L’assemblée observait silencieusement, presque religieusement, la mise à mort qui se jouait sous leurs yeux. Ce rôdeur d’Arnor, à l’armure paré de fourrure et aux traits nobles des Dunedains avaient été mis à l’épreuve par leur Roi. Un gage de loyauté, une preuve de son engagement total à leur cause. Le peuple de Dale n’était ni belliqueux ni sanguinaires. Ils étaient avant tout des artistes qui vivaient au rythme de la musique et qui aspiraient à se concentrer sur le Beau qui se trouvait dans ce bas monde. Malheureusement leur histoire en avait décidé autrement. Des années de désolation, un dragon millénaire et de longues décennies passées à guerroyer face aux gobelins avaient profondément changé ce paisible royaume. Les cithares avaient été troqués par des arcs et les muses s’étaient muées en défenseurs de leur liberté. Ils avaient toujours combattu pour leur survie. Aujourd’hui ils volaient au secours de leurs alliés mais la donne n’avait que peu changé. Tous savaient qu’au coeur de la montagne, si les forces de Thorik échouaient, le courroux de Baltog s’étendrait jusqu’à eux. En revanche, si Gundabad tombait, le royaume de Dale pourrait envisager une longue période de paix et de coopération avec leurs voisins. La défaite n’était pas une option. Pour cet homme venu de l’Arnor, l’enjeu était peut-être moindre. Son royaume n’était pas en danger, une défaite de Thorik ne menaçait nullement la sécurité de Fornost ou d’Annuminas. Cette exécution était donc clairement un test aux yeux de tout un peuple.
Elendüril eut un moment d’hésitation mais il finit par prendre à deux mains la lame du Roi. Rares étaient ceux qui pouvaient se targuer d’avoir manié l’épée royal, y compris parmi les Dalites les plus influents. Etait-ce là une marque de confiance de la part du monarque?
La foule suivit du regard cet étranger qui s’approchait du condamné qui continuait à implorer pour sa vie. Mais la décision de l’Arnorien avait été prise. Ce dernier leva haut la lame scintillante avant de l’abattre sur le pauvre hère. Le coup fut brutal et imprécis. Le sang gicla sur le visage du bourreau mais l’homme était encore en vie, secoué par des spasmes et hurlements. Elendüril dut s’y reprendre à deux fois pour faire cesser les cris dans un déferlement de violence qui annonçait ce de quoi leur quotidien serait fait pour les prochains jours. Le corps sans vie du condamné et l’écho de ses sanglots qui résonnaient encore dans tous les esprits étaient là pour leur rappeler qu’ils ne se battaient pas seulement contre des monstres verts sans conscience.
Sans un mot de plus, Elendüril laisse l’épée choir sur le sol ensanglanté et quitta la scène macabre. Le Roi Gudmund se pencha pour ramasser lui-même son épée qu’il nettoya rapidement avec un torchon.
“Bien. Justice a donc été rendue. La soirée est finie. Regagnez vos quartiers. Nous partons demain à l’aube et nous ne nous arrêterons plus jusqu’à que nous ayons gagné notre destination.”#Gudmund
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Le petit groupe de guerriers Nains qui avaient assisté à l’exécution de l’espion de Baltog s’éloignaient lentement de la tente royale pour regagner la leur qui se situait en périphérie du campement. Gröm semblait pensif.
“J’ai longtemps pensé que cette guerre était la nôtre. Que la reconquête de nos terres sacrées ne pouvait se faire qu’avec les coups de hache des fils de Durin. Mais ces hommes de Dale semblent animés d’un courage et d’une ferveur dont certains de nos frères devraient s’inspirer. Face aux troupes de Baltog, ils ne seront pas de trop. Des Dalites et des Béornides pour libérer Gundabad… qui l’aurait cru… Et vous Maître Daramir? Qu’en pensez-vous?”
Les Naugrim conversèrent longuement jusque tard dans la nuit. Leur soirée se prolongea autour d’un feu que Narvi avait allumé. Ils fumèrent et chantèrent pendant de longues heures afin de célébrer leur départ vers la dernière étape de leur périple. Ils s’imaginaient ce qui les attendaient là-bas et de quelle manière ils pouvaient prouver leur valeur sur le champ de bataille. Une bataille qui ne serait pas comme les autres. Des générations de Nains les regardaient depuis les Cavernes de Mandos: ils s’apprêtaient à changer le destin de tout leur peuple.
“Quand nous nous retrouverons au pied des sombres murailles? Sur quelle arme allez-vous faire reposer vos espoirs de survie de Daramir? La Hache, la masse, peut-être l’arbalète?”#Gröm
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Reclus dans sa tente, plongé dans ses sombres pensées et la portée de son acte. Elendüril n’entendit pas la silhouette qui s’était approché de lui dans la pénombre. Ce ne fut que quand il fut interpellé verbalement qu’il releva la tête.
“Vous avez fait preuve d’un grand courage Elendüril fils d’Elenwäe. Des hommes parmi les plus endurcis de la troupe ont détourné le regard et n'auraient jamais pu faire ce que vous avez fait. Notre roi est sévère mais juste. Grâce à lui, vous avez gagné l’estime de tout un peuple.”
L’officier de la compagnie de Bard tendit alors son avant-bras en direction de l’Arnorien.
“Ce sera un honneur de combattre à vos côtés.”#Jenslav---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
#TherkaNalaLe signal du départ fut donné aux premières lueurs du joueurs à grands sons de trompettes. En moins de de deux heures, le campement fut levé et l’armée de Dale se remit en marche vers l’Ouest. Les éclaireurs Naugrim qui connaissaient ces régions montagneuses ouvraient la voie avec l'avant-garde Dalite formée par les archers de Bard. Au bout de longues heures passées sur les routes qui jalonnaient le pied des montagnes, ils débouchèrent finalement sur une large vallée verdoyante, encerclée par de hautes montagnes aux cimes enneigées. Tout au fond, creusé dans la montagne, se dressait la majestueuse porte d’une forteresse.
“Therkâ Nâla, la Résiliente “ commenta Gröm avec un sourire.
Sur décision du Roi Gudmund, l’armée de Dale établit son campement dans la vallée, au pied de la forteresse naine. Le sombre intérieur de la montagne n’était pas l’endroit idéal pour accueillir ses troupes. Gröm Oeil-de-l’Aigle et les éclaireurs Nains s’empressèrent, quant à eux, de rejoindre l’intérieur de la cité qui avait été le théâtre d’une victoire déterminante de la coalition quelques mois plus tôt. Ici, ils pourraient retrouver les leurs et se préparer à l’affrontement final. Alors qu’ils franchissaient les imposantes portes de pierre, Gröm se tourna vers Daramir.
“Peu importe l’arme que vous utiliserez lors de la bataille. Je vous veux à mes côtés quand nous arriverons au pied de Gundabad, Maître Daramir. Ensemble nous reprendrons ce qui nous appartient de droit.”
De son côté, Elendüril, qui n’appartenait officiellement à aucune faction et qui ne représentait personne d’autre que lui-même, avait l’embarras du choix. Un choix que le lieutenant Jenslav s’empressa de lui présenter:
“C’est ici que nos chemins pourraient se séparer. A moins que vous n’en décidiez autrement. Vous pouvez entrer dans la forteresse et rallier les compagnies naines dans ces sombres cavernes. Mais si vous voulez rester avec nous et combattre avec les archers de Bard, ce serait un honneur.”
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Plus loin, le roi Gudmund retrouva son neveu, Thorvald, capitaine de la compagnie de Bard qui avait joué un rôle déterminant lors de la victoire des Nains à Therkâ Nâla. Une fois les salutations faites, le jeune officier l’informa des derniers développements.
“Les dernières troupes de la coalition naine devraient arriver dans les prochains jours. Le Roi Thorik veut que nous allions vite afin de ne pas laisser à Baltog le temps de se préparer. Il s’excuse de ne pas pouvoir vous accueillir personnellement cet après-midi mais vous convie au conseil de guerre qui aura lieu ce soir.”
Le monarque Dalite acquiesça d’un signe de tête avant de balayer les environs du regard. Dalites, Béornides, Nains de tous les horizons. Ils étaient nombreux à avoir répondu à l’appel de Thorik. Mais cela serait-il suffisant face à la fureur de Baltog?
#ThorvaldLa suite ici:
Le Fer est enfin rouge