contre son buste pour sécuriser sa côte blessée, tremblait sous l’effort. Le manque d’oxygène, ses blessures, l’épuisement physique et probablement un traumatisme crânien, rendaient ses gestes, habituellement lestes, lents et lourds. Il se tenait plié en deux, toussait et grimaçait de douleur quand les secousses de son buste agitaient ses os fêlés. L’air était brûlant. Il hésita entre l’homme à terre et la sortie. Une seconde de trop.
C’était plus de temps qu’il n’en fallait pour se redresser, et ce fut plus de temps qu’il n’en fallut pour que Cereis reprenne la main.  Avec une vitesse encore respectable pour un homme à demi asphyxié, Cereis mit Sauer à genoux. Et avant qu’il ne puisse réagir, le criminel se retrouva le visage plaqué au sol, un coude enfoncé entre les omoplates, une main qui enserrait sa nuque avec plus de force que nécessaire, son propre bras coincé sous lui. Il était totalement impuissant ! Le nettoyeur laissa échapper un hurlement de rage qui se noya rapidement dans les crépitements de l’incendie qui prenait de l’ampleur derrière eux. La chaleur était suffocante et la douleur, insoutenable à présent, mais ce n’était rien comparé à la fureur aveugle qui bouillonnait en lui.

« - Sois maudit, Cereis ! »

Décidément, c’était une mauvaise journée… Il savait ce qui l’attendait à présent : le cachot, la torture et une corde. Tout ça parce qu’un idiot n’avait pas respecté les règles ! Il arrêta de se débattre, il ne faisait que se blesser un peu plus. Mais contrairement à ce qu'aurait pu penser le lieutenant, il n’abandonnait pas pour autant la partie ; il préservait ses forces pour la prochaine opportunité. Car il y en aurait une, il y a en avait toujours une. Et il suffisait de faire preuve d’assez de sang-froid pour la saisir. Et s’il y avait bien quelque chose que Sauer possédait en quantité, c’était du sang-froid, aussi froid que son cœur diraient certains.

L’occasion qu’il attendait se présenta au milieu d’une quinte de toux. Si, à terre, Sauer était épargné de la majorité de la fumée et des vapeurs nocives de l’incendie, ce n’était pas le cas de Cereis, dont la tête se tenait bien plus haut. Elles attaquaient ses narines, ses poumons et ses yeux. Et soudain la pression sur la nuque de Sauer disparue.
Une poigne de fer sortit de la fumée saisie les cheveux blonds du lieutenant et tira brutalement sa tête vers l’arrière. La lame affutée d’un couteau vint se caler contre sa jugulaire d’un geste rendu presque gracieux par l’exercice. Un faux mouvement et s’en était fini… La nuque et la colonne vertébrale tordues dans un angle peu naturel, Cereis ne pouvait qu’apercevoir du coin de l’œil ce nouveau protagoniste qui bravait les flammes – ou semblait en sortir, à la couleur rousse flamboyante de sa chevelure. Comment était-il entré ?! Il avait le crâne horriblement balafré et les yeux perçants mais le bas de son visage était indistinct, couvert d’un épais linge mouillé pour protéger son nez et sa bouche de l’incendie. Une chose était sûre, son regard était braqué sur Sauer sans une once d’intérêt pour celui dont il tenait la vie sur la pointe de sa lame.


« - Patron ? » demanda-t-il d’un grognement.
« - Qu’est-ce que tu fous là ? » aboya Sauer, visiblement peu reconnaissant de l’aide apportée.
Le troisième homme ne sembla pas en prendre ombrage. Le coin de son œil se plissa comme s'il souriait sous son masque. Il continua :
« - M’a renvoyé à toi. »

Sauer acquiesça tout en s’extirpant tant bien que mal de l’étreinte de Cereis. Meld était une femme intelligente, qui le connaissait plus qu’il ne voulait bien l’admettre, semblerait-il. Elle avait dû se charger du reste de la mission qu’il avait initialement confiée à Jacob. Ses petits voleurs étaient des messagers de confiance, efficaces et qui passaient inaperçus au milieu de cette chasse aux sorcières que Cartogan avait lâché sur la Cité. Et bien que cela lui peinait de l’admettre, son âme damnée tombait à pic.

« - Faut sortir, S… Patron ! »

Sauer lui lança un regard sévère qui le fit taire et regarda autour de lui ce qui restait de la Cave, toujours accroupi au sol. La lumière aveuglante des flammes, la chaleur qui lui brûlait le visage, toutes les marchandises noircies, et dehors, les renforts de la Garde qui accourraient bientôt.

« - Une seconde ! »

A quatre pattes, il se rapprocha de Cereis. L’autre homme était fermement maintenu dans sa position à l’équilibre précaire. Si Sauer n’avait physiquement pas pu faire le poids face à Cereis dans leur rixe, avec l’Egorgeur, c’était une autre paire de manches. Bien que d’une carrure proche de celle de Sauer, ce homme-là avait des muscles forgés pour le combat à mains nues. Il n’avait pas dix ans qu’il se battait déjà dans les arènes clandestines des bas-fonds de la ville. Rapidement, il avait été capable de mettre à terre et tuer des garçons bien plus âgés que lui. Des trois hommes présents au milieu du bâtiment maintenant prêt à s’effondrer, il était le plus apte à ce genre de combat. C’était au tour de Cereis se sentir impuissant.
Sauer était si près à présent que le lieutenant pouvait distinguer chaque détail de son visage boursoufflé de coups malgré l’épais rideau de fumée. Sa colère semblait être retombée, ou redirigée. Ses yeux flamboyaient plus encore à la lueur de l’incendie mais les flammes ne semblaient pas réussir à réchauffer son regard.

« - Je t’aurais tué, Cereis, pour ce que tu as fait. Mais pas aujourd’hui. »
Il s’interrompit pour tousser et cracher un mélange de cendre et de sang. « On va se rendre un petit service tous les deux. Avant demain, je vais t’offrir un cadeau très spécial, tu vas l’accepter et tu vas complètement m’oublier. Dis-toi qu’un jour tu auras besoin d’un service et je viendrais te trouver. Alors tu me devras un service à ton tour. C’est comme ça que les choses marchent dans cette cité, c’était comme ça bien avant le…Général, et ça le sera encore bien après. » Il y avait tant de mépris dans sa voix qu’on pouvait presque le voir prendre corps dans ses paroles. « Tu te penses peut-être au dessus de moi mais le moment viendra, bientôt, très bientôt, où tu auras besoin de moi… »

Il y eu un craquement sourd au premier étage et Cereis pu sentir dans son dos le rouquin se tendre et trépigner. Mais à aucun moment il ne fit mine d’interrompre Sauer ni même ne le quitta du regard. Sa lame, elle, ne tremblait pas. Un autre craquement, plus puissant encore, poussa Sauer à lever la tête au plafond.

« - On sort ! » exigea-t-il.

Aussitôt, comme s’il avait devancé l’ordre d’un quart de seconde, l’Egorgeur rejeta le lieutenant en arrière, l’envoyant s’échouer violemment sur le dos, se glissa immédiatement sous le bras libre de Sauer pour le soutenir et courir vers la sortie. Le temps que Cereis se redresse, ils avaient déjà disparu dans la foule. Au milieu de tout ces miséreux qui couraient et arrosaient les bâtiments alentour pour tenter de maîtriser les flammes, au milieu de toutes ces faces noircies, cette fumée opaque et cette agitation, il n’y avait plus personne à trouver.
Mais après tout, ils avaient Anakel. Il n’y avait que dans les histoires que les hydres existaient, aucune monstruosité ne pouvait vivre longtemps sans sa tête. Et avec la chute des autres organisations clandestines de la Cité, il ne restait plus grand monde pour reprendre le trône. Certes, Sauer leur avait échappé pour cette fois, Alrik le marchand véreux également. Certes les preuves brûlaient mais avec elle la marchandise d’Anakel. Certes la journée avait été rude, mais la Garde avait repris l’avantage !

Dissimulé dans une ruelle qui sentait le moisi et les excréments, lourdement affalé contre Jacob, Sauer regarda passer les renforts de la Garde au petit trot en direction de l’épais panache gris qui s’élevait vers les hauteurs de la Cité. Il avait eu chaud, très chaud… trop chaud. Et cela ne lui plaisait pas. D’autant qu’il le savait, il lui faudrait un long moment pour se remettre de cette mésaventure. Et il n’avait pas le temps ! Le Réseau avait subit une attaque comme il n’en avait jamais subi depuis qu’il en était membre. Il fallait prendre des mesures rapides et radicales. Et malgré toute la bonne volonté de Meld, il y avait certaine chose qu’il était le seul à savoir faire correctement !

***

Ce soir-là, comme promis, il envoya ses larbins rendre visite aux familles des trois Gardes. L’un retrouva un chat mort dans le berceau de son enfant, l’autre avait eu le lit conjugal imbibé du sang d’une chèvre et le dernier, célibataire, qui dormait dans les baraquements, c’était vu livrer les têtes tranchées de trente rats dissimulées derrière une chemise neuve.
Ce soir-là, comme promis, Cereis eu aussi droit à son cadeau. Durant la nuit, on avait pendu depuis le toit un immense paquet en toile de jute devant sa fenêtre. Il contenait le cadavre mutilé d’un homme à la face figée dans une expression de terreur. La plaie sur son cou indiquait qu’on l’avait égorgé d’une oreille à l’autre d’un geste sûr. Sa langue avait été arrachée et ses mains, coupées. Ses habits riches et son visage autrement intact ne laissaient que peu de doute sur l’identité de l’homme : il s’agissait d’Alrik Danten, le marchand qui avait échappé à la perquisition. Sur son pourpoint était épinglée une note à l’écriture pointue :

Je tiens toujours parole. S



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apparences - La Purge: Sauver les apparences EmptyMar 27 Avr 2021 - 17:40




“Lieutenant! Mon Lieutenant! Réveillez-vous!”

Cereis ouvrit lentement les yeux avant de se redresser subitement, brusquement agité par une toux violente qui lui brûlait le thorax. Le Gondorien, pris de convulsions, se pencha en avant et cracha les épaisses glaires qui gênait sa respiration. Exténué et en sueur, il s’adossa finalement contre une poutre en bois et tenta de reprendre lentement une respiration normale. Autour de lui plusieurs hommes de la garde étaient affairés à vérifier l’état de santé de leur supérieur. On lui porta un verre d’eau et épongea la suie et la sueur qui cachait son visage au teint clair. Ses cheveux blonds avaient pris une couleur sombre dans l’incendie et plusieurs poils de son bouc avaient été complètement calcinés. Laissé inconscient dans le brasier qui avait consumé la Cave, la vie de Cereis n’avait tenu qu’à un fil. Si les renforts étaient arrivés quelques minutes plus tard, il n’aurait peut-être plus jamais ouvert les yeux. D’un grognement, il appela l’un de ses hommes de confiance.

“Waldemar! fit-il d’une voix rauque. Où sont-ils? Le salaud n’était pas seul, il n’était pas seul…
-Nous l’ignorons mon Lieutenant. Il avait déjà disparu lorsque nous somme arrivés sur les lieux de l’incendie.
-Et les documents?
-Tout a brûlé mon lieutenant…
-Quelle enflure!”


De frustration, Cereis rassembla ses dernières forces et frappa du poing sur le sol meuble. Il le tenait. Il avait pris le dessus sur ce malfrat que la Garde traquait depuis de si longs mois et il était parvenu à lui filer entre les doigts par l’arrivée impromptue d’autres bandits qui l’avaient pris par surprise. Ah! Si seulement il avait assigné plus d’hommes à cette mission!

Waldemar s’agenouilla en face de son officier et commença à panser les blessures de ce dernier. Tout en déroulant un bandage, le soldat chercha à rassurer Cereis.

“Ce n’était qu’un pion. Nous tenons Anakel, la tête du Réseau. La mission est un succès.”

Il disait vrai, la vieille dame avait opposé une résistance farouche mais voilà qu’elle était condamnée à croupir dans une cellule insalubre pour le reste de ses jours déjà comptés. Cependant quelque chose tracassait grandement le Gondorien. Sauer avait pris le risque de revenir à la Cave pour l’affronter alors qu’il était poursuivi, tout cela pour l’empêcher de pouvoir fouiller correctement les lieux. De toute évidence il avait cherché à cacher quelque chose.

Cereis souffla entre ses dents.

“Il y a autre chose… Non, il y autre chose qui nous manque. Mais maintenant, je connais son visage.”

Ce regard cruel, cette voix suave, ces traits squelettiques. L’image de Sauer était désormais gravée à jamais dans son esprit retors.




FIN DE LA MINI MISSION: La Purge: Sauver les Apparences




Bilan: Semi-échec pour le Réseau d’Anakel:



-Arrestation de la Vieille Dame
-Destruction de la Cave
-Plusieurs membres démasqués
-Partenariats commerciaux mis à mal au sein du Marché Noir
-Visage de Sauer désormais connu

-Plusieurs membres importants échappés
-Secrets du Réseau préservés


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