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Sujet: Les alliés se monnayent à bon prix
Mardil

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Rechercher dans: Minas Tirith - Autres Quartiers   Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Les alliés se monnayent à bon prix    Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 15 Juin 2014 - 15:44
HRP: Ce RP se déroule en parallèle du mariage royal et fait suite aux posts de Ryad et de moi-même dans le RP de resynchro. Mais afin de ne pas encombrer le sujet plus qu'il ne l'est déjà, on va faire ça ici^^

Cela n’avait duré qu’une fraction de secondes mais je n’avais aucun doute sur l’identité de cette personne. Son déguisement de cocher avait beau être parfaitement crédible, je l’aurais reconnue n’importe où. Que venait-elle faire à Minas Tirith ? Il n’y avait qu’une seule réponse valable à cette question. Elle ne pouvait être là que pour affaires. Et vu les affaires qu’elle avait l’habitude de mener, cela pouvait potentiellement devenir dangereux pour moi.

Je pris donc le risque de la suivre, même si ce n’était pas évident avec la foule présente dans la cité. Cependant, elle ne semblait pas essayer de s’échapper. Bien au contraire, elle semblait plutôt vouloir m’attirer dans un endroit plus calme, où nous serions à l’abri des regards. Je ralentis mes pas, tâchant de ne pas me jeter dans un piège. Même si elle n’était pas armée, elle restait incroyablement dangereuse.

Comptait-elle m’attaquer dès qu’elle en aurait l’occasion ? Je ne pensais pas qu’elle soit motivée par la vengeance, mais n’importe qui aurait pu l’engager pour m’éliminer. Y compris Emelyne qui connaissait les capacités de la jeune femme. A moins qu’elle ne soit venue pour remplir un contrat qui n’avait rien à voir.

Il n’y avait qu’une seule façon d’obtenir des réponses à mes interrogations, aussi je m’avançais dans la ruelle à sa suite. Elle m’attendait manifestement. Elle semblait toujours aussi austère que dans mon souvenir. Mais elle n’avait de toute évidence aucune intention hostile à mon égard. Peut être pouvais-je tirer avantage de sa présence dans la Cité Blanche…

Je m’approchais d’elle de façon à être assez prêt pour converser à voix basse mais suffisamment loin pour qu’elle ne se sente pas menacée. Il me fallait maintenant engager la conversation mais cela était plus difficile que je ne l’aurais cru. Si je lui demandais ce qu’elle faisait dans la cité, elle comprendrait que je n’étais pas celui qui l’avait fait venir. Mais si elle avait déjà parlé à son employeur, elle saurait que je lui mentais. Je préférais jouer franc jeu, afin d’éviter que ça ne me retombe dessus plus tard et car nous avions été alliés et que cela me paraissait plus juste envers elle. Même s’il était vrai que je ne la voyais guère me remercier pour mon honnêteté.

- Bonjour Sinove. Je ne pensais pas que l’on se reverrait aussi vite. Qu’est ce qui t’amène à Minas Tirith ?

Elle répondit à ma question de façon laconique, mais il faut dire qu’elle n’était pas de nature très bavarde. Ainsi donc, elle était bien dans la capitale pour affaires mais elle n’avait pas encore vu son employeur. Je pouvais la laisser repartir mais il était possible que le contrat en question me fût défavorable. D’un autre côté, j’avais maintenant les moyens de me payer ses services si je le souhaitais. Si la somme que j’offrais était suffisante, elle n’aurait pas intérêt à prêter attention à un contrat dont elle ignorait tout pour le moment. Bien qu’elle soit parfaitement capable de mener deux contrats de front à mon avis.

J’avais justement un petit problème qu’il me fallait régler mais, à cause de mes obligations pour le mariage de Tar Aldarion, je n’avais pas été en mesure de m’en occuper. De plus, il me fallait toujours trouver une personne de confiance pour gérer mes affaires. Même si je pensais que Sinove avait toutes les capacités requises, il lui manquait l’essentiel : la loyauté à mon égard. Et ça, je doutais de jamais l’obtenir. Mais pour l’heure, c’était une autre tâche que j’avais à lui confier. Et si elle la menait à bien, il serait temps de réfléchir à ce qu’elle pouvait m’apporter plus tard.

Lors de la dernière réunion du Cercle, Méneï nous avait appris que l’un de ses hommes avait réussi à acheter une drogue particulière dans la cité. Une drogue récréative de bonne qualité et d’un prix correct. Mais surtout une drogue que nous n’avions pas vendue. J’avais pu déterminer qu’elle venait du Sud mais c’était pour l’heure tout ce que je savais. Or, nos concurrents du Sud avaient été obligés de nous céder le terrain plusieurs mois auparavant. D’après mes informateurs, ils n’étaient pas revenus dans la Cité Blanche depuis. Je m’étais mis en chasse du revendeur mais je n’avais trouvé que son cadavre. Qui que soit son employeur, il tenait manifestement à rester discret et il avait appris que nous étions sur ses traces.

Bref c’était là un contretemps fâcheux, mais qui pouvait devenir très dommageable à l’avenir. Si on commençait à croire que le Cercle permettait à quelqu’un d’autre de faire des affaires à Minas Tirith, alors les rapaces ne tarderaient pas à fondre sur la cité. Or, il n’était pas question que nous cédions un pouce de terrain à qui que ce soit. Je me disais qu’il s’agissait là d’un travail parfait pour les capacités de Sinove. Je lui exposais donc mon problème et lui demandais d’étudier ma proposition.

- Ton prix sera le mien. Dis-moi combien cela coûterait d’employer tes services ? Et combien cela serait pour que tu ne t’occupes que de ce travail et d’aucun autre ? Je te laisse le temps d’y réfléchir mais je veux ta réponse ce soir. Rendez-vous au bordel de Mervine. Demande-moi quand tu seras là-bas. Je t’attendrai à l’étage.

Je la laissai dans la ruelle et je repartis au pas de course afin de continuer ma surveillance de la cité. Je n’étais pas certain que ma proposition l’intéressât mais j’avais bon espoir. Et c’était un poids en moins que j’avais à porter. Nos différends avec les trafiquants du Sud s’étaient achevés dans un bain de sang et je n’avais aucune envie de revivre ça.

Repenser à ces événements me fît me demander ce que devenait Harékil. Je n’avais pas rendu visite au jeune garçon depuis plusieurs jours et je devais avouer que j’avais envie de le voir. Il devait probablement assister au mariage comme tout un chacun. Cela faisait maintenant plus de quatre mois qu’il était à ma charge et il avait grandement participé à mon rétablissement.

L’adolescent s’était retrouvé sans rien, du jour au lendemain. Ses parents s’étaient simplement trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Ils avaient été tués par les trafiquants sudistes, au plus fort de notre lutte contre eux, simplement car ils avaient été témoins d’un retard de créance qui avait mal tourné. Harékil aurait été le suivant à y passer si je n’étais pas intervenu, en compagnie d’une patrouille de soldats du Gondor. Les trafiquants survivants avaient été capturés, jugés puis exécutés pour meurtre.

Je ne savais pas pourquoi j’avais décidé de recueillir le jeune homme. Je ne me sentais pourtant pas coupable de ce qu’il lui était arrivé. Mais je n’avais pu effacer de ma mémoire l’image de cet adolescent effondré tenant dans ses bras les corps de ses parents. Aussi avais-je décidé de ne pas le laisser à la rue. J’avais acheté une petite maison et l’y avais installé.

Officiellement je n’étais pas son bienfaiteur bien sûr. Il s’agissait d’un petit noble de la cité, en réalité un de nos clients, qui avait accepté de servir d’alibi en échange d’une petite remise sur certains produits que nous lui fournissions. Il était par contre devenu de notoriété publique que j’étais devenu ami avec le jeune homme. J’étais le premier à être intervenu lors de l’affrontement avec les meurtriers de ses parents et il me considérait, à juste titre d’ailleurs, comme son sauveur.

J’avais pour l’instant réussi à le dissuader de s’engager dans l’armée comme il le voulait. Sa réaction était prévisible vu l’admiration qu’il avait pour moi mais je ne souhaitais pas le voir devenir soldat. Non pas qu’il n’aurait pas les capacités physiques de le devenir mais il combinait une intelligence vive et une sensibilité exacerbée. Bref, une mauvaise combinaison connaissant la vie à la caserne. Et puis, je crois que je voulais simplement quelque chose de mieux pour lui.

Bien sûr, les mauvaises langues parmi mes camarades soldats s’étaient déliées comme d’habitude. Ceux qui étaient au courant de ma relation passée avec Elgyn avaient fait courir le bruit que je ne m’intéressais pas au jeune homme par simple bonté d’âme. J’avais préféré faire comme si j’étais sourd aux quolibets de certains. Que m’importait leur avis ?

Ce n’était pas pour les faire taire que j’avais diminué la fréquence de mes visites au jeune homme. Je craignais plutôt qu’il ne devienne une cible pour mes ennemis si ces derniers venaient à découvrir l’affection que je lui portais. Car j’avais beau essayé de me le cacher, je savais que je commençais à tenir à lui. Mais pas de la façon dont certains m’accusaient. Plus le temps passait et plus je le considérais comme le petit frère que je n’avais jamais eu.

Il n’y avait qu’une seule personne à Minas Tirith qui savait que Mardil et Vipère ne faisait qu’un. Emelyne ayant vu mon visage, une des premières choses qu’elle avait faite avait été de dessiner un portrait de moi et de le confier à ses hommes. Ils n’avaient pas tardé à lui dire que l’homme en question était un rôdeur et elle m’avait fait part de sa découverte avec un grand sourire. La menace implicite avait été parfaitement claire. Néanmoins, je l’imaginais mal se servir de lui contre moi. Et pourtant les événements de ces derniers mois m’avaient clairement fait comprendre que je ne connaissais pas aussi bien l’ancienne prostituée que je le croyais.

Aussi, il valait mieux, pour sa sécurité autant que pour la mienne, que je m’éloigne peu à peu du jeune homme. Plongé dans ces ombres pensées, je repris ma surveillance des festivités, tâchant de repérer n’importe quoi d’anormal.

#Mardil #Sinove
Sujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence
Ryad Assad

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence    Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 9 Juin 2014 - 21:13
Un soleil nu dans un ciel sans nuage annonça le lever du jour, en cette matinée bien étrange pour nous tous, et plus particulièrement pour moi. Après tout, comment aurais-je pu deviner que les événements qui s'étaient déroulés allaient me mener ici, à Minas Tirith, capitale du Gondor, pour assister parmi les personnalités les plus importantes du monde à un mariage royal ? Même mon contact n'avait certainement jamais pensé à pareille promotion pour moi, et je me félicitais d'avoir été capable de jouer mon rôle jusqu'au bout, et d'avoir su me positionner de si belle manière. Toujours allongé dans mon lit, il ne me fallut qu'une seconde pour replonger dans mes souvenirs, et laisser mes pensées remettre de l'ordre dans l'enchaînement d'événements qui avait présidé à ma nomination.

Après notre sabotage réussi à l'intérieur des murs de Dur'Zork, capitale de l'émirat du Harondor, et tandis que nous assistions impuissants aux combats qui faisaient rage au niveau de la porte, et qui tournaient désespérément à l'avantage des défenseurs, Agathe et moi-même avions eu le choix de notre destin : fuir avec le gros des troupes, ou rester dans la cité pour continuer notre travail, quitte à nous mettre encore un peu en danger. J'avais opté pour la retraite prudente, mais elle avait choisi de rester, et je m'étais donc plié à sa décision - pas par affection, mais parce que ses arguments m'apparaissaient plus que raisonnables. Elle considérait en effet que les troupes de Taorin n'avaient pas engagé toutes leurs forces, et qu'il faudrait certainement encore les appuyer lors de leur second assaut. Sa présence d'esprit nous avait permis de rester embusqués dans la cité, et d'assister aux premières loges à la mobilisation des troupes de l'émirat, à leur contre-offensive audacieuse, et à leur funeste destin.

Pendant ce temps, nous n'avions pas chômé, désireux de nous mettre au travail aussi vite que possible. Nous avions dès lors fondu sur quelques patrouilles pour les neutraliser rapidement, ce qui n'avait pas été très difficile - après tout, nous choisissions bien nos cibles, isolées et vulnérables, et nous frappions avec la rapidité et l'efficacité d'une vipère du désert. Puis, considérant que des objectifs plus importants devaient être remplis, nous avions mis le cap sur le palais pour essayer de décapiter la chaîne de commandement de la capitale, en l'absence de l'Emir. Il nous fut impossible de trouver les officiers supérieurs, mais nous éliminâmes tout de même deux capitaines et un lieutenant qui allaient porter des ordres et des consignes, contribuant par là-même à affaiblir la défense de la cité.

Ainsi donc, quand les pirates arrivèrent, nous n'eûmes qu'à leur montrer diligemment quels étaient les points stratégiques dont il fallait s'emparer pour prendre le contrôle de la cité, maintenant que l'armée harondorim était en déroute. Une tâche simple, mais dont le chef de l'expédition avait probablement eu vent, car il n'avait pas tardé à nous convoquer Agathe et moi-même, afin de nous faire part de la suite de ses plans. Je demeurai avec Taorin pendant les six mois qui suivirent, tout d'abord en tant que simple intendant car il appréciait mes services - sans se douter que j'accumulai sur lui une masse d'informations considérables -, avant qu'il ne me chargeât officieusement de gérer son réseau d'espions - une tâche qui m'allait comme un gant. Pour assurer ma couverture, il me confia de manière très officielle la tâche de secrétaire-conseiller, qui me permettait de rester à ses côtés pour prendre des notes et lui donner des informations cruciales, tout en étant suffisamment discret pour que personne ne me remarquât.

C'était d'ailleurs en cette qualité que j'assistais au mariage du Roi Aldarion et de sa Princesse venue d'un obscur royaume du Nord. Je me tenais juste derrière Taorin, parmi sa suite non armée, tandis que celui-ci était encadré par deux Chiens du Désert parmi les plus fidèles - à défaut d'être compétents. Je ne pouvais pas voir son visage en cet instant, mais il était évident qu'il se sentait très à l'aise dans son nouveau rôle, après les élections qui l'avaient propulsées à la tête du territoire conquis, et qui avaient fait de lui un véritable monarque. Recevoir une invitation de la part des Royaumes Réunifiés n'avait fait que conforter sa position, et cela n'était pas pour plaire à Radamanthe, assis non loin, et qui paraissait contenir à grand peine son envie de sauter à la gorge du Chien Borgne.

Pour ma part, je me concentrai davantage sur une autre délégation, qui m'intéressait davantage. Celle en livrée sang et or, dont les gardes en armure impeccable et au regard inquisiteur escortaient la sublime Reine du Rhûn, Sa Majesté Lyra, loué soit son nom. Il faudrait que je trouve un moyen de les approcher avant la fin de cette semaine de festivités.

#Ryad

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L'ennui se peignait sur les traits de la femme la plus puissante de Rhûn, mais le protocole la poussait à rester assise le temps qu'il faudrait pour enfin présenter son présent et pouvoir rejoindre sa tente pour enfin se délasser. Le voyage depuis Blankânimad avait été long et éprouvant, et elle n'avait répondu à l'invitation formulée par les Royaumes Réunifiés que pour tenir la dragée haute à ses conseillers qui voyaient cela comme une insulte. Elle-même trouvait amusant de venir parader officiellement au milieu de ces sauvages, d'étaler la puissance de son royaume aux yeux de tous, et surtout de venir narguer les esprits pacifistes tandis qu'en sous-main elle ourdissait de sombres machinations.

Elle avait donc trié sur le volet les hommes chargés de l'accompagner, et n'avait fait appel qu'à des membres de la cavalerie d'élite, les Cataphractes. Les guerriers aux armures rutilantes et aux montures impressionnantes avaient traversé des terres vides d'habitants sur lesquels la Reine avait posé un regard plein de mépris, avant de pénétrer, après une longue chevauchée, en Gondor. Les habitants aux frontières avaient été surpris, effrayés par le passage de ces hommes brandissant des armes étranges, exotiques et menaçantes. Ils avaient détalé sur leur chemin, et s'étaient terrés dans leurs maisons en priant qu'on ne vînt pas les en déloger. Lyra avait souri, appréciant l'effet produit par son passage. Finalement, des cavaliers du Gondor étaient venus à leur rencontre, et elle avait dépêché un jeune lieutenant pour servir d'interprète, et pour s'assurer que personne ne sortirait l'épée. Tout s'était bien déroulé, et elle avait été conduite sans difficultés jusqu'à Minas Tirith.

Et voilà que désormais, la Reine attendait au milieu d'autres souverains, aussi radieuse qu'il était possible de l'imaginer. Elle ne se faisait pas d'illusions, elle n'était pas la principale attraction du jour, même si quelques murmures s'étaient élevés quand elle était arrivée, impériale, et qu'on avait annoncé bien haut son nom et son titre. Il fallait dire que sa robe était particulièrement luxueuse, et elle portait sur elle les symboles de la royauté en Rhûn, dont la couronne qui ceignait son front, faite d'or et d'argent, incrustée de pierres précieuses, ainsi que l'épée qui pendait à sa taille, et qu'elle arborait avec autant d'aisance que si elle était un homme. Les femmes de l'Ouest avaient été étonnées de ce fait, habituées qu'elles étaient à vivre au dépens de leurs maris pour ce qui était de leur protection.

Elle avait souhaité marquer son indépendance en ne convoquant pas de siège pour son défunt mari, afin de bien signifier qu'elle gouvernait seule désormais, et qu'elle n'était plus la femme du Roi, mais bien la Reine du royaume. C'était un message fort, mais qui avait un certain inconvénient qu'elle n'avait pas encore mesuré : il attirait des prétendants. Déjà, elle avait été saluée personnellement par quelques nobles assez jeunes, qui s'étaient montrés d'une galanterie et d'une mièvrerie presque insultante, visiblement intéressés à l'idée de monter sur le trône d'un royaume, fût-il étranger, fût-il un ancien ennemi. Certains ne reculaient décidément devant rien, et considérait que les femmes étaient de vulgaires objets dont on pouvait revendiquer la propriété.

Pour mieux représenter son royaume, la Reine avait choisi deux gardes du corps particulièrement redoutables, tous deux officiers de haut rang dans la cavalerie, mais surtout bretteurs de talent. Ils servaient ensemble depuis plusieurs années maintenant, mais la principale particularité de ce duo était qu'ils étaient mari et femme. Elle avait en effet décidé d'incorporer quelques femmes à sa garde personnelle, et si celle qui la flanquait portait un casque et un turban, comme il était de coutume, elle aurait l'occasion de révéler son identité au cours de la semaine, et de susciter encore davantage d'interrogations auprès des peuples de l'Ouest, enclins à s'émouvoir pour pas grand chose.


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Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! Rokh10   Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! Rokh_c10
#Rokh


Le guerrier contemplait Minas Tirith, les mains sur les hanches, observant l'architecture assez impressionnante des lieux. Il ne trouvait pas la cité fantastique en soi, mais il trouvait que parée de mille oriflammes, grouillant de vie et d'animations, la capitale du Gondor était belle à voir. En cet instant, elle était la capitale de la Terre du Milieu, car à la connaissance du soldat, aucune délégation n'avait refusé de venir, ce qui était un signe fort de réconciliation, après les événements qui s'étaient déroulés. Six mois s'étaient écoulés depuis, mais les blessures étaient toujours vives, et les plaies demeuraient à panser.

++ Rokh, tu viens ? ++

++ J'arrive ++, répondit le soldat en retournant auprès de ses compagnons d'armes.

Le guerrier réajusta son armure réglementaire, et se dirigea vers les tentes carmin de sa délégation. Il n'avait pas été convié aux festivités, en dépit de ses grandes qualités martiales, mais il trouvait déjà formidable que la Reine l'eût personnellement sélectionné pour faire partie de la compagnie chargée de l'escorter jusqu'à Minas Tirith. Après tout, son retour n'avait pas été des plus simples, et quitter Aldburg - il avait appris à bien le prononcer - n'avait pas été une mince affaire. Il se souvenait avec précision du jour où le Maréchal était rentré, totalement brisé. Ce n'était plus que l'ombre de l'homme qu'il était sur le champ de bataille, et il ressemblait à une coquille vide. L'Ordre semblait s'être acharné sur lui, de sorte à anéantir tout ce qui restait de noble et d'honorable chez cet homme. Il n'avait pas totalement réussi, mais les dégâts étaient considérables.

Spontanément, Rokh avait décidé de repousser la date du duel, qui devait avoir lieu au retour du Maréchal. Mais qui pouvait défier un homme à peine capable de tenir debout, et en tirer une quelconque gloire ? Il s'était donc proposé pour assurer sa sécurité en plus de celle de sa femme, et avait fait preuve d'une certaine efficacité pour détourner les attentats contre le Maréchal - il avait éliminé trois individus qui avaient tenté de forcer le passage jusqu'à la chambre des deux seigneurs, et en avait dénoncé un quatrième à la garde qui avait fait son travail avec efficacité. Toutefois, il n'avait pas été en mesure de protéger la Dame contre elle-même, et cet échec lui restait profondément en travers de la gorge.

Pendant un temps, il avait accompagné le Maréchal presque partout, tandis que celui-ci réglait des affaires politiques propres au Rohan, et auxquelles le guerrier ne comprenait rien. Il y avait une histoire de trahison, de double jeu, et de fidélité à l'Ordre. Des lames avaient été tirées, du sang versé, bref, rien d'extraordinaire dans le quotidien du cavalier oriental. Et puis était venue l'heure du duel tant attendu. On avait aménagé un espace dans la cour d'Aldburg, pour que les deux combattants puissent se mesurer l'un à l'autre. Epée et bouclier étaient leurs armes, et sous les yeux d'une foule de spectateurs inquiets, ils avaient commencé à s'affronter sans la moindre retenue, comme si ces mois de coexistence pacifique n'avaient été qu'une parenthèse dans un duel qui ne s'était jamais vraiment terminé, comme si tout à coup ils se retrouvaient dans la boue et le sang devant Aldburg, au milieu d'un océan de morts, d'un concert de cris déchirants.

Sans surprise - aux yeux du guerrier oriental -, le duel avait tourné à son avantage. Il avait eu le temps de récupérer, de reprendre des forces, et surtout de bien s'entraîner. En face, le Maréchal avait peut-être précipité son retour, surestimé ses capacités... à moins qu'il eût volontairement décidé de s'opposer à l'oriental alors qu'il n'était pas encore totalement remis. Quoi qu'il en fût, la victoire de Rokh fut incontestable, et à l'issue d'un combat acharné, il parvint à désarmer le rohirrim, et à placer le fil de son épée sur sa gorge. Toutefois, pour des raisons qu'il ne s'expliqua pas immédiatement, il retint son bras, et laissa la vie sauve à son adversaire. Ce n'était pas dans ses habitudes, mais il avait reconnu chez le Maréchal Mortensen - cela aussi, il avait appris à le dire - une certaine noblesse d'âme qui faisait écho à ce qu'on lui avait enseigné. Il n'avait pas pu lui prendre la vie ainsi, car il ne voyait pas l'intérêt de tuer un lion blessé. Non. Ce qu'il voulait en vérité, c'était obtenir sa liberté et retourner chez lui, quitter le Rohan et retrouver sa vie. Et qui sait, peut-être un jour, retrouver Gallen Mortensen et l'affronter à nouveau pour déterminer franchement qui serait le meilleur.

Il était rentré en Rhûn par la suite, sans se retourner, et avait retrouvé miraculeusement une place dans l'armée. Il fallait dire que sa famille avait fait pression pour qu'il soit réengagé parmi les Cataphractes, et que les révélations qu'il avait à faire concernant son passage par l'Ordre ne tenaient pas à être rendues publiques. Il fallait étouffer l'affaire en haut lieu, et puisque sa seule demande était de retrouver son grade et son affectation parmi la cavalerie d'élite du royaume, on considéra qu'il s'agissait d'un petit prix à payer. Ainsi se retrouva-t-il à Minas Tirith, perdu au milieu d'un océan de tentes, occupé à surveiller un campement luxueux pour le protéger des autres délégations, des voleurs, des assassins et de tous les rebuts de la société qui pouvaient se trouver dans les parages. Toutefois, il avait entendu dire que la délégation du Rohan se trouvait non loin, et il envisageait sérieusement d'aller y faire un tour pour rendre visite au Maréchal, en dépit des consignes strictes qui avaient été données aux soldats, ordonnant notamment de ne pas provoquer de bagarre inutile auprès des autres peuples.

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Evoluant au milieu de la cité blanche avec une grâce qu'un danseur lui aurait enviée, Sinove se rapprochait de son objectif tranquillement, tandis que la foule l'entourait comme l'eau entoure un nageur. Elle se déplaçait facilement, silencieusement, sans jamais avoir à pousser qui que ce fût. C'était comme si son corps ondulait pour épouser le moindre espace libre, et se plier aux contraintes de son environnement, plutôt que de le tordre à sa volonté. Elle allait à une allure naturelle, rapide sans être anormale, et elle ne laissait dans son sillage qu'un parfum épicé, légèrement poivré en vérité, pour éviter qu'un chien ne puisse suivre sa trace au flair. Il faisait chaud pour la saison, probablement par contraste avec le terrible hiver qui s'était abattu sur la Terre du Milieu, mais la jeune femme portait une tunique de cuir sobre boutonnée jusqu'à la base du cou, avec des manches longues. Elle avait un chapeau à larges bords sur la tête, autant pour se protéger du soleil que pour dissimuler ses traits sous une chape d'ombre à quiconque aurait jeté un regard dans sa direction. En fait, elle était habillée comme une servante, une domestique, et elle était venue à Minas Tirith en tant que cochère.

La couverture était idéale. Il y avait plusieurs milliers de personnes dans la Cité Blanche, dont un bon nombre venant d'ailleurs. Les attelages étaient arrivés en masse, et les cochers circulaient donc dans la capitale du Gondor pour profiter pleinement des festivités, avant de repartir sur les routes. Nul ne faisait attention à eux, car tout le monde était concentré sur les principaux invités, les riches et les puissants qui s'entouraient de gardes et de mercenaires pour assurer leur protection. Certes, les armes étaient interdites dans la cité, mais pour la plupart ces combattants savaient se débrouiller avec leurs poings, et ils prendraient volontiers un coup d'épée à la place de leur patron si d'aventure quelqu'un enfreignait la règle. Sinove, en tout cas, appréciait de pouvoir déambuler de la sorte sans risquer d'être agressée par un individu suspect, et elle allait et venait à Minas Tirith comme une habituée des lieux, ce qu'elle était sans aucun doute.

Depuis la mission catastrophique avec Mirallan, il s'était passé du temps, mais elle avait suffisamment arpenté ces rues, de jour comme de nuit, furtivement ou pas, pour connaître leur agencement pratiquement par cœur, et pour savoir quel trajet il valait mieux emprunter pour se rendre à destination. En l'occurrence, elle avait choisi le chemin le plus fréquenté, pour éviter d'être suspecte, et pour compliquer la tâche à quiconque voudrait la suivre. Une précaution qui n'était pas nécessaire au vu de ses capacités martiales, mais elle avait pour la première fois de sa vie laissé des individus potentiellement hostiles en vie à Minas Tirith, et elle ne se sentait pas aussi à l'aise que d'ordinaire, lorsqu'on l'affectait sur une mission. Surtout que ces adversaires étaient talentueux... en attestaient les nombreuses blessures que son corps avait récolté dans la bataille, et qui avaient mis du temps pour guérir.

Elle se faufila tranquillement jusqu'à l'assistance qui applaudissait le Roi, en tapant des mains machinalement pour se fondre dans la masse, mais en focalisant toute son attention sur les signes. Le billet reçu dans le temple d'entraînement était clair : venir seule et attendre la fin de la cérémonie. Pour le reste, il n'y avait aucune précision. Elle était habituée aux fantaisies d'employeurs tous plus scrupuleux sur la sécurité les uns que les autres, et cela ne la choquait pas outre mesure. En règle générale, elle attendait pendant un bon moment, jusqu'à ce qu'il n'y eût plus personne. Alors, un colosse bien armé venait la voir en lui demandant d'une voix grave si elle était là pour le contrat. Elle ne répondait pas, et se contentait de lui emboîter le pas, pour aller étudier le cas, et signer l'accord passé entre les deux parties.

Mais ici, les choses ne se passèrent pas exactement comme prévu. La cérémonie venait de s'achever, et la remise des présents démarrait. Une partie de la foule s'était dirigée vers la tente officielle, afin d'y voir des personnalités importantes, tandis que plusieurs autres retournaient en ville pour célébrer à leur façon le mariage, profiter des tavernes et des bars, faire de bonnes affaires chez les marchands qui s'étaient installés là récemment, et qui venaient de toutes les régions de la Terre du Milieu. Plusieurs gardes se détachèrent du lot, et emboîtèrent le pas à la foule, pour maintenir l'ordre, canaliser les déplacements, et éviter les cohues. De toute évidence, les mesures de sécurité étaient une question cruciale pour les autorités. Sinove demeura un instant immobile, ignorant si elle devait se rapprocher des badauds, ou filer avec les ivrognes. Durant sa seconde de réflexion, elle balaya les environs, et son regard croisa celui d'un homme qu'elle n'avait pas particulièrement envie de rencontrer.

Il portait une belle armure du Gondor, et une belle épée au côté, mais elle ne se trompait jamais sur un visage, et même s'il avait troqué ses vêtements ensanglantés et ses blessures abominables contre une tenue d'apparat et une paire de gants, il n'en demeurait pas moins le même homme au fond, le même serpent insaisissable, toujours prêt à mordre. Elle savait qu'il y avait un risque pour que ses pas la menassent à lui, mais sur les douze envoyés à Minas Tirith, elle était la seule à être revenue, et elle était celle qui connaissait le mieux la ville, désormais. Elle n'avait pas eu le choix. Comprenant que sa présence n'était pas une coïncidence, elle tourna les talons en rabattant son chapeau, et s'éloigna en direction des étages inférieurs de la cité, suivant pour l'instant le gros de la foule, avant de bifurquer dans une ruelle proche, où elle attendit dissimulée dans l'ombre. Elle n'avait pas l'intention de l'attaquer, car il était armé et elle non, mais il y avait une chance pour qu'il voulût signer un contrat, et elle n'avait pas le droit de fuir pour des motifs personnels sans avoir pris le temps de vérifier la faisabilité d'une mission. Telle était la règle.
Sujet: Qui paie ses dettes...
Ryad Assad

Réponses: 32
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Rechercher dans: Les Ruelles du Premier Cercle   Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Qui paie ses dettes...    Tag sinove sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 21 Jan 2014 - 22:17

Il en avait tué trois.

L'information mit un moment à arriver au cerveau embrumé de la jeune femme, qui ne réalisait pas encore bien ce que cela signifiait. Elle avait essayé de s'accrocher, de suivre leur discussion, mais ils parlaient vite, et débattaient sur des choses qu'elle ne maîtrisait pas totalement. Après tout, comme ils l'avaient si bien expliqué, elle n'était que le bras armé de Mirallan. Le fait que le marchand se fût laissé aller à parler devant elle et ses compagnons à plusieurs reprises ne signifiait pas qu'elle avait écouté ce qu'il avait à dire, ni d'ailleurs qu'elle avait compris ce qu'elle avait pu entendre au passage. En règle générale, pour réussir à tenir debout pendant de longues heures sans ciller, ils se déconnectaient de leur corps, et plongeaient dans leurs pensées, réfléchissaient intensément. C'était une forme de méditation sur la forme, mais en réalité ils ne cherchaient ni l'apaisement ni l'élévation, mais plutôt un état d'ouverture sensitive au monde extérieur qui leur permettait de percevoir aussi distinctement les bruits de pas et les grattements de la plume sur le papier que le tambour de leur propre cœur. Les Douze n'étaient pas des gardes du corps zélés, mais de véritables outils, que l'on utilisait en cas de besoin, et qui sinon vivaient leur vie. Leur employeur était dans ses propres affaires, et ils avaient l'entièreté de leurs pensées tournées vers l'objectif de le maintenir en vie, et d'accomplir ses quatre volontés, tant qu'il payait. Toutefois, ce n'était plus le cas, maintenant. Elle était là, privée de son employeur et donc de toute mission, seule car ses compagnons étaient décédés. Alors, elle comprit ce qu'il voulait lui dire. Devant ses yeux grands ouverts, elle vit en souvenir le carnage sans nom de la demeure Mirallan. Elle vit les corps mutilés de ses compagnons, se souvint de l'acharnement dont un de leurs assassins avait fait preuve. Se pouvait-il qu'il s'agît de Vipère en personne, celui qui se trouvait à moins d'un mètre d'elle ?

Il en avait tué trois.

Cela signifiait que par sa faute, trois des personnes qu'elle chérissait le plus au monde étaient mortes. Cela pouvait être une pensée paradoxale de la part d'un individu qui assassinait sur commande, qui massacrait indifféremment hommes femmes et enfants dès lorsqu'on le lui ordonnait. Mais bien qu'il n'y eût pas de logique à ce raisonnement, elle considéra ces trois meurtres comme une chose horrible. Elle n'aurait jamais pu mettre en balance la vie de ses compagnons avec celle d'inconnus dont elle ignorait tout, et qui pour la plupart étaient des bandits, des mercenaires avides de sang, des individus peu scrupuleux. De toute façon, pouvait-elle vraiment mettre des vies en balance ? Parce que les siens avaient tué, méritaient-ils de mourir ? Méritaient-ils de vivre parce qu'ils avaient tué des gens qui eux-mêmes avaient tué ? Jusqu'où devait-on remonter ainsi pour trouver l'origine du mal, et l'éradiquer ? Le pouvait-on seulement ?

Une crise soudaine la saisit comme si une créature démoniaque s'était fait un devoir de lui déchirer les entrailles. Elle se crispa si soudainement et si violemment que les os de sa nuque craquèrent. La douleur était terrible, cela se voyait sur son visage qui rougissait à vue d'œil, et elle offrait un spectacle pitoyable. Les muscles saillaient de son cou tendu à l'extrême, et ses longs doigts fins s'étaient refermés sur les draps comme les serres d'un quelconque prédateur volant sur le cou d'une malheureuse proie. La douleur semblait sur le point de la tuer, de la rendre folle, avant de refluer soudainement, la laissant totalement vidée, la respiration haletante et sifflante. Elle retomba sur le lit, le front luisant de transpiration, et essaya de reprendre son souffle. De toute évidence, elle souffrait tellement qu'elle avait dépassé le stade où elle avait peur de la mort, et elle paraissait surtout craindre un prochain afflux de douleur qui refuserait encore une fois de la tuer. C'était comme si rester vivant était encore plus pénible que de céder à la nuit éternelle. Arrivée à ce stade, pouvait-elle encore refuser la proposition de Vipère ? Qui en aurait eu la force ?

- J'accepte... Souffla-t-elle d'une voix éteinte. J'accepte...

Elle serra les dents, sentant une autre crise arriver, et ferma les yeux comme si elle allait être percutée par quelque chose. Cette fois, lorsqu'elle perdit le contrôle de son corps, elle sentit des larmes couler le long de ses yeux. C'en était bien trop pour tout être humain normal, et elle avait déjà poussé son corps dans ses derniers retranchements. Le simple fait qu'elle fût encore en vie était extraordinaire, mais alors imaginer qu'elle pût rester consciente pendant aussi longtemps était fou. Contrairement aux autres crises, celle-ci sembla durer plus longtemps, et la jeune femme eût l'impression qu'on lui enfonçait lentement et douloureusement une immense vis dans le crâne. Elle lâcha une plainte entre ses dents serrées, et fut agitée de spasmes qui, de l'extérieur, devaient paraître effrayants. C'était comme si son corps essayait, en réalité, de chasser la douleur d'une manière ou d'une autre, quitte à se blesser encore davantage. Et puis la crise passa, aussi brutalement qu'elle était venue, laissant la jeune femme en larmes, les yeux encore plus vides que d'habitude, presque totalement brisée. Elle n'était même pas l'ombre de la combattante qu'elle avait été. A visage découvert, elle ressemblait à une frêle et inoffensive pucelle que l'on aurait obligé à subir le pire des traitements qu'un être humain pût supporter. La vision de son supplice devait être difficile à supporter.

- La preuve se trouve... dans ma poche... intérieure...

Elle déglutit péniblement, et essaya de bouger pour trouver une position plus confortable. Une crise aussi brève qu'intense la saisit, durant à peine deux secondes. Elle s'en alla en un instant, laissant la jeune femme haletante, presque anéantie. Elle inspira douloureusement, et ajouta :

- Je ne vous ferai pas de mal... Ni à vous... ni à... ni à...

Ses sourcils fins se froncèrent, et elle ouvrit la bouche pour former un mot silencieux. Une lueur de panique passa dans ses yeux, que les deux autres personnes dans la pièce ne surent interpréter comme il le fallait, sans quoi ils auraient probablement réagi plus vite. La jeune femme tendit brusquement une main vers Vipère, et réussit à lui attraper le poignet. S'il en doutait encore, il avait désormais la preuve qu'elle avait une force surprenante pour quelqu'un de son gabarit. Elle était presque tombée du lit pour réussir à s'emparer de lui, mais malgré tout, elle ne semblait avoir aucune intention hostile :

- Pitié... Je n'arrive pas... Je n'arr...

Elle étouffait. Son cœur s'était emballé, sous le coup de la terreur, de l'angoisse, et peut-être des effets du poison, alors que son organisme ne semblait plus capable d'accepter d'oxygène. Et pourtant, curieusement, dans cette situation, elle cherchait toujours à formuler une phrase cohérente, structurée, logique. Elle aurait pu tenter de lui faire comprendre ce qu'il avait de toute évidence bien deviné avec des signes, avec un minimum de mots, mais c'était comme si l'esprit essayait de se raccrocher aux dernières parcelles de lucidité qu'il avait, d'entretenir la flamme de la raison aussi longtemps que possible. Aux portes de l'arrêt cardiaque, elle continuait à vouloir s'exprimer correctement.

Alors qu'elle tenait toujours Vipère, plongeant son regard bleu pâle dans celui, gris, de l'homme masqué, une crise vint la secouer. Le temps sembla se suspendre, et dans les yeux de la jeune femme, on vit successivement passer la terreur, puis une immense douleur, puis plus rien. Elle n'avait même pas eu le temps de fermer les paupières avant de tomber inconsciente. Son corps, agité de légers tremblements, paraissait venir d'être frappé par la foudre, sans pour autant qu'elle fût en mesure d'y réagir. Elle glissa en dehors de ses couvertures, et s'effondra lourdement sur le sol parqueté de la chambre. Ses jambes fuselées, enfin libérées de leur gangue, se mirent à s'agiter de manière anarchique, tandis que, de manière tout à fait paradoxale, son regard restait fixe, grand ouvert. Ses défenses étaient en train de céder face au poison, et si personne ne faisait rien pour la ranimer, aucun antidote ne parviendrait à la sauver...


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La jeune femme ouvrit les yeux précautionneusement, comme si l'univers entier risquait de s'écrouler à cause d'un faux mouvement de sa part. Elle s'assura qu'il tenait bien en place, avant de cligner des paupières à plusieurs reprises pour ajuster sa vue à la luminosité qui l'environnait. C'était de toute évidence le début de la soirée. Soirée parce que par les fenêtres aux rideaux tirés, elle pouvait voir l'obscurité rampante qui avait pris possession de la ville, et pouvait sentir le froid s'insinuer en elle malgré le crépitement d'un feu de cheminée que l'on avait allumé non loin. Début parce que les trois femmes dans la pièce n'étaient pas encore couchées. Une d'entre elle était debout, et faisait les cent pas, jetant un regard peu amène sur la convalescente à intervalle régulier. L'autre, installée près de la fenêtre nonobstant la proximité avec le monde extérieur glacé, regardait dehors d'un air absent. Toutefois, elle était placée de sorte à garder la porte dans son champ de vision. La dernière, installée face à un petit bureau juste à côté de la cheminée, rédigeait une lettre avec soin, cherchant ses mots. La première toussota discrètement, et attira l'attention des deux autres. La troisième, qui n'était autre qu'Emelyne, se leva alors et s'approcha de la chaise vide laissée par Vipère.

- Vous êtes réveillée, constata-t-elle. Comment vous sentez-vous ?

Une rapide inspection permit à la jeune femme de remarquer qu'elle n'était pas totalement remise. Elle n'avait aucune preuve de ce qu'elle avançait, mais elle aurait juré que le poison circulait toujours dans son organisme. Peut-être se trompait-elle, et peut-être l'avait-on soignée durant son sommeil. Elle avait très bien pu se réveiller et ne pas s'en souvenir, tout comme elle gardait un souvenir très flou et distant des événements qui avaient précédé son évanouissement. Elle se souvenait vaguement de la conversation, et puis plus rien. Levant les yeux vers Emelyne, la jeune femme lut en elle une confusion de sentiments qui la surprit. Elle semblait avoir été affectée par la mort d'Elgyn, à un degré qui laissait à penser que leur relation pouvait avoir été plus que strictement professionnelle. De fait, se retrouver face à une des Douze, qui avaient tout fait pour les arrêter, et qui avaient tué de leurs mains Elgyn, devait être extrêmement difficile. Qu'est-ce que Vipère avait dû lui dire pour la convaincre de ne pas la laisser mourir ? Elle était curieuse de le savoir. Mais dans le regard de cette femme, il y avait autre chose de plus étonnant. Un sentiment beaucoup moins négatif, qu'elle n'aurait su décrire avec précision. Etait-ce une forme de compassion ? De pitié ? Ou bien quelque chose qui s'apparentait plus à de la solidarité ? Impossible de le dire, mais il paraissait qu'elle désirât de toutes ses forces la haïr, mais qu'au fond d'elle-même elle ressentait une certaine proximité vis-à-vis de la jeune femme. Toutes deux, de toute évidence, souffraient de blessures qui avaient laissé des cicatrices. Celles de la convalescente étaient simplement plus visibles. Comme elle ne répondait pas, Emelyne tenta une autre approche :

- Vous avez un nom ?

La jeune femme plissa les yeux, cherchant à savoir ce qu'elle pouvait bien vouloir dire par là. S'agissait-il d'une simple curiosité, parfaitement innocente, ou bien de quelque chose de plus profond ? Elle pouvait vouloir connaître son nom pour se renseigner sur son compte, et remonter jusqu'à l'endroit d'où elle venait. Peut-être craignait-elle qu'apparussent de nouveaux guerriers comme elle, ce qui était fort peu probable au regard de la politique de l'école où elle avait grandi. Discrets et secrets, c'était ainsi qu'ils avaient été élevés, et ils n'agissaient jamais au grand jour de leur propre initiative. Une autre option était qu'elle se renseignât pour faire connaissance, pour essayer de briser la glace, et de s'en faire une alliée. Etait-ce une tentative maladroite - ou honnête ? - de se rapprocher, et de faire comprendre à la jeune femme qu'elles combattaient désormais le même adversaire ? Toutes ces pensées agitaient l'esprit de la blessée, qui sentit poindre un mal de crâne indésirable. D'une voix fatiguée, elle répondit :

- Sinove.

Emelyne hocha la tête, son visage ne trahissant aucune réaction qui eût permis de se faire une idée quant à ses motivations réelles. Elle se contenta de dire :

- C'est un nom étrange... Ne bougez pas, je vais vous faire apporter quelque chose à manger.

Elle se leva en ramassant ses robes, et fit deux pas en direction de ses protectrices, pour leur donner des consignes. Toutefois, en se tournant négligemment vers leur patiente, elles purent constater que celle-ci s'était déjà rendormie. Elle n'avait pas eu de crises, mais c'était probablement parce que son corps n'avait pas vu de nutriments depuis bien longtemps, et qu'elle n'avait plus assez d'énergie pour souffrir. Le sommeil était son seul refuge, et tant qu'elle n'aurait pas été soignée, elle serait incapable de reprendre des forces.


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Sinove, car c'était ainsi qu'on l'appelait depuis qu'elle avait intégré son école, se réveilla à nouveau en pleine nuit, rappelée à l'état conscient par une crise nocturne qui lui laissa une désagréable sensation de faiblesse. Elle frissonna, malgré les couvertures qui la préservaient de la froideur de l'air, mais essaya de se détendre pour ne pas gaspiller ses forces. Elle ferma les yeux, et s'endormit presque aussitôt. Mais toute la nuit, les crises la rattrapèrent, et l'arrachèrent du sommeil comme on arrache un enfant des bras rassurants de sa mère. Elle se réveillait à chaque fois, en larmes, hantée par de mauvais rêves que décuplait sa souffrance physique. Elle se voyait recevoir des coups de poignard en plein visage par Vipère, qui se dressait au-dessus d'elle, les yeux fous. Elle essayait de se protéger, mais son corps tétanisé était incapable de se défendre, et il s'appliquait à tracer une longue ligne irrégulière partant de son front jusqu'à sa poitrine. Il enfonçait la lame cruellement dans sa peau, et elle sentait l'acier déchirer lentement ses organes, fendre sa chair comme des ciseaux fendent le papier. Et pendant tout ce temps, elle était bloquée, un cri d'effroi bloqué dans sa gorge. Et à chaque fois elle se réveillait, toujours plus abattue, toujours plus délirante. Elle ne savait même plus si ses rêves étaient des rêves, et le mot réalité semblait avoir pris mille sens différents en quelques heures. Elle ne distinguait plus rien, et nageait dans la folie. La seule chose qui lui paraissait consistante, c'étaient les pics de douleur qu'elle endurait régulièrement... de plus en plus régulièrement. Ils étaient de plus en plus violents, aussi, et si au début elle avait été en mesure de serrer les dents, désormais elle hurlait à pleins poumons, à s'en briser la voix. Et lorsqu'elle n'était pas saisie, elle gémissait, implorait des gens qu'elle seule connaissait, et avait parfois des accès de rage.

Des bras trop puissants pour elle la plaquèrent contre son lit. Etait-ce pour l'empêcher de se blesser, ou pour l'empêcher de faire du mal à autrui ? Elle avait la conviction que la réponse ne pouvait pas être "les deux". Ses hurlements désespérés étaient un supplice pour quiconque l'entourait, autant que la vision de ses yeux vides pleins de larmes, de ses mains délicates couvertes du sang qu'elle crachait parfois. Elle avait cessé de se débattre depuis deux heures, cessé de pleurer depuis une quand on frappa soudainement à la porte. Le jour s'était levé, mais il était impossible de savoir l'heure qu'il était. Au vu de la nuit qu'elle avait fait passer à ses hôtes, elle n'était pas la seule à espérer qu'il s'agît de Vipère venu lui apporter l'antidote, mais elle n'en était pas certaine. Car elle n'avait pas eu le temps de leur dire que le contact chercherait à éliminer Emelyne. Il fallait espérer qu'il eût d'autres plans en tête pour l'heure...
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