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Sujet: Un Comte à régler
Learamn

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Rechercher dans: Linhir   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Un Comte à régler    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 22 Déc 2023 - 14:06


Au travers de la vitre humide du fiacre, les paysages du Lebennin défilaient lentement sous un ciel gris et menaçant. Les territoires vallonnés du Nord de cette région étaient encore visibles au loin, à l’horizon, mais ils avaient cédé leur place à des centaines d’hectares de plaines fertiles traversées par plusieurs cours d’eau qui venaient irriguer la terre et nourrir tout ce qu’on y produisait. Le regard du Comte était empli de nostalgie. Oui, il ne s’en était pas immédiatement rendu compte mais son pays natal lui avait bel et bien manqué.

Le voyage depuis Minas Tirith avait été plus long que prévu. En temps normal, quelques jours était suffisant pour descendre l’Anduin depuis la capitale jusqu’à Pelargir puis la grande route commerciale permettait de rallier Linhir en moins d’une semaine. Cependant, les rives du Grand Fleuve n'étaient plus sûres et la grande cité portuaire devait faire face à un blocus pirate qui handicapait le royaume entier. Ainsi, pour d’évidentes raisons de sécurité, un détour avait été nécessaire, rallongeant le voyage de près d’une semaine supplémentaire, passées sur les routes du Royaume. Quand ils pouvaient s’arrêter à une auberge de voyage, Alcide et sa suite se faisaient le plus discret possible, craignant sûrement que l’on ne reconnaisse l’ancien Intendant du Gondor, l’une des figures les plus importantes du royaume. S’il n’avait pas toujours voulu se mettre en avant au cours de son mandat, restant presque une figure à la discrétion trop marquée pour certaines mauvaises langues, son nom était bien connu en ces terres. L’homme appréhendait quelque peu les réactions qui accompagneraient son retour. Du dédain pour un noble ambitieux cédant aux sirènes du pouvoir avant de revenir bredouille, sa carrière s’étant fracassée sur la realpolitik de la capitale ? Du soulagement de voir revenir un seigneur qui fut apprécié de tous? Peut-être pire, de l’indifférence à l’égard d’un personnage qui avait disparu de leur quotidien depuis un long moment.

Sa démission à la suite des sinistres évènements ayant secoué la Cité Blanche avait été plus significative qu’il ne l’avait pensé, et, avec le recul, une véritable erreur. Après la mort du Général Cartogan, de nombreuses critiques s’étaient élevées à l’encontre de l’Intendance qui n’aurait pas rempli son rôle de réconciliateur garantissant la paix sociale. La Reine avait temporairement repris les choses en main et Alcide avait été convaincu par sa Cour de remettre sa démission.

“Une simple formalité pour satisfaire les critiques”
lui avait-on répété.

“Vous serez sans nul doute conforté à ce poste lors du Conseil du Sceptre” l’avait-on rassuré.


Pourtant, il avait été berné. Le clan des Fidèles de la Reine avait manigancé en coulisses pour que les grands Seigneurs de ce Royaume choisissent Dalia de Ronce comme nouvelle intendante. Ce n’était pas un mince exploit, tant une certaine misogynie régnait encore dans certains cercles du pouvoir Gondorien. Alcide, de son côté, avait senti le vent tourner quelques jours avant la tenue du Conseil et s’était tourné vers les plus conservatifs des représentants, et en particulier l’influent Général Aerith. Au final, cette alliance de circonstances avait volé en éclats face à la dextérité des fidèles de la couronnes, qui à coup de promesses et d’autres concessions étonnantes, étaient parvenu à rallier les seigneurs des fiefs à leur cause.

De Ronce avait été nommée et Alcide avait perdu son pari. Pour un politicien chevronné comme lui, la défaite avait été amère. Il avait d’abord cherché des responsables et sa rancœur s’était tour à tour tournée sur la Reine, ses Fidèles et même la Compagnie du Sud dont il soupçonnait une implication loin d’être innocente derrière ce vote. Après tout, l’ancienne Grande Guérisseuse faisait bien partie de l’entourage nébuleux de ce satané Saemon Havarian. Puis, il avait fini par réaliser qu’il était le principal responsable de cette déchéance. Cet échec était avant tout le sien. Une acceptation qui lui fut salvatrice.
Ainsi, il avait sereinement vidé les quartiers de l’Intendance avant de souhaiter élégamment beaucoup de réussite à son successeur. Il n’y avait pas officiellement de passation de pouvoir, l’Intendance ayant été laissée vacante suite à sa démission, mais il avait tout de même tenu à accueillir Dalia et lui prodiguer quelques conseils sur les prérogatives de son nouveau poste. Les intérêts du royaume passaient avant tout et, en mettant de côté toute rancœur personnelle, le choix du Conseil n’était pas forcément le plus mauvais. Malgré son expérience, elle avait été éduquée à la politique et à la diplomatie et jouissait d’une image populaire et positive auprès des habitants de Minas Tirith, loin de l’aristocratie du Lebennin qu’incarnait Alcide. Tout ce dont la Couronne avait besoin.

Alcide avait été utile au pouvoir pendant un temps. Il en avait désormais été écarté. Bien qu’il dispose toujours d’un hôtel particulier au sein de la capitale, il avait vite réalisé que sa place n’était plus à Minas Tirith.

Son regard se détourna du panorama pour se poser sur la banquette vide en face de lui. Il eut un sourire triste. Malgré tous ses arguments, Vedraï, sa nièce, avait refusé de rentrer avec lui. Il en avait été déçu, lui qui voyait déjà toute leur famille réunie sous un seul toit. Cela faisait tant d’années qui avaient déjà été gâchées. Mais la jeune femme était farouche et animée d’une volonté d’indépendance solidement affirmée. Elle avait désiré rester dans la grande ville un peu plus longtemps, assurant tout de même à son oncle qu’elle viendrait bientôt le visiter.
Un autre échec pour le Comte d’Illicis.

Le convoi franchit finalement les murs de Linhir alors que la pluie se mettait à battre. Les rues dallées et remarquablement bien entretenues étaient peu fréquentées mais quelques regards suffisaient à comprendre que la cité n’avait point souffert du départ du Comte. Bien au contraire. Le blocus de Pelargir faisait de Linhir le nouveau principal point d’entrée maritime vers l’intérieur des terres de l’Ouest du Gondor. Le trafic n’y était pas aussi important que dans la grande cité fluviale, Le Gilrain et le Serni étaient des fleuves bien plus modestes que l’Anduin et ne ralliaient pas Minas Tirith, mais de plus en plus de marchands décidaient de s’arrêter à Linhir, encore épargné par les affres de la guerre.

La carriole s’arrêta devant un château de taille relativement modeste mais à l’architecture raffinée.

“Nous sommes arrivées messire.” Lui indiqua le cocher.

Alcide prit une longue inspiration et réajusta sa cape de voyage alors qu’on lui ouvrait la porte. Il descendit prudemment du véhicule en s’appuyant sur le marchepied glissant.
Une belle femme d’une trentaine d’années se tenait devant l’entrée, un large sourire illuminant son visage au teint légèrement hâlé.

“Mon oncle! Quel plaisir de vous voir ici!
-Plaisir partagé ma chère Amelaï.”


Lors de son départ pour Minas Tirith, Alcide avait confié la gestion de la ville à son autre nièce. Certains avaient vu cela d’un mauvais œil mais le Comte de Linhir n’avait pas eu l’ombre de doute quant à la réussite de la sœur aînée de Vedraï. Suite à la mort de son frère, Alcide s’était chargé d’éduquer ses trois nièces sous son toit. L’aînée, Valeraï, fruit d’un mariage illégitime, avait été confiée à l’Arbre Blanc à un jeune âge. Elle en était désormais l’un des agents les plus émérites. La cadette, Vedraï, refusant un mariage arrangé, avait fui, disparaissant au Sud pendant de longues années avant de réapparaître subitement, prisonnière des pirates. Au final, seule la radieuse Amelaï était réellement restée au côté de son oncle. Ce dernier lui avait dispensé une éducation de haute qualité, la formant aux arts, à la politique et à l’économie. Tout ce dont elle avait besoin pour devenir une dirigeante accomplie.

“Thelyes est absent ?”
S’interrogea Alcide.
Oui, il est au chevet de son père”

L’ancien Intendant acquiesça silencieusement. Le mari d’Amelaï était issu d’une autre grande famille de Linhir, leur union renforçant l’influence des Illicis mais aussi assurant une vraie union entre les nobles de la cité portuaire. Alcide savait que ce mariage n’était pas le fruit de l’amour mais Amelaï, consciente de ses responsabilités, ne s’en était jamais plaint, acceptant son destin pour le bien commun. Un respect mutuel régnait entre les deux époux, dénué de la passion qui animait deux amants. Sa nièce en souffrait-elle? Si tel était le cas, elle n’en montrait rien.

Des domestiques débarrassèrent Alcide de sa cape et se chargèrent de porter à l’intérieur ses bagages. Amelaï le guida jusqu’au au petit salon et lui servit un verre de vin tout en lui exposant les récentes actualités qui agitaient Linhir.

“Les coffres se portent bien et le commerce se fait de plus en plus florissant. Certaines guildes ont commencé à gronder, arguant que l’on prélevait trop de taxes mais nous avons rapidement conclu un accord.”

Alcide sourit, décidément le fruit n’était pas tombé loin de l’arbre.

“Tu as fait du bon travail, ma nièce. Les retours que j’ai eu à Minas Tirith était tous excellents.”

La jeune femme s’installa à son tour en face d’Alcide, verre à la main.

“Vous me flattez. Mais il y a encore bien des choses à régler. Le Quartier des Tanneurs souffre encore d’inondations régulières et les travaux d'agrandissement du port traînent. Et puis il y a ce diable de Barbesco Lopa qui arrive toujours à nous filer entre les doigts tout en poursuivant ses affaires…Bref, je vous laisse la ville avec de sacrée problèmes.
-Non.”


Amelaï, surprise par la réponse expéditive de son oncle, cligna des yeux.

“Comment ?”


Alcide se redressa lentement et se dirigea vers la grande fenêtre circulaire qui illuminait toute la pièce. Il contempla la cité fortifiée et le port qui la jouxtait, un air triste sur le visage.

“Non.”
Répéta-t-il. “Je ne suis pas venu pour prendre ta place; Amelaï. Comme je te l’ai dis tu as fais un excellent travail, le peuple t’aime et tu as une grande carrière devant toi. Quant à moi…”

Il ferma les yeux et, pour la première fois depuis si longtemps, fut envahi d’un agréable sentiment de sérénité.

“Quant à moi, je vais enfin pouvoir prendre un peu de repos.”


#Amelaï
Sujet: [OUTRO IRL 18 ANS] La nuit, tous les chats sont gris
Aldarion

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Rechercher dans: Le Quartier Marchand   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [OUTRO IRL 18 ANS] La nuit, tous les chats sont gris    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 16 Avr 2023 - 23:02


Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! Matinm10
La nuit avait été cauchemardesque, #Idril et #Alcide avaient été mis au courant dès le départ de la terrible nouvelle qui allait secouer le royaume pour les prochaines semaines.

Les yeux d'Alcide passaient sans s'arrêter sur les fumées qui s'élèvaient encore à certains endroit de la ville. La plupart des incendies étaient maîtrisés mais la ville allait garder encore des cicatrices pendant un long moment.

"Comment avez-vous pu laisser les choses aller aussi loin… un officier de ce rang.. "

La voix de la Reine Idril était calme mais dissimulait mal un mélange de tristesse et de déception.

Alcide accusait le coup, il n'avait pas grand chose à dire pour sa défense…hormis qu'il avait sans doute accordé sa confiance à de mauvaises personnes.

"Vous… "

La Reine interpella la discrète silhouette qui se tient en retrait à côté de la porte. Des gardes à l’allure fatiguée et aux vêtements pleins de poussière avaient débarqué au petit matin au palais. Ils avaient demandé à pouvoir mener devant la Reine une nouvelle recrue de l’Arbre Blanc qui avait des informations de la plus haute importance à livrer.

"Expliquez-moi ce qui s'est passé…"

"Tout a commencé au Chameau qui Tousse avant hier…"

***

Cela faisait un moment que la Reine Idril et l’Intendant écoutaient le récit que la recrue leur faisait de cette funeste soirée. Ils commençaient doucement à y voir plus clair dans l'enchaînement des événements. Il leur restait néanmoins à comprendre l'ultime acte de cette tragédie, cette nuit où l'impensable était arrivé.

“Cartogan nous avait rassemblés dans la grande salle du Chameau qui Tousse. L'ambiance était lugubre”

Continua le survivant.

***

Rhydon était mort, Berton aussi. Esmer de Vigo  avait pris le commandement des opérations sur le terrain pour tenter de rétablir le calme. Zehev et Sined avaient été réquisitionnés pour le seconder. Quant à Petrus, il était désormais considéré comme un félon par le Général.
Le tumulte de la rue montait jusqu'à nous et l'odeur des fumées restait dans l'air.
Nous étions la seule troupe encore à disposition de Cartogan et il était notre seul officier. Pourtant, les événements avec Marius Van Diesl avaient considérablement ébranlé notre petit groupe.

Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! Carto10
Le Général #Cartogan
" Comme vous le savez, ma mère est détenue par des personnes qui veulent me faire chanter pour éviter que ne s'opère la véritable justice. La Cité Blanche est un endroit dangereux et je ne peux tolérer que ma mère y soit laissée à la merci des enragés qui mettent notre ville à feu et à sang."

C'est ainsi que le Général nous avez présenté la situation. Tout le monde semblait d'avis de le suivre dans cette mission difficile. Certains pensaient devoir le surveiller, d'autres voulaient sincèrement l'aider.

"Allez vous équiper et revenez dès que possible !"

La plupart d'entre nous semblaient avoir choisi l'option de la discrétion. Il valait mieux éviter d'attirer l'attention. Longs manteaux et épées courtes étaient de rigueur. Personne n'aurait pu deviner qu'il s'agissait d'agents de l'arbre blanc. Cartogan tança les rares qui avaient choisi l'option plus lourde et leur intima d'enfiler une tenue plus discrète.

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Les rues de Minas Tirith étaient remplies de monde. De nombreux habitants étaient sortis, inquiets de la tournure des évènements.  Notre groupe se dirigea vers le quartier des antiquaires à la recherche de la rue des archets indiquée sur le document de Berton.
Nous arrivâmes finalement face à un barrage. Le quartier semblait bloqué, en proie à des troubles comme un peu partout ailleurs dans la cité.

Nous avons préféré éviter la confrontation directe, d’autant que nous n’étions pas certain que la proclamation de Marius Van Diesl n’avait pas déjà été largement diffusée.

Le jeune Twist qui connaissait parfaitement la Cité nous a alors indiqué un chemin alternatif. Il avait déjà dû passer par les souterrains de la cité blanche par le passé et était certain de pouvoir nous guider de l’autre côté du barrage. L'idée de s'enfoncer dans les égouts ne semble pas tout à fait du goût de tout le monde... mais avions-nous vraiment le choix ?

Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! Zogout10

Les égouts n’étaient pas l’endroit le plus agréable de Minas Tirith. Les rats grouillaient littéralement de partout et l’odeur était difficilement supportable. Pour ajouter une touche de fantaisie, Twist semblait tout à coup nettement moins sûr de la route à suivre. Sans véritablement savoir pourquoi, nous nous sommes alors dirigés vers la gauche.

Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! Charni11

A notre surprise, nous sommes tombés sur une pièce remplie de cadavres… de toute évidence des victimes de la peste. Cela a été un choc car nous avons eu l’impression d’avoir été dupé depuis tout ce temps où nos autorités, le Général Cartogan en premier, niait l’ampleur de la maladie. Une jeune femme qui faisait partie du groupe, une certaine #Orline, a préféré faire volte-face et quitter le groupe. Elle n’avait pas signé pour ça. Le général lui a jeté un regard noir mais n’a rien oser dire.

Nous avons poursuivi notre chemin, à nouveau vers la gauche et avons suivi un couloir qui paraissait décrire une courbe. A force d'avancer dans le couloir, nous sommes arrivés face à une porte hermétiquement close. Quelques-uns ont tenté de baisser la poignée mais sans succès. Nous avons longtemps hésité sur la marche à suivre, certains voulaient rebrousser chemin, d'autres continuer en forçant la porte. Je pense que l’idée de retrouver le charnier avait découragé le plus grand nombre…

Pourtant, il aurait sans doute mieux valu s’abstenir. Une poche de gaz semblait s’être formée derrière la porte. Une fois celle-ci ouverte, le gaz s’est soudainement enflammé provoquant une explosion mortelle. Il nous a fallu quelques minutes pour nous remettre de nos émotions et pour constater que cinq de nos compagnons avaient mordu la poussière. Le jeune Twist, Antioche, Judia, Hoshen et une agent du nom d’#Elyena, qui aurait mieux fait de ne pas nous rejoindre, étaient réduits à l’état de bouillie.

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L'ambiance au sein du groupe n'est pas nécessairement à la franche rigolade. Nous avons pansé nos plaies avant de reprendre notre route.

Nous avons suivi un chemin étroit pour finalement émerger dans la cave d'un bâtiment. Nous sommes alors sortis de la cave et nous nous sommes aventurés dans les couloirs. Nous avions réussi à pénétrer dans l’Hôtel Claymore.
Sujet: [Passé] Des Doutes de Pirates
Reznor

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Rechercher dans: Le Port de Harlond   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [Passé] Des Doutes de Pirates    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 25 Juin 2017 - 23:24

23 Mars de l’An 301 du quatrième Âge, 7 jours après le mariage d’Aldarion et Dinael

Où qu’elle aille, dans n’importe quelle direction qu’elle se dirige, Vedraï sentait le poids des regards se tourner vers elle. Certains la dévisageaient ouvertement, d’autres lui lançaient des petits regards furtifs, tandis que d’autres encore attendaient qu’elle ait tourné la tête pour l’observer à loisir derrière son dos. Il fallait dire que depuis le coup de théâtre qui avait suivi l’arrestation du pirate Reznor, la jeune femme était un sujet de prédilection à la cour du Roy de Gondor.

Il y avait ceux, et c’était les plus nombreux, qui se contentaient de trouver incroyable que la nièce de l’Intendant réapparaisse vivante des années après avoir disparu. Et prisonnière d’un bateau pirate qui plus est ! Par les Valar, quel sacré calvaire devait-elle avoir vécu… Il y en avait d’autres qui faisaient part d’une animosité à peine voilée envers la jeune femme. Ceux-là semblaient considérer que c’était par sa faute que l’on avait dû libérer le Capitaine Reznor, qui aurait fait un otage précieux. Ces partisans de la guerre totale avec Umbar en voulaient aussi à son oncle, qui, d’après eux, n’aurait jamais dû accepter l’échange proposé par le pirate. Vraiment, cette Vedraï n’en valait pas la peine.

Il y avait également ceux qui regardaient la jeune noble avec le plus grand intérêt. Elle était après tout célibataire et ma foi fort jolie. D’une noblesse et d’une fortune correcte, cela suffisait de faire d’elle un parti intéressant. Mais bien sûr, le plus important était le fait qu’elle était la nièce du nouvel Intendant de Gondor. Tous ces nobles t estimaient qu’un mariage avec la belle Vedraï, pour eux-mêmes ou pour leur fils, était le meilleur moyen d’entrer dans les bonnes grâces du deuxième personnage du Royaume. Mais à vrai dire, tous ces gens-là, les intrigués, les fâchés, les envieux et les intéressés, Vedraï s’en fichait pas mal. Il restait une dernière catégorie qui la préoccupait nettement plus. Il s’agissait des gens en qui résidait le vrai pouvoir. Ceux qui allait immanquablement s’intéresser à son cas et avec lesquels chaque interaction serait comme marcher sur des charbons ardents, car le moindre faux pas l’enverrait droit au bûcher.

Parmi ceux-là, l’homme qui était le plus proche d’elle, de par ses liens familiaux, était aussi celui qu’elle craignait le plus, car en tant qu’Intendant son oncle Alcide était un des hommes les plus puissants du Gondor. Aussi avait-elle été quelque peu rassurée quand, le soir de l’échange, celui-ci s’était contenté d’échanger avec elle pendant un bref quart d’heure, avant de décréter que sa nièce devait être emmenée aux Maisons des Guérison pour s’assurer qu’elle était en bonne santé et qu’ils poursuivraient leur conversation le lendemain. Vedraï n’avait pas protesté, car elle n’avait aucun intérêt à sous-entendre qu’elle avait bien été traitée par les pirates, et cela lui permettait de peaufiner l’histoire qu’elle allait raconter à son oncle pour justifier sa disparition.
Les guérisseurs qui s’étaient occupés d’elle avait bien trouvé çà et là quelques cicatrices et traces de coups, vestiges de son passage dans la piraterie, ils avaient vite déclaré que la jeune femme était bien portante. Elle ne semblait pas non plus avoir subi de traumatisme, et ils la laissèrent rapidement seule dans sa chambre. Et, après une nuit sans sommeil qu’elle avait passé à s’inquiéter sur son sort, son oncle Alcide s’était présenté en milieu de matinée. Il était seul, ce qui fit grincer des dents à Vedraï. Elle aurait préféré raconté son histoire à toutes les personnes intéressées du premier coup. Moins de risques de se contredire.

Alcide s’était d’abord assuré que la jeune femme allait bien, et qu’il était on ne peut heureux de la revoir vivante, quelles que soient les circonstances, car il devait reconnaître qu’il ne l’espérait plus. Et bien sûr, après quelques échanges divers, le sujet s’était bien entendu porté sur ce qui s’était réellement passé.

« Je m’excuse, mon oncle… » avait commencé Vedraï. « Tout est ma faute. Rien de tout cela ne se serait passé si je ne m’étais pas enfuie de la villa d’Arzawa… »

Elle avait décidé d’opter pour une version qui n’était pas trop éloignée de la vérité. Pas question d’inventer un enlèvement ou quoi que ce soit de ce genre. Le risque était grand, car en admettant sa responsabilité, elle n’avait aucune certitude d’obtenir le pardon de l’Intendant. Elle commença à raconter qu’elle ne voulait pas d’un mariage arrangé avec un noble gondorien, qu’elle avait envie d’aventures. Et elle avait rencontré un homme, un Harondorim qui gagnait sa vie en escortant des caravanes de marchands. Elle en était tombée amoureuse et avait fugué pour le rejoindre. Elle avait parcouru le Harondor avec lui, jusque-là au moins son récit restait proche de la vérité.

« C’est à Al’Tyr que tout a basculé. Il y a eu des troubles dans la cité. Jamil s’est fait tuer. Je me suis retrouvée seule, sans argent, sans rien… Après plusieurs jours à mendier dans la rue, j’ai pu trouver une taverne qui voulait bien m’employer comme serveuse. Non mon oncle, ne vous inquiétez pas, pas ce genre d’établissement. La situation n’était pas glorieuse, mais je ne suis jamais tombée aussi bas. Je mettais péniblement quelques pièces de côté, dans l’espoir de pouvoir me payer une place sur un navire à direction du Gondor ou d’Arzawa… Malheureusement, le nouveau gouvernement d’Al-Tyr n’était pas favorable à la domination du Gondor… La plupart des échanges se faisait vers le sud. J’ai décidé de tenter ma chance par la route, vers Arwa, dans l’espoir de rejoindre Dur’Zork… »

C’est à ce moment-là du récit qu’elle s’était détournée de sa véritable histoire. Car depuis Al’Tyr, c’était directement Umbar qu’elle avait rejoint, avec une toute autre carrière à la clé. Elle avait poursuivi son récit, l’inventant maintenant du tout au tout. Fort heureusement, son oncle ne l’avait quasi jamais interrompue, se contentant que quelques exclamations et interrogations par moment. Et quand elle eut fini, la réaction d’Alcide rassura fortement la jeune femme. Il semblait n’émettre aucun doute la véracité de son histoire, et mieux, il ne lui gardait aucune rancune pour sa fuite. La joie de la revoir vivante semblait être le sentiment dominant auprès de l’Intendant. Il avait poussé un soupir de soulagement lorsqu’elle lui avait annoncé qu’elle n’avait pas été maltraitée par les pirates, qu’elle avait passé tout le voyage prisonnière dans une étroite cabine. Il ne parut même pas déçu quand elle lui dit que du coup, elle n’avait entendu aucune information intéressante fuiter dans des discussions de pirates. La seule chose qu’elle put lui raconter était que, une fois on l’on vint ouvrir la porte alors que les Seigneurs Pirates étaient en pleine discussion, elle avait entendu que Reznor comptait retourner directement à Umbar, mais qu’il devait déposer Yse à Al’Tyr où elle comptait rester un mois… mais elle n’avait pas entendu pourquoi…

Et le jour suivant, elle put compter sur son soutien en public, ce qui lui fit encore plus plaisir. D’abord lorsqu’un nobliau murmura derrière qu’on aurait jamais du l’échanger contre le pirate Reznor. Alcide, qui l’avait entendu, déclara haut et fort que Reznor importait quand Taorin croupissait toujours en prison. Au-delà, de la joie d’avoir été défendue par son oncle, ce fut le choc pour Vedraï. Taorin ? En prison ? C’était une nouvelle source d’inquiétude. Elle n’avait certes jamais échangé avec le Chien Borgne, celui-ci devait tout de même avoir entendu parler d’elle. Et que devait-elle faire ? Tenter de lui porter assistance discrètement, ou l’ignorer du tout au tout ?

Alcide intervint une deuxième lorsqu’une vieille dame au visage outrageusement maquillé vint à critiquer la tenue de Vedraï. S’il y avait bien une chose que celle-ci ne puisse concevoir, c’était de porter les énormes robes pleines de fioritures prisées par l’ancienne aristocratie. Heureusement, l’invitation surprenante de la reine Lyra au mariage avait importé avec elle la mode rhûnienne. Il n’était pas rare en Rhûn que les femmes s’habillent de façon plus masculine, avec des pantalons amples ou simplement une jupe par-dessus des braies classiques. De nombreuses gondoriennes s’étaient rapidement attribuées cette mode et, habituée à sa vie de pirate, Vedraï leur avait emboité le pas avec joie et soulagement. Après qu’ils se soient faits rabroués publiquement par l’Intendant, Vedraï n’avait plus vu ni le jeune noble, ni la vieille dame le lendemain à la cour.

Cependant, il y avait d’autres personnages importants avec qui elles n’avaient pas les rapports privilégiés qu’elle avait avec son oncle. Elle redoutait particulièrement Radamanthe. L’ancienne pirate se rendait bien compte que, même en ayant perdu la moitié du Harondor et sa capitale, même si les gens le raillaient derrière son dos, l’ancien bourreau restait un des personnages les plus puissants du Royaume. Entre la moitié de l’Emirat et la Principauté d’Ithilien, le territoire dirigé par Radamanthe équivalait, au niveau de la superficie, à la moitié du Gondor. Et l’Emir déchu n’avait aucune raison de l’aimer. S’il y en avait un qui devait être particulièrement furieux qu’elle ait été échangée contre la libération de Reznor, ça devait bien être Radamanthe. Ce dernier devait en effet certainement estimer que c’était à cause du capitaine pirate et de ses troupes, que Dur’Zork était tombée. En effet la manœuvre de Radamanthe au moment décisif de la bataille avait été astucieuse, et elle aurait pu lui valoir la victoire… si Reznor n’était pas arrivé du Nord-Ouest au moment opportun, à l’improviste comme à son habitude et ainsi prendre les forces loyalistes en tenaille. Et qui plus est, certains murmuraient qu’il y avait des tensions entre Radamanthe et son oncle Alcide. Le premier avait été lui-même Intendant, poste qu’il avait abandonné lorsqu’il avait acquis le titre d’Emir. L’Intendance était resté vacante plusieurs années, avant qu’Alcide reprenne le poste… peu avant que Radamanthe ne perde sa capitale. Si l’on ajoutait à cela que l’Ithilien, dont Radamanthe restait le Prince, était normalement liée à l’Intendance…
Vedraï comprenait bien que Radamanthe avait toutes les raisons de la haïr, et elle le craignait plus que tout. Elle savait que si elle laissait échapper la moindre information, que si l’Emir avait le moindre soupçon, il avait les moyens de creuser jusqu’à révéler son histoire au grand jour… et ça ne serait pas seulement elle mais aussi sa famille qui en pâtirait.

La première nuit, aux Maisons de Guérison, elle en était même arrivée à faire un nouveau cauchemar à son sujet. Elle revoyait sa face barbue, plaquée à quatre pouces de son visage, et l’Emir lui posait un milliard de questions, toujours plus proches de la vérité. Et soudain, il ôtait le cache-œil qu’il portait depuis l’escarmouche de l’enlèvement du fils de Méphisto, et à la place d’une blessure béante, il y avait une sorte de petit palantir, une pierre de vision, et Radamanthe s’écriait :

« J’ai tout vu ! Je sais tout de toi, Vedraï d’Illicis ! Je t’ai vu trahir ton pays et te vendre aux pirates ! Et pour ça, tu vas mourir !»


Heureusement, elle s’était réveillée avant de revivre la scène d’exécution de son premier rêve. Et la nuit précédente, elle avait pu dormir tranquille. En effet, elle avait appris que Radamanthe n’était plus à Minas Tirith. Il avait, parait-il prétexté une urgence pour repartir dans sa capitale de l’Ithilien. Mais on murmurait qu’il était entré dans une rage folle à la libération de Reznor, et qu’on avait entendus ses éclats de voix tard la nuit dans le bureau de l’Intendance. Il était parti au petit matin. Voilà qui avait le don de soulager Vedraï, mais la jeune femme était bien consciente que Radamanthe finirait tôt ou tard par revenir en la Cité Blanche, et là, elle ne pourrait pas éviter leur face à face.

C’était le deuxième jour qu’elle déambulait à la cour du Roy Méphisto, deux jours depuis l’échange fatidique, et Vedraï se rendait compte que même en l’absence de l’Emir, bien d’autres dangers guettaient. D’abord ce mystérieux général, Cartogan, qui, en tant que chef de l’armée, devait certainement avoir participé à l’arrestation de Taorin et Reznor ? Personne n’avait dit mot à ce sujet, mais elle en était convaincue. Elle devait même se méfier des marchands. On racontait que le maître de la Compagnie du Sud, Saemon Havarian, était un personnage louche, et faisait bien plus que du négoce. Tantôt on le disait au service d’Aldarion, tantôt de Radamanthe. Certaines l’apparentaient à des organisations dont Vedraï n’avait jamais entendu parler, comme la Couronne d’Enfer ou les Pêcheurs d’Etoiles. Mais la jeune femme n’avait aucune envie de mêler le vrai du faux, et se jura de rester bien loin de ce mystérieux personnage. Et puis il y avait ce visage familier qu’elle avait finalement aperçu dans la foule, après avoir passé deux jours à le guetter avec anxiété. A vrai dire, c’était grâce à ses cheveux, d’une couleur si particulière, qu’elle l’avait reconnue tout de suite. Sa demi-sœur, Valeraï. C’était, après tout, un peu à cause d’elle que Vedraï avait fugué. Par jalousie.

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Valeraï était l’aînée, mais avant tout elle était le fruit d’une aventure de jeunesse de leur père commun. Fille illégitime, elle était restée malgré tout à Linhir, avec ses petites sœurs de bonne naissance, du moins jusqu’à ses douze ans. Elle avait alors été envoyée à Minas Tirith, pour poursuivre son éducation, avait-on dit. Vedraï n’avait pas compris, à l’époque. Elle aussi continuait d’être éduquée, mais toujours à Linhir… Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle avait saisi qu’il s’agissait d’une éducation particulière, car Valeraï avait été confiée au Service de l’Arbre Blanc.

Ayant disposé d’une éducation de noble, tout en ne pouvant prétendre à aucun titre, Valeraï était la candidate idéale pour entrer dans l’espionnage. Athlétique et aventureuse, Vedraï avait trouvé en elle une sorte de modèle. Et lorsqu’elle apprit ce que sa demi-sœur faisait réellement, elle s’était toujours dit qu’elle voulait suivre la même voix… jusqu’à ce que son père l’apprenne et mette fin à ses illusions. Vedraï était une d’Illicis, sa place n’était pas de faire les sales boulots du Gondor. La jeune fille ne l’avait acceptée bien sûr, et cette frustration avait joué un grand rôle dans sa fugue. Et voilà, que sa grande sœur apparaissait devant elle, dans un contexte différent cette fois. Car Valeraï faisait toujours partie de l’Arbre Blanc, et à en juger par son accoutrement, Vedraï jurait qu’elle devait faire partie des gradés. Elle portait une tunique noire dont les ornements en argent faisaient immanquablement penser à une tenue d’officier. Et elle ne se cachait pas, laissant penser que les basses besognes étaient depuis longtemps derrière elle.

« Vedraï ! J’avais peur de ne jamais te revoir… »

« Valeraï… Je n’en reviens pas moi-même d’être de retour en Gondor après si longtemps… »

« Quel bonheur de te retrouver, petit sœur… »


Elles s’installèrent dans une alcôve à l’écart et parlèrent pendant des heures. Cette conversation permit à Vedraï d’apprendre une foule d’informations importantes. Les circonstances de la mort de leur père Sylphide, lors de ce terrible affrontement aux confins du monde. Qu’il valait mieux ne pas appeler sa demi-sœur par son vrai nom en public, car ici tout le monde la connaissait sous le surnom de Neige. L’ascension de leur oncle au poste d’Intendant. Tous les développements qu’avait connus le Gondor depuis sa fugue. Mais le sujet le plus important fut bien sûr les aventures de Vedraï. Ce fut une épreuve terrible pour la jeune femme. Elle avait cette envie folle de raconter toute la vérité à sa sœur, mais elle se rendait bien compte que son métier était précisément d’interpeller les traîtres. Elle ne savait pas comment sa sœur aurait réagi à la vérité. Pouvait-elle compter sur leur proximité pour la protéger. Au final, Vedraï s’en tint à la même version qu’auprès d’Alcide, et mentit à celle qui était jadis sa confidente.

« … j’étais restée trop longtemps à Urlok et c’est ce qui a causé ma perte. La ville n’était pas prête à l’attaque des pirates. Ce fut un massacre. Une victoire totale et facile pour Umbar. J’ai été capturée, comme des centaines d’autres. J’ai honte Val’… J’avais peur d’être livrée à ses brutes. C’est moi qui leur ai révélé qui j’étais… Ils n’en même pas dû m’arracher cette information de force, je me suis offerte moi-même en tant qu’otage… C’est de ma faute si le capitaine pirate a été relâché… »

L’espionne s’était alors rapprochée de sa petite sœur et l’avait prise dans ses bras.

« Arrête, Vedraï, tu as fait ce qu’il fallait pour te protéger. Peu importe qu’on ait laissé partir ce Reznor. Si les pirates ne t’avaient pas capturée, tu errerais encore aux confins du Harad. L’essentiel, c’est que tu es là… »

Ce jour-là Vedraï avait regagné ses appartements toute heureuse d’avoir revu sa sœur et d’avoir longtemps échangé avec elle. Pourtant, plus tard le soir, c’est en pleurant qu’elle s’effondra dans son lit. Passée l’euphorie du moment, elle réalisait pleinement à quel point son existence allait être ardue. Tant de personnages à qui la moindre parole de travers pouvait provoquer sa perte. Radamanthe, bien sûr, le taciturne Cartogan et même le mystérieux Havarian. Mais surtout ceux qui étaient le plus proche d’elle, son oncle Alcide, le nouvel Intendant, et même sa propre sœur, l’espionne Valeraï.
Non, Vedraï ne se sentait pas prête à vivre une vie dans le mensonge.

Résumé:


#Reznor #Neige #Alcide
Sujet: [Passé] Des Doutes de Pirates
Reznor

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Rechercher dans: Le Port de Harlond   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [Passé] Des Doutes de Pirates    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 17 Juin 2017 - 21:44
26 Mars de l’An 301 du quatrième Âge, 10 jours après le mariage d’Aldarion et Dinael

Un vent puissant gonflait les voiles blanches du Joyeux Requiem, qui fendait les flots bleus azur en direction plein Sud. Cela faisait une demi-journée que le navire pirate avait quitté l’estuaire de l’Anduin pour enfin atteindre la pleine mer, provoquant des soupirs de soulagement à tout l’équipage. Loin du fleuve, un navire Gondorien ne pouvait plus leur bloquer la route, et toute poursuite était désormais inutile, car nul vaisseau de guerre ne pouvait rivaliser avec le Requiem à la course. Tous les membres d’équipages étaient des guerriers aguerris, mais ils n’en étaient pas pour autant moins soulagés de s’en être tirés sans effusion de sang de ce traquenard qu’avait été Minas Tirith. Maintenant qu’ils étaient en pleine mer, nombreux étaient ceux qui laissait éclater leur joie en s’enfilant plusieurs bouteilles de rhum. Plusieurs d’entre eux étaient déjà affalés sur le pont, ivres morts.

Il fallait dire que pour une fois, la discipline n’était pas au beau fixe sur le Requiem. Le fait que le capitaine n’ait quasi pas quitté ses quartiers depuis le départ n’aidait pas à maintenir l’ordre. Seul dans sa cabine, Reznor n’avait pas attendu d’atteindre la pleine mer pour s’engloutir du rhum. Il avait même probablement été dans un état second depuis que le navire avait quitté le port de Harlond. Seul… Là le bât blessait… Le capitaine n’arrivait toujours pas à se rendre compte de ce qu’il avait fait.

Reznor avait laissé la cabine en l’état depuis qu’il y était rentré il y avait déjà plusieurs jours. Tout lui rappelait Verdraï et tout lui rappelait son absence. Les draps défaits sur le lit dans lequel il n’avait pas encore dormi une seule fois depuis leur départ. Le coffret à bijoux, entr’ouvert et la penderie, grande ouverte, lui laissant constater que la seule robe de dame que Vedraï possédait avait disparu, tandis que ses vêtements de pirate, aux nuances d’ocre et d’or, étaient négligemment jetés sur le plancher de la cabine. Il voyait même le reflet du petit crâne en ébène, qui avait fini au sol lui aussi. Reznor était sûr qu’il pouvait encore sentir son parfum.

En voyant la scène, on aurait pu croire que la jeune femme avait finalement abandonné la vie de pirate, et son capitaine par la même occasion. Mais ce dernier savait très bien qu’il n’en était rien. C’était lui qui avait trahi Vedraï.

« Je n’avais pas d’autre choix ! » s’écria-t-il à haute voix. Mais comme il n’y avait personne d’autre que lui-même pour l’écouter, il s’enfila une nouvelle rasade de rhum.

Il n’avait même pas pu lui faire correctement ses adieux. L’échange s’était fait en public, à côté de son navire qui mouillait dans le port de Harlond. Naturellement, les soldats Gondoriens ne l’avaient pas laissé aller chercher Vedraï lui-même, il avait dû envoyer un de ses hommes tandis qu’il restait sous bonne garde des sbires de l’Intendant. Elle avait à peine eu le temps de se débarrasser de ses affaires de pirate avant de paraître sur le pont à l’exclamation de tous, menée par Boz’œil qui faisait semblant de la tenir fermement par le bras. Alors que la jeune femme passait à côté de lui, elle lui avait asséné un crachat en plein visage. Était-ce pour parfaire la mise en scène, ou une réelle manifestation de dédain ?

Reznor ne le saurait sans doute jamais… Pour le savoir, il aurait fallu qu’ils se revoient, et comment cela pouvait-il arriver ? L’Intendant Alcide avait tenu parole. L’échange avec sa nièce effectué, il avait laissé repartir le pirate, en criant haut fort que ce dernier pendrait haut et court s’il refoulait les terres du Gondor. A peine arrivé à bord, ses hommes l’avaient informé que Taorin, l’instigateur de la conquête du Harondor, avait lui aussi été arrêté.  Reznor ne manifesta aucune suprise. Le Chien Borgne était après tout un bien plus gros poisson que lui, il était logique qu’il subisse aussi les fourberies gondoriennes.  Mais lui n’avait pas la chance d’avoir la nièce de l’Intendant pour utiliser comme monnaie d’échange. Reznor n’avait d’autre choix que d’abandonner Taorin à son sort, tandis que la jeune fille redevenait donc Vedraï d’Illicis, et sa noble famille avait encore gagné en pouvoir depuis sa fugue au Harondor des années auparavant. Comment pourrait-elle échapper à ses origines pour retourner vers Umbar ?

Et pourtant, l’instinct du Capitaine lui disait qu’ils se reverraient un jour avec certitude, et l’instinct de Reznor le trompait rarement sur ces choses-là. Restait à savoir quand et dans quelles circonstances… La jeune femme avait acquis les compétences maritimes et guerrières pour participer à une expédition contre Umbar, par exemple. Et rien ne lui disait que même si elle ne se présentait pas en conquérante, elle n’allait pas lui enfoncer un poignard dans le cœur. Reznor n’osait pas imaginer ce que Vedraï pensait de lui en ce moment. Mais il n’avait pas besoin de l’imaginer, car depuis le départ du Requiem, il avait fait chaque nuit le même rêve.

Il se revoyait le jour de la traîtrise, le jour où il avait dû faire une décision cruciale pour sa survie. Une décision qui allait tout chambouler, et qu’il avait dû prendre en une fraction de secondes. Il se revoyait entouré de soldats gondoriens de toutes parts. Les gardes qui auparavant étaient simplement plantés autours des portes avaient soudain  saisit leur lance à deux mains à la faveur d’une simple exclamation de leur commandant. Reznor devait reconnaître qu’il n’avait pas vu venir le stratagème pour les piéger. Simple, terriblement fourbe mais diablement efficace.

Derrière la rangée de soldats, le pirate revoyait Radamanthe, l’Emir déchu qui ne pouvait cacher un rictus de satisfaction jouissive derrière sa grosse barbe. Alcide, le nouvel Intendant, dans son pourpoint bleu azur, avait le visage crispé. Ce n’était pas ainsi qu’il s’imaginait le dénouement des négociations. Il n’était peut-être même pas d’accord avec ces machinations mais il s’était  à l’évidencerésigné. C’était son regard que le pirate cherchait. Sa décision était prise, elle avait même été prise bien avant qu’il n’ait été confronté à la situation réelle. Il avait levé et écarté les bras, en signe de soumission. Déjà un chevalier en profitait pour lui confisquer son sabre. Et quand enfin ses yeux rencontrèrent ceux du notable gondorien, le pirate s’écria :

« Hey Intendant ! Dis-moi, quelles nouvelles de ta nièce, la tendre Vedraï ? » Reznor regarda les yeux du gondorien s’écarquiller, ses lèvres trembler de colère, ses poings se serrer. Mais il ne disait mot, se contentant de regarder fixement le pirate, redoutant les prochains mots qui allaient sortir de sa bouche.

« Pas grand-chose, hein, depuis qu’elle a disparu au Harondor ? » continuait Reznor avec un sourire moqueur. « Mais le pauvre pirate que je suis sait où se trouve la belle… Pourquoi, elle est prisonnière sur mon navire, parbleu ! »

D’aucuns disent que ce fut l’une des rares fois où ils virent le nouvel Intendant perdre son calme. Livide, il s’écria :

« Mensonges ! Affabulations ! Sournoiseries de pirate ! »

Reznor, bien que toujours entourés de gardes braquant leur hallebarde vers lui, ne prenait plus la peine de lever les bras en signe de soumission. Il se fendit d’un bruyant éclat de rire tout en rétorquant d’un ton moqueur :

« Que Morgoth me patafiole si je mens ! Mais je comprends tes doutes, petit Intendant… Aussi ai-je apporté une preuve… Attrape »

Reznor fit un geste de la main, et un objet brillant apparut de sa manche. Aussitôt il le lança en direction d’Alcide. S’eût été un coutelas que l’Intendant serait certainement tombé raide mort, mais fort heureusement, il s’agissait d’une chaînette en argent que le Gondorien attrapa au vol. Tremblant, il ouvrit finalement son poing serré sur le pendentif, pour l’examiner. Il n’y avait aucun doute. L’emblème de la maison d’Illicis d’un côté, celui de la ville de Linhir de l’autre. Au milieu, un V ouvragé.

« Alors, convaincu ? » railla le pirate. « Mes hommes savent quoi faire si je ne rentre pas de la Cité Blanche. Le marché est simple : ma liberté, contre celle de ta jolie nièce… »

Et c’était à ce moment que son cauchemar se détournait de la réalité telle qu’elle s’était déroulée à Minas Tirith. Alcide se plantait droit devant lui et commençait, comme dans ses souvenirs : « Je n’ai pas le choix, pirate… » Mais le visage de l’Intendant était comme différent. Il était plus fin, la peau moins ridée. Il y avait comme un air de famille, d’ailleurs les yeux étaient les mêmes. C’était le visage de Vedraï que le pirate voyait sur le corps de l’Intendant, et elle s’écriait :

« Je n’ai pas le choix, car tu ne me l’as pas laissé, Reznor ! Tu m’as obligée à t’accompagner, et pourquoi ? Pour servir de monnaie d’échange ? »

Le garde le plus proche voyait à son tour son visage se déformer pour se muer en celui de la jeune Gondorienne, qui criait ses mots :

« Tu te débarrasse de moi car tu préfères cette salope de Yse, hein c’est ça ? Eh bien retourne la sauter loin d’ici ! »

Reznor voyait alors la tête de Radamanthe se porter juste devant lui. Il était livide, son œil survivant écarquillé par la colère, et son haleine puait l’alcool. L’Emir déchut le saisissait par le col de sa chemise et, de l’autre main, il lui enfonçait un poignard dans les côtes. Mais même la barbe hirsute de Radamanthe disparaissait, et son visage était peu à peu remplacé par celui de Vedraï, qui murmurait en grinçant des dents :

« J’ai trahi ma patrie pour toi, j’ai combattu les alliés de mon père et voilà comment tu me remercie ? Tu me livres à ceux que j’ai abandonnés ? »

C’est alors que les portes de la salle du conseil s’ouvraient à la volée, poussées des deux mains par un homme à l’armure étincelante. Ses cheveux et sa cape flottaient derrière lui, et il s’avançait à grandes enjambées. C’était le Roy Méphisto. Mais à mesure qu’il s’avançait, c’était à nouveau le visage de Vedraï qu’il voyait, et elle rugissait comme une lionne.

« Tu m’as prise pour une catin d’Umbar ? Une fille de joie dont on jouit un soir et puis dont on se débarrasse sur le côté ? Et qu’on vient rechercher quand on a bonne envie ? Tu vas voir… »

Et s’approchant de la plus en plus, le Roy dégainait Anduril, la Flamme de l’Ouest et, d’un seul mouvement, tranchait la tête du natif de la Cité du Destin.


C’était toujours à ce moment-là que le pirate se réveillait en sueur, le visage de celle qu’il avait abandonnée hantant ses pensées, même après avoir émergé. Reznor porta le goulot de la bouteille de Rhum à ses lèvres, mais elle était vide. Il se leva en titubant pour aller en chercher une autre dans sa réserve puis hésita un instant. Il se ravisa. Le rêve de la nuit passée serait le dernier, il se le jura. Il avait pris sa décision, et il l’assumait. Il se souvenait que Taorin n’avait pas eu ce choix, lui.
Reznor se rendait compte que sa décision avait été priseil y a bien des années. Depuis qu’il était devenu pirate. La piraterie, c’était la liberté. La mer et le vent salé qui lui fouettait le visage, c’était aussi la liberté. Et lorsqu’il s’était battu pour libérer Umbar des adorateurs de Melkor, c’était toujours pour la liberté.

La liberté était cette maîtresse dont on ne pouvait plus se passer. C’était l’idéal qui animait le Capitaine depuis si longtemps. Alors, si pour la retrouver, sa liberté, il devait sacrifier sa belle Gondorienne, aussi attaché qu’il y fût...

"Je n'hésite pas un instant."

#Reznor #Alcide #Radamanthe
Sujet: [Tales] - Les chroniques de la Cité Blanche
Alcide d'Illicis

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [Tales] - Les chroniques de la Cité Blanche    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 29 Sep 2016 - 21:41
La salle du trône n'avait pas connu pareille affluence depuis le mariage royal. Tous les notables de la cité y avaient été convoqués à la quatrième heure après le lever du soleil, et l'écrasante majorité avait répondu présent. Il y avait là les hauts-gradés de l'armée et un grand nombre de gradés plus modestes. Le récent rappel des troupes avait eu pour effet de concentrer une partie des officiers gondoriens provinciaux dans la capitale, et tout comme leurs homologues exerçant ici ils avaient reçu un pli les conviant à ce rassemblement. Le plus puissant d'entre les militaires, le Général Cartogan, ne faisait pas exception. Était également présente toute la noblesse, et parmi eux Alcide discernait certaines personnes dont il avait craint le regard ces derniers temps : Marco Volo et son costume fantasque, Niklas Makiaveel avec son air toujours aussi sérieux, la grande guérisseuse Dalia de Ronce qui semblait avoir l'esprit ailleurs, et le conseiller Alatar dont la barbe poussait toujours plus longue. De nombreux représentants de la haute et de la moyenne bourgeoisie avaient aussi été conviés. Les personnes les plus importantes avaient eu le droit de s'assoir sur des sièges capitonnés aux pieds galbés, tandis que les autres devaient faire le pied de grue sous les alcôves tout autour de la salle avec les statues des rois de jadis.

Alcide appréhendait ce moment. Ce n'était pas tant le fait de prendre la parole devant un si large public qui l'impressionnait, car son titre l'avait habitué à ce type de performance et il se débrouillait fort bien dans cet exercice. C'était autre chose... Il savait qu'il y avait dans l’assistance des personnes qui remettaient presque ouvertement en cause sa politique et la façon dont il avait traité les dernières affaires et il se demandait comment ces gens-là réagiraient à son annonce si tardive. Ce sentiment de crainte lui déplût : il était l'Intendant de ce royaume, il ne devait pas se laisser aller à ce genre de pensées. Seul le Roy pouvait juger ses actes et ses décisions, et personne d'autre. Ce n'était pas sous la pression qu'il avait décidé de faire cette allocution, mais au vu d’éléments nouveaux.

Assis sur le trône des Intendants, d'Illicis savait que les informations qu'il était sur le point de révéler à son peuple amèneraient de grands bouleversements dans les temps à venir, pour le bien ou pour le mal. Pour le bien, il l'espérait sincèrement. Et comme si l'atmosphère n'était pas déjà assez pesante comme ça, le souvenir de la soirée de l'avant-veille refit surface, tel un malin fantôme revenant le hanter...

♦ ♦ ♦

- Voulez-vous quelque chose à boire ? demanda-t-il à ses deux hôtes.

Tandis qu'il posait cette question, il ne put s'empêcher de se demander ce qu'ils pouvaient bien vouloir de lui, pour avoir réclamé en urgence une audience dans ses appartements privés. Certes il avait bien une idée du sujet qu'ils allaient aborder, mais il ne voyait pas en quoi la donne pouvait avoir changé depuis qu'il avait opposé son refus aux érudits. Chacun des deux attendit poliment que l'autre formule sa réponse, tant et si bien qu'Alcide commença à croire qu'il n'en obtiendrait aucune. Finalement Alatar écouta sa galanterie et fit signe à Dalia de parler en premier. Pour elle se serait un vin de pêche ; le vieux conseiller opta quant à lui pour un verre d'hypocras. Lorsque tous deux furent servis, Alcide se versa une goutte de vin rouge des Côteaux du Dor-en-Ernil et ils trinquèrent machinalement à la prospérité du royaume comme le voulait la coutume.

Le Comte de Linhir termina rapidement son verre et le posa sans grand ménagement sur le guéridon à côté d'eux, comme pour enjoindre ses deux visiteurs d'en venir au fait. Le conseiller et la guérisseuse échangèrent un regard furtif et cette fois-ci se fut Alatar qui prit la parole en premier...

- Monsieur l'Intendant, nous sommes venus vous faire part d'une information de la plus haute importance...


♦ ♦ ♦

L'Intendant d'Illicis se leva lentement de son siège et prit une profonde inspiration. Les murmures qui parcouraient indistinctement la grande salle s'évanouirent aussitôt. Son visage sévère, sa mâchoire serrée et l'intensité de son regard de saphir donnaient l'impression qu'il était sur le point d'annoncer qu'Eru Ilúvatar lui-même avait décidé d'engloutir le Gondor sous les flots grondants de Belegaer.

- Peuple de Minas Tirith et de Gondor. Si je vous ai réunis aujourd'hui, c'est pour vous faire part d'une information de la plus haute importance.

Clair. Direct. Pragmatique et sans fioriture. C'est ainsi qu'il voulait son discours. Il ne voulait pas avoir l'air de ces historiens passionnés et de ces mystiques éthérés qui ne cessaient de déblatérer leurs tirades  sur l'ancien temps, sur le pouvoir de la magie et sur l'insignifiance des gouvernements humains en comparaison. Non, il laissait cela aux romantiques et à ceux qui avaient le temps de s'accorder ces épanchements.

- Une missive vient de nous être adressée, au Roy, à moi-même, ainsi qu'aux suzerains de plusieurs autres royaumes. Une missive pour nous mettre en garde face à un danger qui nous menace. Elle a été signée de neuf noms prestigieux, dont certains des porteurs sont présents ici, en ce moment-même.

Son regard s'attarda sur les premiers rangs, sans pour autant qu'il ne précise de qui il s'agissait. De nombreuses têtes se tournèrent d'un côté puis de l'autre dans l'assistance, puis revinrent peu à peu dans leur position initiale. Tous étaient suspendus aux graves paroles de l'Intendant, souhaitant ardemment connaître la nature du nouveau danger qui les menaçait. S'il venait leur annoncer la présence d'une armée ennemie aux alentours de Cair Andros, il s'y prenait un peu tard...

♦ ♦ ♦

- Mon ami Pallando, qui se trouve actuellement à Annúminas, vient de m'adresser une lettre qui m'a à la fois réjoui et inquiété.

Passant sa main dans les plis bleus de sa robe, il en sortit un petit bout de papier plié d'une manière sophistiquée.

- Il m'y raconte les événements récents dans le royaume du nord et son point de vue sur ces événements. Entre autres choses, il me fait part de sa joie et de son espoir de voir des aventuriers, solitaires ou en groupes, quitter de temps à autres la capitale sans en donner la raison et partir dans des directions diverses. Il y eut par exemple un dénommé Thorondil qui partit un beau jour en compagnie de son serviteur et qui, escorté par deux soldats, prit le chemin des Hauts des Galgals où s'élèvent les tombes des anciens seigneurs de Cardolan. Les Galgals, région à l'atmosphère ésotérique s'il en est. Et que dire de ce groupe de...

- Montrez-moi cette lettre, coupa Alcide, ce sera plus simple.

- Oui, bien entendu. Tenez monsieur l'Intendant.


♦ ♦ ♦

Alcide quitta un instant la foule des yeux. Il porta sa main droite sur l'imposant accoudoir de marbre du Trône des Intendants. On aurait dit qu'il se saisissait de quelque chose qui y avait été déposé au préalable mais qui était jusqu'alors resté inaperçu de la foule en contrebas. Lorsqu'il leva la main vers les clés de voûte du plafond, tous purent voir qu'il s'agissait d'une feuille de parchemin.

- Ceci, poursuivit-t-il, est la Missive envoyée par les grands érudits de la Terre du Milieu. Il y est dit que plusieurs événements récents laissent à penser qu'un groupe de personnes formant une organisation cherchent à mettre la main sur des objets du passé... des artéfacts aux puissantes propriétés qui demeurent aux quatre coins du monde et qui leur seraient d'une grande utilité. Si c'est le cas, ne nous faisons pas d'illusion sur les desseins de ces individus, et imaginons simplement quelles catastrophes pourraient provoquer les membres de la Fraternité de Yavannamirë – puisque leur communauté semble être connue sous cette dénomination – s'ils venaient à user d'objets aussi puissants que celui qui apparut à la fin du Troisième Âge pour notre malheur.

Ce dernier mot se répercuta en échos sous le haut plafond. Au bout de quelques secondes s'installa un silence tendu et pesant, pendant lequel chaque gondorien ici présent, chaque capitaine, chaque commandant, chaque noble et chaque bourgeois, chaque homme et chaque femme essaya d'assimiler, de réaliser ce qu'il venait d'entendre.

- Notre seule chance est de les prendre de vitesse, de dénicher ces objets avant eux pour le bien de tous !

Il se sentit presque ridicule. Quelques semaines plus tôt il considérait encore tout ce qui touchait au surnaturel comme des histoires de bonnes femmes ou des vérités n'appartenant qu'aux Âges précédents. Aujourd'hui il n'était sûr de rien. Mais il préférait ne pas prendre de risque, le Gondor se devait de ne pas être à la traîne.

♦ ♦ ♦

Les verres de vin de pêche et d'hypocras étaient vides, mais le maître des lieux ne proposa pas de nouvelle rasade. Il n'aurait jamais cru que l'Arnor, le royaume frère, l'éternel allié dans la paix comme dans la guerre, pût d'une part prendre assez au sérieux les avertissements des érudits pour envoyer des équipes de recherche, et d'autre part qu'il n'ait pas cherché à collaborer avec le Gondor.

Soit. Il allait devoir employer les grands moyens.

- Si Aldarion est passé maître dans l'art du secret et des cachoteries, je vais lui montrer que la transparence peut s'avérer bien plus efficace. Une annonce... Je vais faire une annonce publique !
#Alcide
Sujet: Il n'y a pas de feu sans Fumée
Alcide d'Illicis

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Rechercher dans: Le Palais   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Il n'y a pas de feu sans Fumée    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 15 Déc 2015 - 0:47
On frappa à la porte. Il leva le nez de la feuille sur laquelle il était en train de coucher quelques mots soigneusement choisis, et déposa la plume dans l'encrier prévu à cet effet. D'une voix claire, il lança un « entrez ! » courtois, et son visiteur fit son apparition sans attendre. Traînant derrière lui sa longue cape brodée aux armes du Roi, le Général Cartogan pénétra dans la pièce, majestueux comme d'habitude. Il avait cette raideur caractéristique des hommes de guerre, qui paraissait déteindre sur tout ce qu'il était, ce qu'il faisait, de sa démarche à sa manière de parler, voire même au ton qu'il employait quand il écrivait une lettre. Alcide trouvait qu'il manquait un peu de souplesse, pour ne pas dire de tolérance, mais c'était un homme efficace, déterminé, qui administrait très bien l'armée de Minas Tirith. Grâce à lui, on pouvait enfin dire que la Cité Blanche était sous contrôle, ce qui n'avait pas été le cas depuis longtemps…


L'Intendant se leva de son secrétaire, et lui serra la main avec sérieux. Alcide aurait bien voulu pouvoir amener le sujet délicatement, mais Cartogan était un homme d'action, pressé d'en venir au fait, et il ne lui laissa pas le temps de déployer l'arsenal de formules de courtoisie que son éducation lui commandait pourtant d'employer. Abruptement, il lança :

- J'ai reçu votre message, de quoi s'agit-il ? D'une farce ?

Il était un peu terre à terre, et sa réaction n'avait rien d'étonnant. Au contraire, même, elle était absolument normale, et nul doute que bien des gens auraient la même en apprenant ce qu'il se tramait. Alcide fit « non » de la tête, et répondit tout en invitant le Général à prendre un fauteuil :

- Je crains que ce soit tout ce qu'il y a de plus réel, Général. Vous avez vu qui sont les signataires, je suppose.

- Je me suis renseigné, oui. Uniquement des gens à qui on confierait sa femme sans confession. Mais je ne crois pas à leurs balivernes. Allons bon, avec leurs histoires, ne croyez-vous pas qu'ils vont semer un vent de panique ? Je serais d'avis de ne rien faire. Cela ne ferait que créer de la confusion… du désordre.

L'Intendant sourit légèrement. Le « désordre ». Cartogan en avait horreur. Il préférait de loin quand les choses étaient à leur place, les soldats à patrouiller, les criminels derrière les barreaux. Il manquait certainement de subtilité, et n'avait aucun don pour la politique, ce qui le rendait extrêmement précieux dès lors qu'il s'agissait de renforcer l'autorité royale par des mesures d'exception, mais parallèlement il était difficile de converser avec lui de politiques complexes. Etait-ce pour cela qu'ils se complétaient si bien ? Le Comte d'Illicis, bien plus calculateur et stratège que son interlocuteur, croisa ses mains fines :

- Et que se passerait-il, Général, s'ils disaient vrai ? Que se passerait-il si cette chose existait vraiment ? Ne devrait-elle pas revenir au Gondor, de plein droit ?

- Certainement. Il serait trop dangereux de la laisser tomber entre de mauvaises mains. Mais je ne vois pas en quoi rendre cette information publique nous donnerait davantage de chances de nous emparer de cet artefact… Nous avons des hommes compétents, qui pourraient faire ce travail de la meilleure des manières.

Il soulevait une question intéressante. Toutefois, il lui manquait une variable importante, qu'Alcide n'avait pas voulu lui communiquer dans le mot qu'il lui avait envoyé pour le faire venir dans son bureau. Il ne s'agissait plus d'une histoire propre au Gondor, désormais :

- L'information n'est plus secrète, Général. Niklas Makiaveel en personne m'a apporté cette missive, et nous avons eu une conversation très intéressante. Les têtes pensantes de ce groupe ont envoyé des messagers chez nos alliés, et des rumeurs commencent à courir depuis Tharbad. Il se murmure que des gens influents recherchent un objet de grande valeur. D'aucuns parlent même d'un trésor. Vous vous souvenez sans doute de l'engouement populaire autour de cette petite auberge… l'Auberge Sous la Montagne Au Trésor ? Un groupe d'aventuriers a trouvé le trésor, alors que tout le monde pensait que c'était tout bonnement impossible. Que se passerait-il si des idiots du même acabit mettaient la main sur une arme si puissante qu'elle menacerait le Gondor ? A qui croyez-vous qu'ils la remettraient ?

Cartogan fronça les sourcils. Il n'aimait pas trop le scénario – certes catastrophiste – que lui présentait Alcide. Il n'avait pas vu les choses sous cet angle, mais maintenant que l'Intendant lui en parlait, il fallait bien dire qu'il marquait des points. Si quelqu'un de mal intentionné mettait la main dessus, le Gondor risquait d'en pâtir sévèrement. Surtout que le grand royaume des Hommes avait beaucoup d'ennemis latents, qui n'attendaient qu'une opportunité pour le faire vaciller. Les gens du Sud et de l'Est, pour commencer, mais plus généralement tous ceux qui jalousaient la puissance du Haut-Roy. Ils n'hésiteraient pas longtemps avant de faire usage d'un atout en leur faveur, assurément. Contrairement aux idéalistes qui croyaient dans l'amitié entre les peuples, Cartogan se méfiait facilement des autres royaumes, dont les intérêts n'étaient pas toujours très clairs vis-à-vis du Gondor. La paix ne signifiait pas l'amitié, l'amitié ne signifiait en rien la confiance, et la confiance n'excluait pas la vigilance. Il en connaissait un rayon en matière de trahison fratricide, et savait qu'aucun lien, même le plus fort, ne pouvait protéger contre un coup de poignard.

- Au plus offrant… C'est toujours comme ça avec les mercenaires… Que proposez-vous ?

- De faire la meilleure offre. Inciter les gens à travailler pour nous plutôt que pour nos voisins. Exalter l'amour pour le Gondor auprès de ceux qui sont les plus honorables, et combler les désirs de richesse chez ceux qui ont prêté allégeance à l'or et à l'argent.

Le Général comprenait. Il n'appréciait pas la manœuvre, car il n'appréciait pas particulièrement la loyauté changeante des mercenaires. Ils manquaient cruellement de professionnalisme, étaient capables de tout pour arriver à leurs fins et on ne pouvait jamais garantir qu'ils allaient être un investissement rentable. D'une voix un peu désabusée, il demanda :

- Est-ce que cela va fonctionner ?

- A-t-on le choix ? Répondit Alcide.

Ils regardèrent tous les deux par la fenêtre, vers la Cité Blanche baignée de lumière. Un soupir s'échappa de leurs lèvres, alors qu'ils sentaient plus que jamais peser sur leurs épaules le poids des responsabilités. Ils s'embarquaient dans une drôle d'affaire, assurément.

#Alcide
Sujet: Entre deux loyautés ...
Alcide d'Illicis

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Rechercher dans: Le Palais   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Entre deux loyautés ...    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 28 Fév 2015 - 18:39
Alcide se pencha légèrement en avant, alors qu'il écoutait le jeune homme en face de lui. Il prenait cette posture particulière lorsqu'il prêtait une grande attention aux propos qui lui étaient adressés. Ses yeux de faucon plongèrent dans le regard du marchand, qui s'empressa de commencer son récit, dont chaque mot paraissait pesé avec grand soin. Il y avait un certain talent chez ce jeune homme, qui paraissait maîtriser ses gestes avec beaucoup d'expérience. Quel âge pouvait-il bien avoir pour se comporter ainsi ? A le regarder, on lui donnait un peu plus d'une vingtaine d'années, tout au plus. Un visage assez fin et imberbe, des traits encore vifs, et des yeux pétillants. L'Intendant le dévisageait avec une rare intensité, paraissant s'arrêter sur le moindre détail, comme s'il en découvrait surtout par l'observation, et non par l'écoute. Car après tout, ce que lui disait le jeune marchand n'était certainement pas la vérité… Qui à Minas Tirith venait voir le Comte d'Illicis pour lui parler franchement, et pour lui faire part d'une seule pensée sincère ? Un millier de courriers lui arrivaient chaque jour, essentiellement de Minas Tirith et de ses environs, mais également des provinces. A chaque fois, on demandait son aide ou son intervention, sans jamais vraiment expliquer les tenants et les aboutissants. Untel demandait un règlement royal pour une affaire où il s'estimait lésé, en omettant de préciser les torts qui étaient les siens, naturellement. Dès lors, Alcide ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce que ce jeune homme lui cachait...

Pour l'heure, Evart Praven paraissait déterminé à convaincre l'Intendant de ses bonnes intentions, et de sa fidélité. Processus assez logique, pour un individu qui avait eu l'idée saugrenue de se rapprocher de Taorin, sans même en informer quiconque. Les choses auraient pu très mal tourner pour lui, et il avait eu de la chance de ne pas être éliminé par le Seigneur Pirate. Après tout, qui pouvait savoir de quoi était capable un tel homme ? S'il prenait le risque de chercher à créer des réseaux d'amitié en plein cœur de Minas Tirith, c'était qu'il se sentait assez confiant pour agir au nez et à la barbe des services secrets de l'Arbre Blanc, et de tous les réseaux d'informateurs du Gondor. Dès lors, éliminer un jeune nobliau sans influence majeure ne lui aurait pas posé problème, pas même avec l'interdiction du port d'armes mise en place par le général Cartogan… Alors pourquoi ne l'avait-il pas fait quand les choses avaient commencé à mal tourner ? Fallait-il croire absolument le discours bien établi d'Evart, et supposer que Taorin voyait en lui un certain potentiel, ou bien les plans du Seigneur Pirate étaient-ils bien plus élaborés ?

Alcide écoutait attentivement les paroles du jeune noble, mais au fond, son esprit bouillonnait à la recherche de liens entre les différents éléments qu'il avait à sa disposition. Il y avait des causalités plus ou moins probables, certaines qui paraissaient revêtir un caractère naturel mais qui en réalité pouvaient être un piège. Par exemple, les rapports dont disposait Alcide précisaient que Taorin n'avait pas été vu en train de comploter d'une quelconque manière. Il ne paraissait pas avoir fait venir des mercenaires à lui, et ses déplacements hautement surveillés n'avaient pas pu conduire à une seule information concluante. Il apparaissait donc que ses plans de s'établir dans la Cité Blanche, ou à tout le moins au Gondor, passaient par l'acquisition de faveurs auprès de personnages relativement hauts placés. Il s'assurait des fidélités au bas de l'échelle, et laissait ensuite ses poulains monter progressivement les échelons du pouvoir, pour mieux les exploiter par la suite. Cela signifait qu'il entendait bel et bien rester au pouvoir longtemps au Harondor, et jouer un rôle majeur dans la région. Sans doute Radamanthe ne devait-il pas apprécier cette confiance excessive, qui pouvait expliquer pourquoi il avait engagé des tueurs pour se débarrasser des Pirates. Un geste risqué pour ne pas dire insensé, mais qui pouvait se comprendre. L'occasion était trop belle pour ne pas la tenter…

Restait la question du marchand. A mesure que celui-ci s'exprimait, il se dépeignait comme un individu tout à fait banal, un simple nobliau n'ayant « pas énormément de présent » actuellement à Minas Tirith. Effectivement, Alcide n'avait jamais entendu parler de lui avant aujourd'hui, en mal ou en bien, ce qui ne signifiait pas qu'il n'était personne. Venu de la province, il s'était imposé en deux mois seulement à un poste à responsabilité au sein de la Guilde des Epiciers, qui n'était pas n'importe quelle institution à Minas Tirith. On ne pouvait pas douter que l'influence de son oncle avait joué en sa faveur, mais voir un homme si jeune endosser pareil rôle et en minimiser grandement les honneurs était curieux. La plupart des nobliaux auraient mis en avant le prestige de ce poste, et auraient insisté sur leur contribution au sein de la corporation. Au lieu de quoi, il prenait grand soin de se présenter comme quelqu'un de modeste. Par modestie ? Alcide sourit intérieurement. Probablement pas. Intérêt était le seul mot que les marchands avaient en tête.

Le point sur lequel l'Intendant s'interrogeait néanmoins était de savoir pourquoi Taorin avait contacté précisément ce marchand précis. Comme l'avait très justement souligné Evart, il n'était pas encore quelqu'un dans la capitale. Pas suffisamment important, à tout le moins, pour qu'un étranger qui n'était pas le bienvenu dans la capitale eût entendu parler de lui auparavant. Dès lors, qu'est-ce qui avait pu pousser les deux hommes l'un vers l'autre ? A la question « qui ? », Alcide avait déjà quelques idées. Des dizaines de personnages louches se seraient proposés de faire l'intermédiaire entre de riches clients qui souhaitaient négocier tranquillement de sombres affaires, en échange de quelques pièces. Mais pourquoi Evart Praven ? Fils d'une famille apparemment tout à fait respectable, neveu d'un juge dont la réputation n'avait jamais été entâchée, comment avait-il pu se retrouver mêlé à des affaires d’État qui le dépassaient de très loin ? Ce point ne serait pas éclairci aujourd'hui, mais la question demeurait dans un coin de la tête d'Alcide, qui savait trop bien gérer des conversations diplomatiques pour laisser paraître le moindre indice de ses réflexions intérieures sur son visage où s'était plaqué un masque poli et courtois.

Le jeune marchand, sentant qu'il devait poursuivre son récit, en vint à raconter l'épisode de son agression par les hommes probablement engagés par Radamanthe. De toute évidence, ils avaient eu de la chance de s'en sortir, et c'était ce que rapportaient les différents espions dont Alcide disposait dans la cité. Des attaques coordonnées et simultanées, qui avaient été d'une rare violence. Les quelques témoins, qui avaient pris la fuite rapidement par crainte d'être associés aux criminels, avaient tous décrit la même chose. Des assaillants déterminés et brutaux, qui avaient fondu sans sommation sur leurs cibles. Ce n'était pas le fruit d'une rixe, ou les effets de l'alcool sur des individus qui n'aimaient pas les Umbarites. C'était bien davantage, assurément. Evart, qui avait dû tendre l'oreille auprès des Pirates, l'informa de ce qu'il savait déjà, à savoir le fait que les autres représentants de la délégation avaient été la cible d'agresseurs eux-aussi. Toutefois, l'informaiton précieuse qu'il lui communiqua laissa Alcide stupéfait.

Riordan ? Mort ? Impossible ! Evart dut se méprendre sur le léger sourire qui fleurit sur le visage de l'Intendant. Ce n'était pas de la satisfaction ou du plaisir, mais bien une profonde résignation. La situation était bien plus catastrophique qu'il n'avait pu l'imaginer au préalable, et il devait rapidement réfléchir à un plan pour parer à la déferlante qui allait suivre. Malheureusement, les choses tournaient sous un angle imprévu, et à moins de jouer finement, il y aurait d'autres morts avant que cette histoire ne fût terminée… Alcide demeura de marbre face à l'enthousiasme du jeune nobliau, qui paraissait ressentir le frisson de l'action, et qui prenait de toute évidence plaisir à se trouver impliqué dans une pareille affaire. L'Intendant aurait voulu lui dire qu'il ne savait pas dans quoi il avait plongé, que les choses étaient mille fois plus compliquées qu'il ne pouvait l'imaginer, et que les chances qu'il y laissât la vie étaient bien plus importantes qu'il ne paraissait le croire. Contre les Pirates aucune loi ne semblait se dresser fatalement, et s'il prenait l'envie aux hommes de Riordan de se venger aveuglément, ils risquaient fort de passer leurs nerfs sur le premier Gondorien qu'ils trouveraient.

Répondant machinalement pour ne pas laisser un silence gênant s'installer, Alcide lâcha d'une voix morne :

- C'est une situation très embarrassante, Evart…

Le mot était faible, et Evart ne semblait pas mesurer le rôle qu'il jouait dans cette histoire. Il se présentait comme un fidèle serviteur de la couronne, mais sa présence ici faisait le jeu de Taorin désormais. Si les Pirates avaient eu l'intention de porter une réclamation officielle, ou de se plaindre ouvertement de ce qu'ils avaient été attaqués dans la cité, Alcide aurait eu vent du meurtre de Riordan à la première heure ce matin. On serait même venu le tirer du lit pour répondre aux questions de la délégation Pirate qui serait venue en force, pour lui demander des comptes. Au lieu de quoi, ils avaient pris grand soin de cacher le décès de leur compagnon, et d'envoyer un émissaire informel pour communiquer cette information « l'air de rien ». Evart était-il habilement manipulé par Taorin, qui lui avait laissé croire qu'il avait capté cette information seul, alors que le Pirate le laissait volontairement y avoir accès, ou bien était-il lié à eux par un véritable serment, qui l'avait poussé à venir ici pour mettre pression sur le gouvernement du Gondor ?

Quant à la mention du prisonnier, elle venait se rajouter à l'horrible scénario qui s'était déroulé dans les murs de Minas Tirith. En plus d'avoir été attaqués et d'avoir perdu un de leurs plus éminents représentants, les Pirates allaient désormais pouvoir bénéficier d'informations capitales. Si leur prisonnier leur révélait un nom compromettant, comme celui de Radamanthe par exemple – et nul doute que les Pirates obtiendraient ce qu'ils voudraient, ils en avaient largement les moyens –, alors ils auraient un cassus belli tout trouvé. Au nom de cette sordide et lâche agression, ils pouvaient fédérer les territoires du Sud une nouvelle fois, et submerger le Harondor définitivement, amenant la menace des armées Haradrim aux portes de Pelargir.

Mais ils ne l'avaient pas encore fait.

Il n'était pas difficile de comprendre pourquoi. Taorin devait bien savoir que ses actions militaires n'avaient été couronnées de succès que parce que Gondor n'était pas intervenu dans cette guerre lointaine. La défaite à Dur'Zork avait été une surprise pour tout le monde, et ne laissait plus de place au doute. Si les Pirates remontaient encore vers le Nord, ils seraient accueillis par les régiments de tout le Gondor, qui les repousseraient jusqu'à Umbar s'il le fallait. Une guerre de conquête serait longue et coûteuse pour les hommes de la Cité du Destin, et elle les forcerait à mobiliser l'ensemble de leurs ressources, là où les seules troupes du Lebennin pouvaient leur poser d'énormes difficultés. Le nouveau Seigneur de Dur'Zork voulait négocier ce qu'il savait pouvoir contester par la force, mais il était toujours plus aisé de traiter en position de force, avec la menace d'une guerre terriblement violente au Sud, plutôt que de passer à l'action de manière inconsidérée. Les yeux d'Alcide revinrent à Evart, qui attendait sa réponse. Quel rôle pouvait bien jouer ce noble jusque là inconnu dans cette trame sordide ? Quels avantages pouvait-il bien tirer à s'associer avec un ennemi de la Couronne ? En se présentant ici, dans ces murs, il s'exposait à la réaction furieuse de l'Intendant, qui aurait tout aussi bien pu le faire arrêter, pour couper court à toutes ces manigances.

Dans la journée, les Seigneurs Pirates auraient été mis aux arrêts eux-aussi, et au lieu de célébrer dignement le mariage du Roi d'Aldarion, le Gondor aurait immédiatement donné l'ordre de mobilisation pour masser ses troupes à la frontière Sud. Ce scénario n'aurait pas déplu au général Cartogan, qui aurait sans aucun doute pris personnellement la tête des opérations pour aller massacrer les armées Pirates. On disait de lui que c'était un fin stratège, et surtout un homme si charismatique que ses hommes étaient capables d'exploits hors du commun sous son commandement. Aucun homme de son acabit ne parcourait actuellement les terres du Harad, et si Taorin, Yse et Reznor étaient coincés à Minas Tirith, en plus de la mort de Riordan, cela faisait presque la moitié du conseil des Neufs mis hors-jeu. La guerre, assurément, n'était pas une mauvaise option. Mais l'Intendant avec des principes, et il préférait n'avoir recours aux armes qu'en dernier recours. Enchaînant d'une voix lasse, il dit :

- Je ne m'étonne pas de ce qu'ils nous soupçonnent. Toutefois, nous ne sommes pour rien dans cette sombre affaire…

Alcide ignorait si Evart travaillait véritablement pour Taorin ou non, mais puisqu'il entendait le laisser repartir librement, au moins pour apaiser les craintes de son oncle, il préférait imaginer qu'il répéterait toute leur conversation au Seigneur Pirate, et que ce dernier entendrait que le Gondor n'était pas lié à cette affaire. Un vœu pieux, mais on ne savait jamais…

- Vous avez fait preuve d'une grande loyauté envers le Gondor, et votre intelligence vous a permis d'en apprendre beaucoup sur les Pirates. Cependant, je ne peux décemment vous demander de poursuivre dans une entreprise aussi dangereuse. Les risques pour vous seraient trop importants…

Il était prêt à prendre le pari que le nobliau insisterait, aussi continua-t-il :

- Toutefois, si votre cœur vous commande de servir bravement votre Roi, alors je ne saurais vous en empêcher. Les informations que vous nous ramènerez sont susceptibles de sauver des milliers de victimes. Je suppose que vous connaissez le traitement que le Roi réserve à ceux qui le servent fidèlement, et bien que votre engagement à son endroit soit mû par de nobles désirs, il n'est pas de sacrifice qui ne soit remercié en Gondor. En revanche, vous avez également vu le sort que Sa Majesté réservait aux traîtres, tel que ce Warin. Si d'aventure vous aviez vent d'une quelconque trahison, rapportez-le moi sans délai, que je puisse prendre les mesures qui s'imposeront.

Impossible de lire à travers la carapace de l'Intendant, qui avait eu des années d'expérience pour peaufiner son attitude, sa gestuelle, le ton de sa voix. On ne pouvait pas décemment croire qu'il était sincère dans ses paroles, qui paraissaient bien trop naïves, mais personne n'aurait pu déceler exactement l'ampleur de ses doutes, ou de ses cheminements intérieurs. Il avait l'art et la manière de toujours paraître honnête, ce qui avait fait de lui un ambassadeur si brillant, et qui l'avait désigné tout naturellement au poste d'Intendant quand Mephisto avait exigé que cette fonction fût de nouveau occupée. Son intelligence politique redoutable, façonnée par des années d'expérience, pesait désormais de tout son poids sur les épaules d'Evart, qui devait deviner que quelque chose n'allait pas derrière ce charmant sourire et ces yeux inquisiteurs. Toutefois, maintenant qu'il avait mis le doigt dans l'engrenage, il ne pouvait plus reculer. Pas maintenant qu'il s'était confié à l'Intendant du Gondor.

- Bien, à moins que vous n'ayez une dernière confidence à me faire, j'ai des affaires à traiter. Je suppose que vous comprenez…

L'Intendant se redressa, et avec un signe de tête élégant, prit congé d'Evart qui demeura seul dans la pièce, sitôt que les gardes en armures l'eurent quittée à leur tour. Alcide, dehors, fut abordé par le Juge Praven, qui paraissait au comble de l'inquiétude. Il s'empressa de s'approcher du Comte d'Illicis, et lui demanda d'une voix anxieuse :

- Alors ? J'espère que mon neveu n'a rien fait de grave, Sire…

- Rassurez-vous, Juge Praven. Votre neveu est un homme loyal au Gondor, qui suit fidèlement vos traces (ce disant, il avait posé sa main sur l'épaule du Juge). Continuez à l'éduquer de belle façon, et il pourrait avoir un bel avenir.

Le sourire de l'Intendant acheva de rassurer le Juge, qui sourit à son tour. Ils se séparèrent donc, non sans une poignée de main détendue, mais avant qu'Alcide eût fait trois pas, il s'arrêta et lança par-dessus son épaule :

- Oh, une dernière chose Juge Praven… Si votre neveu voulait ne pas vous donner tous les détails de cette conversation, soyez sans crainte. Il s'agit d'affaires d’État. Je suis certain que vous comprenez…

Sur ces mots, il s'empressa de filer vers sa prochaine mission. Il y avait beaucoup de gens à qui il devait parler de tout urgence, et beaucoup d'informations qu'il allait devoir rassembler. Escorté par ses gardes personnels, il descendit les marches qui conduisaient sur la grande place du dernier niveau, et partit d'un pas rapide en direction de la cité. Il devait vraiment lui dire deux mots.

#Alcide #Alphros #Praven
Sujet: Entre deux loyautés ...
Alcide d'Illicis

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Rechercher dans: Le Palais   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Entre deux loyautés ...    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 17 Fév 2015 - 5:13
L'intendant Alcide pianotait sur son bureau, un geste d'agacement et d'anxiété qui ne lui était pas coutumier. Lui qui était d'ordinaire toujours si calme et si mesuré paraissait, aujourd'hui, quelque peu perturbé. Il fallait dire que les choses ne s'étaient pas passées exactement comme prévu, et qu'il avait désormais un véritable problème diplomatique à gérer. Son ambition de rassembler pacifiquement autour de la table les délégations du Harondor gondorien et du Harondor umbarite venaient de tomber à l'eau, sans qu'il fût encore possible de déterminer les véritables responsabilités. De folles rumeurs circulaient partout parmi son réseau d'informateurs pourtant extrêmement bien renseigné, et la seule constante que l'on pouvait en dégager était que les Seigneurs Pirates avaient été victimes d'une tentative d'assassinat, et que Radamanthe était pour l'heure introuvable. Dire que la situation était tendue aurait été un doux euphémisme. Les festivités continuaient tranquillement, comme si de rien n'était, alors qu'en réalité une guerre était peut-être en train de se préparer au cœur même de la Cité Blanche. Une guerre qu'il devait éviter absolument, ou à tout le moins circonscrire au territoire de Radamanthe.

Le Sud était, comme souvent, sur le point de s'embraser. Cependant cette fois, le charismatique chef Haradrim était ce pirate de Taorin, qui paraissait avoir davantage d'ambition que ses camarades, membres du conseil des Neufs. Les façons de neutraliser son influence étaient nombreuses, et il faudrait rapidement faire en sorte qu'il calme ses ardeurs. Prendre la moitié Sud du Harondor, au nez et à la barbe de l'armée de l'Emirat, était déjà une prouesse en soi. Un exploit qui avait de lui l'un des hommes les plus puissants du Sud. Essayer de croquer le reste du territoire de Radamanthe était folie, et surtout provoquerait la réaction du Gondor et de ses immenses ressources. Tout aurait pu s'arrêter là, à un statu quo qui profiterait largement aux Suderons et aux Gondoriens – laissant les Harondorim lésés, mais qu'importait ? – mais il semblait que la situation venait de dégénérer violemment. Les responsabilités n'étaient pas encore bien établies, mais les interprétations allaient filer bon train, et il faudrait gérer la situation rapidement pour ne pas se laisser déborder.

On frappa soudain à la porte, et Alcide se leva, prêt à accueillir son visiteur. Il avait toujours été courtois, et sans savoir encore à qui il allait parler, il contourna son épais bureau et traversa la pièce pour aller le saluer. Il eut le plaisir de voir apparaître le Juge Praven, un homme discret et efficace dont il n'avait jamais entendu parler en mal. Celui-ci parut avec un sourire mal assuré, comme s'il venait faire une bien triste confession. L'Intendant le mit instantanément à l'aise, en lui serrant chaleureusement la main :

- Juge Praven, que me vaut le plaisir de votre visite ? Rien de grave, j'espère !

Le visage du Juge afficha une moue guère rassurante, et il se tordit les mains, de toute évidence mal à l'aise :

- Je crains bien que si, Sire. Je veux dire… Je viens vous parler au sujet de l'Emir Taorin, le pirate…

Alcide conserva le silence, mais dans sa tête les pensées se bousculèrent. Il ne comprenait tout simplement pas. Le Juge Praven n'était pas un noble assez influent pour avoir des renseignements que lui-même n'aurait pas obtenu. Comment pouvait-il être au courant d'un événement que tout le monde s'efforçait de tenir secret pour l'instant ? A moins que ce ne fût une coïncidence, et qu'il vînt pour parler d'autre chose. Mais aujourd'hui même ? Précisément quand les Seigneurs Pirates étaient attaqués au cœur même de la Cité Blanche, en dépit de l'impressionnant système de sécurité ? Non, il y avait forcément quelque chose d'autre… En dépit de ses questionnement intérieurs, l'Intendant avait su garder un visage de marbre, parfaitement maîtrisé comme il convenait à un homme de son rang.

- Et que s'est-il passé mon brave ? Vous l'avez rencontré ?

- Non, Sire, les Valar en soient loués. Il s'agit de mon neveu, Evart… Il est loyal au Gondor, quoique jeune et téméraire. Je ne crois pas qu'il mesurait vraiment les conséquences de ses actes.

Les sourcils de l'Intendant se froncèrent légèrement. Ce n'était pas de la colère, toutefois, mais bien de la perplexité. Il ne comprenait pas tout à fait ce que le Juge était en train de lui expliquer, et s'il rassemblait les éléments qu'il avait à sa disposition, cela ne lui disait rien de bon. Ce jeune Evart s'était-il compromis avec Taorin ? Avait-il secrètement pactisé avec lui ? Ou bien à l'inverse, avait-il planifié l'assassinat des Seigneurs Pirates ? Au risque de compromettre un accord de paix dont pouviat dépendre l'entièreté de l'équilibre du Sud ? Masquant péniblement les questions nombreuses qui lui traversaient la tête, Alcide dégaina son sourire le plus affable, et lança d'une voix apaisante :

- Soyez sans crainte, je suis persuadé que si votre neveu n'a rien fait de répréhensible, il n'aura rien à se reprocher. Où donc puis-je trouver ce jeune homme ?

- Il est dans mon office, Sire. Il voulait s'entretenir avec vous de certaines choses. Accepteriez-vous de le rencontrer ?

Naturellement qu'il acceptait ! Ce jeune garçon l'intriguait trop pour qu'il n'allât pas le voir, et entendre en personne la drôle d'histoire qu'il pouvait bien avoir à raconter. Il se composa une mine tout à fait tranquille, afin de rassurer ce pauvre juge qui semblait choqué de voir que son neveu s'était acoquiné avec la pire des vermines, les ennemis les plus farouches des intérêts de la Couronne. Et nul autre que Taorin, le Chien Borgne, lui-même. Il y avait beaucoup de choses que l'Intendant devait éclaircir, et il lui paraissait soudainement des plus urgents d'interroger le jeune homme. Il abandonna donc ses réflexions, et, posant une main rassurante sur l'épaule du Juge Praven, il accompagna celui-ci en direction de son bureau.

En franchissant la porte, les six gardes qui surveillaient l'entrée se placèrent en formation autour d'eux, afin de leur servir d'escorte. Trois devant, et trois derrière, afin de parer à toute tentative d'assassinat. Cartogan s'était montré très strict sur les mesures de sécurité, doublées en période de festivité afin d'éviter qu'il arrivât quoi que ce fût à l'Intendant ou aux hauts dignitaires du royaume. Alcide bénéficiait d'une protection maximale, et d'hommes d'élite qui l'accompagnaient en permanence, habillés pour la guerre de pied en cap. Au début, il s'était agacé de cette présence constante et bruyante sur ses talons, trouvant insupportable d'être chaperonné et d'être empêché dans ses déplacements par le capitaine des gardes, qui parfois le mettait en garde contre certains dangers. En l'occurrence, aujourd'hui, il leur trouvait un véritable intérêt, et il se félicitait de ne pas avoir congédié ces militaires imposants et expérimentés, qui sauraient remplir le rôle qu'il avait prévu pour eux.

Ils traversèrent donc les couloirs de la forteresse, forçant quiconque les croisant à s'écarter de leur chemin prestement, au risque de s'attirer le regard foudroyant d'une demi-douzaine de soldats qui n'étaient pas là pour plaisanter. Les serviteurs et les messagers se rangeaient prudemment, certains s'inclinant même au passage de la petite troupe. Alcide adressait un sourire à chacun, et il s'arrêta même pour saluer personnellement un page qui lui avait rendu service quelques jours auparavant, alors qu'il était pris d'un violent mal de crâne. Le jeune homme eut l'air à la fois honoré et effrayé, si bien qu'il ne trouva quasiment rien à répondre. Quand les mots lui vinrent, Alcide tournait déjà l'angle du couloir, suivi de près par les hommes du rang. Au milieu de tout cela, le Juge semblait quelque peu mal à l'aise. Il paraissait ne pas savoir quoi dire ou faire, et il fallait bien avouer que la présence intimidante de l'escorte ne facilitait pas les conversations… pas même pour l'Intendant qui commençait à peine à s'y habituer, lui qui avait vécu bien plus modestement avant d'être hissé à cette position prestigieuse. Jamais il n'aurait pu refuser pareille promotion, non, mais il aurait volontiers abandonné toutes les contraintes qui y étaient liées, si cela avait été possible. Qu'il aurait préféré travailler dans l'ombre, agir efficacement et discrètement, sans avoir à se soucier du protocole et de l'apparat !

Ils arrivèrent bientôt à destination, et le Juge se sentit soudainement très inquiet, si bien qu'il demanda d'une voix quelque peu implorante :

- Il n'arrivera rien à mon neveu, n'est-ce pas ? C'est un jeune homme très loyal, et…

- Rassurez-vous, mon cher Juge. Rassurez-vous…

Alors que l'Intendant tournait la tête pour emboîter le pas à ses hommes, le Juge put voir une ombre passer sur le visage de celui-ci. Une ombre qui, elle, n'avait rien de rassurant. Il n'eut le temps de rien dire, qu'Alcide franchissait déjà la porte.

Evart vit d'abord arriver face à lui trois hommes en armes, la mine patibulaire. Ils le regardèrent avec un air sévère, la main sur le pommeau de leur arme. Leur attitude était impressionnante, mais non, ils n'étaient pas venus pour procéder à l'arrestation du neveu du Juge. Pas encore, tout du moins. Alcide fit alors son apparition, se frayant un chemin entre les colosses qui lui servaient d'escorte. Son visage était neutre, mais son attitude quelque peu rigide ne trompait pas. Il était là pour une affaire très sérieuse, et il la traiterait comme telle. Le jeune noble put constater rapidement que son oncle n'avait pas été convié à la réunion improvisée, étant demeuré dehors auprès du reste des soldats qui montaient la garde devant l'unique entrée. Ce serait donc un entretien privé, qui ressemblait à s'y méprendre à un interrogatoire. Toutefois, Alcide paraissait loin de l'archétype du tortionnaire sadique et cruel, prenant plaisir à faire souffrir ou à arracher violemment des confidences à sa victime. Il était plutôt un homme charmant, élégant et raffiné, qui paraissait tout à fait disposé à la conversation. Une façade tout à fait crédible, mais qui dissimulait un danger tout aussi grand.

- Evart… Evart Praven. Restez assis, je vous en prie.

L'œil affûté de l'Intendant n'avait pas pu s'empêcher de remarquer que le jeune homme portait une canne, et qu'il avait du mal à se tenir debout. Son geste pour se lever en témoignait, ainsi que la très légère grimace qui avait déformé ses traits. Coïncidence ? Sûrement pas. Pas plus que les fards subtils et discrets qu'il avait utilisés pour harmoniser son teint. Peut-être parce qu'il était particulièrement coquet, ou bien parce qu'il souhaitait dissimuler une quelconque marque particulière. Il y avait bien des choses sur lesquelles le jeune homme devrait s'expliquer, décidément, mais Alcide décida de prendre son temps. Il devait tirer les choses au clair en douceur, sans se laisser aller à des méthodes qui n'étaient pas les siennes. D'une voix calme, il lança :

- Je viens d'avoir une petite discussion avec votre oncle, un homme fort apprécié à Minas Tirith. Je crois que vous lui avez fait peur, en quelque sorte. Il dit que vous vous êtes entretenu personnellement avec Taorin, le Seigneur Pirate. D'aucuns pourraient trouver que pareille attitude est séditieuse…

Il leva la main pour couper court aux objections du jeune noble. Celui-ci avait ouvert la bouche pour se défendre, mais l'Intendant ne lui en laissa pas le temps. Il n'avait pas encore terminé :

- J'ose croire, ajouta-t-il donc, que vous n'êtes pas idiot, et que vous avez donc une bonne raison de venir me trouver. J'irais même jusqu'à supposer que vous avez une proposition à me faire, Evart. Une proposition que je suis prêt à écouter, sans quoi ni vous ni moi ne serions là.

Il marqua une brève pause, et se fendit d'un sourire agréable. Non, assurément, il n'était pas de ces hommes retors et malveillants. Il était même plutôt ouvert, et sa façon de procéder, son côté très direct, pouvait paraître déstabilisant. Il n'était pas le genre d'hommes à qui on avait intérêt à cacher des choses, et en retour il se montrait étonnamment franc. Peut-être trop. Reprenant, il conclut :

- J'espère donc que vous ne me prendrez pas pour un idiot, et que vous ne me ferez pas perdre mon temps. Jouez carte sur table, et nous verrons ce qu'il est possible de faire pour apaiser les craintes de votre oncle là-dehors, voulez-vous ?

Sa main pivota en un geste qui invitait explicitement Evart à répondre. Ce dernier n'avait que peu de temps pour convaincre, car les secondes d'un homme comme l'Intendant valaient une petite fortune. Chaque mot qu'il prononcerait devrait être mesuré, calculé avec soin, optimisé pour tendre vers son but ultime, sans s'égarer en route. Il lui faudrait se montrer clair, et surtout faire preuve de beaucoup de maîtrise, car Alcide le regardait droit dans les yeux, attentif à la moindre de ses réactions. En dépit de la sympathie affichée de l'Intendant, il n'était pas permis de douter des conséquences fâcheuses d'une réponse insatisfaisante.

#Alcide #Alphros #Praven
Sujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence
Alcide d'Illicis

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 25 Juin 2014 - 14:09
Les applaudissements et les vivats de la foule étaient étouffés par la distance, coupés par le verre de la fenêtre qui donnait sur le parterre où s'étaient réunis en ce jour des délégués de tous les peuples de la Terre du Milieu, mais aussi des habitants des environs venus assister à un événement rare et spectaculaire. Sitôt la présentation des vœux au couple royal tout juste uni terminée, le nouvel Intendant du Gondor avait été rappelé à ses devoirs, et avait dû s'éclipser avec toute la délicatesse possible, évitant avec l'élégance qui caractérise l'habitude les nobliaux désireux de se rapprocher de lui. Les affaires de l'Etat n'attendent pas, surtout quand il s'agit d'assurer la sécurité de tous les monarques de la Terre du Milieu ou presque. Voilà en résumé ce qu'il leur avait servi comme excuse, s'attirant des regards compréhensifs quoique déçus de la part d'hommes et de femmes qui vivaient du peu d'attention que des gens comme lui consentaient à leur porter. Mais tout était vrai, il n'avait pas menti : en tête de liste, il y avait la délégation Arnorienne, bien entendu, au centre du dispositif de sécurité. Alcide avait eu l'occasion de croiser Aldarion, à l'époque où il était chargé de représenter le Gondor à Annùminas, avant le mariage officiel, et avait découvert en lui un homme épuisé par les guerres mais toujours fort, qui respirait la droiture et l'honnêteté. Il incarnait tout ce qu'il y avait de royal, en dépit des pertes qu'il avait subies, et qui avaient frappé son côté homme. La Princesse... ou plutôt la Reine Dinael avait été enchantée de le revoir lors de la remise des présents, après qu'ils se fussent croisés lors du tournoi de Dale, auquel il avait été courtoisement invité par le Roi Gudmund.

- J'ose espérer que vous vous souvenez de moi, Votre Majesté, avait-il dit en s'inclinant élégamment, un demi-sourire aux lèvres. Je suis celui qui vendrait des peintures à un aveugle.

Elle avait ri en se souvenant l'avoir appelé ainsi par le passé. C'était la première fois qu'Aldarion devait l'entendre rire, et probablement pas la dernière, Alcide était prêt à en prendre le pari. Quand il l'avait rencontrée pour la première fois, elle lui avait donné l'impression d'être une jeune femme pleine de joie de vivre sans être sotte - loin de là ! -, et de toute évidence son caractère n'avait pas évolué avec son statut. L'échange avec le Roi d'Arnor fut cordial sans être chaleureux, car après tout les deux hommes ne se connaissaient pas vraiment, et il y avait fort peu à parier que le monarque se souvînt d'un ambassadeur qui avait pris quelques années depuis. Le nouvel Intendant accompagnait la délégation du Gondor, et avait donc pris congé parmi les premiers, laissant le couple royal recevoir les nombreux hommages qui allaient de pair avec un événement de cette importance. Certains invités avaient fait des milliers de lieues pour assister aux épousailles, et ils devaient donc être introduits en présence des monarques, offrir présents et vœux, profiter des festivités, et repartir par la suite. Alcide, de son côté, devait veiller à ce que tout se passât sans difficulté. Un travail de l'ombre bien difficile, mais qui n'allait pas sans un prestige et un pouvoir considérables.

Il jeta brièvement un regard par la fenêtre, regardant en contrebas la foule en liesse, et les nobles de moindre importance qui défilaient en ordre protocolaire, attachés à leur position sociale. Quelques mois auparavant, il aurait été parmi eux, désireux de faire bonne figure pour son Comté de Linhir, dans le Sud du Gondor, espérant probablement trouver un bon parti pour ses nièces, les filles de son défunt frère dont il avait la charge désormais. Il était amusant de constater qu'à présent, il n'avait plus besoin de lever le petit doigt pour qu'on vînt lui présenter de jeunes hommes célibataires dans la fleur de l'âge, qui pouvaient constituer de bons partis pour ses nièces. Que celui qui voulait lui parler d'amour véritable allât s'enterrer avec ses idéaux. Il eut un soupir las en pensant au souvenir de son frère Sylphide, décédé cinq ans plus tôt sur le champ d'honneur pour permettre à la Terre du Milieu de vivre en paix, et indirectement à ce genre de mariages d'exister. C'était lui qui aurait dû se trouver là, dans cette salle de réunion superbe, au cœur du Palais de Méphisto. Mais le fardeau était retombé sur les épaules d'Alcide, le cadet, qui avait dû gérer les affaires familiales en lieu et place de son modèle, de celui qui lui avait tout appris, et pour qui il aurait tout donné. La vie pouvait réserver bien des surprises...

La porte au fond de la pièce s'ouvrit, et l'Intendant se tourna vivement dans cette direction, faisant virevolter ses cheveux blonds impeccables, dont certains commençaient à pâlir légèrement. Après tout, il vieillissait comme tout un chacun, et il avait certainement laissé la moitié de sa vie derrière lui. Mais son regard d'un bleu intense n'avait rien perdu de son acuité et de sa force. Il marcha d'un pas souple et énergique vers le Général Cartogan qui venait de pénétrer dans la pièce. Ce dernier était un soldat dans sa plus pure expression. Le corps aussi dur que l'âme, le port droit et altier, l'air sévère sans être agressif. Il portait comme toujours sa tenue d'officier frappée au torse du symbole de l'Arbre Blanc, et ses épaules étaient parées d'une cape superbe rappelant son rang. Il avançait tête nue, mais du coin de l'œil, le Comte aperçut un casque ornementé entre les mains d'un des gardes à l'entrée, juste avant que la porte ne se refermât. L'heure était à la parade et aux grands uniformes. Alcide revint à l'homme et lui serra la main avec conviction. Le militaire n'était pas le genre de personne à apprécier la faiblesse, et la manière de dire bonjour pouvait en dire long sur la force d'âme d'un homme. Alcide avait travaillé cela, pour ne pas avoir à rougir devant un individu doté d'un tel charisme.

- Général, salua-t-il avec respect.

- Intendant. Comment se passe le mariage ?

Les deux hommes se connaissaient aussi bien que deux collègues de travail peuvent se connaître, mais il n'existait pas tout à fait de familiarité entre les deux. Ils travaillaient de concert avec une grande efficacité, mais d'un accord tacite, ils avaient convenu qu'il valait mieux ne pas devenir trop proches, pour le bien de leur mission délicate : redresser un Royaume en lieu et place de son souverain légitime. Alcide sourit légèrement à la question du militaire :

- Idéalement. Il fait un grand soleil, et tous les invités m'ont l'air de respecter le protocole. L'organisation est parfaite, et je pense que le couple sera ravi à la fin de cette journée. Et de votre côté ?

Le Général s'était approché d'un meuble bas, et en avait sorti une bouteille de ce qui devait être un bon cognac. Il servit deux verres, en tendit un à son interlocuteur, but au sien, et répondit avec une précision et une concision toutes militaires :

- Rien d'important à signaler. Quelques armes confisquées, mais rien de suspect. Les hommes meurent de chaud, par contre, et j'ai ordonné à la relève de prendre son quart immédiatement, avant que nous ayons des malaises.

Alcide hocha la tête. Que pouvait-il répondre de toute manière ? Il était Intendant du Royaume, et donc chargé des affaires politiques. L'armée était placée sous le contrôle direct de Cartogan, et il était de sa responsabilité de leur donner des directives. De toute façon, il n'y avait rien d'illogique à maintenir une surveillance efficace autour des délégations venues des quatre coins de la Terre du Milieu, et pour le bien de la cérémonie, il valait peut-être mieux un défilé de gardes au dernier niveau de Minas Tirith plutôt que de devoir gérer un évanouissement soudain. Mais pour l'heure, ils n'avaient eu à se plaindre d'aucun incident, d'aucun impair diplomatique, et d'aucune tentative d'assassinat, ce qui était prodigieux au regard des individus convoqués à la cérémonie. D'ailleurs, c'était à ce sujet que Cartogan avait demandé à rencontrer le Comte d'Illicis dans les plus brefs délais. Sans détours, le militaire aborda la question qui les avait réunis :

- Si je vous ai fait appeler, c'est parce que j'ai reçu une plainte de la part de l'Emir du Harondor au sujet des Pirates.

Alcide haussa un sourcil, assez surpris :

- Radamanthe ? Pourquoi ne pas m'en parler directement ?

Cartogan haussa les épaules, se fichant de toute évidence de ces considérations politiques. Mais pour Alcide, il y avait véritablement lieu de s'interroger. Est-ce que celui dont il occupait désormais la fonction avait simplement saisi l'opportunité de rapporter son mécontentement en croisant le Général, ou bien avait-il délibérément choisi de ne pas venir lui parler, alors que leurs rangs respectifs les autorisaient à s'entretenir en privé ? Leurs deux familles avaient toujours entretenu de bonnes relations, mais peut-être Radamanthe voyait-il dans la nomination du Comte d'Illicis une forme de trahison. Il faudrait nécessairement tenir compte de ce point à l'avenir, mais en parler au militaire n'aurait servi à rien de toute façon, aussi le politicien décida-t-il d'éluder et de revenir à des affaires de première importance :

- En quoi consistait sa plainte ?

Le Général s'était approché de la fenêtre, regardant le défilé des nobles, un léger sourire aux lèvres. Il était souvent strict et austère, mais il lui arrivait parfois d'afficher un rictus satisfait sans raison apparente. Alcide avait appris à composer avec, mais il ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce qui pouvait bien rendre heureux à ce point l'homme en armure. Ce dernier, sans se retourner, lâcha :

- C'est la présence des pirates qu'il ne comprend pas. Selon lui, ils ne représentent pas un Etat à part entière, et ils n'ont rien à faire ici. Surtout pas depuis la prise de sa capitale, naturellement.

Alcide prit un moment pour réfléchir. Il comprenait parfaitement les arguments de Radamanthe, mais avait pensé que l'ancien Intendant saurait accepter la réalité en face. Pour l'heure, la situation au Harondor était catastrophique, et il valait mieux une paix précaire qu'une guerre ouverte contre le Sud. La campagne d'Assabia avait été un désastre, et beaucoup au Gondor se demandaient si le plus puissant royaume des Hommes pouvait encore écraser sous sa botte les armées du Harad. Officiellement, personne n'en doutait, mais officieusement, personne n'était pressé de le vérifier sur le terrain. La prise de Dur'Zork avait été une surprise majeure, et l'audace des Pirates avait suscité de vives craintes. On rapportait que Reznor, invité de la délégation de Taorin, avait réussi à s'emparer des cités du Nord, dont la magnifique Arzawa que l'Intendant actuel connaissait bien. Sa famille y avait une villa, et il devait encore aujourd'hui faire un effort de volonté pour garder son calme en pensant à ce qui avait dû arriver aux biens et aux personnes qui s'y trouvaient, quand la vague de pirates assoiffés de sang s'étaient déversée à l'intérieur de ses murs parcourus de tableaux, entre les colonnes sculptées, sous les plafonds ornementés.

La ville entière avait dû être ravagée, incendiée, dévastée, et tous les habitants avaient certainement été tués ou fait prisonniers. Alcide sentit son cœur se serrer, en pensant à Vedraï. La fille de son défunt frère avait disparu du jour au lendemain à Arzawa, et la famille entière s'était fait un sang d'encre, pensant qu'elle s'était simplement perdue. Et puis les jours avaient passé, et on n'avait toujours pas retrouvé sa trace. Des recherches avaient été menées, des mercenaires engagés pour la trouver, sans résultat aucun. Pas même un témoignage, rien. Il n'y avait plus aucun signe de vie de la petite sœur d'Amelaï, à qui Alcide avait confié la gestion du domaine de Linhir en son absence. Les recherches avaient finalement été abandonnées, par lassitude ou parce qu'il était temps de passer à autre chose, et tout le monde avait fini par croire à sa mort. Elle avait peut-être été enlevée par des bandits sans scrupules, qui l'auraient éliminée avant de pouvoir demander une rançon. Elle avait peut-être fait une mauvaise rencontre dans la ville, et on se serait débarrassé de son corps. Alcide, lui, n'avait jamais désespéré de la revoir en vie. Il l'imaginait, prisonnière dans une cave sombre, dans Arzawa, aux mains d'hommes animés d'intentions obscures. Des gens comme l'Ordre de la Couronne de Fer dont on venait de décapiter le chef, qui pouvaient agir au mépris de toute logique. Il s'était presque attendu, en apprenant la vérité sur l'OCF, à voir ressurgir sa nièce, en haillons et amaigrie, mais vivante. Il avait lancé des recherches six mois auparavant, et demeurait persuadé qu'elle ne pouvait pas avoir quitté la ville, car les gardes veillaient au grain à l'époque de son enlèvement, et ils auraient repéré facilement une jeune femme en tenue noble, si elle avait voulu passer les portes de la ville. Mais désormais, avec le passage de Reznor et de ses hommes avides de sang, il ne se faisait plus d'illusions. S'il restait un infime espoir qu'elle eût été en vie, alors les Pirates l'avaient trouvée et mieux valait ne pas penser à ce qu'ils lui avaient fait subir avant de la tuer.

- Intendant ?

- Je réfléchis, Général, répondit Alcide du tac-o-tac pour dissimuler le fait qu'il était perdu dans ses pensées. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire un faux-pas, au risque de raviver les flammes de la guerre dans le Sud. Je pense les armées de Radamanthe capables de défaire les troupes de Taorin, sauf si nous leur donnons une bonne raison de mobiliser tout le Harad contre l'émirat. En aucun cas nous ne devons commettre la première erreur.

Il inspira profondément. La situation était précaire, et il avait l'impression de marcher sur une corde raide tendue au-dessus d'un précipice. Le moindre souffle de vent un peu trop fort risquait de le faire chavirer, et avec lui tout le Gondor, car il représentait l'autorité de Méphisto. Il n'était donc pas question de se tromper, mais encore moins question d'hésiter, au risque de décrédibiliser le blason qui ornait son pourpoint. Il se devait de prendre une décision :

- Cependant, commença-t-il, l'émirat est notre principale protection contre le Sud, et il serait folie que d'abandonner le soutien que nous offrons à Radamanthe. C'est un pion dont nous avons encore besoin, même s'il a perdu de sa valeur. Combien de temps dure le sauf-conduit de nos invités ?

- Les délégations de nos alliés peuvent rester autant qu'elles le souhaitent, naturellement, bien que les festivités ne s'étendent que sur une semaine. Les autres, Orientaux et Suderons, ont des laissez-passer valables dix jours. Cinq jours avant, et cinq jours après le mariage.

Alcide hocha la tête. Son cerveau bouillonnait :

- Cinq jours, donc. C'est peu, mais cela nous laisse le temps d'agir, et de tirer profit de la situation. A nous de jouer finement.

Cartogan semblait perdu, mais il en avait l'habitude. Il était plutôt un homme d'action, du genre à se mettre dans la lumière, à mettre en place des opérations au grand jour pour débusquer les bandits, confisquer les armes et ramener l'ordre dans la Cité Blanche, qui n'avait jamais aussi bien porté son nom, depuis que la noirceur avait déserté ses rues - du moins, en grande partie. Alcide était son pendant, plus discret, homme politique travaillant dans l'ombre, et opérant souvent via des intermédiaires - au nombre desquels Cartogan occupait la première place. Ils se complétaient, et leur collaboration avait été fructueuse, capable d'apporter à la capitale du Gondor une sécurité et une paix rarement atteintes dans l'histoire de la cité. Habitué, donc, à ne pas totalement saisir les plans de l'Intendant, le Général se contenta de demander :

- Que puis-je faire pour vous aider ?

- Hmm... Il nous faut des négociations. Oui. Nous devons rapprocher Radamanthe et Taorin. Ils doivent trouver un terrain d'entente. Essayez de mettre la main sur un négociateur, quelqu'un qui pourra les aider à se parler sans s'entretuer.

Tandis qu'il parlait, il s'était éloigné en direction de la porte, l'air très affairé, mais Cartogan le rappela, un peu interloqué :

- Et vous, que faites-vous ?

- Je vais essayer de préserver le peu que Radamanthe a pu sauver, Général. Et croyez-moi, je n'ai pas une seconde à perdre.
#Cartogan #Alcide
Sujet: Un Tournoi chez les Bardides
Alcide d'Illicis

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Rechercher dans: Dale   Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Un Tournoi chez les Bardides    Tag alcide sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 23 Mai 2013 - 17:34
Aclide d'Illicis trempa à nouveau ses lèvres dans la coupe de vin fumant avant de la reposer. Malgré le breuvage qu'elle contenait, la surface de l'argent restait froide et, par ce temps, elle mordait particulièrement les doigts. Il avait beau vivre au Nord depuis plusieurs années maintenant, jamais il n'avait été aussi incommodé par le froid que durant cet hiver-ci. Le vin chaud épicé était dès lors le bienvenu pour ne pas se laisser engourdir, surtout lorsqu'il fallait passer la journée assis dehors. Certes, le vin n'avait pas la qualité de ceux du Dorwinion, que les Bardides importaient en masse pour en faire la négoce, mais le but premier ici était de réchauffer les coeurs, et cela aurait un sacrilège de mettre à bouillir un vin de cette qualité. Du moment qu'il y avait les épices, n'importe quel vin faisait ici l'affaire. Et ce n'était pas Alcide qui allait dire le contraire, lui qui reconnaissait les caractéristiques particulières des grands crus du Dorwinion depuis qu'il avait été ambassadeur à Vieille-Tombe.

C'était mes débuts, songea t-il. A l'époque mon avenir était encore incertain, et je m'entraînais encore à l'épée.

Cette dernière pensée lui était venue lorsque Drake de la Fontaine para un coup impressionnant du chevalier Synnon. Alcide s'amusait à s'imaginer ce qu'il ferait si il était dans cette arène à la place d'un de ces deux combattants. Pas grand chose assurément. Il reconnut quelques parades et assauts qu'il avait jadis appris lui aussi, mais il devait reconnaître que nombres des coups que les deux jouteurs s'étaient portés l'auraient laissé mort. Il avait bien appris les exercices de l'épée, jadis, comme il se doit de tout jeune noble. Mais les dernières fois qu'il s'était entraîné à la lame dataient de son ambassade à Vieille-Tombe, justement, quand il ne se sentait pas en sécurité. Non, sa place n'était pas dans l'arène.

C'est Sylphide qui devrait s'y trouver, rieur d'avoir déjà descendu plusieurs coups de vin chaud, et sûrement vainqueur malgré ça. Sylphide, le frère aîné, l'héritier du Comté de Linhir, le combattant. Oui, il aimait se battre que ce soit pour le sport en tournoi ou pour de vrai. Il aurait aimé être ici. Mais il avait livré son dernier combat il y avait cinq ans déjà, encore plus au Nord. C'était lui maintenant, le Comte de Linhir, et Alcide d'Illicis était à sa place sur la tribune d'honneur, à se contenter de regarder les combats en compagnie des autres notables, et dans la proximité immédiate du Roi Gudmund et de sa fille la princesse Dinael, Dame du Tournoi.

J'espère qu'aucun chevalier ne s'imagine que cela veule dire que le vainqueur se verra accordé sa main. songea Alcide. Le Roi Gudmund n'a aucune chance d'accepter cela...

Le Représentant du Haut-Roy à la cour d'Arnor entendit une fois de plus un petit notable du troisième rang s'étonner sur sa présence à Dale. Il était vrai que cela avait de quoi surprendre. Il était dans les faits Ambassadeur du Gondor assigné à l'Arnor et n'avait donc en principe rien à faire à Dale. Officiellement, en tant que représentant de Méphisto, il était là pour aplanir les relations entre lui et Gudmund après que le vassal de ce dernier, le Comte Erco Skaline d'Esgaroth ait été emprisonné et déclaré hors-la-loi dans le Royaume Réunifié. En vérité, tout était déjà arrangé, et l'ambassadeur de Gondor à Dale aurait fait l'affaire. Pour que le Représentant du Haut-Roy, se déplace, il devait y avoir autre chose, une mission plus importante. De quoi il s'agissait, le notable du troisième rang qui n'avait pas assisté à la première audience entre le Roi et Alcide ne pouvait pas le savoir.

Le Comte reporta son attention sur le combat qui se déroulait devant ses yeux. C'étaient deux adversaires féroces qui donnaient un très bon spectacle. Le public était enthousiaste, ce genre d'affrontement présageait une bonne journée de tournoi, même si c'est la joute montée qui en serait le point culminant. On y verrait sans doute davantage de chevaliers de grande noblesse, prêts à en découdre pour impressionner la famille royale. Alcide se promis d'être attentif. Si aucun petit notable ne serait d'assez bon parti pour la Dame du Tournoi, pour la nièce d'un Comte, il devait y avoir de quoi faire. Son frère était mort avant d'avoir marié la moitié de ses filles, et c'était à lui de s'en occuper à présent. Il pouvait profiter de sa mission pour régler ça aussi.

La nièce d'un Comte, ou de davantage que ça... songea Alcide. Les rumeurs de la Capitale qui lui avaient été rapportées avaient de quoi le faire frémir et se réjouir à la fois. Aucune nouvelle officielle cependant... J'ai plutôt intérêt à réussir mes négociations, alors...

Se détournant un instant du combat, il jeta un coup vers le Roi, qui glissait quelques mots à l'oreille de sa fille. Gudmund semblait plus que content en cette belle et froid matinée, et le tournoi s'annonçait un succès. Pourtant ce n'était qu'après que les choses sérieuses commenceraient. La deuxième audience serait déterminante.

#Alcide
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