6 résultats trouvés pour Alyss

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Sujet: Héritages
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Héritages    Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 20 Avr 2024 - 20:25
- Je ne vais pas y arriver. Je ne vais pas y arriver…

Nivraya essaie de respirer, fort. Son souffle rauque répond aux roues de la voiture brinquebalante, qui claquent sur les pavés de la cité d’Annúminas, tandis que dans l’habitacle les deux silhouettes sont secouées de droite et de gauche malgré les efforts du cocher pour éviter les cahots de son véhicule. L’homme à l’intérieur, gigantesque, semble totalement démuni. Il pose une main immense sur l’épaule de la jeune femme, et tente de la rassurer :

- Il faut tenir. Nous y sommes presque.

- Frey’, j’ai perdu les eaux…

Il ne répond rien, et jette un regard vers l’extérieur.

Il fait nuit noire, mais il reconnaît sans mal la place de la fontaine, et l’arche voûtée, ainsi que la boutique de l’apothicaire qui se trouve à l’angle de la rue. Ils n’en ont plus que pour quelques minutes. L’aristocrate, une main sous son ventre arrondi, une autre pressée de toutes ses forces contre le plafond de la voiture, s’efforce de garder son calme malgré la douleur indescriptible qui lui cisaille les entrailles. Une onde de souffrance généralisée, que la sage-femme appelle fort à propos « contraction », lui coupe la respiration pendant plusieurs dizaines de secondes, avant de refluer petit à petit. Pour mieux revenir.

Les mâchoires serrées, les yeux perlés de larmes, la peau rougie par l’effort, Nivraya est méconnaissable.

Soudainement, l’attelage ralentit, jusqu’à s’arrêter complètement. Les chevaux renâclent, des voix étouffées se fraient maladroitement un chemin vers l’intérieur de la voiture, témoignant d’un échange assez tendu. Le géant venu du Nord, comprenant que son concours est nécessaire, s’extrait tant bien que mal de l’habitacle, et crie quelque chose au cocher, qui lui répond penaud. Il revient, quelques secondes plus tard.

- Les gardes font quelques difficultés. Nous aurions vraiment dû faire venir l’accoucheuse à la Chambre…

- Non. Le palais est plus sûr. Dis-leur que…

Elle pousse un gémissement plaintif à fendre le cœur, au bord du malaise, incapable de finir sa phrase. Ses yeux se ferment, son pouls s’accélère. Derrière ses paupières fermées, des explosions de lumière scintillante se mettent brusquement à crépiter. Cette contraction, plus forte que les dernières, la laisse haletante et fébrile. Son acolyte hoche la tête avec gravité, et se fend d’un commentaire laconique :

- Compris.

Mû par la colère et l’impératif de protéger son employeuse, Freyloord s’avance face aux gardes du Palais d’Annúminas, qui protègent la porte principale. Deux hommes assez jeunes, protocolaires… tout ce dont n’a pas besoin la primigeste. Engoncés dans leurs armures d’apparat, armés de lances et de superbes boucliers aux armes du roi Aldarion, ce sont pourtant eux qui tremblent devant le colosse qui leur avance droit dessus, en ouvrant grand ses bras immenses aux muscles noueux.

- Gardes ! Laissez-nous passer immédiatement ! Nous avons autorisation de pénétrer dans le Palais à toute heure, il s’agit d’une affaire particulièrement urgente.

Derrière lui, les gémissements se font plus sonores. Les gardes s’interrogent du regard, décontenancés. Ce n’est pas la première fois qu’ils croisent Dame de Gardelame au Palais : pour ainsi dire, sa venue est plutôt habituelle qu’autre chose. Cependant, c’est la première fois qu’elle tente d’entrer d’y pénétrer à une heure aussi tardive, et en faisant autant de difficultés vis-à-vis d’un protocole sécuritaire qu’elle a elle-même contribué à mettre en place.

- Nous… euh… Nous aurons besoin d’un laissez-passer… Ce sont les ordres.

Freyloord le dévisage avec sévérité. À dire vrai, dans leur empressement, ils ont tout bonnement oublié le fameux sésame. Dissimulant son embarras derrière un masque autoritaire, l’homme de main de Nivraya essaie une nouvelle approche :

- Vous n’entendez pas ? La Dame de Gardelame a besoin d’entrer au Palais de toute urgence… Il en va de sa santé…

Le garde n’en mène pas large. Une partie de lui accepterait bien, mais les troubles causés par l’Ordre de la Couronne de Fer et l’assassinat des princes royaux ont largement émoussé la confiance que les gardes du Palais prêtent aux visiteurs… même lorsqu’ils s’agit de figures connues dans la cité. La sécurité des principaux dignitaires du royaume demeure la priorité absolue. Les éclats de voix attirent toutefois l’attention d’une autre patrouille, au sein de laquelle se trouve un homme nettement plus expérimenté, qui intervient pour calmer la situation. Il s’approche de Freyloord, et après avoir prêté l’oreille aux bruits qui émergent du véhicule, il souffle :

- J’ai deux enfants, mon ami. Je sais de quoi il retourne. Laissez-moi simplement confirmer son identité, et je vous laisse entrer. Je connais bien la Dame de Gardelame, nous ne souhaitons pas lui rendre la vie difficile ce soir.

- Merci… infiniment.

- Il n’y a que vous quatre ?

Le géant fronce légèrement les sourcils.

- Quatre ?

Le garde pointe du doigt la voiture, et la petite silhouette qui se tient juste à côté. Pendant un instant, le cœur du Lossoth s’arrête net. Un bref moment d’inattention, une mince seconde de déconcentration, et voilà qu’un inconnu aux intentions troubles a réussi à se frayer un chemin jusqu’à sa maîtresse en toute impunité. Il ne lui suffit que d’un geste pour ouvrir la porte. Un de plus pour trancher la gorge de Nivraya de Gardelame, et porter un nouveau coup au gouvernement de l’Arnor, déjà meurtri par tant et tant de drames.

La silhouette se tourne vers lui, dans une envolée de cheveux bruns.

- C’est trop tard ! Crie-t-elle. Le bébé arrive ! Allez chercher quelqu’un !

- A… Alyss ? Répond Freyloord, stupéfait.

Elle lui jette un regard à la fois espiègle et soucieux. Toute l’ambivalence de cette guerrière au grand cœur, boule de tendresse capable de mettre à mort à peu près n’importe qui dans la capitale des Dúnedain du Nord.

- C’est une affaire de femmes ! Ne restez pas plantés là, et allez chercher quelqu’un qui s’y connaît plus que vous autres ! Dépêchez-vous !

Les émotions du géant oscillent entre la surprise la plus totale et la joie la plus profonde. Ainsi, en dépit des mots échangés, en dépit des colères et des incompréhensions, au moment où cela compte le plus, Alyss est venue. Porté par le sentiment que les choses retrouvent peu à peu leur place, le Lossoth s’élance vers le Palais accompagné du garde qui peine à suivre ses grandes enjambées.

Trouver la sage-femme.

Cette pensée, qui tourne en boucle dans son esprit, ne suffit pas à faire disparaître le demi-sourire qu’on entrevoit sur son visage d’ordinaire stoïque.

Alyss est revenue.


#Nivraya #Freyloord #Alyss
Sujet: L'innocence aux multiples visages [Nivraya]
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'innocence aux multiples visages [Nivraya]    Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 7 Fév 2021 - 14:22


Il est bien difficile d’imaginer deux femmes plus différentes l’une de l’autre que peuvent l’être Alyss et Verica, alors qu’elles occupent théoriquement des fonctions similaires. Servantes, domestiques, bonnes à tout faire, elles assistent des individus puissants pour leur faciliter la vie, répondre à leurs moindres besoins, et les délester des tâches encombrantes du quotidien. Pour le fauconnier, il s’agit de s’occuper de sa précieuse petite fille, tandis que pour Nivraya il est davantage question d’espionnage, de vol, d’assassinat, et de bien d’autres missions toutes plus sombres et illégales les unes que les autres. Alors naturellement, la communication est difficile entre les deux.

L’esprit pragmatique et bondissant de la petite Haradrim se heurte au caractère terre à terre et très stable de l’Arnorienne, dont le domaine d’expertise n’inclut pas – curieusement – la destruction de serrures, l’escalade périlleuse, et le combat à mains nues. Ses questions interrompent Alyss en plein milieu de ses réflexions, et elle ouvre des yeux ronds devant l’air sincèrement perplexe de la jeune femme.

Le léger agacement teinté de crainte, qu’elle perçoit dans son ton, n’est certainement pas feint :

- Pardon, pardon… Je m’emporte… Je… Asseyons-nous, d’accord ?

Sans attendre, elle s’approche d’un fauteuil et s’installe dedans à la manière d’un chat : confortablement, mais prête à bondir au moindre signe de danger. Elle se penche vers Verica, et lui prend les mains :

- Désolée d’avoir réagi un peu… vivement. Je suis inquiète… Votre maître, Thor’, c’est quelqu’un de bien. Quelqu’un de vraiment très bien… Mais des gens lui veulent du mal. Et ils en veulent à Niv’ aussi… Vous comprenez pourquoi, j’imagine. Personne n’aime qu’ils soient arrivés là où ils en sont… Leurs actions, au service du roi, ne les ont pas forcément rendus populaires…

Elle soupire. C’est l’euphémisme du siècle. La sinistre tentative d’assassinat à l’encontre de Nivraya, à Gardelame, demeure un des épisodes les plus traumatisants dans la vie pourtant mouvementée de l’actuelle assistante de l’Intendant d’Arnor. Thorondil, s’il n’a pas fait l’objet d’attaques aussi directes, n’en demeure pas moins soumis à l’examen permanent de ceux qui lui reprochent de ne pas se fondre assez bien dans le moule de la noblesse arnorienne. La dignité dont il fait preuve en toutes circonstances, son désintérêt pour la richesse et les titres, tout cela contribue par contraste à ternir l’image des courtisans du roi qui se rassemblent à Annúminas dans l’espoir d’obtenir les faveurs de la monarchie. Ces mêmes courtisans auraient payé cher pour dénicher un scandale à propos de Thorondil, une histoire assez sombre pour le faire tomber en disgrâce et, mécaniquement, les faire revenir en grâce.

Elle craint cependant plus que des rumeurs et des bruits de couloir… Qui peut affirmer avec certitude que ceux qui jalousent Thorondil n’useront pas des mêmes méthodes que les adversaires de Nivraya ? Qui peut affirmer qu’un noble dépourvu de morale n’essaierait pas de s’en prendre à la fille unique, au trésor le plus précieux d’un homme qui n’a rien à perdre à part elle ?

- Ce chat est une coïncidence, je vous le jure… Mais ce n’est pas un chat que j’ai entendu tout à l’heure. Et vous non plus. J’ai le sentiment qu’il y avait quelqu’un dans la demeure, et si cette personne devait revenir, j’aimerais mieux qu’elle ne touche pas à un cheveu de Merilin, et ne s’introduise pas dans sa chambre aussi facilement que moi…

Son sourire moqueur ne fait que révéler la crainte qui l’habite. Elle a parfaitement conscience d’être entrée dans la chambre de Merilin sans la moindre difficulté, et tuer la jeune fille dans son sommeil n’aurait pas été sa mission la plus difficile. Elle a déjà fait bien pire, et elle ne se considère pas comme l’assassin le plus complet qui soit. A ses yeux, n’importe qui peut franchir la sécurité assez sommaire de la demeure de Kervras…

- Je ne vais pas pouvoir rester bien longtemps. C’est beaucoup de frayeurs pour une seule nuit, et je n’aurai l’esprit tranquille qu’après avoir fait le tour des environs pour m’assurer que personne n’y rôde. Vous voudrez bien embrasser Merilin pour moi ? Dites-lui que je reviendrai la voir dès que possible…

Il lui paraît bien compliqué de donner une date précise, tant l’avenir lui semble incertain, mais elle s’efforce de paraître rassurante :

- Tout ira bien, Verica. Pensez juste à changer la serrure, à installer un cadenas sur la fenêtre, et à faire attention à ne pas laisser entrer n’importe qui. Oh, et par rapport à cette histoire de passages secrets… Renseignez-vous, d’accord ? Ça pourrait être important.

Un clin d’œil espiègle plus tard, elle s’éclipse par la fenêtre, happée par les ombres de la nuit, battant des ailes jusqu’au royaume où s’évadent les fées à la tombée du jour.
Sujet: L'innocence aux multiples visages [Nivraya]
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'innocence aux multiples visages [Nivraya]    Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 27 Mar 2020 - 17:33
Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! Alyss10


Le chat ronronne doucement dans les bras de la jeune fille, laquelle attire le regard attendri de ses deux nourrices. La première, tisonnier à la main, semble profiter de ce moment de répit pour reprendre ses esprits après s'être laissée aller à un fou-rire incontrôlable. L'hilarité générale aurait pu gagner Alyss, si la tension dans les muscles n'était aussi forte. Elle s'est contentée d'un petit sourire de circonstance, à peine capable de dissimuler son étonnement vis-à-vis de la réaction de la servante.

Ce rire nerveux, presque dérangeant, n'est que le reflet déformé de l'angoisse qu'elle a su péniblement contenir derrière cette porte fermée. Cependant, en balayant sa nervosité d'un esclaffement léger, elle a eu le mérite d'entraîner avec elle la petite Merilin. C'est encore son bien-être qui prime, et la voleuse ne peut s'empêcher de remercier les puissances du ciel et de la terre pour avoir épargné à l'enfant une inquiétude inutile.

Au lieu de quoi, elle se trouve debout en pleine nuit, à rire aux éclats avec sa nourrice et sa fée préférée. Transgression de toutes les règles établies, chat fortuit apparu comme par enchantement, et ce rire déconnecté de toute réalité… N'est-elle pas en train de marcher dans un rêve ? N'est-ce pas le cas des trois femmes rassemblées ici ?

Alyss est la première à les ramener dans le présent, soucieuse concernant la lettre de Nivraya. Le pli, dont elle ignore le contenu, lui semble tout à coup très important. Est-ce simplement parce qu'elle essaie de protéger sa maîtresse même après avoir été désavouée par celle-ci ? Le vestige ridicule d'un amour terni ? Ou bien est-elle seulement Alyss la Voleuse à l'intellect vif, capable de lier son sentiment de malaise étrange à la présence de cette lettre dans la demeure de Kervras ?

Un voleur aurait mille raisons de s'introduire dans la maison d'un sénateur pour y commettre un larcin, mais quel trésor mérite de risquer la peine capitale ? L'or et les bijoux, un voleur habile les trouverait ailleurs. La véritable richesse des maisons aristocratiques tient davantage au papier qu'au métal : titres de propriété, documents compromettants, livres précieux et autres feuilles à la valeur inestimable. Il serait tellement simple de mettre un sénateur dans sa poche en obtenant sur lui des informations précieuses. De quoi lui extorquer des sommes considérables sans y paraître.

Une reconversion possible pour la voleuse ?

L'idée lui traverse brièvement l'esprit, et se fiche dans l'arbre de ses pensées comme une flèche vibrante. Elle ne prend pas la peine de la décrocher tout de suite, consciente qu'un chaton doit bien se nourrir pour survivre. Elle revient cependant à sa question, et à la réponse de Verica.

« À l'abri ».

Un soupir de soulagement s'échappe de ses lèvres, et elle pose négligemment ses mains sur ses hanches. Voilà une nouvelle excellente. Au moins la servante a eu la présence d'esprit de mettre le document en lieu sûr, et de ne pas le laisser au vu et au su du premier intrus venu.

- C'est bien, répond Alyss avec empressement. C'est très bien. Ne prenez pas le risque de l'envoyer à Thor', j'ai peur que…

Son regard glisse vers Merilin. Est-il bien judicieux de parler de ces choses devant une enfant aux grandes oreilles, qui pourrait retenir des choses qu'elle n'est pas censée entendre ? La fée se penche vers la petite fille, et pointe un doigt vers le chat qui se laisse caresser sans broncher :

- On dirait qu'il un peu fatigué, il faudrait quelque chose pour le requinquer, non ?

Verica, qui comprend la manœuvre, prend le relais efficacement. Il est évident que cette femme est habituée à gérer les enfants, car elle pilote la fillette avec une dextérité incroyable. Sans que l'ingénue ne s'en aperçoive, elle est gentiment mise à l'écart avec le sentiment d'avoir une mission particulièrement importante, et une responsabilité de grande. La petite s'égaille en pépiant de joie, le chat dans les bras et le cœur heureux.

Comme les enfants sont charmants.

Alyss s'arrache à sa contemplation, et répond à Verica :

- Non, gardez la lettre. Laissez-la en sûreté, et n'en parlez à personne.

Elle s'approche de la fenêtre, et en ouvre les battants, puis les volets. L'air frais du soir s'engouffre dans la pièce, glissant sa peine à travers la chemise de nuit qu'elle a passée. La solide tunique de cuir d'Alyss la protège bien mieux de la fraîcheur nocturne, et qu'elle embrasse comme un vent de liberté rassérénant. Enfermée, elle se sent prisonnière, et il lui faut cette sensation de pouvoir plonger dans le vide pour se sentir complète.

- J'ai simplement un pressentiment… Reprend-elle. Une impression étrange…

Les mots lui manquent pour exprimer ce qu'elle ressent réellement. Comment le lui faire comprendre sans l'inquiéter ? Même si elle n'a pas obtenu la preuve formelle de la présence d'un individu dans la pièce, l'explication du chat ne la satisfait qu'à moitié. Par son entraînement, elle est habituée à envisager le pire sans attendre d'avoir des indices probants pour cela. C'est ainsi qu'elle a réussi à demeurer en vie aussi longtemps, et ce mauvais réflexe n'est pas prêt de la quitter. Prudente plus que de raison, elle sait que la demeure de Kervras est vulnérable – sa présence ici en atteste amplement. La vie de Merilin est donc en danger.

- Verica, souffle-t-elle en passant un doigt sur le cadre de la fenêtre qu'elle observe avec attention, j'ai besoin que vous fassiez installer un cadenas sur les volets de Merilin. Je vous en déposerai un demain. J'ai aussi besoin que vous fassiez changer la serrure de sa porte.

Elle s'approche de la porte, et sort de nulle part une sorte de grand clou en métal. Un objet dont l'utilité n'apparaît pas immédiatement aux yeux d'une profane, mais qui est très utile pour les acrobates comme Alyss. Il lui sert simplement de point d'appui lorsqu'elle escalade des parois particulièrement abruptes. Il lui suffit de gratter un peu le mortier, d'enfoncer profondément son clou entre deux pierres, et elle dispose soudainement d'une petite plate-forme stable à partir de laquelle il lui est possible d'observer ou d'ouvrir discrètement une fenêtre.

Elle enfonce le clou tranquillement dans la serrure, selon un angle particulier, puis donne un grand coup de pied dans le tout. Un « crac » sonore retentit, suivi du cliquetis métallique du verrou qui est allé rebondir sur le sol dans le couloir.

- Voilà, vous n'avez pas besoin d'inventer une excuse pour justifier votre course, comme ça.

L'esprit d'Alyss est simple, pour ne pas dire simpliste, et elle n'a en aucun cas pensé à ce que Verica à son employeur pour justifier l'état déplorable du verrou. Les détails techniques peuvent attendre.

- Adressez-vous au serrurier sur la place du beffroi, c'est un des meilleurs de la ville. Dites-lui que vous voulez sa serrure la plus perfectionnée, celle qu'il a utilisée pour le bureau de l'intendant Enon, au Palais.

La précision de la requête ouvre de nouvelles questions, mais est-il vraiment utile de demander à Alyss comment elle peut être au courant de tant de détails ? La petite Haradrim, qui semble inhabituellement agitée, observe tout autour d'elle avec fébrilité, cherchant quelles autres failles peuvent mettre en danger la vie de Merilin.

- Est-ce que vous voyez autre chose ? Pas d'autre accès à la chambre ? Une sortie de secours, peut-être ?

#Alyss #Zaël
Sujet: Ne tirez pas sur le messager [Nivraya]
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Ne tirez pas sur le messager [Nivraya]    Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 3 Déc 2017 - 23:04
La plume court sur le papier comme une épée maniée par une main experte. Au bout des doigts, la même précision qu'un bretteur accompli, qui répète ses gammes inlassablement. Une subtile parade d'un trait vif et précis. Une courbe élégante pour écarter le danger et, sèchement, une estocade qui laisse une empreinte indélébile dans la chair du lecteur. Nivraya lève le poignet un instant, les sourcils légèrement froncés, interrompant la danse macabre de ses mots. Sa signature lui renvoie l'image d'une flaque de sang. Son propre sang. Noir comme la nuit.

Elle frémit. Monstrueuse.

D'un rapide coup d'œil, elle observe la petite messagère qui lui fait face, et qui semble ne pas savoir où se mettre. Elle aurait sans doute dû la congédier, ou bien la faire attendre dehors, mais elle n'y a pas pensé sur le moment, et désormais il est trop tard. L'avoir fait entrer dans son bureau personnel… quelle erreur ! Leurs yeux se croisent un bref instant. Nivraya, le visage chaleureux mais le regard glaçant, la dévisage. Elle cherche le moindre signe inhabituel. Le moindre tressautement annonciateur de troubles à venir. Que cache-t-elle ? Est-elle là pour l'espionner ? Pour récolter des informations à son sujet, qu'elle s'empressera de transmettre à Thorondil ? Verica, puisque c'est là son nom, baisse la tête sans attendre. Il n'est pas bon de défier du regard une personne aussi puissante que la Dame de Gardelame, a fortiori compte tenu de la réputation que lui dressent ses ennemis. L'intéressée ne fait aucun effort particulier pour détruire cette image, mais s'applique tout de même à ne pas faire rejaillir son animosité sur son invitée.

Sauver les apparences. En toute circonstance.

La noble revient à son document, écartant ses préoccupations qui confinent à la paranoïa. Elle le parcourt de nouveau, dans un silence de plomb, désireuse d'y trouver l'acidité mordante dont elle aime à faire preuve. De quoi renvoyer le fauconnier dans ses quartiers, avec de quoi réfléchir. Hélas, le courrier ne lui renvoie que l'image misérable de sa propre faiblesse. Là où elle a voulu frapper, elle s'est dévoilée. En dépit de son désir d'apparaître fière et farouche, le papier agit comme un miroir dans lequel elle contemple amèrement son portrait défiguré par la crainte, l'angoisse, et son éternelle dépendance vis-à-vis des gens d'armes qui s'occupent de réparer ses erreurs. Quitte à risquer leur vie. Elle décèle derrière les courbes régulières de son écriture une fragilité insoupçonnable pour quiconque ne la connaît pas, mais que son destinataire notera sans la moindre difficulté. Il est cependant trop tard pour raturer, corriger, réparer… se faire pardonner… Quand les choses sont écrites, il n'est plus temps de songer au passé, mais à l'avenir. Nivraya se rend compte qu'elle a perdu le fil pendant quelques secondes, et achève prestement sa lecture avant que Verica ne commence à se poser des questions. Elle lâche un bref soupir, comme résigné. Malgré les lacunes de sa lettre, elle sait être incapable de faire mieux :

Citation :
Sire,

Votre promptitude à répondre au devoir qui vous appelle honore votre lignée, et l'Arnor vous sait gré de braver une nouvelle fois le danger pour lui. J'ignore encore quand ce courrier vous parviendra, mais je tiens à vous assurer que je mettrai tout en œuvre pour protéger votre enfant. Mes sentiments personnels n'entrent pas en ligne de compte quand il s'agit d'une affaire de cette importance, et quoi que vous puissiez penser de moi, veuillez croire que j'ai à cœur, comme vous, la sécurité des innocents de ce royaume.

En ce qui concerne votre seconde requête, j'escompte pouvoir vous rendre votre testament en main propre à votre retour. En attendant, je me chargerai de le faire déposer en lieu sûr, et je m'arrangerai pour que, le cas échéant, les dispositions que vous avez prises à l'égard des vôtres soient respectées. Je vous en donne ma parole, qu'importe la valeur que vous lui accordez désormais. C'est le moins que je puisse faire pour vous, après ce que nous avons vécu.

Malgré tout, je vous prie de bien vouloir revenir sain et sauf,

L'Arnor a besoin de vous.

Nivraya Alen de Gardelame


La jeune femme apparaît parfaitement calme au moment de remettre la missive à Verica. Sans trembler, sans hésiter, elle lui transmet le document qu'elle a préalablement refermé soigneusement à l'aide d'un cachet de cire :

- J'ignore si vous parviendrez à joindre le sieur de Kervras. Peut-être a-t-il pris des dispositions pour être contacté directement à son lieu de destination, à moins qu'il ne préfère attendre son retour pour prendre connaissance de ses messages…

En l'absence d'informations supplémentaires, il est difficile à Nivraya de savoir quoi faire, mais le contenu de son courrier pare aux deux éventualités. Elle n'y a rien mis d'urgent ou de compromettant susceptible de la fragiliser si la lettre devait rester posée chez le fauconnier le temps de son séjour, et dans le même temps elle y a mis suffisamment d'éléments personnels rassurants pour permettre à Thorondil d'avoir l'esprit clair lors de sa mission s'il venait à la recevoir alors qu'il se trouve à l'autre bout du pays. Dans un sens, elle espère qu'il pourra la lire bientôt. Sans doute car par écrit, il lui est plus facile de lui communiquer un sentiment qu'elle n'arrive jamais à lui faire parvenir lorsqu'ils se trouvent face à face : la gratitude. Elle sait qu'il a beaucoup sacrifié pour l'Arnor, et ses préoccupations sont parfaitement légitimes. Celle d'un père s'inquiétant pour son enfant… pour sa fille unique… Et bien entendu celle d'un homme se souciant des risques de sa mission, et des conséquences potentiellement funestes de celle-ci.

Il ne peut le comprendre, sans doute parce que la déception et l'amertume qu'il éprouve à son égard l'aveuglent davantage encore que ses yeux épuisés, mais elle ne saurait dire non à une telle requête venant de sa part. S'il est vrai que la jeune femme peut paraître austère et particulièrement inaccessible lorsqu'il tente de l'approcher, au fond d'elle-même elle ne peut ignorer que Thorondil est un héros du royaume, un homme plus brave et plus honorable qu'elle ne le sera jamais. Alors, en lui prêtant ainsi assistance, elle a l'impression de se hisser temporairement à sa hauteur, et, ironie du destin, d'être celle sur qui il se repose. C'est là une drôle de farce, qui ne les réjouit ni l'un ni l'autre, mais peuvent-ils ignorer leur histoire commune et sereinement se laisser porter par les courants de la vie en faisant semblant de ne pas voir ce qui les relie ? Nivraya ne le croit pas, et elle sait qu'un jour elle devra répondre de ses crimes et payer pour ses fautes. Rendre ce service à Thorondil n'est qu'un avant-goût de ce qui l'attend.

- Ce courrier est adressé au seul sieur de Kervras, reprend-elle, et je vous prie de bien vouloir vous assurer qu'il ne sera lu que par lui. Si vous devez le lui faire parvenir, veillez à ce que cela se fasse par l'intermédiaire d'un messager sûr.

Cette consigne tire un demi-sourire à Nivraya. Un « messager sûr ». Cela existe-il encore en Arnor ? Y a-t-il encore une personne de confiance sur qui l'on peut s'appuyer ? L'Ordre de la Couronne de Fer a causé de nombreux ravages, mais il a surtout révélé la vénalité d'une noblesse de moins en moins noble, et de plus en plus en plus courtisane. La seule chose de sûre aujourd'hui, c'est le pouvoir de l'argent, et sa capacité à racheter la loyauté même des plus véhéments défenseurs de l'Arnor. Surtout de ceux-là, en fait, car ce sont souvent ceux qui clament le plus haut et le plus fort leur amour pour le royaume qui sont les premiers à céder aux promesses dorées. Ceux qui s'empressent de trahir leurs serments pour un peu de pouvoir. Ceux qui vendent leurs amis pour sécuriser leur carrière. Ceux qui abattraient leur roi pour s'asseoir à la table d'un souverain fantoche. Les lâches, les scélérats… Il n'en est pas un qui ne mérite pas la potence !

Nivraya inspire profondément pour calmer cette nouvelle bouffée de colère. Celle-ci n'a pas transformé son masque de maîtrise, mais a fait brûler dans ses yeux pendant l'espace d'un instant un brasier destructeur. Ses pensées s'agitent, incontrôlables, tantôt calmes, tantôt violentes. Toujours épuisantes. Elle se lève sans prévenir, rapidement imitée par Verica, qui comprend que la conversation est d'ores et déjà terminée.

- Laissez-moi vous raccompagner, fait Nivraya en se déplaçant avec grâce vers la porte.

Elle l'ouvre, et laisse passer la servante, alors que dans le même temps Alyss bondit hors de son fauteuil, prête à prendre sa nouvelle tâche :

- Alyss… Mademoiselle Verica a besoin d'être raccompagnée. Il n'est pas sûr pour une jeune personne de se promener seule dans les rues d'Annúminas, même si nous sommes en plein jour.

Le ton de la femme est sans appel, et ses yeux verts viennent couper court immédiatement à la double protestation qu'elle s'est apprêtée à recevoir. Celle d'Alyss, d'abord, qui est parfaitement consciente d'être mise à l'écart pour avoir intercédé en la faveur de Thorondil, et qui se retrouve coincée à devoir jouer son rôle de servante obéissante pour ne pas trahir la couverture qu'elle entretient. La jeune Haradrim se fend d'un « oui madame » blessé, avant de se murer dans un silence éloquent. Elle n'ose pas faire une scène devant Verica, mais de toute évidence ce n'est pas l'envie qui lui manque. La seconde plainte est celle de l'envoyée de Thorondil, qui sans doute veut exprimer poliment sa capacité à se débrouiller toute seule. Elle n'a en effet pas besoin de chaperon, et elle saura sans doute retrouver le chemin jusqu'à la demeure du fauconnier. Néanmoins, la décision ne lui revient pas, et dans sa situation il lui est difficile d'opposer davantage qu'une résistance de pure forme, rapidement balayée par la volonté de fer de la Dame de Gardelame. Nivraya, satisfaite d'avoir donné ses consignes, referme la porte de son bureau et retourne à ses affaires les plus urgentes.


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Intérieurement, Alyss est en ébullition, mais malheureusement il est très difficile pour elle de le cacher comme le fait Nivraya. Elle n'a pas sa maîtrise, son talent pour mentir et truquer. Tout se voit sur son visage comme si ses traits ingénus étaient un livre ouvert dans lequel le premier imbécile venu peut lire sans la moindre difficulté. Elle lutte, tente de se discipliner, mais l'humiliation et la frustration rejaillissent sur ses joues qui prennent une teinte rosée, et font briller ses yeux qui jettent de fréquents regards à la porte close du bureau personnel de la Dame. La petite voleuse, courroucée, se trahit par des gestes trop vifs, tranchants, saccadés. Nerveux. Elle est inhabituellement agitée, préoccupée par une intuition qui la taraude, qui la ronge et l'empêche de se concentrer pleinement sur sa tâche.

Raccompagner Verica. Ha ! La belle affaire ! Et pourquoi donc ?

Freyloord, qui l'observe du coin de l'œil en train de passer une veste décente pour sortir en pleine rue, se lève du fauteuil depuis lequel il a assisté à toute la scène et s'approche des deux femmes. Sa lourde carcasse se dresse devant elles comme une véritable muraille, mais Alyss ne semble pas éprouver la moindre crainte en sa présence. Elle lui rend bien deux têtes, peut-être encore davantage, et pourtant ils paraissent se trouver sur un pied d'égalité. Le fait qu'il fasse deux fois le poids de la jeune femme, et qu'il puisse probablement broyer son crâne entre ses paumes, ne change rien à l'affaire. Il baisse sur elle un regard compatissant, et lui pose une main épaisse sur l'épaule. Dans sa voix caverneuse, son murmure ressemble au grognement d'un ours :

- Je vais l'accompagner. Ce sera plus sûr.

Pendant un instant, Alyss est sur le point de protester. Probablement par réflexe, et par esprit de contradiction. Elle a envie de lui dire que c'est sa tâche, et de lui expliquer que même si Nivraya a voulu la sanctionner en lui demandant de s'occuper de cette fille facilement effrayée, ce n'est pas une raison pour qu'elle se défile et se décharge de son fardeau sur quelqu'un d'autre. Plus simplement, elle a envie de s'emporter inutilement contre cette montagne de muscles, seulement responsable de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle a juste besoin de passer ses nerfs sur quelqu'un… de préférable quelqu'un avec le cuir solide. Mais si Freyloord est le candidat idéal pour cela, il n'en demeure pas moins plus intelligent que ne peut le laisser soupçonner son physique de Mûmak, et sa proposition n'est pas qu'une simple courtoisie. Elle comprend après quelques secondes qu'il ne fait pas ça véritablement par charité, mais bien pour laisser à la petite Haradrim l'occasion de discuter avec Nivraya, tandis qu'il s'acquitte de sa mission pour elle. Le regard d'Alyss bascule de l'étonnement presque courroucé vers une tendresse immodérée. Elle pose une main minuscule sur son bras épais comme une bûche, et lui souffle avec une rare affection :

- Merci, Frey…

Il hoche la tête pesamment, esquisse ce qui ressemble à une petite tentative de sourire, avant d'emboîter le pas à Verica qui, si elle n'a pas forcément tout compris à la situation, n'a pas pu manquer de déceler la tension certaine et les jeux complexes qui se manifestent entre Nivraya, sa servante et son immense garde du corps. De quoi la laisser avec davantage de questions que de réponses. Freyloord, plus galant que ne le laisse supposer sa carcasse massive, lui ouvre délicatement la porte et la laisse sortir en premier avant de lui emboîter le pas à travers les rues de la capitale. Annúminas n'est pas une cité dangereuse, du moins pas dans les quartiers que fréquentent la famille de Kervras et la famille de Gardelame. Surtout pas à cette heure du jour, avec tant de gens qui déambulent et vaquent à leurs occupations. Toutefois, les craintes de Nivraya ne sont pas entièrement infondées, et Freyloord en est parfaitement conscient. Les ennemis de sa dame sont nombreux, déterminés, et ils ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins, comme en atteste l'épisode de l'attaque à Gardelame. Aux confins du royaume, des tueurs n'ont pas hésité à essayer de s'en prendre à sa maîtresse pour d'obscurs motifs politiques qui restent encore à éclaircir. Simple jalousie ? Volonté d'une famille de consolider son autorité ? Désir de vengeance ?

Quelle que soit la raison qui les anime, les lames restent des lames, et la mort reste la mort. La prudence est de mise dans ce monde de violence, surtout quand on ignore l'identité des assassins et des conspirateurs. Ne pas savoir signifie également qu'il est important de protéger ses arrières, et bien qu'Alyss ne comprenne pas les tenants et les aboutissants de tous ces jeux de pouvoir, le géant sait qu'il est particulièrement dangereux de laisser sortir de la Chambre une jeune servante sans défense, en possession d'une missive cachetée. Si des espions les observent – ce qui est plus que probable dans cette ville infestée de nobles et de bourgeois en quête d'un scandale, d'un levier pour gagner en influence, ou bien d'une fenêtre de tir pour attaquer Nivraya – et qu'ils voient une proie facile susceptible de leur rapporter des informations, qui les empêchera de s'en prendre à elle ? Une agression aussi rapide que furtive, la lettre volée, et des données potentiellement précieuses tombées dans des mains mal intentionnées. Il suffit d'un homme avec un couteau, déguisé en mendiant… Avec la présence du géant aux côtés de la servante, en revanche, la donne se complique pour les éventuels espions. Qui osera venir essayer de lui chercher querelle, désormais, au risque de causer une rixe violente en pleine rue ? Rixe dont ils ne seront pas sûrs de ressortir vainqueurs.

Cependant, il n'est pas aisé de traverser ainsi la ville avec une montagne humaine pour garde du corps. Et s'il s'agit sans doute de la promenade la moins risquée de Verica dans les rues d'Annúminas, on ne peut pas véritablement la qualifier de discrète. De quoi attirer l'attention de la paire d'yeux qui observe furtivement le passage du curieux duo.


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Le menton lourdement appuyé dans le creux de sa paume, Nivraya ne peut détourner le regard de la lettre qu'elle tient dans sa main tremblante. La lettre de Thorondil. Ses épaules voûtées et ses yeux éteints contrastent de manière surprenante avec l'attitude impériale qu'elle a affiché quelques instants plus tôt en présence de Verica. La distinction et l'élégance ont quitté sa personne, la laissant avec la lassitude et l'affliction pour seul costume. Ses yeux dans le vague relisent inlassablement les mêmes mots. Ceux qui l'ont fait frissonner de terreur quelques instants plus tôt. Ceux qui lui ont transpercé le cœur d'une angoisse incomparable…

« Est-ce qu'il sait ? »

- Évidemment que non, répond-elle à voix basse.

Elle essaie de s'en convaincre. Après tout, il évoqué des inquiétudes concernant son enfant, son enfant unique, sa petite Merilin. Elle est le centre de ses pensées quand il n'est pas à la capitale, bien entendu. Nivraya tente de se rassurer. Elle vide ses poumons en un las soupir. Pourquoi a-t-elle été imaginer toutes ces choses ? Une simple ligne sortie de son contexte, totalement surinterprétée, et il s'en est fallu de peu pour qu'elle défaille devant une servante. Elle frémit de nouveau. Peut-être à cause de ces tournures ambiguës, qui lui ont laissé un goût amer sur la langue, comme après avoir goûté au poison de la trahison, du mensonge et de la tromperie. Son crime adultère, le péché qui grandit dans son ventre… tout cela lui brouille l'esprit, lui fait voir des choses qui n'existent pas, entendre des paroles qui n'ont pas été prononcées. Thorondil, assurément, ne sait rien.

« Mais peut-être qu'il le sent… »

Nouvelle bouffée d'inquiétude, contrée immédiatement par une logique froide et implacable, teintée d'un certain dédain dont elle est coutumière.

- Il n'est pas aussi perspicace…

- Je n'aime pas quand tu parles toute seule.

Nivraya sursaute comme si on l'avait pincée, et bondis hors de son fauteuil. Dans ses yeux, la crainte. Puis la colère.

- Alyss ! Bon sang depuis quand est-ce que… Et… et Verica ? Je t'avais demandé de la raccompagner !

Toute à sa confusion, la noble semble incapable de décider sur quoi jeter son ire : la désobéissance de sa plus fidèle alliée, ou bien la présence de cette dernière au moment où, pour une fois, la Dame de Gardelame a affiché un visage profondément humain et vulnérable. La petite Haradrim, laissant glisser l'orage sur sa peau halée, referme la porte derrière elle, toujours aussi discrète. Un vrai chat. Elle lève les mains pour essayer d'apaiser Nivraya, qui semble en proie à une émotion qui n'est pas tout à fait liée à Verica. De toute évidence, quelque chose la chamboule, et Alyss est bien décidée à savoir de quoi il s'agit :

- Freyloord s'en occupe, lâche-t-elle tranquillement. Tu réagis bizarrement, Niv'… Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Je vais très bien, figure-toi. Pourquoi est-ce que ça n'irait pas ?

La bravade, aussi ridicule qu'inefficace, est écartée d'un revers de la main par Alyss, qui se montre inhabituellement rebelle :

- Tu sais très bien pourquoi, Niv', ne joue pas à ça… Ça te dérange à ce point-là de recevoir une lettre de la part de Thor' ? Ça te dérange qu'il puisse s'inquiéter avant de partir sur ce genre de mission ?

Les sourcils de la Dame de Gardelame se froncent perceptiblement. Elle n'apprécie pas l'accusation silencieuse qu'elle voit poindre sous la critique de son amie, mais elle n'a pas l'intelligence de prendre de la hauteur et de laisser couler. Elle aurait très bien pu arrêter la discussion sans délai, et simplement rétorquer à Alyss qu'elle aurait voulu être prévenue avant de l'arrivée de ce courrier. Cela aurait sans doute fait l'affaire. Mais au lieu de choisir la voie de la raison, peut-être parce qu'elle est fatiguée et sur les nerfs, elle réagit à chaud. Erreur.

- Et pourquoi est-ce que tu t'inquiètes pour lui, maintenant ? Siffle-t-elle sur un ton irrité. Vous êtes soudainement devenus les meilleurs amis du monde ? Tu éprouves de la compassion pour lui ?

La Haradrim hésite, surprise par cette rhétorique agressive et acide à laquelle elle n'est pas habituée. Ou plutôt, dont elle n'est pas habituée à être la cible, car elle a déjà vu Nivraya vilipender des adversaires politiques. Elle n'aurait pas cru être un jour du mauvais côté de la conversation. Repoussée par les questions qui pleuvent sur elle, la voleuse essaie de trouver les mots justes, tout à coup sur la défensive, en position de faiblesse car elle n'a pas l'art de s'exprimer avec autant d'éloquence que la femme rousse. Maladroite, elle rétorque :

- Un peu, oui ! Après tout il t'a sauvé la mise plus d'une fois, tu crois que ce n'est pas normal ?

- Je n'ai pas besoin que tu me rappelles ça, Alyss ! À ton avis, j'ai envie de m'entendre rabâcher à tout bout de champ que je serais morte s'il n'avait pas été là ? Tu crois que c'est ça qui va me faire aller mieux ? Je vois que tu veux prendre sa défense… bravo Alyss… c'est très noble de ta part ! Mais n'oublie pas que les gens comme lui sont aussi doués pour créer des problèmes que pour en régler ! Ils sont pratiques quand on les a sous la main, mais il faut savoir les tenir éloignés de soi pour ne pas trop souffrir de leur présence. Des « cœurs vaillants », de « nobles âmes » ? Des brutes épaisses et sanguinaires, oui !

La jeune voleuse accuse le coup. Les paroles cruelles de Nivraya la touchent plus durement qu'elle ne veut l'admettre, et elle se recroqueville sur elle-même comme pour absorber l'impact d'un choc en pleine poitrine. Le souffle coupé, elle lève des yeux ébahis vers son amie. La Dame semble ne même pas s'en rendre compte, absorbée qu'elle est dans un monologue qu'elle paraît cracher avec tout le fiel que recèle sa personnalité devenue mauvaise depuis quelques temps. Alyss vacille, et lâche dans un murmure :

- Je suis comme lui, Niv'… ?

À mi-chemin entre l'interrogation et l'affirmation, de quoi déstabiliser la noble, qui s'interrompt, interloquée par cette réponse inattendue :

- Comment ça ?

- Je te demande si je suis comme Thorondil… Bonne qu'à être utilisée pour des missions dangereuses… Utile, mais sacrifiable.

C'est au tour de Nivraya de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Ses yeux s'agrandissent légèrement, et sa bouche s'entrouvre tant elle est choquée par ce qu'elle entend. Elle bafouille soudainement, déstabilisée. Alyssson Alyss, doutant tout à coup d'elle ? Le premier sentiment à l'envahir est une profonde stupéfaction qui la paralyse l'espace d'un instant, avant que le duel entre la honte et la rage ne tourne à l'avantage de cette dernière. Elle se lève comme une furie, et marche droit vers la Haradrim en fulminant :

- C'est ça que tu penses de moi !? Tu penses vraiment que je ne suis bonne qu'à envoyer des gens à la mort, que j'utilise Thorondil, que je t'utilise toi !? Tu crois vraiment que… que… Raaaah !

Son rugissement rappelle à la petite Haradrim des jours meilleurs. Quand Nivraya n'était pas encore cette femme noble engoncée dans son apparence, sa réputation, et ses titres. Quand elle n'était qu'une femme simple, à qui il arrivait de jurer, de s'emporter… C'est cette Nivraya qui émerge tout à coup, et qui donne l'impression de vouloir envoyer à travers la pièce l'objet le plus cher et le plus fragile qu'elle puisse trouver. À défaut de pouvoir briser un vase ou une assiette hors de prix, elle étrangle un adversaire invisible, avant de revenir à son interlocutrice.

- Alyss ! Bon sang, réveille-toi ! C'est Thorondil qui t'a monté contre moi, c'est ça !? Je vois clair dans votre manège… Il n'a pas apprécié d'être envoyé en mission, et il se sert de toi pour faire passer ses messages, pour m'atteindre. D'abord sa lettre… maintenant ça…

- Niv', non, tu sais que c'est faux ! Se défend-elle, sincèrement peinée d'être vue comme une potentielle menace pour celle à qui elle a dédié sa vie.

- Faux !? Mais regarde-toi, Alyss ! Je t'ai tout donné, je t'ai protégée toutes ces années, et voilà que tu me trahis pour ce… ce… ce rôdeur... plus à l'aise sur les routes et dans les campagnes qu'au Sénat où il devrait siéger. C'est à lui que tu veux accorder ta confiance !? Si tu crois que je vous utilise tous les deux, si tu crois que je vais t'envoyer à la mort, pourquoi est-ce que vous ne vous enfuyez pas tous les deux, hein ? Loin de l'horrible femme qui fait tout ce qu'elle peut pour maintenir ce royaume dans le droit chemin ! Je t'en prie, vas-y ! Va donc ! La porte est là, ne te retiens surtout pas !

Ce coup bas fait monter les larmes aux yeux d'Alyss. Elle sait qu'au fond, Nivraya n'en pense rien et que ce sont simplement des mots prononcés sous le coup de la colère… Elle sait que ce sont des paroles blessantes mais maladroites, qui seront rapidement regrettées. Mais en est-elle vraiment certaine ? Leur relation est-elle si solide qu'elle a toujours voulu le croire ? Est-elle aussi indispensable à Nivraya de Gardelame, désormais une des femmes les plus puissantes du royaume ? Maintenant qu'elle a la main sur une bonne partie de l'appareil politique du royaume, pourquoi irait-elle s'encombrer d'une vulgaire voleuse ? La voleuse perd pied. Le monde entier lui semble tout à coup différent, comme si une chose immuable et inaltérable venait tout à coup de s'effriter. Nivraya et elles ne s'étaient jamais disputées. Jamais. Peu importe la difficulté, elle a toujours su pouvoir compter sur elle, et réciproquement, la Dame a toujours su qu'elle pouvait lui faire confiance. Mais il en était de même pour Justar, avant que la situation lors du mariage royal à Minas Tirith ne change tout… Tombé en disgrâce aux yeux de sa propre épouse, le pauvre Justar a tout tenté pour essayer de regagner la confiance de celle-ci. Y est-il parvenu, aujourd'hui ? Y parviendra-t-il jamais ? En essayant de dire ses quatre vérités à son amie, Alyss ne vient-elle pas d'emprunter le même chemin ?

Cette pensée la déchire de l'intérieur, et elle menace de s'écrouler.

- Niv', ne dis pas ça, répond-elle, les mâchoires crispées, au bord des larmes. Tu n'as pas le droit de…

- J'ai tous les droits, ici ! Notamment celui de savoir pourquoi ma servante fricote avec cet aventurier, dans mon dos, pour lui permettre d'introduire sa messagère jusque dans mon sanctuaire.

Nouvelle estocade, peut-être encore plus douloureuse :

- Ta servante ? Niv'…

Cette dernière n'écoute pas, et continue sa litanie comme un archer faisant pleuvoir ses traits précis et mortels sur une cible agitant un drapeau blanc. Mais il n'y a pas de reddition possible, dans l'antre de la renarde :

- Cet endroit est mon sanctuaire, et si j'ai choisi d'y habiter c'est parce que je m'y sens en sécurité, à l'abri… Et toi, tu as jugé bon d'en laisser la clé à un homme qui ne m'a apporté que du malheur ? Pourquoi est-ce qu'il t'a paru judicieux d'intercéder en sa faveur ? Hein ? Pourquoi ça ?

- Parce que c'est le père de ton enfant, voilà pourquoi !

Les mots ont franchi les lèvres d'Alyss sans qu'elle y réfléchisse vraiment. Cependant, pendant les longues secondes qui suivent et s'écoulent dans un silence de mort, elle a tout le temps de regretter ses paroles. Chaque instant semble durer une éternité, qui lui offre le loisir de voir le visage de Nivraya se décomposer. Morceau par morceau. En une phrase, elle a pulvérisé le masque fragile qui se fragmente comme un miroir percuté par un bélier. Et derrière, le néant. Dans ces iris blessés, où l'on a pu lire tantôt la colère, tantôt l'indignation… il n'y a plus rien. Rien qu'un abîme béant de noirceur absolu, un puits sans fond. Un monde de ténèbres et de désolation qui menace d'engloutir toute chaleur, toute joie, toute vie. Alors que le sang reflue du visage de la jeune femme, et que ses yeux verts semblent s'éteindre comme une bougie soufflée par un courant d'air, la voleuse prend la mesure de la blessure qu'elle vient de raviver.

- Niv', je…

Une gifle puissante l'arrête net. Sonore. Des larmes s'envolent au moment de l'impact, et retombent silencieusement sur le sol. Impossible de savoir à laquelle des deux elles appartiennent. S'en suit une longue seconde d'un profond silence, seulement rythmé par leur respiration intense. Lorsqu'Alyss trouve la force de revenir à Nivraya, elle lit dans son regard embrasé la rage de vivre d'une femme emmenée trop souvent aux portes de la mort. Le poids qu'elle porte en son sein lui rappelle douloureusement la peine, le malheur, le sang, et la trahison. Un enfant à naître, symbole de tant de méfaits et de tant de violence… La Haradrim ne peut retenir les larmes qui embuent rapidement son regard. Des larmes de tristesse davantage que des larmes de souffrance.

- Ne répète… plus jamais… ça… assène Nivraya le souffle court, comme si elle sortait d'une bataille. Thorondil n'est pas le père… Tu m'entends ! Il n'est pas le père !

La noble détourne le regard, pour cacher ses propres sanglots. Elle s'appuie lourdement sur son bureau, dos à son amie, incapable de la regarder en face. Pas maintenant. Pas après ça. Pas avant d'avoir recomposé à la hâte un visage présentable, dans lequel elle ne verra pas les cicatrices encore à vif de ses tourments. Elle inspire profondément, agitée de tremblements nerveux. La colère reflue, à l'instar de la marée, en laissant sur le sable de ses pensées le parfum salé de l'amertume. Les secondes défilent. Interminables. Puis Nivraya prend finalement la parole. Sa voix a changé. Brusquement redevenue humaine.

- Je suis désolée, Alyss… Oh par les Valar pardonne-moi…

Pas un son en retour.

La Dame se retourne, et ses yeux émeraude se posent sur la porte désormais ouverte. La voleuse, quant à elle, s'est envolée. Toujours aussi discrète.

Comme un chat.


Un chat échaudé.

#Nivraya #Thorondil #Alyss
Sujet: De l'Art de Garder son Tact
Ryad Assad

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Rechercher dans: L'Arnor   Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: De l'Art de Garder son Tact    Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 31 Mar 2017 - 0:12
Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! Alyss10

En ouvrant la porte, Thorondil n'avait pas pu ne pas reconnaître Alyss. La jeune servante Haradrim, qui en réalité cachait de nombreux talents martiaux, s'était présentée à lui dans la soirée à une heure qui n'éveillerait pas l'attention des curieux. Elle savait que les rumeurs avaient plu sur sa maîtresse, et elle préférait lui éviter d'avoir à subir de nouveaux désagréments. Particulièrement quand on comptait les jours avant que sa grossesse ne commençât à se voir. Était-ce d'ailleurs la raison pour laquelle Nivraya n'avait pas convoqué très officiellement le fauconnier, comme elle aurait pu aisément le faire en vertu de la position qui était la sienne ? Beaucoup de choses demeuraient floues dans l'esprit de la petite guerrière, qui n'avait entendu que des échos terrifiants et des bribes inquiétantes de ce qu'il s'était passé à Gardelame. Nivraya attaquée chez elle, des intrus armés qui avaient réussi à pénétrer jusque dans sa chambre. Ils avaient été empêchés dans leurs sombres desseins par Thorondil – toujours lui – qui avait réussi à éliminer la menace, et à protéger la dame de ces lieux. C'était la version officielle. La version officieuse, Alyss elle-même ne la connaissait pas et, si on en croyait le visage dur de la noble à chaque fois qu'elle essayait d'aborder le sujet, elle ne la connaîtrait jamais. C'était une autre de ces choses que Nivraya conservait dans le coffre-fort qui lui servait de cœur, et que la petite Haradrim acceptait de ne jamais pouvoir élucider.

Pourtant, elle aimait percer les coffres-forts.

La surprise du fauconnier passée, il l'invita à entrer et elle se glissa à l'intérieur avec la souplesse d'un chat. Dès que la porte se fût refermée sur eux deux, elle abandonna son attitude servile et effacée pour redevenir la boule d'énergie qu'elle pouvait être au quotidien. Elle s'avança au milieu de la pièce en écartant les bras comme si elle savourait de pouvoir de nouveau utiliser son corps librement, avant de se jeter en travers d'un fauteuil de cuir. Elle n'avait pas attendu d'y être invitée… elle n'avait pas demandé à son hôte ce qu'il en pensait. Elle était simplement comme ça, elle marquait son territoire et elle faisait comprendre au fauconnier qu'il n'était pas en position de lui refuser quoi que ce fût.

- Asseyez-vous, fit-elle en lui montrant l'autre siège en face.

Sans attendre, elle enchaîna en déposant un document entre eux deux. Un pli qui n'était pas scellé, et dont la jeune femme avait de toute évidence connaissance. Elle se mit d'ailleurs à lui détailler les rouages d'un plan complexe, avant même d'avoir pris la peine de lui annoncer qu'il était sur le point de partir en mission :

- Ils sont deux, apparemment. Leur identité a été confirmée, mais il reste encore à trouver où ils se cachent. Ils font des visites relativement régulières dans un village, qui se trouve dans le Rhudaur, et…

Elle nota que quelque chose clochait :

- L'Ordre, je parle de l'Ordre. De la Couronne. De Fer. Oui, non, c'est une histoire compliquée, asseyez-vous.

Elle se redressa pour lui faire face, et poursuivit tout en grattant négligemment son pied :

- Nivraya veut que vous les trouviez, et que vous vous débarrassiez d'eux. C'est simple, et c'est dans vos cordes d'après ce qu'on raconte. Le village est à une bonne semaine de marche, mais vous trouverez tous les détails dans la lettre, elle a pensé à tout.

Le « comme d'habitude » aurait été de circonstance, mais depuis les récents événements c'était une expression qu'Alyss utilisait beaucoup moins. Nivraya avait toujours été le cerveau de leur duo, et jusqu'à présent ses plans ingénieux avaient garanti le succès de toutes les affaires qu'elles avaient entreprises ensemble. Aujourd'hui pourtant, il semblait que quelque chose avait grippé le mécanisme. La vivacité d'esprit s'était émoussée, à moins que les ennemis fussent simplement devenus plus dangereux et plus retors. Quelle que fût l'explication, la noble n'apparaissait plus aussi invulnérable qu'auparavant, bien que l'épisode terrible de Gardelame semblait lui avoir donné une nouvelle vie. Elle s'était remise au travail avec ardeur, et son retour à la capitale lui avait fait le plus grand bien… du moins en apparence. Alyss n'était pas certaine que son obsession pour l'ordre, l'Ordre, et la stabilité du royaume était une bonne chose mais, « comme d'habitude », elle ne faisait aucun commentaire et se contentait de suivre.

Toute absorbée par ses réflexions, la jeune Haradrim ne s'était pas rendue compte que Thorondil avait commencé – et fini – la lecture de la brève missive. Les informations étaient toutes là, en effet : la destination, le nom et le profil des individus à localiser, et même l'adresse d'un contact local qui pouvait les aider à les identifier le cas échéant. Un « homme de confiance », terme qui paraissait particulièrement malvenu sous la plume de Nivraya, même quand il était consigné d'une écriture aux courbes élégantes. La mission semblait claire, et tout avait vraisemblablement été balisé pour faciliter la tâche du fauconnier. Elle avait même pris la liberté d'envoyer des palefreniers faire préparer sa monture, qui l'attendrait le lendemain matin. C'était le signe qu'il devait encore une fois tout abandonner pour son royaume, et filer face à un péril mortel sans avoir le temps de faire ses adieux à ses proches. Alyss s'était d'abord étonnée de ce délais exceptionnellement court, mais Nivraya lui avait rétorqué avec assurance : « je crois que s'il pouvait, il partirait plus tôt encore ».

- Vous avez tout ce qu'il vous faut, Thor'.

Elle avait usé de ce diminutif avec autant d'aisance que s'ils avaient été amis depuis des dizaines d'années, sans se préoccuper de savoir comment le vétéran de la Bataille du Nord prendrait cette marque de familiarité. A dire vrai, elle se fichait de beaucoup de choses, au nombre desquelles les états d'âme de Thorondil. Elle ne le méprisait pas, loin de là, mais elle ne pouvait s'empêcher de remarquer que les malheurs qui s'étaient abattus sur Nivraya récemment coïncidaient toujours avec sa présence. Certes, il avait le beau rôle, celui du sauveur providentiel… Mais elle n'aimait pas qu'il attirât sur sa protégée des dangers qu'elle n'était pas capable d'affronter. En outre – et cela, seul Freyloord l'avait deviné – elle n'aimait pas voir quelqu'un d'autre tenir la place de garde du corps. C'était toujours elle qui avait protégé la noble, et les exploits de Thorondil lui renvoyaient immanquablement ses propres échecs. Cette fois, les rôles étaient inversés, et elle en était bien contente. C'était le fauconnier qui allait partir à l'aventure loin d'Annúminas, et c'était elle qui allait demeurer auprès de Nivraya pour assurer sa protection.

Tout rentrait enfin dans l'ordre.

Alyss se leva brusquement, et se dirigea vers la porte sans avoir été invitée à prendre congé – mais Thorondil s'en formaliserait-il maintenant ? –, quand elle sembla se souvenir de quelque chose. Quelque chose d'important, qu'elle n'avait peut-être pas su formuler jusqu'à présent, et qu'elle n'était pas vraiment fière de devoir lâcher à haute voix. Toutefois, il le fallait, et elle savait qu'elle n'en aurait peut-être pas l'opportunité de sitôt. Observant son dos, le fauconnier put voir les frêles épaules de la jeune femme s'affaisser légèrement, au moment où elle souffla :

- Ce qu'il s'est passé à Gardelame…

Une pause. Elle aurait pu faire compliqué, mais préféra la simplicité :

- Merci. Merci d'avoir été là.

Elle inspira profondément. Elle avait l'impression de s'entendre dire « merci d'avoir été là à ma place », et ces mots lui retournaient l'estomac. Pourtant, il y avait des choses qu'elle-même ne pouvait nier, des vérités devant lesquelles elle ne pouvait pas fermer les yeux. Il avait sauvé Nivraya. D'ailleurs, elle se souvint de beaucoup de choses, des éléments qui lui revenaient en pleine figure et qu'elle se sentit obligée d'exprimer à haute. Pourquoi ?

Pourquoi pas ?

- Merci aussi pour ce que vous avez fait au mariage, et… avant… merci de m'avoir sauvée.

Elle faisait référence à l'épisode qui avait rendu célèbre le fauconnier, la fameuse prise du beffroi d'Annúminas. Ils avaient lutté vaillamment contre la garde de la ville, submergés par le nombre et retranchés dans les escaliers sinueux qui menaient aux cloches de la ville pour essayer de sonner le retour d'Aldarion. Alyss avait failli y laisser la vie. Un guerrier venu du Nord lointain avait réussi à la tirer à l'intérieur in extremis, et elle avait dû à ces braves combattants de survivre. Elle se souviendrait toujours de la crainte qu'elle avait ressentie au moment où les hommes du Roi avaient déferlé à l'intérieur, et où elle avait vu Thorondil et ses compagnons se battre comme des lions pour sauver leurs vies. Sa vie. Elle inspira profondément.

Finalement, ce n'était pas aussi difficile que ça en avait l'air.

Retrouvant un peu d'entrain, elle se retourna et lança avec un sourire malicieux :

- Ne vous méprenez pas, je ne vous dit pas tout ça parce que c'est une mission suicide. Je sais que vous allez très bien vous en sortir !

Elle se mordit la lèvre, et ajouta :

- Comme d'habitude.


▼▼


Le matin était arrivé bien trop vite, et amenant avec lui les premiers rayons du soleil qui promettait une nouvelle journée chaude et agréable. Voyager par ce temps serait un véritable plaisir. A l'heure où la capitale d'Arnor s'éveillait, Thorondil, lui, était déjà sur le pied de guerre. Habillé et armé pour aller accomplir sa mission, il n'avait bien entendu pas oublié la missive de Nivraya : un ordre de mission qu'il valait mieux ne pas laisser traîner à la portée du premier venu. Secrets d'État obligent. Il ignorait sans doute les raisons précises de son envoi sur le terrain, mais il pouvait faire l'hypothèse plus que raisonnable que si tout ceci avait été officiel, un bataillon entier de la garde royale serait parti sur le terrain pour traquer et tuer les ennemis du royaume. Si on avait besoin d'un homme tel que lui, c'était autant pour ses compétences que pour sa discrétion. Il avait trouvé sa monture dans les écuries où il l'avait laissée, prête comme le lui indiquait le message. Parfaitement équipée, pas trop chargée, elle semblait en forme et avait le poil luisant. Le temps était radieux et le cavalier progresserait à un bon rythme qui, s'il parvenait à le maintenir, lui permettrait peut-être de gagner une journée. Vraiment, il n'y avait rien à redire. Tous les détails semblaient avoir été parfaitement arrangés, et il ne lui restait plus qu'à partir désormais.

Tous les détails ? Peut-être pas.

En effet, alors que le fauconnier était sur le point de se hisser en selle, entendit arriver des bruits de pas accompagnés du claquement familier de sabots sur les pavés. Quelles étaient les chances pour que ce voyage qui s'annonçait tranquille jusqu'à présent se passât sans encombres ? Nivraya était la championne des – mauvaises – surprises, et cette fois encore elle en avait réservé une à Thorondil. Le fauconnier vit arriver un homme, relativement jeune, qui semblait chercher quelqu'un. En croisant le regard du vétéran, il devint évident qu'il avait trouvé :

- Sire de Kervras, mes hommages ! Je suis Sir Reginald Von Telsby, tout à fait enchanté de faire votre connaissance, c'est pour moi un immense honneur et un plaisir insigne que de participer auprès de votre auguste personne à la noble entreprise qui nous a été confiée par Dame de Gardelame.

Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! Regina10

Il sortit de poche un morceau de papier, et le tendit révérencieusement à Thorondil. Le message était bref, mais il confirmait les dires du jeune homme. Il avait bien été envoyé par Nivraya, et il devait accompagner le fauconnier dans sa mission.

- Sire, laissez-moi vous dire que j'ai tout entendu et tout lu à votre sujet. Vos exploits sont légendaires, et votre prise du beffroi… quelle audace ! Au nez et à la barbe de la garde de la ville, extraordinaire ! Moi-même je n'aurais sans doute pas été capable d'un tel haut fait, bien que j'aspire humblement à imiter votre seigneurie. Je suis donc, vous le comprenez, doublement heureux de participer à cette glorieuse aventure à vos côtés : j'imagine sans peine tout ce que je pourrai apprendre de vous, de votre exemplarité tant vantée et de votre sagesse digne des plus grands ! Sire, s'il m'est permis, j'aimerais vous recommander de…

Et il continua ainsi. Longtemps.

Les raisons pour lesquelles Nivraya le lui avait affecté étaient plus qu'évidentes, désormais.

#Alyss #Thorondil #Reginald
Sujet: Quand le chat s'en va, les souris dansent
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Quand le chat s'en va, les souris dansent    Tag alyss sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 14 Mai 2012 - 19:02
- Plus bas !

Nivraya s'exécute de mauvaise grâce. Son front est brillant de sueur, et sa peau est rougie par l'effort. Il est évident qu'elle ne tiendra pas longtemps. Pourtant, Alyss l'exhorte à donner le meilleur d'elle-même, à se dépasser. Une main délicatement posée dans son dos la pousse toujours plus bas, jusqu'à ce que ses deux mains soient finalement en appui sur le sol. Nivraya souffle fort pour chasser la douleur, comme Alyss le lui a conseillé. Ses jambes tendues lui font atrocement mal, et elle est obligée de serrer les dents pour ne pas exploser. Voyant qu'elle est sur le point d'aller trop loin, la jeune Haradrim retire sa main, signal tacite qu'il est temps d'arrêter. Avec un soupir de soulagement, la noble se redresse. Elle s'étire le dos, et agite ses orteils, pour retrouver un peu de sensibilité.

- C'est bien, tu progresses vite. Demain, on verra si tu peux tenir un peu plus longtemps, et si tu peux le faire sur le dos.

Nivraya hoche la tête, et avale d'un trait un verre d'eau froide qui lui brûle la gorge. Elle retrouve enfin la parole, et lance :

- Peut-on s'entraîner, avant que je ne commence ma journée ?

- Bien sûr.

Les deux femmes se placent face à face, dans un petit espace dégagé, et commencent à se battre, comme tous les jours. Elles échangent des attaques à distance, avant de se lancer dans un corps à corps éperdu. Et comme d'habitude, Nivraya est contrainte d'abandonner, devant la rapidité et la souplesse de son adversaire. Une clé au bras habilement placée, associée à une prise en triangle au niveau de l'abdomen auraient de toute façon eu raison de n'importe quel adversaire. Mais cette pensée ne la rassérène guère. Elle se dit qu'elle aurait pu mieux faire, tenir un peu plus. Leur duel n'a pas duré longtemps - comme d'habitude -, mais suffisamment pour que les deux jeunes femmes doivent se presser pour respecter leur emploi du temps. La journée risque de ne pas être très palpitante : paperasse, signatures et ordonnances. Elle pourrait presque le faire depuis chez elle. Alyss et Nivraya savourent un verre d'eau bienvenu, avant de s'apprêter à partir se préparer, quand soudain on frappe à leur porte.

Nivraya hésite un bref instant, avant de lâcher un "entrez" qu'elle juge ridiculement haut perché. Qui peut bien venir la voir à cette heure-ci ? D'ordinaire, quiconque veut la contacter passe par son office au palais, ou dépose le courrier à Freyloord, qui ne se donne pas la peine de frapper pour rentrer. Dans l'intervalle qui précède l'ouverture de la porte, Alyss s'éclipse dans la pièce voisine, tandis que Nivraya s'empresse de remettre un peu d'ordre dans sa coiffure. Tant pis pour sa mise sportive, de toutes façons elle n'a jamais caché qu'elle s'exerçait quotidiennement. Mais il y a fort à parier que son interlocuteur sera surpris de la voir ainsi habillée.

La porte s'ouvre, et le colosse s'écarte pour laisser passer une femme dont le visage ne dit rien à Nivraya. Roturière, à en juger par sa...tenue, elle n'en reste pas moins bien habillée, avec des tissus hors de portée du commun des plébéiens, et son maintien indique qu'elle représente quelqu'un d'important. Pourquoi ça ? Parce que Freyloord n'aurait jamais laissé entrer une roturière ne représentant pas quelqu'un d'important dans la Chambre. L'examen bilatéral terminé, comme le veut la politesse, les basses classes saluent en premier la noblesse. L'hôte y répond avec la courtoisie nécessaire, puis annonce sans ambages :

- Je devine à la lettre que vous tenez que vous m'apportez un message. Ceci dit, vous pouvez constater que je ne suis guère à mon aise. Je vous autorise à profiter d'un de mes fauteuils, pendant que je vais me préparer.

Sans attendre de l'inconnue une confirmation qui de toute façon aurait été malvenue, Nivraya se coule dans la pièce à côté, laissant l'invitée aux bons soins de Freyloord. En refermant la porte, la jeune femme ne peut s'empêcher de laisser fleurir sur ses lèvres un sourire de satisfaction. Le naturel avec lequel elle prend le dessus sur les autres la laisse sans voix. Néanmoins, si elle représente quelqu'un de vraiment important, il serait malavisé de la faire attendre trop longtemps. C'est donc en hâte que la jeune femme se lave dans un bon bain chaud, se sèche dans une serviette propre, se glisse dans une robe moulante d'un bleu profond, se coiffe avec le plus grand soin, se maquille très légèrement, et finalement réapparaît dans la pièce à vivre de sa Chambre, moins de quarante minutes plus tard.

Elle y trouve Alyss, vêtue d'une tunique de servante, occupée à verser de l'eau à leur invitée qui, confortablement installée dans un fauteuil, tourne le dos à Freyloord qui occupe le fond de la pièce. La noble lève une main apaisante, pour signifier à l'inconnue qu'il n'est pas nécessaire qu'elle se lève pour l'accueillir. Avec tranquillité, elle récupère son sceptre à tête de dragon posé sur son râtelier, et vient prendre place autour de la table basse. Dans le fauteuil le plus éloigné, bien entendu. Inviter une roturière à s'asseoir est déjà très généreux, mais s'il faut en plus se coller à elle...

Toutes ces considérations parfaitement naturelles chez Nivraya ne transparaissent nullement sur son visage neutre. Elle claque des doigts, et fait signe à Alyss de lui apporter une collation. Puis, reportant finalement son attention sur l'objet de tout ce cérémonial, et sans même s'excuser pour le temps qu'il lui aura fallu, elle déclare :

- Me voilà disposée à vous écouter me lire le contenu de cette lettre. Je vous en prie.

Elle glisse un mince filet d'eau entre ses lèvres savamment maquillées, et repose le verre sur la table sans un bruit. Intriguée. Attentive.

#Nivraya #Alyss
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