“Ouch! Par les joyaux des Royaumes!”La lame avait ripé et rapidement quelques gouttelettes de sang se mirent à perler à la surface de la fine coupure. Lord Rhydon, laissa choir son rasoir sanguinolent, et saisit un tissu déposé près du baquet et exerca une pression sur sa plaie en grimaçant. Il pesta encore de longues secondes contre lui-même. Qu’avait-il bien pu se passer? Lui qui ne ratait jamais un coup d’épée venait de se couper sur un geste aussi anodin…Une fois son cou sommairement nettoyé, l’homme se redressa et s’admira un moment devant le miroir. Au-délà du petit accroc, son élégante moustache et son bouc avait été détaillé avec soin tandis que ses longs cheveux soyeux avait été attaché en un volumineux catogan; quelques rides commençaient apparaître au coin de ses yeux sombres ou des commisures de ses lèvres mais il restait un homme charmant et vigoureux. Le Directeur de l’Arbre Blanc avait toujours aimé plaire, c’est ce qui avait d’ailleurs fait son succès. Son verbe légendaire, son attitude gracieuses et une certaine idée du raffinement qui avait rapidement plu parmi les grandes familles de la capitale. Ce dandy aux si grandes responsabilités tranchait avec le reste des défenseurs de la Cité dont le comportement était parfois plus chaotique. Toutefois, les hommes et les femmes qui le fréquentaient n’étaient pas sans savoir que sous son sourire avenant lors des réceptions et apparitions publiques se cachait un serviteur implacable du gouvernement en place. Capable de prendre les décisions qui s’imposaient pour faire régner l’ordre au sein du royaume qu’il avait juré de protéger.
Rhydon enfila sa longue tunique de couleur bleu cobalt et évapora un peu de sa solution parfumée en prenant soin d’éviter sa blessure. Une fragrance agréable monta à ses narines ce qui lui arracha un sourire satisfait. Il cingla alors sa ceinture à laquelle était attachée sa fine rapière et sortit de ses quartiers d’un pas leste.
Il était attendu.
Le Directeur rallia la Caserne en l’espace de quelques minutes. Malgré l’heure matinale, le lieu était déjà plein de vie. Des dizaines de soldats revenant d’une longue garde de nuit passés sur les murs de la ville et sous le rugueux commandement du Capitaine Erelas, s’accordaient quelques minutes de détente autour d’un verre et de jeux de dés tandis que d’autres se préparaient à partir en patrouille. Quelques uns, parmi les officiers, reconnurent le visage du Directeur et le saluèrent respectueusement. Au contraire de son prédecesseur, Rhydon n’avait pas fait de sa position un secret. Il était le visage public de l’organisation et si les honneurs qui accompagnait un tel statut ne lui déplaîsait, il s’agissait avant tout d’un choix stratégique. Devenir la cible connue de tous pour mieux protéger les espions qui travaillaient pour lui. Détourner le regard des plus méfiants, attirer l’attention là où le véritable enjeu se déroulait ailleurs. Bref, un jeu d’enfant.
On lui accorda le passage jusqu’au poste de commandement et poussa la grande porte en bois au centre du bâtiment sans prendre la peine de frapper. Les deux hommes avaient passé ce stade là depuis longtemps. Cela faisait de longs mois qu’ils avaient oeuvrés ensemble pour rétablir l’ordre et la paix entre les murs de la cité. Depuis la chute de l’Ordre de la Couronne de Fer, l’Arbre Blanc et la Garde de Minas Tirith avaient travaillé main dans la main pour évincer la pègre qui gangrènait la ville depuis de nombreuses années. Les mesures avaient été parfois drastiques mais efficaces, aucun drame d’ampleur n’avait eu lieu durant le mariage du Roi Aldarion et de la Princesse Dinaelin et les envahisseurs sauvages avaient été dissuadés de faire le siège de la Cité Blanche. Certains rapports faisaient mention que ces derniers avaient continué leur périple en quête de terres arables vers le Nord, au Rohan et que déjà l’Eastfolde était tombé sur le point de tomber. Quand on qui demandait où était le Gondor quand l’Estfolde étaient en train tomber; il répondait simplement que cela n’était aucunement leur affaire, qu’ils avaient bien d’autre problème et qu’à force d’affablire leur propre armée en se battant entre eux, les rohirrim l’avaient bien cherché.
La grande pièce circulaire était quasiment vide. Passant à travers les vitres placées tout le long des murs de pierre abrupte, les rayons de lumière matinale éclairaient la large carte représentant les différents niveaux de Minas Tirith qui avaient été déroulée sur la table centrale. Seul le Général Cartogan l’attendait avec un air soucieux. Ses cheveux gris, d’ordinaires lissés vers l’arrière, étaient broussailleux et en bataille. Une barbe grise naissante commençait à manger ses traits anguleux.
“Ah Rhydon…Vous avez du retard.” Fit-il d’un ton factuel qui le caractérisait entièrement.
“
Mes excuses Mon Général. J’ai été retenu.
-Bon. Venons-en au fait. Quelles nouvelles m’apportez vous ce matin? Les Juges ont toujours ont tête de mettre le chaos?
-J’en ai bien peur Mon Général. Mes sources affirment que Van Diesl s’active de plus en plus en coulisses pour accélerer sa croisade; comme s’il cherchait à aboutir avant une certaine date.
-Bien…Gardez-un oeil sur lui. Van Diesl est un homme têtu, il ne lâchera pas si facilement. Il pourrait représenter un problème s’il persiste. Les émeutes dans la ville?
-Pour le moment, nos hommes ont réussi à garder les choses sous contrôle.”Cartogan se mit à faire les cents pas près de son bureau. Rhydon remarqua de profonds cernes autour des yeux de son supérieur et une inquiétude qui n’était pas commune pour la personne la plus puissante du royaume à l’heure actuelle.
“Mon Général…Quelque chose ne va pas?”L’officier s’arrêta net, d’abord surpris par la question du Directeur. Une interrogation d’apparence anodine qui pouvait même paraître intime pour lui. Les deux hommes se connaissaient depuis des années mais avaient toujours gardé une distance bien professionnelle entre eux. Rhydon, pourtant, le connaissait bien et était passé maître dans l’observation de ce genre de comportement. Toutefois, voir qu’il y avait quelqu’un ici qui semblait se soucier sincèrement de ses états d’âmes avait quelque chose de réconfortant. Le pouvoir était si souvent accompagné de solitude.
“Je…Oui. Nous devons à tout prix éviter qu’il mette la main sur elle. La pauvre…elle ne comprendrait même pas ce qu’il lui arriverait.
-Je pourrais la faire déplacer à nouveau. Dans un lieu plus sûr. “
Cartogan acquiesca d’un geste de la tête, une lueur de reconnaissance dans son regard qui disparut rapidement. Le chef de guerre austère avait vite repris le dessus.
“Le Capitaine Neige?
-Toujours en cavale mais nous ne tarderons pas à mettre la main sur elle.
-N’oubliez pas qu’elle compte de puissants dignitaires au sein de sa famille. Si on l’arrête, ils réclameront un procès et je mettrais ma main au feu que les Juges la relâxeront.
-Vous voulez dire que…
-Oui Directeur.
-A vos ordres Général.”
Rhydon ne cilla même pas face à la perspective d’éliminer l’une de ses agents les plus talentueuses. Elle avait trahi sa patrie et il avait reçu des ordres clairs pour en préserver la sécurité.
“Quant à l’elfe…Poursuivit le Général.
Les choses ont un peu changé la concernant. Un émissaire du Conseil Elfique s’est présenté devant nos portes il y a quelques jours.
-J’en ai eu vent en effet.
-A priori c’est une paria, également recherchée pour meurtre par son propre peuple. Sa capture et son procès pourrait représenter une opportunité unique.
-Une assassine et criminelle notoire qui aurait attisé les braises pour semer le chaos; ce serait la cible publique parfaite pour apaiser la situation.
-Exact, ainsi qu’une opportunité diplomatique unique de renouer des liens avec les Elfes. Imaginez-cela, la tenue d’un grand procès menée conjointement par nos deux peuples. Même Van Diesl ne pourrait s’opposer à un tel évènement. Il me la faut vivante, Rhydon. Vivante. “Le Directeur de l’Arbre Blanc fit un signe de la tête indiquant qu’il avait bien compris et se dirigea vers la sortie. Cartogan l’arrêta:
“Rhydon!”
Celui-ci s’arrêta net.
“Oui?
-Ne me décevez pas.
-Vous ai-je jamais déçu Mon Général?”Sur ces mots et avec un léger sourire en coin, il s’éloigna du centre de commandement. Néanmoins, malgré son assurance il y avait du pain sur la planche.
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