Un loup au palais

Il ne prit pas la peine de se retourner pour voir si Forlong s’exécutait. Trois des gardes devant la porte se portèrent au devant d’eux, l’Arbre Blanc brodé sur leur poitrine. L’un d’eux tenait fermement une pique en acier et en argent. « Les coffres du Gondor se portent à merveille » pensa-t-il. Il ne possédait lui-même qu’un bâton de berger ; il s’abstiendrait encore un certain temps avant de dévoiler la présence de son styler soigneusement dissimulé.

Forlong semblait avoir enfin compris l’importance de l’enjeu qu’il représentait. Il en jouerait sûrement pour s’attirer quelques bénéfices dans les négociations. Après tout il semblait assez bon en rhétorique pour défier Gilgamesh sur les termes d’un probable contrat. Le pragmatisme serait de mise, il ne fallait plus en douter.

Il salua poliment les gardes devant lui et présenta la lame de Forlong d’un geste ample et lent en s’inclinant légèrement.

- Je vous salue gardes du Gondor ! Je suis Gauvin, forgeron de métier et viens porter cet ouvrage au seigneur Gilgamesh.

Le garde à la hallebarde fit une moue réprobatrice. Il avait été arrêté dans son élan et n’avait pu vociférer son traditionnel « Halte voyageur », ou « halte étranger, n’entre pas qui veut entre les murs de ce palais ». Déstabiliser son interlocuteur … toujours, afin de se porter comme la figure dominante du dialogue qui suivrait. Le garde se défit pourtant rapidement de cet effet de surprise et reprit son aplomb.

- Nous n’avons entendu parler d’aucun Gauvin d’aucune sorte. Le seigneur Gilgamesh que vous nommez n’est point entre ces murs à l’heure actuelle et ne vous ne bénéficiez point de l’autorisation ni du rang nécessaire pour entrer armés en ces lieux.
Nathanal fronça les sourcils et soupira avec lassitude. L’espèce des soldats et leur maudite manière de mettre en doute les paroles des étrangers… Des chiens plus susceptibles d’aboyer que de mordre réellement. Forlong Neldoreth avait-il un jour été chien avant de redevenir loup ? Un moment il préféra l’état de liberté absolu et anarchique de cet homme que les devoirs annihilant des soldats gondoriens.
Il lui faudrait encore et toujours user de ses bons mots et de sa ruse coutumière. Il parla faiblement mais avec assez de rage dans la voix pour se montrer menaçant, très diplomatiquement.

- Sans doute car le Seigneur Gilgamesh estime peu nécessaire d’informer tout le Gondor de l’achat d’une nouvelle arme personnelle. Je suppose que vous ne présentez pas vous-même toutes votre maîtresse à votre famille lorsque vous disposez librement de votre temps dans les bas quartiers de Minas Tirith la Blanche !

Le garde fut une nouvelle fois décontenancé. Il nota que colère et haine semblaient bouillir dans le regard du soldat. Il fallut sans doute à cet homme bien plus qu’un simple effort de politesse pour garder son calme froid. L’analogie entre une épée et une femme pouvait paraître de mauvais goût pour un soldat, quoi que les femmes puissent se montrer plus froides que les lames parfois …

- Votre nom ne figure par sur les registres officiels, et le seigneur Gilgamesh ne nous a pas pressé de vous faire entrer dans le Palais, armé qui plus est ! L’homme derrière vous n’est pas connu de nos services. Les ordres sont formels : personne n’entre armé dans le palais royal.

« Par Eorl, rumine-t-il toujours les mêmes paroles ? ». Il fallait maintenant passer à l’assaut décisif sans quoi ses paroles entraîneraient des conséquences lourdes et coûteuses. Il n’avait ni le temps ni l’envie de s’empêtrer dans une salle histoire.

- Et comment le Seigneur Gilgamesh pourra-t-il donc étudier sa commande s’il ne la voit ? Présentez-nous à lui, accompagnez-nous jusqu’à ses quartiers et vous serez assuré de notre bienveillance à son égard … et à la vôtre, s’il le faut !

Il eut un sourire plein plus franc et chaleureux que ces dernières paroles. Le garde sembla réfléchir un instant, parti vers les deux autres gardes qui partageaient la garde de la porte avec lui, parla, puis revint. Nathanael n’avait entendu mot de ce qui avait été dit, mais l’attitude du soldat lui montra immédiatement que sa requête avait été acceptée.

Par la grâce que notre roi nous accorde, nous vous autorisons à entrer accompagné de cet homme et de cette arme en ces hauts lieux du Gondor. Vous serez escorté par deux de mes soldats. Vous laisserez ici votre bâton de marche et ôterez vos capuchons afin d’être reconnu de tous : soyez châtiés si jamais vous nous mentez.

Il se retourna rapidement vers Lost Ore dont le visage était toujours recouvert de sa capuche. Ils risquaient fort de se faire arrêter si jamais le loup blanc dévoilait inopinément son faciès. En gage de bonne foi il enleva lui-même son capuchon pour dévoiler ses cheveux bruns et sa figure tannée par le soleil.

- Quant à mon ami il ne lui est pas possible de révéler au grand jour les aspérités monstrueuses de son visage. Je vous pris d’être indulgent envers un survivant de la peste. Fort affecté par cette maladie il présente toujours un visage grêlé et je crains que vous ne supportiez sa vue.

Le soldat sembla se méfier une nouvelle fois mais fit un signe de tête pour acquiescer à sa nouvelle demande. Décidément, il s’agissait de son jour de chance. Il retint un sourire en pensant au débit de mensonges qu’il venait de proférer ces dernières minutes. Lost Ore ne devait guère apprécier de passer pour un souffreteux quelque peu démuni et aux ordres d’un marchand de vaches devenu soudainement forgeron officieux des hauts dignitaires royaux. Peu importe, ils pourraient entrer à présent.

Il fit signe à Forlong d’avancer avec l’épée et de suivre en sa compagnie les gardes désignés par le lieutenant de la Porte : il reconnut ses insignes sur son épaule lorsqu’il se retourna. C’est ainsi que la drôle de compagnie pénétra dans le Palais, les gardes plus méfiants que jamais.

Il repensa en cet instant à ce que lui avait dit Lost Ore. Il connaissait Gilgamesh, et suffisamment bien pour le décrire sous ses plus beaux jours : « le vieillard ». L’épithète signifiait à elle seule la façon dont Forlong considérait le Supérieur des services internes de la Cité Blanche. La nouvelle le perturbait cependant. Comment se faisait-il que Gilgamesh en personne n’avait pas envoyé une missive, ou un personnage plus officiel pour faire quérir le Loup Blanc ? Son enrôlement au côté du Gondor devait-il demeurer secret ? Serait-il une forme d’arme ou de botte secrète dans le jeu politique entre le Gondor et l’Arnor ?
Il ne savait ce qui se tramait actuellement en Rohan ni si le Gondor avait réellement pris parti pour ou contre le nouveau roi intrônisé. Quel était sur ce point l’avis du roi d’Arnor ? Un conflit serait-il à prévoir qui nécessitait l’intervention d’une personne telle que l’ancien capitaine de cette contrée septentrionale ? Gilgamesh avait-il seulement fait le lien entre l’ancien capitaine du Gondor et l’acutel Lost Ore ? Lorsqu’il lui avait parlé de Forlgon Neldoreth lors de sa première et seule entrevue avec lui Gilgamesh n’avait pas réagi, ou avait fait mine de ne pas réagir … Une multitude de questions l’assaillaient à présent.

Il se rapprocha de Lost Ore pour répondre, certes avec du retard, à la remarque du Loup Blanc. Ces mots ne furent que murmurés.

- Il n’est pas coutume pour les services royaux de faire mander un assassin pour lui proposer un contrat. Ces gens là entrent ou sortent plus souvent sur le dos et allongé sur une planche si vous voyez ce que je veux dire. Cette offre n’a rien d’officielle, tout comme votre statut.

Il savait pertinemment qu’il se montrait quelque peu agressif et pédant, mais son attitude ne le préoccupait pas en l’instant. Il espérait simplement que Gilgamesh se manifesterait au plus tôt afin d’éviter toute incartade inattendue. La présence des gardes rendait l’atmosphère lourde et menaçante pour lui.

#Gauvain

Forlong avait toujours prefere le confort de sa vieille veste en cuir aux ouvrages magnifiques des armuriers gondoriens. Au combat, du moins a pied, il preferait la rapidite a la protection souvent douteuse d'une armure complete.
Cependant il ne pouvait s'empecher d'apprecier la beaute des  plastrons des gardes, et de leurs armes.

Ses levres se deformerent en une grimace ironique sous sa capuche; ils etaient tombe sur un lieutenant particulierement ennuyeux...naturellement, ce dernier remplissait a merveille les criteres d'un garde parfait; son but apres tout etait d'assurer que personne d'inadequat ne penetre dans le palais.

La surprise fut facile a voir sur le visage du capitaine en exil lorsque l'espion utilisa le nom de "Gauvin". Une autre ombre venant l'hanter du passe...son vieil ami, le jeune lieutenant de l'Arnor. Ce marchand connaissait t'il aussi cet aspect de son passe? Ou etait ce un simple hasard? Apres tout il s'agissait d'un nom populaire au Gondor...
L'homme barbu etait rempli de surprises.

Le dunadan fut surpris en entendant les dires de Nathanael. Ce marchand de bovin avait un talent particulier pour le mensonge, a un tel point que celui semblait bien plus probable que la verite....curieux. Forlong decida de ne croire a aucune chose que Nathanael lui dit depuis leur rencontre. Son identite, son metier, ses intentions...il fallait se mefier.
La ruse le decrivant comme une victime de la peste etait un chef d'oeuvre...chaque habitant du Gondor, et surtout un haut grade de la garde de la Porte, qui devait servir  l'Arbre Blanc depuis des annees, avait dans sa memoire les souvenirs terribles de l'epidemie cruelle qui ravagea les rues de la Cite Blanche cinq annees auparavant...

Cette fois, lorsque Nathanael lui adressa la parole, il ne repondit pas d'une voix severe et mefiante, mais chuchota avec ironie:

-Si jamais je sortais d'ici en tant que cadavre sur une planche, notre cher lieutenant serait encore capable de refuser de me laisser sortir avant que je ne lui montre mes papiers.


Derriere ces paroles remplies de sarcasme, et derriere le tissu epais de sa capuche, Forlong etait nerveux...au bout de ce couloir du palais, un tournant l'attendait...un tournant dans sa vie. Allait il y trouver la mort? La prison? Une disgrace? Ou bien allait il y trouver un chemin vers son honneur perdue...

#Forlong #Nathanael

Si la présence des deux gardes avait quelque chose d'oppressant, il fallait avouer qu'elle avait aussi un côté comique, du moins pour quiconque pouvait les voir de face, ce qui n'était pas le cas de nos deux compagnons. En effet, on lisait un certain malaise sur le faciès des deux soldats car, s'ils savaient que le vieux Gilgamesh gratifiait souvent la salle des Archives de sa présence, ils n'étaient pas sûr du tout de trouver le chef du Service là, et il faut l'avouer l'endroit où il se trouve n'est pas une information qu'on peut obtenir partout. Or, nos deux bons soldats paraîtraient bien fins si après avoir finalement autorisé l'accès à ces deux étrangers, ils se retrouvaient incapables de les mener jusqu'à leur interlocuteur.

Mais ils ne devaient avoir crainte, car le destin, ou plutôt Gilgamesh, allait s'en charger. Les deux hommes menaient la marche, et à voix basse se demandaient que faire. les deux visiteurs suivaient derrière, distants d'un mètre au moins. Or soudain au détour d'un couloir, une main sortit du mur et happa Nathanael, puis Forlong, et le passage secret se referma derière eux. Les deux gardes continueraient sans doute leur chemin un moment, et il leur faudrait sans doute quelques instants de rélfexion par après pour comprendre ce qui se serait passé.

Gilgamesh les accuellit de cette manière :

"Etes-vous idiot ou tenez-vous à paraître le plus supect possible ? Dites que vous m'apportez une armure et une lance de cavalerie la prochaine fois ! Vous pensez vraiment qu'à mon âge on me voit encore souvent m'exercer à la lame ?"

Cependant le visage du vieil homme se décrispa et il continua d'un ton davantage bienveillant :

"Ah ! Qui vois-je ? Mais on dirait que vous avez réussi à le persuader. Bienvenue dans le Palais, messire Lost... quel est son nom exact, déjà ?"

#Gil #Gilgamesh

Célérité et discrétion. Il n’eut guère le temps d’esquisser un sourire à la remarque de Forlong qu’il sentit le col de sa chemise serrer étroitement sa gorge. Une main l’avait happé derrière un pan de mur, et le temps d’une seconde il eut la sensation d’avoir réellement passé au travers de celui-ci. Bien qu’emplie de réprimandes et d’une certaine colère la voix de Gilgamesh fut une amie rassurante le temps qu’il se ressaisisse. Il vit un moment le visage du vieillard beaucoup plus proche du sien qu’il ne l’aurait souhaité. Il se redressa vivement une fois qu’il eût compris où il se trouvait à présent. Un rapide coup d’œil lui apprit que Lost Ore se trouvait toujours à ses côtés, l’épée à la main.

L’épée … La remarque de Gilgamesh le piqua au vif. Il se retint cependant de toutes paroles acerbes. Le vieil homme avait quelques piques verbales toujours blessantes qu’il ne souhaitait pas prendre en pleine figure aujourd’hui. Il n’était pas d’humeur. Il ne se priva pas cependant d’exprimer son sentiment sur la question.

- Il est des lames qui ne connaissent que le fourreau et la cuisse de leur détenteur. Les soldats paradent bien assez souvent ainsi pour en savoir quelque chose…

Il se tut rapidement pourtant. Sans quoi il se jetterait inconsciemment dans une diarrhée verbale qui lui coûterait outre son poste, son honneur et sa liberté sans doute. Il n’avait su définir à quel point pouvait être influent un homme comme Gilgamesh. Qui plus est selon lui, son but avait été accompli, quels que soient les moyens utilisés. Ils éaient parvenus à entrer dans le Palais sans créer d’incartades dramatiques pour Lost Ore. L’homme était vivant et plus ou en moins en bonne santé devant le responsable des services secrets de la Cité Blanche. Qui plus est il avait mis moins de deux jours à le retrouver et à le convaincre de se présenter devant un membre du Palais.

Le ton de Gilgamesh changea avec les paroles suivantes, et il se mordit la joue en pensant à la bêtise dont il pouvait faire preuve parfois en s’emportant inutilement. Il se maudit intérieurement sans s’enfoncer d’avantage.

Quelques questions se présentèrent à son esprit. Il ne parvenait pas à cerner la crédibilité de Gilgamesh et la véracité de ses propos. Menteur et habile maître des mots et des situations ou vieil escogriffe fabulateur et un peu gâteux ? Contre toute prise de décision il lui semblât que l’esprit de Gilgamesh pouvait être tout aussi vif que radoteur. Il ne parviendrait sans doute jamais à déterminer quand le vieil homme croulant était joué volontairement ou naturellement subit, produit des nombreuses années passées dans les Archives et entre les murs du Palais.

Il répondit à la place de Forlong, Gilgamesh ayant utilisé le possessif « son », comme si le Loup Blanc n’était pas présent à ses côtés.

- Lost Ore a librement accepté de vous rencontré Gilgamesh. Il est ici pour entendre les termes du contrat que vous voudrez bien lui proposer.

Il lui semblait pourtant avoir compris que Forlong avait plusieurs fois rencontré la Tête. Réalité ou fabulation ? L’un ou l’autre mentait en tout cas. Mais il ne savait qui soupçonner. Il espérait à présent que Gilgamesh n’invente pas tout un nouveau scénario le faisant passer pour un implacable menteur véreux. Ce qu’il était d’une certaine façon lorsqu’il agissait en tant qu’espion. Certes. Mais il avait avancé certains propos auprès de Lost Ore qu’il souhaitait être réels et non mensongers. Sans quoi le Loup Blanc se sentirait trahis et toutes tentatives de négociations échoueraient.

Mais qui échappait réellement aux griffes de Gilgamesh une fois celles-ci refermées sur leur proie ?

Lorsque Forlong fut soudainement tire en arriere, sa main gauche atrappa sa dague avec une rapidite digne d'un predateur...le fer brilla dans sa main, il se retourna sur place pour affronter son agresseur et...il baissa sa lame en voyant Gilgamesh.
Cependant, une rage froide remplit le coeur du capitaine en exil lorsqu'il entendit les paroles du vieillard. Il en avait marre...il en avait marre de ce jeu complexe duquel in ne comprenait qu'une petite partie de regles, et dans lequel il etait cense etre le fou, mais s'averait etre simple pion...

Ses yeux brillaient comme la glace, et sa voix avait une ressemblance etrange au grondement d'un loup juste avant qu'il n'attaque sa proie:

-Si vous n'etes plus apte a vous exercer a la lame, vous devriez au moins avoir le bon sens d'exercer vos bonnes manieres, car celles ci sont plus rouillees qu'un plastron gobelin.

Il regardait Gilgamesh droit dans les yeux, et continuait, d'une voix calme et uniforme, mais remplie de colere condensee:

-Depuis quand oublie t'on les noms des personnes qu'on souhaite mettre au service de l'Arbre Blanc, maitre Gilgamesh...? Vos cheveux blancs justifient peut etre vos problemes de memoire, mais ne vous permettent pas de me traiter d'idiot. Apres tout, ma chevelure est aussi blanche que les pics enneiges des montagnes du Gondor, et je ne commence point ma conversation par vous traiter de cretin.

Forlong rengaina son poignard tout en parlant, puis se tut pendant un long moment, une grimace aigre sur son visage severe. Il calma sa respiration, et relaxa ses muscles tendus, prenant a nouveau le dessus sur ses emotions...
Il continua, d'une voix plus douce:

-Je suis venu ici pour entendre une proposition...et je l'entendrai volontiers...mais je n'ai pas traverse les sept niveaux de la cite pour ecouter des menaces, et des insultes, ni pour jouer aux petites intrigues de la cour. Alors parlons comme des hommes adultes que nous sommes...je vous ecoute, messires.

L'homme aux cheveux blancs ne connaissait pas vraiment Gilgamesh...ils s'etaient vus quelque fois, c'est vrai. Mais jamais seuls face a face. Il s'agissait toujours d'une mission de la part de l'Intendant ou du Roy Mephisto, ou d'une distribution de recompenses...Gilgamesh etait, comme Radamanthe auparavant, une eminence grise au palais, une ombre omnipresente mais invisible aux yeux du peuple. Gilgamesh se rappelait t'il de Forlong? Ou connaissait t'il juste Lost Ore, le justicier du Bas de la Cite?

Les paroles froides de Forlong allaient peut etre lui couter la vie...ce serait tres simple pour ce vieillard, d'appeler quelques gardes et leur ordonner de tuer le Loup Blanc, ou de l'enfermer dans le plus sombre de cachots...
Cependant le dunadan ne regrettait pas ses paroles; il etait las de ce jeu douteux, et ne tenait pas suffisament a sa vie pour redouter les consequences de ses actes.

Le vieux Gilgamesh ne pu s'empêcher de découvrir un instant ses dents blanches dans un sourire satisfait comme il constatait qu'il avait réussi à vexer ses deux interlocuteurs en deux répliques seulement. Cela le réjouissait. Ses dicussions étaient quelque peu monotones depuis qu'il n'y avait quasi plus personne au chateau. Rien de tel que quelques reproches déplacés pour pimenter une conversation.

"Tetete... Ne mettez pas ma mémoire en cause, jeune homme. Moi, je suis encore sûr de connaître mon nom à moi... Mais certains pourraient se demander si c'est votre cas. Car je vous prie de m'excuser pour cela mais bien qu'un peu fou, je ne suis pas sot. Je suis capable de faire des recoupemets. Et, je dois l'avouer, j'ai quelques contacts en Arnor qui en savent long... Je ne vous invitais qu'à confirmer mes soupçons, mais passons, passons."

Les noms, il l'avait déjà dit à Nathanael lorsque celui-ci s'était présenté à lui, étaient des choses bien étranges à laquelle on faisait dire tout ce qu'on voulait. Lui même n'y accordait guère d'importance, même s'il n'avait jamais jugé utile de révéler à quiconque si Gilgamesh était un pseudonyme ou pas.

"Continuons, oui. Si mes manière sont exécrables, vous-même êtes trop bons, vous me faites passer pour trop généreux. Je ne pense pas vous avoir insulté vous, ni même vous avoir menacé. Mais si vous y tenez : Sinistre concentré de sanglier bouilli, ruminant attardé et prétentieux, je vous conseille de devenir tout de suite un pinson corniaud parlant le Khuzdul, sans quoi je vous ferai fouetter les pieds à coup de jambon pendant que je chanterai, et puis je vous forcerez à avaler un repas de mon meilleur élément, qui, bien qu'espionne remarquable, est une une cuisinière pathétique."

Gilgamesh prononçait ces paroles avec un air menaçant qui n'était pas coutume au vieillard, et sa voix s'était faite grave tandis qu'il parlait, il ne cilla pas un instant et ses yeux plongés dans ceux de Forlong lançaient des éclairs.

"Bien. Ceci rétabli, parlons en adultes, en effet. Je vais vous faire entendre cette proposition, bien entendu. Elle est simple en fait. Au lieu de faire régner la justice dans le Bas de la Cité comme un vengeur masqué, rejoignez l'Arbre Blanc et faites de même à notre compte, et ce dans un bien plus grand intérêt que celui du Bas de la Cité..."

A nouveau, le contraste était saisissant. Ces derniers mots avaient été prononcés dans un calme parfait, et la voix du vieillard avait retrouvé ce chevrottement folklorique qui était le sien.

Le fait que Forlong etait bien plus grand que le vieux Gilgamesh ainsi que la nature originale des insultes du vieillard firent que ce fut au tour du dunadan de montrer ses dents dans un sourire rempli de sarcasme.

Ses vetements sombres contrastaient avec son teint pale et ses cheveux blancs, lui donnant reellement l'apparence d'un spectre malefique plutot que d'un homme en chair et en os. Il avait remis Lunerill dans son dos, et la garde impressionnante de son epee batarde depassait par dessus de son epaule.
Les yeux profonds du dunadan vinrent a la rencontre du regard de Gilgamesh, et l'affronterent sans un clignement.
Il finit par dire:

-Je dois avouer que mon occupation actuelle commence a me lasser. Chaque violeur ou tueur devient une victime innocente aux yeux du peuple lorsqu'il perit de la lame du spectre du Bas de la Cite...et la milice est plus pourrie qu'une pomme rongee de l'interieur par un ver.
Des hommes puissants leur payent suffisament d'argent pour qu'ils ferment les yeux, et permettent le marche noir et les autres activites illegales dans la Cite Blanche. Mais vous devez savoir tout ca...meme si ca ne vous concerne pas. C'est le haut de la Cite qui doit briller, n'est ce pas? Les pierres de la tour d'Ivoire doivent etre propres et briller au soleil, mais le bas de la Cite est invisible aux yeux du monde.

Encore une fois Forlong s'etait permis de sortir un monologue amer sur les cinq dernieres annees de sa vie...Meme cet homme froid du Nord lointain avait difficile a cacher a quel point il se sentait inutil et impuissant.
Mais il se calma aussitot, et dit:

-Dans un bien plus grand interet vous dites...J'attends des precisions maitre Gilgamesh. Maitre Sangar, ou peu importe quel est son nom, ne m'en a pas dit plus.

L’intimité de Lost Ore semblait se dévoiler petit à petit. Son regard était une fenêtre ouverte en son âme, tandis que les yeux de Gilgamesh semblaient être la pioche qui arrache à la roche ses métaux précieux. Roc et extraction. Gilgamesh avait toute l’habileté requise pour faire parler un homme, même muet. Forlong quant à lui s’il savait se montrait froid et distant brûlait intérieurement d’un feu qu’il ne contenait plus guère à présent. Il n’approuvait pas la réaction de Lost Ore, sa vivacité agressive pour dégainer son poignard, mais c’était sans doute pour celle-ci pourtant que Gilgamesh l’avait convoqué au palais.

Il s’était lui-même ressaisit et comprenait mieux à présent le risque qu’il avait pris de faire passer Gilgamesh pour un fin bretteur en lui apportant une nouvelle lame. Fort heureusement les gardes avaient manqué de jugeote. La réaction de Lost Ore apparaissait un temps soit peu démesurée … celle de Gilgamesh l’en surprit d’autant plus. Il haussa les sourcils puis les fronça dans une même fraction de seconde. Il lui semblait avoir manqué quelque chose … puis il maîtrisa tant qu’il pu un fou rire soudain. Le vieux fou avait des ressources inattendues. Profitant de n’être plus la source de toutes les attentions, il esquissa un geste pour mettre ses mains devant son visage et mimer une forte toux. Ayant participé durant de longues années à l’organisation de petites pièces de théâtres pour donner vie à ses contes, il trouvait qu’en l’instant la situation n’avait rien à envier aux scènes burlesques.

Il se remémora un instant son dernier entretien avec Gilgamesh. Il avait fait mine de ne pas connaître le nom de Forlong, mais sans doute s’était-t-il tu pour voir si lui-même savait quelque chose sur son actuelle cible. A présent tout au contraire il se présentait comme détenteur de nombreuses informations sur Lost Ore. L’allusion au changement de nom du Loup Blanc et à ses origines n’avait rien d’innocent.

L’allusion suivante, celle de son « meilleur élément » fut pour lui plus intéressante. Qui était-elle ? Puisqu’il semblait s’agir d’une femme. Combien de personnes étaient en relation directes avec Gilgamesh, combien se connaissaient entre elles, sous leur fausse ou leur réelle identité ? Le vieillard était-il le seul lien entre tout ce petit monde ? Il découvrait peu à peu l’étendue complexe du vaste réseau de relations révélées ou secrètes de la Tête des Services de l’Arbre Blanc.

Les termes du contrat se précisaient à présent. Ne disant mot, il ne se fit pas sourd pour autant. A quel titre serait présenté Lost Ore dans l’avenir, et sous quel nom ? Comment réagirait la milice, les gardes que Forlong avait nargué d’une certaine manière depuis ces cinq dernières années ? Autant de questions qu’il se posait et dont il se chargerait plus tard d’obtenir une réponse.
Il s’abstint de tout commentaire quant aux accusations de Lost Ore vis-à-vis de la milice. Inutile babillage s’il en est. La situation ne changerait pas avec la nomination du Loup Blanc à un quelconque haut poste. Il partageait cependant son point de vue moral sur la chose. Mais la morale n’existe pas en politique : l’être politique est amoral par excellence. Forlong lui-même le devint un moment : l’attrait de l’honneur et de la gloire lui fit rapidement délaisser ses sains souvenirs de petites batailles individuelles. La veuve et l’orphelin étaient abandonnés pour un profit tout personnel.

Gilgamesh écouta avec une patience qui ne lui étais pas coutumière les maintes reproches sur la situation du Bas de la Cité de cet homme mystérieux aux cheveux aussi blancs que les siens. Il s'y attendait, en fait. Il y a deux raisons pour laquelle on devient justicier. Soit on ressent précisément les sentiments qu'il venait d'évoquer quelques instants plus tôt, soit on a les même ambitions que quelqu'un comme Warin, et on ne cherche qu'à amasser la gloire dans l'optique de quelque coup d'état. Mais dans ce dernier cas, on évite généralement de rester anonyme...

"Certes la situation du Bas de la Cité est préocupante, mais moins qu'il y a quelques années, quand elle était tout simplement sur le point d'être éliminée par le feu d'un certain Tungstène Argon Indium..."

Gilgamesh se tut après se charabia qui devait pourtant bien dire quelque chose. Le vieil homme était connu pour parler par énigmes...

"Mais je dois vous rectifier sur un point. Ce n'est pas le haut de la Cité qui m'intéresse, mais le Gondor tout entier. Il est vrai que l'activité de quelques brigands de bas étage parmi les petites gens ne m'empêche pas de dormir la nuit. Mon travail est que les frontières du Gondor soient en paix et, à vrai dire, pour le moment, je pense qu'il vaut mieux vivre dans l'ombre des premiers étages que dans la campagne frontalière, avec ce qui s'y trame... Vous voyez certaineemnt ce que je veux dire..."

Gilgamesh darda Lost Ore de son regard perçant. Il reprit.

"Le poste que je vous propose concerne le Gondor tout entier, et par extension, une mission commune à tous les Royaumes Libres. Il n'entraînerait en rien votre sortie de l'anonymat de par sa nature discrète, en effet mes Agents sont généralement inconnus du grand public. Au niveau financier, vos anciennes fonctions ne seraient pas à envier..."


/Désolé pour le retard/

Forlong jetta un coup d'oeil rapide sur Nathanael. Espion? Marchand de bovin? Ou les deux? La derniere option etait la plus probable...en tout cas le vieillard semblait lui faire suffisament confiance pour devoiler les details du contrat devant lui. Qui sait...peut etre que ce...Sangar ecoutait attentivement, pour apres devoiler ces informations a ceux qui essayaient de tuer le dunadan. L'homme aux cheveux blancs avait appris au cours de ces cinq dernieres annees a s'attendre au pire de la part des autres. Cela evitait les deceptions.
Cependant il oublia bien vite l'idee que Nathanael puisse etre un double agent...apres tout ce vieux Gilgamesh semblait trop fute pour recruter des espions infideles.

Il tourna a nouveau sa tete vers le vieillard. Gilgamesh etait vieux et excentrique...certains diraient meme fou, meme si l'intelligence brillait dans ses yeux. Ses manieres irritaient quelque peu le dunadan, mais il avait a present appris qu'il ne servait pas a grand chose de se mettre en colere devant le vieil homme. Il ne put cependant pas s'empecher de serrer ses dents en entendant l'expression "quelques brigands"...Plusieurs images lui vinrent a l'esprit; des viols brutaux, des corps horriblement mutiles, des scenes de violence excessive...tout ca se deroulait tous les jours dans le bas de la Cite...et cet homme se permettait de le negliger.

Mais il devait avouer que peu de gens savaient ce qui se deroulait dans le bas de la Cite...et lui meme l'ignorait, ou du moins preferait ne pas le remarquer il y a quelques annees encore. Cet homme assurait la securite du Gondor. Il ne pouvait s'occuper de tout...
Le dunadan relacha ses muscles, et dit:

-Oui...on peut dire qu'il vaut mieux d'abord s'occuper des ennemis externes avant de soigner ses propres infections et cancers. Votre offre m'interesse, du moins pour le moment...mais quel est ce danger qui menace les Peuples Libres? Depuis la Grande Bataille dans le Nord les seuls vrais ennemis de nos soldats sont la rouille qui ronge leurs epees ainsi que l'exces de bonne nourriture.
Que se passe t'il a nos frontieres? Et en quoi consisterait exactement mon travail?

Des nombreuses suppositions traversaient son esprit...les suderons furent vaincus il y a cinq ans, et meme si le Sud etait toujours un nid de viperes, il faudrait encore des longues annees avant qu'il ne devienne a nouveau un danger reel pour les Peuples Libres. Un conflit entre les differentes races? Les nains s'isolaient ces derniers temps, c'est vrai...Ou bien s'agissait t'il des evenements au Rohan? Forlong n'etait pas au courant de tout ce qui se passait dans le pays des Maitres des Chevaux, mais les nouvelles lui semblaient inquietantes...

Nouvelles énigmes et paroles intrigantes. Il savait pertinemment à qui Gilgamesh faisait référence, mais il mit beaucoup plus de temps pour comprendre l’allusion aux métaux. Il ne sut identifier le symbole du premier, mais les deux suivants comportaient suffisamment de lettres pour qu’il puisse retrouver le nom de Warin en ce charabia inattendu.

Le discours du vieillard se fit plus intéressant à mesure que la conversation avançait. Agir au nom de l’Arbre Blanc, il le savait, impliquait que tout intérêt personnel ou petites querelles de bas étages soit délaissées au profit de l’intérêt du ru royaume et du trône. Mais si le Haut de la Cité n’était affectée d’aucun trouble quel malheur plus grand pouvait craindre Gilgamesh ?
« Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, il n’est pas pire aveugle que celui qui ne souhaite pas voir … bougre d’idiot ! ». Remontrances personnelles.

La demi-année passée il avait eu vent de l’évasion de Balthazar le Noir. Il s’était empressé d’obtenir plus d’informations à son sujet. Rapidement les rumeurs avaient suivi l’odeur des cadavres laissés sur la route du mage noir. Balthazar avait recouvré une grande part de son prestige d’antan auprès de nombre de proscrits et de renégats en mal de reconnaissance. Il avait levé une petite armée disait-on avec laquelle il se faisait un plaisir de semer la mort sur les terres du Gondor. Des villages entiers avaient été ravagés par sa vilénie et sa cruauté sans borne. Aux frontières du Gondor il ne voyait pas d’autres menaces, ou du moins n’en avait-il pas encore été averti. Il ne savait rien encore de ce qui se tramait au Rohan. Il avait eu connaissance comme tout citoyen de l’auto-nomination d’un nouveau roi, nommé Hogorwen, suite au décès de Theneor. Mais les évènements suivants lui étaient encore inconnus. Mais en soi Méduseld ne se trouvait pas directement sur les frontières du royaume de Gondor.

Il prit le risque de s’investir personnellement en interrogeant Gilgamesh. Peut-être le vieillard l’éloignerait-il ensuite de Lost Ore et de cette nouvelle mission, mais en l’instant sa curiosité était piqué au vif.

- Parlez-vous de Balthazar le Noir et de ses hordes personnelles ? Les massacres se multiplient dans les plaines sans qu’aucun innocent ne survive. Rares sont ceux qui ont échappé aux tueries, non par pitié dit-on, mais bien par cruauté afin qu’ils narrent aux vivants le sort que les morts ont subi.

Si jamais Gilgamesh envisageait d’envoyer Forlong lutter contre cette monstruosité de la nature, il aurait lui-même préféré demeurer dans les turpitudes du Bas de la Cité.

Quant aux agitations naines il ne possédait guère d'informations à ce propos en l'instant. Depuis longtemps il s'était tourné vers la politique intérieure de la Cité et il manquait de substance en terme de politique éxterieure.

Gilgamesh afficha une moue dubitative suite aux paroles de Forlong, et on cru même pouvoir deviner un rictus passager se dessinner sur ses lèvres. Il répondit d'un ton sarcastique :

"La rouille fait beaucoup de victimes dans ce cas ces derniers temps, messire Lost Ore. J'ai l'impression que vous avez passéun peu trop de temps à ne vous soucier que du bas de la Cité. Maître Nathanael ici semble être bien plus au fait de l'actualité. Mais Balthazar n'est pas la seule menace. Les dernières nouvelles du Rohan sont tout aussi préocupantes, mais ces nouvelles ne sont guère explicites, l'Intendant semble ne pas avoir pu rédiger lui-même le code pour une raison que je n'ai pas compris et l'agent qui s'en est chargé ne semblait pas familié avec le système de cryptage que j'utilise habituellement avec Radamanthe."

Mais le vieillard se rendait donc que s'il continuait plus en avant la discussion dans ce genre de détails, il risquait de s'embarquer malgré lui dans un cours sur les messages codés qui, bien qu'il serait nécessaire un jour pour ces nouvelles recrues, n'était pas la priorité. Aussi, la partie sensée de son cerveau le ramenna au fil principal.

"Mais d'autres s'occupent de ces affaires, avec, je le crains, un succès tout relatif. Nous devrons donc veiller à ce que les prochaines opérations aient plus de succès. Je vous félicite d'ailleurs pour votre première mission, agent Nathanael. Votre prochaine tâche sera également une mission de recherche. J'ai entendu parler d'une histoire pour le moins intéressante qui, si je ne m'abuse pourrait nous apprendre beaucoup. Les bribes d'informations que j'ai ne me permettent pas de vous en dire beaucoup, je n'ai même pas réussi à retrouver le nom de toutes les personnes concernées. Mais voici ceux que vous devrez retrouver : ils se nomment Marach et Hirlon, deux jeunes garçons qui devraient être aux alentours de leur majorité actuellement. Au moins l'un d'eux a tenté de rnetrer dans l'armée, je crois."

Gilgamesh s'interrompit un instant. Ce qu'il devait dire par la suite était plus délicat, et il réfléchit un moment sur ce qu'il pouvait se permettre de divulguer ou non, et comment le dire.

"Il faudra leur demander de se souvenir d'il y a cinq ans. Cela devrait suffir à leur voir de quoi il s'agit. Je ne veux pas vous en dire plus dans l'optique où vous vous feriez prendre par eux. Je ne veux pas prendre le risque de leur dévoiler ce que nous savons. Prenez garde, je ne sais pas où cette mission peut mener...
Lost Ore, maintenant, aura une tâche inverse, il cherchera pas des informations pour nous mais traquera ceux qui en donnent à l'ennemi... Il se peut que vous soyez ammenés à collaborer, cependant. Venez que je vous explique cela en détails. Quant à vous, agent Nathanael, bonne chance."

Le vieillard était-il toujours aussi acerbe ? L’incessante fuite de Lost Ore lui était à présent explicitement reprochée. Il repensa un bref instant à ce qu’il avait dit plus tôt dans la journée au Loup Blanc : « il est doux de bénéficier de l’ombre de l’Arbre Blanc … tant que cette ombre ne se fait pas ombrage ». S’attacher à servir la Cité Blanche n’avait pas que des avantages. La gloire et l’honneur avaient un prix. Forlong n’agirait plus en expiateur solitaire, les ordres lui viendraient à présent de supérieurs prêts à le perdre si jamais il commettait un faux pas. Ce qu’il avait quitté en sa contrée natale, il le retrouvait à présent.

Mais il délaissa ces pensées qui ne lui appartenaient pas. Il avait suffisamment à faire pour ne pas se préoccuper d’évènements qui ne le concernaient plus directement. Ce que Gilgamesh leur rapporta l’inquiéta un tant soit peu : que se passait-il au Rohan ? Son roi, parce qu’il le considérait toujours ainsi en son âme, Théneor, avait rejoint le tertre où siégeaient ses ancêtres dans l’autre monde. Hogorwen lui succéda, comme il se devait. A tout roi succède un autre roi. Ainsi allait les choses.

Malgré toutes les relations qu’il avait pu tissé au Rohan durant ses années de pérégrinations jamais il n’avait considéré comme utile de tisser une toile d’informateurs ou du moins de messagers. Sa solitude lui avait toujours été un avantage, elle s’avérait être une faiblesse en ce jour.

Enigme, cryptage, code et messagers. Le service de l’Arbre Blanc serait toujours plus complexe que Nathanael le pensait. Aurait-il droit un jour d’être initié à ces systèmes de codage ? Mais Gilgamesh coupa court à ces brèves explications et ramena la conversation à des sujets plus concrets et qui les concernaient plus directement, lui et Forlong.

Il fit un petit signe de tête pour remercier le compliment du vieillard tandis que son estomac le rappelait à l’ordre. Il espérait que le discours de Gilgamesh se ferait bref et concis. Depuis l’instant où il avait retrouvé Lost Ore jusqu’à ce moment il n’avait guère eu le temps de prendre quelques nourritures. Au-delà de son allégeance au Gondor, il ne pouvait délaisser les premières nécessités d’un homme, et sa plus urgente mission personnelle serait de se restaurer.

« Pour le moins intéressante … » La phrase de Gilgamesh fit échos en son esprit. En quoi la recherche de deux gamins pouvaient-elles recouvrir quelque chose d’intéressant ? Le vieil ne disait pas tout, c’était certain. « Qui pourrait nous apprendre beaucoup … » mais sur quoi donc ? Gilgamesh parlait toujours comme si ses interlocuteurs étaient omniscients ou du moins aussi informé que lui-même. Il fronça les sourcils en entendant la suite de ses paroles. Les deux noms ne lui disaient strictement rien. Il aurait très bien pu les avoir déjà rencontré qu’il n’aurait pas pu alors associer ces noms à des visages. Et ici la Bibliothèque ne lui saurait d’aucun secours. Une nouvelle fois ses pas le mèneraient dans les ruelles de la Cité Blanche.

Espionnage et contre-espionnage. Le Gondor avait le bras long, mais combien de doigts possédait-il réellement au bout de cette main extensible ? Gilgamesh le congédiait aimablement. Il lui faudrait reprendre les sombres couloirs du Palais avant de regagner la lueur du jour. Il fit de nouveau un signe de tête en direction du vieillard pour lui signifier qu’il avait bien enregistré la totalité des informations citées. Il se tourna ensuite vers Forlong dont l’épée dépassait de son dos.

- Que votre route soit moins tortueuse et moins sombre que ce qu’elle fût jusqu’à présent. Je vous le souhaite. Bien que la lumière et son éclat puissent brûler parfois…

Il salua les deux hommes et leur tourna le dos pour rejoindre les passages plus officiels. Il eut un doute un moment quant au moyen de faire reparaître la porte par laquelle ils avaient pénétré entre les murs. Mais rapidement il perçut dans la faible pénombre un mécanisme activant, il l’espérait, l’ouverture du mur. Une étroite lueur lui parvenait depuis l’extérieur. Il y apposa l’œil afin de s’assurer que personne n’errait au devant des passages secrets. Pas une âme qui vive. Il activa le mécanisme. Une ouverture se créa entre les pierres au travers de laquelle il se glissa pour quitter le Palais.

Marchant discrètement le long des couloirs, il eut un sourire pour lui-même. Gilgamesh l’avait appelé par son nom devant Forlong. Mais peut importe après tout, il avait tellement cité lui-même de patronymes différents devant le Loup Blanc qu’une facette de plus ou de moins de son personnage ne ferait qu’embrouiller plus encore son esprit.

Le dunadan fut tellement surpris, qu'il accepta la critique venant de la part de Gilgamesh sans un mot. Balthazar le Noir...etait ce possible? Il le croyait mort, ou enferme dans le plus profond des cachots...comment se faisait t'il qu'il etait en liberte?! Et surtout, pourquoi Lost Ore n'en avait il pas entendu parler?
La solitude...telle etait la reponse la plus probable. Certes, il se renseignant de temps a autre aupres d'un informateur ou chez l'aubergiste, une source d'informations sans fond...mais ces echanges se faisaient toujours au prix de quelques pieces d'or, et les gens n'aimaient pas parler au spectre du bas de la Cite...Il y a quelques jours, ce fut une des premieres fois depuis cinq annees que quelqu'un lui avait parle par simple envie de conversation, et non pour alourdir un peu sa bourse.

Balthazar le Noir...Encore une ombre de son passe venue pour le hanter. Le visage moqueur de l'adepte du feu et de la mort apparut soudainement dans ses pensees, et un frisson parcourut son dos. Sa main se reserra sur le pommeau de son poignard, ses longs doigts caressant le bois recouvert de cuir et d'un fin fil de cuivre. Il ne pouvait pas laisser ce demon en peau humaine en liberte...il etait dangereux, et peu de personnes le savaient mieux que Forlong Neldoreth, qui l'avait une fois considere comme un frere d'armes et meme ami...

Trop d'evenements s'etaient deroules au cours de dernieres journees. Un signe des Valar? Forlong n'etait pas un homme pretentieux, et doutait fortement que les Seigneurs d'Arda se donneraient la peine de s'occuper de la vie d'un miserable dunadan aux cheveux blancs...mais il sentait que le temps des changements etait venu. Il etait pret a agir.

Nathanael. Ce nom, prononce par le vieux Gilgamesh, le reveilla de ses pensees. Le vieillard s'adressait a l'homme barbu qu'il connaissait sous un autre nom...etait-ce un faux pas de Gilgamesh, ou bien une nouvelle ruse?
Qui sait...

Il salua l'agent lorsque celui ci s'appreta a partir. Les paroles de Nathanael etait bienveillantes...meme si l'homme aux cheveux blancs se mefiait, encore et toujours.

-Merci, maitre..Nathanael. J'espere que vous remporterez un succes dans votre mission suivante, tout comme dans la premiere.

Lorsque l'homme barbu disparut de leur vue, Forlong se tourna vers Gilgamesh, intrigue:

-Je vous ecoute, maitre Gilgamesh...