Cassandre soupira brièvement. La jeune femme croulait sous le poids conjugué du cuir rehaussé de métal de son armure, de la fatigue de cette première journée bien remplie, du stress occasionné par sa duperie et de son incapacité flagrante à tenir correctement cette maudite épée de bois. Ses épaules s’affaissaient à mesure que les remarques du maître d’escrime fusaient.
« T’es la pour apprendre à te battre ou pour faire la cuisine ? Tu tiens cette arme comme un boucher son hachoir »
« Plus droit ! Les jambes plus souples ! On dirait un piquet ! »
« Pitoyable ! T’as autant d’force qu’une femmelette ! »
« Bon sang, où c’est qu’ils m’ont dégotté une lavette pareille ! »Malgré ses déconvenues, ou peut être à cause d’elle, pour se prouver qu’elle en était capable, elle ne renonçait pas et restait positive tout en s’appliquant aux conseils du duelliste. Il la voulait plus souple ? Plus souple elle serait. Serrant durement son pommeau, elle releva son épée de bois et se plaça en garde relevée comme il le lui avait enseigné un peu plus tôt. Elle manquait certes de l’endurance nécessaire aux maniements des armes de contact, néanmoins elle faisait preuve d’un certain courage. Après tout les coups reçus et les hématomes qui ne manqueraient d’apparaitre dès le lendemain sur sa peau, elle continuait la leçon sans se plaindre. Sollicités à répétition, ses muscles bandés dans cette position peu confortable, la tiraillaient douloureusement. Elle hocha la tête, signe qu’elle se sentait prête à subir un nouvel assaut.
Avec une rapidité calculée, le maitre d’arme élança sa lame vers son épaule. Premier coup paré. Le choc retentit agréablement aux oreilles de
Cassandre, qui pour la première fois de la journée, réussissait enfin l’exercice. D’un second geste fluide, dans la continuité de l’autre, il visa ses jambes.
Vllllaaaaaaan ! Elle la réceptionna de plein fouet sur sa cuisse.
Ses dents gravèrent une marque dans le galbe de sa lèvre pour retenir un petit cri de douleur.
« Mieux. Ce sera tout pour ce soir ! » conclut son mentor visiblement plus préoccupé par le remue-ménage à l’autre bout de la cour que de son élève du jour.
« Je me demande ce qu’est ce foutoir ! » ajouta-t-il comme pour lui alors que son regard pénétrant détaillait la scène.
A son tour
Cassandre, fourbue et épuisée, leva ses yeux sur le curieux spectacle. Une rumeur commençait à enfler, et des bribes de voix leurs parvenaient pêle-mêle.
« Aldenburg …. Fermer ses portes …..Doublement des rondes…. »
« Je vais voir. Ramasse donc tout ça ! »Le maitre d’armes lui tendit son épée de bois, et la laissa sur place tandis qu’il allait aux nouvelles. Un petit attroupement se formait à présent. La jeune fille se détourna et commença à rassembler les affaires. La rondache, et les fausses épées retrouvèrent leurs emplacements sur le présentoir d’entrainement. Puis, elle désangla méticuleusement son plastron et l’ôta avec un indicible soulagement. Sa tunique à la livrée des écuyers était trempée de sueur. Elle sentait un savant mélange de foin, de cheval et de transpiration. Son petit nez se fronça. Un bain. Elle rêvait d’un bain chaud, aux fleurs de lavande, comme ceux qu’elle prenait auparavant dans la maison de son père. Pour enlever toute sa crasse, il lui faudrait aussi du savon... et beaucoup !
Elle n’eut guère davantage le temps d’approfondir ses désirs de bain ou de savon, que le maitre d’armes revenait. Il marmonnait entre ses dents d’un air tracassé.
« Elle a fait boucler la cité ! Bon sang ! Et les effectifs de garde. C’est mauvais, mauvais, mauvais tout ça ! » Ronchonnait-il dans sa barbe, puis avisant de la présence de
Cassandre.
« T’es encore là toi ? Parait que Capitaine Eogam vient de revenir. T’es son nouvel écuyer, non? Alors tu ferais bien d’aller le rejoindre »La toilette attendrait, ses envies de coquetterie passaient après son devoir … et son devoir lui sommait de monter immédiatement se présenter à son supérieur.
Cassandre avait entendu beaucoup de choses sur le cavalier, en bien parfois en mal, mais unanimement on reconnaissait sa valeur et son courage. La jeune femme espérait seulement être à la hauteur d’un homme aussi aguerri, aussi… impressionnant.
Timidement, elle frappa à la porte puis entra sans attendre de réponse, ce qui marqua une première erreur de savoir vivre. Visiblement le capitaine n’était pas seul.