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Sujet: De l'Art de Garder son Tact
Ryad Assad

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Rechercher dans: L'Arnor   Tag reginald sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: De l'Art de Garder son Tact    Tag reginald sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 31 Mar 2017 - 0:12
Tag reginald sur Bienvenue à Minas Tirith ! Alyss10

En ouvrant la porte, Thorondil n'avait pas pu ne pas reconnaître Alyss. La jeune servante Haradrim, qui en réalité cachait de nombreux talents martiaux, s'était présentée à lui dans la soirée à une heure qui n'éveillerait pas l'attention des curieux. Elle savait que les rumeurs avaient plu sur sa maîtresse, et elle préférait lui éviter d'avoir à subir de nouveaux désagréments. Particulièrement quand on comptait les jours avant que sa grossesse ne commençât à se voir. Était-ce d'ailleurs la raison pour laquelle Nivraya n'avait pas convoqué très officiellement le fauconnier, comme elle aurait pu aisément le faire en vertu de la position qui était la sienne ? Beaucoup de choses demeuraient floues dans l'esprit de la petite guerrière, qui n'avait entendu que des échos terrifiants et des bribes inquiétantes de ce qu'il s'était passé à Gardelame. Nivraya attaquée chez elle, des intrus armés qui avaient réussi à pénétrer jusque dans sa chambre. Ils avaient été empêchés dans leurs sombres desseins par Thorondil – toujours lui – qui avait réussi à éliminer la menace, et à protéger la dame de ces lieux. C'était la version officielle. La version officieuse, Alyss elle-même ne la connaissait pas et, si on en croyait le visage dur de la noble à chaque fois qu'elle essayait d'aborder le sujet, elle ne la connaîtrait jamais. C'était une autre de ces choses que Nivraya conservait dans le coffre-fort qui lui servait de cœur, et que la petite Haradrim acceptait de ne jamais pouvoir élucider.

Pourtant, elle aimait percer les coffres-forts.

La surprise du fauconnier passée, il l'invita à entrer et elle se glissa à l'intérieur avec la souplesse d'un chat. Dès que la porte se fût refermée sur eux deux, elle abandonna son attitude servile et effacée pour redevenir la boule d'énergie qu'elle pouvait être au quotidien. Elle s'avança au milieu de la pièce en écartant les bras comme si elle savourait de pouvoir de nouveau utiliser son corps librement, avant de se jeter en travers d'un fauteuil de cuir. Elle n'avait pas attendu d'y être invitée… elle n'avait pas demandé à son hôte ce qu'il en pensait. Elle était simplement comme ça, elle marquait son territoire et elle faisait comprendre au fauconnier qu'il n'était pas en position de lui refuser quoi que ce fût.

- Asseyez-vous, fit-elle en lui montrant l'autre siège en face.

Sans attendre, elle enchaîna en déposant un document entre eux deux. Un pli qui n'était pas scellé, et dont la jeune femme avait de toute évidence connaissance. Elle se mit d'ailleurs à lui détailler les rouages d'un plan complexe, avant même d'avoir pris la peine de lui annoncer qu'il était sur le point de partir en mission :

- Ils sont deux, apparemment. Leur identité a été confirmée, mais il reste encore à trouver où ils se cachent. Ils font des visites relativement régulières dans un village, qui se trouve dans le Rhudaur, et…

Elle nota que quelque chose clochait :

- L'Ordre, je parle de l'Ordre. De la Couronne. De Fer. Oui, non, c'est une histoire compliquée, asseyez-vous.

Elle se redressa pour lui faire face, et poursuivit tout en grattant négligemment son pied :

- Nivraya veut que vous les trouviez, et que vous vous débarrassiez d'eux. C'est simple, et c'est dans vos cordes d'après ce qu'on raconte. Le village est à une bonne semaine de marche, mais vous trouverez tous les détails dans la lettre, elle a pensé à tout.

Le « comme d'habitude » aurait été de circonstance, mais depuis les récents événements c'était une expression qu'Alyss utilisait beaucoup moins. Nivraya avait toujours été le cerveau de leur duo, et jusqu'à présent ses plans ingénieux avaient garanti le succès de toutes les affaires qu'elles avaient entreprises ensemble. Aujourd'hui pourtant, il semblait que quelque chose avait grippé le mécanisme. La vivacité d'esprit s'était émoussée, à moins que les ennemis fussent simplement devenus plus dangereux et plus retors. Quelle que fût l'explication, la noble n'apparaissait plus aussi invulnérable qu'auparavant, bien que l'épisode terrible de Gardelame semblait lui avoir donné une nouvelle vie. Elle s'était remise au travail avec ardeur, et son retour à la capitale lui avait fait le plus grand bien… du moins en apparence. Alyss n'était pas certaine que son obsession pour l'ordre, l'Ordre, et la stabilité du royaume était une bonne chose mais, « comme d'habitude », elle ne faisait aucun commentaire et se contentait de suivre.

Toute absorbée par ses réflexions, la jeune Haradrim ne s'était pas rendue compte que Thorondil avait commencé – et fini – la lecture de la brève missive. Les informations étaient toutes là, en effet : la destination, le nom et le profil des individus à localiser, et même l'adresse d'un contact local qui pouvait les aider à les identifier le cas échéant. Un « homme de confiance », terme qui paraissait particulièrement malvenu sous la plume de Nivraya, même quand il était consigné d'une écriture aux courbes élégantes. La mission semblait claire, et tout avait vraisemblablement été balisé pour faciliter la tâche du fauconnier. Elle avait même pris la liberté d'envoyer des palefreniers faire préparer sa monture, qui l'attendrait le lendemain matin. C'était le signe qu'il devait encore une fois tout abandonner pour son royaume, et filer face à un péril mortel sans avoir le temps de faire ses adieux à ses proches. Alyss s'était d'abord étonnée de ce délais exceptionnellement court, mais Nivraya lui avait rétorqué avec assurance : « je crois que s'il pouvait, il partirait plus tôt encore ».

- Vous avez tout ce qu'il vous faut, Thor'.

Elle avait usé de ce diminutif avec autant d'aisance que s'ils avaient été amis depuis des dizaines d'années, sans se préoccuper de savoir comment le vétéran de la Bataille du Nord prendrait cette marque de familiarité. A dire vrai, elle se fichait de beaucoup de choses, au nombre desquelles les états d'âme de Thorondil. Elle ne le méprisait pas, loin de là, mais elle ne pouvait s'empêcher de remarquer que les malheurs qui s'étaient abattus sur Nivraya récemment coïncidaient toujours avec sa présence. Certes, il avait le beau rôle, celui du sauveur providentiel… Mais elle n'aimait pas qu'il attirât sur sa protégée des dangers qu'elle n'était pas capable d'affronter. En outre – et cela, seul Freyloord l'avait deviné – elle n'aimait pas voir quelqu'un d'autre tenir la place de garde du corps. C'était toujours elle qui avait protégé la noble, et les exploits de Thorondil lui renvoyaient immanquablement ses propres échecs. Cette fois, les rôles étaient inversés, et elle en était bien contente. C'était le fauconnier qui allait partir à l'aventure loin d'Annúminas, et c'était elle qui allait demeurer auprès de Nivraya pour assurer sa protection.

Tout rentrait enfin dans l'ordre.

Alyss se leva brusquement, et se dirigea vers la porte sans avoir été invitée à prendre congé – mais Thorondil s'en formaliserait-il maintenant ? –, quand elle sembla se souvenir de quelque chose. Quelque chose d'important, qu'elle n'avait peut-être pas su formuler jusqu'à présent, et qu'elle n'était pas vraiment fière de devoir lâcher à haute voix. Toutefois, il le fallait, et elle savait qu'elle n'en aurait peut-être pas l'opportunité de sitôt. Observant son dos, le fauconnier put voir les frêles épaules de la jeune femme s'affaisser légèrement, au moment où elle souffla :

- Ce qu'il s'est passé à Gardelame…

Une pause. Elle aurait pu faire compliqué, mais préféra la simplicité :

- Merci. Merci d'avoir été là.

Elle inspira profondément. Elle avait l'impression de s'entendre dire « merci d'avoir été là à ma place », et ces mots lui retournaient l'estomac. Pourtant, il y avait des choses qu'elle-même ne pouvait nier, des vérités devant lesquelles elle ne pouvait pas fermer les yeux. Il avait sauvé Nivraya. D'ailleurs, elle se souvint de beaucoup de choses, des éléments qui lui revenaient en pleine figure et qu'elle se sentit obligée d'exprimer à haute. Pourquoi ?

Pourquoi pas ?

- Merci aussi pour ce que vous avez fait au mariage, et… avant… merci de m'avoir sauvée.

Elle faisait référence à l'épisode qui avait rendu célèbre le fauconnier, la fameuse prise du beffroi d'Annúminas. Ils avaient lutté vaillamment contre la garde de la ville, submergés par le nombre et retranchés dans les escaliers sinueux qui menaient aux cloches de la ville pour essayer de sonner le retour d'Aldarion. Alyss avait failli y laisser la vie. Un guerrier venu du Nord lointain avait réussi à la tirer à l'intérieur in extremis, et elle avait dû à ces braves combattants de survivre. Elle se souviendrait toujours de la crainte qu'elle avait ressentie au moment où les hommes du Roi avaient déferlé à l'intérieur, et où elle avait vu Thorondil et ses compagnons se battre comme des lions pour sauver leurs vies. Sa vie. Elle inspira profondément.

Finalement, ce n'était pas aussi difficile que ça en avait l'air.

Retrouvant un peu d'entrain, elle se retourna et lança avec un sourire malicieux :

- Ne vous méprenez pas, je ne vous dit pas tout ça parce que c'est une mission suicide. Je sais que vous allez très bien vous en sortir !

Elle se mordit la lèvre, et ajouta :

- Comme d'habitude.


▼▼


Le matin était arrivé bien trop vite, et amenant avec lui les premiers rayons du soleil qui promettait une nouvelle journée chaude et agréable. Voyager par ce temps serait un véritable plaisir. A l'heure où la capitale d'Arnor s'éveillait, Thorondil, lui, était déjà sur le pied de guerre. Habillé et armé pour aller accomplir sa mission, il n'avait bien entendu pas oublié la missive de Nivraya : un ordre de mission qu'il valait mieux ne pas laisser traîner à la portée du premier venu. Secrets d'État obligent. Il ignorait sans doute les raisons précises de son envoi sur le terrain, mais il pouvait faire l'hypothèse plus que raisonnable que si tout ceci avait été officiel, un bataillon entier de la garde royale serait parti sur le terrain pour traquer et tuer les ennemis du royaume. Si on avait besoin d'un homme tel que lui, c'était autant pour ses compétences que pour sa discrétion. Il avait trouvé sa monture dans les écuries où il l'avait laissée, prête comme le lui indiquait le message. Parfaitement équipée, pas trop chargée, elle semblait en forme et avait le poil luisant. Le temps était radieux et le cavalier progresserait à un bon rythme qui, s'il parvenait à le maintenir, lui permettrait peut-être de gagner une journée. Vraiment, il n'y avait rien à redire. Tous les détails semblaient avoir été parfaitement arrangés, et il ne lui restait plus qu'à partir désormais.

Tous les détails ? Peut-être pas.

En effet, alors que le fauconnier était sur le point de se hisser en selle, entendit arriver des bruits de pas accompagnés du claquement familier de sabots sur les pavés. Quelles étaient les chances pour que ce voyage qui s'annonçait tranquille jusqu'à présent se passât sans encombres ? Nivraya était la championne des – mauvaises – surprises, et cette fois encore elle en avait réservé une à Thorondil. Le fauconnier vit arriver un homme, relativement jeune, qui semblait chercher quelqu'un. En croisant le regard du vétéran, il devint évident qu'il avait trouvé :

- Sire de Kervras, mes hommages ! Je suis Sir Reginald Von Telsby, tout à fait enchanté de faire votre connaissance, c'est pour moi un immense honneur et un plaisir insigne que de participer auprès de votre auguste personne à la noble entreprise qui nous a été confiée par Dame de Gardelame.

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Il sortit de poche un morceau de papier, et le tendit révérencieusement à Thorondil. Le message était bref, mais il confirmait les dires du jeune homme. Il avait bien été envoyé par Nivraya, et il devait accompagner le fauconnier dans sa mission.

- Sire, laissez-moi vous dire que j'ai tout entendu et tout lu à votre sujet. Vos exploits sont légendaires, et votre prise du beffroi… quelle audace ! Au nez et à la barbe de la garde de la ville, extraordinaire ! Moi-même je n'aurais sans doute pas été capable d'un tel haut fait, bien que j'aspire humblement à imiter votre seigneurie. Je suis donc, vous le comprenez, doublement heureux de participer à cette glorieuse aventure à vos côtés : j'imagine sans peine tout ce que je pourrai apprendre de vous, de votre exemplarité tant vantée et de votre sagesse digne des plus grands ! Sire, s'il m'est permis, j'aimerais vous recommander de…

Et il continua ainsi. Longtemps.

Les raisons pour lesquelles Nivraya le lui avait affecté étaient plus qu'évidentes, désormais.

#Alyss #Thorondil #Reginald
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