Automne 274 du 4AQuelque part en Harondor. Le marteau frappait sa proie sur l'enclume avec une cadence rythmée. Le métal rougeoyant prenait forme sous les coups du forgeron, puis il fut baigné dans l'eau. Un important nuage de vapeur se dégagea alors et envahit tout l'atelier. L'homme ne broncha point, l'habitude du travail lui en avait fait oublié la sensation de chaleur extrême. Sortant la lame de métal froid du bac d'eau, il observa son oeuvre avec minutie. Et bientôt l'agréable impression du travail bien fait l'envahit, l'homme reposa la lame sur son établi puis plongea ses mains noircies dans une petite bassine d'eau claire. Il se rafraichit ensuite son visage, le frottant entre ses mains mouillées. Il retira son tabard de cuir usé et sortit de son atelier.
L'air était doux. Une agréable odeur de boeuf s'échappait de la cheminée de sa demeure non loin de là. Le forgeron aperçut alors une belle jeune femme appuyée sur le palier de la maisonnée. Elle le regardait avec tendresse et avec le sourire aux lèvres, le forgeron se dirigea vers sa femme aux cheveux couleur ébène. Il l'aimait tant...
Lui et sa femme restèrent assis sur les marches de la porte un long moment observant le soleil se coucher. Elle s'appuyant sur son épaule, lui embrassant ses cheveux sombres. Ils étaient si heureux ensemble depuis maintenant dix ans.
C'est alors qu'une silhouette apparut sur une colline. Un cheval sur lequel plusieurs formes se distinguaient difficilement, le soleil dans le dos. L'animal hennit bruyamment et se remit à galoper vers la demeure du couple. Le forgeron se leva, scrutant cet étranger. Il avait un mauvais pressentiment, il croyait connaitre cette personne. Il ne se trompait pas.
Le cavalier stoppa sa course effrenée à hauteur du forgeron. Il n'était pas seul, un jeune enfant était assis derrière lui, le visage affolé. Le cavalier semblait également tenir quelque chose dans ses bras. Il descendit de selle et s'approcha du forgeron. Celui-ci était véritablement surpris de cette arrivée.
"Qu'est-ce qui s'passe Gyrd' ?! Pourquoi as-tu ramené les gamins ?" Le cavalier était vêtu de noir, une longue toge à capuche, une cotte de mailles était en partie visible sous ses vêtements. Le visage fermé, l'homme tendit le linge qu'il gardait précieusement jusque là : un nourisson y dormait paisiblement malgré le vacarme que la cavalcade avait produit.
"Prends-les, Vlad. Ils seront en sécurité avec toi et Almia, puis plongeant ses yeux dans ceux du forgeron.
Manfred m'a retrouvé, il a envoyé ses hommes à ma poursuite. Katia est morte. Mais mes fils doivent vivre, Vlad, tu m'entends ?!" Vlad, le forgeron tendit le nourisson à sa femme qui le blotit contre sa poitrine avec passion. Son regard se tourna à nouveau vers son mari et le mystérieux cavalier, des larmes perlèrent sur son visage féminin.
"Et toi Gyrd' que comptes-tu faire ?" demanda Vlad.
Le cavalier était en train de faire descendre le jeune garçon, il n'avait pas dix ans. Ses joues étaient trempées de larmes, ce qu'il avait vu devait l'avoir choqué...
"Partir, loin. Ne jamais revenir Vlad, répondit-il.
Ces hommes ne me lâcheront jamais et s'ils savent que mes fils sont ici... Tu leur expliqueras quand ils seront des hommes. Je te confie ce que j'ai de plus précieux Vlad. Aime-les comme je les aurai aimé." Un regard suffit aux deux hommes pour se dire adieu. Montrer leur affection l'un envers l'autre n'était pas chose commune mais ils s'aimaient.
Le cavalier enfourcha sa monture et fit rapidement demi-tour pour disparaitre à l'horizon comme il était venu. Cet homme qui venait de tout perdre...
"Adieu, Gyrden Ibn-Lahad... Adieu mon frère."