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 Pélerinage de Manwë

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Isilo
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Pélerinage de Manwë EmptyMar 14 Juin 2016 - 2:12
Le chemin s'était montré aussi clément que celui vers Fondcombe et avait laissé le corps d'Isilo avec peu de force au moment où, le visage rougi par les flammes, lui, quelques voyageurs, ainsi que quelques accompagnateurs étaient réunis en rond, sur le sol frais du soir. Plusieurs de leurs légères tentes de voyage étaient déjà montées, seul les dernières miettes du repas trainaient dans les plats de bois et l'herbe longue de la vallée au pied de la montagne avait déjà bien pris la forme de couchettes confortables où tous vaguaient désormais entre le monde des rêves et celui-ci. Comme des enfants qui préfèrent s'endormir adôssés à un mur, peut-être par peur ou du noir ou à cause d'une sécurité bien virtuelle, les voyageurs avaient établi leur camp en confiant leurs arrières au Haut-Col, qui, tout comme le crépitement du bois, réconfortaient même les guerriers les plus aguéris de sa présence. Ainsi, telle une ombre à la personnalité tranquille, il veillerait sur les esprits sereins des voyageurs qui avaient trouvé en ses falaises escarpées une sorte de repère, un toit rassurant face à l'infini trop vaste de corps célestes des royaumes d'En-Haut.  

Dans les complexes tresses de branches et de feuilles, l'entrée secrète à leur campement, se mêlaient les longs cheveux de la Dame du Valinor, que la journée ne semblait pas pour le moins du monde avoir fatiguée. Isilo la voyait comme un rossignol, qui se reposait méditativement dans les derniers soupirs du crépuscule, et dont la présence bénissait leur compagnie, qui, comme magiquement, s'était formée sans la moindre difficulté ou contre-temps. En effet, le matin suivant avait semblé être le moment le plus opportun qui eut été et tout, de leur regroupement aux portes d'Imladris, jusqu'à leur rencontre avec d'autres voyageurs, s'était effectué dans le déroulement le plus naturel qui soit. Ainsi, c'est pour cette raison qu'Isilo avait su qu'il avait eu raison de partir et que les événements s'enchaîneraient comme ils le devaient, que son coeur était en synchronie avec la trame du temps que façonnait les Valars. Quand ses paupières commençaient à se faire lourdes, il fit sa révérance à sa Dame, scruta de ses sens elfiques les alentours une dernière fois, sourit à son compagnon de voyage et se leva sans le moindre bruit; silence qu'il aurait pu perturber, mais dont la voix si douce se mêla à celle de la brise légère. Sachant qu'il ne verrait probablement pas ses compagnons à son réveil, Isilo ne voulut pas se montrer ingrat du calme que lui offrait la lune et les étoiles et se contenta d'un adieu sans prétention, dans la langue de ses aïeux, la plus belle de toutes.

- Namarië.

Le seigneur Elfe se réveilla en sursaut vers la fin de son sommeil trop généreux, semblait-il, en régénérescence. Encore une fois, ses rêves venaient lui confirmer le bien-fondé de son voyage, mais se montraient toujours mystérieux quant au sens de celui-ci. Des battements d'ailes, des cris célestes déchirant les cieux, des serres découpant de leur force la chair, fendant l'air et broyant le bois... Décidément, ces esprits communiquaient avec lui dans une langue obscurcie par les vappes du monde des rêves, mais, quoi qu'il en eut été, il était bel et bien question d'un message, pensa Isilo, les yeux grands ouverts, le regard figé sur la toile jaunie de sa tente. Il respira, concentré sur la vapeur qui émanait de sa bouche. Il ferma les yeux afin de compter les respirations, suivre de son attention son ventre qui, tel le Grand Océan, montait et descendait et sentir le froid de la rosée, qui brillait dans les premiers rayons lointains. Ces derniers, envoyés de très loin, étaient pour Isilo, ce matin-là, porteurs d'une polarité fascinante et dérangeante à la fois: leur chaleur presque inexistante les rendait distants, mais leur lueur aveuglante qui perçait la nuit faisait d'eux une entité incroyablement présente. Une fois de plus, Isilo restait destabilisé par la puissance des choses autour de lui et par un monde qu'il croyait connaître, mais dont la Force qui le régissait se résignait à être inexplicable, encore et encore, aube après aube.

Comme beaucoup avant lui l'avaient fait et comme nombreux seraient ceux qui continueraient de la faire par la suite, Isilo prit une dernière respiration allongé et s'échappa de ses couvertures, laissant le confort de sa chaleur corporelle derrière lui, qui, elle, dorénavant devait être confrontée au froid glacial du monde extérieur. Un froid dans lequel le Haut-Col et les pics cousins semblaient se complaire, stoïcs comme des sages depuis le début des temps. Avec la lenteur dans laquelle il avait appris à faire les choses auprès de ses enseignants les plus chers, il sortit de sa tente et décolla lentement la peau de ses paupières du creux où elles avaient été confinées toute la nuit, et peu à peu, ramâssa ses biens, démonta sa tentes et termina les derniers préparatifs avant de se dédier à ce qui semblaient être, à ce moment-là, l'ascencion la plus difficile de sa vie. Sans plus tarder, il regarda sa partenaire de voyage et celle qui avait aussi été, vraisemblablement, sa plus fidèle alliée dans les projets les plus récents de sa vie, et lui sourit, lui indiquant donc que le pélerinage avait commencé. Isilo, heureux, mais pas tout à fait reposé, fit le premier pas en avant, s'inclinant devant le géant de roche et d'immobilisme, qui, on aurait pu croire lui barrait la route, mais, qui, en fait, allait être sa rédemption et sa médecine.

Pélerinage de Manwë Mistymountainsimg_0180

Quand le jour était encore jeune, le vent commença se monter plus envahissant et Isilo comprit que les défis allaient commencer pour eux deux, des Elfes qui s'étaient rendus là où, probablement personne ne s'était jamais rendu à ce jour. Au-delà de la rudesse de la saison et de l'environnement, ces montagnes avaient une aura et une préstence, qui avaient la capacité de décourager le plus hardi des aventuriers et de plonger dans la folie les plus faibles d'esprits ou les créatures du mal. En effet, ces monts avaient été créés par les grands artistes d'Arda, les Valars, pour reigner sur la terre, comme des tours de garde pour des êtres célestes dont l'oeil vigilant ne se fermait jamais et pour qui personne n'était caché, mis à part peut-être le Grand-Mal du nord, autrefois. Quoi qu'il en eut été, Isilo et Tatië avaient eu l'audace d'accomplir leur pélerinage dans des lieux hautements sacrés et où les esprits pouvaient se montrer sans pitié, même pour les préférés des Valars. Ici, il fallait se rappeler que les êtres de chair n'étaient plus, désormais, les patrons, mais qu'ils étaient à la merci de volontés plus grandes rarement palpables. Par conséquent, même la plus visible des pierres et le plus handicapant des maux physiques n'étaient guère porteurs de sens en comparaison avec ce que les présentiments et les messages en provenance du 6e sens pouvaient révéler. Tout se jouait dans l'au-delà, dans l'invisible, selon leurs règles, pas celles des Hommes, ni des Elfes.

Les esprits du vent, les serviteurs de Manwë, bardassaient Isilo et sa partenaire, qui peinaient désormais à faire un pas devant l'autre. Légers comme un sac de plumes, l'équilibre, pour eux, devenait quelque chose de plus complexe alors qu'ils devaient se frayer un chemin entre les roches aux pointes tranchantes, les rares, mais vicieux buissons épineux et en gardant sur leurs épaules les dernières rations de nourriture, ainsi que leur abri, que la montagne tentait désespérément de leur enlever.  Aussi, le froid commençait à se faire et sentir et la faim qui les rongeait, elle, peu soucieuse du nombre d'heures qu'il semblait leur rester. Isilo, lui, tentait de se montrer soucieux du confort de Tatië, qui, elle oui, montrait des signes de la fatigue physique. À ce moment, le jeune Elfe sentit  que leurs chemins se sépareraient bientôt, que la sagesse de la Dame lui montrerait sous peu le chemin du retour. C'est à ce moment qu'Isilo fit volteface pour adresser sa compassion et son doute à sa partenaire.

- Dame Tatië, je perçois votre fatigue et je sais que nos chemins sont sur le point de prendre des directions différentes, car la montagne n'a de place que pour un seul invité, semble-t-il. S'il vous plaît, prenez ce morceau de lamba, ainsi que le reste de mon eau. J'en trouverai au moment d'arriver aux surfaces enneigées, ce ne sera pas un problème, je crois. Désormais, je ne peux que quémander votre clairvoyance et votre sagesse; pouvez-vous me faire part de ce que votre instinct vous dit quant à la route à prendre ?

Comme un tonnerre qui pourrait déplacer des montagnes et fendre des vallons, un cri animal se fit entendre dans un proche horizon, à la hauteur du sol, possiblement, comme un écho qui s'échoue sur la paroi rocheuse au lieu de se perdre dans le firmament. Isilo sursauta et resta calme, silencieux, en attendant, peut-être, un second appel, un signe qu'il se rapprochait de sa destination. Étrangement, les cimes se faisaient encore bien loin et leur forme ne se découpait que très mal dans le ciel nuageux, indiquant que la distance à parcourir étaient longue, peut-être même, pénible. Pour cette raison, la rationnalité du Noldo était restée perturbée, car la présence d'un cri d'aigle si proche n'avait aucun sens, comme, en plus, la créature volante était, invraisemblablement, invisible et les alentours, calmes, sans un animal fuyant pour sa vie.

Isilo attendrait donc.

- Dame Tatië, qui parlera le premier: vous, ma Dame, ou la voix du Haut-Col, profonde et juste ?


Dernière édition par Isilo le Mer 15 Juin 2016 - 21:35, édité 2 fois
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Hadhod Croix-de-Fer
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Pélerinage de Manwë EmptyMer 15 Juin 2016 - 19:39
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Elle devait bien l'admettre, cette ascension vers le Haut Col se révélait encore plus ardue que ce à quoi elle s'était attendue. En prenant le départ la veille, elle se doutait bien que le chemin qui les attendaient viendrait à bout de la détermination de certains parmi les pèlerins, et c'est ce qui s'était passé. Mais elle avait eu dans l'idée d'accompagner Isilo jusqu'au bout de son entreprise, pensant que sa seule foi dans les projets du seigneur noldo la ferait passer outre la fatigue et la douleur. La douleur est dans la tête, avait-elle souvent ouï dire, tant et si bien qu'elle avait fini par croire totalement en cet adage. Peut-être l'adage était-il vrai, d'ailleurs, ou en partie vrai, ou vrai pour certains. Elle imaginait aisément qu'Isilo puisse, par la force de son esprit, faire abstraction de la douleur jusqu'à un certain point, mais hélas elle ne disposait pas des mêmes capacités de concentration. Et puis, si l'Unique avait fait don de la souffrance aux elfes, n'était-ce pas afin de les aider à préserver leur hröa ?

Mais il y avait autre chose. La fatigue qu'elle ressentait ne semblait pas naturelle, et jamais auparavant n'avait-elle expérimenté une telle sensation. La traversée de l'Eriador, des Mithlond à Imladris, qu'elle avait effectuée juste après son arrivée sur  Ennor au siècle dernier, n'avait pas été aussi dure en terme de relief, mais s'était étendue sur bien des jours, et pourtant elle n'avait point ressenti ce qu'elle ressentait à présent. Non, cette lassitude n'était pas naturelle, et plus elle retournait cette question dans sa tête, plus ses pensées convergeaient vers la même explication : une volonté lui barrait de toute évidence la route, changeant ses vêtements en plomb et ses jambes en coton de manière à l'épuiser, à la freiner, à la faire renoncer, de la même manière que les autres marcheurs avaient renoncé avant elle. On aurait dit que tout était fait pour que personne ne puisse suivre les pas d'Isilo, comme si ce dernier devait se rendre seul au bout de son périple.

- Mais une volonté maléfique, ou sainte ?

Tatië se rendit compte qu'elle venait de poursuivre ses cogitations à haute voix. Elle regarda dans les yeux de son compagnon pour voir s'il avait entendu ou non ses paroles, et s'aperçut qu'il tenait en main un bout de pain de route et qu'il le lui tendait. De toute évidence il venait de lui parler mais, absorbée, elle n'avait pas saisi le sens de ses phrases et il dut répéter ce qu'il venait de lui dire.

Isilo avait remarqué son mal-être, et lui demandait justement s'il ne valait pas mieux qu'elle prenne le chemin du retour, et qu'il continue seul. Le cœur de la dame connaissait la réponse à ce choix, mais elle paraissait si brutale et définitive qu'elle préféra ne pas répondre tout de suite, pour se laisser le temps de peser encore une fois le pour et le contre. Entretemps, un cri retentit en écho jusqu'à eux. Thoron... pensa Tatië. Était-ce un signe ?

- Dame Tatië, qui parlera le premier: vous, ma Dame, ou la voix du Haut-Col, profonde et juste ?

Elle venait de prendre sa décision.

- Il semble que la voix des montagnes, la voix du vent, ou une voix infiniment plus profonde parle à travers mon corps, et m'enjoint de renoncer à ce pèlerinage qui pourtant me tient tant à cœur. J'ignore pourquoi, mais j'ai maintenant la conviction que mon rôle n'est pas de vous accompagner sur les hauteurs, et que vous devez terminer seul le voyage que votre cœur vous a inspiré lorsque nous devisions paisiblement dans la Salle du Feu. Vous rappelez-vous ? C'était il y a à peine deux jours, et pourtant j'ai l'impression qu'un siècle a passé depuis. J'espère seulement que vous ne verrez pas mon renoncement comme une trahison, car ce n'en est point une. Aussi, je ne retourne pas dans la douce maison de la vallée. J'attendrai ici même, sur ce froid espace plat au flanc de cette montagne, votre retour. J'ai le sentiment que lorsque nous nous reverrons, vous distinguerez plus clairement le destin qui vous a poussé à quitter votre fief et à... regarder le monde. Alors, vous me retrouverez là, prête à vous dispenser mes avis sur ce que vous aurez appris au sommet. Suivez les échos Isilo, ils vous guideront.

Et, comme elle terminait sa phrase, un nouveau cri se fit entendre, lointain mais clair.

♦ ♦ ♦

Loin de là, de l'autre côté du Haut Col, le volatile posé sur le pic rocheux scrutait les cieux. La perplexité s'était emparée de son esprit antique... Le vent avait changé brusquement de direction ce matin, se changeant en vent d'Est puissant et se précipitant en direction de la lointaine Mer de l'Ouest. Il ne pouvait en expliquer la raison, mais cela le remplissait d'une joie et d'un espoir qu'il n'avait pas connu depuis bien longtemps. Quelque chose de divin était à l’œuvre. Il ne put s'empêcher de laisser exprimer cette joie inexplicable à haute voix, et fit de même pendant toute cette étrange journée.
#Isilo #Tatië


The Half Cop
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Pélerinage de Manwë EmptyJeu 16 Juin 2016 - 2:12
Ainsi donc, les esprits de la montagne avaient pris leur décision et les pions seraient déplacés  de manière à respecter leur volonté qui était, en ce moment, incompréhensible même pour un sage endurci et éveillé. La montagne était maintenant loin d'être tranquille et lui faisait sentir qu'il ne pouvait plus rester sur place encore beaucoup de temps; chose qu'il comprenait à cause des turbulences si fortes que même le sol sous ses pieds semblait vasciller, comme si la montagne se laissait chavirer afin de le faire glisser. Pour Isilo, ces événements faisaient partie du défi que les esprits lui posaient, un défi qui ne faisait que commencer, car, jusqu'à maintenant, Isilo avait bénéficié de la présence apaisante de son amie, qui avait gardé ses arrières. En fait, l'aura de cette dernière avait agit comme celle d'un mère qui apprend à son enfant à marcher, lui faisant croire qu'aucune chute n'est possible jusqu'à ce que ce dernier avance lui-même. Ironiquement, Isilo se sentait justement comme s'il était en train d'apprendre à marcher. Maintenant, son alliée la plus précieuse devait se plier aux commandements des esprits des monts et donner la chance à son protégé d'accomplir ce qu'il était venu faire. La réaction du seigneur Noldo fut alors très positive lorsqu'il se rendit compte que Tatië était sur la même longueur d'onde que lui et lui annonça qu'une force la contraignait à rester ici pour attendre. Une fois de plus, tout semblait se dérouler comme prévu. Pour Isilo, qui croyait ne pas s'être trompé jusqu'à présent, tout se déroulait bien, même si ses forces se faisaient moindres et ce, à un rythme qu'il n'avait jamais connu auparavant.

Isilo continua alors son chemin empruntant un passage qui s'élevait verticalement vers ce qui semblait être le sommet le plus haut de la cordillière. D'un air décidé, invraisemblablement poussé par le même vent d'Est qui le bardassait, il rafermit son sac à dos sur ses épaules et regarda vers le ciel, en tentant de ne pas concentrer son attention vers la cime, encore tellement trop haute. Brusquement, il arrêta ses pas lorsqu'il se rendit compte qu'il était désormais seul; sentiment qui se traduit par son front qui se crispa et sa tête qui s'abaissa vers sa poitrine. Il avait oublié de faire ses adieux.

- Dame Tatië, je reviendrai bientôt et Ennor sera différent à ce moment-là; un de ses enfants sera changé. Je n'ai qu'une faveur à vous demander: si jamais nos regards ne se croisaient plus, suivez votre coeur lorsqu'il vous dira de retourner chez vous. Votre bonté envers moi a été sans borne et votre travail auprès de ma personne est accompli.

Au moment où Isilo exprima tout son amour pour son amie, il sentit une bourrasque déformer les traits de son visage et sa vision s'embrouiller au point où son coeur se crispa quand il cru que Tatië avait été emportée avec la poussière. Quand il pu ouvrir les yeux davantage, il se réjouit de voir que la femme était toujours debout là où ils s'étaient laissés. Comme le vent se faisait de plus en plus féroce, il comprit qu'il devait continuer sa route et s'empressa d'aller dans la direction qu'il semblait le plus juste. Ainsi, il fit confiance à ses présentiments et tenta de s'orienter par rapport aux cris qui avaient retenti, non loin d'où il était. À cet instant, son intellect surgit du néant et une série de questions vinrent compromettre sa détermination et sa foi aveugle en sa mission. Et si ce cri n'était qu'un écho lointain provenant de montagnes tellement lointaines qu'il devrait marcher encore des semaines ? Ou pire, pouvait-ils être seulement des sorts que la montagne lui envoyait afin de le tromper ou une protection que les Valars mirent là-haut dans le but d'égarer les voyageurs imprudents et cacher une vérité trop importante ? Certes, il y avait quelque chose d'important en ces lieux et tout autour était étroitement lié afin que les choses restent comme elles étaient. Tout, là-haut, était en place pour protéger l'ordre du monde et un Elfe qui avait reçu une vision, une voix, pourrait peut-être, en fin de compte, être une nuisance plutôt qu'un invité. Quoi qu'il en eut été, cet Elfe allait bientôt le savoir.

- Je suis à votre merci et ma vie est entre vos mains. Prenez-la maintenant si telle est votre volonté.

Des cris se firent entendre de plus belle. Cette fois, Isilo était certain qu'il provenait d'un autre sommet ou d'un autre versant de la montagne et que la créature n'était pas à proximité. Or, cette distance ne fut pour lui ni rassurante ni menaçante. Si la chose était proche, peut-être était il plus près du but, mais plus en danger de mort. D'un autre côté, si elle était loin, peut-être s'était-il trompé de chemin et, ainsi, peut-être que la fatigue aurait raison de lui. Toutefois, au point où il en était, Isilo se résout à continuer vers la haute cime, autrement dit, sur le chemin sur lequel il s'était engagé et où, vraisemblablement, sa Dame l'avait dirigé. Peu à peu, la cadence de ses pas se stabilisa et il se mit à prier, récitant des textes que ses ancêtres avaient écrits, relatant la beauté du monde. Quand ses prières n'étaient pas interrompues par des cris lointains ou par ses propres pensées, il pouvait se concentrer sur son hroä et sur sa respiration, et, seulement là, il pouvait trouver une paix dans sa condition. Par contre, quand ses pensées retentissaient trop fort, il pouvait ressasser ses connaissances sur les Thorons et se mettre à chercher des signes de leur présence: des empruntes, des carcasses de créatures géantes, des proies, des ombres énormes sur la pierre. Aussi, il lui arriva de se rappeler de son enfance et de contes que sa mère lui contait qui parlaient des messagers, des hérauts de Manwë. Isilo était encore jeune et sa présence en ce monde, nouvelle, mais il se rappela d'une histoire en particulier, où un Mage venu de l'Ouest s'était lié d'amitié avec le Seigneur du Vent, Gwaihir, comme elle l'appelait. Mystiquement, leurs destinées avaient été liées jusqu'au jour où un des deux Maiars repartit vers la demeure éternelle de l'Ouest. Malheureusement, sa mère était parti trop tôt pour connaître la fin de l'histoire qui lui aurait indiqué si ce Seigneur, peut-être peiné par un ami très cher, était toujours en ces terres.

Mais les pensées du seigneur Elfe s'étaient faites trop présentes pour que ce dernier se rende compte qu'il s'était dirigé vers des pics enneigés. Quant il revena à lui même et à la réalité, le privant de la concentration qui l'avait aidé à garder un rythme d'escalade efficace, au moins un mètre de neige s'accumulait sous ses pieds qui, par chance, ne s'enfonçaient pas dans la poudrière.Trop déstabilisante était probablement la réalité dans laquelle il était désormais qu'elle le frappa de fouet quand, comme par surprise, Isilo se sentit emprisonné dans le froid, la solitude et le doute. Les lueurs du jour n'étaient, à ce point, qu'un souvenir des heures les plus agréables de sa montée et la couleur du crépuscule perdait du terrain sur le firmament face à la nuit qui l'envahissait. À cette altitude, les bourrasques étaient prévisibles, car on les entendait venir dans le lointain, tel des cavaliers qui chargeaient et qui ne laissaient rien derrière eux. Ainsi, quand Isilo sentait le vent qui voulait l'emporter pour le jeter dans les crevasses obscures et mortelles, il s'agenouillait et leur faisait face directement, en leur souriant d'un sourire parfois forcé, parfois désespéré. Isilo se rappelait de ce que ses maîtres lui avaient toujours dit: respecte les esprits, car tu n'auras jamais, probablement, le savoir pour que ces derniers se plient à ta volonté. Tu seras toujours à leur merci, quoi qu'il arrive. Par conséquent, il avait foi en la possibilité qu'en s'inclinant devant eux, ils lui laisseraient prendre une respiration de plus dans cet enfer de glace. Mystérieusement, l'Elfe était toujours là.

La nuit tomba alors qu'Isilo aurait dû être le premier à tomber, pensa-t-il. La lune brillait haut dans le ciel et les étoiles du ciel se confondaient, dans les yeux du noldo, avec celles de la brillance de la neige.Tout était confu, sans dessous ni dessous, sans vrai ni faux. Isilo se demanda si la mort viendrait le chercher et l'espoir d'être délivré de ce corps lourd et des doutes pesants de son esprits le réjouissait. La lune, où sa mère se reposait dorénavant, semblait l'inviter à accomplir son ascension bien au-delà de la cime de la montagne, jusqu'au royaume des astres et des corps célestes. Pendant un instant, Isilo y crut et pensa mourir, laissant Tatië, ses amis, son fief et tout ses possessions impermanentes derrière lui, comme il avait été destiné à le faire un jour. Tristement, le jeune homme avait pensé, avant de commencer son long voyage, que ce jour n'était pas encore venu. Il s'était probablement trompé. Avec les forces qu'il lui restaient, Isilo s'assit en posture méditative, les yeux grands ouverts, tentant de stabiliser sa respiration, une dernière fois, bien que cette dernière chancelait et se coupait sans qu'il n'ait pu y changer quoi que ce soit.
En attendant le jugement des Grands Esprits, de Ceux-qui-Faisaient, il joint ses mains et puis tendit ses bras bien devant lui. Avec ses larmes qui se gelaient sur ses joues, les paroles qu'il prononça ne furent pas les plus justes qu'il connaissait, mais plutôt celles d'un coeur qui s'ouvrait violemment comme un vase de verre qui éclate.

- Manwë, toi qui m'a parlé dans ma tête et dans mon coeur, je me demande aujourd'hui pourquoi je suis venu ici, alors que mes mains, mon esprit et mon coeur auraient pu être des offrandes pour toi alors que j'étais encore en-bas, loin de ton visage, mais où ils auraient aussi été utiles pour ceux qui en avaient besoin.

Isilo sentit la fureur s'emparer de son corps et ne sut la réprimander.

- Que furent alors ces voix et ses battements d'ailes qui m'ont empli le coeur de passion et de bonheur ? Qu'en est-il de ces rêves de paix ? Je vois que toutes ces années passées à méditer sur la nature du monde ne m'ont pas fait plus sage, comme j'ai pensé que tu pourrais choisir le camp de la paix dans cette guerre qui déchire le monde. Non, toi et les tiens êtes comme ces Elfes qui s'isolent de la misère du monde comme si elle n'était pas aussi la leur !

Mais il ne voulu pas laisser Ennor derrière lui de cette manière. Il trouva donc la force de faire un dernier aurevoir empreint d'une sagesse plus profonde que d'une humanité éphémère.

- J'ai aimé ce monde et je sais que mes pas ont été justes, emplis de l'amour d'une mère et d'un père bons comme toi tu l'es. J'offre mon hroä à ta justice, que toi seul comprends, pour qu'il retourne à lumière et qu'il soit dispersé par ta bonté.

Sentant la vie qui s'élevait hors de son enveloppe corporelle, il ferma les yeux pour cette dernière fois dont il avait tant entendu parler. Il avait suivi son coeur et voulu profiter de ses derniers instants en ce monde, sur le toit d'Ennor, comme s'ils étaient des moments de pure extase, oubliant le froid et la solitude, oubliant qui il était.
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Dernière édition par Isilo le Mer 22 Juin 2016 - 1:38, édité 1 fois
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Hadhod Croix-de-Fer
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Pélerinage de Manwë EmptyLun 20 Juin 2016 - 21:00
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Il s'autorisa un dernier vol, un dernier tour dans les airs pour respirer la quiétude du ciel, haut, très haut, si haut qu'il pouvait regarder les fiers sommets des Hithaeglir d'un œil condescendant, eux qui malgré leur volonté de pointer vers le firmament n'en restaient pas moins liés à la terre, au sol d'Arda jadis façonné par Aulë, dont les créations ne dépasseraient jamais, en gloire ni en beauté, les œuvres de Súlimo. De son point de vue, rien n'était aussi délicieux que le vent sur lequel il se laissait porter en planant, ou qu'il battait de ses ailes puissantes lorsqu'il voulait prendre de l'altitude. C'était une chose magnifique et pourtant invisible, puissante et pourtant si subtile. Triste devait être la vie de ceux qui étaient condamnés à vivre tout en bas.

Pourquoi errait-il ainsi dans les courants ascendants, alors qu'il était si tard ? Ce n'était pas dans ses habitudes, ça non ! La nuit était déjà assez avancée, et Isil de Nacre brillait de toute sa pâle lumière dans la partie supérieure des cieux. Les autres jours à cette heure-ci, il regagnait son logis escarpé, se glissait dans son nid majestueux et dormait d'un sommeil qui n'était troublé que par les rêves légers et sporadiques que font les êtres qui ne sont pas perturbés par les soucis du monde, ou si peu. Était-ce son intuition qui lui avait dicté de déployer une dernière fois ses ailes avant la période du sommeil, ou bien un concours de circonstances qui l'avait poussé à profiter de ce délicieux début de nuit, il n'en savait rien et s'en moquait bien. Il était libre. Libre comme le vent, c'était le cas de le dire.

Juste à l'aplomb en dessous de lui, la ligne de crêtes séparait le versant oriental du versant occidental des Monts Brumeux, telle une épine dorsale séparant la Terre-du-Milieu en deux. Une goutte d'eau qui tombait du côté ouest rejoignait les puissants torrents de montagne qui, ajoutés les uns aux autres, formaient la fougueuse Bruinen, qui se ruait aux abords de la Cité des Noldor et qui, grossie par l'apport de la Mitheithel, prenait le nom de Gwathló et terminait sa course dans Belegaer, la Grande Mer. Une autre goutte d'eau qui, tombant quelques pieds plus loin, aurait dévalé le versant est, arrivait tôt ou tard dans la Rivière aux Iris, puis plongeait dans le fleuve Anduin et le descendait lentement mais sûrement sur des centaines de lieues pour enfin se jeter... dans Belegaer, et retrouver sa sœur après avoir emprunté des chemins radicalement différents.

Les choses créées par le même Créateur ne pouvaient être isolées éternellement les unes des autres.

Ce fut sur ces belles considérations philosophiques que l'Aigle inclina son corps vers la gauche pour amorcer un lent et long demi-tour et repartir en direction de sa demeure. Quand tout à coup, son regard perçant s'arrêta sur ce qui lui sembla de prime abord être un détail sans importance dans le paysage nocturne qui s'étalait loin en-dessous de lui... un rocher sans nul doute, qui émergeait du sol neigeux, mais qui avait attiré son attention par une légère différence de teinte par rapport aux autres éléments minéraux qui l'entouraient. Il se demanda si ce n'était qu'un curieux effet de la lumière lunaire ou s'il y avait là quelque chose de plus insolite, mais il aurait juré que sa teinte était légèrement plus bleutée que tout le reste, telle un cristal d'aigue-marine niché dans du granit. Il descendit en douces spirales pour voir ça de plus près.

À mesure qu'il perdait de l'altitude, il lui sembla entendre des intonations étranges mêlés aux murmures du vent, comme des paroles ou des plaintes qui provenaient de ce... de ce... non, pas de ce rocher, mais la silhouette qu'il discernait à présent, assise, poussière dans l'immensité des éléments. Oui, il en était certain : bien que l'ouïe des aigles ne fût pas développée de manière aussi extrême que leur vue, il put capter les dernières paroles de cet être solitaire qui s'exprimait dans une langue elfique que les thoron, eux dont les aïeux avaient été jadis en longue relation avec les Rois Elfes quand le monde était plus jeune, ne manquaient pas de comprendre. C'étaient des paroles tristes lui semblait-il, mais non désespérées. Et c'était bien un représentant des Premiers-Nés, il le voyait nettement à présent. Les Premiers-nés de ceux qui vont sur deux jambes, s'entend. Le peuple terrestre qui avait la préférence du Seigneur des Vents... Aussi, il continua de planer jusqu'à l'individu, qui s'était maintenant tu, et qui avait les yeux clos. La créature céleste se posa sur une corniche pierreuse à quelques pas du noldo, produisant un léger souffle en repliant ses ailes. Il vit l'elfe ouvrir légèrement les yeux, comme s'il était tiré de quelque profond état psychique.

- Ô Penseur Solitaire et Enfant du Monde d'En-Bas, prononça-t-il d'une voix lente et solennelle dans le même idiome, j'ai le regret de t'annoncer que je ne suis point celui à qui tu t'adresses. Celui que tu invoques, je l'invoques également quand la nostalgie m'assaille. Mais ce n'est plus comme avant. Depuis que sa demeure bénie a été retirée des Cercles du Mondes, même le Grand Aigle que je suis a du mal à sentir sa présence aussi perceptiblement que naguère. Curieuse rencontre, quoi qu'il en soit, et curieuse personne que tu es, c'est le moins que l'on puisse dire. Perché sur les hautes montagnes comme un oiseau qui aurait perdu ses ailes, et ne sachant si la meilleur solution est de descendre ou de monter. J'ai bien une idée du lieu que tu pourrais atteindre en redescendant, mais j'ai du mal à deviner vers quel but tu pourrais tendre en montant.


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Isilo
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Pélerinage de Manwë EmptyMer 22 Juin 2016 - 4:06
Mais le froid ne put faire son oeuvre sur la chair et il semblait que les dernières chaleurs qui se dissimulaient dans le sang furent suffisante pour que la conscience trouve une raison de s'attacher au corps, qui, lui, était toujours immobile. En fait, ce dernier, bien qu'il fut toujours béni de la vie, revêtissait davantage les attributs de la pierre et de la glace que ceux d'une créature à sang chaud, qui un jour naquit, grandit et vieillit en s'émerveillant de toutes les beautés de l'Existence. Peut-être que, à une échelle que les yeux des Elfes ne peuvent contempler, la peau avait choisi de se mêler au blizzard et que des microscopiques morceaux d'épiderme n'étaient désormais que des flocons de neige. Ainsi, la mort s'était joué de la vie et prenait ce qui normalement ne lui était pas encore dû et emportait dans la nuit un corps qui respirait encore, mais dont la conscience avait fait voeu de silence et rénoncé à toute lutte.

Déjà, la poudreuse s'amoncellait en enveloppant le Noldo jusqu'à la poitrine, le privant de toute sensation dans les parties inférieures de son corps. Ses poumons, affligés d'un terrible poid, ménageaient leurs dernières forces et se contentaient d'une respiration de temps en temps, lorsque leur cavité se faisait creuse, sèche et semblaient supplier le monde pour qu'il la remplisse d'air, peut-être une dernière fois. Si Isilo avait été conscient de ses sensations corporelles, il aurait probablement senti que sa cage thoracique n'était plus, qu'elle s'était éffritée pour se mêler à la neige et que ses poumons se frottaient directement à la glace, nus dans l'air alpin, dépourvus de défense face au lieu le moins hospitalier qu'ils eurent connu. Aussi, il est possible que le malheureux seigneur Elfe ait ressenti une détresse musculaire, comme si ses mucles rapetissaient à force de se contracter, comme ils avaient, depuis un bon moment, perdu la bataille contre les convulsions qui creusaient légèrement le tombeau de froid dans lequel ils étaient confinés. De cette manière, Isilo aurait peut-être comprit que le froid n'était pas sa véritable prison, mais que ce titre revenait davantage à son propre corps, aussi vulnérable à l'hiver qu'à l'été, à la maladie comme aux plus anodins des dangers. Mais Isilo se trouvait bien au-delà de telles leçons, car son esprit conversait désormais avec ceux d'en-haut, d'en-bas et de partout, autant dans l'infiniment petit, comme dans l'immensité des choses. La voix du monde lui parvenait de toutes part et l'ascencion de la vie qui quittait son corps suivait son cours dans toute sa majestuosité. À ce moment, à l'instant précis où la grande lumière de l'au-delà trouait le voile de la nuit, le dernier des sens d'Isilo capta un mouvement dans l'espace lointain, dont l'amplitude augmenta, peu à peu, doucement. Bien que le chemin vers en-haut était presque accompli, il ne put se terminer, car Isilo disposait maintenant d'une attache imprévue au monde des vivants.

Un courant d'air irrégulier, une irrégularité dans la nuit avait tiré Isilo de sa torpeur et, plutôt par instinct que par choix, il usa de ses forces restantes pour décoller ses paupières pendant ce qui lui sembla être une éternité, comme s'il brisait une paroie de glace millénaire. En dirigeant maintenant la chaleur de son corps vers sa vue afin qu'elle puisse lui rapporter des informations sur ce pourquoi il avait été tiré de son ascencion, Isilo sentit son coeur se crisper de frayeur à la vue de la créature qui prit perchoir à quelques pas devant lui. Cependant, cette frayeur se transforma rapidement en une joie qui prit la forme de larmes chaudes qui libéraient son visage de son immobilisme, quand le corps de l'aigle agissait comme un bouclier contre le vent qui lui avait congelé le visage. Comme il aurait voulu le remercier de son arrivée, comme il aurait voulu le serrer dans ses bras comme une grosse peluche, un gros coussin de plumes dans lequel on retrouve un réconfort simple et suffisant. Mais, rapidement, la raison lui revînt quand tout son être fut sidéré par la voix légère et calme d'un être qui ne connaissait pas la peur en ces hauts lieux. Cette voix venait d'un lieu où les bas problèmes d'Ennor n'étaient que complaintes lointaines et qui était resté intact depuis le commencement des âges. Par conséquent, au moment où Isilo vascillait entre son univers et un autre qui lui était tout à fait inconnu, l'arrivée de cet esprit millénaire avait l'effet de la rosée sur l'herbe sèche. Il ne put comprendre les mots, mais il reconnu la langue des siens, lui procurant joie et réconfort.

Quand le grand esprit termina de prononcer les paroles qu'il avait ramenées du firmament, Isilo se rappela des derniers jours qu'il avait passé loin de sa maison, s'éloignant de tout ce qu'il lui était familier et montant jusqu'au toit du monde, le plancher des dieux. Vite, les choses devinrent plus claires et il comprit qu'il ne lui restait pas beaucoup de temps pour terminer ce qu'il avait commencé. Il comprenait que tout s'était déroulé, finalement, comme cela devait se dérouler, bien que la mort eut semblé si proche. Comme défiant une fois de plus la vie et remettant de plus belle son sort dans les mains de forces plus grandes que lui, il prononça des paroles en retour à celles de son interlocuteur.

- Manwë m'a donc entendu, car tu es celui que mon coeur cherchait. Mais...Je me meurs, il me semble, Esprit des vents.

Isilo osa un dernier saut dans le vide et joua le tout pour le tout. De toute façon, il ne lui restait plus rien, ni à perdre, ni à gagner. À vrai dire, tout semblait déjà joué.

- Si tu me délivres de mes souffrances, je te serai reconnaissant de ma vie et ferai de mon existence une qui est digne de la bonté des tiens envers moi, Thoron ! Ne sais-tu pas que c'est la voix de ton peuple qui m'a appelé ?

Le regard rivé sur la grande bête ailée, Isilo ne sentait désormais pas la moindre peur. Il s'adressait à l'aigle comme à un frère, dont la relation en était une d'honneur et de dignité. À l'intérieur de lui, il savait que son coeur et celui de cet être étaient intimement liés par le destin.
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Hadhod Croix-de-Fer
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Pélerinage de Manwë EmptySam 25 Juin 2016 - 12:45
Pélerinage de Manwë Ilmend10

Le Grand Aigle considéra longuement l'elfe. Rares avaient été les créatures terrestres à monter aussi haut, sur les flancs des sommets qui dominaient le Haut Col. Les voyageurs les plus téméraires se contentaient habituellement d'emprunter le col et de redescendre de l'autre côté, sous le regard vigilent de quelque homme béornide. Il y avait aussi les cruels gobelins et leur cité secrète aux nombreuses entrées, que les aigles connaissaient toutes. Mais bien que le chemin du Haut Col fut ardu, ce n'était rien par rapport au lieu particulièrement escarpé et d'altitude bien plus grande qu'avait atteint Isilo avant de s'y arrêter. À croire qu'il possédait une volonté de fer... ou peut-être que sa foi en une idée lui avait permis de grimper à cette altitude, de se sublimer.

Que penser de cela ? Et quelle conduite à tenir devant pareille situation ? Depuis des générations, les aigles des Monts Brumeux tâchaient de conserver leur territoire inaccessible afin que nul ne puisse les mettre en danger, et c'est précisément pour cette raison qu'il nichait si haut, et si loin des autres enfants du monde. Quelques exceptions étaient survenues au cours de leur histoire, où ils s'étaient mêlés des problèmes du monde, où ils avaient accepté de rendre service aux gens libres dans leur besoin, en les prenant sur leur dos, dans leurs serres, voire en leur offrant le refuge dans leurs aire, notamment à la fin de l'âge précédent, mais aussi à une ou deux occasion au cours de cet âge. Mais la tendance était clairement à l'autarcie à présent. Le froid qui s'était saisi d'Isilo et qui le faisait souffrir, était la meilleure défense dont les accipitridés disposaient pour protéger les leurs et perpétuer leur prestigieuse et antique lignée. Et, justement, cet elfe-là suppliait un thoron qu'il le délivre de ce piège; la demande était plutôt paradoxale et amenait le volatile à des questions profondes. C'était en effet extrêmement troublant de savoir que la vie de ce quendë était en ses mains, ou plutôt entre ses serres, qu'il avait tout pouvoir sur cet individu, et que, sans parler d'une action, mais une simple absence d'action, une passivité de sa part entraînerait sa mort. Et personne ne saurait jamais rien de ce marcheur solitaire qui avait eu l'outrecuidance et l'orgueil de tenter d'atteindre l'inatteignable.

Et pourtant, une vie était une vie, et il lui était tout bonnement impossible de rester sourd aux supplications de cette personne, qui de toute évidence avait le mérite d'être courageuse, à défaut d'être raisonnable. Manwë avait eu jadis la force et la bonté d'accorder son pardon au peuple des Noldor malgré leurs nombreuses erreurs et les actes condamnables de leurs meneurs. Alors quel genre de personnage serait-il, lui, l'aigle à la sagesse vieille comme les montagnes, s'il refusait le secours à cet homme en péril, sans savoir si ce dernier était bon ou mauvais ? L'espace d'un instant, il eu un vision de lui-même retournant seul à son logis, abandonnant le voyageur à une méditation éternelle. Mais dans cette vision, il se rendit compte qu'il ne possédait point le beau plumage qu'on lui connaissait, mais qu'au contraire ses plumes étaient tombées et avaient laissé place à une peau blême et violacée, pleine d'écailles ; ses ailes d'habitude si belles ressemblaient à présent davantage à celles, membraneuses, d'une immense chauve-souris ; une queue hideuse et hérissée de pointes osseuses prolongeait son épine dorsale ; quant à sa tête...

La vision cessa sur une ultime image d'horreur, et il revint au présent. Non, il n'était pas un de ces lóki aux cœurs noirs, de ces dragons comme les appelaient les humains. Il n'était que l'Aigle qu'il avait toujours été, et par conséquent se devait de chercher à comprendre tous les tenants et aboutissants avant de prendre une décision.

- Triste est l'âme de celui qui, fermant les yeux, refuse de remédier à la souffrance d'un être vivant, quel qu'il soit.

Et sans ajouter un mot de plus, il quitta son perchoir et fut sur Isilo en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, et alors que ce dernier sentait ses forces l'abandonner et allait s'effondrer dans la neige fraîche, des serres se saisirent délicatement de son corps et lui firent traverser en silence les cieux pour l'emmener jusqu'à son logis d'aigle, situé en une place qui, si elle n'était pas moins haute que le lieu qu'ils venaient de quitter, était indéniablement moins exposée aux vents et à la neige, sur un versant bien plus clément. Il posa l'elfe avec douceur dans un renfoncement rocheux dont la surface était couverte de petites branches, de brindilles et de feuilles entrelacées avec savoir-faire, et se coucha lui-même juste à côté pour lui apporter la chaleur dont il avait besoin pour revenir de l'état d'hypothermie dans lequel il se trouvait. Mais il avait bon espoir : il entendait le souffle d'Isilo devenir progressivement moins saccadé, plus ample, et il savait que les Quendi étaient faits d'un hröa bien plus résistant que le plus coriace représentant des Hommes.

La nuit fut salvatrice.

Et les premiers rayons de l'aube naissante finirent de parachever le retour d'Isilo à la vie, bien que la vie ne l'eut jamais réellement quitté, bien entendu. Les deux créatures, celle du ciel et celle de la terre, ouvrirent les yeux en même temps. D'habitude, le grand aigle aurait contemplé quelques instants le soleil comme seuls parmi les êtres vivants cette race pouvait le faire, puis aurait pris son envol pour une chasse matinale plus bas dans les vallées. Mais il ne pouvait se le permettre aujourd'hui, pas tant que son hôte se trouvait sous sa responsabilité et qu'il n'en savait pas un peu plus. Quand ce dernier se fut levé, il ne tarda guère à engager la discussion...

- Bonjour à toi, voyageur qui a eu la chance de parcourir les cieux un bref instant ! Tu es ici dans ma demeure, que nul ne peut atteindre sans y avoir été invité, et dont nul ne peut partir sans y avoir été autorisé. Mais si tu as le cœur pur, n'ait crainte, car quoique notre sagesse ne surpassera jamais celle de nos lointains ancêtres, nous n'en demeurons pas moins sages tout de même, et ne causons jamais de torts immérités à quiconque. Toutefois, notre méfiance est grande envers ceux qui vont sur deux jambes, depuis que nous avons été dupés, dérobés, par l'un d'entre eux. Tu vas devoir répondre à trois questions pour mériter mon hospitalité. La première question, tu en connais la réponse mais moi je ne la connais point, et c'est de ton honnêteté dont tu auras besoin... Qui es-tu exactement ? La deuxième question, j'en connais la réponse et tu la connais peut-être, et c'est ton intelligence qui te serviras... En quoi l'elfe est-il supérieur à l'aigle ?  La troisième question, nous n'en connaissons la réponse ni toi ni moi, mais il me plairait d'échanger là-dessus, et c'est de notre philosophie dont nous devrons user... Si Eru a planifié l'histoire du monde, les mauvaises choses, la guerre, la souffrance, la perte, font-elles aussi partie de son dessein ?


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Pélerinage de Manwë EmptySam 25 Juin 2016 - 21:52
Et les ténèbres enveloppaient les sens du pèlerin trop pieu qui s’était égaré, semblait-il, de la raison et dont le hroä s’écroula dans la poudrière, sans un son. Peut-être que fut-ce à ce moment qu’Isilo aurait dû partir vers une vie prochaine, mais les Grands Esprits en décidèrent autrement pour lui et se contentèrent de voiler son esprit, le remettant dans les mains de l’Invisible. Sa conscience, pendant ce qui semblait avoir été la durée de plusieurs vies, vagabonda dans des lieux qu’elle reconnaissait et qui l’apaisaient. Un pré lumineux, brillant de verdure et de paix, où la brise et le soleil s’alternent dans la conception de petites magies prenant la forme de timides tulipes printanières ou de ruisseaux cristallins. Sans aucune attache, la conscience s’échappa vers de profondes crevasses où se jettent avec paresse et résilience d’immenses cours d’eau, parfumant l’air de ce salon d’Imladris où le calme semble faire partie de la pierre dans laquelle ce lieu est érigé. Là, des images de livres, de runes, de statues brillantes sous le clair de lune et de la Salle de feu s’enchaînaient dans le plus grand naturel. Même, le crépitement du foyer et le rire lointain des seigneurs arrivaient à couvrir le bruit du battement des ailes du Thoron et des vents alpins qui rugissaient.

Doucement, quand les châtiments physiques qu’avait infligés le pèlerinage au jeune corps du seigneur Noldo se faisaient moins douloureux et que les blessures de la montée tortueuse ne brulaient plus la peau rigide de l’Elfe, sa conscience put se reposer et il semble que dans ce repos certains virent l’opportunité de communiquer avec leur proche, qui avait grandi pour devenir un Elfe qui n’était en aucun point différent de l’enfant qu’ils avaient connu. Ainsi, dans le silence de l’aube et dans la sécurité de la présence de Thoron, les portes du temps et de l’espace s’ouvrirent et ce fut alors qu’Isilo entendit une voix qui ne lui rendait visite habituellement qu’au crépuscule, mais qui, étrangement, peut-être à cause de la pureté des premiers rayons de lumière céleste, avait choisi de se faire entendre dans des circonstances différentes. Couchés dans l’herbe, contemplant les hautes cimes qui se dressaient au loin, ils pouvaient sentir la chaleur de leurs corps et se parler à voix basse sans que le vent ne les enterre. En riant, cette voix se fit plus proche.

- J’ai vu comment tu as cassé cette branche ce matin Isilo, enragé. Tu sais, cette colère que tu as dirigée vers cette pauvre créature qui aurait pu donner la vie à un grand malorne, tu l’as dirigée vers toi et tu t’es brisé le coup, aveuglément. Tout est lié, mon fils et la paix de l’un n’est qu’en fait la paix de l’autre. Regarde le monde avec humilité et adresse-toi à une fleur comme à une sœur. Ainsi, honore la compagnie des autres habitants de ce monde et fais de ta vie le vœu de remédier à leurs souffrances. N’oublie pas que même le plus hideux des Orques deviendra un jour poussière d’étoile et que le plus majestueux des Thoron partage les mêmes tracas qu’un enfant.

Isilo porta sa tête vers la droite et vit les traits familiers de celle qui lui avait donné la vie. Puis, cette dernière entrouvrît la bouche, laissant entrevoir son sourire éblouissant, de plus en plus brillant, étincelant, brûlant…qui se perdit dans les lueurs salvatrices du matin sur le toit du monde. Sans trop paniquer, Isilo se rendit compte que le soleil des prés Limeclaire était le même qui dorait les grandes pierres de la grotte où il se trouvait maintenant, lieu étrange dépourvu d’attache à la réalité, ce qui lui rappela qu’il était bien en vie, qu’il n’avait pas encore traversé de l’autre côté. La chaleur de l’astre paraissait lui griller le front, tellement ce dernier était resté gelé pendant des heures, à la merci du blizzard. Comme bercé par une chanson du monde qu’il n’avait jamais entendue, mais que trop familière à cause du réconfort qu’il en ressentait, Isilo peina à ouvrir les yeux et à se lever. Certes, son corps avait encaissé de dures épreuves, mais l’état de sérénité dans lequel il était désormais était bel et bien ce qui lui refusait la force de se redresser et de reprendre contact avec la réalité. Cependant, quand il sentit la masse énorme de chair, de matière chaude et douillette se mouvoir à ses côtés, son corps, par réflexe probablement, se tendit et Isilo put s’asseoir à un pas de l’aigle, s’émerveillant de sa beauté. Alors que ses vêtements de voyage à lui eurent été détrempés et déchirés par la neige et les griffes de la glace, la grande robe brune de Thoron brillait de tous ses éclats sous les phares de l’étoile du jour. Son bec, qui était à la fois instrument de mort et dispensateur de sagesse, avait un air menaçant comme la lame d’une épée de Gondolin qui se teintait des couleurs vives d’un ciel enflammé. Isilo arrivait à peine à s’imaginer la force physique de cet être immense qui avait transporté à des hauteurs improbables son corps tel une poupée de chiffons. Maintenant, les deux enfants d’Eru partageait la matinée, ensemble, comme réunis dans l’étreinte de leur créateur, oubliant lequel fut jadis la proie ou le prédateur, l’ennemi ou l’ami. Alors là, Isilo savait que son for intérieur renfermait une vérité éternelle à laquelle il n’avait jamais arrêté de croire : la paix était la condition naturelle des êtres d’Arda.

La voix de Thoron était d’une profondeur qui réconfortait, comme le tonnerre qui apporte la pluie fraîche à la fin d’une journée de canicule. Quand le soleil était un peu plus haut dans sa course vers le zénith, Isilo sentit que son cœur était prêt à recevoir le jugement de son frère ou, peut-être, quelque leçon qu’il aurait à lui faire. En effet, l’Elfe était aujourd’hui l’invité du seigneur des cieux et se devait, comme il lui avait promis au sommet et près de la mort, d’honorer le service que ce dernier lui avait rendu en lui permettant de vivre. Également, Isilo se rappela que cette conversation avec Thoron, dont le nom le véritable nom lui était encore inconnu, était exactement ce qui l’avait amené jusque-là, dans une grotte entre les cieux et les bas-fonds, loin du temps.

- Thoron, muindor nîn, mae lîn a gen hannon. Gen togon galwath o Illuvatar. (Grand aigle, mon frère, tu es bon et je te remercie. Je te donne toutes les bénédictions du Créateur). Laisse-moi, à présent, honorer cette bonté et répondre à ta première question dont moi seul ai la réponse.

Isilo regarda les dernières lueurs d’étoiles qui se dissipaient dans le ciel, comme dans un geste qu’il faisait souvent pour ne pas oublier ses ancêtres. Ainsi, il se rappelait qui il était.

- Isilo nin, ion o Imladris an hîr o Limeclaire. (Je suis Isilo, fils de Fondcombe et seigneur de Limeclaire). Mes pères sont de la lignée de Turgon, seigneur de Gondolin, mais je ne saurais que faire de ce sang si aujourd’hui je ne faisais pas de ma vie une mission de paix. Je ne suis ni un guerrier, ni un grand voyageur et le fief qui m’a été donné par mes aïeux est un lieu de connaissance où on afflue pour étudier les arbres, les bêtes et les peuples. Aussi, mon cœur me dit parfois que tout ceci n’est qu’un fardeau et me pousse à l’ermitage, à l’isolement pour la méditation. Or, je me rappelle que même entouré d’une multitude de personnes, il est possible de trouver le calme et même, de le semer dans le cœur de tous. Ce même cœur, qui n’a pas connu la guerre, m’a incité à former un cercle de connaissance composé d’érudits afin de comprendre les Voies du Monde et de semer la conscience pacifique, patiemment. Sans avertissement, un pressentiment puissant et véritable s’est emparé de mon être et m’a amené jusqu’ici. Te voilà donc devant Isilo d’Imladris, un Elfe convaincu au plus profond de lui que Manwë a voulu le rapprocher de ses enfants du ciel, dont tu es le seul représentant qu'il connaisse.

Isilo sourit à Thoron avec innocence, comme un enfant qui vient d’avouer un mauvais coup à son père, mais qui se doute bien du sens de l’humour de ce dernier, sachant que ce sens le sauvera de la punition. Un autre Elfe ou un Homme aurait peut-être fait une moue dédaigneuse face à la folie de son entreprise, mais Isilo savait que venir jusqu’ici avait été juste.

- Muindor nîn, ta seconde question me couvre de gêne, car tout mon être me dit que même la plus savante des personnes que je ne connaisse en aurait beaucoup à apprendre de ton peuple. Si je tentais d’y répondre, j’essaierais de me rappeler des âges anciens, des histoires que me comptait ma mère alors que je n’étais qu’un bambin. Il me semble que malgré leur avarice, leur dédain et leur ressentiment trop infâmes, les Eldar portent le don de la connaissance et de l’inspiration. Grâce à ce don, les gens de mon peuple peuvent créer des objets ou des entités que même les Valars envieraient. Ces créations, par exemple, peuvent les transporter en des lieux inaccessibles même pour les Thorons et leur donner un pouvoir qui surpasse celui des Grands Aigles de Manwë. Cependant, c’est aussi ce don de faire qui les a mené à leur perte plus d’une fois, alors que les Thoron et les Valars les avaient avertis, menant tout Ennor vers sa perte. Ainsi, j’ose croire et ce, sans prétention, que les Eldar, les Noldor en particulier, sont les petits frères prodigieux des Thoron dont ils ont, encore aujourd’hui, beaucoup à apprendre. Si cela n’était pas le cas, je ne serais pas ici avec toi.

Pour la dernière question, Isilo se sentit honoré que son sauveur ouvre ainsi la discussion. Il eut le sentiment que son hôte recherchait sa compagnie et que, peut-être, ces conversations se faisaient de plus en plus rares pour lui. En riant légèrement et en le regardant, Isilo continua.

- Il me semble, mellon nîn, que cette question relève de notre propre vision de notre destin. Si tu arrives à sentir la lumière d’Eru en ton for intérieur, si chacune de tes respirations est emplie de vie et de paix, si tu arrives à voir du bon dans les petites merveilles du monde, tu diras surement que tout est parfait, que chaque chose est à sa place. Ainsi, il serait cohérent de croire que même la pire des atrocités a sa raison d’être. Moi, je crois qu’Eru est hors de portée de la violence et du mal et que, dans sa musique, il n’y a pas de dualité. Que tout est, tout simplement. Toutefois, toi qui vois ce que je ne vois pas, qu’en penses-tu ?

En voyant son hôte qui avait le regard plongé dans l’infinité d’Ennor, Isilo, bien qu’il eut ressenti de l’admiration et du respect envers lui, pouvait percevoir un soupçon de solitude, peut-être accumulé par les années passées en ces hauts lieux. Il posa une main sur les ailes au repos de la grande bête et lui renvoya un questionnement à son tour.

- Puis-je désormais te demander ton nom, Thoron ? Puis-je aussi te demander si je suis digne de ces hauts lieux et de ta bonté ? Eus-je raison de venir ici jusqu’à toi pour te regarder comme un frère en regarde un autre ? Pourquoi es-tu seul, loin des tiens ?
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Hadhod Croix-de-Fer
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Pélerinage de Manwë EmptyDim 26 Juin 2016 - 20:49
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Perché sur un petit monticule rocheux juste devant Isilo, les ailes repliées, tel une vivante statue qui aurait eu la chance de s'éveiller de son mutisme éternel et de se voir gratifier de la vie, l'aigle laissa son interlocuteur répondre à ses questions sans l'interrompre, se contentant de le regarder de ses yeux aux immenses iris jaunes qui portaient en eux le souvenir de maints et maints printemps, et qui pourtant n'avaient rien perdu de leur présence et de leur acuité. Le regard d'un aigle était difficile à soutenir pour un humain, disait-on, et il est probable que ce fut la même chose pour un elfe, dans une moindre mesure peut-être. Le thoron préférait qu'Isilo donne libre cours à sa pensée, et savait de toute façon que grâce à sa grande mémoire, il pourrait facilement retenir tout ce que cet elfe exprimerait, et pourrait lui répondre par après, sur tous les points qu'il évoquerait.

Ce ne fut donc que lorsque le seigneur quendë eut répondu au sujet des trois questions, en ait à son tour posé une puis ait permis au silence de revenir, qu'il décida de parler à nouveau.

- Je ressens dans ton discours un grande honnêteté, Isilo o imlad o Bruinen, ion o Turgonionnath1, et c'est une bonne chose, une très bonne chose. Peut-être y a-t-il une certaine prédisposition dans ta lignée, une certaine attirance vers notre peuple. Peut-être le sang de ton lointain ancêtre, qui coule dans tes veines, a-t-il lancé ce mystérieux appel qui est venu jusqu'à ton cœur et qui t'as fait quitter le confort et la sécurité de tes murs pour fouler les sentes dangereuses de la montagnes, à notre recherche. Car il y avait jadis une grande amitié entre le Seigneur de Gondolin et Thorondor, le plus grand des Grands Aigles à avoir parcouru le royaume aérien d'Arda. Ces temps appartiennent au passé, et je ne me compare pas à la majesté de Sorontur, non plus que je ne te compare à la gloire de Turukáno2 puisqu'il semblerait que nous ne connaîtrons jamais plus la grandeur du monde dans sa jeunesse, et que tous ceux qui s'attardent en cet Âge tardif ne sont plus que l'ombre de la beauté de ce qui existait alors. Néanmoins j'ai toujours pensé que les Elfes ont tenté et tentent encore de préserver cette beauté, ou tout au moins une partie de celle-ci, et même si seulement le quart du quart de cette beauté d'antan pouvait ne pas disparaître, cela en vaudrait la peine. En ce sens, la paix est effectivement une chose précieuse, car elle empêche la destruction des choses et des êtres vivants. Hélas, j'ai l'impression que le cœur des Humains ne se complaît pas dans la paix, comme si elle ne les galvanisait pas autant que la guerre, comme s'ils se révélaient dans le combat ou quelque sotte idée de ce genre. Et le fait est qu'aujourd'hui, la plupart des royaumes de la terre du Milieu sont peuplés d'Humains, et dirigés par des Humains, ce qui ne me laisse que peu d'espoir. Mais pire encore, j'ai l'impression qu'ils commencent à déteindre sur les autres peuples, quand ces derniers n'y prennent pas garde.

Le thoron se tut un instant, comme si ces dernières paroles lui rappelaient des souvenirs malheureux. Isilo semblait écouter avec grande attention, et puisqu'il n'avait pas encore dit – et de loin – tout ce qu'il avait à dire, il poursuivit son discours :

- En quoi l'elfe est-il supérieur à l'aigle, t'ai-je demandé ensuite, et maints grands sages parmi les quendi, connaisseurs des origines du monde et des êtres vivants, m'auraient répondu sans le moindre doute que les elfes sont supérieurs aux aigles de par leur nature même, et leur créateur. Car les elfes sont les Enfants d'Eru en personne, alors que les aigles ont été façonnés par Manwë à l'origine, Manwë qui existe lui-même grâce à la volonté d'Eru. Nous autres thoron sommes donc les créations d'une Créature, pourrait-on dire, autrement dit des subcréations, et cette notion est connue chez ton peuple, et parfois relayée et mise en avant par les plus arrogants pour prouver la supériorité intrinsèque des quendi. Mais quand je t'ai posé la question, tu as mis en avant les actions accomplies par ton peuple et non leur essence, et par là même tu as reconnu que dans certains domaines les elfes surpassent les aigles, mais que dans d'autres domaines c'est le contraire qui se produit. Tu as donc prouvé que tu es doté de l'intelligence qui compte le plus, l'intelligence utilisée avec humilité pour la compréhension et non pour la domination. C'est ce que je cherchais à savoir.

Les yeux de l'aigle exprimaient maintenant une certaine douceur, et il est probable que si la physionomie de son visage lui eut permis de sourire à Isilo, il l'aurait fait.

- Ta vision des choses en ce qui concerne ma troisième question, je la trouve fort intéressante. Cette question, je me la pose depuis longtemps et je pense que je ne suis pas le seul, mais elle est assez troublante, car elle nous apparaît comme emplie d'un paradoxe qui ne devrait pas être. Longtemps j'ai été bien incapable d'y donner une quelconque réponse, et je n'ai développé que très tard une idée à ce sujet. Je ne saurais dire si cette idée est juste, ou si ce n'est qu'une tentative de mon esprit de combler un vide qu'il ne peut combler par la raison. Je vais néanmoins t'en faire part. Je me dis que peut-être l'existence de mauvaises choses permet de rendre, par contrastes, les belles choses encore plus belles. C'est l'obscurité et le froid de la nuit qui nous fait apprécier tout le réconfort des premiers rayons du soleil, et j'imagine que cela te parle particulièrement aujourd'hui. Cela dit, cela rejoint en partie ta vision selon laquelle tout les choses font partie d'un tout, encore que nous ayons exprimé cette idée selon nos deux sensibilités propres...

L'aigle quitta son perchoir et se rapprocha de l'entrée de la petite grotte jusqu'à venir tout près d'Isilo.

- Et maintenant que tu as prouvé que tu méritais de rester mon hôte, à mon tour de répondre à tes questions ! Si je me trouve seul et loin des miens, si mon aire est éloignée des autres, c'est parce que je me suis vu attribuer une tâche tout à fait particulière. Vois-tu, de tous mes congénères qui peuplent ces montagnes, je suis celui qui ait toujours préféré les plus hautes altitudes, que ce soit en vol ou au repos, c'est d'ailleurs pourquoi on me nomme Ilmendil, bien qu'une telle appellation soit un peu exagérée j'en conviens. Ma demeure se situe bien plus haut que celle des autres aigles, et, si la leur est très difficilement accessible pour un terrien, la mienne l'est totalement. Vois !

La petite plate-forme rocheuse sur laquelle ils se trouvaient était à flanc de falaise, et il était tout bonnement inenvisageable d'y accéder sans disposer d'ailes, ni d'en partir sans s'écraser plusieurs centaines de mètres plus bas.

- Totalement inaccessible, confirma Ilmendil. C'est pourquoi mon peuple m'a chargé de rester ici pour y garder quelque chose en lieu sûr, quelque chose de très précieux. Entre dans cette caverne, si tu souhaites voir ce que c'est.

Et joignant le geste à la parole, il pointa son bec vers l'entrée du logis, faisant un petit hochement de tête de bas en haut pour inviter l'elfe à avancer, ce que ce dernier fit. Il n'eut pas à marcher longtemps : il y eu un léger tournant vers la gauche, quelques pas encore, puis le fond de la cavité. Là, contre la paroi, les arêtes d'un objet doré brillaient dans la demi-obscurité. L'objet était de taille assez importante et de toute évidence travaillé par quelque talentueux forgeron. À vrai dire, il ressemblait à une grande couronne. Mais si on regardait de plus près, on pouvait voir sur le devant, au centre, un petit renfoncement oblong vide, qui trahissait l'absence d'un élément de la couronne. Comme si une pierre y était jadis sertie mais en avait été arrachée.



1. Isilo de la vallée de la Bruinen, fils des descendants de Turgon (si ma traduction tient la route ^^).
2. Pourquoi l'aigle nomme-t-il soudain Thorondor et Turgon par leurs noms quenya dans cette phrase ? Il est difficile de le dire avec certitude, mais il s'agit probablement d'une volonté de sa part de glorifier les héros ayant vécu dans les temps anciens, le quenya étant la langue noble et prestigieuse par excellence.


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Pélerinage de Manwë EmptyLun 27 Juin 2016 - 0:10
À mesure que tout devenait plus clair pour Isilo, un mystère encore plus grand semblait envelopper sa quête, ainsi que son hôte, dont le nom était à présent connu, comme un cadeau que Manwë avait fait au seigneur Noldo. Bien que le soleil éclairait dorénavant la quasi-totalité de l’aire, il avait bien effectivement une section de la cavité qui restait dans l’obscurité et Isilo se doutait bien que ce qui pouvait se trouver à l’intérieur aurait un rôle important dans la relation qu’il était en train d’établir avec Ilmendil, comme un point tournant dans son épopée, alors que toutes ses péripéties, jusque-là, n’avaient été que de simples événements introductifs, des formules de présentation. En effet, le jeune Elfe réalisait à quel point le monde était en mouvance autour de lui et à quel point les aspirations des êtres vivants les plus anciens et importants lui étaient inconnus. Comme s’il aurait pu vivre sa vie sans avoir le moindre aperçu des plus grands desseins d’Eru et des changements les plus significatifs d’Arda. Pour ce qui en était de sa compréhension de ceux-ci, il semblait encore plus évident qu’une seule vie, même celle d’un Noldo, ne suffirait pas à l’obtenir. Finalement, tout comme le pressentiment qu’il avait eu dans la salle du feu, Ilmendil, son histoire et le sens de sa présence en Ennor  ne se montraient pas plus clairement, même au moment où Isilo était béni de la médecine du ciel et de l’astre du jour. Pourtant, même si on lui avait dit que ces choses étaient les plus grands professeurs ; Isilo se sentait comme un bambin qui apprend à marcher.

Dans la tranquilité du toit du monde, Isilo ressentait à présent une certaine affection pour son hôte, qui ne cessait de démontrer de la bonté envers lui. Les paroles de ce dernier étaient douces et la tranquillité du Thoron allait de pair avec l’environnement dans lequel ils étaient, ce qui faisait resurgir chez Isilo son lointain désir d’exil et d’ermitage grâce auquel il pourrait se dédier complètement à la compréhension de lui-même et à la contemplation d’Eru, de toutes choses. Par contre, quand Ilmendil l’invita à voir ce que son repère gardait, la réalité dans laquelle ils étaient tous deux lui parut si claire : la paix de cette existence était tourmentée par des allégeances, des responsabilités, des devoirs mondains qui compliquaient le travail méditatif. Une fois de plus, il remit à plus tard et dans les mains d’Eru son rêve de vie monastique. En sentant la présence paisible d’Ilmendil, Isilo fit quelques pas vers le fond de la grotte, tranquillement, comme un animal qui ménage ses pas pour ne pas salir la rosée sur l’herbe. De plus, le lieu où ils étaient avait quelque chose de spécial, une aura de sacré. Souriant, le pèlerin réalisa que cette aura était probablement une des choses qui lui parlèrent alors qu’il se trouvait toujours dans la vallée d’Imladris et s’en réjouis. Aussi, bien qu’Ilmendil lui eut parlé avec honnêteté de son rôle et de celui de son repère, Isilo ne capta pas la totalité de ses mots tant son attention était aspirée vers le fond de son refuge.

Quand il eut atteint le fond et après avoir passé par le petit tunnel creusé par l’érosion, la puissance des âges passées lui traversèrent le corps, comme un torrent de choses oubliées qui attendaient de fendre le roc. Et c’est à ce moment qu’Isilo vit l’artefact qui régissait les allées et venues de son ami, ce à quoi il devait invariablement dédier ses jours. Là, devant lui, comme faisant partie du silence de son tombeau, un objet aussi vieux que les histoires qu’il avait entendues gisait comme la moitié de ce qu’il avait été sur une pierre trop modeste pour lui faire un présentoir. Dans la lumière du jour, cet objet aurait été aussi brillant que le soleil qui l’avait réveillé ce matin, pensa-t-il. Par contre, il semble que l’histoire n’eut pas été la seule chose qui avait privé cet artefact de sa splendeur. En effet, le Noldo comprenait que cette couronne avait été arrachée des mains de son propriétaire afin de la défaire de ce qui lui donnait son pouvoir. Par après, Ilmendil ou un autre membre de son peuple l’avait probablement récupérée, mais pas dans sa totalité. Ce n’étaient que des suppositions, mais Isilo se doutait bien qu’il posait son regard sur les ruines de quelque chose, et non sur un trésor atteint d’une convoitise nouvelle. Par contre, le Noldo comprenait que s’il était entre la couronne et son gardien, au 4e âge et sur le toit du monde, cet objet aurait encore un rôle à jouer dans les événements à venir. Isilo restait perplexe.

Sans quitter l’accessoire royal des yeux, il s’en approcha pour l’observer davantage. Évidemment, cette couronne n’était pas faite pour quelque roi des Hommes ou des Elfes et encore pour un Nain. Ainsi, Isilo était venu à la conclusion qu’il se trouvait devant un patrimoine Thoron et donc qu’il était dorénavant, lui, mêlé à une histoire personnelle qui n’avait peut-être rien à voir avec le destin de son peuple. Peut-être que les aigles de Manwë n’étaient pas si intouchables finalement et que leurs ressources se faisaient de plus en plus moindres. Également, Ilmendil semblait être particulièrement affecté par les temps troublés de leur époque et la paix qui s’effritait. C’était comme si, finalement, Isilo était venu pour rendre un service. C’était ce qu’il sentait.

- Ilmendil, mellon nîn, je suis navré de voir que les Eldar ne sont pas les seuls à avoir perdu leur gloire d’antan. Mon cœur me dit que Thorondor et ceux de sa lignée pleureraient le triste sort de votre peuple. Ma tête est envahie de questions lorsque je pense à ce que ferait Gwaihir à la vue de ceci.

Sans trop se demander pourquoi, Isilo savait que son ami et lui étaient en synchronie désormais. Il ne serait pas nécessaire de s’expliquer la nature des événements à venir et le rôle que chacun aurait dans le futur. Ainsi, Isilo ferma les yeux, sachant très bien qu’il ne resterait pas encore longtemps dans son havre de paix, avec l’hôte le plus inespéré qu’il ait eu. Il fit volte-face pour s’approcher de son ami ailé, découvrant que ce dernier l’attendait toujours où il l’avait laissé. Puis, Isilo tendit les mains devant lui, comme pour y poser une épée ou lui attacher les poignets et regarda Ilmendil, sans toutefois émettre le moindre son. Il ferma les yeux et quand il les rouvrit, il laissa son âme converser avec le cœur de son hôte.

- Ô ion o Manwë, mellon nîn! Tout est plus clair maintenant et je pense que tu sais, comme moi, quel sera le rôle que nous aurons l’un envers l’autre dans cette vie. Maintenant, comme deux frères qui cherchent à s’honorer, il temps pour nous de suivre notre voie. S’il te plaît, toi dont le cœur m’a appelé jusqu’ici, dis-moi quel est mon devoir envers les tiens.

Au moment où Isilo prononçait ces mots, de fortes bourrasques pénétrèrent leur refuge, transformant les mots du Noldo en une langue que seuls eux deux pouvaient comprendre, comme si Arda venait mettre son sceau approbateur sur le cours des choses. Dans tout son corps, Isilo se sentait empli d’un pouvoir nouveau, une sorte de bonheur si pur qui confirmait à un être vivant sa raison d’être. Il n’avait pas peur de l’avenir ni de la mort et avait l’impression que ce pèlerinage tirait à sa fin, bien que ce qui se passerait ensuite n’était que le commencement de jours encore plus incertains.

- Héraut de Manwë, man i rhâd mellon o theryn ?(Quelle est la voie d’un Ami des Aigles ?)
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Hadhod Croix-de-Fer
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Pélerinage de Manwë EmptyMar 28 Juin 2016 - 20:39
Pélerinage de Manwë Ilmend10


Tandis que le disque orangé, puis jaune éclatant, du soleil montait lentement dans le ciel, le cœur d'Ilmendil était animé d'un espoir qu'il n'avait pas connu depuis longtemps. Il lui semblait en effet que l'elfe qu'il avait devant lui, cet Isilo, ce Seigneur de Limeclaire, était la bonne personne, celle en qui il pouvait avoir confiance pour remédier à la situation. Celle que le peuple aigle attendait.

- De devoir envers nous, ou envers moi, tu n'as point, car tous les êtres qui vivent de par le monde sont libres de faire leurs propres choix et de vivre leur propre vie comme ils l'entendent. Mais si ton choix est de lier ta vie à la nôtre, au moins pour un temps, alors il y a effectivement quelque chose que tu peux faire. Mais avant cela, je te dois quelques explications sur ce que tu as vu à l'intérieur.

Le volatile sacré invita son hôte à s'asseoir en face de lui puis, regardant le ciel comme s'il y cherchait quelque inspiration, quelque souvenir ou quelque réponse, il entama son monologue :

- Peu avant que cet Âge ne débute, l'histoire de notre peuple, du peuple des Grands Aigles, fut brièvement entremêlée à celle d'un autre peuple dont nous ne savons que peu de choses, car il ne se montre que rarement, et n'entretient que peu de rapports avec les autres. Ton peuple non plus de les connait guère à ce que j'ai cru comprendre, car leur état d'esprit n'a rien de commun avec le vôtre, non plus qu'avec le nôtre d'ailleurs. Je veux parler de Ceux qui fouissent la terre, de Ceux qui creusent la pierre, de Ceux qui extraient le fer... Je veux parler des Dornhoth, des Nains. En cette année-là, il en vint tout un groupe qui s'était mis en tête de traverser les Monts Brumeux, et qui avait emprunté le chemin du Haut Col. Mais l'itinéraire était alors moins gardé, et ils auraient très mal fini sans notre aide. Pour nous remercier, les Nains de la Montagne Solitaire nouvellement reconquise offrirent au seigneur Gwaihir une couronne travaillée par leurs plus fameux artisans-forgerons, toute en or pur à l'exception d'une unique pierre qui en ornait le devant. Je me souviens, c'était une splendide pierre d'un bleu très pâle, polie mais sans facettes tant et si bien qu'elle ne scintillait pas comme le font la plupart des joyaux, mais paraissait luire d'une lueur diffuse, uniforme, et profonde. Ah ! C'était une pierre elfique, assurément, car on lui prêtait des pouvoirs de bienfaisance et de guérison ; elle était probablement issue de l'immense trésor des salles de la Montagne. Peu après ce don, Gwaihir devint le Roi de tous les Oiseaux, et sa renommée grandit tout autour des montagnes et de par le monde, de même que la renommée de sa couronne, et de la pierre qui y était sertie.

Un jour, alors que les relations entre les Aigles et les Elfes ne s'étaient pas encore tout à fait étiolées, nous reçûmes un messager, qui disait venir de la part des Seigneurs d'Imladris. Ceux-ci nous suppliaient, disait-il, de leur prêter la couronne afin qu'ils puissent utiliser ses vertus pour soigner l'un d'eux d'une blessure incurable. Nous ne pouvions laisser aller la couronne, bien entendu. Mais parce qu'aucun quendë de quelque bastion qu'il fut, ne s'était jamais, au grand jamais, montré malhonnête envers notre peuple, et aussi parce que le joyau avait jadis été œuvré par un artisan-elfe, nous leur avons cédé la pierre, uniquement la pierre, et ce pour un temps qui devait être très court... mais qui ne le fut pas. Jamais le messager ne prit la direction d'Imladris, et jamais ne revit-on le précieux joyau.


Une grande tristesse s'était installée chez Ilmendil au fur et à mesure de son récit, et son regard s'était presque voilé, un peu comme si son esprit vagabondait dans la nostalgie et les souvenirs. Mais subitement, ses yeux brillèrent d'un nouvel éclat.

- Et aujourd'hui, reprit-il, un nouveau messager des Elfes se tient devant moi. Et cette fois-ci, il ne vient pas pour quémander quelque chose, mais pour offrir une aide, et... jouer un rôle. Ce sont tes mots, Isilo, et dans ces mots j'y vois la providence, la preuve que Manwë t'a envoyé pour réparer ce qui a été fait par le passé. I Mîr o Nestad, Isilo. La Pierre de Guérison. Retrouve-la pour moi, pour nous, pour le peuple des aigles. Je te le demande non pas comme un service, mais comme une faveur.


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Pélerinage de Manwë EmptyMar 28 Juin 2016 - 23:40
Tout était donc plus clair et, une fois de plus, la lumière de l’aube révélait l’avarice et la malice des créatures d’Arda. Isilo aurait pu être surpris de ce qu’Ilmendil venait du lui expliquer, mais il s’était bien douté que le fautif dans cette histoire de trahison n’avait pu être que quelqu’un qui avait brisé la confiance des Thoron, pas un ennemi qu’ils auraient vu venir de loin. En effet, il aurait été surprenant que quiconque venant du camp hostile ou que même les grands aigles entre eux aient commis un crime de cette ampleur. Non, les lieux où le seigneur Noldo apprenait cette bribe de l’histoire étaient intouchables et le cœur des Thorons était probablement, il l’espérait, trop pur pour trahir leur seigneur. Ainsi, il comprit que cet acte égoïste ne pouvait venir de quelqu’un dont la clarté cristalline de l’âme était difficilement altérée par d’obscurs desseins. Difficilement corruptibles étaient ceux de sa race, mais pas sans faille, pensa Isilo en sentant l’énorme poids de la honte sur ses épaules. De plus, il était choquant pour lui de voir que tous ces jours de questionnement et de honte qu’avaient vécu ses frères, eux aussi enfants d’Eru et adorés de Manwë, étaient restés invisibles à son jugement pendant si longtemps. Aujourd’hui, Isilo sentait justement ce jugement ardent à l’intérieur de son cœur qui enflammait ses tripes et l’aurait presque poussé à prononcer des mots de colère, troublant la paix des lieux. Constatant qu’il n’était pas lui-même infaillible, Isilo s’apeura et ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, il vit le regard mélancolique de son ami plongé dans l’infini lointain et ne trouva que ceci à lui répondre.

- Ilmendil, je suis navré de devoir constater la honte des jours passés, mais, tu sais… Tout ira pour le mieux à présent. J’en suis convaincu, dit-il en souriant. Je dois partir maintenant pour retourner à Imladris. Là-bas, peut-être que la malice a laissé des traces enfouies sous la poussière. J’ai foi que les vents de Manwë la balayeront.

En regardant l’échine du monde qui s’élevait dans le ciel dans la plus parfaite irrégularité, Isilo se rappela de son amie, sa Dame, qui l’attendait peut-être encore en bas, où ils s’étaient laissés. Le corps revigoré et le cœur brûlant d’une flamme nouvelle, l’Ami des Aigles s’approcha de son hôte et nouvel allié dans le destin en lui faisant signe que le moment était venu de partir. En remettant à nouveau sa confiance entre les mains d’un serviteur de Gwaihir, Isilo monta sur le dos d’Ilmendil et ils entreprirent ainsi leur voyage céleste.

Au moment où les bienfaits du ciel, du vent et de l’astre du jour revitalisaient l’esprit du jeune pèlerin, une joie puissante et régénératrice envahit l’Elfe qui connaissait pour la première fois la liberté des oiseaux. Ilmendil parut sursauter quand Isilo se mit à rire si fort que ses lèvres sèchées par le vent se fendaient de fatigue, mais aussi d’un bonheur simple et radieux.

- Ilmendil, mellon o Ennor. Tu étais seul dans la confusion et moi aussi je l’étais dans la mienne. Nous sommes deux à présent et l’horizon me semble plus clair, déjà.

Abruptement, l’aigle et son cavalier inespéré s’engagèrent dans un angle plus vertical vers des lieux où la neige n’était pas encore reine et où les jours passés, figés dans le temps, n’étaient pas encore porteurs d’une fatalité inévitable.
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Hadhod Croix-de-Fer
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Pélerinage de Manwë EmptyJeu 30 Juin 2016 - 19:21
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La rencontre entre les deux sages, l'elfe et l'aigle, avait été courte en terme de temps, mais remplie et intense. Car il aurait été sot de compter les heures de façon normale en pareille situation, quand la profondeur de l'esprit des interlocuteurs et la justesse de leurs discussions faisaient de chaque minute un instant plein et infiniment plus profitable qu'une journée toute entière dans le banal quotidien. Ilmendil en était conscient, et comprenait maintenant la soudaine et inexplicable allégresse qu'il avait éprouvé la veille, et qui l'avait poussé à exprimer son cri dans l'air du septentrion. Il crut même comprendre la relation qu'il y avait entre cette soudaine prémonition de sa part, et les rêves que lui avait contés le noldo et qui avaient poussé ce dernier à escalader la montagne : il y avait derrière tout cela un esprit puissant qui avait permis ce rapprochement. Les chances étaient grandes pour que Manwë Sulímo, le Souverain du Souffle d'Arda, le Premier dans l'Esprit d'Eru, le Puissant parmi les Puissances, soit intervenu de façon très subtile malgré la séparation des Terres Mortelles et des Terres Immortelles. Une question taraudait l'esprit d'Ilmendil toutefois... Pour quelle raison cette providence avait-elle eu lieu ? Était-ce simplement une attention que Manwë avait distillé par bienveillance envers ses préférés parmi les kelvar, ou bien y avait-il là une raison bien plus profonde, une raison nécessaire à la santé du monde ? Lui, tout grand aigle qu'il fut, n'en savait fichtrement rien. Peut-être ses congénères qui demeuraient sur les hauteurs sacrées du Taniquetil, loin, bien loin dans l'espace et dans le cosmos, et pour qui les aires des thoronath des Monts Brumeux devaient paraître comme des nids de basse-cour, peut-être avaient-ils les réponses à ces questions...

Une idée amusa Ilmendil : dire que son ami elfe avait peiné tant et tant pour faire le voyage aller, et que le voyage retour lui serait d'une facilité abyssale. Ce pouvait sembler injuste, mais était-ce bien le cas ? Il devait y avoir quelque charme à franchir les montagnes par son habilité et son endurance, à marcher loin vers l'horizon malgré la fatigue, à mériter sa destination et à ressentir le bonheur d'être arrivé après un long voyage. Bien rares étaient les humains ou les elfes à pouvoir goûter aux joies du vol dans les airs ; mais aucun aigle ne connaîtrait jamais le plaisir simple du voyageur goûtant au réconfort d'une auberge après une bonne journée de marche.

L'Oiseau se posa alors qu'ils se trouvaient encore sur les contreforts les plus bas des Monts Brumeux, car il ne souhaitait pas apparaître à la vue de tous les habitants de Fondcombe. Un grand pas avait déjà été fait dans le rapprochement des deux races avec cette amitié entre lui et le seigneur Isilo, aussi il ne fallait pas hâter les choses outre mesure. Le temps viendrait, peut-être. Il déposa donc ses deux légers fardeaux, Isilo et la dame qui disait s'appeler Tatië dans une clairière d'où ils pourraient facilement rejoindre leur cité par des sentiers relativement praticables.

Les paroles d'adieu furent courtoises mais ne s'éternisèrent pas en salamalecs, car le plus important avait été dit là-haut, et la compréhension qui régnaient entre les deux êtres ne nécessitait pas une quantité de mots pléthorique. Pourtant, juste avant de prendre son envol, Ilmendil se tourna vers le Maître de Limeclaire et inspira profondément. Il déclama plusieurs phrases courtes et sibyllines de sa voix grave, qui pouvaient paraître tout à la fois comme un poème et une sorte d'énigme...


“ Beleg mîr o nestad, tu es partie naguère
Vers celle qui t'as fait renaître en ce bas monde ;
Vers l'aïeule oubliée d'Imladris, la seconde ;
Vers la dame qui gît à six pieds sous la terre. „


Le chemin est souvent plus important que la destination. Si Isilo était bel et bien la bonne personne, la personne envoyée aux aigles dans leur besoin, alors Manwë insufflerait la réponse en son cœur, et il saurait vers où se tourner.


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