13 résultats trouvés pour Lyra

AuteurMessage
Sujet: Tout ce qu'on ne dit pas
Ryad Assad

Réponses: 21
Vues: 1326

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Tout ce qu'on ne dit pas    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 14 Sep 2019 - 13:45
- Mais, et s'il ne m'aime pas ?

La jeune femme semblait inquiète. Presque perdue, sous ces vastes arches qui semblaient se pencher vers elle pour l'ensevelir sous des tonnes de roc. Leur ombre épaisse dansait sur ses épaules, seulement chassée par la lueur fébrile de quelques bougies. Elle était si frêle, si pâle, chétive pour ne pas dire maladive. Son teint blême n'était pas seulement la conséquence de son sang, mais bien du souci qu'elle se faisait en cet instant précis. Un homme de haute stature, qui se tenait légèrement en retrait, s'approcha et congédia les servantes d'un geste de la main.

- Tout ira bien, rassure-toi.

Il s'approcha dans son dos avec la souplesse d'un serpent, et prit doucement ses cheveux entre ses mains épaisses et calleuses, avant de se mettre à les coiffer. Ils étaient si doux et si lisses que le peigne semblait y glisser comme s'il brossait une rivière d'encre. Ils contrastaient de manière saisissante avec le teint d'albâtre de sa peau, comme si les fines plumes d'un corbeau s'étaient posées sur la face de la lune. Son maquillage rehaussait la profondeur et l'intelligence de son regard alerte, où brillait une lueur effrayée.

- Mais c'est une possibilité. Que dois-je faire s'il ne m'aime pas ?

L'homme déposa délicatement le peigne sur une petite table, et aida la jeune femme à nouer les lacets d'une tunique qui lui serrait la taille. Elle en eut le souffle coupé, mais elle avait déjà vu bien pire. Il lissa les plis de sa parure de soie cousue de fils d'or, et lui fit passer un manteau brodé qui figurait des motifs floraux d'un réalisme saisissant. On aurait dit qu'une main habile avait piqué des milliers de petits hibiscus dorés dans sa tenue d'un rouge éclatant. Les mains de l'homme semblaient assurées, et il vérifiait le moindre détail avec plus de minutie que la plus perfectionniste des servantes.

- Tu sais quoi faire, répondit-il. Mais je suis persuadé qu'il t'aimera quoi qu'il arrive.

Elle baissa la tête, et demanda timidement :

- Tu penses ?

- Mais oui. Tu es la plus belle princesse à avoir jamais foulé le sol de Blankânimad. Tu es la perle des Balchoth, et je suis certain qu'il tombera à tes pieds dès qu'il te verra.

Elle inspira profondément, comme pour se donner du courage. L'heure était proche où elle devrait rencontrer son futur mari, qui l'attendait ainsi que toute la cour du palais royal pour célébrer leurs épousailles. Tout avait été arrangé à l'avance, sans lui demander son consentement bien entendu. Elle n'avait même jamais eu l'occasion de voir son visage, sinon sur des portraits qui le figuraient comme beau et noble, mais austère. Lui-même avait dû voir des peintures similaires, qui savaient rehausser la beauté des modèles, corriger leurs défauts, effacer leurs imperfections. La réalité était rarement à la hauteur.

- Toutes les plus belles femmes du royaume sont déjà prosternées à ses pieds… Et s'il était déçu ?

L'homme acheva d'attacher une superbe broche qui figurait un soleil stylisé sur le col de la jeune femme, et s'accroupit devant elle pour lui prendre les mains. Elle plongea son regard dans le sien, et se laissa envelopper par ses paroles réconfortantes.

- Les plus belles, peut-être. Mais il n'a pas encore croisé la route de Lyra Armadin, la jeune fille la plus intelligente de tout le royaume. L'esprit le plus vif et le plus acéré qu'il m'ait été donné de rencontrer. S'il y a bien une femme qui sait lire dans le cœur des hommes, et qui sait exploiter leurs passions, c'est bien toi. C'est la raison pour laquelle tu es là, aujourd'hui. Et c'est la raison pour laquelle notre père a placé sa confiance absolue en toi.

Elle hocha la tête fermement, et lorsque la porte de son immense boudoir s'ouvrit pour lui permettre de gagner le grand salon où devait se dérouler le mariage, son regard avait retrouvé toute sa détermination. Elle était jeune, elle était désirable, elle appartenait à une puissante tribu, mais surtout elle était d'une intelligence et d'une perspicacité redoutables.

Aucun homme, fût-il roi, ne lui résisterait jamais.



~ ~ ~ ~



Depuis les premiers jours de son mariage, et plus généralement depuis qu'elle avait pris l'habitude de vivre à Blankânimad, le talent de Lyra n'avait pas cessé de croître. Plongée perpétuellement au milieu d'intrigues politiques allant du puéril au très sérieux, elle avait affûté sa capacité à lire les individus, et s'était fait une spécialité de déceler les signes d'une trahison future chez ceux qui complotaient contre elle. On la disait parfois paranoïaque, perpétuellement sur la défensive, mais jusqu'à présent elle avait réussi à se maintenir au pouvoir contre vents et marées, ce qui prouvait que sa méthode n'était probablement pas mauvaise. Elle avait déjoué habilement plusieurs tentatives de subversion, et les rares opposants à son régime étaient persécutés comme les traîtres qu'ils étaient, toujours plus loin à l'Est. Leur petite rébellion ne les mènerait nulle part. Elle tenait un royaume entier dans la paume de sa main, et savait parfaitement sur quel fil tirer pour provoquer la réaction attendue.

Learamn, le jeune officier du Rohan qui se tenait devant elle, ne présentait donc aucune difficulté.

C'était du moins ce qu'elle avait supposé, jusqu'à ce qu'elle comprît qu'à force de chercher le mal chez tous ceux qui venaient lui demander audience, elle pouvait être induite en erreur face à la candeur d'un homme qui semblait au moins aussi meurtri qu'elle pouvait l'être. Consciente qu'elle avait fait fausse route le concernant, elle lui offrit l'opportunité rare de s'expliquer, et donc de la faire changer d'avis à son sujet. L'ancien ennemi, devenu soudainement ambassadeur malgré lui, s'empara de cette chance et en profita pour lui faire le récit de son extraordinaire aventure.

A dire vrai, elle attendait une réponse banale, l'histoire sans saveur d'un homme rejeté par la société qui l'avait vu naître, et qui cherchait un nouveau départ dans la vie. Pourtant, chez ce Learamn, il y avait bien davantage que cela. Il y avait la recherche de la vérité, nue, pure et tranchante, même si elle devait pour cela se révéler blessante voire insoutenable. Il y avait cette noblesse d'âme, ce courage foulé aux pieds, et ce désir permanent de se racheter, de faire ce qui était juste. C'était un ressort puissant, mais aussi une profonde faiblesse de l'âme humaine. Lyra n'était pas certaine que son interlocuteur en était conscient, mais elle ne serait pas celle qui pointerait du doigt cette faille de son caractère. Non.

Elle avait d'autres projets pour lui.

Alors qu'il parlait, elle ne fit aucun commentaire, se contentant d'écouter cet homme qui semblait enfin vider son sac après l'avoir tenu à bouts de bras pendant trop longtemps. Même son compagnon semblait découvrir des éléments de sa vie, et à plusieurs reprises il montra une franche surprise, comme s'il apprenait à connaître véritablement un homme qu'il côtoyait depuis fort longtemps. Learamn parla de son père, de sa vie simple, de ses rêves brisés, et de cette figure qui semblait le hanter.

Gallen Mortensen.

Lyra avait eu l'occasion de le croiser, lors du mariage du roi d'Arnor et de la princesse de Dale, à l'occasion de la mort tragique de Rokh Visuni. Cette affaire avait été le point de départ de la dernière aventure d'Iran, et c'était la dernière fois que Lyra avait vu sa cousine. Alors, la souveraine avait noté chez le preux représentant du peuple du Rohan la même faiblesse que Learamn lui indiquait : une noblesse de façade qui cachait en réalité une face obscure. Elle avait bien senti que son apparence vertueuse dissimulait un certain nombre de vices, et l'exilé ne faisait que confirmer son impression d'alors. Violence et orgueil, voilà les termes qu'utilisait l'ancien capitaine pour parler du Vice-Roi. Deux traits que Lyra avait décelés quand il avait osé la provoquer devant ses hommes, qu'il avait osé la menacer de mort alors qu'elle cherchait à éviter une guerre meurtrière entre leurs deux royaumes. La violence de ses propos, de sa réaction, c'était la seule manière qu'il avait de communiquer avec quelqu'un qui lui tenait tête. Et l'orgueil… cette vanité toute occidentale qui le poussait à défier militairement un royaume qui avait érigé la guerre en art, et la discipline en mode de vie. Si les armées du Rhûn décidaient de déferler sur le Rohan, le royaume des dresseurs de chevaux serait mis à feu et à sang en une poignée de semaines.

Et lui, inconscient de cette réalité, avait jugé utile de la provoquer ouvertement.

Lyra comprenait parfaitement la réaction de Learamn, un homme trahi qui souhaitait dénoncer l'abus qu'il avait vécu et dont il souffrait encore. Un abus de confiance, de la part de son mentor et de son modèle. Un abus de pouvoir, de la part de son supérieur hiérarchique qui l'avait envoyé maintes fois défier la mort. Sans repère, sans foyer, Learamn était égaré dans le vaste monde, et la souveraine de l'Est ne fut pas véritablement surprise lorsqu'il posa un genou à terre.

Ce jeune guerrier souhaitait uniquement mettre sa lame au service d'une personne qui lui accorderait sa confiance et, accessoirement, une personne qui le récompenserait à la hauteur de ses efforts. Il se parjurait en prêtant allégeance à celle qu'il avait appris à détester, mais c'était pour lui la seule manière de donner un sens à sa vie. Il avait perdu sa famille, ses titres, ses privilèges, et il venait de perdre Iran…

Il ne lui restait plus que le Rhûn, ou la mort.

La reine inspira profondément, considérant la situation. Elle ne connaissait rien de cet homme, de ses compétences, ou de ses véritables allégeances. Elle avait déjà vu des espions habiles se montrer particulièrement convaincants, à défaut d'être discrets. Certains parvenaient à se hisser dans le conseil des souverains ou des seigneurs pirates, simplement car ils savaient mettre en valeur leur noblesse d'âme, tout en cachant leurs véritables affiliations. Learamn était-il de ceux-là ? Ou bien était-il possible de lui faire confiance, et d'exploiter au profit du Rhûn tout ce qu'il savait sur le royaume du Rohan ?

A travers lui, elle voyait une opportunité unique de découvrir tous les rouages du pouvoir, tous les complots en cours et à venir, de comprendre qui étaient les acteurs majeurs de la politique royale non pas d'un point de vue officiel, mais d'un point de vue interne et mieux informé. Learamn pouvait être un informateur extrêmement utile, et tout ce qu'il demandait en échange, elle savait pouvoir le lui offrir. La perspective de porter un coup fatal à Gallen Mortensen les animait tous les deux autour de la mémoire d'Iran, et elle était persuadée que si Learamn n'était pas un menteur, il pouvait devenir un de ses plus grands alliés. Restait à trouver comment exploiter au mieux sa colère…

- Learamn du Rohan, finit-elle par répondre après un long moment.

Elle marqua une pause théâtrale, satisfaite de sentir son impatience, de percevoir son désir de lever les yeux vers elle qu'il ne pouvait assouvir au risque de commettre un impair.

- Je perçois la pureté de votre cœur. Vous avez ramené Iran jusque dans ses terres, et vous êtes venu à moi pour me parler avec des mots de vérité. Honneur, courage, loyauté, voilà ce qui vous caractérise. Voilà ce qui vous distingue. Pourtant…

Nouvelle pause. Plus longue encore, cette fois, comme pour le laisser tressaillir d'effroi. Elle poursuivit :

- Nos deux peuples sont étrangers l'un à l'autre. A mon service, vous trouverez peut-être que ce royaume est trop différent du vôtre. On dit des Occidentaux que l'esclavage les rebute, que la foi de Melkor les dégoûte, que la domination d'une femme les amuse… Votre loyauté, si vous me la confiez, sera mise à rude épreuve. Votre courage sera testé. Votre honneur… il sera confronté à l'honneur des gens d'ici. Et qui peut affirmer aujourd'hui que vous demeurerez parfaitement fidèle à ma parole ? Qui peut dire que vous servirez sans faillir la reine du Rhûn, comme Iran la servait ?

La question était rhétorique. Aujourd'hui, Learamn était un inconnu dans un royaume étranger, et sa parole ne valait plus rien. Comme Iran au Rhûn, il devait de nouveau prouver qui il était, ce qu'il était, et il ne pouvait pas compter sur sa seule réputation pour lui ouvrir les portes qu'il estimait mériter de franchir. Lyra percevait bien cela, et contrairement à Gallen, elle avait suffisamment d'expérience politique pour savoir comment manipuler les sentiments des hommes et les tourner à son avantage. Lui faisant miroiter tout ce qu'il pouvait gagner à la servir, elle souffla :

- Pourtant, le royaume du Rhûn a tant à vous offrir, Learamn. La justice de ce pays est impitoyable, mais équitable. Le traître est châtié, le juste récompensé. Votre compagnon, Khalmeh Elkessir, peut sans doute vous en dire énormément à ce sujet.

Khalmeh était demeuré en retrait de la conversation, à la fois surpris du tour qu'elle venait de prendre, et patient car il espérait bien pouvoir exploiter la moindre opportunité qui lui serait donnée de présenter sa magnifique marchandise. Être ainsi ramené de force au centre du propos avait de quoi le désorienter, car cela prouvait à la fois que la reine savait parfaitement à qui elle avait affaire, et qu'elle n'avait pas perdu de vue son intérêt à lui qui différait de celui de Learamn. Il ne put s'empêcher de balbutier quelque chose auquel Lyra ne prêta pas la moindre attention. Elle n'était pas là pour recueillir son avis, mais bien pour faire une démonstration. Si elle connaissait l'histoire de Khalmeh, elle savait qu'il avait goûté de manière douloureuse à la justice du Rhûn, et si elle acceptait de le recevoir en audience, c'était parce qu'elle était prête à le récompenser s'il lui prouvait qu'il en valait la peine.

L'argument était parfait et tout trouvé.

Reprenant, Lyra ajouta :

- Notre médecine est mystérieuse, mais fort efficace. Nous pourrions réparer votre corps, et renforcer votre esprit. Il y a ici mille secrets qui pourraient nourrir votre curiosité, et susciter votre intérêt. Que vous soyez homme de lettres ou homme de guerre, vous trouverez ici de quoi apprendre et progresser. Que vous serviez comme esclave ou noble, vous serez récompensé à la la mesure de votre dévotion. Les soieries qui vous habillent présentement ne sont qu'un maigre avant goût des richesses que l'homme faible ne fait que désirer, et que l'homme noble ne sait qu'accepter.

Parler de richesses n'était pas ce qui ferait basculer Learamn. Cela serait revenu à essayer d'attirer un chien avec un brin d'herbe. Les hommes de valeur ne fonctionnaient pas ainsi, et ce qu'ils recherchaient était moins matériel. Cependant, elle savait aussi que même le guerrier le plus désintéressé appréciait de pouvoir se délasser dans un lit confortable, et de ne pas avoir à se soucier des problèmes des gens du commun. Lyra avait en outre bien compris, en fréquentant des soldats, que tous ceux qui sacrifiaient leur vie sur l'autel de la guerre souhaitaient offrir à leur épouse et leurs enfants une vie éloignée de tous ces soucis. Les hommes prêts à ramper dans la boue et le sang le faisaient car ils savaient leur famille à l'abri du besoin. Learamn n'avait pas fait mention d'une femme ou d'un enfant, mais Lyra était persuadée que lorsque la question s'imposerait à lui, il serait heureux de pouvoir offrir à sa progéniture un toit, et une éducation.

Les hommes, qu'ils fussent nés à l'est ou à l'ouest dans l'Anduin, au nord ou au sud de l'Harnen avaient tous les mêmes préoccupations.

Après lui avoir étalé tous les bienfaits qu'il pourrait tirer de son allégeance au Rhûn, à la manière d'une marchande habile disposant ses produits sur un étal chatoyant, elle en arriva à la question du paiement. Leur relation était transactionnelle, fondée sur l'intérêt réciproque qu'ils pouvaient tirer de cette alliance, mais Lyra était en position de force. Elle avait tout à offrir, et en échange elle pouvait tout exiger ou presque. Même la vie de Learamn, s'il lui plaisait. Forte de cet avantage, elle glissa une main sous le menton du jeune homme, et l'invita à lever les yeux vers elle.

Elle était splendide et majestueuse, encore davantage sous cet angle. Ses cheveux de jais se confondaient avec les ombres du plafond, si bien qu'elle ressemblait à une apparition cauchemardesque surgie des ténèbres. Une apparition au visage d'une grande beauté, mais aussi d'une grande froideur.

- Learamn du Rohan. Je ressens au fond de votre cœur le désir ardent de servir une noble cause, d'offrir votre vie au Rhûn pour compenser celle de ma cousine. Iran… était une âme unique. Irremplaçable. Prouvez-moi que vous êtes à la hauteur de sa mémoire, et je vous offrirai une vie digne de votre engagement. Que Melkor en soit témoin.

- Loué soit son nom, marmonna Khalmeh.

La reine laissa cette proposition infuser dans l'esprit de l'Occidental, avant de se tourner vers l'Oriental. Khalmeh semblait réellement perplexe face à cette situation incongrue. Il était venu à Blankânimad animé d'une mission qui lui tenait particulièrement à cœur, et jusqu'à présent Learamn n'avait représenté qu'un moyen commode d'entrer en contact avec la souveraine de son royaume. Aujourd'hui, il voyait son compagnon de route sous un jour nouveau, et c'était tout à coup lui qui semblait prendre toute l'importance dans cette conversation. L'esclavagiste se sentait étrangement timide à l'idée de passer après Learamn, un homme qui venait de s'engager au service de la reine et de faire la démonstration de sa détermination. Il fallait se montrer à la hauteur de ce modèle pour ne pas décevoir la grande reine de l'Est.

- Et vous, Sire Khalmeh ? Vous avez demandé une audience à votre souveraine pour, si je ne m'abuse, me montrer votre dernière acquisition ?

- Euh… oui, votre majesté, c'est tout à fait exact. On m'a dit que l'on s'arrangerait pour faire parvenir ma créature jusqu'à vous.

A ces mots, surgissant de nulle part comme par enchantement, une douzaine de serviteurs s'avancèrent en traînant la cage de Khalmeh qui avait été montée sur roulettes pour l'occasion. Les hommes avaient de toute évidence reçu des consignes, car ils semblaient ne pas savoir ce qu'elle contenait. Ils s'écartèrent prudemment, et disparurent dans l'ombre tandis que Khalmeh s'avançait fièrement.

- Votre majesté, avant toute chose, laissez-moi vous entretenir de ce qu'il m'a été donné de voir au Harad pendant que j'y séjournais. L'armée des Seigneurs Pirates qui s'est emparée du Harondor, forte de plusieurs milliers d'hommes du désert, était certes impressionnante et terrifiante. Les grandes bêtes du Sud ont fait des ravages durant la campagne militaire, notamment durant la bataille de Dur'Zork. Cependant, j'ai la conviction que les hommes du Harad n'auraient jamais remporté la victoire s'ils n'avaient pas disposé dans leurs rangs d'une arme secrète d'une grande puissance.

Ayant vraisemblablement travaillé ses effets, il retira le tissu qui dissimulait la cage, et révéla aux yeux de Learamn comme de Lyra la fameuse « créature » qui se trouvait à l'intérieur. Et la surprise était de taille. La reine eut même un léger mouvement de recul, lâchant un juron étouffé dans sa langue natale avant de s'approcher doucement, sincèrement intriguée.

- C'est…

- Oui, votre altesse. Ce superbe spécimen d'Uruk mâle vient tout droit du Harad, et malgré les difficultés du voyage, vous pouvez voir qu'il est toujours dans une forme exceptionnelle.

Khalmeh disait vrai. La créature était un Uruk de haute stature, comme on en trouvait que rarement. Un monstre de plus de six pieds de haut, au torse large et à la musculature dessinée. Sa gueule légèrement entrouverte dévoilait des crocs presque aussi grands que ceux d'un sanglier, et dans son visage buriné étaient enfoncés deux yeux jaunis et étrécis, comme ceux d'un sournois prédateur. Sa respiration profonde soulevait légèrement sa poitrine couturée de cicatrices, alors que son regard se portait d'un bout à l'autre de la pièce, comme s'il évaluait ses options de sortie.

- En effet, fit la reine. Quand je le vois ainsi, j'ai peine à croire que vous l'ayez ramené péniblement du Sud lointain. Vous dites que les Haradrim auraient gagné la guerre en employant de telles créatures ?

- Des centaines, votre altesse. Ces esclaves ont été dressés spécialement pour obéir aux ordres. Ils sont dociles, disciplinés, et terriblement efficaces au combat. Ils instillent la peur dans le cœur des Hommes, et nul n'a à se soucier de les payer ou de les voir se révolter. Aujourd'hui encore, ils contribuent au maintien de l'ordre dans les cités conquises par les pirates.

Lyra s'approcha de la cage, de plus en plus curieuse. Son regard plongea dans celui de la bête, où on lisait une haine à peine contenue. Elle aurait voulu tendre la main à travers les barreaux pour toucher la peau parcheminée de ce monstre, mais elle se retint. L'idée de perdre un bras bêtement ne lui disait rien. Son intérêt avait été piqué au vif, même si bien entendu elle n'aurait jamais l'idée de remplacer ses précieux soldats sur-entraînés par des créatures aussi peu fiables que les Orcs, fussent-ils plus proches des Uruk-Hai comme celui-ci. Cependant, elle devait bien admettre qu'il y avait un bénéfice certain à comprendre cette nouvelle arme, et le procédé par lequel on pouvait les créer. De telles troupes pouvaient remplir bien des missions à moindre coût, et épargner la vie de nombreux soldats sur le champ de bataille. En outre, nul ne pouvait affirmer qu'un jour elle n'étendrait pas ses prétentions si loin au sud qu'elle rencontrerait la résistance des gens du Harad. Elle serait alors heureuse de connaître l'arme soi-disant secrète de ces barbares.

- Des centaines, vous dites. Comment sont-ils dressés ?

- Un conditionnement extrême, et un simple bâton de commandement, votre altesse. Quiconque le tient devient le maître de ces choses. J'ai moi-même été dubitatif, mais pour avoir vu ces créatures obéir au doigt et à l'œil à leur maître, je peux vous assurer que ce conditionnement fonctionne.

Khalmeh ne cachait pas sa fierté. Il avait ramené à sa souveraine un présent à la fois étonnant et utile, qui ne pouvait qu'attiser la curiosité d'une monarque qui n'avait jamais tourné le dos à la nouveauté. Il pensait la convaincre à l'aide d'une petite démonstration, un tour qu'il aurait pu faire faire à son Uruk pour montrer à Lyra que cette créature était totalement soumise. Il avait vu des maîtres les faire se rouler en boule, les humilier publiquement, voire même leur demander de se scarifier. Les acheteurs ne reculaient devant rien pour éprouver la fiabilité de leur marchandise, et certains tiraient un plaisir pervers à abuser de leur pouvoir. La reine du Rhûn n'était peut-être pas innocente, mais elle ne trouvait aucune joie dans le fait d'infliger des souffrances inutiles à une telle créature. Au lieu de quoi, son esprit raisonnait en termes d'utilité. Elle ne voulait pas poudre aux yeux, elle voulait des accomplissements concrets.

- Votre Uruk est très impressionnant, sire Khalmeh. Et l'idée de faire face à une armée de ces choses est pour le moins troublante. Vous comprenez, cependant, que je puisse douter de vos affirmations concernant leur fiabilité. Qui me dit que cette créature peut être contrôlée dans la fureur de la bataille ? Qui me dit qu'elle n'échappera pas à votre empire à la moindre occasion. Le risque est immense, vous en conviendrez.

- Votre majesté, vos doutes sont bien naturels. Cependant je puis vous garantir que…

- Me garantir ? Trancha Lyra. Il n'y a rien que vous puissiez me garantir en l'état. Cependant, je sais comment vous pourriez faire vos preuves. J'attends une cargaison très spéciale, qui doit arriver à Albyor à la prochaine lune complète, avant de m'être livrée à Blankânimad. J'ai des raisons de croire que des individus mal intentionnés pourraient vouloir s'emparer de cette cargaison, et la détourner à leur profit. Votre Uruk peut certainement assurer une mission de protection discrète, et garantir un transport sans encombres. N'est-ce pas ?

L'esclavagiste n'avait pas le choix. Il devait accepter le marché, sans quoi la reine supposerait qu'il n'avait lui-même pas confiance dans sa marchandise. En outre, pour pouvoir payer sa dette auprès de ses compagnons, il était contraint de faire les quatre volontés de sa suzeraine, quitte à prendre des risques pour cela. Seule Lyra pouvait décider de le récompenser pour son effort, et de lui rendre ses titres et honneurs. Il jouait son avenir sur cette affaire, et il ne pouvait évidemment pas reculer. D'une voix ferme il répondit :

- Bien entendu, votre altesse. Cette créature est tout à fait capable d'accomplir une telle mission, et je suis persuadé que sa seule présence saura dissuader d'éventuels voleurs. Vous pouvez compter sur moi.

- Très bien, c'est entendu. Je vous ferai parvenir les détails plus tard. Learamn, vous l'accompagnerez.

Les deux hommes se jetèrent un regard perplexe, mais Lyra n'était pas le genre de femme à aimer se répéter. Ce n'était pas une demande, mais bien un ordre. Le premier qu'elle lui donnait officiellement.

- Vous souhaitez faire vos preuves, voici votre chance. J'aurais confié une telle mission à Iran sans hésiter… à vous de me montrer que vous pouvez faire aussi bien qu'elle. Prenez quelques jours de repos à Blankânimad, et pendant ce temps vous apprendrez à faire connaissance avec vos futurs compagnons de route.

Le sourire de la reine s'étira perceptiblement, à l'idée qu'un esclavagiste, un Rohirrim et un Uruk devraient s'associer pour lui ramener sa cargaison. L'ironie de la situation était irrésistible. Pendant l'espace d'un instant, on aurait dit qu'elle avait tout organisé depuis fort longtemps, et qu'elle se délectait simplement de les voir tomber des nues en découvrant le sort qu'elle leur réservait : une mission toute trouvée, des compagnons qui seraient autant là pour les aider que pour les surveiller et les évaluer… Rien ne paraissait avoir été laissé au hasard. A moins qu'elle ne fut seulement dotée d'une intelligence vive et qu'elle eût été capable de s'adapter rapidement à l'opportunité qui se présentait à elle. Deux hommes désespérés mais compétents qui venaient à Blankânimad pour espérer gagner ses faveurs, deux hommes qui pouvaient se révéler fort utiles et qu'elle s'empressait de mettre à contribution pour réaliser une mission en son nom.

Visionnaire ou ingénieuse, futée ou prévoyante… il n'était pas facile de cerner la reine. Dans un cas comme dans l'autre, Lyra était d'une agilité surprenante, et elle leur prouvait à tous les deux qu'elle n'avait pas usurpé sa réputation. Elle les dévisagea tour à tour, attendant d'éventuelles questions de leur part. Khalmeh n'osait pas en poser, décontenancé par le tour que venait de prendre cette affaire. Il ne restait plus que Learamn, qui semblait se remettre un peu mieux de la surprise et du choc.

Il avait une opportunité unique d'essayer de découvrir tout ce que Lyra ne leur disait pas au sujet de cette mission.

#Khalmeh
Sujet: Tout ce qu'on ne dit pas
Ryad Assad

Réponses: 21
Vues: 1326

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Tout ce qu'on ne dit pas    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 19 Aoû 2019 - 19:42

Lyra écoutait.

Attentivement.

Chaque mot.

Son regard qui semblait ne pas ciller, à la manière d'un de ces grands serpents venimeux du désert, ne lâchait pas l'Occidental. Elle était dressée sur son trône, prête à frapper s'il commettait le moindre impair, la moindre bévue, la moindre petite incartade. En réalité, elle ne demandait que ça : elle n'attendait qu'une raison de sauter à la gorge de cet impudent, et de verser le sang du Rohan devant Melkor lui-même. Elle devait contenir son instinct premier, la soif de sang qui lui frappait dans les tempes et semblait oblitérer toute autre pensée. Venger Iran. Venger sa cousine. Venger l'affront fait au grand royaume de l'Est par les misérables dresseurs de chevaux.

Vengeance.

Vengeance.

Le mot semblait graviter dans son esprit, affiché en lettres de feu devant ses yeux pourtant grands ouverts. Et derrière elle, figé dans une expression de rage et de puissance à peine contenues par la pierre, le Noir Ennemi du monde l'encourageait dans cette voie. Elle n'avait qu'à dégainer son épée, et à trancher la gorge de cet ambassadeur. Elle n'avait qu'à se pencher pour ramasser sa tête, et la renvoyer au palais de ses maîtres pour que le message fût clair. Les tambours de la guerre résonnaient déjà dans son cœur, dans son âme.

Elle n'avait qu'une seule envie.

Se déchaîner.

Pourtant, elle écoutait. Toujours concentrée. Sans rien manquer. Et ce fut sans doute cela qui permit à Learamn de conserver la vie sauve. Lyra sentit sa détermination faillir quand il évoqua le fait qu'Iran avait risqué sa vie pour lui. Pour un homme de l'Ouest. Elle aurait souhaité l'interroger, le questionner, connaître en détail la nature de ce combat épique qu'il lui décrivait. Elle aurait voulu savoir quand, et comment sa cousine avait perdu la vie. Au nom de quoi elle avait laissé son âme s'envoler à Melkor, plutôt que de lui revenir… Mais au fond, Lyra savait que Learamn ne mentait pas. Elle avait toujours eu cette noblesse d'âme, ce courage, cette abnégation. C'était la raison pour laquelle, lorsque la princesse de ceux que l'on appelait les Balchoth était devenue la souveraine des Orientaux, elle avait requis la présence de cette guerrière à ses côtés. Iran avait été sa protectrice, sa gardienne, son bâton de marche. Aujourd'hui, elle n'était plus, et le monde semblait à la fois vide et effrayant.

Le second assaut contre sa résolution vint quand Learamn évoqua tous les efforts qu'il avait entrepris pour ramener Iran au Rhûn. Ce périple, elle l'avait fait à l'occasion du mariage royal, et elle savait quels étaient les dangers qui attendaient les voyageurs qui prenaient la longue route vers Blankânimad. Malgré elle, elle éprouva une pointe de sympathie pour cet homme qui avait voulu payer sa dette en ramenant une femme qu'il connaissait à peine jusqu'à son peuple. C'était la marque des âmes nobles, et un tel sens du devoir ne pouvait pas être balayé d'un revers de la main. Il avait pris la peine d'enterrer la guerrière autour de Vieille-Tombe, et Lyra se tourna alors vers Khalmeh pour s'assurer qu'il disait bien la vérité. L'esclavagiste, comprenant que les mots étaient inutiles, se contenta de hocher la tête. La reine en fut satisfaite.

Le coup de grâce vint avec ces quelques paroles de… compassion ? D'empathie ? Learamn ne pouvait évidemment pas comprendre le sentiment de Lyra, mais elle-même décelait dans ses mots davantage que des condoléances de circonstance. De toute évidence, il s'était attaché à Iran, il s'était rapproché de la guerrière comme seuls deux âmes nobles et pures le pouvaient. Et à travers ces mots, il exprimait un sentiment qu'aucun autre Occidental n'aurait pu éprouver.

Une larme solitaire coula sur la joue de la grande reine de l'Est.

Elle suffit à apaiser l'incendie, et le feu vengeur qui brûlait dans son cœur. Elle ne fit pas un geste pour la chasser de son beau visage de marbre, et se mura au contraire dans un silence pensif. Il n'était pas courant pour elle de chercher ainsi ses mots, et il n'était pas non plus courant de sa part de se laisser aller à de telles démonstrations d'humanité. Mais aujourd'hui, la nouvelle était si terrible et la touchait si personnellement qu'elle ne pouvait pas contenir parfaitement la souffrance qu'elle ressentait. Elle finit par déclarer, d'une voix plus calme :

- Iran est morte loin de sa tribu, loin de sa terre. Dites-moi qu'elle a vécu ses derniers instants en présence d'un ami.

C'était une requête curieuse, presque déplacée. Pourtant, cela en disait long sur le sentiment de la reine. Pendant l'espace d'un instant, elle avait laissé de côté la politique, les alliances, les complots… elle n'était qu'une femme attristée, cherchant un maigre réconfort chez un étranger.

Le naturel revint bientôt au galop, cependant, à mesure que Learamn poursuivait son récit. Lyra se demanda brièvement si l'homme n'était pas devenu fou, ou s'il ne cherchait pas subitement à la piéger. Contrairement aux ambassadeurs aguerris, qui maniaient le verbe avec aisance et qui savaient parfaitement dissimuler leur pensée, l'ancien capitaine lui parlait avec une franchise tout à fait désarmante. Elle ignorait s'il était le meilleur ou le pire des rhéteurs, mais quoi qu'il en fût, il parvenait à la rendre perplexe. Un petit exploit, quand on connaissait la réputation d'intelligence et de finesse politique que la jeune femme n'avait pas usurpée.

Plus les mots s'écoulaient, plus Lyra fronçait les sourcils, et plus sa colère remontait. Elle ne comprenait pas où il voulait en venir, et à quoi rimait sa manœuvre. Homme du Rohan, Learamn ne semblait lié par aucune allégeance… ou plutôt, il s'en affranchissait sous ses yeux, déliant sa langue pour lui raconter une vérité qui donnait une vision bien sinistre de son peuple. Au lieu d'évoquer l'hospitalité des siens, et la bienveillance de son peuple, il évoqua leur méchanceté et leur bassesse. Au lieu de louer la grandeur d'âme de son suzerain, d'exalter sa figure, il en peignait un portrait pitoyable, mesquin et lâche. Il blâmait ce Gallen Mortensen, cet homme que Lyra avait déjà pu rencontrer, celui qui lui avait promis qu'il rendrait justice à Rokh Visuni après sa mort tragique à Minas Tirith.

De toute évidence, il n'avait pas tenu parole.

Pire, il avait coûté la vie d'Iran.

Alors que plus tôt, Learamn avait réussi à apaiser la reine par des paroles compatissantes, il venait d'enflammer de nouveau le brasier de son esprit. Elle se leva brusquement, impériale, et tonna d'une voix déformée par la rage :

- Assez ! Assez !

Les torches qui dispensaient une lueur faiblarde dans la pièce semblèrent vaciller à cette injonction. Un frémissement sembla s'emparer des ombres de la pièce, comme si les gardes qui posaient sur les deux visiteur un œil suspicieux se préparaient à quitter leurs alcôves pour faire payer à Learamn son outrecuidance.

- Êtes-vous venu de si loin pour me défier ? Reprit la jeune femme. Êtes-vous venu pour me provoquer, et mesurer la puissance du grand royaume de l'Est ? Pourquoi accabler ainsi votre peuple ? Qu'avez-vous à y gagner ?

Elle était sincèrement perplexe, mais aussi furieuse. Elle croyait qu'il s'agissait d'une stratégie pour éprouver sa force, pour voir si la mort d'Iran pouvait la pousser à une action militaire irréfléchie contre l'Ouest. Même si elle avait confiance dans la puissance de ses armées, Lyra savait qu'elle ne pouvait pas véritablement marcher tête baissée dans une guerre longue et interminable. Ses généraux y étaient favorables, de même qu'une partie non-négligeable de la noblesse, mais elle avait fait passer la raison avant les sentiments pour les tenir tranquilles. Elle n'allait pas céder maintenant, simplement du fait de la mort d'une seule personne. Les paroles de Learamn lui donnaient le sentiment qu'il la poussait à attaquer, comme s'il voulait pousser la souveraine à reculer, et à s'incliner devant lui. Un tel affront ne pouvait être laissé impuni, et même si elle n'entendait pas mobiliser ses troupes immédiatement, elle pouvait toujours condamner à mort cet ambassadeur suicidaire, et s'épargner le souci qu'il représentait.

Elle était à deux doigts de donner l'ordre à sa garde personnelle de procéder à son arrestation, quand soudainement elle réalisa qu'il n'était pas suicidaire, et qu'il était encore moins ici pour la défier. Elle avait si peu l'habitude de la franchise qu'elle peinait aujourd'hui à la reconnaître quand elle y était confrontée, mais quand elle comprit qu'il n'était pas l'ennemi qu'elle voyait en lui, elle ravala son commandement, et demeura un instant immobile, réfléchissant.

- Qu'a bien pu faire Gallen Mortensen pour que vous lui en vouliez à ce point ?

Sa question était une flèche d'une précision mortelle qui fila droit vers le cœur du Rohirrim, et se ficha dans sa poitrine en transperçant ses maigres défenses. Lyra était loin d'être une idiote, et elle le prouvait encore aujourd'hui. Pour la seconde fois, sa colère sembla retomber, et elle laissa l'espace à Learamn de lui raconter la vérité. Toute la vérité. Tout ce qu'il avait sur le cœur et qu'il avait choisi d'emporter avec lui jusqu'ici. Quand il eut terminé, elle resta un instant à méditer, avant de lui poser une ultime question :

- Maintenant que vous m'avez dit la vérité, Learamn du Rohan… que voulez-vous de moi ?
Sujet: Tout ce qu'on ne dit pas
Ryad Assad

Réponses: 21
Vues: 1326

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Tout ce qu'on ne dit pas    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 16 Aoû 2019 - 13:26
- Quelle affaire, mais quelle affaire !

L'agacement de Khalmeh ne retombait pas. Depuis qu'il était entré dans la pièce, il ne cessait de pester après les gardes du palais, qui ne s'étaient pas montrés très coopératifs avec lui et la marchandise qu'il souhaitait présenter à la reine. Il avait raconté en détail à Learamn de quelle manière ils avaient refusé de le laisser obtenir une audience, et qu'il avait dû négocier pendant près de deux heures avec trois officiers différents pour enfin obtenir le droit d'être reçu. Un droit qui ne lui garantissait en aucun cas que la souveraine de l'Est accepterait de le recevoir.

Pour la première fois depuis le début de son périple en compagnie de l'esclavagiste, Learamn put trouver son compagnon de route nerveux, agité. Il triturait tout ce qui lui tombait sous la main avant de s'en lasser et de passer à autre chose. Incapable de tenir en place, il s'asseyait par moments, avant de se lever et de retourner à faire les cents pas dans la pièce. Était-ce la perspective de rencontrer la reine qui le mettait dans cet état, ou bien au contraire le risque de ne pas être reçu ? Difficile à dire, mais en tout cas il revenait toujours à la même conclusion qu'il exprimait systématiquement dans les mêmes termes :

- Heureusement que vous avez la lettre.

Le terme « heureusement » était curieusement choisi quand on savait ce que le document impliquait. La mort d'Iran était une tragédie personnelle pour l'ancien capitaine de la garde, mais elle était surtout une tragédie politique. Tant qu'elle avait été en vie, Iran avait été la garantie que le Rhûn et le Rohan n'entreraient pas en guerre, et que la mort de Rokh serait réglée par le Vice-Roi Mortensen. Dans un sens, c'était ce qu'il s'était passé, car désormais Sellig était mort, et la mémoire du défunt guerrier avait été vengé. Pourtant, il ne restait plus personne pour en témoigner, sinon Learamn qui devrait convaincre une souveraine tempétueuse que tout avait été fait pour respecter la parole donnée.

Même si le cavalier connaissait la force de son royaume, et la qualité des soldats du Rohan, il ne pouvait pas se bercer d'illusions. Le militarisme exacerbé du Rhûn en faisait une puissance à ne certainement pas sous-estimer, et si guerre il devait y avoir, le Riddermark seul ne résisterait pas face à ces milliers d'Orientaux féroces. Il faudrait, comme aux temps de jadis, une coalition de tous les Peuples Libres pour venir à bout d'un tel adversaire. Mais qui viendrait aujourd'hui au secours des Rohirrim ? Le Gondor semblait replié sur lui-même, au moins autant que les Elfes et les Nains, qui se terraient ici dans leurs forêts, là dans leurs profondes cavernes. Les alliances de jadis ne tenaient plus qu'à un fil, et menaçaient de s'effondrer au moindre souffle de vent. Learamn l'avait vu à Minas Tirith, il l'avait vu à Pelargir, il l'avait vu encore à Edoras… Méfiance, trahison, intérêt… autant de dangers pour le monde de l'Ouest.

Alors oui, heureusement qu'il avait cette lettre pour au moins se présenter comme un ami et un allié d'Iran. Mais la présence de la jeune femme à ses côtés aurait changé tellement de choses.

Tellement.

- Ne vous inquiétez pas Learamn, fit Khalmeh en projetant ses propres émotions sur son compagnon de route, si vous dites la vérité à la reine, je suis persuadé qu'elle vous croira. On dit qu'elle est douée pour lire le cœur des hommes, et qu'elle tient en grande estime ceux qui se montrent honorables et justes. Vous n'aurez aucun mal à la convaincre.

C'était un conseil à la fois précieux et creux. Être soi-même, pour affronter une telle responsabilité ? Comment faire ? Learamn passa la nuit entière absorbé dans ses pensées, essayant de répondre à cette question et à mille autres qui naviguaient dans son esprit. Leurs appartements étaient confortables, et malgré leur trouble respectif ils savourèrent une bonne nuit de sommeil bien mérité qui eut au moins le don de reposer leurs corps las et douloureux.

Le lendemain matin, dès l'aurore, ils furent réveillés par la venue d'un page qui tapa à la porte. Le jeune garçon était le même que celui de la veille, et de toute évidence il était spécifiquement affecté à l'accommodement des visiteurs. C'était une attention délicate de la part de la reine que de toujours offrir le même serviteur à ses hôtes, mais cela participait aussi d'une forme subtile d'espionnage : en apprenant à connaître ces jeunes garçons de bonne famille, les invités pouvaient se relâcher, se détendre, et laisser échapper devant eux des informations compromettantes. Il fallait dire que ces pages étaient d'une discrétion et d'une efficacité telle que l'on pouvait facilement oublier leur présence.

Vêtus sobrement, silencieux sauf quand il leur était nécessaire de parler, ils s'affairaient sans un bruit à préparer un baquet d'eau chaude pour la toilette des invités, à faire les lits pour garantir la propreté de la pièce, à trouver des vêtements propres pour que personne ne se présentât devant la reine en guenilles… Ils veillaient sur Learamn et Khalmeh comme personne n'avait veillé sur eux, ce qui était presque dérangeant d'un certain point de vue. Le jeune garçon mit à la disposition des deux voyageurs des savons parfumés avec lesquels ils pouvaient se frotter vigoureusement, mais aussi des ciseaux et des rasoirs pour leur permettre de tailler leur épaisse barbe s'ils le souhaitaient.

- Messires, fit le garçon en Westron, puis-je vous proposer ces tenues ?

- Pourquoi ? Répondit Khalmeh, les cheveux encore mouillés après son bain.

- Pour rencontrer Sa Majesté, sire. Elle vous attend dès que vous serez prêt.

Les deux hommes se regardèrent. Pas plus tard que la veille, l'esclavagiste avait déclaré avec une certitude absolue qu'ils ne seraient pas reçus immédiatement, et qu'ils pouvaient s'installer confortablement pour plusieurs jours, voire semaines selon la disponibilité de leur hôte. Il avait pensé que la lettre de Learamn accélérerait le processus de quelques jours, mais une entrevue le lendemain ? C'était à la fois inespéré et inquiétant, car cela signifiait que la reine avait annulé ce qu'elle avait déjà prévu pour les recevoir.

Cela ne pouvait pas être bon signe.

Khalmeh pâlit à vue d'œil, et se pencha vers les tenues qui lui étaient présentées. Des tuniques à la mode orientale, à la fois légères et amples, qui tombaient jusqu'au genou, et qui étaient serrées à la taille par une large ceinture de tissu. Par-dessous, un pantalon coloré plus épais, sur lequel étaient brodés des motifs très élégants. Pour Learamn, tout ceci était fort nouveau, mais il avait l'opportunité de quitter le cuir bouilli usé de sa tenue de voyage pour la douceur soyeuse d'un vêtement coloré qui aurait parfaitement convenu à un aristocrate excentrique du Rohan. On lui laissa évidemment le choix entre plusieurs tons, qui allaient d'un bleu profond rehaussé d'argent, à un carmin vif souligné d'or. Khalmeh choisit quand à lui une tenue tricolore, verte, brune et dorée, dont le haut col soigneusement dessiné lui donnait un air noble. Il y associa une paire de bottes montantes confortables, et s'observa dans le miroir que le page avait fait venir :

- Cela me rappelle un autre temps, mon ami. Je croirais presque être revenu à l'époque où ma main ignorait ce qu'était un vil gourdin.

Il lissa les plis de sa tenue, tira sur ses manches, remonta son col convenablement, et ajouta pour lui-même :

- Les cols sont plus hauts que dans mes souvenirs. La mode a encore changé à Blankânimad.

Une observation qui montrait que même si la guerre semblait couler dans les veines des Orientaux, ils avaient comme les hommes de l'Ouest des préoccupations bien moins belliqueuses. Learamn ayant un peu de mal à s'habiller seul – il fallait dire que ces tuniques avaient une forme bien singulière –, le page l'aida avec diligence. Il s'arrangea pour fermer convenablement la tunique, nouer la ceinture fermement, et lisser les plis avec soin. Puis il présenta le miroir au Rohirrim, le laissant admirer l'ampleur du changement, et tout ce que cette tenue impliquait.

Habillés, coiffés et apprêtés, les deux hommes n'eurent plus qu'à suivre le jeune garçon à travers les couloirs de Blankânimad. De nouveau, la cité sembla agresser leurs sens en leur imposant un silence oppressant, rompu seulement par des sons indéfinissables qui semblaient jaillir des entrailles de la pierre. On aurait dit des cris, des suppliques, des plaintes, à moins que ce ne fût leur esprit qui leur jouait des tours en cherchant à les effrayer. Ils n'échangèrent que quelques mots sur la route, se mettant au diapason du palais qui leur imposait presque de ne pas parler, et de respecter la quiétude des lieux. Ils finirent néanmoins par s'arrêter devant une épaisse porte gardée par des hommes en armure d'apparat. L'un deux, en les voyant arriver, ouvrit grand les portes, et s'avança de quelques pas avant d'annoncer d'une voix forte :

- Sâhib Learamn az Rohan ! Âghâ Khalmeh Elkessir az Blankânimad !

Il s'inclina, et s'effaça devant les deux visiteurs qui purent pénétrer dans la grande salle du trône. Si le palais donnait l'impression d'être écrasant, la sensation était encore décuplée dans cette pièce particulière. Gigantesque, colossale, elle semblait avoir été construite à la mesure de la démesure des rois de jadis. Le plafond, si haut que l'œil humain ne pouvait pas le voir, était soutenu par d'immenses colonnes sculptées derrière lesquelles veillaient des gardes à l'air patibulaire. La pièce était dominée par le trône de la reine, surélevé de sorte à surplomber quiconque s'adressait à elle. Mais la véritable ombre qui planait sur eux était la statue de Melkor qui se trouvait derrière la souveraine. C'était la plus grande statue que les deux hommes avaient jamais vue, et elle était figurée de telle sorte que le regard du Noir Ennemi semblait les suivre partout où ils se trouvaient. Le Vala déchu les surveillait, et leur promettait mille tourments s'ils osaient défier son autorité en ces lieux. Cependant, même si la pièce était angoissante et conçue pour humilier les visiteurs et leur rappeler leur insignifiance face à la puissance royale, on ne pouvait pas négliger l'aura de la souveraine en personne.

Lyra.


Learamn avait déjà eu l'occasion de l'apercevoir lors du mariage royal, entourée de sa garde personnelle. Il n'avait jamais eu le privilège de se tenir ainsi en sa présence, encore moins au sein de son propre palais, en qualité d'invité. Elle était assise confortablement, impériale malgré la jeunesse de ses traits. Comme dans les souvenirs des deux hommes, elle avait la peau pâle, probablement fardée, ce qui offrait un contraste saisissant avec la pénombre des lieux. Mais plus sombre que la pièce étaient ses yeux qui semblaient ne pas ciller, et qui étaient braqués sur les deux arrivants.

Khalmeh s'arrêta à la distance requise par le protocole – qu'il paraissait connaître – et s'inclina profondément devant la souveraine de l'Est. Toute cette mise en scène servait à rehausser son prestige, à souligner l'importance de sa personne, autant d'éléments qui étaient connus à l'ouest de l'Anduin, mais qui semblaient démultipliés ici, au point d'en donner la nausée. Comme l'exigeait la coutume, ce fut la reine qui prit la parole en premier, dans un Westron impeccable qui permettait au Rohirrim de suivre la conversation.

- Sire Learamn du Rohan, sire Khalmeh Elkessir de Blankânimad. Bienvenue.

L'accueil était froid. Pour ne pas dire glacial. Khalmeh, qui avait l'habitude du protocole royal, savait que ce « bienvenue » prononcé du bout des lèvres n'était pas à la hauteur de la réputation d'hospitalité que les rois de Blankânimad entretenaient depuis des générations. Elle était en colère, et le leur faisait savoir derrière le masque diaphane d'une politesse de circonstance. Il répondit avec emphase, afin de conforter la monarque toute puissante et s'attirer ses bonnes grâces :

- Votre Altesse, déclara-t-il avec une révérence bien inhabituelle chez lui, permettez-moi de vous remercier de votre accueil et de votre bienveillance à notre égard. Nous avons fait le trajet jusqu'à Blankânimad afin de…

- Je connais les raisons de votre présence ici, trancha-t-elle avec la douceur d'une hache déchiquetant un arbre.

Elle tourna son regard vers Learamn, et se focalisa sur lui au point que l'ancien capitaine semblait absorbé tout entier par la furie de cette femme, et du terrible Melkor qui l'appuyait. D'une voix où perçaient des accents de rage, elle siffla :

- Vous êtes venus m'expliquer pourquoi vous revenez du Rohan sans ma cousine.

#Khalmeh
Sujet: Blankânimad
Ryad Assad

Réponses: 0
Vues: 256

Rechercher dans: Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Blankânimad    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 27 Mar 2017 - 3:03
La grande capitale du royaume, située en son centre, constitue le cœur politique duquel émanent toutes les décisions. La Reine y siège avec ses conseillers, les représentants des principales tribus qui lui assurent un contrôle quasi-parfait sur le pays. La ville, très peuplée et très structurée, est dominée par le Palais Royal protégé en permanence par la garde personnelle des souverains. Il règne dans la cité une ambiance paisible, rythmée par les remous de la vie politique et par les rumeurs lointaines provenant des régions les plus reculées du royaume. L'importante garnison de la ville est déployée en permanence pour garantir la sécurité des édifices publics, de même que pour contrôler les allées et les venues des rares étrangers qui s'aventurent si loin dans le royaume. Blankânimad est aussi un centre artistique et intellectuel en développement, bien que l'autorité omniprésente de la Reine dissuade les esprits les plus libres de critiquer son gouvernement.

~~ :diamonds: ~~

Personnages importants de la région


- LYRA ARMADIN -
Reine du Rhûn

Jeune femme aussi belle qu'intelligente, Lyra incarne le pouvoir absolu de la monarchie orientale. Résolument opposée aux Peuples Libres, elle sait toutefois composer avec eux pour mieux saper leur pouvoir et conforter le sien. Passée maîtresse dans l'art de gouverner, elle n'en demeure pas moins paranoïaque, constamment inquiète à l'idée d'être évincée. En effet, si sa politique nouvelle, audacieuse et ambitieuse peut redonner à son royaume sa gloire d'antan, elle a conscience que la plus grande menace peut venir de l'intérieur.



- FYODOR ARMADIN -
Chef des Balcoth, Le Cavalier Noir

Très rares sont ceux qui savent que sous les traits de Fyodor, le frère de Lyra, se cache en réalité le « Cavalier Noir », un personnage légendaire au Rhûn. On raconte qu'il est capable de parcourir des distances incroyables en très peu de temps, qu'il maîtrise les arcanes secrètes de la magie la plus sombre, et qu'il est lui-même immortel et invincible. Les rumeurs les plus folles circulent à son sujet, mais toutes s'accordent sur une chose : mieux vaut ne pas se dresser sur sa route.
Sujet: Rien n'a de sens au-delà de l'Horizon
Ryad Assad

Réponses: 0
Vues: 472

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Rien n'a de sens au-delà de l'Horizon    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 15 Déc 2015 - 12:57


Pourquoi avait-il fallu qu'elle entreprît ce voyage ?

Pouvait-on encore parler de voyage, arrivé là ?

Alessa l'aurait sans doute qualifié de périple, à tout le moins. Combien de temps avait duré cette traversée interminable ? Elle n'aurait su le dire. Près de cinquante jours, si elle se fiait au meneur de cette expédition, qui avait été avec elle jusqu'au bout. Elle avait perdu le compte après un mois, pour sa part. Elle avait perdu toute notion du temps et de l'espace, de toute façon. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle avait pu compter sur l'exceptionnelle rapidité de son escorte, qui avait su éviter tous les dangers, tous les écueils, et tous les problèmes qu'elle avait craint de rencontrer sur son chemin. Les bandits n'étaient pas rares dans les terres sauvages, et elle avait engagé une troupe assez nombreuse pour assurer sa protection au cours de cette épopée. Ils avaient été parfaitement inutiles, car ils n'avaient jamais été approchés par le moindre individu curieux animé de mauvaises intentions, ou par la moindre créature sauvage. Elle aurait pourtant pensé que la Fraternité ne les laisserait pas s'organiser ainsi. Quand elle en avait fait la réflexion, on lui avait répondu que c'était précisément le fait d'avoir une troupe fort nombreuse qui évitait ce genre de désagréments. C'était logique.

La veuve de Sora regarda ses mains, d'où avaient désormais disparu les traces de poussière. Elles lui paraissaient presque étrangères. Elle n'avait pas été particulièrement mise à contribution au cours du voyage, ses compagnons lui épargnant les tâches les plus ingrates, mais la célérité avec laquelle ils se déplaçaient impliquaient qu'ils n'avaient que peu de temps pour se toiletter, ce qui n'était pas d'un grand intérêt de toute façon puisqu'ils ne rencontraient personne. Tout au plus avait-elle pris le temps de se laver à l'eau claire des ruisseaux qu'ils avaient croisés sur leur route, tout en avalant un repas maigre et écœurant qui avait au moins le mérite de lui tenir au corps. Elle avait déjà voyagé dans sa vie, mais jamais dans de telles conditions. Cela lui fit prendre conscience à quel point la vie de son époux avait dû être compliquée, quand il partait en mission pour sauver la Terre du Milieu. Une pointe de chagrin la saisit, en pensant à lui. Cantelmo… Il lui manquait tellement qu'elle sentait physiquement un trou dans sa poitrine, que rien ne semblait pouvoir combler. Elle repensait souvent à lui, à toutes les fois où il était parti en campagne, l'arme à la hanche, aussi beau et brave que le premier jour où elle avait posé son regard sur lui. Elle ne pouvait qu'essayer de reprendre son flambeau, et honorer sa mémoire. Elle n'avait jamais réalisé – et elle ne réaliserait sans doute jamais – à quel point le quotidien des hommes de guerre était pénible et douloureux, quand ils partaient guerroyer dans des terres lointaines.

Par contre, elle comprenait désormais pourquoi il était capable de lui parler des heures et des heures des choses et des gens qu'il voyait le long du chemin. Il n'y avait pour ainsi dire rien d'autre à faire qu'observer les environs. Le paysage avait radicalement changé sous leurs pas et autour d'eux, à mesure qu'ils quittaient le Gondor. Les champs et les petites maisons d'Anorien avaient rapidement cédé la place à de vastes plaines sur lesquelles il paraissait difficile de déterminer un chemin. Ils avaient coupé à travers les collines et les vallées, avaient galopé quand leurs montures leur laissaient croire qu'elles étaient reposées, et avaient ralenti l'allure quand elles avaient eu besoin de récupérer. Les obstacles naturels qui auraient arrêté un convoi en bonne et due forme n'avaient été qu'une formalité pour leur groupe, car elle avait accepté de voyager en selle comme un homme, afin de gagner du temps. Ils auraient pris sans doute une centaine de jours pour faire la même distance, si elle avait exigé ne fût-ce qu'une voiture pour se délasser.

Elle avait apprécié de voyager avec les hommes de son escorte, qui avaient fait preuve de beaucoup de respect vis-à-vis d'elle. Demetion lui avait recommandé certaines de ses connaissances, des hommes d'honneur lui avait-il dit, qui avaient accepté de protéger sa vie au péril de la leur. Alessa ne comprenait toujours pas pourquoi ils étaient si nombreux… de plus en plus nombreux, même… à la respecter autant. Depuis la mort de son époux, elle incarnait quelque chose pour ces hommes d'armes, qui mettaient spontanément leur épée à son service. Elle avait tenu à les payer, incapable de se résoudre à profiter de leur immense générosité, mais deux d'entre eux avaient été particulièrement difficiles à convaincre. Nuril en faisait partie. Ils auraient chevauché pendant des jours et des jours simplement pour avoir l'honneur de faire partie de son escorte. Elle se sentait presque gênée d'être la cible d'autant de prévenance et de bonté. Elle n'avait pas l'impression de le mériter. Elle avait essayé de se convaincre qu'ils avaient eux aussi pris la mesure de la menace qui planait sur eux tous, mais en doutait sérieusement.

Son voyage avait pris un tour étrange, quand ils étaient arrivés à la première ville où ils avaient enfin pu faire une véritable halte. Oh, assurément, les choses auraient pu être bien pires, et s'ils n'avaient pas eu la présence d'esprit d'envoyer depuis Osgiliath un pigeon voyageur qui avait eu le temps de rallier leur destination bien avant eux-mêmes, ils n'auraient certainement jamais été reçus dans de telles conditions. Alors qu'ils pénétraient à Vieille-Tombe, capitale de la région du Dorwinion, et principale cité du Rhûn occidental, ils avaient été arrêtés par des gardes qui leur avaient demandé leur nom et leur provenance, avec un fort accent à peine compréhensible. Bien heureusement, l'homme qui commandait à la petite troupe était plein de ressources, malgré son jeune âge, et il ne se laissa pas démonter par la menace que représentaient ces gardes armés qui les voyaient clairement comme des étrangers. Nuril expliqua avec force détail qui ils étaient, d'où ils venaient, et quelle était la nature de leur séjour. On les questionna longuement, on les fouilla pour vérifier qu'ils n'étaient pas d'infâmes contrebandiers, avant qu'intervinssent enfin des officiers de la garde royale, dépêchés spécialement depuis la lointaine capitale du Rhûn. Ils avaient usé de leur autorité pour congédier les gardes de la ville, et avaient immédiatement encadré les visiteurs de l'Ouest :

- Vous venir, avait dit le premier qui s'exprimait fort mal, en désignant la seule femme du groupe. Un homme. Un homme.

Ils s'étaient regardés… Alessa allait devoir continuer avec un seul compagnon de route, qu'elle n'eût aucun mal à choisir : Demetion lui avait dit le plus grand bien du Capitaine Osenhorn qui dirigeait cette expédition, détaché de la garnison d'Osgiliath grâce à l'influence de la dame, qui avait insisté pour qu'il fût personnellement responsable de sa sécurité. Elle avait eu raison de miser sur lui, car c'était un jeune homme exemplaire, dévoué et profondément serviable. Il n'avait pas hésité à abandonner son foyer où l'attendait sa femme, pour une mission périlleuse à l'autre bout du monde. Elle ne savait comment le remercier. Les autres avaient dû rester à Vieille-Tombe, et ils y étaient toujours, sans le moindre doute, à attendre leur retour. Cela faisait dix jours désormais, qu'ils avaient quitté la cité commerçante, laquelle ne leur avait pas manqué. Il y régnait une atmosphère curieuse, les gens étaient secrets et très superstitieux, ce qui les avait mis assez mal à l'aise. La perspective de voyager sur un navire qui allait les mener à l'intérieur du pays les réjouissait passablement.

Tous deux avaient déjà eu l'occasion de naviguer, et ils s'étaient plus à voguer sur les eaux de cette mer intérieure dont nombre de récits géographiques parlaient, mais qu'ils pouvaient contempler tous deux pour la première fois de leur vie, ce que bien des gens de l'Ouest n'auraient jamais l'occasion de faire. Elle était bien plus étendue qu'ils auraient pu l'imaginer, sillonnée de navires qui suivaient leur cours, ralliant de petits ports côtiers où vivait une population curieuse. Contrairement au Gondor, où les gens étaient d'une grande sobriété, le peuple oriental se plaisait à décorer de pourpre, d'argent ou d'or dès qu'il le pouvait. Les navires arboraient des étendards bariolés, et beaucoup étaient sculptés avec grand talent. Ils n'auraient jamais imaginé que les gens de l'Est fussent aussi créatifs. Le voyage avait duré un moment, et ils avaient pu goûter à la cuisine locale, qui était particulière. On leur avait servi une bouillie dont ils n'avaient pas pu deviner la composition, et qui avait un goût infâme. Les soldats qui les escortaient, quatre hommes et deux femmes – ce qui surprit beaucoup les deux Gondoriens – paraissaient trouver cela à leur goût, et ils rajoutaient allègrement une sorte de purée rougeâtre qu'ils mélangeaient au tout.

Les étrangers avaient essayé de faire la même chose. La purée avait un goût légèrement épicé, qui relevait le plat… au début. En quelques secondes, ils étaient devenus écarlates, le rouge contrastant très bien avec leur teint plus pâle que la moyenne. Ils s'étaient jetés sur l'outre d'eau la plus proche, tout transpirants. Les Rhûnedain avaient beaucoup ri de leurs mésaventures. Cela avait contribué à détendre un peu l'atmosphère. Et, finalement, ils étaient arrivés en vue de l'imposante capitale du royaume de Rhûn. Clairement, ils n'auraient jamais imaginé qu'elle pouvait être aussi grande. Minas Tirith était une cité-forteresse, somptueuse dans son architecture, laquelle s'élevait vers le ciel comme une flèche de nacre jaillie des entrailles de la terre. Cependant, elle n'était pas large, comme Blankânimad. La forteresse en elle-même, où résidait la Reine Lyra, surplombait une cité grouillante, fourmillant d'activité, incroyablement vivante. Les gens du Rhûn les regardaient passer avec étonnement, tournant la tête pour dévisager ces deux étrangers qui allaient, escortés par des cavaliers royaux. Ils se sentaient gênés par ces regards insistants, perdus au milieu de cette population inconnue, qui parlait une langue barbare, et qui leur semblait si différente de chez eux. Ils n'auraient su dire qui était noble et qui venait de la roture, car l'accoutrement de ces Orientaux différait considérablement du leur. Fallait-il voir dans ces couleurs chatoyantes la marque ostentatoire d'une richesse que l'on se refuserait à cacher, ou bien l'absence de retenue et de pudeur des laborieux qui se paraient de leurs plus beaux atours pour venir à la capitale ? Les Gondoriens étaient perdus, et leurs vêtements de voyage empoussiérés leur donnaient l'impression d'être des pouilleux au milieu d'une multitude de beaux et nobles bourgeois.

De Blankânimad, ils ne virent que les merveilles, et leur chemin les conduisit à travers les rues les plus larges, les plus belles et les mieux entretenues. Ils ne virent que les marchands de bijoux, qui exhibaient de superbes créations en or et en argent, des bagues serties de saphirs, de rubis et d'émeraudes. Ils ne virent que les armuriers les plus renommés, qui exposaient des cimeterres d'un grand raffinement que la noblesse examinait d'un œil critique. Ils ne virent que les savants, les lettrés et les administrateurs du royaume, qui vaquaient à leurs occupations en portant sous le bras des parchemins et leur set d'écriture. Ils en furent troublés. Assurément, ils n'imaginaient pas le Rhûn ainsi. Ils ne virent nullement la crasse et la souillure des quartiers les moins fréquentables, ceux où la garde patrouillait régulièrement pour prévenir les rixes et les vols. Pas plus ils n'aperçurent les marchés aux esclaves où les malheureux captifs du front oriental et les raretés ramenées de l'Ouest étaient négociés sur la place publique, vendus aux enchères comme du bétail, lequel était à peine moins bien traité. Ils ne virent pas les adorateurs de Melkor, couverts de scarifications rituelles, haranguer les passants, les exhorter à venir assister aux sombres sacrifices humains qui consacraient chaque jour un peu plus la montée en puissante du Temple Sharaman.

Lyra avait donné des instructions très claires.

Ils furent introduits dans le palais, qui leur apparut comme un labyrinthe glauque et angoissant. La structure en elle-même paraissait anarchique, chaotique, et on aurait dit que la construction était vivante, comme s'ils étaient rentrés dans un estomac qui essayait de les digérer peu à peu. Les murs leur apparaissaient de guingois, sans qu'il leur fût possible de déterminer avec certitude si c'était le cas, ou s'ils étaient simplement abusés par leurs sens. Les couloirs leurs semblaient interminables, penchés, glissants, et ils se sentaient pris de vertige. Les gardes ne les lâchaient pas d'une semelle, et il était évident que c'était davantage pour leur permettre de retrouver leur chemin que par crainte de les voir aller explorer le Palais. Il y avait quelque chose de malsain dans l'air, dans la pierre, dans les inquiétantes torches qui brûlaient à intervalle régulier. Tout leur paraissait irréel, même leur propre existence. Seule la chambre où on les logea leur apporta un peu de réconfort, et ils trouvèrent leurs lits parfaitement accueillants.

Ils eurent le droit à une journée complète de repos, avant d'être autorisés à rencontrer la Reine, qui avait consenti à leur accorder une audience. Par chance, quelques pages, sans doute des fils de très bonne famille, parlaient suffisamment bien le Westron pour répondre à leurs principaux besoins. On les fit conduire dans des bains exquis, parfumés de pétales de rose, où des esclaves vinrent les laver consciencieusement, malgré leurs réticences à être vus dans le plus simple appareil par autrui. Cela ne semblait pas être dérangeant pour les seigneurs d'ici, dont les coutumes étaient décidément incompréhensibles pour les gens de l'Ouest. Ils furent néanmoins bien nourris, bien traités, et reçus dans d'excellentes conditions qui n'avaient rien à envier à ce que l'on pouvait trouver à la cour de Mephisto, ou à celle d'Aldarion.

Puis on vint les chercher. L'audience allait avoir lieu.

Enfin.

- Je reste auprès de vous, Ma Dame.

- Merci, Capitaine.

Elle se rendit compte à quel point elle était anxieuse. Elle avait beau avoir de l'expérience, et avoir déjà conduit des négociations, elle ne s'était jamais imaginée ambassadrice des Peuples Libres… non, de l'ensemble de la Terre du Milieu. La responsabilité qui pesait sur ses épaules était écrasante, et elle eût soudainement l'impression qu'elle ne serait jamais à la hauteur de la tâche qu'on lui avait confiée. Elle était si loin de chez elle, en terre étrangère, chez des gens si différents… Etait-ce finalement une bonne idée de venir contacter la souveraine du Rhûn ? Avaient-ils eu raison de croire qu'elle se montrerait ouverte à leur missive ? Elle inspira profondément, et serra la main du Capitaine entre ses doigts fins. Un officier Rhûnadan leur fit signe de se lever, et ouvrit en grand les portes de la salle du trône.

- Malikah Alessa Erina de Sora ! Salar Nuril Osenhorn !

Ils pénétrèrent dans la pièce, oppressés par son immensité, soumis au regard implacable des statues de Melkor qui penchaient leur sombre silhouette vers eux. Leur malaise était clairement perceptible, car leur vision de Melkor n'était pas celle d'une divinité à révérer, mais plutôt celle d'une noirceur à combattre. Ils firent un immense effort de volonté pour s'avancer courageusement au milieu de la grande salle, encadrés par des soldats qui les dévisageaient froidement.

Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Lyra10

Lyra était installée là, sur son immense trône, et elle les salua en Commun. Fort heureusement, ils allaient pouvoir converser sans user d'un intermédiaire :

- Dame de Sora. Capitaine Osenhorn. Soyez les bienvenus à Blankânimad. Il y avait longtemps que nous n'avions pas reçu la visite d'étrangers.

- Votre Altesse, commença la veuve de Cantelmo, nous sommes conscients de l'honneur qui nous est fait. J'ose croire que vous avez pris la pleine mesure de ce qu'implique cette lettre. Nous essayons…

- … d'empêcher la « Fraternité de Yavannamire » de « faire vaciller l'équilibre de la Terre du Milieu ». J'ai lu la lettre.

On leur avait naturellement réquisitionné leurs effets à leur arrivée, et la lettre avait été transmise à Lyra avec la garantie qu'elle ne serait ouverte que par elle. Ils n'avaient pas été en position de négocier, et ils pouvaient au moins se satisfaire de voir que la souveraine avait daigné se pencher sérieusement sur leur cas. Il fallait dire que le message qui était parvenu grâce à un pigeon voyageur était particulièrement alarmant, et qu'une délégation venue du Gondor était un petit événement dans le grand royaume de l'Est. Nuril jeta un regard en coin à Alessa de Sora, la femme de feu le comte Cantelmo de Sora, grand défenseur des Peuples Libres. Il la trouvait tout à fait courageuse, et il était extrêmement fier d'être à ses côtés en cet instant. Elle reprit :

- Votre Altesse, nous avons fait tout ce chemin pour vous convaincre du danger que représentent ces hommes qui agissent dans le plus grand secret. Comme l'Ordre de la Couronne de Fer, ils se tapissent, et se préparent à frapper. Nous voulons empêcher de nouvelles catastrophes de survenir...

- Et je suppose que vous entendez me demander quelque chose de particulier, me trompé-je ?

C'était la partie la plus délicate, et Lyra n'avait pas voulu attendre avant de rentrer dans le vif du sujet. Fidèle à sa réputation, elle ne s'embarrassait pas de détails inutiles, et allait droit au but. Elle imaginait déstabiliser ses interlocuteurs par son caractère direct et incisif. Alessa n'entendait pas se laisser malmener, et après avoir inspiré profondément, elle répondit :

- L'Assemblée vous demande humblement de bien vouloir… de bien vouloir ouvrir les portes de votre noble royaume aux savants de l'Ouest, afin que nous puissions étudier les textes et les mystères de votre peuple. Nous pensons pouvoir y trouver des réponses, des… des indices qui nous permettraient de…

Alessa n'alla pas au bout de sa phrase, de son plaidoyer. Elle fut interrompue par le rire cristallin de la souveraine du Rhûn. Un rire aussi bref qu'inquiétant, qui n'avait rien de joyeux. Lyra essuya une larme fictive au coin de son œil :

- Vous ouvrir les portes de mon royaume ? Voyez-vous ça…

Le Capitaine se sentit soudainement très mal à l'aise, et il s'efforça de ne pas se dandiner d'un pied sur l'autre. Alessa chercha soigneusement ses mots. Elle savait négocier, elle l'avait déjà fait. Il était simplement question de trouver ce dont une Reine pouvait avoir besoin qu'elle pouvait lui offrir. Ce qui était certain, toutefois, c'était que si Lyra n'avait pas été disposée à négocier, elle le leur aurait fait comprendre. Elle était de toute évidence préoccupée par cette affaire, et c'était un levier qu'Alessa ne se priverait pas d'actionner.

#Lyra #Osenhorn
Sujet: Reine prend Pion
Ryad Assad

Réponses: 7
Vues: 906

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Reine prend Pion    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 26 Juin 2015 - 18:53

- Ne racontez pas n'importe quoi !

La voix de Lyra s'était légèrement envolée, et elle s'en voulut presque immédiatement d'avoir cédé ne fût-ce qu'un instant à la colère qui bouillonnait derrière ses yeux vifs. Elle fit un effort considérable pour se maîtriser, inspira profondément, expira longuement, avant de poser les mains à plat sur la table massive qui trônait au milieu de la salle du Conseil. Elle n'était pas en session, et avait simplement réuni autour d'elle ses officiers les plus loyaux à Blankânimad. Ce n'étaient pas nécessairement ceux qui servaient depuis le plus longtemps sous les drapeaux, loin de là, mais plutôt ceux qu'elle avait choisis personnellement, ceux qui lui devaient tout, et ceux qui appartenaient à son clan, naturellement. Ils n'étaient que quatre, cela étant, et c'était bien la première fois qu'elle tenait une réunion stratégique avec si peu d'hommes. Il lui avait d'ailleurs fallu faire preuve de beaucoup de prudence pour sélectionner ces quatre candidats, qui n'étaient malheureusement pas les plus malins et les plus audacieux de ses soldats. C'étaient tout au plus de bons officiers, qui faisaient leur travail correctement, et qui étaient assez charismatiques pour fédérer la piétaille, la faire obéir, et la discipliner. Pour le reste, ils n'avaient que peu de notions de politique, et elle avait parfois l'impression de s'adresser à des porte-manteaux. Retrouvant la maîtrise de ses nerfs, son impatience teintée d'agacement se trahissant seulement dans ses doigts qui pianotaient frénétiquement sur la table, elle demanda confirmation ce qu'elle venait d'entendre :

- Comment est-il possible que nous n'ayons aucune nouvelle ? Aucune ! Ont-ils été attaqués en route ?

Un des officiers, penaud, haussa les épaules marquant son ignorance :

- Nous n'avons eu aucune nouvelle Votre Majesté, et je serais étonné que nos messagers soient tombés dans un piège. La route vers Vieille-Tombe est sûre, et on n'y rapporte presque aucun acte de banditisme. Des meurtres, encore moins. Ils ont peut-être été retardés par des aléas de voyage comme il en arrive parfois.

Lyra sentit la colère monter en elle à nouveau, et elle s'efforça de mettre le couvercle sur la marmite qui s'apprêtait à exploser. Pourquoi devait-elle exclusivement s'appuyer sur des individus qui ne raisonnaient qu'à l'aide d'une pensée binaire, blanc ou noir, bon ou mauvais. Ne pouvaient-ils pas comprendre que tous n'étaient pas loyaux comme eux, et que les rebelles opposés à son pouvoir ne se trouvaient pas uniquement dans l'Est lointain ? Ne pouvaient-ils pas deviner que sa colère n'était pas que le caprice d'une femme de pouvoir insatisfaite de voir les rapports arriver si lentement, mais bien une inquiétude plus viscérale, celle de sentir que quelque chose n'allait pas au sein de son propre royaume ? Elle soupira, et préféra ne pas leur répondre. Elle évitait de parler aux idiots, ça lui évitait de perdre son temps et son énergie. Acceptant leur incompétence politique, mais consciente qu'elle avait tout de même besoin d'eux, elle leur épargna un coup de sang qui n'aurait servi à rien, et qui aurait probablement été contre-productif. Elle ne pouvait compter que sur elle-même, comme d'habitude, et elle ne devait pas fléchir parce que la menace lui apparaissait moins claire et plus sournoise que d'ordinaire. Rejetant la tête en arrière un instant, pour dissiper la tension dans son dos, elle répondit d'une voix apaisée :

- Des aléas de voyage, oui sans doute. Laissons-leur encore quelques jours pour se présenter à moi et me faire leur rapport. J'ai été absente longtemps, et je me languis de savoir ce qu'il en est de notre royaume.

Ils la crurent, les sots. Ils buvaient ses paroles, sans se rendre compte qu'elle se moquait d'eux. Comment pouvaient-ils décemment ne pas remarquer qu'elle les dupait en réussissant à les convaincre qu'elle se fichait de ces messagers, qu'elle était simplement impatiente de recevoir des nouvelles des grandes villes et des grandes tribus du royaume ? Ils la surprenaient par leur incapacité à voir clair dans ses petits jeux qui étaient bien loin de l'intelligence politique redoutable dont elle était capable de faire preuve habituellement. Elle devait être bien fatiguée pour n'avoir pas mieux à offrir. En fait, elle était même épuisée. Il y avait des jours qu'elle n'avait pas dormi convenablement, surtout depuis qu'elle avait senti et pressenti que quelque chose n'allait pas. A Blankânimad, rien n'avait changé, et son peuple était venu l'acclamer à son retour des terres de l'Ouest. Elle avait laissé ses hommes en permission, pour qu'ils pussent retourner dans leurs familles, raconter ce qu'ils avaient vu, raconter à quel point les Occidentaux étaient des sauvages, des rustres et des incultes. Ils relateraient peut-être son opposition glorieuse au Vice-Roi du Rohan, sa parade majestueuse au milieu des autres délégations lors de la cérémonie de mariage, ou encore l'épisode du duel de Rokh, qui avait beaucoup troublé ses hommes. Toutefois, elle sentait que cela n'était qu'une apparence. Il se tramait quelque chose qu'elle n'arrivait pas à comprendre encore pleinement, qu'elle n'arrivait pas à cerner. Elle avait réuni ses conseillers, mais avait senti qu'ils lui dissimulaient la vérité. Son absence, qu'elle avait voulue aussi courte que possible, avait-elle donné le temps à un de ses ennemis de planter les germes de la révolte ? Le doute l'avait gagnée, et elle n'avait pas été en mesure de s'en débarrasser depuis.

Elle dormait à peine, se levait le matin dans son immense lit en croyant apercevoir le visage d'un tueur penché au-dessus d'elle. L'image disparaissait en un battement de cil, mais lui laissait l'impression amère d'être soumise à la volonté de quelqu'un d'autre, qui jouait avec ses nerfs. Alors, elle avait prétexté la fatigue du voyage – bien réelle, cela dit – pour s'isoler. Les conseils avaient été suspendus, et elle ne recevait qu'épisodiquement des individus qu'elle convoquait elle-même. Il lui fallait reprendre en main la situation, agir pour ne plus subir. Ce n'était pas une mince affaire quand on ne savait pas où commencer. Elle avait d'abord essayé de se renseigner à Blankânimad, sa ville, le siège de son pouvoir où elle avait concentré tous ses fidèles. Beaucoup n'avaient plus toute sa confiance, désormais, et elle se méfiait comme la peste des faux-semblants. En se renseignant quelque peu, elle avait identifié rapidement d'où venait l'impression désagréable qu'elle ressentait : Jawaharlal était en train de saper son autorité. Sa fureur avait été telle qu'elle avait dû s'enfermer dans ses appartements, parfaitement seule, pour ne pas se donner en spectacle devant ses officiers et les hauts dignitaires du royaume. Elle avait tempêté à haute voix pendant de longues minutes, rageant contre l'audace et le culot abject de cet homme qu'elle méprisait et qu'elle détestait. Elle ne le voyait que comme un parasite odieux et répugnant qui avait eu une utilité à un moment donné, mais qui avait tant gonflé à cause de son orgueil et de son avidité qu'il en était devenu un monstre purulent qu'elle se devait de décapiter. Elle savait depuis le début qu'un jour ou l'autre, elle devrait se séparer de cette gêne, mais elle avait espéré que ce tas de chair en décomposition rendrait l'âme sous peu, et qu'elle pourrait mieux contrôler son successeur. Que nenni, le vieux prêtre tenait bon, s'accrochait à la vie comme un pêcheur à sa canne. Il ne la lâcherait pas avant la toute fin, conscient qu'il pouvait remonter une belle prise s'il bataillait ferme. Elle aurait dû le faire tuer depuis longtemps…

En même temps, ses suppositions n'étaient étayées par aucune preuve. Elle comprenait que le Grand Prêtre était derrière son impression de malaise – elle l'avait deviné immédiatement quand elle avait vu cet envoyé du temple venir essayer de lui forcer la main pour la faire venir aux cérémonies qui avaient lieu régulièrement à Blankânimad. Elle lui avait mis les point sur les i avec une fermeté telle qu'il avait compris que l'expression « vous n'avez pas encore perdu la tête » pouvait être acceptée au sens propre. Elle avait ensuite parlé au dirigeant du temple de sa capitale, et lui avait fait comprendre qu'il était sous son autorité, et qu'il n'avait pas du tout intérêt à oublier qu'elle avait sur lui un droit de vie ou de mort absolu. Il n'était pas plus stupide qu'un autre, il avait compris que les charmes de Jawaharlal et ses promesses ne valaient rien quand on habitait dans l'entourage immédiat d'une souveraine aussi puissante et déterminée qu'elle pouvait l'être. Pour le reste du royaume, cependant, c'était une autre histoire. C'était la raison pour laquelle elle avait envoyé ces hommes espionner, récolter des informations, et finalement lui faire un compte-rendu exhaustif de ce qu'ils avaient vu. Leur absence était plus que troublante, dès lors. Qu'est-ce qui pouvait bien se tramer là-dehors ? Elle savait que ses officiers ne pouvaient pas grand-chose de plus, mais elle leur demanda néanmoins :

- Bien messieurs, ce sera tout. Informez-moi immédiatement lorsque les rapports arriveront, et surtout qu'ils m'arrivent en personne le plus rapidement possible. Si d'ici deux jours nous n'avons pas reçu de nouvelles, renvoyez des hommes avec les mêmes consignes. Blankânimad se doit d'entretenir des contacts fréquents avec les autres régions du royaume, comprenez-vous ?

Ils hochèrent la tête, et sortirent en la saluant respectueusement. Elle les avait déjà chassés de ses pensées. Elle était tout entière tournée vers autre chose. La grande pièce était déserte désormais, et elle s'y sentait affreusement seule. Elle avait fait congédier jusqu'aux soldats qui se trouvaient d'ordinaire postés là, pour assurer sa sécurité. Elle voulait avoir la certitude que personne ne colporterait ce qui se disait ici, mais cela lui pesait quelque part. Les murs immenses, les statues de Melkor qui la dévisageaient… Elle avait l'impression qu'à travers elles, c'était Jawaharlal en personne qui la regardait, et elle avait envie de les faire abattre à coup de masse. Elle ne pouvait pas cependant. Parce qu'elle savait quelle était la puissance de la religion Melkorite au sein de son royaume, premièrement, mais aussi et surtout parce qu'elle savait que le Dieu Noir était réel, et qu'il n'apprécierait pas de voir quelqu'un briser ses idoles. Elle n'était peut-être pas fanatique ou même assidue au temple, mais nul ne pouvait nier l'existence de cette entité supérieure. Il fallait être fou pour oser blasphémer une de ses représentations. Lyra s'assit lourdement sur une chaise de la salle du conseil, une chaise qui n'était pas son trône habituelle, mais elle s'en fichait. Elle se sentait très lasse, dépassée par les événements, et elle avait un tel manque d'informations que cela lui donnait l'impression d'avoir un vide dans sa poitrine. Il lui manquait quelque chose, la certitude ancrée que tout allait bien, que tout était à sa place. Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, la porte s'ouvrit sans que personne ne fût annoncé. Elle leva la tête, et haussa les sourcils de surprise en voyant un homme de haute stature portant un masque arriver, marchant droit sur elle avec une profonde détermination.

Elle se leva à son tour, et se hâta dans sa direction, l'enlaçant fermement en posant sa tête contre sa large poitrine. Il retira son masque et referma ses bras autour de la Reine du Rhûn, en soufflant d'une voix douce et chaude :

- Je suis content de te revoir, ma sœur.

- Fyodor, ton arrivée est un signe ! J'avais terriblement besoin de toi.

Elle lui prit la main et l'invita à s'asseoir. Ils n'étaient plus dans la grande salle du conseil, mais bien dans leur bulle d'intimité où ils pouvaient se confier l'un à l'autre sans réserve. Lyra se sentait soudainement en sécurité, protégée, et surtout elle avait l'impression que son futur s'illuminait tout à coup. Quelles que fussent les difficultés qui se présenteraient à elle, elle pouvait désormais les surmonter. Avec beaucoup de grâce, l'homme prit place à côté d'elle, et commença sans détour son récit. Il savait que la Reine était avide des savoirs qu'il avait acquis, et il n'aurait été d'aucune utilité de la faire languir plus longtemps. Sans attendre, il se lança :

- La situation est étrange, je ne peux nier que je suis moi-même un peu inquiet. Il se trame des choses au Rhûn, c'est indéniable. Quelque chose déploie ses griffes subrepticement, et nous étrangle peu à peu.

- Je me sens étouffée, oui, répondit Lyra machinalement, comme subjuguée par la voix de Fyodor.

Ce dernier lui prit les mains pour la rassurer, et poursuivit :

- J'ai gagné l'Est, j'ai gagné l'Ouest. J'ai vu des choses… Des hommes murmurent, s'agitent. On a retrouvé des gens de Melkor, assassinés. Des prêtres errants, égorgés au bord du chemin. Les gens parlent : on dit que des Valarites seraient parmi nous, et essaieraient de nous détruire de l'intérieur.

Lyra fronça les sourcils. Ce n'était pas ce qu'elle avait en tête. S'était-elle emballée à propos de Jawaharlal ? Avait-elle instinctivement jeté sa haine sur la figure la plus haïssable, sans se soucier des faits ? Des prêtres Melkorites assassinés ? C'était un signe très déstabilisant, en effet. Elle ne savait trop qu'en penser, et sa question partit sans qu'elle le voulût vraiment :

- Ce seraient des fidèles d'Alâhan ?

- Je l'ignore. Ce qui est certain, c'est qu'ils tuent comme des professionnels. Ces hommes ne sont pas de simples bandits. Aucun messager n'aurait pu y prêter attention, mais j'ai voyagé tant et tant que j'ai pu constater les mêmes crimes en des lieux très éloignés. Ce qui ressemble à un meurtre isolé est en fait une action planifiée. Planifiée, et à grande échelle.

Lyra détourna le regard un moment, réfléchissant intensément. Fyodor garda le silence, afin de la laisser se concentrer. Il devinait son anxiété, la part de crainte qui la saisissait alors qu'elle prenait connaissance de ces nouvelles objectivement inquiétantes. Mais aussi et surtout, il voyait chez elle la profonde détermination qui l'animait, et il savait que rien ne l'arrêterait. Quel que soit le groupe derrière ces assassinats, elle l'identifierait, le débusquerait, et l'annihilerait. Elle était méthodique et méticuleuse, elle ne laisserait rien au hasard, et elle investirait toutes les ressources nécessaires à l'élimination de cette menace. Elle avait gravi les échelons de cette manière, quitte à gagner une réputation d'inflexibilité, mais cela lui avait bien réussi. Cette fois encore, elle triompherait. Restait à savoir à quel prix…

- Par où dois-je commencer à enquêter ?

- Albyor et Vieille-Tombe, naturellement. La seconde est plus ouverte, mais la Cité Noire est difficile à approcher. On repère vite les gens de la capitale, surtout ceux qui posent des questions. Rien ne s'y achète avec autre chose que du sang.

Fyodor était grave, mais il n'avait pas tort. La ville était un pôle commercial d'importance, et elle fournissait des esclaves en quantité suffisante pour approvisionner tout le royaume, mais son atmosphère lugubre et l'implantation du culte Melkorite rendaient les lieux déplaisants voire malsains. On ne savait jamais trop si ce qui traînait au sol était de l'ordre du détritus peu ragoûtant ou bien un organe plus ou moins fraîchement extrait d'une pauvre victime. Bref, une ambiance particulièrement peu agréable, qui portait préjudice à tous ceux qui y habitaient. On ne traitait que de loin avec les habitants d'Albyor, et les infortunés qui devaient s'y rendre pour affaire essayaient d'y séjourner le moins longtemps possible. L'émissaire que Lyra avait envoyé pour contacter Jawaharlal pendant son absence avait été très choqué par la cérémonie sanglante à laquelle il avait été convié, et il lui avait rédigé une longue lettre en lui expliquant à quel point il trouvait cela difficile à accepter dans le cadre de relations diplomatiques. Elle n'avait pas donné suite. Que répondre à cela ? Revenant à son meilleur allié :

- Pouvons-nous contacter des hommes fidèles à Vieille-Tombe ? Des locaux qui nous seraient acquis ?

- Certainement. Je peux leur porter le message personnellement, si tu veux…

Lyra hésita, avant de faire un signe négatif de la tête :

- Non Fyodor. J'ignore ce qu'il se passe, mais pour l'heure j'ai besoin de toi à Blankânimad, ici au Palais. J'ai toute confiance en toi.

Il inclina élégamment la tête. Tout dans son attitude n'était que grâce et charme, ce qui contrastait fort à la rigidité qu'il avait affichée en entrant dans la pièce avec son masque effrayant. Il n'était certainement pas la même personne lorsqu'il le portait, et l'aura effrayante qu'il dégageait semblait disparaître quand on apercevait de nouveau ses yeux réconfortants et son sourire en coin :

- Merci. Qu'en est-il d'Albyor ? As-tu des hommes à envoyer là-bas pour recueillir des informations ?

- Non. Mes officiers les plus fidèles sont ici, et je ne peux être certaine des intentions des nobles de la cité. Je préfère ne pas les impliquer là-dedans, j'aurais peur de recevoir un coup de poignard. Il faudrait trouver quelqu'un qui connaisse déjà la cité, et qui me soit loyal jusqu'à la mort.

Fyodor hocha la tête, mais n'avait aucun nom à prononcer. Même pour lui, la Cité Noire demeurait un endroit mystérieux, et il avait eu toutes les peines du monde à s'y faire quelques contacts, sans même espérer parler d'amis. Il n'avait personne de confiance là-bas, c'était certain. Lyra remercia le Cavalier Noir de son soutien, et le laissa aller se délasser en s'excusant de n'avoir pas même pensé à faire venir une carafe d'eau pour le désaltérer après sa longue route. Il était éreinté, mais il avait tenu à venir lui faire son rapport en personne, ce qu'elle appréciait. Elle lui serra fort la main, en l'encourageant de la voix et d'un geste du menton à aller prendre une journée de repos avant de revenir à son service. Il lui passa une main affectueuse dans les cheveux, et abandonna la Reine du Rhûn à sa solitude et à ses réflexions. Celles-ci l'amenèrent à considérer ses options les plus raisonnables. Elle devait absolument découvrir ce qu'il se tramait, surtout si quelqu'un était assez fou pour s'en prendre à la fois à ses hommes, et aux fidèles de Jawaharlal. Il y avait assez peu de factions dans son pays qui avaient les moyens de mener une opération à si grande échelle. Les rebelles de l'Est étaient cantonnés dans la partie orientale du pays, et ils n'avaient pas les moyens de menacer les principaux clans qui leur faisaient la guerre. Alors agir plus à l'Ouest ? Impossible. Il demeurait un groupe de fanatiques qui pensaient encore au retour d'un héritier d'Alâhan, qui agissait en sous-main à Vieille-Tombe. Ils n'étaient pas assez nombreux et assez puissants, toutefois, pour agir au-delà des frontières de la ville. Alors l'Est ? Impensable. Une pensée effrayante traversa l'esprit de la Reine… et si les deux s'étaient alliés pour la faire tomber ? Pendant son absence, la pression s'était peut-être relâchée, et des contacts avaient pu être noués ? Ils élimineraient à la fois les Melkorites responsables de tant d'atrocités, et la souveraine qu'ils pensaient illégitimes.

Pendant un instant, Lyra hésita à convoquer ses généraux sur-le-champ pour réfléchir au plan d'une grande campagne orientale pour aller écraser définitivement cette rébellion qu'elle n'arrivait pas à mater depuis tant d'années. Elle se retint de le faire, cependant. C'était peut-être le but. La pousser à une réaction disproportionnée, la pousser à dégarnir ses principales villes, à focaliser son attention sur un danger lointain, pendant que la véritable menace se faufilait jusqu'à elle. Un regard effrayé vers la porte l'amena presque à croire qu'un assassin allait franchir le seuil, pour l'éliminer sans un cri. Elle attendit quelques secondes, avant de constater que non, elle était bien en sécurité dans son Palais de Blankânimad, où rien ne pouvait l'attendre. Ses hommes étaient là pour la protéger, et ils donneraient tous leur vie jusqu'au dernier pour la protéger. Elle pouvait dormir tranquille… Enfin, presque. Le retour de Fyodor était la seule nouvelle qui lui paraissait réellement rassurante dans tout cela, et si elle le gardait auprès d'elle c'était essentiellement parce qu'elle avait confiance en lui pour assurer sa protection. Il saurait déjouer toute tentative qui la viserait. Mais elle ne pouvait pas se contenter de se défendre, elle devait aussi prendre des initiatives pour prendre l'initiative à ses adversaires. Décider pour les déceler, parier pour parer aux coups bas et aux coups durs. Pour cela… pour cela il lui fallait surprendre, oser, aller là où personne ne l'attendait, faire ce que personne n'aurait songé à faire. Alors que ses pensées s'agitaient, elle songea à quelqu'un à qui elle n'avait plus pensé depuis des années. Quelqu'un qui n'était peut-être même plus en vie, mais qui pouvait l'aider.

Elle sortit comme une tornade de la salle du conseil, sans se soucier de sa propre protection, et marcha d'un pas décidé droit devant elle, laissant les gardes en faction devant la porte lui emboîter le pas pour assurer sa sécurité. Elle descendit une infinité de marches au pas de course, et ses robes amples dans le plus pur style oriental ne la gênaient aucunement tant elle était pressée. Les hommes derrière elle trottaient pour suivre son rythme infernal, et elle les mena jusqu'aux cachots les plus sombres et les plus oubliés de la forteresse. Le factionnaire sursauta en voyant sa suzeraine arriver, et il s'empressa de lui ouvrir la porte, en lui demandant si elle souhaitait voir un prisonnier en particulier. Elle frappa dans ses mains, incapable de se souvenir de son nom :

- Une tatouée, une femme tatouée. Elle est toujours en vie ?

- Ah, bien sûr. Suivez-moi, je vous prie.

- Non, trancha-t-elle. J'irai seule. Gardes, attendez-moi ici.

Les regards furent particulièrement surpris, mais elle n'en avait cure. Ce qui importait se trouvait derrière les barreaux d'une cellule. Elle avança dans les cachots, qui très honnêtement étaient bien plus luxueux que ceux d'Albyor. Les cellules étaient relativement spacieuses, bien entretenues, et globalement assez propres. On n'y envoyait pas nécessairement des individus pour les laisser mourir, mais davantage pour espérer les voir ressortir changés – en accord avec les directives royales, naturellement. Les morts ne se faisaient pas sur la durée à Blankânimad, et le bourreau avait sa dose de travail mensuelle, pour décapiter les criminels que l'on attrapait. La prison avait un rôle pédagogique évident, que les détenus avaient malheureusement du mal à cerner alors qu'ils étaient concernés au premier chef. Lyra observa à travers les barreaux, et repéra des formes recroquevillées qui dormaient, d'autres qui la dévisageaient sans la voir. Forcément, ils étaient aveugles. Hélas, ceux qui ne comprenaient pas vite qu'ils devaient changer d'avis risquaient quelques petits désagréments. La souveraine du Rhûn continua son exploration, s'enfonçant toujours plus loin dans les cachots, franchissant les différentes sections délimitées par des portes, jusqu'à finir par trouver la femme qu'elle cherchait. Impossible à confondre. Il avait été bien plus facile d'oublier son nom que d'oublier les marques spectaculaires sur son visage, signe qu'elle avait été esclave, esclave chez plusieurs maîtres. Elle était assise en tailleur sur la paillasse qui lui servait de lit depuis de nombreuses années, et elle avait l'air de méditer profondément. Lyra la réveilla en frappant son ongle sur le barreau. La femme ouvrit les yeux doucement, et les tourna vers Lyra. Elle se contenta de dire :

- Vous êtes la nouvelle geôlière ?

- Vous ne me reconnaissez pas, s'étonna la Reine.

- Devrais-je ?

Les sourcils fins de la femme la plus puissante du Rhûn se froncèrent légèrement. Elle était toujours offusquée de devoir se présenter, surtout à des gens qu'elle méprisait considérablement au fond. Elle ne répondit pas, et lança une nouvelle question :

- Quel est votre nom ?

- Nevä. Vous êtes plus polie que l'autre geôlier.

La remarqua glissa sur la Reine comme la pluie sur les rochers. Elle était fascinée que cette femme parût ne pas se souvenir de celle qui pourtant l'avait jetée en prison plusieurs années auparavant. Etait-elle devenue folle ? Avait-elle perdu la mémoire ? Il était important de le savoir :

- Nevä… Savez-vous quel jour nous sommes aujourd'hui ?

- Cela a-t-il une importance ? Je préfère ne pas le savoir.

Lyra poursuivit, imperturbable :

- Aujourd'hui, vous avez une chance de sortir d'ici… Une chance de vous racheter… (Puis, face au silence qui lui répondait, elle continua : ) Votre liberté en échange d'une mission. Vous l'accomplissez, et vous pourrez refaire votre vie loin de cette cage.

- Et pourquoi croirais-je un mot de ce que me raconte la Reine Lyra de Rhûn ? Pourquoi ?

Cette fois, la souveraine vacilla. Ainsi donc, Nevä s'était jouée d'elle, pour mieux la cueillir à froid. Son argumentaire qu'elle voulait séduisant ressemblait désormais à une machination de plus. Ou plutôt, la réalité de sa proposition apparaissait soudainement au grand jour. Elle soupira, et tomba les masques pour parler avec une franchise rare :

- Vous n'avez aucune raison de me croire. Mais croyez-vous que je serais là pour le seul plaisir de me jouer de vous ? Que pourrais-je vous prendre de plus que votre liberté ? … Hm ? … Si je suis ici, c'est parce que j'ai besoin de vous. Mon marché est honnête, et…

- Rien n'est honnête venant de vous. Je n'ai aucune raison de travailler pour vous. Aucune.

Nevä se leva et tourna le dos à la Reine, fixant le mur du fond en croisant les bras. Soit elle voulait lui faire un affront particulièrement insultant, soit elle souhaitait dissimuler les émotions qui passaient sur son visage. Probablement un peu des deux. Cette réplique aurait dû clore la conversation, mais Lyra n'était pas venue sans arguments, et elle abattit sa meilleure carte :

- Vous n'avez aucune raison de travailler pour moi, certes. Mais vous avez une raison de travailler avec moi. Nous avons des intérêts communs…

La femme tatouée eut un reniflement dédaigneux, mais son interlocutrice frappa fort en ajoutant :

- Les Melkorites d'Albyor…

Nevä se retourna brusquement, plongeant son regard enflammé dans celui glacial de Lyra. Oh non, la prison ne lui avait pas fait changer d'avis, loin de là. Tant mieux…

#Fyodor #Nevä
Sujet: Un rendez vous avec le destin
Ryad Assad

Réponses: 11
Vues: 1194

Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Un rendez vous avec le destin    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 22 Mai 2015 - 14:26

Lyra fronça les sourcils. Ce sale occidental, Vice-Roi de son Etat, ne se prenait visiblement pas pour un moins que rien. Il ne faisait pas même preuve de la moindre once d'humilité, alors que les accusations qui étaient proférées à son encontre étaient sérieuses et pouvaient conduire leurs deux pays à la guerre. Etait-il fou ? Essayait-il de lui montrer qu'il ne la respectait pas, qu'il n'avait pas la moindre considération pour le grand royaume oriental ? La jeune femme savait que les hommes de l'Ouest n'avaient que mépris pour les femmes, qu'ils considéraient comme tout juste bonnes à faire des enfants. Il ne devait pas supporter qu'une femme fût là, à l'accuser et à le toiser. Il croyait encore qu'il se trouvait chez lui, sur ses terres rustres et sauvages, et qu'il pouvait dominer son interlocutrice parce qu'il avait les chausses pleines. Un sourire empli d'une suffisance terrible fleurit sur le visage de la Reine de l'Est, révélant ses dents impeccables. Elle n'allait certainement pas se laisser marcher sur les pieds par ce guerrier sans manières, qui n'était même pas roi. Tout au plus un remplaçant zélé qui pensait pouvoir traiter avec les puissants de ce monde. Elle ne lui céderait pas un pouce de terrain. Jamais. Jamais. Sa voix claqua dans l'air, en écho à celle de Gallen Mortensen, à qui elle n'avait rien à envier en matière d'aura. Il était certes viril et impressionnant, mais derrière son aspect plus fluet, elle dissimulait un esprit en acier trempé. Il ne parviendrait pas à la faire plier, car elle représentait l'ensemble de son royaume. Ce n'était pas un duel de volonté, c'était un duel politique, et aucun d'entre eux ne pouvait reculer. Répondant à sa première critique, ses mots tranchèrent l'air aussi sûrement qu'une lame :

- Et dans mon pays, nul n'ignore l'identité d'un souverain. C'est plein de honte et de déférence qu'un homme répond des accusations qui lui sont portées. Je suppose que ces coutumes sont trop barbares pour vous, cela dit…

L'ironie de son ton glissa comme de l'eau sur le Vice-Roi, qui paraissait ne pas être homme habitué à la diplomatie. Elle l'avait supposé dès le premier coup d’œil, mais elle s'en rendait compte totalement désormais. Mortensen était un guerrier, un homme plus habitué à manier l'épée qu'à faire preuve de diplomatie. Il agissait avec la même fougue que lorsqu'il combattait, et il ne s'embarrassait pas de détails. Dans son esprit, la victoire valait mieux que toute autre considération, et il ne mettait pas en perspective l'importance de cette conversation. Il ne comprenait pas que pour gagner, il lui faudrait accepter de renoncer à la victoire totale qu'il désirait. Lyra, qui voyait son manque d'expérience comme un danger, décida de monter elle-même en intensité. Il souhaitait la défier ? Il allait voir qu'elle n'était pas femme à se laisser abattre par une grosse voix et un regard appuyé. Elle en avait vu de dures, elle avait dû mater les nobles de son royaume, elle avait dû s'imposer à la tête d'un pays plongé dans une situation difficile, elle avait dû faire face à une guerre civile. Elle écraserait ce nouvel obstacle sous sa botte, avec l'élégance qui la caractérisait toujours.

- J'ai fait de ce duel un événement politique ? Ha ! Comment osez-vous m'accuser ainsi, Vice-Roi ? Vous êtes celui qui êtes venu défier Rokh publiquement, comme pour venir insulter notre peuple tout entier ! Que croyiez-vous donc ? Que venir arpenter notre camp en méprisant mes hommes était un signe diplomatique ? Que défier publiquement un de mes lieutenants était une bonne façon de rapprocher nos deux peuples ? Allons, vous êtes le seul responsable de tout ceci, et vous ne tromperez personne ! Votre condescendance est répugnante, vous qui vous pensez supérieur et intouchable. Auriez-vous été aussi enclin à accepter que je ne réponde pas à pareilles accusations, si les rôles avaient été inversés ?

Lyra venait d'égaliser, quelque part. Elle n'avait pas répondu à Gallen sur la question de l'honneur, et lui concédait au moins cela. Il était le champion du Rohan, et même si elle avait voulu essayer de le démontrer de toutes les façons possibles et imaginables, elle n'aurait jamais réussi à ruser suffisamment pour prouver qu'il était malhonnête et couard. Pas lui. Cependant, il ne pouvait pas nier que son attitude était contre-productive. En cherchant à la faire plier, il ne faisait que l'arc-bouter sur ses positions, car en tant que Reine, Lyra ne pouvait décemment laisser le meurtre d'un des siens impunis. Premièrement, elle n'en avait pas envie, et elle estimait qu'un tel outrage devait être réparé d'une façon ou d'une autre. Ensuite, ses hommes ne l'auraient pas accepté, et elle était persuadée que si elle ne réglait pas la solution de manière ferme, certains de ses soldats iraient exercer un droit de vengeance qu'ils estimaient légitime. Les Rohirrim en subiraient les conséquences, les deux camps seraient à couteaux tirés, et ce serait la guerre. Même Lyra trouvait qu'une telle extrémité était dangereuse… Enfin, si elle ne montrait pas de l'efficacité dans la gestion de cette crise, ce seraient ses conseillers qui le lui feraient payer cher. Ils l'accuseraient de manquer de poigne, et trouveraient bien un moyen de se débarrasser d'elle. Elle aurait les mains libres tant qu'elle réussirait à leur inspirer plus de crainte que de dégoût. Quand cela aurait changé, ils la remplaceraient par quelqu'un de parfaitement belliqueux, et cette fois la guerre serait inévitable.

Lyra haussa les sourcils, en écoutant le Vice-Roi poursuivre son plaidoyer, sans paraître comprendre qu'il allait clairement loin. Trop loin. Avant même de s'en rendre compte, elle s'était levée, et ses hommes comprirent quel message il y avait derrière ce simple geste. Ils ne parlaient pas tous un Commun impeccable, et ils n'avaient peut-être pas entendu, mais la Reine, elle, avait bien compris que Mortensen venait de la menacer. Le fou ! Quittant son trône, elle fit ce que probablement aucun monarque – et a fortiori aucune femme – n'aurait fait à sa place. Elle s'avança droit vers le Vice-Roi, à qui elle rendait une bonne tête et une bonne vingtaine de kilos. Elle s'immobilisa à un pas seulement du cadavre de Rokh, qui se trouvait entre eux deux, et elle le défia du regard avec une animosité qu'elle n'essayait même plus de cacher. Ses gardes, perplexes, ne savaient trop comment réagir. Ils n'avaient pas encore adopté d'attitude menaçante, mais ils étaient prêts à intervenir. Si Lyra posait la main sur le manche de son arme, ils tueraient sans hésiter les deux Rohirrim. Gallen avait beau être un combattant d'exception, et il avait beau mépriser ouvertement les hommes qui l'entouraient, il savait qu'il ne sortirait pas vivant d'un affrontement en si nette infériorité numérique. Et surtout, Aelyn n'y survivrait pas. Lyra, dont la voix n'était que rage et colère, tonna :

- Ma garde d'élite ne s'interposera pas, Vice-Roi, car je n'aurai pas besoin d'elle pour vous faire ravaler vos paroles à la pointe de mon sabre ! Ce n'est pas un objet d'apparat que je porte à la hanche, et si vous voulez que je prenne la place de Rokh, sachez que j'y suis toute disposée. Mais ne me menacez plus jamais, Vice-Roi, ou bien je jure devant Melkor que le sang coulera ! Si vous tenez à ce que nos deux peuples entrent en guerre aujourd'hui, continuez à me braver. Mais vous serez seul responsable des conséquences !

La Reine était transfigurée, et elle avait laissé tomber le masque condescendant qu'elle portait d'ordinaire. Cette fois, elle était paradoxalement plus impressionnante et plus effrayante qu'auparavant, quand elle jouait encore son rôle de monarque distinguée. La voir en colère était stupéfiant, et elle paraissait sur le point d'enjamber le cadavre de Rokh pour coller son poing dans la figure de Gallen. La seule chose qui l'en empêcha fut le changement de ton soudain du Vice-Roi. Avait-il été sensible à ses paroles, et avait-il fini par comprendre que son comportement n'amènerait que plus de ténèbres et plus de violence ? Avait-il soudainement reconnu en elle non pas une femme impressionnable, mais bien un adversaire politique et militaire à sa hauteur ? Ou bien était-ce simplement qu'il n'avait plus envie de jouer à ce petit jeu ? Difficile à dire. Quoi qu'il en fût, il parut s'apaiser tout à coup, et ses paroles se firent plus raisonnables, plus tranquilles. Lyra laissa retomber la tempête qui soufflait en elle, et ses yeux parurent retrouver une apparence normale, cessant enfin de jeter des éclairs. Elle se détendit perceptiblement, sans abandonner toutefois sa posture méfiante. Elle laissa le Vice-Roi poursuivre jusqu'au bout, avant de lui répondre avec une froideur rare :

- Vous n'êtes pas aussi vertueux que vous voulez bien le croire, Vice-Roi. Vous avez peut-être été un homme pur, mais vous n'êtes plus l'incarnation du bien tel que vous me l'avez décrit. Rokh est mort le lendemain de votre provocation en duel. « Un rohirrim n'humilie pas son ennemi » : ne croyez-vous pas qu'en venant le défier comme vous l'avez fait, vous avez pu porter son nom aux oreilles de ses assassins ? Rokh était un homme d'honneur, et venir le défier devant ses compagnons était une humiliation à laquelle il ne pouvait rester insensible. Pourtant, vous auriez pu faire autrement. Vous le savez… Quoi qu'il arrive, vous avez une part de responsabilité dans sa disparition.

Lyra recula également, et la tension parut s'atténuer tout d'un coup. Chacun se mit à mieux respirer dans la pièce, mais ils avaient besoin de quelques secondes pour tous reprendre leurs esprits, pour tous se calmer. Les mots avaient peut-être dépassé la pensée, ou au moins avaient exprimé des pensées qui n'étaient pas exprimables en l'état. Peut-être parlaient-ils sous le coup de l'émotion, d'une fierté mal placée que Lyra et Gallen partageaient équitablement. Aucun d'entre eux n'avait souhaité céder de terrain, et ils avaient bataillé ferme au bord du précipice, au risque de jeter leurs deux pays dans une confrontation sans précédent. Rares étaient les gens qui tenaient à la Reine de l'Est, toutefois, et une fois que sa rage eût disparu, elle sut apprécier le courage du Vice-Roi, qui ne s'était pas abaissé devant elle. A voir son regard, elle devinait qu'il ne s'attendait pas non plus à la voir réagir ainsi. Il détourna les yeux, et porta son attention sur une personne qui venait de rentrer dans la pièce : la combattante qui s'était jetée sur lui pour essayer de le tuer. Elle avait dû entendre les cris, et n'avait pas pu résister à l'envie de venir constater de ses propres yeux. Son regard s'arrêta sur le linceul qui recouvrait Rokh, et elle frémit. Les paroles de Gallen la ramenèrent à la réalité, et elle lui jeta un regard acide, avant de s'adresser à Lyra en Rhûnien. La Reine lui répondit calmement, et elles eurent un échange assez bref. Ce fut Lyra qui répondit enfin, comme si elle traduisait :

- Iran aimait Rokh, Vice-Roi. Mais pas comme vous l'imaginez. Elle était comme sa sœur aînée, et elle a pris soin de lui à son retour. Son décès l'attriste bien plus que chacun d'entre nous ici.

Les regards de la Reine et des deux Rohirrim glissèrent vers celui de la jeune femme, nommée Iran. Elle avait les yeux brillants de larmes, et elle paraissait en effet particulièrement éprouvée par la présence du corps de Rokh, si proche. Alors que d'ordinaire, les Rhûnedain étaient suffisamment disciplinés pour ne pas laisser leurs émotions prendre le dessus, elle avait fait la démonstration de leur humanité de manière spectaculaire. Elle paraissait s'en vouloir quelque peu, mais ses raisons étaient pures. Profitant de l'accalmie, et à la plus grande surprise de son époux visiblement, ce fut la femme du Rohan qui prit la parole. Lyra posa son attention sur elle, et sut apprécier son sens du consensus. Elle n'était pas moins déterminée que son mari, mais elle avait une façon de présenter les choses qui était moins brutale. Elle avait au moins le mérite de reconnaître que leur situation était dramatique, et qu'il valait mieux prendre quelques pincettes avec une femme qui pouvait les mettre à mort sans autre forme de procès. Elle la laissa donc généreusement développer ses arguments, et lorsqu'elle acheva la première partie de son exposé, Lyra réagit avec une sérénité retrouvée :

- Peu m'importent les raisons, Vice-Reine. Nos deux peuples n'ont jamais réussi à se comprendre malgré de nombreux siècles, et je ne cherche pas à comprendre les motifs qui ont pu pousser votre époux à commettre un tel acte. Vous y voyez un meurtre horrible, mais pour Rokh c'est bien davantage. Il n'a pas eu le droit à la fin que tout guerrier recherche, et il a été atrocement mutilé. Croyez-vous que son esprit trouvera le chemin du repos après cela ? Vous comprenez peut-être enfin pourquoi il nous importe tant de savoir quel est le nom du coupable.

La Vice-Reine parut accepter cet argument, et elle semblait de toute évidence comprendre que pour Lyra comme pour le Rhûn, trouver un coupable ou à tout le moins trouver des réponses était une préoccupation centrale. Elle reprit donc son argumentaire, qui était peut-être moins enflammé que le discours de son mari, mais qui était paradoxalement plus efficace. Lui avait préparé le terrain en jouant la carte de la brutalité, et elle apaisait la situation comme un baume, faisant passer les arguments que le guerrier n'avait pas été en mesure d'imposer. Ce curieux duo fonctionnait bien, et Lyra sentait que sa position devenait de moins en moins tenable. Ce Gallen, qu'elle ne connaissait que de réputation, paraissait être un homme trop irréprochable pour qu'elle pût s'attaquer à lui aussi frontalement, mais elle était certaine de ce qu'elle avait vu et elle ne regrettait pas ce qu'elle lui avait dit. Il se drapait dans l'honneur et la vertu, mais il était souillé de l'intérieur. Son âme était noircie, et il n'était pas aussi noble qu'il voulait bien le prétendre. Revenant à la Dame du Rohan, Lyra répondit :

- Vous dites que vous devez beaucoup à Rokh, et il a passé du temps dans votre pays, à tel point que d'aucuns le croyaient mort. Son retour a été une surprise et un choc. Certains se sont demandés s'il n'avait pas troqué sa liberté contre une nouvelle allégeance…

Iran, la guerrière du Rhûn, fit un pas dans la direction de sa souveraine avec l'intention de dire quelque chose, probablement pour défendre la réputation de Rokh, qui ne pouvait plus malheureusement parler pour lui-même. Cependant, la Reine l'arrêta net et ne prononça qu'un seul mot qui fit tomber la femme en armure à genoux, prosternée face contre terre. Cette capacité qu'avait Lyra à dominer son peuple était aussi impressionnante que dérangeante, mais cela répondait de toute évidence à des coutumes locales implantées depuis très longtemps. Sans paraître trouver l'interruption anormale, elle reprit :

- « Voici le sort des traîtres »… il pourrait tout aussi bien s'agir d'un des vôtres, qui n'aurait pas apprécié de le reconnaître parmi son peuple. Sur ce point, Vice-Reine, je ne peux être certaine de rien, et je préfère ne pas m'avancer. J'ai choisi Rokh car j'avais confiance en lui, mais cette histoire prend des proportions trop importantes pour que je puisse rien laisser au hasard.

L'argument de la Reine de l'Est était difficile à entendre, mais il n'était en définitive que celui de la raison. Personne à part les deux Rohirrim ne savait ce qu'il s'était produit à Aldburg, et beaucoup avaient soupçonné Rokh d'avoir retourné sa veste au cours de son séjour. Il avait juré que non, et il avait réussi à convaincre jusqu'à sa souveraine. Toutefois, les événements qui venaient de se produire étaient graves, du point de vue de la sécurité de Lyra elle-même. Si un de ses hommes, non pas un membre de sa garde personnelle mais tout de même un membre de sa délégation, était en intelligence avec des individus qui lui souhaitaient du mal, elle ne pouvait pas laisser passer l'opportunité de découvrir qui étaient ces opposants à son pouvoir hégémonique. Cependant, elle était aussi disposée à découvrir la vérité que les deux Occidentaux qui lui faisaient face, et elle ne souhaitait pas véritablement les accabler pour le simple plaisir de les accabler. Leur défense était solide, et son accusation était fondée sur des éléments flous. Ils n'avaient pas craqué comme elle l'espérait, elle allait devoir récupérer la situation d'une autre façon. Levant la main pour inviter la Dame du Rohan à procéder à l'examen du cadavre qu'elle sollicitait, elle s'approcha du corps en suivant la réflexion de cette femme aux cheveux dorés.

Iran, qui s'était relevée en sentant que l'injonction de sa suzeraine prenait fin, détourna le regard en voyant le cadavre de Rokh de nouveau exposé. Elle était de toute évidence trop endurcie pour rendre son repas, mais elle avait clairement la nausée rien que de voir le traitement atroce qui avait été infligé à ce valeureux guerrier. Ses poings se serrèrent de rage, et son regard d'un noir de jais plongea dans celui de Gallen, comme pour lui souhaiter de ne pas être le responsable de cet acte odieux et criminel. Elle était aveuglée par sa rage, et si la tension était retombée entre Lyra et le Vice-Roi, elle-même cherchait désespérément quelqu'un à condamner pour cette cruauté barbare. Rokh était un homme qui n'était pas consensuel, qui pouvait énerver par bien des aspects, mais il ne méritait certainement pas une mort pareille. Pas même le dernier des mécréants ne méritait d'être traité ainsi, et celui qui avait commis cet acte serait châtié par Melkor lui-même, si elle ne le trouvait pas avant. Son menton tremblait légèrement, signe de son trouble, mais elle était farouche et fière. Quand un de ses compagnons vint pour la prendre par l'épaule, et lui faire détourner le regard, elle se dégagea sans ménagement en lui répondant sèchement dans sa langue natale. Elle revint un instant à Gallen, comme pour le défier de se moquer, avant de baisser la tête et d'essayer de comprendre ce qu'il s'était passé.

Lyra laissa l'exposé d'Aelyn se poursuivre, écoutant très attentivement son expertise, et comprenant par ailleurs que la jeune femme disposait d'une solide formation de guérisseuse pour être capable de tirer de telles conclusions. Elle avait dû voir de nombreuses blessures auparavant pour parler avec une telle assurance et une telle confiance. Cela lui donnait un certain crédit que la Reine de l'Est n'était pas prête à remettre en cause. Son récit permettait de comprendre dans une certaine mesure quelle fin avait trouvé le vaillant guerrier, et ses paroles n'aidèrent pas à apaiser la fureur contenue de Lyra. Non seulement Rokh avait été massacré, mais en plus on l'avait tué à l'aide de poignards et de carreaux d'arbalètes. Plusieurs impacts signifiait plusieurs tireurs. Ainsi donc, il n'avait pas péri dans un duel honorable, mais bien pris en traître par une bande de sicaires qui avaient accompli leur basse besogne, et l'avaient saigné comme un animal promis à l'abattoir. Il n'y avait décidément rien de pardonnable à ce geste, et le malaise se mit à courir chez les Rhûnedain, qui n'avaient qu'une envie : partir en quête de vengeance. Il valait mieux ne pas les laisser chercher le coupable eux-mêmes…

- Vos stratégies de combat… marmonna Lyra en regardant pensivement le corps de Rokh. Nous n'utilisons pas non plus les arbalètes, Vice-Reine, et votre démonstration innocente de fait nos deux peuples. De nouvelles questions sont posées, désormais, et des réponses doivent y être apportées.

Elle se tourna vers Gallen, qui après tout représentait l'autorité supérieure de son royaume, et lui lança :

- Le Rhûn et le Rohan ont longtemps été ennemis, Vice-Roi, mais ironiquement, nous devons aujourd'hui travailler ensemble pour trouver les responsables de cet assassinat. Je tiendrai mes hommes tranquilles, et je vous garantis que nulle vendetta ne sera lancée tant que nous serons ici. En revanche, vous devez trouver le coupable, et rendre la justice. J'aurais bien assumé cette tâche moi-même, mais vos peuples haïssent et méprisent tellement le nôtre que j'aurais été empêchée dans mon entreprise. Si vous êtes vraiment un homme d'honneur, et si vous voulez rendre hommage à Rokh, alors occupez-vous de cette affaire. Si vous ne le faites pas pour lui, faites-le au moins pour préserver la paix de votre royaume.

Elle marqua une pause lourde de sens, laissant la menace implicite les pénétrer tous les deux. Le Rohan avait été considérablement affaibli par la guerre civile, et même si les prétentions de Lyra à leur déclarer la guerre étaient pure bravade, il n'était pas dans l'intérêt des Occidentaux de trop la provoquer. Les rares fois où les Orientaux avaient quitté leurs terres lointaines, ils avaient apporté mort et destruction, au point qu'on en avait parlé pendant des siècles. Ce mariage était l'occasion de promouvoir la paix, et même s'il était évident qu'ils ne seraient jamais alliés, ils devaient faire un effort pour ne pas ruiner ceux du Royaume Réunifié. Laissant ses interlocuteurs prendre la mesure de ce qu'elle venait de leur dire, elle se tourna vers la guerrière qui se trouvait à ses côtés. Elles eurent un bref échange en rhûnien, avant que la militaire hochât la tête, et partît précipitamment de la tente royale non sans saluer respectueusement sa souveraine. Devant l'incompréhension des deux Rohirrim, cette dernière s'expliqua :

- Iran ira avec vous. Elle vous sera utile, plus que vous pouvez l'imaginer. Je ne connais personne qui veuille retrouver les véritables coupables autant qu'elle.

Dans une envolée de capes aux senteurs épicées, Lyra se retourna et prit de nouveau place sur son trône massif, au milieu de ses esclaves. Elle leva la main, et congédia ses deux « invités », en leur souhaitant bonne chance. Aelyn et Gallen n'avaient plus qu'à suivre la direction que leur indiquait du bras le garde qui s'était rapproché d'eux. Leur entrevue avec la Reine Lyra était terminée, mais les choses sérieuses ne faisaient que commencer…


~ ~ ~ ~


Le couple avait rejoint la délégation du Rohan, et avait dû répondre aux questions pressantes de leur entourage, qui cherchait des réponses. Chacun était prêt à en découdre avec ces Orientaux, car la tension était montée parmi ceux qui étaient restés au niveau de l'aire de duel. Les deux délégations étaient rentrées sans s'adresser la parole, dans un silence pesant. Pendant un moment, on aurait pu croire qu'une guerre allait se déclencher au milieu des Champs du Pelennor. Fort heureusement, les ordres du Vice-Roi et de la Reine de l'Est avaient été respectés à la lettre, et personne n'avait tiré l'épée. Après avoir pu prendre un peu de repos, Gallen et Aelyn se retrouvèrent plongés au milieu de leurs obligations respectives, qui les forcèrent à donner des ordres pour s'assurer que tout irait pour le mieux. Mais dans un coin de la tête, ils conservaient les paroles de Lyra en mémoire. On vint finalement les trouver, un peu moins de deux heures après la fin de leur entrevue avec les Rhûnedain, pour leur annoncer qu'ils avaient de la visite. Un messager passa la tête dans la tente, et souffla :

- Seigneur, quelqu'un demande à vous voir. Elle insiste pour que vous veniez immédiatement.

Ce « elle » ne pouvait être qu'une seule personne, et lorsque Gallen et Aelyn sortirent à la rencontre de l'inconnue, ils ne furent pas surpris de trouver en face d'eux la guerrière qui s'était attaquée au Vice-Roi, et qui était chargée de les accompagner. Son apparence, toutefois, était très différente. Elle avait troqué son uniforme régulier de l'armée de Rhûn, son armure lourde dorée, pour se parer d'une tunique de cuir sombre rehaussée de rouge sombre. Ses bras étaient nus, mais elle portait sur ses épaules une cape en fourrure qui devait être plus traditionnelle que destinée à la protéger du froid – il régnait en effet une douce chaleur sur le Gondor, après le Rude Hiver qui avait sévi. Plus surprenant encore, elle avait décidé d'arborer des peintures de guerre, probablement spécifiques à sa tribu, dont une barrait son visage d'une joue à l'autre. Un long trait de peinture rouge qui, encore fallait-il l'espérer, n'était pas du sang. Cela lui donnait un air particulièrement féroce que renforçait encore ses innombrables tatouages. Son bras droit en était couvert, et on aurait dit des incantations mystiques qui se déployaient ensuite en une série de motifs complexes au niveau de son biceps, et remontaient jusqu'à son épaule, disparaissant sous sa tunique. Qui aurait pu dire jusqu'où ses entrelacs complexes s'étendaient ?


La jeune femme n'avait pas posé le pied par terre, et avait pénétré le camp des Rohirrim à cheval, attirant immanquablement l'attention sur elle. Une douzaine d'hommes l'entourait pour l'empêcher de faire quelque folie, et elle faisait aller sa monture en cercle au milieu d'eux, pour dissimuler son impatience. Seule face à autant d'hommes armés, elle n'avait toutefois d'yeux que pour le couple qui venait de quitter sa tente, et qui s'approchait d'elle. Elle raffermit sa prise sur son cheval, plus petit que ceux des hommes du Rohan, afin de leur faire face :

- Vice-Roi ! Attendez-vous donc que la piste disparaisse avant de vous mettre en chasse ? Allons, avant que la nuit tombe et que les rats ne nous échappent ! Vice-Roi !

Son appel était presque un défi, et tous les regards se tournèrent vers Gallen et Aelyn, attendant leur réponse.



++FIN++
La suite ici: Aux grand maux les grands moyens
Sujet: Un rendez vous avec le destin
Ryad Assad

Réponses: 11
Vues: 1194

Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Un rendez vous avec le destin    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 14 Avr 2015 - 0:28

Le sourire de Lyra s'élargit perceptiblement au moment où elle comprit quelle était la nature des relations entre le champion du Rohan, Gallen Mortensen, et cette femme qui venait de courir vers lui. Ainsi donc c'était son épouse ! Une épouse qu'il n'avait pas pris soin de prévenir, et qui se faisait un sang d'encre pour son mari, à en juger par la violence de la gifle qu'elle venait de lui adresser. La souveraine du Rhûn regarda son officier en levant les sourcils, interloquée par les coutumes de ce peuple : était-il courant pour les gens de l'Ouest de se donner en spectacle ainsi ? Etait-il commun qu'ils s'abaissassent à se chamailler comme des enfants quand venait l'heure de faire preuve de courage et de bravoure ? Les hommes autour d'elle paraissaient ne pas comprendre davantage, mais leurs yeux exprimaient tout à la fois leur mépris et la confiance qu'ils plaçaient en leur propre représentant, le jeune et téméraire lieutenant que Mortensen était venu provoquer en duel. Si cette femme réagissait ainsi, si elle le frappait avant de se pendre à son cou, c'était qu'elle avait peur. Si elle avait peur, c'était forcément parce qu'elle savait que Rokh allait remporter la victoire. L'équation était simple, pour ne pas dire limpide. Dans les rangs des Orientaux, la confiance était à son maximum, tandis que chez les Rohirrim on pouvait lire quelques signes de malaise. Ces hommes étaient décidément bien peu impressionnants, et les soldats de la Reine de l'Est rentreraient au pays en contant ce qu'ils avaient vu, en expliquant à qui voudrait l'entendre qu'au-delà de l'Anduin se trouvaient des peuples lâches et couards qui craignaient de voir la mort s'approcher. Pendant un instant, Lyra crut sincèrement qu'il allait faire demi-tour, qu'il allait renoncer purement et simplement au combat qu'il avait lui-même déclenché, et qu'il allait se couvrir de honte et d'infamie pour demeurer auprès de celle qu'il aimait. Elle n'aurait pas désapprouvé, et se serait assurée que chacun à Minas Tirith eût connaissance de l'événement. Le Vice-Roi ne lui donna pas l'occasion de répandre rumeurs et ragots à qui voulait l'entendre, car en dépit de tout, il s'avança finalement au centre de l'arène de duel, honorant au moins sa parole. Elle acquiesça sagement de la tête, le fixant droit dans les yeux, alors qu'il lui rendait son regard.

Leur échange fut long et d'une intensité sans pareille. Il l'observait, plein de surprise, s'étonnant comme la plupart de ses compagnons de se trouver face à une femme qui gouvernait seule. Elle leva le fièrement le menton, soutenant son examen sans sourciller, paraissant même se délecter de ce qu'il l'observât ainsi. Elle était du genre à apprécier être le centre de l'attention, et elle savait qu'elle ne laissait pas le guerrier indifférente. A son sujet, il devait avoir mille questions, et elle en avait tout autant à son service. Elle le suivit alors qu'il mettait pied à terre souplement, et le détailla alors qu'il s'emparait du bouclier qu'il utiliserait pour ce combat. Son écuyer se retira en tenant son fier destrier par la bride, tandis que Gallen demeurait seul au milieu de l'aire de duel dont il prenait possession tranquillement, sans se presser, sans se soucier des regards qui étaient fixés sur lui. Il semblait déjà dans son monde, incapable de se préoccuper d'autre chose que de son duel à venir. Son épouse le dévorait des yeux, morte d'anxiété. Lyra réussit à capter le regard de cette dernière, et elle lui adressa un clin d'œil ainsi qu'un sourire entendu. Entre femmes, il n'y avait pas de pitié. Pendant ce temps, les secondes s’égrenaient au dehors de la bulle de concentration que le Rohirrim avait érigée autour de lui. Les nuages défilaient dans le ciel à une lenteur affligeante, et les spectateurs du combat à venir avaient tout le loisir d'admirer leur forme et leur course, tandis qu'ils s'interrogeaient peu à peu sur l'adversaire du Vice-Roi. Sincèrement impatiente, Lyra se tourna vers son officier :

- Pensez-vous qu'il lui faudra encore longtemps ? Il est déjà en retard…

L'intéressé leva le nez, et regarda à l'horizon, vers la Cité Blanche. Son regard ne capta d'abord rien, avant de repérer un léger nuage de poussière et quelques silhouettes qui allaient bon train, droit dans leur direction. Il fallait avoir de bons yeux pour les voir, et beaucoup des spectateurs n'avaient pas encore repéré cette présence. Il se contenta de répondre :

- Il est ici, Votre Majesté. Et très déterminé apparemment.

Peu à peu, on prit conscience que des Rhûnedain étaient en train d'approcher. Venant depuis Minas Tirith, un groupe de cavaliers chevauchait à bride abattue, leurs montures poussées au maximum. Leur galop était puissant, à en faire trembler le sol, et ils se rapprochaient vite. Très vite. Les hommes étaient étincelants, et leurs armures rutilantes lançaient des reflets dorés qui ressemblaient à des éclairs flamboyants. Ils étaient encore loin, bien que l'écho de leur cavalcade les fît paraître proches, mais il semblait bien qu'un cavalier se tenait en avant des autres, peut-être trente ou quarante mètres devant ses compagnons qui donnaient de la voix pour faire aller leurs chevaux plus vite. Les Rhûnedain qui entouraient Lyra se redressèrent, surpris de voir tant des leurs escorter Rokh, alors qu'ils avaient reçu pour consigne de rester en nombre pour garder le camp. Mais leurs sourires, dissimulés par le turban qui cachait leur visage, montrait toute la joie qu'ils avaient à voir une telle démonstration de force. Ils se délectaient de voir les Rohirrim – descendus de selle pour observer le combat – s'inquiéter de ce qui ressemblait fort à une charge de cavalerie lourde. Un groupe de Cataphractes lancé à pleine vitesse était toujours un spectacle exceptionnel, et bien que les chevaux ne fussent protégés de fer en l'occurrence, ils n'en demeuraient pas moins impressionnants. Cette fois, la terre s'était mise à trembler perceptiblement, et quiconque aurait regardé au sol aurait vu les pierres les plus fines tressauter sur place, comme soudainement animées d'une vie propre. Mais tout le monde avait les yeux rivés sur le cavalier de tête, qui ne ralentissait toujours pas.

Arrivé à une cinquantaine de mètres, alors que les détails de sa fine silhouette engoncée dans une armure de guerre apparaissaient plus clairement, ce dernier dégaina son épée, et se dressa bien haut sur sa selle. Il fut alors clair pour tout le monde qu'il n'allait pas s'arrêter à temps, et les Rohirrim s'éloignèrent prestement de sa route de peur d'être renversés, lançant des cris d'alerte. Certains durent plonger au sol, mais le cavalier ne semblait pas se soucier d'eux. Il fonçait droit sur le Vice-Roi, et son épée s'abattit en sifflant dans l'air. Gallen Mortensen dévia de justesse le coup qui sinon aurait été fatal, mais il fut projeté sur le côté par la puissance du cheval lancé à toute vitesse. Ce dernier s'arrêta quelques mètres plus loin, éreinté et en sueur, mais son cavalier n'était déjà plus sur son dos. Ayant mis pied à terre avec une agilité rare, ce dernier se retourna et se jeta en courant vers le Vice-Roi, frappant encore et encore, forçant ce dernier à parer. Les lames s'entrechoquaient en jetant des étincelles, attestant de la violence de ce duel qui n'était certainement pas une passe d'armes amicale. Toutefois, il y avait quelque chose de curieux… Ces coups manquaient de puissance, même s'ils étaient paradoxalement plus précis. Ils forçaient le Rohirrim à s'employer pour ne pas être pris en défaut, mais ils ne le mettaient pas en grande difficulté pour autant. Ce n'était pas le duel d'endurance et de force auquel Gallen s'était préparé. Rokh aurait-il revu sa stratégie ?

Il n'eut pas le temps d'obtenir une réponse à sa question que déjà le reste de la cavalerie rhûnienne prenait place dans l'aire de duel, séparant les deux lutteurs, sous les cris et les harangues des deux camps qui ne comprenaient plus rien. Ce fut soudainement la cohue la plus indescriptible, alors que les Rohirrim se regroupaient et dégainaient leurs armes, protégeant les personnalités les plus importantes. Gallen fut très rapidement entouré par ses combattants les plus fidèles qui, arme au poing, le mirent au centre d'un cercle défensif, faisant face au bloc des Orientaux. Ces derniers n'étaient pas en reste, et dès que les choses avaient commencé à dégénérer, les soldats s'étaient rassemblés autour de Lyra en une masse compacte, boucliers dressés, prêts à tout faire pour évacuer prestement leur souveraine de la zone troublée. Les autres, les cavaliers qui suivaient celui que tout le monde avait identifié comme étant l'agresseur du Vice-Roi, s'étaient regroupés autour de lui, et étaient descendus de selle pour l'entourer et retenir son bras. De toute évidence, il paraissait déchaîné, comme fou, et il hurlait des choses en rhûnien que les Rohirrim ne pouvaient pas comprendre. Quatre hommes vinrent s'emparer de ses bras, tandis que deux autres le raisonnaient en barrant le passage de leur corps, pour l'empêcher de se jeter vers Mortensen.

La tension était à son comble, mais par miracle il n'y avait encore eu aucun blessé ! Lyra, quant à elle, était dans une colère noire, car elle ne comprenait absolument rien à ce qu'il se produisait sous ses yeux. Le spectacle que donnaient ses troupes était inadmissible, et elle se sentait humiliée par cette perte de sang-froid intolérable. Elle s'occuperait de punir les responsables en temps et en heure, quand elle aurait achevé d'évaluer la situation. Par pour l'heure, les choses qu'elle entendait, criées par-dessus le vacarme des armes et des montures, n'avait aucun sens pour elle. Elle ne voulait pas croire à ce qu'elle entendait répété encore et encore en rhûnien. Comment était-ce possible? Elle poussa fermement ses officiers qui lui barraient la route, et sans se soucier de leurs tentatives pour la retenir, s'avança au milieu de l'aire de duel d'un pas royal. Sa voix, que personne encore n'avait entendu parmi les hommes de l'Ouest, claqua comme un fouet, et ramena le calme comme par enchantement. Elle dressa la main droite, et ses hommes qui s'acharnaient à ériger un rempart de leurs corps entre les deux duellistes tombèrent instantanément à genoux, pleins de honte. En temps normal, elle aurait savouré ce pouvoir contenu au creux de sa paume, mais elle n'était plus d'humeur à s'amuser facilement. Cinglante, elle prit la parole :

++ Qu'est-ce que ceci ? ++ Lança-t-elle en rhûnien. ++ J'ai entendu des choses troublantes. Que l'on m'explique ! ++

Le cavalier qui avait chargé Gallen Mortensen se releva et répondit d'une voix où perçaient une tristesse et une colère infinies. Il s'agissait d'une voix de femme, à n'en pas douter, et cette fois il n'y avait plus le moindre doute possible. Il ne s'agissait pas de Rokh, quoi qu'ils eussent pu croire, et la chape de mystère s'épaississait d'autant plus que cette information était révélée à chacun. Des murmures s'élevèrent dans les deux camps, surtout chez les Rohirrim qui ne comprenaient pas l'exposé que faisait cette femme habillée comme un guerrier, qui s'était jetée férocement sur le Vice-Roi. Lyra l'écouta avec attention, dans un silence assourdissant uniquement rompu par cette voix qui monologuait. On percevait distinctement des larmes dans ce ton fébrile quoique fier, et ce en dépit de la barrière de la langue. Une fois qu'elle eût terminé, la Reine de l'Est s'avança vers elle, et posa une main sur son épaule. Elle lui murmura quelques mots, et la cavalière tomba à genoux, face contre terre, dans une position de soumission évidente. Lyra ne lui accorda qu'un bref coup d'œil, avant de se tourner vers Gallen. Elle lui adressa un regard indéchiffrable, et s'avança vers lui.

Les Rohirrim continuaient de protéger leur chef, mais face à une femme, reine de surcroît, ils étaient partagés, ne sachant pas trop s'ils devaient la voir comme une menace à part entière, ou s'ils devaient respecter son statut royal et la laisser approcher. Ce fut finalement le Vice-Roi qui leur ordonna de ne rien faire, conscient que des explications devaient être données à tout ceci. Il devait savoir pourquoi son duel n'avait pas lieu, pourquoi Rokh n'était pas présent, pourquoi il y avait tant d'animosité dans les regards des Rhûnedain qui le dévisageaient à présent avec dégoût. Lyra se fraya un chemin jusqu'à lui et Aelyn, qui se tenait aux côtés de son compagnon, accrochée à lui. Elle jeta un regard glacial mais dénué de méchanceté sur le couple, et déclara d'une voix très agréable à l'oreille, dans un commun où perçaient des accents exotiques :

- Vice-Roi Gallen Mortensen… Madame… Veuillez m'accompagner, s'il-vous-plaît, il nous faut tirer cette affaire au clair. Je peux empêcher mes hommes de commettre une folie si je leur apporte la justice qu'ils demandent. Pour cela, vous devez répondre des accusations qui portent sur vous.

Elle perçut un brin de surprise dans les yeux du Vice-Roi. Elle nota cette information dans un coin de sa tête, et comprit qu'il allait formuler une question. Elle ne lui laissa pas le temps de l'exprimer à haute voix qu'elle déclarait :

- Rokh est mort, Vice-Roi.

La nouvelle tomba lourdement, et personne ne trouva quoi répondre. Des regards furent échangés, on se mit à murmurer, mais quoi dire face à une telle révélation, face à un tel scandale ? Incrédulité, stupeur, colère même. Les réactions étaient aussi diverses que contenues, les visages se contentant d'afficher une moue crispée, les mains se contentant de caresser fébrilement le manche d'une épée. Lyra marqua une pause, longue, observant la réaction de Mortensen. A quoi pensait-il en cet instant ? Elle n'en avait aucune idée, mais il était certain que la nouvelle l'affectait. Dans quelle mesure, elle n'aurait su le dire :

- On vous désigne comme son meurtrier, et beaucoup réclament votre tête. Maintenant suivez-moi je vous prie… A moins que vous ne préfériez déclencher une guerre.

Il y avait du sarcasme dans son ton, mais Lyra ne souriait pas le moins du monde. Son visage était fermé, et elle était d'une gravité extrême. Elle s'éloigna du couple, pour expliquer la suite des événements à ses hommes, qui paraissaient comme sous le choc, incapables de réagir. Pour beaucoup, la culpabilité du Vice-Roi tombait sous le sens, et leurs regards témoignaient de leur envie de se faire justice eux-mêmes. On lui fit tout de même amener un cheval, sur lequel elle monta, imitée par sa garde personnelle, une demi-douzaine de guerriers surentraînés. Elle se tourna vers le gros de la troupe et leur lança :

++ Je ferai décapiter ceux qui tireront l'épée contre les hommes du Rohan sans en avoir reçu l'ordre de ma part. Ne leur parlez pas, ne les regardez pas, et laissez votre Reine seule juge des décisions à prendre. Yah! ++

Elle talonna sa monture, et prit la direction de Minas Tirith, suivie par ses hommes qui formaient un cortège impressionnant de rigueur militaire autour de leur souveraine. Elle se laissa rejoindre par le Vice-Roi et sa compagne, qui avaient retrouvé leurs montures respectives, et qui vinrent se placer auprès de Lyra, au milieu des soldats du Rhûn. Ils devaient être mal à l'aise ainsi escortés, mais ils ne pouvaient décemment pas demander à être protégés par un contingent du Rohan. Cela n'aurait fait qu'aggraver la situation, en exacerbant des tensions déjà vives entre les deux peuples. La seule présence du Vice-Roi obligeait les Rhûnedain à un effort de volonté prodigieux pour ne pas céder à leurs pulsions, alors il valait mieux qu'il fût seul et coopératif. Avant toute chose, Gallen devait prouver son innocence, s'il voulait éviter qu'on conflit armé n'éclatât. Il n'était pas en position de fixer des conditions et de demander un traitement de faveur. Au contraire, toutes les marques de bonne volonté joueraient en sa faveur. Ils chevauchèrent ainsi, sans un mot, à une allure modérée, jusqu'à la tente personnelle de Lyra qui se dressait fièrement au milieu du camp oriental. Rapidement, peut-être afin de ne pas être vus de trop de soldats, ils furent introduits sans chaleur par des gardes qui les regardaient d'un air agressif.

A l'intérieur, ce ne fut pas l'ambiance feutrée et la pénombre agréable qui les frappa, pas plus que les décorations sublimes, les meubles luxueux ou le trône doré serti de pierres précieuses. Ils ne s'attardèrent pas un instant sur les hommes qui veillaient dans tous les coins de la pièce, l'œil vif et la lance en main, pas plus qu'ils ne virent les esclaves qui s'affairaient à nettoyer et à remettre de l'ordre dans l'espace royal. Dans cet univers aux tons rouges et noirs, ce qui capta immédiatement leur attention fut le linceul immaculé qui recouvrait un corps étendu sur le sol. Lyra, Gallen et Aelyn s'approchèrent en silence, chacun gardant pour lui ses pensées. La Reine avait la tête de pleine de questions, incapable de savoir à laquelle elle devait accorder le plus d'importance. Devait-elle chercher le coupable, ou bien mettre à profit l'incident pour mettre la pression sur le Gondor, et exiger une juste réparation ? Etait-il préférable de ménager le Rohan, au risque de s'attirer les foudres de certains de ses hommes, ou bien valait-il mieux conforter sa position auprès de ses soldats, et risquer une guerre avec les dresseurs de chevaux ? Ses calculs politiciens prenaient bien peu en compte la perte de Rokh, qui après tout n'était qu'un pion parmi les milliers qu'elle avait à sa disposition. Il semblait en être tout autrement pour le Vice-Roi et sa compagne, qui paraissaient tous les deux souffrir de ce décès.

Lyra se pencha et releva le linceul, fronçant les sourcils devant le spectacle macabre. S'il demeurait des questions quant à la colère de la combattante du Rhûn qui avait agressé Gallen, elles venaient de s'évanouir dans la seconde. La fin qu'avait trouvée Rokh était indigne d'un combattant de son talent... Le visage du guerrier avait été atrocement mutilé, probablement à coup de pied et de pierres, au point qu'il était méconnaissable, guère plus qu'un tas de chair sanguinolentes. Il aurait fallu être prodigieusement doué pour distinguer des traits humains, ses yeux ou son nez. On s'était acharné sur lui de manière inhumaine… La Reine, qui ne paraissait pas plus incommodée que ça par la vision pourtant répugnante, tira un peu plus le linceul, pour découvrir le corps du guerrier. Il ne portait qu'une cuirasse légère, percée encore et encore par des coups de poignard qui attestaient de la violence de son trépas. Deux trous un peu différents indiquaient qu'on lui avait également tiré des carreaux d'arbalète, qui s'étaient fichés profondément dans son torse et son abdomen. Il avait dû souffrir le martyr. Lyra expliqua alors :

- Il est arrivé dans le camp traîné deux mètres derrière son cheval. On l'a reconnu grâce à ses mains…

Elle s'empara de son poignet, et leva sa main couverte de coupures probablement dues au fait qu'il avait été traîné par un cheval lancé au galop. On y voyait distinctement des traces fines et régulières, gravées parallèlement dans sa chair. Une de ces traces renvoyait à celle que Gallen avait au creux de sa paume, lorsque Rokh et lui avaient prêté serment de s'affronter dans la cour d'Aldburg. Nul doute possible, il s'agissait bien de la Némésis du Vice-Roi. Lyra rabattit le linceul sur le vaillant guerrier, et se redressa, fixant tour à tour les deux Rohirrim. Ils paraissaient à court de mots.

- Il avait un message sur lui. C'était écrit : « voici le sort des traîtres ». Pourquoi écrire cela ?

La question était à double sens, et on pouvait la comprendre soit comme une interrogation de pure forme lancée à personne en particulier, soit une véritable question adressée spécifiquement au Vice-Roi. Lyra ne se donna pas la peine de préciser, préférant jouer sur l'ambiguïté. Elle se rapprocha de son trône, et prit place avec majesté, croisant ses longues jambes élégantes. Elle venait d'ouvrir un procès non officiel, dont les conséquences seraient terribles si le Rohirrim ne prouvait pas son innocence. Les preuves étaient minces, mais la violence de ce meurtre n'en exigeait pas davantage. Gallen avait provoqué Rokh en duel, et le lendemain matin celui-ci était retrouvé mort, atrocement mutilé, comme s'il y avait des motifs très personnels à cette mise à mort. La courtoisie régnait encore, mais ils ne devaient pas en douter : ils étaient aux portes de la guerre. Lyra demanda :

- Je suppose que vous avez un alibi, Vice-Roi. Quelqu'un qui peut confirmer que vous n'étiez pas aux abords de notre camp hier soir. Racontez-moi à quoi vous avez passé votre soirée, et surtout où vous l'avez passée... Vice-Reine, je suppose que vous pouvez confirmer la présence de votre époux à vos côtés. N'est-ce pas ?

Le regard de serpent de Lyra était braqué sur Aelyn, cherchant à percer son armure, observant le moindre détail pour le tourner à son avantage. Ses yeux s'attardèrent un instant sur le cou de la jeune femme, et les marques violacées qui apparaissaient clairement. Elle reprit :

- Ces marques sur votre cou sont récentes, on dirait. Elles n'ont pas été faites plus tard qu'hier, je gage. C'est quelque chose qui aurait rendu n'importe quel mari fou de colère. Une colère capable de pousser au meurtre. Est-ce Rokh qui vous a fait cela ? Avez-vous demandé au Vice-Roi de vous venger ? Avez-vous demandé au Vice-Roi de mettre à mort Rokh ?

Les questions de Lyra faisaient office de démonstration, et elle n'était qu'à un pas d'aboutir à une conclusion qui incriminerait totalement et définitivement Gallen. Elle s'arrêta un instant, savourant la situation, mais refusant d'être celle qui allait pousser à la guerre. Elle préférait de loin obtenir une confession de leur part, afin d'être certaine de se prémunir contre toute plainte par la suite. Elle était curieuse de savoir ce qu'ils allaient dire pour se dépêtrer de ce mauvais pas, impatiente d'établir leur culpabilité et de retourner ce meurtre odieux et horrible en une arme politique dont elle n'allait pas hésiter à faire usage.

#Iran
Sujet: Un rendez vous avec le destin
Ryad Assad

Réponses: 11
Vues: 1194

Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Un rendez vous avec le destin    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 3 Avr 2015 - 22:45
Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Rokh10   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Rokh_c10

#Rokh

Rokh esquissa un sourire en entendant la question de Gallen. Il était amusant de voir qu'en dépit de tout ce qui pouvait les séparer, les mêmes choses les ennuyaient. Existait-il donc un esprit de guerrier qui transcendait les pays, les races et les peuples ? Peut-être, après tout. Peut-être qu'ils partageaient, à travers la guerre, plus de choses qu'à travers la paix ou le commerce. Cette pensée étonna quelque peu le Rhûnadan, qui n'avait jamais réfléchi à la chose. Oh, certes, il s'était déjà demandé à quoi pouvait penser les hommes de l'Ouest, particulièrement parce qu'il ne comprenait pas leur philosophie du combat. Mais jamais il ne s'était dit qu'ils pouvaient, d'une manière ou d'une autre, se ressembler, avoir des points communs. Il les percevait trop différents, trop éloignés de ses propres conceptions, à tel point qu'il lui était parfois difficile de concevoir qu'ils appartenaient à la même race des Hommes. Gallen, toutefois, était différent. Il était si proche de lui, si proche de ce qu'il pouvait ressentir, qu'on aurait presque pu se demander, en les voyant tous les deux, pourquoi ils en arrivaient à se battre. Et à cette question, Rokh n'avait naturellement aucune réponse :

- Oui, je trouve ça… agaçant. Vivre, c'est combattre, dès le premier jour. Dès le premier cri que nous poussons, nous reconnaissons que ce monde est hostile et qu'il nous faut l'affronter pour y faire notre place. Je crois… je suis sûr que la guerre est la forme la plus raffinée et la plus sophistiquée que nous ayons de vivre. En allant au bord du précipice qu'est la mort, nous comprenons mieux que jamais qui nous sommes. Lâche ou brave, faible ou fort…

Son regard glissa lentement vers Gallen, qui l'écoutait avec une attention soutenue, comme s'il cherchait lui aussi à le comprendre, comme si lui aussi, en dépit de tout ce qui pouvait les éloigner, tendait sa main dans sa direction. Le plus jeune poursuivit :

- Mon ennemi, c'est la mort elle-même. C'est elle que j'affronte à chaque duel, tout en sachant qu'elle finira par l'emporter. Certains préfèrent la fuir… pas moi. Alors quand on me demande pourquoi je combats, je n'ai aucune justification : je suis déjà mort. Et toi, que réponds-tu ?

Les paroles du Vice-Roi laissèrent Rokh pensif. « Je suis né, je suis guerrier ». Il ne comprenait pas. Cette perception était à la fois très proche de ce qu'il définissait, il le sentait, mais il y avait un gouffre par-delà lequel il ne pouvait pas aller. Leurs deux conceptions de la guerre étaient parallèles, mais jamais elles ne se rejoindraient. Lui se battait parce qu'il était en vie, parce qu'il était né et qu'il y avait dédié son existence. Rokh se battait parce qu'il était mort, et qu'il ne pouvait décemment rien faire d'autre. Quelque part, ils étaient tous les deux comme maudits, condamnés à être prisonniers des champs de bataille qui les appelaient comme ces créatures marines qui ensorcelaient les navigateurs de leur voix suave. Ils étaient arrivés au terme de leur promenade, et déjà les tentes du Rhûn se dressaient devant eux, sang et or, magnifiques. Les gardes se levèrent, et scrutèrent Gallen d'un regard acéré, peu amène. Il paraissait s'en ficher éperdument.

Gallen et Rokh se firent face un instant. Ils étaient de nouveau dans leurs rôles. Le premier, Vice-Roi du Rohan, champion des Peuples Libres, héros d'Aldburg et vétéran de nombreuses batailles, défendrait son honneur et celui de tout l'Ouest à la pointe de son épée Kaya. Le second, lieutenant des Cataphractes du Rhûn, champion de Lyra pour l'occasion, défendrait l'honneur de Sa Majesté, de ses ancêtres et de tous les Orientaux. Ils se rendirent cruellement compte que leurs armures n'arboraient pas le même blason, que leur langue n'était pas la même, et que leurs valeurs étaient différentes. Ils obéissaient à des seigneurs opposés, à des peuples ennemis depuis des temps immémoriaux. Avaient-ils besoin d'une raison pour combattre demain ?

Existait-il seulement une raison ?

Rokh leva fièrement le menton, et répondit avec sécheresse, comme s'il voulait conforter son rôle d'ennemi, de Némésis :

- Qu'il en soit ainsi. Melkor choisira son champion demain.

Sur ces mots, il se retourna avec sa raideur caractéristique et prit la direction de la tente de sa Reine, qui souhaiterait probablement le voir avant le duel. Il n'avait pas reçu de convocation expresse, mais elle lui tiendrait rigueur de ne pas venir l'informer personnellement de la décision qui avait été prise. Après cela, il se rendrait dans sa tente privée, où il se retrouverait seul avec lui-même. Il s'occuperait de préparer et de consacrer armes et armure, selon les rituels de son île natale, afin de placer ce duel sous les meilleurs auspices. Et demain, sa lame trouverait enfin le chemin de la gorge du Vice-Roi, il s'en fit le serment.

Il s'immobilisa bientôt devant la tente la plus imposante du camp rhûnien, et s'annonça auprès du garde qui le connaissait, et qui le laissa naturellement entrer. Rokh pénétra à l'intérieur, où régnait une atmosphère feutrée. On sentait que des encens avaient brûlé, mais en si faible quantité que l'air était respirable. La fraîcheur à l'intérieur était bienvenue, et Rokh se laissa aller une seconde à apprécier le froid sur ses joues. Puis, sur une invitation d'un des courtisans de la Reine, il s'avança et se plaça à la périphérie d'un cercle virtuel dans lequel ne se tenaient que la garde très rapprochée de Sa Majesté Lyra. Celle-ci, vêtue d'une tunique simple mais d'une rare élégance, avait pris place sur son trône. Elle leva la tête vers le lieutenant, et ses yeux s'étrécirent, comme si elle le scrutait. Elle avait des yeux félins qui le transpercèrent, et il soutint son examen sans sciller, ce qui n'était pas un mince exploit pour les Rhûnedain qui vouaient presque un culte à leur suzeraine. D'un geste élégant, elle lui dit :


++ Approche, Rokh. ++

Il s'exécuta, et pénétra dans le cercle, posant un genou au sol en signe de soumission. Sa tête baissée ne regardait que le sol, et il savait que si elle l'avait voulu, elle aurait pu demander à ses gardes de le mettre à mort sur-le-champ. Telle était l'autorité de Lyra, qui avait droit de vie ou de mort sur tous ses sujets. Magnanime, elle n'en fit rien, et lui dit d'une voix douce :

++ Relève-toi, et raconte-moi. ++

Encore une fois, il obéit et se tint devant elle, droit comme un i. Il était probable que pendant qu'il allait reconnaître le terrain avec Gallen, elle avait entendu des rumeurs, voire même un rapport, au sujet de la proposition de duel qu'il avait acceptée. Il n'aurait de toute façon pas pu la décliner, car son honneur lui commandait de relever tous les défis qui lui étaient lancés. Toutefois, ce n'était pas un duel ordinaire. Il n'affrontait pas un de ses compatriotes un peu zélés qui lui aurait imposé un affrontement épique : il se battait contre un étranger, qui de surcroît était Vice-Roi. Cela rendait ce combat particulièrement délicat, et Rokh était conscient que son geste pouvait mériter réprimande et sanction. Il argumenterait son choix, naturellement, mais il comprendrait qu'elle le lui reprochât. Calmement, il commença :

++ Le Vice-Roi Mortensen m'a défié en duel, Votre Majesté. C'est l'homme que j'ai affronté lorsque je me trouvais au Rohan, et il désire prendre sa revanche. Sans votre consentement, j'ai accepté sa proposition, et nous nous battrons demain dans la matinée. ++

Lyra demeura immobile, écoutant avec attention. Elle paraissait voir à travers lui, mais il était incapable de dire si elle était satisfaite ou en colère, sur le point de l'applaudir ou de le frapper. Elle bougea légèrement sur son trône, le laissant finir son explication sans l'interrompre, avant de finir par répondre :

++ Tu l'as affronté par le passé… Tu l'as vaincu… Et pourtant, il est toujours en vie. ++

Elle n'avait pas formulé de question, mais elle s'interrompit, si bien que Rokh se sentit obligé de lui fournir une explication. Il essaya de ne pas se laisser gagner par ses émotions, mais il voulait lui dire qu'il n'était pas un lâche ou un couard, qu'il n'avait pas eu peur d'éliminer le Vice-Roi. Personne n'était là pour attester de son duel, mais il était évident que du point de vue des Rhûnedain, il paraissait avoir réussi à s'échapper des prisons du Rohan en affrontant un ennemi qui était toujours là. Aurait-il menti ? Aurait-il acheté sa liberté contre des secrets qu'il aurait révélés ? Tous les doutes étaient permis désormais, et Rokh savait quelles accusations à peine formulées Lyra soulevait en si peu de mots. Il réagit :

++ Votre Majesté, le Vice-Roi est également champion du Rohan. C'est un des hommes les plus forts qu'il m'ait été donné d'affronter et… (il sentit les regards des soldats plonger dans le sien, presque condescendants) et je n'ai pas épargné sa vie par bonté d'âme. Je voulais le vaincre dans un duel honorable, mais je l'ai affronté alors qu'il se remettait de ses blessures. Une victoire contre lui n'aurait rien signifié alors. ++

Elle parut accepter son propos, ou à tout le moins ne pas le rejeter en bloc, car elle se contenta de lui demander :

++ Et que signifiera-t-elle demain ? ++

Il inspira profondément :

++ Demain, je tuerai cet Occidental, et je démontrerai à tous les présents la supériorité du Rhûn sur les royaumes de l'Ouest. Je porterai les couleurs de Votre Majesté, et je combattrai en Votre nom, si bien que je ne connaîtrai pas la défaite face à lui. Mon cœur et ma lame seront éternellement à votre service, Melkor en soit témoin. ++

Lyra sourit légèrement et décroisa ses jambes, avant de se lever, royale. Elle leva sa main sur lui, et il posa instantanément le genou au sol, de nouveau parfaitement soumis à sa volonté. Elle demeura ainsi un instant, avant de prendre la parole d'une voix puissante :

++ Rokh Visuni, demain tu représenteras les couleurs de ta Reine, et tu seras son champion. Sois à la hauteur de l'honneur qui t'es fait. Ramène-moi la tête du Vice-Roi du Rohan, ou trouve la mort. Aucune autre alternative ne t'es offerte. ++

++ Bien, Votre Majesté ! ++

Elle sourit :

++ Va maintenant ! Que Melkor guide ta lame ! ++

Il se leva, s'inclina du buste, avant de quitter la tente royale. Le visage de Lyra exprimait toute la satisfaction qu'elle éprouvait à l'idée de voir le Vice-Roi Mortensen être décapité pour son plus grand plaisir. Elle connaissait Rokh, et avant cette entrevue elle avait demandé conseil à ses gardes, qui lui avaient dit qu'il était un jeune guerrier ambitieux et très talentueux. Elle aurait pu faire preuve de prudence et de mesure, mais elle ne jouait pas avec sa vie. Elle engageait celle d'un de ses soldats, qui pouvait lui rapporter gros. Si Rokh parvenait à éliminer le deuxième personnage du Rohan, en plein milieu des terres du Gondor, le tout sous couvert de légalité, son royaume en ressortirait auréolé d'un prestige immense. La nouvelle se répandrait comme une traînée de poudre, et on raconterait partout comme les hommes du Rhûn avaient éliminé le chef d'une des délégations occidentales. En cas de défaite, elle perdrait certes un bon soldat, mais pas assez bon pour avoir su s'imposer. Finalement, toute cette affaire était parfaite. Absolument parfaite.


~ ~ ~ ~


L'aire de duel était splendide. Rokh avait averti ses compagnons d'armes, qui s'étaient levés de bonne heure pour venir préparer l'espace où aurait lieu le combat. Ils avaient cassé de simples morceaux de bois, les avaient plantés dans le sol, et les avaient reliés par des cordes pour délimiter une arène de fortune. Peu après, des Rohirrim étaient arrivés pour prendre possession des lieux eux aussi. Les deux groupes s'étaient dévisagés, non sans une certaine tension, mais il n'y avait pas eu le moindre problème. Chaque camp était si confiant dans son propre champion qu'il n'y avait pas de raison de distribuer des coups avant. Le duel viendrait consacrer un vainqueur que chacun voyait frappé de son propre blason. Céder à la colère aurait été une marque de faiblesse intolérable. Les Rohirrim arrivèrent les uns après les autres, montés pour la plupart sur de magnifiques destriers. Les nobles s'étaient parés de leurs plus beaux atours, pour voir leur Vice-Roi infliger une belle correction à un Oriental. Ceux qui venaient d'Aldburg n'affichaient pas une confiance excessive, conscients que le duel serait âpre, mais ils croyaient dur comme fer dans leur champion.

Les Rhûnedain arrivèrent peu après, en grande pompe. Lyra en personne avait fait le déplacement, montée sur un cheval caparaçonné de pourpre. Elle était escortée par sa garde personnelle, des soldats disciplinés en armure d'aparat qui dégageaient une grande prestance. Derrière elle venaient les courtisans et les nobles du royaume, qui l'avaient suivie. Les Orientaux étaient certes moins nombreux que les Rohirrim, mais aucun des groupes ne se sentait particulièrement à l'aise de voir les autres si proches. Les deux peuples s'étaient affrontés des siècles auparavant, et ils se vouaient une haine ancestrale qu'ils allaient devoir mettre temporairement de côté pour assister pacifiquement à ce combat d'une extrême violence. Personne n'avait envie de créer un incident diplomatique, mais la tension était réellement palpable. Les hommes aux cheveux blonds parlaient dans leur langue, ceux de l'Est communiquaient en rhûnien, et il n'y avait aucun mélange. Si l'objectif du mariage avait été de rapprocher les peuples, on pouvait dire qu'il n'arriverait pas à apporter une entente et une symbiose merveilleuse. Les faire tenir à moins de dix mètres les uns des autres était déjà un bel exploit.

Les nobles s'installèrent confortablement, au premier rang, tandis que les soldats prenaient place derrière et autour d'eux, afin de les protéger des étrangers d'en-face, qui étaient forcément des scélérats prompts à la trahison. Il n'y avait aucune confiance entre les deux groupes, mais chacun était prudent, de sorte à ne pas être celui qui donnerait le premier coup. Il y avait trop en jeu. Beaucoup trop. Lyra prit place sur un fauteuil confortable qui avait été apporté par deux esclaves, qui demeurèrent agenouillés à ses côtés, prêts à répondre à ses moindre désirs. La servitude des deux hommes lui attira des regards dégoûtés de la part de certains Rohirrim, qui commentèrent dans leur propre langue. Elle les défia d'un sourire tranquille, profitant de la douce chaleur qui régnait sur les plaines du Pelennor.

Les deux groupes étaient arrivés en avance, et ils attendaient à présent leurs champions. Ce fut le Vice-Roi qui arriva en premier. Juchée sur son cheval, sa silhouette se découpa à l'horizon. Il n'était pas seul, accompagné par certains de ses compagnons, peut-être des amis ou des écuyers, nul ne pouvait le dire de là où ils se trouvaient. Parmi la délégation du Rohan, une jeune femme se mit à courir dans sa direction, suivie de près par un chevalier qui paraissait lui servir de garde du corps. Lyra regarda ses hommes, mais aucun d'entre eux ne paraissait avoir une réponse à lui offrir. C'était peut-être une coutume du Rohan, ou bien elle avait quelque chose de très important à lui dire. Qui pouvait savoir. La Reine se tourna vers l'officier qui se tenait à ses côtés, et lui demanda :

++ Va-t-il arriver bientôt, Rokh ? J'ai hâte de voir ce duel démarrer… et finir. ++

++ Je l'ignore, Votre Majesté. Il est jeune, et désireux de vous impressionner. Je pense qu'il saura faire une entrée remarquée. ++

Elle sourit. Elle trouvait amusant de voir ses soldats redoubler d'ardeur pour lui plaire, pour essayer d'obtenir ses faveurs et son attention. Ils étaient comme des courtisans, à la différence qu'ils servaient ses intérêts à elle. Ils se battaient en son nom, pour sa gloire, pour son prestige. Ils étaient prêts à mourir, même. Comment aurait-elle pu ne pas être sensible à cela ?

++ Vous avez raison, je suppose. Peut-être essaie-t-il aussi de déstabiliser son adversaire en l'impatientant… ++

++ C'est une possibilité, Votre Majesté. Nous serons rapidement fixés, je suis sûr qu'il arrivera bientôt. ++

Lyra hocha la tête, et reporta son attention sur la silhouette du cavalier, rejointe finalement par la femme et son garde du corps. Ils étaient encore loin, mais elle pouvait voir qu'ils discutaient. Elle aurait tué pour savoir de quoi ils discutaient.
Sujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence
Ryad Assad

Réponses: 40
Vues: 6646

Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 9 Juin 2014 - 21:13
Un soleil nu dans un ciel sans nuage annonça le lever du jour, en cette matinée bien étrange pour nous tous, et plus particulièrement pour moi. Après tout, comment aurais-je pu deviner que les événements qui s'étaient déroulés allaient me mener ici, à Minas Tirith, capitale du Gondor, pour assister parmi les personnalités les plus importantes du monde à un mariage royal ? Même mon contact n'avait certainement jamais pensé à pareille promotion pour moi, et je me félicitais d'avoir été capable de jouer mon rôle jusqu'au bout, et d'avoir su me positionner de si belle manière. Toujours allongé dans mon lit, il ne me fallut qu'une seconde pour replonger dans mes souvenirs, et laisser mes pensées remettre de l'ordre dans l'enchaînement d'événements qui avait présidé à ma nomination.

Après notre sabotage réussi à l'intérieur des murs de Dur'Zork, capitale de l'émirat du Harondor, et tandis que nous assistions impuissants aux combats qui faisaient rage au niveau de la porte, et qui tournaient désespérément à l'avantage des défenseurs, Agathe et moi-même avions eu le choix de notre destin : fuir avec le gros des troupes, ou rester dans la cité pour continuer notre travail, quitte à nous mettre encore un peu en danger. J'avais opté pour la retraite prudente, mais elle avait choisi de rester, et je m'étais donc plié à sa décision - pas par affection, mais parce que ses arguments m'apparaissaient plus que raisonnables. Elle considérait en effet que les troupes de Taorin n'avaient pas engagé toutes leurs forces, et qu'il faudrait certainement encore les appuyer lors de leur second assaut. Sa présence d'esprit nous avait permis de rester embusqués dans la cité, et d'assister aux premières loges à la mobilisation des troupes de l'émirat, à leur contre-offensive audacieuse, et à leur funeste destin.

Pendant ce temps, nous n'avions pas chômé, désireux de nous mettre au travail aussi vite que possible. Nous avions dès lors fondu sur quelques patrouilles pour les neutraliser rapidement, ce qui n'avait pas été très difficile - après tout, nous choisissions bien nos cibles, isolées et vulnérables, et nous frappions avec la rapidité et l'efficacité d'une vipère du désert. Puis, considérant que des objectifs plus importants devaient être remplis, nous avions mis le cap sur le palais pour essayer de décapiter la chaîne de commandement de la capitale, en l'absence de l'Emir. Il nous fut impossible de trouver les officiers supérieurs, mais nous éliminâmes tout de même deux capitaines et un lieutenant qui allaient porter des ordres et des consignes, contribuant par là-même à affaiblir la défense de la cité.

Ainsi donc, quand les pirates arrivèrent, nous n'eûmes qu'à leur montrer diligemment quels étaient les points stratégiques dont il fallait s'emparer pour prendre le contrôle de la cité, maintenant que l'armée harondorim était en déroute. Une tâche simple, mais dont le chef de l'expédition avait probablement eu vent, car il n'avait pas tardé à nous convoquer Agathe et moi-même, afin de nous faire part de la suite de ses plans. Je demeurai avec Taorin pendant les six mois qui suivirent, tout d'abord en tant que simple intendant car il appréciait mes services - sans se douter que j'accumulai sur lui une masse d'informations considérables -, avant qu'il ne me chargeât officieusement de gérer son réseau d'espions - une tâche qui m'allait comme un gant. Pour assurer ma couverture, il me confia de manière très officielle la tâche de secrétaire-conseiller, qui me permettait de rester à ses côtés pour prendre des notes et lui donner des informations cruciales, tout en étant suffisamment discret pour que personne ne me remarquât.

C'était d'ailleurs en cette qualité que j'assistais au mariage du Roi Aldarion et de sa Princesse venue d'un obscur royaume du Nord. Je me tenais juste derrière Taorin, parmi sa suite non armée, tandis que celui-ci était encadré par deux Chiens du Désert parmi les plus fidèles - à défaut d'être compétents. Je ne pouvais pas voir son visage en cet instant, mais il était évident qu'il se sentait très à l'aise dans son nouveau rôle, après les élections qui l'avaient propulsées à la tête du territoire conquis, et qui avaient fait de lui un véritable monarque. Recevoir une invitation de la part des Royaumes Réunifiés n'avait fait que conforter sa position, et cela n'était pas pour plaire à Radamanthe, assis non loin, et qui paraissait contenir à grand peine son envie de sauter à la gorge du Chien Borgne.

Pour ma part, je me concentrai davantage sur une autre délégation, qui m'intéressait davantage. Celle en livrée sang et or, dont les gardes en armure impeccable et au regard inquisiteur escortaient la sublime Reine du Rhûn, Sa Majesté Lyra, loué soit son nom. Il faudrait que je trouve un moyen de les approcher avant la fin de cette semaine de festivités.

#Ryad

__________


L'ennui se peignait sur les traits de la femme la plus puissante de Rhûn, mais le protocole la poussait à rester assise le temps qu'il faudrait pour enfin présenter son présent et pouvoir rejoindre sa tente pour enfin se délasser. Le voyage depuis Blankânimad avait été long et éprouvant, et elle n'avait répondu à l'invitation formulée par les Royaumes Réunifiés que pour tenir la dragée haute à ses conseillers qui voyaient cela comme une insulte. Elle-même trouvait amusant de venir parader officiellement au milieu de ces sauvages, d'étaler la puissance de son royaume aux yeux de tous, et surtout de venir narguer les esprits pacifistes tandis qu'en sous-main elle ourdissait de sombres machinations.

Elle avait donc trié sur le volet les hommes chargés de l'accompagner, et n'avait fait appel qu'à des membres de la cavalerie d'élite, les Cataphractes. Les guerriers aux armures rutilantes et aux montures impressionnantes avaient traversé des terres vides d'habitants sur lesquels la Reine avait posé un regard plein de mépris, avant de pénétrer, après une longue chevauchée, en Gondor. Les habitants aux frontières avaient été surpris, effrayés par le passage de ces hommes brandissant des armes étranges, exotiques et menaçantes. Ils avaient détalé sur leur chemin, et s'étaient terrés dans leurs maisons en priant qu'on ne vînt pas les en déloger. Lyra avait souri, appréciant l'effet produit par son passage. Finalement, des cavaliers du Gondor étaient venus à leur rencontre, et elle avait dépêché un jeune lieutenant pour servir d'interprète, et pour s'assurer que personne ne sortirait l'épée. Tout s'était bien déroulé, et elle avait été conduite sans difficultés jusqu'à Minas Tirith.

Et voilà que désormais, la Reine attendait au milieu d'autres souverains, aussi radieuse qu'il était possible de l'imaginer. Elle ne se faisait pas d'illusions, elle n'était pas la principale attraction du jour, même si quelques murmures s'étaient élevés quand elle était arrivée, impériale, et qu'on avait annoncé bien haut son nom et son titre. Il fallait dire que sa robe était particulièrement luxueuse, et elle portait sur elle les symboles de la royauté en Rhûn, dont la couronne qui ceignait son front, faite d'or et d'argent, incrustée de pierres précieuses, ainsi que l'épée qui pendait à sa taille, et qu'elle arborait avec autant d'aisance que si elle était un homme. Les femmes de l'Ouest avaient été étonnées de ce fait, habituées qu'elles étaient à vivre au dépens de leurs maris pour ce qui était de leur protection.

Elle avait souhaité marquer son indépendance en ne convoquant pas de siège pour son défunt mari, afin de bien signifier qu'elle gouvernait seule désormais, et qu'elle n'était plus la femme du Roi, mais bien la Reine du royaume. C'était un message fort, mais qui avait un certain inconvénient qu'elle n'avait pas encore mesuré : il attirait des prétendants. Déjà, elle avait été saluée personnellement par quelques nobles assez jeunes, qui s'étaient montrés d'une galanterie et d'une mièvrerie presque insultante, visiblement intéressés à l'idée de monter sur le trône d'un royaume, fût-il étranger, fût-il un ancien ennemi. Certains ne reculaient décidément devant rien, et considérait que les femmes étaient de vulgaires objets dont on pouvait revendiquer la propriété.

Pour mieux représenter son royaume, la Reine avait choisi deux gardes du corps particulièrement redoutables, tous deux officiers de haut rang dans la cavalerie, mais surtout bretteurs de talent. Ils servaient ensemble depuis plusieurs années maintenant, mais la principale particularité de ce duo était qu'ils étaient mari et femme. Elle avait en effet décidé d'incorporer quelques femmes à sa garde personnelle, et si celle qui la flanquait portait un casque et un turban, comme il était de coutume, elle aurait l'occasion de révéler son identité au cours de la semaine, et de susciter encore davantage d'interrogations auprès des peuples de l'Ouest, enclins à s'émouvoir pour pas grand chose.


__________

Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Rokh10   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Rokh_c10
#Rokh


Le guerrier contemplait Minas Tirith, les mains sur les hanches, observant l'architecture assez impressionnante des lieux. Il ne trouvait pas la cité fantastique en soi, mais il trouvait que parée de mille oriflammes, grouillant de vie et d'animations, la capitale du Gondor était belle à voir. En cet instant, elle était la capitale de la Terre du Milieu, car à la connaissance du soldat, aucune délégation n'avait refusé de venir, ce qui était un signe fort de réconciliation, après les événements qui s'étaient déroulés. Six mois s'étaient écoulés depuis, mais les blessures étaient toujours vives, et les plaies demeuraient à panser.

++ Rokh, tu viens ? ++

++ J'arrive ++, répondit le soldat en retournant auprès de ses compagnons d'armes.

Le guerrier réajusta son armure réglementaire, et se dirigea vers les tentes carmin de sa délégation. Il n'avait pas été convié aux festivités, en dépit de ses grandes qualités martiales, mais il trouvait déjà formidable que la Reine l'eût personnellement sélectionné pour faire partie de la compagnie chargée de l'escorter jusqu'à Minas Tirith. Après tout, son retour n'avait pas été des plus simples, et quitter Aldburg - il avait appris à bien le prononcer - n'avait pas été une mince affaire. Il se souvenait avec précision du jour où le Maréchal était rentré, totalement brisé. Ce n'était plus que l'ombre de l'homme qu'il était sur le champ de bataille, et il ressemblait à une coquille vide. L'Ordre semblait s'être acharné sur lui, de sorte à anéantir tout ce qui restait de noble et d'honorable chez cet homme. Il n'avait pas totalement réussi, mais les dégâts étaient considérables.

Spontanément, Rokh avait décidé de repousser la date du duel, qui devait avoir lieu au retour du Maréchal. Mais qui pouvait défier un homme à peine capable de tenir debout, et en tirer une quelconque gloire ? Il s'était donc proposé pour assurer sa sécurité en plus de celle de sa femme, et avait fait preuve d'une certaine efficacité pour détourner les attentats contre le Maréchal - il avait éliminé trois individus qui avaient tenté de forcer le passage jusqu'à la chambre des deux seigneurs, et en avait dénoncé un quatrième à la garde qui avait fait son travail avec efficacité. Toutefois, il n'avait pas été en mesure de protéger la Dame contre elle-même, et cet échec lui restait profondément en travers de la gorge.

Pendant un temps, il avait accompagné le Maréchal presque partout, tandis que celui-ci réglait des affaires politiques propres au Rohan, et auxquelles le guerrier ne comprenait rien. Il y avait une histoire de trahison, de double jeu, et de fidélité à l'Ordre. Des lames avaient été tirées, du sang versé, bref, rien d'extraordinaire dans le quotidien du cavalier oriental. Et puis était venue l'heure du duel tant attendu. On avait aménagé un espace dans la cour d'Aldburg, pour que les deux combattants puissent se mesurer l'un à l'autre. Epée et bouclier étaient leurs armes, et sous les yeux d'une foule de spectateurs inquiets, ils avaient commencé à s'affronter sans la moindre retenue, comme si ces mois de coexistence pacifique n'avaient été qu'une parenthèse dans un duel qui ne s'était jamais vraiment terminé, comme si tout à coup ils se retrouvaient dans la boue et le sang devant Aldburg, au milieu d'un océan de morts, d'un concert de cris déchirants.

Sans surprise - aux yeux du guerrier oriental -, le duel avait tourné à son avantage. Il avait eu le temps de récupérer, de reprendre des forces, et surtout de bien s'entraîner. En face, le Maréchal avait peut-être précipité son retour, surestimé ses capacités... à moins qu'il eût volontairement décidé de s'opposer à l'oriental alors qu'il n'était pas encore totalement remis. Quoi qu'il en fût, la victoire de Rokh fut incontestable, et à l'issue d'un combat acharné, il parvint à désarmer le rohirrim, et à placer le fil de son épée sur sa gorge. Toutefois, pour des raisons qu'il ne s'expliqua pas immédiatement, il retint son bras, et laissa la vie sauve à son adversaire. Ce n'était pas dans ses habitudes, mais il avait reconnu chez le Maréchal Mortensen - cela aussi, il avait appris à le dire - une certaine noblesse d'âme qui faisait écho à ce qu'on lui avait enseigné. Il n'avait pas pu lui prendre la vie ainsi, car il ne voyait pas l'intérêt de tuer un lion blessé. Non. Ce qu'il voulait en vérité, c'était obtenir sa liberté et retourner chez lui, quitter le Rohan et retrouver sa vie. Et qui sait, peut-être un jour, retrouver Gallen Mortensen et l'affronter à nouveau pour déterminer franchement qui serait le meilleur.

Il était rentré en Rhûn par la suite, sans se retourner, et avait retrouvé miraculeusement une place dans l'armée. Il fallait dire que sa famille avait fait pression pour qu'il soit réengagé parmi les Cataphractes, et que les révélations qu'il avait à faire concernant son passage par l'Ordre ne tenaient pas à être rendues publiques. Il fallait étouffer l'affaire en haut lieu, et puisque sa seule demande était de retrouver son grade et son affectation parmi la cavalerie d'élite du royaume, on considéra qu'il s'agissait d'un petit prix à payer. Ainsi se retrouva-t-il à Minas Tirith, perdu au milieu d'un océan de tentes, occupé à surveiller un campement luxueux pour le protéger des autres délégations, des voleurs, des assassins et de tous les rebuts de la société qui pouvaient se trouver dans les parages. Toutefois, il avait entendu dire que la délégation du Rohan se trouvait non loin, et il envisageait sérieusement d'aller y faire un tour pour rendre visite au Maréchal, en dépit des consignes strictes qui avaient été données aux soldats, ordonnant notamment de ne pas provoquer de bagarre inutile auprès des autres peuples.

__________


Evoluant au milieu de la cité blanche avec une grâce qu'un danseur lui aurait enviée, Sinove se rapprochait de son objectif tranquillement, tandis que la foule l'entourait comme l'eau entoure un nageur. Elle se déplaçait facilement, silencieusement, sans jamais avoir à pousser qui que ce fût. C'était comme si son corps ondulait pour épouser le moindre espace libre, et se plier aux contraintes de son environnement, plutôt que de le tordre à sa volonté. Elle allait à une allure naturelle, rapide sans être anormale, et elle ne laissait dans son sillage qu'un parfum épicé, légèrement poivré en vérité, pour éviter qu'un chien ne puisse suivre sa trace au flair. Il faisait chaud pour la saison, probablement par contraste avec le terrible hiver qui s'était abattu sur la Terre du Milieu, mais la jeune femme portait une tunique de cuir sobre boutonnée jusqu'à la base du cou, avec des manches longues. Elle avait un chapeau à larges bords sur la tête, autant pour se protéger du soleil que pour dissimuler ses traits sous une chape d'ombre à quiconque aurait jeté un regard dans sa direction. En fait, elle était habillée comme une servante, une domestique, et elle était venue à Minas Tirith en tant que cochère.

La couverture était idéale. Il y avait plusieurs milliers de personnes dans la Cité Blanche, dont un bon nombre venant d'ailleurs. Les attelages étaient arrivés en masse, et les cochers circulaient donc dans la capitale du Gondor pour profiter pleinement des festivités, avant de repartir sur les routes. Nul ne faisait attention à eux, car tout le monde était concentré sur les principaux invités, les riches et les puissants qui s'entouraient de gardes et de mercenaires pour assurer leur protection. Certes, les armes étaient interdites dans la cité, mais pour la plupart ces combattants savaient se débrouiller avec leurs poings, et ils prendraient volontiers un coup d'épée à la place de leur patron si d'aventure quelqu'un enfreignait la règle. Sinove, en tout cas, appréciait de pouvoir déambuler de la sorte sans risquer d'être agressée par un individu suspect, et elle allait et venait à Minas Tirith comme une habituée des lieux, ce qu'elle était sans aucun doute.

Depuis la mission catastrophique avec Mirallan, il s'était passé du temps, mais elle avait suffisamment arpenté ces rues, de jour comme de nuit, furtivement ou pas, pour connaître leur agencement pratiquement par cœur, et pour savoir quel trajet il valait mieux emprunter pour se rendre à destination. En l'occurrence, elle avait choisi le chemin le plus fréquenté, pour éviter d'être suspecte, et pour compliquer la tâche à quiconque voudrait la suivre. Une précaution qui n'était pas nécessaire au vu de ses capacités martiales, mais elle avait pour la première fois de sa vie laissé des individus potentiellement hostiles en vie à Minas Tirith, et elle ne se sentait pas aussi à l'aise que d'ordinaire, lorsqu'on l'affectait sur une mission. Surtout que ces adversaires étaient talentueux... en attestaient les nombreuses blessures que son corps avait récolté dans la bataille, et qui avaient mis du temps pour guérir.

Elle se faufila tranquillement jusqu'à l'assistance qui applaudissait le Roi, en tapant des mains machinalement pour se fondre dans la masse, mais en focalisant toute son attention sur les signes. Le billet reçu dans le temple d'entraînement était clair : venir seule et attendre la fin de la cérémonie. Pour le reste, il n'y avait aucune précision. Elle était habituée aux fantaisies d'employeurs tous plus scrupuleux sur la sécurité les uns que les autres, et cela ne la choquait pas outre mesure. En règle générale, elle attendait pendant un bon moment, jusqu'à ce qu'il n'y eût plus personne. Alors, un colosse bien armé venait la voir en lui demandant d'une voix grave si elle était là pour le contrat. Elle ne répondait pas, et se contentait de lui emboîter le pas, pour aller étudier le cas, et signer l'accord passé entre les deux parties.

Mais ici, les choses ne se passèrent pas exactement comme prévu. La cérémonie venait de s'achever, et la remise des présents démarrait. Une partie de la foule s'était dirigée vers la tente officielle, afin d'y voir des personnalités importantes, tandis que plusieurs autres retournaient en ville pour célébrer à leur façon le mariage, profiter des tavernes et des bars, faire de bonnes affaires chez les marchands qui s'étaient installés là récemment, et qui venaient de toutes les régions de la Terre du Milieu. Plusieurs gardes se détachèrent du lot, et emboîtèrent le pas à la foule, pour maintenir l'ordre, canaliser les déplacements, et éviter les cohues. De toute évidence, les mesures de sécurité étaient une question cruciale pour les autorités. Sinove demeura un instant immobile, ignorant si elle devait se rapprocher des badauds, ou filer avec les ivrognes. Durant sa seconde de réflexion, elle balaya les environs, et son regard croisa celui d'un homme qu'elle n'avait pas particulièrement envie de rencontrer.

Il portait une belle armure du Gondor, et une belle épée au côté, mais elle ne se trompait jamais sur un visage, et même s'il avait troqué ses vêtements ensanglantés et ses blessures abominables contre une tenue d'apparat et une paire de gants, il n'en demeurait pas moins le même homme au fond, le même serpent insaisissable, toujours prêt à mordre. Elle savait qu'il y avait un risque pour que ses pas la menassent à lui, mais sur les douze envoyés à Minas Tirith, elle était la seule à être revenue, et elle était celle qui connaissait le mieux la ville, désormais. Elle n'avait pas eu le choix. Comprenant que sa présence n'était pas une coïncidence, elle tourna les talons en rabattant son chapeau, et s'éloigna en direction des étages inférieurs de la cité, suivant pour l'instant le gros de la foule, avant de bifurquer dans une ruelle proche, où elle attendit dissimulée dans l'ombre. Elle n'avait pas l'intention de l'attaquer, car il était armé et elle non, mais il y avait une chance pour qu'il voulût signer un contrat, et elle n'avait pas le droit de fuir pour des motifs personnels sans avoir pris le temps de vérifier la faisabilité d'une mission. Telle était la règle.
Sujet: La conquête de l'Ouest
Ryad Assad

Réponses: 4
Vues: 655

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: La conquête de l'Ouest    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 30 Sep 2013 - 20:33
Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Homme_10

La gigantesque salle du conseil, baignée dans une pénombre apaisante, était en proie à une effervescence toute particulière. Sous le plafond aux sculptures élégantes, entre les colonnes finement ciselées, face aux tentures chatoyantes et au mobilier exquis, se tenait une vingtaine d'individus qui discutaient en groupes plus ou moins importants. Certains élevaient la voix, pour faire valoir leur avis, tandis que d'autres hochaient la tête pesamment pour marquer leur assentiment à tel ou tel propos. Certains parlaient avec de grands gestes qui tenaient tout le monde éloigné, tandis que d'autres étaient plus mesurés et demeuraient parfaitement calmes. Ils étaient tous très différents les uns des autres, tant dans leur personne que dans leur manière de s'habiller. On trouvait ici des hommes, âgés et portant une longue barbe prouvant leur sagesse, vêtus de tuniques luxueuses qui conféraient à leur statut une touche de prestige ; là, on voyait quelques femmes, dont certaines bien jeunes, habillées avec un mélange saisissant de simplicité et d'élégance. Et parmi tous ces notables, se trouvait Pazrhdan Dosrnia. L'homme, bien que jeune de corps, s'appuyait perceptiblement sur la canne qu'il tenait en main, tandis qu'il discutait tranquillement avec un de ses pairs. Les deux échangeaient leurs points de vue sur un point précis de politique, sans toutefois livrer le véritable contenu de leurs pensées... une chose fort dangereuse actuellement. Mais leur conversation, tout comme celle des autres, fut interrompue par trois coups frappés à la lourde porte qui s'élevait à au moins trois mètres de hauteur. Elle coulissa sur ses gonds vieux de plusieurs siècles, et pourtant toujours silencieux, laissant passer un héraut qui annonça d'une voix de stentor :

- Sa Majesté Lyra !

Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Lyra10

Les vingt conseillers qui s'étaient retournés posèrent un très bref instant les yeux sur la silhouette de leur suzeraine, avant de s'incliner respectueusement. Les plus jeunes et les plus valides posèrent un genou à terre en signe de soumission. Les autres, plus âgés ou blessés de guerre, inclinèrent simplement le buste respectueusement. La Reine laissa passer un bref instant, avant que sa voix ne vînt claquer dans l'air comme un fouet :

- Relevez-vous.

Tous s'exécutèrent, et s'empressèrent de rejoindre leur place attitrée, autour d'une immense table. Ils ne prêtèrent pas attention à l'entrée dans la salle d'une douzaine de gardes qui vinrent se positionner dans l'ombre, près des murs. Ils demeureraient silencieux jusqu'à la fin de la séance, aussi immobiles que des statues, sauf si quelqu'un entendait menacer leur monarque. Alors, sur un simple claquement de doigts, ils passeraient à l'action avec une froide efficacité, et n'hésiteraient pas à faire couler le sang... même s'il s'agissait de celui d'un conseiller. Et pourtant, c'était une mesure presque inutile, et destinée à renforcer l'autorité de la Reine en ces lieux. En effet, qui pouvait imaginer qu'un intrus parviendrait à pénétrer dans la place-forte la plus imprenable du royaume, véritable forteresse au cœur de laquelle patrouillaient en permanence des hommes surentraînés, qui avaient légalement le droit de tuer quiconque n'était pas autorisé à se trouver là. Et même en échappant à toutes les sentinelles, il aurait fallu que l'assassin trouvât son chemin parmi le dédale de couloirs sombres de la forteresse. Il pouvait tout aussi bien se diriger lui-même vers les cachots où, s'il avait de la chance, il serait enfermé. S'il était plus malchanceux, il pouvait ouvrir une porte que personne n'ouvrait jamais, et découvrir un des sombres secrets de Blankânimad. Un de ces secrets dont même les conseillers les plus sages craignaient d'apprendre l'existence.

La Reine s'installa sur le trône, et ouvrit la séance du conseil qu'elle présidait régulièrement. Elle parlait d'une voix claire et forte, comme toujours. Dans son ton, on sentait nettement sa fermeté habituelle - celle qu'elle utilisait pour tenir le pays après la mort de son époux feu le Roi Alâhan -, mais aussi une pointe d'agacement qu'elle ne parvenait pas totalement à cacher. En effet, autour de la table, personne n'était dupe du jeu de la souveraine du Rhûn. Elle contrôlait le pays sans partage, et le conseil qu'elle dirigeait en cet instant précis n'était que le vestige d'une tradition ancestrale, conçue pour s'assurer la fidélité des tribus. Les souverains de jadis avaient eu besoin de cette institution pour conforter leur pouvoir, et s'assurer que leur autorité serait respectée par tous. Désormais, le Conseil tombait en décrépitude, et les réunions se bornaient en général à discuter de choses sans importance. Les avis des membres étaient purement consultatifs, et bien qu'elle feignît de les écouter avec une grande attention, Lyra n'en faisait en général qu'à sa tête. Fort heureusement, trouvait Pazrhdan, elle était plutôt intelligente, fine tacticienne et excellente politicienne. C'était probablement la raison pour laquelle elle était encore en poste, alors que techniquement ne coulait dans ses veines aucun sang royal. Mais elle prouvait à elle seule que l'ascendance ne faisait pas tout, et qu'il fallait autre chose pour être une bonne dirigeante. Regardant tour à tour ses conseillers, elle les dévisageait avec soin, pour capter leurs moindres réactions, tout en déclarant :

- Mesdames, messieurs, chers membres du Conseil. Je vous ai réuni pour vous faire part aujourd'hui de questions primordiales pour l'avenir de notre grand royaume. Je n'irai pas par quatre chemins, et je commencerai donc par vous expliquer la situation au-delà de nos frontières.

A cet instant, un soldat sortit de l'ombre. Il déposa sur la table une immense carte des terres explorées par le Rhûn, complétée par les échanges culturels avec l'Occident. L'officier, tête nue, demeurait silencieux alors qu'il disposait des poids pour caler le lourd document. Il ouvrit ensuite un coffret de bois précieux, duquel il retira de petites figurines de couleur. Il en disposa un petit nombre sur chaque royaume, essayant par là de recréer la disposition des forces dans les différents pays. Au Gondor, une forte concentration à Minas Tirith, Osgiliath, et dans les forteresses frontalières. Au Khand, une incohérence complète, des pions répartis de manière aléatoire. En Forêt Noire, une répartition homogène de troupes dans toute la forêt. A dire vrai, sur ce dernier point, les espions du Rhûn n'étaient sûrs de rien, et il fallait se contenter de suppositions. Au Harondor, l'officier disposa des pions sur les principales villes, puis il en plaça sur Umbar. En grand nombre. Les autres royaumes n'étaient pas vraiment dignes d'intérêt, même si l'officier jugea utile de disposer des pions sur le Rohan, une terre jadis ennemies de Rhûn. Des vassaux du Gondor. Lyra, sans même vérifier la disposition des pièces, poursuivit :

- Les rapports que nous recevons depuis quelques jours sont des plus intéressants, et si je n'ai pas pris la peine de vous contacter avant, c'était uniquement car je souhaitais obtenir une certitude absolue avant de vous faire part de ces découvertes...

Elle marqua une pause, et un petit sourire étira ses lèvres, alors qu'elle posait les yeux sur les membres du Conseil qui la dévisageaient, buvant ses paroles et attendant avec anxiété et impatience la révélation. Pazrhdan, qui malgré son flegme habituel ne parvenait pas totalement à masquer son intérêt, se demandait à quoi elle pouvait bien penser en cet instant précis. Elle jouait avec les mots aussi finement qu'un soldat avec une lame, et elle était capable de tous les manipuler pour arriver à ses fins. D'un bref coup d'œil, le conseiller remarqua que ses confrères avaient des pensées similaires. Ils se méfiaient de là où elle voulait les emmener, et essayaient de ne pas se laisser abuser par ses tournures de phrase et par les effets de style dont elle usait. Elle reprit tranquillement :

- Nos voisins semblent très agités en ce moment. Nos rapports indiquent que l'Ouest et le Sud sont en proie à la guerre. Le Rohan, vassal du Gondor, est plongé dans une guerre civile qui l'affaiblit considérablement. Les derniers rapports indiquent que l'armée du Roi Hogorwen marche sur l'armée rebelle retranchée dans une forteresse. Je suppose qu'il finira par ramener l'ordre, mais la reconstruction du pays prendra longtemps...

L'officier, sans dire un mot, retira de la table un bon tiers des pions qui constituaient l'armée du Rohan, et déplaça ceux qui restaient vers la capitale, Edoras. Après la victoire d'Hogorwen, ce serait probablement son prochain mouvement. Se replier vers sa cité, et essayer de regrouper ses fidèles, de réaffirmer son pouvoir. Plusieurs conseillers hochèrent la tête, réfléchissant aux implications de ces troubles. Mais Lyra semblait avoir encore des choses à leur apprendre :

- Ce n'est pas tout, chers conseillers. Le Gondor, ce vil serpent, a déplacé le gros de ses forces vers le Khand. Une immense armée a quitté le pays, et s'est dirigée vers une des rares forteresses de nos chers voisins. Les rapports sont très détaillés à ce sujet : il semblerait que les armées de Mephisto aient échoué misérablement, et que la bataille ait été un désastre. Les troupes du Gondor ont regagné leur pays, mais cela a mis un coup d'arrêt à leur politique agressive.

Cette fois, il y eut quelques murmures parmi les conseillers. Pazrhdan lui-même n'en revenait pas. Ainsi donc, le Khand avait réussi à stopper les armées de Mephisto ? On disait partout que le Gondor était invincible, mais de toute évidence ce n'était pas le cas. Peut-être qu'on ne pouvait pas les attaquer, et que s'emparer de leurs principales villes était insensé. Mais eux non plus ne pouvaient plus se permettre de fouler le territoire de leurs voisins sans risque. Sur le visage de certains conseillers, on devina même quelques sourires amusés. La haine contre l'ancestral ennemi de l'Ouest était toujours vive, et Lyra ne faisait rien pour l'atténuer, bien au contraire. L'officier retira quelques pions pour le Gondor, et positionna ceux qui restaient à Minas Tirith, Osgiliath et Cair Andros principalement. Le pays semblait fragile, et beaucoup regardaient la carte en se disant : "le moment est-il enfin venu de l'envahir ?". Mais Lyra ne semblait toujours pas avoir terminé, et elle paraissait se délecter de voir l'effet que provoquaient ses nouvelles sur ses conseillers :

- Il y a autre chose, chers conseillers. On nous rapporte qu'au Sud, les choses bougent également. Il semblerait que la cité d'Umbar, fief de pirates et de brigands en tout genre, se soit alliée aux tribus du Harad, dans le but d'attaquer le Harondor, vassal du Gondor. A l'heure actuelle, les informations sont minces, mais il est certain qu'un conflit entre les deux nous serait tout à fait profitable. Les prétentions territoriales des Suderons sont limitées, mais le coup qu'ils porteront aux alliés du Gondor sera terrible. Et s'ils parviennent à remporter la victoire, ce sera encore mieux. Ainsi, Mephisto se concentrera sur récupérer sa province, et non sur le reste.

Cette fois, une véritable bonne humeur semblait s'être emparée des conseillers, qui semblaient prêts à partir en guerre sur-le-champ. Certains s'écrièrent même qu'il fallait envoyer un contingent pour prêter main-forte aux Suderons, afin de leur assurer la victoire. Ce permettrait en outre de nouer une amitié franche, afin de prendre le Gondor en tenaille dans le futur. Mais Lyra leva la main afin de calmer les velléités guerrières qui se créaient autour d'elle :

- Non, chers conseillers, je ne pense pas que nous gagnerions à envoyer des troupes. Le Khand ne nous laisserait pas envoyer un bataillon sur ses terres, et nous ne pouvons pas risquer un conflit contre eux. Mais le Roi Shomeri du Khand a tout intérêt à dépecer le Harondor, qui a été allié à Mephisto dans la Bataille d'Assabia. Laissons agir la fougue de ces gens-là, et voyons où cela nous mènera. Mais il y a encore autre chose : des informations circulent, selon lesquelles les elfes seraient en difficulté. Leur puissance semble ébranlée, et d'après ce que nous en savons, leurs cités seraient menacées. Il est peu probable qu'ils se risquent à autre chose qu'à défendre leurs territoires, et consolider leurs frontières. Maintenant que le décor est posé, je vous propose quelque chose...

Lyra semblait parfaitement maîtresse d'elle-même, mais pour quiconque la côtoyait un peu, il était évident qu'elle était en proie à une grande excitation. De toute évidence, elle avait planifié quelque chose avec certains de ses généraux, et elle venait ici pour recueillir leur assentiment, et surtout les impressionner. En effet, malgré son discours résolument anti-occidental et anti-elfique, la suzeraine du Rhûn n'avait pas encore fait ses preuves. Elle s'était contentée, dans un premier temps, de stabiliser son pouvoir en interne, en traquant et en massacrant tous les rebelles qui s'opposaient à son accession au trône. De quoi calmer les ardeurs des plus loyaux serviteurs d'Alâhan, dont beaucoup vivaient encore cachés dans des grottes, essayant d'échapper aux patrouilles régulières de la Milice. De toute évidence, Lyra souhaitait prendre une autre dimension, et cette réunion marquait officiellement le début d'une toute nouvelle politique, à n'en pas douter.

L'officier qui disposait les pièces poussa les contingents de Rhûn loin vers l'Ouest, et tous suivirent son mouvement avec une grande attention, ouvrant des yeux de plus en plus surpris à mesure qu'il continuait. Les troupes Rhûniennes quittèrent les territoires effectivement contrôlés par la Reine, dépassèrent la zone d'influence du royaume, et plongèrent dans les terres sauvages du Rhovanion. Elles finirent par s'arrêter au niveau du croisement entre la Celduin et la Carnen. Il y eut alors un profond silence dans la salle, qui dura une bonne dizaine de secondes pendant lesquelles les conseillers se regardèrent tour à tour, cherchant à savoir quel avis il était le plus prudent de lancer en premier lieu. Lyra, quant à elle, ne perdait pas une miette de ce spectacle, et semblait s'en amuser grandement. Un des plus anciens et des plus éminents conseillers se leva alors, et parla d'une voix forte :

- Votre Majesté, je ne comprends pas ce que cela signifie... Si nous souhaitons profiter de la faiblesse du Gondor, nous devrions masser le gros de nos forces à leurs portes, puis les envahir. Ainsi placées, nos troupes se trouvent loin de tout.

Le conseiller se rassit, et Lyra répondit calmement :

- Il n'est pas question d'attaquer le Gondor, cher conseiller. Le passé nous a appris que l'empressement à vouloir se jeter dans la bataille pouvait coûter cher. Nos ennemis sont affaiblis, mais ils sont loin d'être à genoux. Si nous frappons le cœur de leur puissance, ils mobiliseront leurs troupes et leurs alliés pour nous contrer. Le Rohan moribond se rassemblera pour nous faire barrage, les elfes sortiront de leurs forêts pour nous encercler, et nous serions perdus. Ces terres sauvages, en revanche, n'intéressent personne. Si nous les revendiquons, nous étendons du même coup notre sphère d'influence, nous gagnons des terres arables, et surtout nous contrôlons une bonne partie du commerce de la région. Réfléchissez...

Comme s'il s'était agi d'un ordre tout à fait formel, les vingt conseillers se mirent à réfléchir silencieuesment. Pazrhdan, qui demeurait discret, n'en pensait pas moins. La manœuvre était risquée, et pouvait être interprétée par beaucoup comme un acte de guerre. Cependant, personne n'avait en ce moment la possibilité de repousser militairement les troupes de Rhûn qui voudraient s'installer en cet endroit. Et comme cette région était quelque peu éloignée des terres du Gondor, Mephisto ne trouverait sans doute pas le courage de tenter une action diplomatique risquée contre un royaume qu'il savait ne pas pouvoir contraindre à quoi que ce soit. Il laisserait probablement faire, et céderait de fait à Lyra le contrôle de terres qui, de toute façon, n'appartenaient en réalité à personne.

Quelques conseillers, assez âgés, parlèrent en des termes similaires au premier, arguant qu'il valait mieux frapper le Gondor de front, plutôt que de lui dérober un territoire dont il se fichait éperdument. D'après les rapports, Cair Andros était affaiblie, et atteindre Osgiliath serait chose aisée. Une fois dans la ville, il serait simplement question de briser le siège probablement mis en place par les troupes de Mephisto, puis d'assiéger Minas Tirith. Une guerre de quelques mois à peine, qui aurait le mérite de démontrer la supériorité des troupes de Rhûn, et qui briserait la puissance du Gondor à jamais. Un compromis acceptable selon eux. La Reine balaya ces arguments avec dédain, répliquant que s'en prendre directement à leur ennemi, cela signifiait tomber dans un piège d'où il serait difficile de sortir. Mais les plus anciens étaient encore hantés par le souvenir de la Bataille du Nord, et certains ne comprenaient pas vraiment pourquoi feu le Roi Alâhan avait subitement décidé de s'allier aux Peuples Libres. Ils souhaitaient vivement faire comprendre à ces derniers que le Rhûn était une puissante nation qui pouvait s'affranchir de toutes les alliances, et exister par elle-même. L'agacement de la Reine face à ce qu'elle devait considérer comme de l'étroitesse d'esprit la poussa à couper court aux débats :

- Suffit. J'entends bien vos arguments, et vos avis sont très intéressants. Cependant, que pensent nos conseillers les moins âgés, et qui depuis tout à l'heure écoutent sans mot dire ?

Lyra entretenait une relation particulière à l'égard de la jeunesse dans le Conseil. Elle-même était particulièrement jeune, et certains étaient d'avis qu'elle se sentait plus à l'aise avec des gens de sa génération, qui partageaient plus facilement ses ambitions et ses rêves. A l'inverse, avec des gens qui avaient servi fidèlement son mari, on la sentait moins ouverte, un peu plus cassante. Il fallait dire que leurs idées n'avaient pas beaucoup évoluées, et n'étaient peut-être plus adaptées au contexte actuel. Attaquer le Gondor aurait été possible, dans le cadre d'une immense alliance entre le Rhûn, le Khand, le Harad et peut-être même le Mordor. C'était ce que la Bataille du Nord avait failli réaliser, mais Alâhan avait trahi, et ôté à cette confédération sa seule véritable armée de métier, la seule force capable de rivaliser avec les colonnes Gondoriennes. Parmi les plus jeunes, tous avaient été mobilisés lors de cet affrontement, et avaient pu voir que les Hommes de l'Ouest n'étaient pas si différents des Rhûniens. Ils riaient, pleuraient, chantaient et dansaient. Ils vivaient durement, mouraient brutalement, et certains étaient d'honorables chevaliers. C'était à cette époque que Pazrhdan avait compris que malgré la supériorité de son royaume, une guerre frontale serait désastreuse. Il se leva de fait, malgré sa jambe blessée, et répondit à sa suzeraine :

- Votre Majesté, très chers conseillers, mon exposé sera peut-être long et je m'en excuse par avance. Je comprends les réticences quant à envoyer nos troupes si loin et de nos frontières, et de celles de nos ennemis, et je me rallie à vos arguments. Toutefois, Sa Majesté a raison sur un point essentiel : le contrôle du commerce. Ainsi positionnés, nous pourrions avoir la main sur tout le trafic fluvial, et donc forcer les Nains des Monts du Fer à négocier avec nous. Laissons venir à nous marchands de tous bords, laissons-les dépenser leur or pour acheter les produits de notre bonne terre, laissons-les nous apporter les merveilles venues de l'Ouest lointain. Le prestige et la puissance du Trône en seraient renforcés, et l'or accumulé pourrait être employé à renforcer encore notre armée.

Pazrhdan inclina respectueusement la tête, et s'assit. Il nota quelques hochements de tête appréciateurs, mais la plupart des conseillers demeuraient sur leurs positions. La Reine et lui échangèrent un bref regard, dans lequel il ne discerna aucune émotion. Lui qui pourtant, était assez diplomate et doué pour déceler les informations, était bien incapable de savoir si elle avait apprécié son intervention, si elle jugeait qu'il se ralliait à son idée trop facilement, si elle désapprouvait qu'il défendît le commerce avec les royaumes de l'Ouest, ou si elle le trouvait trop consensuel, pas capable de s'opposer fermement au Conseil pour la soutenir. Tout cela se passa très vite, et il n'eut pas le temps de se poser davantage de questions qu'une autre conseillère s'était levée. Elle exposa à son tour son point de vue, allant dans le même sens que Pazrhdan : avancer prudemment, se renforcer pour mieux frapper. Ce dernier lui adressa un signe de tête appréciateur, et elle lui répondit par un sourire poli. Les autres conseillers parlèrent chacun à leur tour, et peu à peu une ligne claire se dégagea.

Il paraissait évident que seule une opposition ferme de la part de tout le Conseil pouvait faire douter Lyra. Et douter était un bien grand mot, car il était certain qu'elle ne faisait jamais rien qu'elle n'eût pas décidé et mûrement réfléchi, et de fait elle arrivait toujours à la séance en sachant quel serait le résultat du vote final. Devant les arguments exposés par la jeunesse paradoxalement plus tempérée, les anciens au caractère plus belliqueux durent réfréner leurs ardeurs. Ils reconnurent qu'il était peut-être prématuré d'attaquer le Gondor dans l'instant, mais ils tinrent à réaffirmer qu'il faudrait surveiller l'évolution de ce royaume, et prendre garde à ce qu'il ne se renforçât pas en vue d'une agression contre les intérêts du Trône. Des demandes que la Reine écouta d'une oreille distraite, avant de demander un vote. Sans surprise, sa résolution obtînt l'unanimité des voix, et un grand sourire illumina le visage de Lyra qui s'apprêtait à se lever. Pazrhdan intervint alors en se levant avant elle :

- Votre Majesté, j'ai une dernière question. Le vote est terminé, mais je m'interroge sur un point qui, je pense, intéresserait le Conseil... Qui donc entendez-vous placer à la tête de ces troupes ? Qui gouvernera ce poste-avancé ?

Lyra sourit avec ce qui semblait être de l'amusement, avant de répondre :

- Ne vous inquiétez pas, Conseiller. J'ai l'homme de la situation.

Elle n'en dit pas davantage, et se leva. Tous les conseillers l'imitèrent et s'inclinèrent profondément. La suzeraine tendit majestueusement son bras en direction de la porte principale. C'était de toute évidence un signal convenu, car la porte s'ouvrit à cet instant précis sur une silhouette inconnue de tous. Le silence, en cet instant, était total. Qui était donc cet homme de confiance que la Reine entendait placer à la tête de cette mission particulièrement délicate ?

#Lyra
Sujet: Sous le Regard bienveillant de Melkor
Radamanthe

Réponses: 0
Vues: 726

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sous le Regard bienveillant de Melkor    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 15 Juil 2011 - 13:54
La Salle de Réception était, depuis la construction du palais, et cela remonte à des temps immémoriaux, l'endroit où les souverains tenaient leurs conseils les plus secrets, à l'abri des regards indiscrets, si ce n'était celui de la monumentale statue de Melkor qui dominait la pièce de toute sa hauteur. La Salle du Trône, voisine, était davantage appropriée aux visites officielles, lorsqu'il s'agissait de montrer la grandeur de Rhûn, mais elle était en fait beaucoup trop vaste pour tenir des réunions secrètes, car on aurait pu y caser des dizaines d'espions.
Les deux gardes postés devant la porte dans leur armure étincelante appartenait à un corps d'élite de combattants triés sur le volet pour leurs capacités. Pourtant, malgré leur professionnalisme, ils ne pouvaient s'empêcher de conspirer à voix basse, sachant que personne ne pouvait les entendre. C'est qu'ils se demandaient qui pouvait bien être l'invité mystère de la reine, celui dont la visite était si importante que Lyra attende déjà dans la Salle du Conseil depuis plusieurs minutes, tout en ayant exigée de n'être dérangée sous aucun prétexte jusqu'à l'arrivée du mystérieux visiteur. Mais comment saurait-ils qu'il s'agit bien de la personne qu'elle attendait, avaient demandé les gardes. Ils sauraient leur avait assuré la Reine. Lorsque des pas se firent entendre, leur conversation cessa en un instant et aussitôt, ils surent.

L'homme n'était pas un vieillard, bien qu'il ne soit plus jeune, et pourtant il se déplaçait lentement, et avec difficulté. Mais cela, ils le savaient, était principalement du aux multiples mutilations et scarifications qui marquaient son corps décharné. Des sévices que, pour la plupart, il s'était infligé lui-même. Il s'approcha davantage et bien qu'ils fussent prosternés respectueusement, le coeur des deux gardes sombra lorsque l'invité posa son regard sur eux. C'étaient des guerriers endurcis, dont le quotidien était d'arpenter les couloirs sombres du palais de Blankânimad, dont certains recoins étaient si sinistres qu'il vous marquait à vie. Et pourtant, en présence de cet homme, ils éprouvaient un sentiment de malaise indescriptible, mêlé d'un respect qui s'apparentait plus à de la crainte. Car au plus profond des yeux d'obsidienne de Jawaharlal on pouvait deviner la lueur lancinante du Feu de Melkor, et le Père Supérieur du Temple Sharaman était l'un des hommes les plus maléfiques de ce monde.

Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! 20100919234714-947717fd

Jawaharlal posa une main noueuse qui avait jadis été brûlée par le feu sur la grande porte et celle-ci s'ouvrit sans forcer, bien qu'elle fût sans doute particulièrement lourde. Le moine s'avança et referma immédiatement la porte de son autre main. Celle-ci n'était guère en meilleur état que la droite, car elle était parcourue de cicatrices qui semblaient remonter le long de son avant-bras. En fait, il semblait que tous le corps de la plus haute instance du Culte Melkorite en Rhûn soit couvert de motifs ésotériques aux implications maléfiques, qu'ils soient tracés à l'encre... ou au couteau. Le regard du moine se porta d'abord sur l'imposante statue du Vala déchu, saisi un talisman d'onyx gravé qui pendait à son coup et murmura pieusement quelques paroles en Noir Parler en signe de dévotion. Il porta une attention particulière aux yeux de la statue, qui avaient été sculptés de sorte qu'ils semblent suivre le spectateur. Beaucoup en avaient froid dans le dos, mais lui s'en réjouissait, car il voyait là la reconnaissance de Melkor envers son fidèle serviteur. Ensuite, il remarqua enfin la reine Lyra et la salua à son tour, quoi que de manière plus conventionelle.

Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Reiner10

***

"Alors, Eminence, continuerez-vous à nous soutenir si nous nous engageons dans cette affaire ?" Lyra abordait le vif du sujet, la raison même de la présence du Père Supérieur dans son palais. Bien sûr, ils avaient parlé de choses et d'autres avant, mais la santé faiblarde du fanatique ne l'intéressait pas outre mesure et il était certes intéressant d'avoir des informations sur la façon dont il gérait Albyor, mais cette affaire-ci dépassait les simples confins de Rhûn.

"Bien sûr, Altesse," fit la voix lugubre de Jawaharlal, voix qui avait fait frisonner la reine la première fois qu'elle l'avait entendue et qui continuait à la mettre mal à l'aise maintenant, et pourtant elle avait côtoyé bien des personnages sinistres. "Notre but sera toujours de propager le culte du plus puissant des Valar, qu'Il soit loué." A cette évocation de Melkor, il sorti à nouveau son talisman et prononça la même prière en Noir Parler, ce qui eut l'effet d'irriter Lyra, qui appréciait peu que sa discussion politique soit interrompue par les prières du fanatique chaque fois que leur Maître ancestral était évoqué, c'est à dire souvent vu la nature de la conversation.

"Ce n'est pas ce que je voulais dire, Jawaharlal, et vous les savez très bien. Mon rôle est d'oeuvrer pour la grandeur de Rhûn, pas pour le Seigneur des Ténèbres... pas directement en tout cas..." A ces mots, elle fut bien obligée de répéter la même bénédiction en Noir Parler. C'était presque du blasphème, et le regard du prêtre en disait long. "Je suis Reine de Rhûn avant tout, et c'est pourquoi seule une alliance me paraît raisonnable. Jamais la gloire d'antan de Rhûn ne serait restaurée si nous entrions totalement à leur service. La gloire de la victoire retomberais sur eux seuls, malgré la puissance de notre pays. Nous voulons donc agir de concert avec eux... C'est pourquoi je vous pose cette question Jawaharlal. Je veux que l'allégeance première de l'Eglise Melkorite de Rhûn  reste envers le trône, car nous avons besoin de vous comme vous avez besoin de nous. Alors, serez vous avec nous dans cette alliance ou voulez-vous entièrement vous soumettre à leur Maître ?"

Lyra soutint le regard noir du fanatique pendant que celui-ci semblait réfléchir. Avec un ton qui laissait présager quelques menaces, elle avait clairement formuler ses exigences. Elle avait permis la montée en pouvoir du Temple Sharaman, qui contrôlait maintenant toutes les sectes melkorites du pays et maintenant qu'il s'agissait de s'allié à quelque chose de bien plus grand, elle voulait s'assurer que ces fanatiques qu'elle avait créés ne tombent pas totalement hors de son contrôle. Ce qu'elle avait donné elle pouvait le reprendre, semblait-elle dire. Le Père Supérieur n'était pas convaincu de cela, mais il réfléchissait à la meilleure façon de servir son Idole maléfique. Finalement il se lança.

"Bien, Majesté... Nous déplorons que servir notre Maître ne soit que votre deuxième priorité, mais nous le servirons mieux à vos côtés qu'en nous démarquant du trône. Vous avez ma parole."

Un sourire malicieux se dessina sur leurs lèvres. Ces négociations sous le regard bienveillant de Melkor étaient arrivées à un compromis. Rhûn allait pouvoir entrer en scène.

"Parfait, Fyodor." fit Lyra. "Tu vas pouvoir dire à ceux avec qui tu travailles que nous sommes maintenant alliés et que nous le aiderons. Tu as bien compris mon point de vue, tu pourras leur dire ce dont ils pourront attendre ou pas de Rhûn."

Le troisième personnage présent lors de cette entrevue, bien qu'il n'ait prononcé un mot excepté pour saluer le prêtre, esquissa un sourire sous son masque de fer.

Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Bbb62

Même dans cette salle secrète, celui que la plupart des occidentaux désignaient sous le sobriquet de Cavalier Noir, faute de connaître son nom, avait gardé le visage caché. Ses deux interlocuteurs étaient parmi les rares personnes au monde à savoir qui se cachait sous cette apparence mystérieuse, mais il craignait que ne fût-ce qu'un serviteur puisse le voir à visage découvert. Il était évidemment tout de noir vêtu, sans quoi son surnom n'aurait guère de sens, même si, naturellement, il n'était pas à cheval pour le moment. Ce dernier était à l'écurie où il profitait d'un repos bien mérité après avoir fait le voyage des rives de l'Anduin, près de l'Argonath, jusqu'à Blankânimad. Il repartirait bientôt pour transmettre ces nouvelles.

"Naturellement, naturellement, je transmettrai tes exigences. Une alliance nous satisfait déjà amplement. Les Occidentaux vont s’effondrer devant la puissance de cette union et on ne parlera plus de la gloire au passé. C'est un grand jour pour Rhûn, je te l'assure ! Tu ne regretteras pas cette alliance avec l'Ordre de la Couronne de fer, soeurette !"

#Lyra #Jawaharlal #Fyodor
Sujet: La Fin d'une Idée [Passé]
Radamanthe

Réponses: 0
Vues: 605

Rechercher dans: Le Palais de Blankânimad   Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: La Fin d'une Idée [Passé]    Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 2 Sep 2009 - 0:30
Palais de Blankânimad, Juillet 297, QA.

Dialogues transcris de l'Oriental par Trâd'Uhk-Tör

Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Narniaartworkperenoel

Sa Majesté le Roi Alâhan de Rhûn paraissait deux fois son âge, et pourtant Melkor sait qu'il était déjà âgé. Depuis deux ans, on avait vu les rides de son visages se creuser et son teint blanchir à un point que cela en devenait inquiétant même pour quelqu'un ayant vécu toute sa vie dans un palais sombre et blafard comme celui-là. Il avait maigri dramatiquement, au point que même ses forces physiques l'abandonnaient plus vite que l'âge l'aurait voulu. Des cernes mauves sous ses yeux éteints témoignaient du fait qu'il ne savait plus trouver le sommeil et tout sourire avait abandonné ses lèvres désèchées.
#Alâhan
Tag lyra sur Bienvenue à Minas Tirith ! Lyraofficiel

Sa Majesté la Reine Lyra était tout le contraire. Jamais elle n'avait paru aussi heureuse. Un sourire inquiétant ne quittait plus ses lèvres depuis longtemps, où qu'on la voie, et dans ses yeux sombres pétillait une lueur de triomphe. Elle donnait une impression de puissance rien qu'à la façon dont on compenait qu'elle était heureuse. Il faut dire que les malheurs de son mari n'étaient pas étrangers à ses sujets de réjouissance.

En ce trente-et-unième et dernier jour de janvier, le Roi était seul dans la salle du conseil, voisine de celle du Trône. La seule autre présence était l'inquiétante et immense statue du Seigneur de la Nuit qui était dressée là, et las, Alâhan défiait Melkor du regard.
Une porte claqua et il détourna les yeuxde la représentation de pierre pour les poser sur sa jeune épouse. Lyra s'assit nonchalament sur la table du conseil et leva en l'air le verre de vin rouge sang qu'elle portait, comme si elle portait un toast.

"On dirait que tu connais déjà la nouvelle." railla t-elle de la mine dépitée de son mari."C'est fait, finalement. Les disciples du Temple Sharaman ont officiellement pris Albyor, et dans d'autres villes, les fidèles du Seigneur des Ténèbres suivent la révolution..."

Elle but une gorgée et sourit à outrance en le regardant la haïr. Comme il aimerait qu'elle ne soit pas là... Qu'il n'ait aucune crainte, bientôt ce serait lui qui ne serait plus là.

"Tu as raison d'être dépité, mon amour. Tu ne pourras rien faire pour empêcher cela. J'ai l'impession que tout t'échappe. Tiens, un peu de vin ?"

Alâhan eut un rire de mépris, faible, mais il tenait quand même à montrer qu'il lui tiendrait tête. Jamais il n'acceterait quelque chose venant d'elle, même si le verre ne devait pas être empoisonné, vu qu'elle avait bu dedans. Il ouvrit une trappe dont lui seul avait la clef et sortit une bouteille et un verre d'hydromel. "Rhûn" trinqua t-il avec un air de défi, et elle répondit sur le même ton. Cependant, Lyra ne put s'empêcher de railler :

"De l'hydromel elfique ? Mon amour règne sur le Dor-Winion dont les vins sont les meilleurs des Terres du Milieu et il boit les cadeaux de ses petits alliés immortels."

Alâhan voulu répondre au rire qui suivit, mais alors même qu'il ouvrit la bouche, il sentit que l'air avait du mal à arriver dans ses poumons. Sa tête tournait, il émit un râle sinistre. Quelque chose n'allait pas.

"Quoi ?!" fit Lyra, affolée. "Ne me dis pas que cet empoisonné ?! Pas le cadeau des elfes, tes alliés infaillibles. Par Melkor tout Puissant, quelle désillusion..."

Le vieillard se sentit vaciller de son siège. Il tomba à genoux et le verre se brisa. Il crachait du sang, sa vision devenait trouble. Lyra se penchait vers lui avec un sourire mutin.

"Je te rassure, mon amour, les elfes ne t'ont pas trahi, c'est moi, je connaissais déjà cette cachette... Ah, c'est une page qui se tourne. Adieu Alâhan, Roi courageux mais fou. Aujourd'hui, ce n'est pas qu'un homme qui meurt, mais toute une idée..."

Il tomba finalement, la joue contre le sol. Le Roi est mort, vive la Reine. Elle se pencha sur lui et lui ferma les yeux. Puis, se relevant, elle se dirigea vers la porte et sortit comme une tempête.

"Un guérisseur, au secours, un guérisseur, les elfes l'ont empoisonné !"

#Lyra
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
Sauter vers: