L'enlèvement de Koshka [passé]

La tente qui se dressait dans la partie du campement dévouée aux voyageurs de Rhûn et de Khand en était pas vraiment une. Un énorme pavillon en tissu pourpre était relié à deux tentes plus petites mais néanmoins d'excellente qualité, alors qu'une sorte de véranda en tissu était dressé à l'entrée, protégeant du vent, de la pluie et du soleil. Quelques meubles en bambou se trouvaient sous ce dernier, ainsi que deux grands bols en cuivre dans lesquels on brûlait de l'huile parfumée. L'air était donc chaud et rempli d'odeurs orientales mystérieuses.

Un colosse se tenait au garde à vous devant l'entrée du pavillon, les mains posées sur le pommeau d'un sabre large planté dans le sol. Il était torse nu, son corps musclé mais quelque peu gras étant recouvert de cicatrices, et avait le crâne rasé. Ses poignets étaient protégés par des brassards de cuir ornés de piques d'acier.

Un autre homme était assis dans un fauteuil de bambou. Il avait les cheveux longs huilés, et des arabesques étranges peints sur le visage. Ses vêtements étaient dignes d'un noble, mais sa posture était celle d'un serviteur.


Il se leva en voyant les deux nouveaux arrivants, et les scruta d'un regard inquisiteur.

La femme aurait pu être attirante, mais ses vêtements amples et son regard trop osé ne plaisaient guère à l'oriental. Peu importe, elle n'était pas là pour les plaisirs charnels. Quant à l'homme...il n'inspirait pas confiance. Son regard était froid, son visage dur. Il ferait l'affaire.

Lorsque l'oriental prit la parole, les voyageurs purent comprendre rapidement qu'il n'avait pas été choisi pour ses talents linguistiques. Son accent était épais, et son vocabulaire limité.

-Vous êtes venus pour Koshka, oui? Le maître est...déstabilisé par la chose...

Ses mots furent ponctués par le bruit de verre brisé provenant de l'intérieur du pavillon, accompagné d'un juron Khandéen.

-Khorba pouvrait s'occuper de la chose, oui? Dit-il en montrant le colosse immobile du doigt. Mais Khorba parle pas la langue ici, connait pas la ville.

Même s'il connaissait la Langue Commune, Khorba ne semblait pas être le genre de personne qui résolvait les problèmes avec charme et éloquence.

Vous ramenez Koshka, le maitre très heureux. Vous aurez ce que vous voulez...or, faveurs, hommes, femmes. Koshka était enlevée hier, oui? Deux hommes, un grand, un petit, partis vers la ville.Koshka est petite, bayda...Il pointa le tissu blanc du véranda du doigt, voulant sans doute dire pâle, ou blanche. Caractère difficile, oui? Se laisse pas faire...Trouvez Koshka.


Il pointa du doigt en direction de la cité.

Une armure matelassée sur le dos, le regard dur et les épaules remontées, Is’d avançait d’un pas décidé en direction de la grande tente orientale.

Elle avait été enrôlée dans une auberge de Minas-Tirith par une de ces plus vieilles connaissances. Un homme qui avait l’oreille toujours ouverte et qui l’avait prévenue pour ce boulot. Elle avait immédiatement acceptée, attirée par l’appât du gain ainsi que par sa fierté féministe qui l’appelait à aider une jeune fille qui en avait surement bien besoin. Il avait fallu à la jeune femme a peine quelques heures pour rassembler du matériel et se mettre en route pour les champs du Pelennor.
Tout le gratin de la cité blanche était en ébullitions pour les affres du fameux mariage royal, mais toute cette agitation avait le don d’ennuyer Is’d, elle ne se sentait pas du tout concernée par cet évènement. Arrivée aux portes elle dut se frayer un passage dans la foule de misérable voulant pénétrer la cité pour parvenir a, elle, en sortir. C’est à peine quelques mètre avant la tente ou attendait le malheureux père qu’elle fut rejoint par un homme. Sans même lui demander son nom ou toute autre forme de politesse, elle se contenta d’un pauvre « Allons-y » et ils s’approchèrent de l’entrée de la tente et d’un colosse torse nu qui visiblement montais la garde.

L’interlocuteur avait un dialecte Khandéen très curieux, mais qui plaisait bien à Is’d cette homme avait du charme. Lorsqu’il pointa du doigt son ami la montagne de muscles, elle ne put s’empêcher de le couper.

-Qu’il n’aille pas la chercher d’accord, mais où se trouvait ce joli troll lorsque la jeune Koshka a été enlevée ? Il dormait ?

Contente au fond d’elle que le dit monsieur ne comprenne pas bien la langue, elle s’arrête néanmoins là. Il ne faut jamais piquer le nez d’un balrog sous peine qu’il vous ais dedans…
Le premier serviteur poursuivis son explication et décrivis la silhouette des hommes qui avait étés aperçus. Ils s’en étaient retournés à Minas-Tirith. Parfait, elle connaissait la ville comme sa poche et avait bon nombre de contacts et d’amis dans les quartiers les plus mal famés. Ça serait un atout pour les deux compagnons.

-Nous retrouverons la jeune fille, mais votre maître a plutôt intérêt à nous montrer « allègrement » sa reconnaissance si vous voyez ce que je veux dire. Les temps son dur et mon très bon ami et moi ne prendrons pas le risque d’aller faire un peu de grabuge dans la cité pour rien. Nous sommes les plus efficaces que vous eussiez pu trouver, mais aussi les plus demandés. Alors nous comptons sur vous.

N’est-ce pas, Ô mon très cher ami ? Termina-elle avec un clin d’œil en se tournant vers son compagnon.

Il valait mieux, en effet, laisser penser aux mandataires que le couple de sauveteurs étaient amis de longues dates et avaient l’habitude de travailler ensemble pour ce genre de missions qui s’annonçaient périlleuse.
Une ancestrale coutume qu’elle avait apprise et qu’elle aimait bien voulait que pour sceller un accord, le protagoniste sorte une lame et gravent le sol d’une marque de leur choix. Signe qu’une fois l’accord terminé, tout le monde devra se retrouver au même endroit.

Elle sortit donc sa lame et grava dans la terre le fameux seau d’Is’d…

Un vent frais et matinal soufflait sur Minas Tirith, les commerçants qui désiraient ouvrir au plus tôt se précipiter déjà vers leurs échoppes pour tout préparer mais la ville était néanmoins silencieuse . Les festivités du mariage royal avaient duré plusieurs jours et la capitale gondorienne reprenait petit à petit un reythme plus habituel.  A travers les rues encore brumeuses une silhouette sombre se dirigeait vers la porte de la cité qui donnait sur les champs du Pellenor d'un pas décidé. De grande taille l'homme semblait également robuste , vêtu d'une longue cape noire qui semblait quelque peu usée par des semaines de voyages et de grandes bottes de guerrier l'homme avait un aspect eu rassurant. Ses traits et son teint trahissait ses origines nordiques et son visage creusé indiquait que l'homme n'avait pas vécu dans le luxe depuis plusieurs mois et pour cause Ald'ar Omenuir était devenue ce que l'on pouvait aisément appeler un vagabond. Autrefois membre éminent de la Couronne de Fer il avait vu tout son monde s'écrouler depuis la victoire des Passeurs. Il avait beau faire l'historique de ce brutal déclin il n'en revenait toujours pas. Il y a quelques mois à peine il triomphait avec ses frères d'armes après avoir pris la cité de Fondcombe des mains du Seigneur Sombre-Chêne , ce fut bien leur dernière grande victoire ; depuis ce jour la situation avait dégringolé. Il y avait d'abord eu cette missions de pillages dans les villages environnants de Fondcombe qui ne devait être qu'une simple mission de routine mais qui s'était transformé en cauchemar.En plus d'une scribe particulièrement insolente il avait eu affaire avec un inquiétant elfe et un mercenaire fou à lier , cerise sur le gâteau son fidèle disciple l'avait abandonné dans un acte de haute trahison. Puis tout s'était enchaîné très rapidement. Des troupes elfiques menés par le général Palantir avaient assiégés Fondcombe avant de la reprendre lors d'une bataille sanglante durant laquelle de nombreux amis d'Ald'ar était tombé comme Bornin , le nain ou Brandt , capitaine des Suppôts de la Mort , une unité d'élite de l'Ordre. Le Bras de Fer , comme on le surnommait en raison de sa prothèse métallique remplaçant son bras gauche perdu dans un duel avec Sombre-Chêne, avait réussi à fuir la cité à temps avec un petit groupe de guerriers de l'Ordre.Puis de mauvaises nouvelles arrivèrent , un groupe d'aventuriers auraient frappé l'Ordre en son coeur en supprimant les principaux  chefs du mouvement l'Ordre n'était plus. Pour le géant ce fut une véritable claque , lui qui croyait en l'idéal que représentait l'OCF , lui qui s'était battu pour bousculer la hiérarchie , lui qui pensait libérer les opprimés des nobles grassouillets avec comme hantise les souvenirs de misère qu'il avait de son enfance au Nord. Les anciens membres de l'Ordre étaient à présent traqués , nombre d'entre eux furent exécutes mais le géant avait réussi à passer entre les mailles du filet se réfugiant loin du royaume d'Arnor où le roi Aldarion menait une politique intraitable au sujet des anciens combattants de l'OCF. Il avait vagabondé  des semaines durant sans réél but si ce n'est survivre en grapillant quelques sous par ci par là , il n'oubliait pas non plus de s'entraîner régulièrement pour maintenir son corps en forme , à son âge arrêter l'entraînement serait condamner sa condition physique.
Alors quand il avait entendu dans une taverne des bas-fonds de Minas Tirith qu'un puissant seigneur de l'Est était à la recherche de valeureux guerrier pour retrouver sa jeune fille kidnappée le Nordique avait sauté sur l'occasion. L'opportunité était trop belle pour la laisser passer. C'est donc vers la tente de ce dit-seigneur que le néo-mercenaire se dirigeait ce matin.

, Ald'ar prenait bien soin de garder son bras gauche caché sous sa cape , inutile de répondre à des questions embarrassante ou d'effrayer qui que ce soit. Un interprète à la peau basanée l'accueillit et lui parla dans une Langue commune plutôt hésitante mais tant  cela restait compréhensible.
Le géant du Nord tendit plus attentivement l'oreille quand le Khandéen leur promit monts et merveilles pour retrouver la jeune fille enlevée par deux individus.  Il assura qu'il retrouverait la gamine . Le Nordique salua ses employeurs et sortit de la tente la tête pleine de plans.

Cela fais plusieurs semaines maintenant que j'ai quittée ce qui fût un temps ma maison. C'est une action que je regrette un peu, mes parents me manquent, néanmoins je me sens … Heureuse ? Libérée ? Vivante ? Tout cela à la fois je suppose.
Toujours est-il que depuis j'erre, plus ou moins dans une direction, puis dans une autre. Je ne sais pas où je suis. Enfin si je le sais. En Gondor. Quelque part, mais en Gondor quand même. C'est un début.
Les jours et les nuits passent. Tous insupportablement identiques. Chevauchant Opaline, nous avançons toutes les deux, inlassablement, vers notre destin.

Le vent est plutôt frais ce matin et m'apporte des senteurs différentes de ce que j'ai l'habitude de sentir. Il n'y a rien autour de moi pourtant, alors je remonte la piste laissée par la brise. Ma curiosité me perdra. J'en ai marre d'avancer au hasard. Il y a une colline un peu plus loin qui va me permettre de prendre un peu de hauteur. La montée me prend une bonne partie de la matinée, mais cela en vaut la peine. Magnifique. Je n'ai pas d'autres mots qui me viennent à l'esprit. Ces odeurs étrangères, c'était les effluves de la ville. Minas Tirith.
Elle est gigantesque. Je n'aurais jamais imaginé pouvoir la voir un jour. Elle est probablement  encore à plusieurs kilomètres de moi, mais Son éclat au soleil et plus aveuglant que celui de la pleine lune. Je détourne mes yeux larmoyants et des formes noires au pied de la cité attirent mon regard.

Un campement. Un immense campement. Tout est disproportionné par ici : la ville et maintenant ça. Ou alors il s'est passée un très important évènement, mais que mes ancêtre me foudroient si je devine lequel. Bah, autant aller voir de quoi il en retourne. Le trajet me prend tout de même un peu plus d'une heure en alternant trot et galop.
Une fois arrivée, je me rends vite compte que continuer à cheval est tout simplement impossible. Trop de monde. Beaucoup trop de monde, cela en est même étourdissant.
Je finis par me résoudre à laisser Opaline dans une petite écurie de fortune. Ouh qu'elle n'est pas contente. Elle s'en remettra.

Cette agitation est vraiment étrange. Des personnes de différentes origines se côtoient et une grande partie des dialectes que j'entends me sont totalement inconnus, mais de temps à autre je parviens à saisir des bribes de conversation en langue commune. Ainsi, je surprends une conversation entre deux personnes parlant de l'enlèvement d'une personne :
« -Vous savez, j'ai entendu dire que le tuteur de la pauvre enfant est effondré depuis sa disparition. 
-Vraiment ?
-Je vous assure, il est dans la grande tente coloré là-bas. En tout cas, il paraitrait qu'il offrirait une récompense à qui lui ramènerait sa fille.»

Un enlèvement ? Je crois que je vais aller y jeter un coup d'œil. Qui sait, peut-être qu'ils ont encore besoin d'aide. Quelle tente était-ce déjà ? Ah oui la grande coloré. Oh. C'est pas une tente ça. Un palais de tissus miniature à la rigueur. Mais pas une tente. Tiens ? On dirait que je ne suis pas la seule que cette histoire intéresse. Probablement un mercenaire vu sa tenue. Bon allez, qui ne tente rien n'a rien donc, Jerilyna, ma grande, quand faut y aller, faut y aller !
Comment ça, je rentre pas ? Cette montagne de muscle posté à côté de l'entrée ne veut pas me laisser passer !

-Excuser moi, vous pourriez me laisser passer s'il vous plaît ?

D'après ce haussement de sourcil, je suppose qu'il ne parle pas la langue commune. C'est bien ma veine ça. Peu importe, j'entends les deux autres parler à l'intérieur. Où plutôt j'en entends un donner les directives et l'autre l'écoute. Comme je ne peux pas entrer, je vais tout simplement attendre qu'il sorte et lui proposer mon aide. Après tout, ça ne doit pas être facile de retrouver quelqu'un quand on est tout seul. En parlant du loup, le voilà qui sort. Fichtre ! Il est plus grand que ce que je pensais !
Je m'avance vers lui, mais il passe son chemin et continu vers la cité sans même m'accorder un regard ! Alors là s'en est trop ! Personne ne leur a appris la politesse ma parole ! Hola ! Pas trop vite ma grande. Il ne t'as peut-être pas vu. Soit.

-Monsieur ! Monsieur !

Plusieurs personnes se retournent, mais pas lui. Il continue d'avancer. Ce n'est définitivement pas ma journée. Je cours pour le rattraper et lui tapote l'épaule. Enfin il se retourne !

- Excuser moi monsieur, mais je vous ai vu entrer dans la grande tente là-bas et j'en ai conclu que vous alliez partir à la recherche de la jeune fille disparue et je voulais vous proposer mon aide. Seriez vous d'accord pour que je vous accompagne ?

Affichant un air déterminé sur son visage , l'ex agent de l'ordre se dirigeait d'un pas décidé vers la capitale gondorienne . La Cité Blanche paraissait énorme et trouver un enfant kidnappé à l'intérieur tenait à rechercher une aiguille dans une botte de foin, d'ailleurs il n'était pas vraiment sûr que l'enfant se trouvait dans la cité. Mais cette mission ne lui faisait pas peur  , après tout n'avait-il pas été celui qui avait ouvert la voie aux siens à Fondcombe  en incendiant les écuries et et semant la panique dans les rangs ennemis ? N'avait-il pas été celui qui avec une poignée d'hommes avaient fait respecter l'Ordre dans toute la région de Fondcombe? Et si aujourd'hui depuis sa fuite d'une Imlardis reconquise par les troupes du général Palantir il vagabondait sans réel but il n'avait rien perdu de sa perspicacité. Soudain le Nordique fut tiré des ses pensées par une main sur son épaule , le mercenaire se retourna brusquement surpris et prêt au combat mais la personne qui lui faisait face était loin d'être ce à quoi il aurait pu s'attendre. Une jeune femme à la longue chevelue rousse le regardait , surpris l'homme n'esquissa pas un geste


-Excuser moi monsieur, mais je vous ai vu entrer dans la grande tente là-bas et j'en ai conclu que vous alliez partir à la recherche de la jeune fille disparue et je voulais vous proposer mon aide. Seriez vous d'accord pour que je vous accompagne ?

Ald'ar leva un sourcil , cette jeune femme avait une certaine audace elle l'avait abordée sans prendre la peine de se présenter et se proposait , la fleur au canon , de l'aider dans ses recherches , tout ceci tait bien insolite. Le Bras de Fer lui parla sur un ton ironique

-Et en quoi une jeune femme comme vous pourrait m'être utile dans une  mission périlleuse comme celle ci? Que recherche donc une jeune adolescente dans cette histoire? De l'or? Des honneurs? De "l'aventure"?


Ald'ar jeta un coup d'oeil furtif vers Minas Tirith , la foule y était encore dense et y mener l'enquête ne serait sûrement pas chose aisée , il fallait qu'il fasse le plus rapidement comprendre à cette intrépide gamine de rentrer chez ses parents pour pouvoir commencer sa mission au plus vite . Le Nordique craignait d'éveiller les soupçons à l'intérieur de la cité , on l'identifierait rapidement comme un étranger à  la carrure de guerrier et sa prothèse métallique au bras ne feraient qu'aggraver les choses à moins qu'il ne puisse se servir d'un alibi , un père et une fille venu assister au mariage du Prince et qui en profitaient pour séjourner quelques semaines encore dans la capitale n'avaient rien d'étrange .

-Quelles que soient vos motivations vous devez savoir que cette mission est périlleuse mais si vous êtes décidé vous pourrez vous révéler utile.

Finalement cette rencontre était peut-être un signe du destin.

Son regard est froid et dure, il ne m'inspire pas vraiment confiance, mais s'il a accepté cette mission, je me trompe probablement à son sujet.

-Et en quoi une jeune femme comme vous pourrait m'être utile dans une mission périlleuse comme celle-ci ? Que recherche donc une jeune adolescente dans cette histoire ? De l'or ? Des honneurs ? De "l'aventure" ?

Je vois, il n'a pas vraiment l'air de me prendre au sérieux. Mais ça fait un moment que je ne suis plus une adolescente cher monsieur et je ne vais certainement pas me laisser faire.
Vu la manière dont il regarde la cité, il doit être drôlement pressé de se débarrasser de moi. Pas de chance, j'ai bel et bien l'intention de venir.

-Quelles que soient vos motivations vous devez savoir que cette mission est périlleuse mais si vous êtes décidé vous pourrez vous révéler utile.

Et bien, je n'ai même pas eut besoin de le convaincre. C'est plutôt perturbant en fait. Attendez une minute … Périlleuse ? D'accord on parle d'un enlèvement, mais est-ce vraiment si dangereux ? Ou suis-je vraiment trop naïve ? Peu importe, j'ai décréter que je viendrais, donc je viens !

- J'entends vos mises en garde, mais mon choix est fait et je viens avec vous. Et je tiens à préciser que l'or et les honneurs ne m'intéressent guère, que mes motivations ne regardent que moi et que je ne suis plus une adolescente depuis bien longtemps. Bien vous venez ?

Et c'est sur ces bonnes paroles que je fais volte-face en faisant voltiger ma crinière pour prendre le chemin de la cité. Je ne cherche pas à savoir s'il me suit, je viens de remarquer que les gens se retournent sur mon passage et cela me préoccupe un peu plus. Qu'est-ce qui leur prend ? Oh. Mon isolement m'a fait perdre mes habitudes. Je mets ma capuche afin de bien dissimuler ma chevelure et si  les murmures ne s'arrêtent pas vraiment, au moins on ne me dévisage plus à présent. En me tournant vers mon camarade, je me rends compte que je ne connais pas son nom et qu'il ne connaît pas  le mien.

- Je vous prie de m'excuser, je ne me suis pas présenter. Je suis Jerylina.

Honnêtement,  connaître son nom m'importe peu finalement. Lorsque la fille aura été retrouvée, on se séparera et ne nous reverrons probablement jamais. Connaître le nom d'un inconnu m'est inutile. Mais ses connaissances si !

- Au fait, pourriez-vous m'expliquer ce qu'il se passe ici ? Je me suis retrouvée isolée un certain temps et ne suis pas au courant des dernières nouvelles.

Discuter de cela devrait nous permettre de faire passer le temps jusqu'à ce que nous arrivions à la cité, non ?

- J'entends vos mises en garde, mais mon choix est fait et je viens avec vous. Et je tiens à préciser que l'or et les honneurs ne m'intéressent guère, que mes motivations ne regardent que moi et que je ne suis plus une adolescente depuis bien longtemps. Bien vous venez ?


Ald'ar lâcha un petit sourire avant de hausser un sourcil , la jeune femme semblait avoir un certain caractère . Elle avait répondu du tac au tac à un homme bien plus robuste et expérimentée qu'elle sans ciller . Il y a quelques mois Ald'ar l'aurait vite remise en place mais au vu de sa situation actuelle il préférait agir différemment. Le Bras de Fer se souvenait encore comment il s'était opposé à Aliénor qu'il trouvait insolente à son égard lors de la  sécurisation des alentours de Fondcombe , à l'époque où il disposait encore d'un certain pouvoir et d'une certaine pouvoir . Mais tout cela appartenait au passé , Imlardis avait été reconquise par les elfes de Palantir ,  Lammâth était mort et la tête de l'Ordre située en Rhûn était tombée . Les agents survivants de l'Ordre s'était dispersée aux quatre coins du continent  , l'Est représentait un refuge idéal pour ces hommes mais certains avaient fait le choix de l'Ouest . En Arnor le Roi avait lancé une traque intense contre les membres de l'Ordre , le Rohan et le Gondor pouvait possiblement représenter un refuge à condition de rester discret car ces royaumes étant également opposés à l'Ordre . Mais la situation encore instable au Rohan et quelques magistrats corrompus au Gondor permettaient de passer à travers les mailles du filet . Certains avaient fait le choix de rejoindre secrètement Pelargir , où des membres de l'Ordre dirigeaient à l'insu du monde la cité . Mais le Nordique savait pertinemment que ce dernier bastion ne tarderait pas à tomber et que l'Ordre appartenait au passé ; la défaite à Fondcombe lui avait fait ouvrir les yeux sur certains aspects de l'Ordre qu'il refusait de voir jusqu'à présent comme la lâcheté de certains membres qui ne semblaient s'être engagés que pour l'argent et le pouvoir et non pas par conviction. Les hommes de confiance dont Ald'ar étaient proche avaient tous péris lors de la reprise de la ville : Bornin , Elrohir et même le redoutable capitaine borgne  des Suppôts de la Mort porté disparu : Brandt. Seul et au bord du gouffre le Bras de Fer était parvenu jusqu'à la Cité Blanche où disait-on se déroulait des festivités . Afin d'avoir de quoi se nourrir il avait décidé de devenir pendant un temps mercenaire avant de se remettre à la défense de ses convictions.
Avec ces paramètres en jeu l'homme devait faire profil bas et ne pas trop se faire remarquer et il devait s'efforcer de ne pas faire trop ressortir sa nature autoritaire.
Alors qu'ils se dirigeaient vers la ville la jeune femme se présenta avant de lui demander ce qu'il se passait ici . Ainsi cette jeune femme se trouvait à Minas Tirith et ignorait tout de ce qui se passait ici alors qu'Ald'ar aurait mit sa main à couper que  le dernier des balayeurs le savait.  D'une voix monocorde il lui expliqua sommairement

- Un mariage princier se tient ici et de nombreuses délégations étrangères sont donc présentes , pour ces raisons le port d'armes dans la cité est interdit mais inutile de vous préciser que le locaux cache bien quelques dagues dans leur maison. Sans autres moyen de défense que nos poings et nos "bras" la tâche s'annonce ardue.

L'ex-Lefnui continuait de dissimuler sa prothèse métallique sous sa cape de voyage , inutile de dévoiler tous ses atouts avant que le moment venu n'arrive. Les deux "collègues " arrivèrent aux portes de la cité , deux garde en armure grise les stoppèrent et vérifièrent qu'ils ne portaient pas d'armes visible et leur posèrent quelques questions .

-Ma fille et moi même venons depuis la vallée de Lossarnach pour assister au mariage princier , aujourd'hui je désire lui faire un peu visiter la ville où j'ai grandie .

-Très bien monsieur , bonne journée.

Ald'ar et Jerilyna pénétrèrent donc dans la cité

-Le premier endroit où l'on peut entendre parler  d'enlèvements et autres sont les tavernes mal famées des bas quartiers.

Ils se dirigèrent donc vers les endroits les plus pauvres de la cité , là où un père désireux de faire visiter la Cité Blanche à sa fille ne serait jamais allé. Habitué à voir la misère et les miséreux Ald'ar avançait d'un pas sûr , le regard droit . Ils arrivèrent enfin à une petite échoppe , alors que la jeune femme allait pousser la porte Ald'ar la retint par le bras

-Ces tavernes ne sont pas toujours très sûr et les bagarres y sont fréquentes , une jeune femme comme vous ici pourrait être l'objet de disputes en tout genre . Si vous tenez à la vie restez près de moi , sinon je crains bien que je vais devoir me passer de vous pour la suite de la mission. Compris?

Une fois ces choses mises au point , le Bras de Fer entra . L'endroit empestait le tabac , l'alcool et la transpiration . Les hommes ivres criaient bruyamment dans tous les sens , s'insultant de tous les noms possible . D'autres étaient occupées avec quelques prostituées toutes aussi malpropres . Même si l'aspect d'Ald'ar avait perdu beaucoup de sa noblesse d'antan il gardait tout de même une certaine stature qui était bien inhabituel dans ce lieu sale et répugnant. Jerilyna derrière lui le Nordique s'accouda sur le comptoir avant de commander une bière qu'il ne boirait pas dans tout le cas avant de glisser au tavernier .


-Les rumeurs que l'on raconte sont-elles vraies?
-Quelles rumeurs le barbu?
-Celles qui diraient  qu'on aurait enlevé l'enfant d'un grand notable oriental.

De son regard  gris et pétrifiant , Ald'ar fixa son interlocuteur.

Quel ironie du sort que de voir Ald'ar, un des survivants les plus dangereux de la Couronne de Fer, traverser les rues de la Cité Blanche sans éveiller les soupçons des patrouilles innombrables de soldats du Gondor. Si quelqu'un le reconnaissait, son sort serait vite scellé. Impossible de fuir facilement dans une ville si lourdement gardée...il aurait suivi Warin de près et serait pendu sur l'échafaud, son corps incinéré et jeté aux quatre vents.

Heureusement pour lui, il n'avait pas encore croisé un survivant d'Imladris parmi la foule. L'échoppe qu'il avait choisi avait une mauvaise réputation, mais pendant le mariage du roi Aldarion avec la princesse Dinaelin tous les établissements, des plus prestigieux aux plus douteux, étaient remplis. Les soldats du Gondor patouillaient la ruelle devant l'auberge, conscients du fait qu'il s'agissait d'une zone à risque, mais il n'y avait aucun soldat en uniforme à l'intérieur.

Pour l'instant, personne n'osa déranger Jerilyna. Sa proximité avec Ald'ar montrait clairement qu'elle était sous sa protection, bien que la nature exacte de leur relation restait énigmatique aux yeux des clients de la taverne: sa femme, son amante, une proxénète ou bien sa fille?

Le tavernier fronça les sourcils en remplissant la chope de l'homme étrange au fût. Certes, il avait déjà vu des personnages bien plus terrifiants que lui, mais pour survivre longtemps dans son métier il fallait apprendre à se méfier. Certains psychopathes sortaient leurs couteaux pour n'importe quelle insulte réelle ou imaginaire...et même si l'interdiction du port d'armes diminuait un peu les risques, il savait très bien que plusieurs de ses clients avaient des armes plus ou moins dangereuses dissimulées sur eux.

Il posa la chope devant l'homme, et dit:

-Et la fille, elle ne boit rien? Dans mon établissement on consomme, on vient ici pour boire pas pour respirer l'air frais.

Il répondit ensuite à la question d'Ald'ar, en traçant des arabesques sur le comptoir sale avec son ongle.

-La Cité Blanche n'a pas été aussi remplie depuis des années, alors les rumeurs je les compte plus...Une chose est sûre, c'est qu'il a dû le mériter, ce salaud d'oriental. Ils viennent ici avec leurs grands airs, leurs eunuques et leurs encens qui puent, même pas foutus de parler la langue commune, et pendant tout ce temps ils regardent, avidement, en complotant pour trouver une manière de nous voler nos terres, nos femmes, notre or. Des barbares jaloux qui n'ont jamais acceptés leur place, je vous le dis. Après, s'ils payent et ils causent pas de problèmes, je leur sers à boire, de l'or reste de l'or, je n'ai pas de préjugés moi.

Lorsqu'il vit l'expression d'Ald'ar, il rajouta:

-Il y a un homme...un négociateur disons...résoudre ce genre de situations, les enlèvements et autres, en rendant les deux partis satisfaits, c'est sa spécialité il parait...Vous avez de la chance, car il est ici actuellement...mais je ne vous garantis pas qu'il va vouloir vous parler.

Il leur indiqua un petit homme moustachu assis à une table seul, avec une carafe de vin à moitié vide posée devant lui. Lorsqu'ils s'approchèrent, il demanda:

-Un souci, monsieur, dame? Pourquoi vous venez me déranger? J'espère que vous n'essayez pas de recevoir une rançon pour cette jeune dame, parce que sinon je vous dis tout de suite que vous vous y prenez complètement de travers...

Le Nordique prit le parti de ne pas répondre à la réflexion que le tavernier fit à propos de Jerilyna , étant donné sa situation il valait mieux ne pas trop se faire remarquer et éviter les ennuis inutiles. Le tavernier se décida tout de même à répondre à la question du Bras de Fer , il commença avec une longue tirade peu élogieuse sur les orientaux : il les considérait comme des barbares voleurs et perfides comme le voulait la croyance populaire. Durant son service dans l'Ordre Ald'ar avait maintes fois combattus aux côtés d'orientaux qui était en réalité bien moins sauvages qu'on le racontait . La fin de sa phrase lui arracha un sourire , évidemment que le tavernier accepterait de l'or oriental ; l'argent était bien la seule chose qui pouvait mettre d'accord tous les hommes , de quelques ethnies qui soit . Afin de ne pas vexer le tavernier et surtout de ne pas éveiller les soupçons il but une gorgée de bière et il lui fallut tous les efforts du monde pour ne pas  recracher ce breuvage infect , cela s'apparentait plus à de l'urine tiède qu'à de la cervoise . Il s'efforça donc d'avaler et reporta son attention sur le tavernier qui lui désigna un homme dans un coin de la salle qui pourrait les aider. "Un négociateur" disait-il , le Bras de Fer n'était pas forcément persuader que la présence d'un négociateur était nécessaire , il n'avait nullement l'intention de négocier avec les ravisseurs et il ne désirait pas partager la récompense avec une troisième personne . Toutefois il n'avait sans doute pas le choix , sûrement cet homme disposait d'informations que lui ignoraient , c'est donc à contre-coeur qu'il se dirigea vers l'homme , un petit gaillard moustachu qui avait déjà bien entamé sa carafe de vin , Ald'ar espérait seulement qu'il lui en fallait plus pour devenir ivre et qu'il pourrait tenir la conversation.

-Un souci, monsieur, dame? Pourquoi vous venez me déranger? J'espère que vous n'essayez pas de recevoir une rançon pour cette jeune dame, parce que sinon je vous dis tout de suite que vous vous y prenez complètement de travers...

Ald'ar haussa un sourcil , cet homme ne semblait pas être un modèle de patience . Soit , il allait devoir faire avec.Pendant quelques secondes le Nordique crut que le moustachu parlait bien de  Koshka la princesse enlevée avant qu'il ne comprenne qu'il parlait sûrement de Jerilyna qui se trouvait à ses côtés.

-Elle n'est pas ma captive mon cher mais mon ...associée  . fit Ald'ar .

Ce dernier jaugea son interlocuteur qui n'avait pas l'air d'être un grand combattant ou un talentueux espion . En apparence rien n'indiquait qu'il pourrait les aider mais avec son expérience le mercenaire avait bien appris à se méfier des apparences . Les hommes les plus dangereux étaient souvent ceux qui apparaissaient comme les plus banals. Le Bras de Fer se pencha en avant et parla un ton en-dessous.

-Hier des hommes de la cité ont enlevé la fille d'un notable oriental , on m'a dit que vous pourriez nous aider à les retrouver . Si vous avez des informations à nous transmettre , faites le  ; la récompense sera à la hauteur.

Le tavernier à l'air méfiant. Ce n'était peut-être pas une bonne idée de venir ici. Et non, je n'ai pas l'intention de boire quoique ce soit qui soit servi dans cette taverne, j'aurais trop peur de m'empoisonner. Quant à l'air frais … Et bien … C'est pas comme s'il était inexistant, mais … En fait, si. Il est inexistant. Je vais éviter de lui dire ça. Ma vie ne vaut peut-être pas grand-chose, mais j'y tiens.

Mon camarade prend une gorgée du breuvage qui lui a été servi et je mettrais ma main à couper que j'ai bien fait de ne rien commander. Le tavernier nous dirigea finalement vers un autre homme. Un négociateur ? Je doute que ce personnage nous soit vraiment utile, mais peut-être qu'il possède des informations dont nous pourrions avoir besoin. Misère … Je lui ferais pareillement confiance qu'au tavernier. C'est dire.

-Un souci, monsieur, dame? Pourquoi vous venez me déranger? J'espère que vous n'essayez pas de recevoir une rançon pour cette jeune dame, parce que sinon je vous dis tout de suite que vous vous y prenez complètement de travers...

Te déranger ? C'est pas comme si tu faisais grand-chose de toute manière. Jeune dame ? Parle-t-il de l'orientale ou de … Ai-je l'air d'une prisonnière ? Je ne suis pas une marchandise !

-Elle n'est pas ma captive mon cher mais mon ...associée .

Merci compagnon. Je n'aurais pas dit mieux. Je fis mon regard le plus noir à notre interlocuteur. Jusqu'à ce que je me rendis compte que je manquais cruellement d'autorité. Pauvre de moi. Le mercenaire se penche brusquement vers l'homme et commence à lui parler. Ses paroles sont prononcées à voix si basse que je suis obligée de me pencher à mon tour. Je n'aime pas du tout cette position c'est très désagréable et je me sens vulnérable face à toutes ces figures encapuchonnées dans mon dos.

--Hier des hommes de la cité ont enlevé la fille d'un notable oriental , on m'a dit que vous pourriez nous aider à les retrouver . Si vous avez des informations à nous transmettre , faites le  ; la récompense sera à la hauteur.

Heureusement que l'or existe, je ne sais pas comment on ferait sans cela. Quoique … si en fait. Heureusement que l'or est là. Un étrange éclat dans l'œil de l'homme qui nous fait face me donne des frissons dans le dos. Prise d'un mauvais pressentiment, je tapote discrètement l'épaule de mon acolyte avant de lui murmurer :

- J'espère que vous savez ce que vous faites, je ne lui fait pas du tout confiance. Les murmures dans les rues serait probablement plus sûr que ce qu'il dira lui à mon avis.

Honnêtement peu importe ce qu'il peut penser de moi à cet instant, tout ce que je souhaite, c'est sortir de cet établissement le plus vite possible avec ou sans informations. Si lui ne peut rien nous apporter, d'autres le feront à sa place.

Le petit homme enroula le bout de sa moustache autour de son index, avant de répondre:

-Associée..? Ils rentrent dans le métier de plus en plus jeunes de nos jours, n'est ce pas, 'mon cher'?

Il répéta la même formulation familière qu'Ald'ar avait employé, laissant paraître une certaine dose d'ironie dans sa voix. L'homme sourit en dévoilant ses dents, sans montrer aucun remord en réponse au regard noir de la jeune fille. Il leva son verra, but une gorgée, et s'adressa à elle:

-Excusez-moi dans ce cas, jeune dame, je lève mon verre à votre futur dans le métier! Que les pièces cliquettent toujours joyeusement dans votre bourse, et que les cachots et échafauds ne deviennent jamais votre domicile!

Derrière Jerilyna quelques sifflements se firent entendre. Sa tunique longue n'offrait pas une vue particulièrement sensuelle, mais dans un lieu pareil il fallait pas grand chose pour exciter la clientèle imbibée d'alcool. Ceci dit, le moustachu était concentré sur sa carafe ainsi que sur les paroles murmurées par Ald'Ar.

-La fille d'un notable oriental vous dites? Bah! Je n'ai pas été contacté par ce genre de personnes en tout cas...ceci-dit parmi les gens que je connais, il n'y a que deux abrutis qui feraient ce genre de chose sans me consulter auparavant...

Il se pencha en arrière, s'installant plus confortablement dans son siège pendant que Jerilyna consultait discrètement son compagnon. Le moustachu sourit à nouveau:

-Bien-sûr je pourrais vous dévoiler l'endroit où ces deux hommes risquent de se trouver...mais vous savez, les informations ont une fâcheuse habitude. Une fois qu'elles quittent les lèvres de quelqu'un, il n'y a plus moyen de les faire rentrer!

Il eut un petit rire amusé, faisant signe au tavernier de lui apporter une autre carafe de vin. Pendant un moment le moustachu ne dit rien, en contemplant une araignée qui traversait le mur de l'auberge en profitant de la pénombre.

-La récompense sera à la hauteur vous dites...vous savez ce que j'offre, dites moi ce que vous donnez en échange. Quand j'aurai la récompense, je vous donnerais l'information. De toute façon, que craignez vous? Que je fuirai? Que vous serez incapables de contrôler un petit homme moustachu? Entre votre musculature impressionnante et les talents présupposés de guerrière vétérane de votre jeune...associée, je pense que ça ira.


L'homme pencha sa tête sur le côté avec curiosité. La journée s'avérait intéressante...une récompense en vue, ainsi que la perspective de se débarrasser d'un duo de criminels de bas niveau qui pensaient qu'ils savaient plus que lui sur les enlèvements et les rançons? Bien bien. Il mit la main sur la carafe pleine que l'aubergiste venait de poser sur la table devant lui.

Devant les réflexions du moustachu le Bras de Fer reste de marbre. Pas un sourire amusé ne se dessina sur son visage et il n'esquissa pas le moindre geste pour accompagner l'informateur dans "sa levée de verre" en l'honneur de Jerilyna . Ainsi cet homme était un petit trublion alcoolisé , Ald'ar jugea préférable de ne pas rentrer dans son petit jeu tout en faisant bien attention de ne pas le vexer en manifestant son agacement et son impatience: l'art  de la négociation était bien complexe . Le guerrier ne réagit pas non plus aux sifflements des autres clients qui accompagnèrent les paroles de l'homme , déclencher une bagarre dans cette taverne n'était pas la meilleure manière de se montrer discret et puis ça n'était pas son problème . La jeune femme semblait se considérer assez grande pour résoudre ce souci elle-même.
Quand enfin cet informateur burlesque se décida à rentrer dans le vif du sujet le Nordique tendit une , voire deux , oreilles attentives. Ainsi ce spécimen connaissait "deux abrutis qui feraient ce genre de choses" , pour reprendre ses mots ; bien les recherches avançaient .  

L'informateur marqua une pause et Jerilyna en profita pour murmurer à l'oreille de son "compagnon"

-J'espère que vous savez ce que vous faites, je ne lui fait pas du tout confiance. Les murmures dans les rues serait probablement plus sûr que ce qu'il dira lui à mon avis.

Ald'ar émit un petit rire amusé . Ah ! La jeunesse et son insouciante naïveté .

- Je sais très bien ce que je fait , lui répondit-il , et je ne lui fais pas non plus confiance ; mais il est une piste et pour l'instant notre seule piste. Je ne le délaisserai pas comme ça.

L'Informateur reprit la parole et sa remarque laissa perplexe Ald'ar qui fronça les sourcils , finalement ce gars-là devait tenir bien l'alcool . Après avoir descendu une carafe entière de vin il parvenait encore à faire de jolies phrases pour ses intérêts. Mais le Bras de Fer voyait très bien venir la petite botte rusée que l'homme s'apprêtait à faire et son sentiment fut vite vérifiée , après qu'un autre carafe fut commandée.


-La récompense sera à la hauteur vous dites...vous savez ce que j'offre, dites moi ce que vous donnez en échange. Quand j'aurai la récompense, je vous donnerais l'information. De toute façon, que craignez vous? Que je fuirai? Que vous serez incapables de contrôler un petit homme moustachu? Entre votre musculature impressionnante et les talents présupposés de guerrière vétérane de votre jeune...associée, je pense que ça ira.

Ah! Ils y étaient enfin arrivés : la table de négociations avec toutes ses ruses , fourberies et où chacun tenaient de mettre en avant ses intérêts . Mais cet ivrogne gras n'était pas le premier à se mesurer au Bras de Fer dans cet exercice qui s'était révélé au cours des années plus ou moins concluant pour ce dernier.
Le Nordique se pencha en avant et posa son bras droit sur la table , prenant soin de garder son bras métallique caché sous sa cape de voyage. Il répondit ua moustachu d'une voix basse et cassante tout en le fixant de ses yeux gris

-"Mon cher" ( il appuya sur ces deux mots) , je  ne crois pas que cela se passe comme ça . Je ne suis pas du genre à donner l'or pour rien . Nous voulons les informations , si vous ne voulez pas nous la donner c'est votre choix mais  ne comptez pas sur moi pour vous suppliez et vous cédez l'argent  , nous trouverons un autre moyen de retrouver ces deux hommes et l'orientale .

Il marqua une pause et adressa un sourire carnassier à son interlocuteur

-La balle est dans votre camp , laissez nous partir sans rien ou participez à cette enquête et enrichissez vous à un point que vous ne pouvez imaginez.

-Excusez-moi dans ce cas, jeune dame, je lève mon verre à votre futur dans le métier! Que les pièces cliquettent toujours joyeusement dans votre bourse, et que les cachots et échafauds ne deviennent jamais votre domicile! 

Il l'a fait exprès ! Ce dégénéré de fils de gobelin l'a fait exprès ! Hurler « jeune dame » dans la salle ! Il veut ma mort ! Bon, certes, il ne l'a pas hurlé, mais tout le monde l'a entendu. C'est pas à l'échafaud que ça me dirige, mais vers une chambre douteuse, pieds et mains liés !
Je jette un rapide coup d'œil autour de moi et m'aperçois que bon nombre d'ivrogne me regarde d'un air intéressé. Vu leur supériorité numérique, je doute que la présence de mon camarade ne les dissuades longtemps de venir me voir. Honnêtement, je plains la pauvre Koshka si par malheur elle se trouve avec ce genre de personnages.

Un client entre dans la taverne insalubre et des bruits de lutte me parviennent de l'extérieur. Il me semble entendre une voix de jeune fille, mais les sons sont semblent assez lointains. Bien, je vais aller jeter un coup d'œil, ça sera mon échappatoire. Alors que l'ivrogne lape une énième chope, je fis signe à mon camarade que j'allais faire un tour à l'extérieur. Les négociations, il a l'air de connaître. Il n'a pas besoin de moi pour l'instant, autant que j'aille faire un peu de repérage.

La table est assez éloignée de la porte et j'ai à cet instant précis, la réelle impression d'être un morceau de viande au milieu d'une meute de loups. Rester calme, ne surtout pas courir, inspirer à fond. Tout va bien.
La porte. Enfin. La rue n'est pas beaucoup plus propre que l'intérieur du bâtiment, mais l'air est nettement moins vicié ici.

Un cri provenant de ruelles lointaines me parviennent. Mais vraiment lointaines. Bien que suffisamment fort et audible pour me parvenir. Je me dirige dans cette direction sans réfléchir. Ma curiosité me perdra.
Oups. Me voilà perdue. Je suis bien avancée.

-Et bien et bien. Seriez-vous perdue demoiselle ?

Mon cœur a raté un battement. L'abruti, il m'a fait peur. Celui qui m'a interpellé est un homme plutôt grand qui ne m'inspire pas du tout confiance.  Mais peut importe. Qu'il parte !

-Je vous remercie, mais je sais parfaitement où je suis et peux donc me passer de votre aide. Au revoir monsieur.
-Qui a dit que je vous proposais de l'aide ?

Aïe. Ce n'est pas bon ça. Du tout. Il arbore un joli sourire machiavélique. Dans quel pétrin me suis-je fourrée cette fois-ci ?

Le moustachu était déçu par le stoïcisme d'Ald'ar, mais sourit avec malice en voyant Jerilyna quelque peu déstabilisée par ses mots. Le ton des négociations devint bien plus sérieux lorsque la jeune fille quitta l'auberge sous le regard attentif de quelques ivrognes.

L'informateur perdit beaucoup de sa jovialité lorsque l'ancien membre de la Couronne de Fer s'approcha de lui. Il se pencha à son tour, jusqu'à ce qu'Ald'ar puisse sentir l'odeur du vin dans son haleine, et dit:

-Vous n'êtes pas d'ici...je vous assure que vous ne trouverez pas cette paire aussi facilement que ça sans mon aide. Ce sont peut-être des abrutis, mais ils ont réussi à éviter les hommes de Cartogan jusqu'à là, donc je ne pense pas qu'un nordique et une gamine arriveront à tomber dessus. Vous avez une drôle de manière de négocier, mon cher...laissez-moi deviner, vos parents ne vous ont pas appris l'art du compromis?

Il claqua des doigts, et deux ivrognes installes à une table un peu plus loin se levèrent, semblant soudainement bien plus sobres qu'ils ne paraissaient il y a quelques instants seulement. Ils avaient des bâtons courts mais épais en main, et leur façon de les tenir montrait qu'ils avaient une certaine expérience dans leur maniement.

Ils se mirent derrière Ald'ar, silencieux. Le moustachu dit calmement:

-Cela me désole de devoir prendre ce genre de précautions...L'art de négocier est dans l'idéal bien plus subtil...mais peu importe. On va le faire à votre façon. Je vous donnerai mes informations, et vous me donnerez l'or. Si la somme est satisfaisante, vous repartirez vous occuper du duo de petits oiseaux. Si vous avez bluffé, vous parlerez à mes deux amis. Et j'espère que votre bourse est pleine...car j'ai une imagination particulièrement développée.

L'homme but une gorgée de vin, puis dit:

-Ils louent une chambre à l'étage de la bâtisse où se trouve l'animalerie, dans les Ruelles...ils 'travaillent' la nuit principalement, et pendant la journée ils préfèrent rester à la maison, dormir et éviter les patrouilles...donc vous avez intérêt à vous y rendre avant le coucher du soleil si vous voulez les trouver. Un d'eux a travaillé au cirque à une époque il parait, il manie les couteaux comme un diable...et ils se sont faits une place dans la cité de manière assez brutale...sans armes va falloir se montrer très habiles pour s'occuper de ces deux lurons...

Son regard se plongea dans celui d'Ald'ar, et il rajouta:

-Vous savez maintenant tout ce dont vous avez besoin...à présent j'attends ma récompense. Et je vous conseille de vous dépêcher si vous tenez à votre jeune associée...j'ai vu quelqu'un la suivre lorsqu'elle est sortie de l'auberge.

***

Pendant ce temps, dans une autre ruelle déserte, le grand homme s'approcha de Jerilyna.

-Vous savez, c'est dangereux pour une femme de s'aventurer seule dans cette partie de la Cité...mais si vous me récompensez assez bien, je me chargerai de vous protéger...

Avec un geste plus rapide qu'on aurait pu supposer en vue de sa posture, il attrapa le poignet droit de la jeune fille avec sa main gauche, en une prise de fer.

Ce gredin d’ivrogne moustachu était plutôt doué dans l’art de la négoce c’était évident mais le Bras de Fer ne comptait nullement se laisser marcher sur les pieds . C’était ce qui faisait sa force mais aussi sa faiblesse , il avait toujours surestimé ses forces qui étiaent certes souvent importantes mais pas toujours assez comme quand il avait perdu un bras lors de son duel face à Sombre-Chêne , ou quand la situation de l’expédition lui avait totalement échappée à Valdol avec la désertion de Nunne et les actes de Corbeau et du Boucher et même quand le général Palantir était venu reprendre Fondcombe Ald’ar n’avait jamais pensé la défaite possible.
Le Nordique n’aimait pas douter et il s’efforçait d’effacer la moindre trace d’hésitation de son esprit quand celle - ci apparaissait . Il soutint donc sans ciller le regard de son interlocuteur et feignit d’ignorer son haleine putride  . Son interlocuteur n’avait rien perdu de son cynisme et de son ironie après un nouveau “ mon cher “ bien placé il glissa subtilement une petite pique au guerrier en lui demandant si ses parents ne lui avaient pas appris l’art de la négocation.
Le Bras de Fer aurait voulu bondir pour lui ouvrir la gorge après ces mots mais il s’en retint , il était inutile de se faire remarquer ici  et puis l”homme n’avait toujours livré aucun information.  Mais de toute évidence le Nordique avait très mal pris cette remarque sur ses parents et cela tait visible à son expression de rage contenue.
Jerilyna de son côté , s’était levé et sûrement mal à l’aise dans cet établissement mal famée était sortie à l’extérieur. Ald’ar ne pensait pas que ce fut le comportement à adopter mais il ne protesta pas , elle était assez grande pour décider de faire ce qu’elle veut et il n’était pas sa nourrice .

Alors , l'homme claqua des doigts et deux clients de la taverne : deux colosses musclés , se levèrent et se placèrent derrière Ald’ar avec chacun un épais bâton dans les mains . De toute évidence ils savaient manier cet objet . Le Bras de Fer leur jeta un regard ne biais avant de recentrer son regard sur leur informateur bien dérangeant , il n’eut aucun geste agressif ou de panique si la présence de ces deux lascars allaient compliquer les choses  , ils n’impressionnaient nullement l’ex membre de l’Ordre : il en avait vu d’autre et une fois de plus il n’y avait pas de place au doute dans son esprit.

Ald’ar écouta attentivement les informations concernant les ravisseurs de la jeune fille recherchée . Deux hommes sachant se battre et sortant de leur trou qu’une fois le soleil couché , il ne fallait pas s’attendre à moins . Etait venu le moment du payement et le moustachu ne semblait pas vouloir laisser partir gentiment les deux mercenaires sans empocher l’or , malheureusement la bourse du Nordique était désespérément vide , ce dernier se mit alors à rire . Il riait d’un rire froid , presque sans joie , un rire presque glaçant , il souriait aussi , une lueur inquiétante dans ses yeux gris .

-Ah mon cher….mon cher...mon cher….Est ce la naïveté ou la cupidité qui vous aveugle tant? Savez vous que des mercenaires ne touchent leur or qu’une fois leur mission accomplis , en l'occurrence une fois la fille retrouvée . Et croyez vous vraiment que si ma bourse était pleine d’or je me risquerai ici avec autant d’argent sur moi?  Aahh. Vous avez envoyé un de vos hommes vous occuper de ma partenaire  , qu’est ce que cela peut me faire? S’il la tue ça fera plus d’or pour moi si elle s’en sort alors elle aura prouvé qu’elle a vraiment sa place dans toute cette histoire.

Ainsi était la logique d’Ald’ar , peut-être à contre courant mais effroyablement efficace pour troubler l’adversaire tout en balayant le doute en soi même . L’homme n’aimait pas sentir dominé . Il posa alors sa prothèse métallique acérée bien en évidence sur la table sous les yeux surpris de son interlocuteur  ; l’arme et l’homme ne faisaient plus qu’un . Ald’ar avait toujours vécu avec le combat , c’était une partie intégrante de son être . Avec un rictus , le Nordique reprit la parole

-Alors voilà ce qu’on va faire car je suis un homme honnête : soit vous me laissez partir récupérer la fille et récupérer le pactole et je vous assure que vous aurez votre part qui devra toutefois être vu à la baisse après vos menaces soit vous décidez stupidement de me retenir ici auquel as je vous tranche la gorge à vous et vos deux demoiselles d’honneur.

Il émit nouveau un petit rire , le Bras de Fer était à nouveau animé par cette lueur meurtrière proche de la folie , il n’en était pas à son coup d’essai : n’avait -il pas massacrer des dizaines d’adversaires à Fondcombe ? N’avait-il pas été celui qui avait incendié les écuries de la ville elfe? N’avait il pas été celui qui avait mis à feu et à sang des villages entiers? N’avait il pas tout simplement rasé Valdol de la carte ? N’avait il pas été celui qui avait mené les armée de l’Ordre au front face aux armées de Palantir? N’avait il pas survécu au désastre et à la chute de l’Ordre?  

Il fixa son interlocuteur tout en faisant cliqueter son bras métallique

-Je crains que dans ce bras de fer vous commencez à fléchir .

Bien que le moustachu sourit en voyant l'expression de rage contenue sur le visage de son interlocuteur qui venait enfin de perdre son calme, il plissa néanmoins le nez lorsque l'homme du Nord se mit à rire de manière inattendue.

Il ne dit rien, en écoutant les paroles d'Ald'ar jusqu'au bout. Cependant il sursauta légèrement sur son siège lorsque l'homme vint poser son bras métallique sur la table, renversant un peu de son vin. Un des colosses qui lui servaient de gardes du corps resserra sa prise sur son bâton court, clairement insulté par les paroles du Bras de Fer concernant sa virilité. L'informateur le calma cependant d'un léger geste de la main. Comme d'habitude, il calculait, c'était la nature même de son métier. La vie, l'argent, la politique. Tout était une simple question de coûts et de bénéfices. Trouver la courbe, savoir quand une action valait la peine et quand elle ne le valait pas, c'était la clef de son succès.

A présent, il s'était retrouvé face au genre de personne qu'il détestait. Un fou. Ces gens-là étaient non seulement caractérisés par l'incapacité typique de la majorité de la population d'apercevoir la courbe, mais surtout ils étaient totalement dépourvus d'une volonté quelconque de tirer un bénéfice de leurs actions, ou d'assumer leur coût. En bref, ils étaient complètement imprévisibles.

Ainsi, un traitement bien différent était nécessaire dans ce genre de cas. Est-ce que les deux hommes du moustachu seraient capables de tuer le Nordique? Sans aucun doute. Est-ce que ce dernier aurait le temps d'égorger son interlocuteur avant de se faire abattre comme un chien sous les coups de bâton? Probablement. L'Informateur ne manquait actuellement pas d'or. Si Ald'ar parvenait à tuer ses deux concurrents, cela pourrait valoir le prix de l'information. S'il se faisait tuer lors de sa tentative, au moins le moustachu aurait la satisfaction de savoir que ce Nordique arrogant ne l'importunerait plus. Le problème principal était la réputation de l'Informateur. Si la rumeur se répandait qu'un homme avait réussi à lui soutirer des informations sans payer, il faudrait des mois, et sans doute beaucoup d'os brisés, pour reconstruire son statut. Ceci dit il n'avait pas beaucoup de choix actuellement. La mort demeurait le coût qui dépassera toujours tout bénéfice potentiel.

Il adressa calmement la parole à Ald'ar, tentant cette fois de ne pas le provoquer:

-Je n'ai pas envoyé d'homme pour suivre votre partenaire. Si elle a des ennuis, elle se les a attiré elle-même. Je ne vous appellerais pas un homme honnête, car vous m'avez menti pour obtenir les informations. Cependant je vous donnerai une dernière chance, Nordique. Revenez ici avant demain avec l'argent, et je vous rendrai une faveur en vous oubliant. Si vous ne revenez pas cependant...sachez que je n'oublie jamais ceux qui n'ont pas respecté leur part du marché. Une information bien placée peut détruire n'importe qui, et où que vous soyez vous vous rappellerez un jour de ces mots si jamais vous essayez de m'arnaquer.

Sur ces paroles de mauvais augure, le moustachu claqua des doigts, et ses deux hommes firent un pas en arrière, laissant le chemin libre au Bras de Fer jusqu'à la porte de la taverne.

L’attitude qu’avait choisi d’adopter le Bras de Fer n’était pas sans risques, en effet il était face à trois hommes potentiellement hostiles qui semblaient être en désaccord avec lui et il les provoquait ouvertement , les menaçant même . Mais le Nordique avait également des atouts à faire valoir , sa prothèse métallique était une arme dangereuse et il se battait de manière admirable , de plus s’il savait ses chances de se débarasser des trois plutôt minces il ne doutait pas qu’il réussirait aisément à égorger le petit moustachu sans ménagement dès le début du combat et quelque chose  lui disait que ce dernier en avait également conscience ; il fallait donc jouer sur cette crainte là .

Ald’ar s’il était un excellent guerrier et meneur d’homme en champ de bataille n’était pas vraiment le plus doué ou diplomate des négociateurs . L’expédition dans les villages environnants avaient mis en relief son incompétence dans ce domaine , la mission tournant au fiasco sanglant . Mais cette fois il savait qu’il pourrait s’en sortir de manière plus efficace , ou du moins il l’espérait ; le Bras de Fer s’était mis dans une situation compliquée et ile ne comptait pas y rester. Pour en sortir il fallait oser et c’est précisément ce qu’il faisait .

Finalement la manoeuvre eut presque l’effet escompté , les deux molosses ne bougèrent pas d’un iota et le moustachu déclara qu’il voulait avoir l’argent le lendemain au plus tard , le menaçant au passage s’il ne percevait pas son or . Nulle trace de soulagement n’apparut sur le visage de l’ancien de l’OCF , juste un petit sourire mi-amusé mi-provocateur

-Vous ne pourrez percevoir l’or que quand il sera disponible , or le Seigneur ne me paiera que quand j’aurai retrouvé sa fille , Ald’ar marque une pause , l’équation est pourtant simple non? Si je retrouve la fille dans la journée vous aurez peut-être votre argent demain , si je ne la lui ramène que dans un mois alors il faudra se montrer patient.

Le Nordique se leva avant de rajouter  

-Ah ! Et puis vos menaces ne me font pas peur .

Il fit quelque pas en direction de la porte de la taverne , bousculant au passage de façon volontaire un des deux hommes de main avec une expression méprisante.
Au moment de pousser la porte il se retourne une dernière fois et rajouta

-Encore une chose , sachez qu’il n’y a pas plus honnête homme que moi.

Puis sans un mot de plus il sortit , dehors la jeune Jerilyna s’était mis dans de beaux draps , un grand homme l’avait abordé et semblait l’agresser. En voyant sortir son compagnon de mission , la mercenaire inexpérimentée adressa un regard implorant au vétéran . Celui-ci hésita quelque secondes avant d’agir , s’était il attaché à elle pour venir la sauver? Assurément non ! Fallait il pour autant respecter un certain code moral en se portant au secours de ses camarades face à de tels armoires à glace ? Le jeu en valait-il la chandelle? Rien n’était moins sûr . Et puis au fond cela ferait sûrement une plus grande part d’or pour lui,  n’était il pas dans la nécessité après tout? Et puis pour mener à bien son grand projet futur il lui faudrait des fonds , beaucoup de fonds …
Mais étrangement il ressentait un inexplicable besoin d’en découdre , ses jambes le démangeait , ses bras frémissaient et sa tête bouillonnait , cela faisait si longtemps que l’adrénaline du combat ne l’avait pas pris . Ce n’était donc pas par bonté d’âme ou grandeur de coeur que le Nordique s’approcha de Jerilyna , ni même par intérêt logique mais bien pour assouvir ses désirs profonds les plus vils ravivés par des négociations sûrement trop tendues pour un homme de terrain comme lui .

Focalisé sur sa jeune proie le colosse ne vit pas arriver le mercenaire qui faisait au moins une tête de moins que lui , néanmoins ce dernier n’était nullement impressionné , d’ailleurs vu son odeur , son adversaire était sûrement éméché. Il lui tapota doucement l’épaule , l’homme se retourna avec un grognement qui empestait le mauvais alcool .
Ald’ar fixa un moment son visage incrédule

-Pas touche à ça  chérie…

Ses mots durent accompagnés d’un violent crochet de son bras valide , le droit , en pleine mâchoire. Sous la violence du choc l’homme s’écroula . Sans un mot et sans plus d’explication  , Ald’ar fit signe à Jerilyna de le suivre . Si elle continuait à entraîner les ennuis de la sorte , elle deviendrait vite un boulet …

Leur mission était simple à présent , trouver ses deux lascars terrés dans leur repère en espérant que les informations du moustachu étaient vrais . Deux abrutis assez malins pour échapper aux autorités , dont un sachant manier le couteau ; il fallait se méfier d’eux les avaient prévenu l’informateur . Ah ! Rares étaient ceux qui inspiraient inquiétude ou même méfiance dans l’esprit du Bras de Fer , toujours aussi sûr de lui car la peur instillait le doute et le doute entraînait l’échec. Peut-être Lammâth et Corbeau avaient été les seuls à faire éprouver au guerrier une pointe d’inquiétude mais Lammâth n’était plus , le Boucher du Khan aussi lui avait inspiré méfiance. Mais un moustachu gras accompagné de deux brutes sans cervelles et deux criminels cachés qui se rabaissaient à enlever des enfant , ce qu’Ald’ar ne ferait jamais  ,  cela ne l’impressionnait pas , pas le moins du monde.

Ils se rendirent donc à l’adresse indiqué sans s’échanger un mot , si Jerilyna avait su capter l’attention du Nordique par son audace , sa trop grande candeur l’avait fait baisser dans son estime et puis on abandonne pas son compagnon en pleine table des négociations surtout quand celui-ci est en difficulté .

Ald’ar ne regarda même pas les animaux fièrement exposés par la boutique , les hiboux et les chouettes eux le suivirent du regard de leur gros yeux jaunes tandis qu’un chat noir sortit de la boutique passant juste devant eux  , là encore pas une once d’attention à relever de la part de l’homme .

Ils pénétrèrent dans le bâtiment et montèrent à l’étage , là où les deux kidnappeurs étaient censé résider : il frappa bruyamment trois fois , sans se présenter.

Le moustachu regarda le Bras de Fer quitter la taverne en plissant le nez. Il faudra se montrer patient... Les paroles du Nordique indiquaient clairement qu'il n'avait aucune intention de revenir avec l'argent. Un rire se fit entendre du côté de l'entrée. Un ivrogne qui avait observé la scène se moquait ouvertement de l'Informateur, satisfait de le voir humilié par un inconnu solitaire. Avec un soupir blasé le petit homme claqua des doigts; un de ses gardes du corps s'approcha de l'ivrogne impoli et lui brisa le nez avec un coup de son bâton sans dire un mot, puis le prit par la nuque et le jeta brutalement dans la rue. La réputation...une vie pour la construire, une seconde pour la détruire... Une chose était sûre. Il ne pardonnerait pas aussi facilement à cet étranger...Pour l'instant, cependant, il ne pouvait qu'attendre. Avec un soupir résigné, il commanda une autre carafe de vin. D'ici quelques heures les nouvelles de deux cadavres au dessus d l'Animalerie devraient parvenir à ses oreilles. Il ne restait plus qu'à voir si les défunts seraient deux hommes, ou un amputé et une jeune demoiselle...

***

Dans la pénombre de la pièce sous le toit, chauffée jusqu'à une température diabolique par le soleil estival, un homme ouvrit les yeux et retint son souffle. Craaink...craaink...krr.. Il avait appris à reconnaître ce bruit si caractéristique de la quatrième marche menant à l'étage de l'Animalerie. Quelqu'un...deux individus même...venaient leur rendre visite...Sans rien dire, il leva sa main, et montra deux doigts à son compagnon.

Doum. Doum. Doum.

Trois fois. Ce n'était pas le nombre de frappements convenu avec la clientèle, ni avec le propriétaire de la boutique. Des intrus...

***

La porte s'ouvrit violemment vers l'intérieur, sans qu'aucun pas ne se fasse entendre dans la pièce. Celui qui avait tiré sur la poignée s'était retiré sur le côté, ne laissant pas la possibilité aux intrus de l'attaquer. Ils furent en revanche accueillis par un couteau de lancer qui tournait dans l'air avec une précision létale, venant se planter dans...le bras métallique d'Ald'ar, que ce dernier avait instinctivement remonté pour se couvrir. Le fer heurta le fer, et le couteau rebondit en tombant sur le plancher.

Jerilyna et Ald'ar purent apercevoir l'homme qui avait lancé le projectile; svelte et basané, il portait un gilet écarlate sur son torse nu, et une ceinture derrière laquelle plusieurs autres couteaux étaient glissés, en plus de celui qu'il tenait déjà entre ses doigts.

Avant qu'il ne puisse lancer son second projectile, ce fut au tour de son compagnon, celui qui avait ouvert la porte, d'agir. Ce dernier n'avait rien de la subtilité d'un ancien athlète de cirque. Il était de taille moyenne, avec une musculature qui n'impressionnait pas à première vue, mais développée avec des années de travail manuel plutôt que par des exercices visant à sculpter une silhouette divine. Atteint de calvitie précoce, le criminel avait grandi dans la rue, et c'est là qu'il apprit à combattre. Sans style, sans technique, mais avec une efficacité vicieuse et toute la violence d'un animal acculé.

De son bras gauche il attrapa l'objet le plus proche, un pot de chambre, et le lança avec tout son contenu odorant sur Ald'ar et Jerilyna. Sans regarder le résultat de son action, il donna un coup de pied violent dans la porte, visant à la refermer sur les intrus, tout en dégainant un énorme couteau de boucher. Les deux hommes n'étaient peut-être pas des bretteurs ou des soldats, mais il ne s'agissait en aucun cas d'amateurs...

Tout s’enchaîna rapidement , à une vitesse folle . Quelque seconde après que le Bras de Fer n’ait frappé à la porte , cette dernière s’ouvrit vers l”intérieur  et personne ne se tenait au seuil pour les “accueillir” . Toutefois il y eut bien un accueil , un sifflement se fit entendre dans les airs et par pur réflexe Ald’ar leva son bras métallique devant son visage , protection. L’objet ricocha sur le fer et finit sa course sur le sol , Ald’ar examina sommairement le  projectile : évidemment un couteau de lancer il aurait dû s’en douter. Et les lanceur de couteaux étaient rarement équipés que d’une unique arme . Le Nordique leva les yeux vers l’agresseur , il se tenait au fond de la pièce , dans la pénombre ; simplement vêtu d’un veste rouge sur son torse , rappelant celle des membres d’un cirque . Il tenait dans sa main un autre couteau prêt à être envoyé en direction des intrus et en avaient encore d’autres en réserve , le moustachu avait donc dit vrai , il y avait bien un habile lanceur de couteau.

Mais ils étaient censés être deux , où étaient l’autre ? Ce devait être le second qui avait ouvert la porte , puisque le lanceur était trop loin de cette dernière . Ald’ar jura intérieurement le bougre s’était caché derrière le battant , comment n’y avait-il pas pensé. Il fit volte-face , sûrement trop tard , l’autre ravisseur était déjà sur lui . L’homme n’était pas bien imposant mais il était vif , agile et combattant malin : la partie ne serait pas aisée pour le vétéran face à ces deux lascars. Quant à Jerilyna , il doutait  fortement qu’elle puisse se révéler utile et ne donnait pas cher de sa peau .

La manoeuvre du pot de chambre déstabilisa le mercenaire , et l’odeur nauséabonde qui lui emplissait les narines nuisait à sa concentration et l’incommodait fortement . L’attaquant essaya de refermer la porte sur eux mais le Bras de Fer la bloqua , toujours de sa fameuse et utile prothèse . L’homme sortit alors un long couteau de boucher , un rictus mauvais se dessinant sur son visage sale.

Ald’ar comprit vite que ces gars là , à défaut d’être des soldats d’élites , savaient se battre correctement et étaient assez malins pour procéder en tandem de manière efficace. Après tout n’avaient ils pas réussi à passer entre les mailles du filets de Cartogan? L’affrontement s’annonçait compliqué et sûrement sanglant  à moins de faire baisser la tension pour le moins électrique .
Le Bras de Fer ne doutait pas une seconde pouvoir se défaire de ses deux assaillants , mais le risque de se blesser dans le combat était important , et maintenant qu’il commençait à se remettre des dégâts infligés à Fondcombe en particulier par ce maudit elfe : Voronwë Amnel , il ne désirait pas vraiment se voir à nouveau affaibli. Et puis d’ailleurs il n’avait pas encore localisé Koshka , peut-être se trouvait elle dans un autre lieu caché et la mort des deux ravisseurs ne les avanceraient pas plus. Non pour ce coup-là il fallait la jouer fine ; il fit signe à Jerilyna de rester un peu retrait et leva les bras comme pour faire signe qu’il ne désirait pas se battre

-Holà ! Holà ! Du calme mes amis , nous ne venons pas ici avec des intentions hostiles , on vient pacifiquement.

Il s’efforça de leur faire un sourire rassurant , les deux autres , s’ils s’étaient arrêtés dans leur élan meurtrier , semblait tout de même être très méfiant.

-Nous ne sommes pas là pour vous arrêter ou je ne sois quoi , franchement regardez nous ; avons-nous vraiment l’air de gardes gondoriens? Je ressemble tant que ça à Cartogan .

Le Nordique plissa le nez en raison de l’odeur infecte du chambre que l’un des deux kidnappeurs lui avait versé dessus , il fit mine d'épousseter sa manche .

-Non mais franchement quel accueil , si je m’attendais à ça …Je ne suis venu que pour de la négoce et je reçois couteaux et excréments…

Il marqua une nouvelle pause , tentant de déchiffrer les expressions faciales de ses adversaires , ceux-ci ne réagissaient pas vraiment pour l’instant. Il enchaîna donc

-Mon maître a eu vent de vos agissements et de la qualité de vos services , des ventes d’esclaves en plein Minas Tirith en cette période ; quel culot mais aussi quel talent pour pouvoir agir ainsi dans l’ombre . Surtout en cette période festive , tout ces gens étrangers  ; ça fait un bon filon à exploiter. J’aimerai voir quelle marchandise vous pouvez proposer à mon maître . Si vote réputation est à la hauteur de vos services , nous paierons bien très bien . Oh et pardonnez nous d’être arrivé à l’improviste et de ne pas avoir préalablement pris contact avec vous mais mon maître désire garder au maximum le secret sur son identité et ses agissements donc nous préférons aller droit au but. Moins il y  a d’intermédiaires et mieux on se porte .

C’était quitte ou double soit les deux criminels marchaient et le mèneraient à la jeune fille enlevée ; soit il ne le croyaient pas et là c’est la manière forte qui devra être employés avec les risques que cela comporte. Mais Ald’ar ne pouvait laisser le doute s'installer dans son esprit , car le doute mène à la perte du guerrier.

Les deux hommes s'arrêtèrent en plein élan, pris au dépourvu par le ton amical d'Ald'ar. Curieusement, la présence de Jerilyna semblait rajouter de la crédibilité à l'histoire du Nordique. Qui enverrait une fille adolescente pour tuer ou arrêter des criminels dangereux? L'idée était absurde.

Les bandits restaient néanmoins méfiants, la main sur leurs armes. Le lanceur de couteaux s'adressa au Bras de Fer:

-Des ventes d'esclave..?

L'idée était innovatrice. Les deux criminels étaient spécialisés dans l'enlèvement, mais jusqu'à là il s'agissait principalement de kidnapping avec demande de rançon, ou sur contrat avec des hommes qui souhaitaient envoyer un message à leurs adversaires commerciaux ou politiques. La vente d'esclaves...oui, ils savaient bien sûr qu'il y avait tout un trafic d'humains à l'Est et au Sud lointains, mais en Gondor c'était quelque chose d'impensable. Il faudrait des contacts, des connexions, de l'argent pour échapper aux yeux du général Cartogan...Et pourtant l'opportunité était plus que tentante. A Minas Tirith, ils pouvaient espérer obtenir quelques milliers de pièces d'or pour un enfant de la noblesse en rançon, dans des circonstances très risquées. Mais au Harad? Au Rhûn? Les enfants occidentaux étaient une marchandise prisée dans ces pays, une curiosité qui valait son poids en or. Même un simple enfant d'artisan gondorien pourrait obtenir un bon prix dans les marchés d'esclave! Les deux criminels échangèrent un regard brillant, conscients tous les deux de ce que ça pourrait représenter pour eux. Est-ce que l'homme au bras de fer qui venaient de pénétrer dans leur demeure venait réellement leur offrir l'opportunité d'une vie nouvelle? Certes, recouvert du contenu d'un pot de chambre il n'avait pas l'air d'être un émissaire des dieux de la fortune, mais il ne fallait pas se fier aux apparences!

L'homme de taille moyenne, celui qui maniait un couteau de boucher, fut le premier à sortir de sa rêverie. Il fronça les sourcils et dit à Ald'ar:

-Pas besoin d'être un homme de Cartogan pour vouloir se débarrasser de nous. Le monde est rempli de gens envieux, et certains ont du mal à accepter nos succès récents! Alors t'vas me dire tout'dsuite, qui vous a dit comment nous trouver, et pourquoi il ne t'a pas dit comment frapper à notr' porte pour éviter de se faire éventrer.


-Et qui est votre maitre, celui dont tu parles? Tu es arrivé 'droit au but' donc plus besoin de le cacher; nous n'aimons pas faire du commerce avec des gens que l'on connait pas. -rajouta l'homme au gilet rouge.

Bien que le discours d'Ald'ar avait stimulé leur imagination, la bulle de rêverie s'apprêtait à éclater, et les deux hommes attendaient des réponses qui nécessiteraient un mensonge habile de la part du Bras de Fer ou de sa jeune compagne.

Alors que le silence s'installait dans la pièce chaude, un faible sanglot parvint aux oreilles des personnes dans la chambre. Il s'agissait clairement d'une femme ou d'un enfant, et le bruit semblait provenir d'une petite porte derrière un des lits, qui ressemblait plus à l'entrée d'une armoire que d'une véritable deuxième pièce...Le lanceur des couteaux quitta pendant un instant Ald'ar du regard, se tournant vers la source du bruit...

Les deux brigands s’arrêtèrent net dans leur élan meurtrier , ils s'échangèrent un regard semblant hésiter.  La stratégie du Bras de Fer avait plus ou moins payé du moins pour l’instant .  
Toutefois les deux lascars n’étaient pas complètement crédules , et malgré leur hésitation ils restaient extrêmement méfiant à l’égard des intrus , prêts à dégainer une nouvelle fois s’il le fallait. Le lanceur de couteau s’adressa à Ald’ar d’une manière qui laissait penser que l’homme avait aussi formulé tout haut sa pensée …. Oui des ventes d’esclaves, c’est bien de cela qu’il s’agissait , ni plus ni moins , ces types n’y avaient -ils donc jamais pensé auparavant? Finalement ils n’étaient peut-être pas aussi futés que le moustachu s’amusait à le faire croire ; ils étaient des kidnappeurs notoires et ils n’avaient jamais pensé à revendre leurs prises.
Tandis qu’ils réfléchissaient , le Nordique sortit d’une de ses poches un vieux chiffon et il s’essuya sommairement le visage mais l’odeur du chanvre empestait toujours autant et l’incommodait lui et sa jeune coéquipière .
Celui qui s’était sournoisement ou plutôt lâchement dissimulé derrière la porte d’entrée pour les poignarder de dos prit la parole le premier , immédiatement relayé par le second au gilet rouge ; on aurait pu croire que leurs pensées étaient connectées entre les tant elles paraissaient semblables .  Le ton était toujours aussi suspicieux si ce n’est vraiment agressif. Ald’ar sourit à ses deux interlocuteurs , il savait que son attitude pouvait susciter la colère des brigands mais après tout que pouvaient ils faire? Ils étaient trop omnibulés par la promesse d’argent pour pouvoir s’en prendre au mercenaire , enfin c’est ce que dernier pensait.  Le Nordique les dévisagea l’un après l’autre tout en réfléchissant à sa réponse , de toute évidence le mélange de vérité et de mensonge semblait être la meilleure solution . Leur donner une parcelle de vérité était nécessaire pour acquérir leur confiance , ils fallaient qu’ils le croient et quoi de mieux que dire la réalité pour illustrer son honnêteté ; d’un autre côté Ald’ar n’avait nullement l’intention de tout leur révéler , la vérité  devait ici se mettre au service du mensonge.

-J’ignore le nom de la personne qui m’a donné votre adresse exacte , mais c’est un petit homme un peu gras à la moustache fournie . Un informateur qui fréquente une taverne des quartiers mal famés . Il est toujours accompagné de deux grands types pour assurer sa protection . Il est arrogant , cupide et têtu. Pourquoi ne m’a-t-il pas renseigné sur la procédure à suivre en frappant à la porte me direz vous? Eh bien j’imagine qu’il désirait simplement que vous me tuiez avant que je n’aie pu lever le petit doigt , ou la prothèse….

Le plus doucement et le plus discrètement possible , le Bras de Fer fit deux petits pas en avant tout en continuant à leur parler pour détourner ou capter leur attention , cela dépendant du point de vue.

-Vous voulez connaître mon maître mais j’ai bien peur que je ne puisse vous révéler son nom sachez simplement que c’est un puissant seigneur résidant dans les environs de Fondcombe. Peu vous importe son nom , montrez nous la marchandise et si nous somme satisfaits nous paierons.

Après qu’Ald’ar se soit tu , le silence s’installa durant quelque courtes secondes , un silence rapidement brisé par des bruits étouffés de sanglots . C’étaient les pleurs d’une jeune créature , une femme probablement et le bruit venait de derrière une petite porte qui semblait être plus un placard qu’autre chose.

Il y eut un moment de flottement , où personne n’osait bouger. Le lanceur de couteaux se retourna en direction de la source du bruit et tout alla alors très vite dans l’esprit du mercenaire. Selon le moustachu il se trouvait bien chez les ravisseurs d’une jeune orientale dont la description collait avec celle Koshka , son arrivée ici n’avait que fait confirmé ses soupçons ; ces deux hommes étaient les bons ravisseurs et la petite fille qui sanglotaient dans cette armoire , il y avait de fortes chances que ce soit la princesse orientale . Pourtant le Bras de Fer n’avait aucun moyen de vérifier ceci , d’en être certain totalement ; peut-être s’agissait-il d’une autre proie et les deux brigands auraient très bien pu cacher Koshka ailleurs.  Mais Ald’ar avait l’intuition que c’était la bonne personne , une sorte de fort pressentiment ; et son intuition ne le trompait que rarement.

Profitant de l'inattention du lanceur de couteau , Ald’ar se jeta sur lui avec fureur , il bondit littéralement sur sa proie en quelque pas seulement. Il n’avait peut-être pas son épée mais son bras métallique représentait une arme mortelle en soi et il désirait ardemment planter ses pics métalliques dans la gorge du bandit. Malheureusement pour le Nordique , l’homme au gilet rouge était vif et réactif , un couteau toujours à la main il se débattit , tailladant au passage le flanc de son adversaire. Le mercenaire cria de douleur , la blessure était superficielle mais impressionnante et surtout très douloureuse. Le sang suintait à grosses gouttes depuis sa blessure. D’un coin de l’oeil il observa Jerilyna aux prises avec le second homme , le Bras de Fer espérait sincèrement que la jeune fille n’avait pas choisi le métier de mercenaire par hasard et qu’elle savait se battre , sans quoi le Bras de Fer allait se retrouver avec deux adversaires sur le dos et alors cela se gâteraient de manière plus que certaine.
Le combat presque en corps-à-corps entre Ald’ar et le lanceur de couteaux était âpre , violent et disputé  . Coup de pied , de poings , de coudes ou de genoux alternaient avec tentative d’égorgement ou d’étranglement. Le Bras de Fer avait saisi le poignet de son adversaire , celui qui tenait le couteau , cette arme dangereuse. Il s’efforçait de la maintenir loin de lui avant d’asséner un violent coup de genou dans les parties de l’ennemi qui s’affaissa quelque peu  . Ald’ar déclara avec une voix meurtrière et triomphante.

-Pour la jeune fille je ne paye qu’au prix du sang.

Il leva alors son bras métallique prêt à l’abattre violemment sur le crâne de l’’homme pour le broyer .  L’arme-membre commença sa course avec un long sifflement dans l’air , Ald’ar espérait que le lanceur de couteaux , en bien mauvaise posture , n’avait plus de quoi lui jouer des tours et il espérait aussi que Jerilyna était assez talentueuse pour au moins retenir le second brigand jusqu’à que le premier ne soit complètement neutralisé.

L'homme au couteau de boucher grogna:

-Ah ce petit enfoiré d'moustachu, je vais lui arracher les tripes, on verra s'il fait autant le...

Il fut interrompu par le bruit des sanglots provenant de l'autre pièce. Tout se déroula alors très rapidement; alors qu'Ald'ar bondissait sur l'homme au gilet, Jerilyna se retrouva face au chauve qui ne mit qu'une fraction de seconde à réagir. La jeune fille essaya d'utiliser son agilité innée pour enfoncer son poignard dans le ventre de son adversaire, mais son manque d'expérience devint rapidement évident. Le criminel la blessa au bras, l'obligeant à lâcher son arme, puis la gifla violemment du revers de sa main gauche, l'envoyant au sol. Avec un sourire vicieux, il écrasa les doigts de la rousse avec son pied, en brisant au moins un.

Pendant ce temps-là, l'ancien athlète luttait pour sa vie. Son agilité lui permit de blesser le nordique, et éviter une bonne partie de ses coups, mais le combat tourna rapidement à son désavantage. Il n'était pas fait pour le corps-à-corps, préférant assassiner ses proies à distance avec ses couteaux de lancer. Face à la brutalité de l'ancien membre de la Couronne de Fer, il finit par vaciller, et se plia en deux lorsque le genou du Bras de Fer atteignit sa cible. La prothèse létale se heurta contre son crâne avec un bruit nauséabond d'os brisé, le coté gauche de sa tête se transformant en un mélange indiscernable de cheveux, de sang, de fragments d'os et de cerveau. Le regard de l'homme rencontra celui d'Ald'ar, accusateur, et il balbutia:

-Ca devait pas se passer comme ça. On était censés être riches...

Puis il s'écroula par terre, un filet de sang giclant de sa bouche.

C'est à ce moment là que son compagnon arriva en renfort tardif, un authentique râle de rage et de tristesse sortant de sa gorge, alors qu'il asséna un coup puissant bien que peu précis de son couteau de boucher. La lame glissa sur la prothèse d'Ald'ar, absorbant une partie de la force du coup, mais dérapa sur le bras du nordique, mordant sa chair et tranchant les lamelles de cuir qui maintenaient le bras métallique en place. A présent détachée, la prothèse tomba sur le sol, inutile.

Le triomphe du criminel ne dura pas longtemps, car la jeune Jerilyna fut preuve de détermination malgré son âge et son gabarit, et utilisant son bras gauche encore fonctionnel, blessa l'homme dans le dos, permettant à Ald'ar de l'achever.

***

Les deux aventuriers tournèrent leurs regards vers la petite porte. Ils étaient recouverts de sang, sueur, et des contenus d'un pot de chambre, le tout dans une chaleur étouffante. Lorsqu'ils ouvrirent la porte du petit grenier, ils y découvrirent une jeune fille aux cheveux noirs, en position fœtale, qui refusait de leur adresser la parole.

Soudainement, le bruit d'un vase se brisant sur le sol attira leur attention. S'attendant à découvrir un autre ennemi sortir de nulle part, ils furent surpris d'apercevoir un chat blanc sur l'appui de fenêtre. Le poil hérissé, la créature crachait en dévoilant ses dents, clairement déstabilisée par la scène de violence dont elle venait d'être le témoin.

Le crâne de lanceur de couteaux vola littéralement en éclats sous l’impact du bras métallique du Bras de Fer .  Son adversaire n’avait pas fait le poids face à l’expérience et la violence de l’ancien sbire de l’Ordre qui l’avait attaqué .  Le ravisseur réussit néanmoins à gargouiller quelques ultimes mots avant de tomber dans un sommeil définitif . Des mots traduisant une ironie morbide , le seul salaire qu’il récolterait pour son méfait c’était la mort.

Mais le Nordique eut à peine le temps de se redresser et de lever les yeux du répugnant cadavre que déjà son acolyte fondait sur lui à une vitesse phénoménal ; il s’était défait de Jerilyna et il s’attaquait à présent au plus gros morceau . Il profita de l’effet de surpris pour prendre l’ascendant sur son adversaire un peu pris de court , du moins pour son premier coup ; il frappa de façon plus ou moins précise avec son couteau de boucher. La lame glissa sur la prothèse d’Ald’ar qui l’avait mit en opposition pour se protéger. Mais le couteau continua à glisser et finit par trancher les lanières qui fixaient le fameux bras greffé qui tomba lourdement au sol sous les yeux écarquillés de son propriétaire. Comment cet insolent et impétueux petit criminel de seconde zone avait pu lui sectionner sa prothèse ? C’était impossible , ce petit teigneux le lui paierait cher très cher.

De son côté la petite rousse ne s’avouait pas vaincu malgré ses blessure et faisait preuve d’une détermination et d’une force d’abnégation sans borne. Voyant son comparse en difficulté , elle vola à sa rescousse . D’un geste précis , elle porta un coup violent dans le dos du bandit , qui , sous le choc s’écroula au sol .  Ald’ar , face à ce heureux retournement de situation , n’hésita pas une seconde de plus ; il bondit sur l’homme lui arracha le couteau des mains et commença à le frapper. Il touchait ses bras , ses mains et ses épaules , mais le petit homme se débattait si fort qu’il en devenait difficile d’atteindre les organes vitaux . Avec une violence accrue , le Nordique continua inlassablement à frapper de toutes ses forces jusqu’à épuiser son adversaire ; une fenêtre s’était alors ouverte. D’un geste rapide et d’une extrême précision il trancha la gorge du pauvre bougre comme s’il avait fait cela toute sa voix. Il y eut un gargouillis répugnant et les cris cessèrent ; le sang sombre s’écoulait de la plaie béante tandis que toute trace de vie avait disparue dans ses yeux terrifiés .


Lentement Ald’ar se releva et observa son moignon , l’homme avait sectionné sa prothèse de toute évidence pas assez bien fixée. Ah ! S’il retrouvait e chirurgien il lui dirait deux-trois mots.  La blessure n’était pas forcément extrêmement douloureuse et en tout cas bien moindre que ce qu’il avait connu de nombreux moi auparavant lors de son duel face à Sombre-Chêne , seigneur d’Imladris durant la conquête de Fondcombe. Un peu de sang s’écoulait de son bras meurtri mais il n’y prêta pas attention , il ramassa précautionneusement son bras métallique ; il allait devoir trouver un nouveau guérisseur pour qu’il puisse lui remettre sa prothèse en place et si possible de manière plus durable.
Trempé de sang et de sueur , empestant à cause du pot de chambre  ; le mercenaire avait un peu perdu de sa superbe surtout qu’il devait bien admettre que la petite lui avait sauvée la mise . Admettre ce genre de chose n’était pas toujours simple pour un combattant de son genre.

Sans dire un mot , le Bras de Fer invita Jerilyna à le suivre d’un signe de la tête . Il poussa la porte d’où provenait les sanglots. Ils entrèrent dans un petit grenier qui s’apparentait plus à un placard , sale et insalubre  ; une jeune fille aux longs cheveux bruns s’y trouvait. Elle était recroquevillée sur elle même , la tête entre bras et jambes en train de pleurer. De qu’il pouvait voir d’elle  , cela collait avec la description de Koshka . S’avançant lentement Ald’ar parla d’une voix plus basse et même plus douce , une voix que l’on entendait que rarement sortir de sa bouche.

-Hey , on est pas là pour te faire du mal , on viens te libérer. Tu es Koshka? Ton père nous a envoyé te chercher et on va te ramener à lui.

L’homme s’approcha encore un peu

-Tes ravisseurs sont morts , nous les avons tués … pour toi . Tu dois nous faire confiance.

Certes , le combat avec les kidnappeurs avait été engagé pour libérer Kishka mais Ald’ar était tout de même plus motivé par la promesse d’une montagne d’or pour récompenser le succès de sa mission .

A ce moment le bruit d’un vase qui se brisait retenti ; sur le qui-vive , tout les sens en alerte , Ald’ar se redresse en position de combat , prêt à en découdre à nouveau.  Il poussa finalement un sourire de soulagement en voyant que tout cela était l’oeuvre d’un chat blanc probablement déstabilisé voire affolé par ce capharnaüm . Toutefois il ne fallait pas endormit sa méfiance pour autant , le Nordique sortit un couteau de lancer qu’il avait préalablement récupéré sur le corps de son ex-adversaire. Il lança l’arme en direction du félin et manqua sa cible de près de dix centimètres ; l’ancien homme de l’Ordre fit la grimace , il n’avait pas été forme à ce genre de chose et cela s’en ressentait.  Il dit à Jerilyna

-Va t’occuper de ce chat avant qu’il n’alerte je ne sais qui ; il ne faut rien laisser au hasard.

Puis se retournant  vers Koshka

-Tu veux retrouver ta famille ? Alors tu dois nous suivre et vite ; nous ne devons pas nous attarder ici.

Ne sachant pas exactement pourquoi , le Bras de Fer avait le pressentiment qu’il fallait quitter au plus vite cet endroit qui ne lui inspirait pas confiance.

Le chat blanc hérissa le poil et bondit de la fenêtre pour se réfugier sous le lit. Jerilyna quant à elle ne fit que lancer un regard ténébreux à Ald'ar; difficile à dire si elle avait pris pitié de l'animal, ou si elle jugeait que pourchasser un félin sur le sol recouvert d'excréments et de sang n'en valait pas la peine, surtout en prenant en considération la douleur horrible que ses doigts brisés lui infligeaient.

La petite fille ne répondit rien, jetant un regard terrifié sur la scène du massacre, puis dissimulant son visage derrière ses cheveux, tremblante. Elle se laissa cependant prendre par le bras sans résister, afin de suivre les deux voyageurs vers la sortie de la bâtisse. Sur ce point, Ald'ar avait raison; il ne serait point sage de s'attarder ici.

L'étrange trio se dirigea alors vers la Grande Porte. Ils attiraient les regards surpris et désapprobateurs des passants. Heureusement pour eux, ils avaient pu laver les traces les plus évidentes du combat dans une fontaine publique avant de continuer leur chemin. La présence de Jerilyna rajoutait un peu de crédibilité à Ald'ar, qui aurait pu sinon passer lui-même pour un kidnappeur tirant sa proie par le bras.

Attiré par leur apparence grotesque, un duo de gardes se mit à les suivre de loin, s'approchant peu à peu. Un contrôle était imminent, et une inspection dévoilerait rapidement les tâches de sang et les blessures, très difficiles à expliquer...Dans le meilleur des cas, ils finiraient dans les quartiers de la Milice...

Les gardes étaient à présent qu'à dix pas derrière eux, et un des soldats leva le bras...puis le baissa, en voyant l'homme et les deux filles tourner vers la Grande Porte. Il haussa des épaules. Ce qui se passait en dehors de l'enceinte de la Cité Blanche ne le concernait pas, et il n'avait aucune envie de trop s'approcher de ces gens qui puaient comme des latrines...

***

Bientôt, ils se retrouvèrent devant le pavillon du seigneur oriental. Ils purent reconnaître le serviteur au visage peint, ainsi que le colosse Khorba, toujours armé de son sabre large. L'intendant leva les yeux et plissa le nez; même les parfums des huiles orientales brûlant dans les bols de cuivre n'étaient suffisants pour dissimuler l'odeur des aventuriers.

Son regard se posa sur la fille, et il fronça les sourcils. Lorsqu'Ald'ar lui annonça qu'ils avaient ramené la fille du noble, l'homme éclata d'un rire mélodieux, qui s'arrêta cependant très rapidement lorsqu'il s'aperçut que ses interlocuteurs étaient sérieux. Il tapa sur son genou avec la paume ouverte de sa main, frustré, puis dit, son accent toujours aussi intense:

-Quel fou vous raconta que Koshka est une fille?! Je ne sais qui est cet enfant, oui? Koshka, c'est l'animal favori de mon maître! Un fé..féla..in? Longue queue, oui? La fille ne nous sert pour rien! J'aurais du envoyer Khorba, oui? Au moins il sait quoi chercher!

C'est à ce moment là que les deux aventuriers s'aperçurent que les rumeurs et la maîtrise douteuse de la Langue Commune de leur interlocuteur les avait induit en erreur auparavant...Ils purent se rappeler des paroles du serviteur prononcées lors de leur première rencontre, qui effectivement ne montraient pas nécessairement que Koshka était humaine...

Koshka est petite, bayda...Il pointa le tissu blanc du véranda du doigt, voulant sans doute dire pâle, ou blanche. Caractère difficile, oui? Se laisse pas faire...Trouvez Koshka.

Ald’ar voulait sortir de la cité blanche au plus vite , en effet le spectacle d’un homme à la carrure impressionnante , à l’allure peu commode et empestant le chanvre  tirant du bras une petite fille attirait tous les regards et le Nordique n’aimait pas être au centre des attentions ; heureusement que la présence de Jeliryna lui permettait d’avoir une couverture qui lui sauvait la mise , finalement la jeune fille s’était montré plus utile que prévu  .  

Après avoir sommairement lavé les traces les plus évidentes du combat dans une fontaine publique , le trio prit la direction de la sortie de la ville d’un pas rapide . Du coin de l’oeil et sans se retourner le Bras de Fer remarqua deux gardes gondoriens qui les observaient et les suivaient de loin  ; il accéléra encore un peu plus la cadence sans pour autant le faire de manière trop visible , cela ne ferait qu’éveiller les soupçons des soldats : se battre contre deux vauriens dans une vielle maison était une chose , affronter des soldats de l’armée gondorienne en pleine rue en était une autre.  Le Nordique était peut être un peu fou , comme tout les hommes de sa graine mais il n’était pas complètement inconscient au point  de foncer tête baissée vers ce qui s’apparentait à une action suicidaire . En ce moment il désirait simplement quitter au plus vite la ville et arriver jusqu’à la tente du seigneur oriental pour lui restituer sa fille et toucher le gros lot ; il était bien loin d’imaginer la réaction des gens qu’ils l’attendaient là-bas lorsqu’ils arriveraient .

Lorsqu’ils franchirent les portes de la cité , les gardes arrêtèrent de les suivre ; une bonne chose pour le mercenaire. Cependant ce dernier savait que les ordres et directives que recevaient ces hommes les empêchaient de faire correctement leur boulot , en ne regardant que ceux qui se trouvaient entre les murs de la ville sans se soucier de ceux qui  étaient juste à l’extérieur les gardes ne pouvaient pas  voir leurs doutes confirmés ou infirmés en faisant simplement un contrôle hors de la cité car les va et viens incessants exposaient les citoyens à un risque certain .  Ils débouchèrent donc sur les vastes champs du Pelennor , envahis par des centaines si ce n’est des milliers de tentes dressés pour les invités de marque du mariage princier  . Le curieux trio déambula donc pendant une bonne dizaine de minute à travers ce dédale d’habitations éphémères , Ald’ar avait bonne mémoire et n’eut pas vraiment de mal à se souvenir de la localisation de la tente du “maître” oriental .

De loin ils reconnurent la silhouette du massif garde du corps : le dénommé Khorba et celle plus svelte de l’Intendant qui leur avait assigné leur mission . Une fois arrivé à leur hauteur , le Bras de Fer s’adressa au serviteur visiblement dérangé par l’odeur forte des deux mercenaires , trop forte pour ses narines délicates ,  sur un ton qui se voulait apaisé

-Dites à votre maître qu’il n’a plus à s’inquiéter . Nous vous ramenons sa fille bien-aimée .

L’Intendant se mit alors à rire mélodieusement , il semblait amusé par ce que venait de lui annoncer Ald’ar alors que ce dernier avait parlé le plus sérieusement du monde. Le Nordique haussa un sourcil devant la réaction de l’oriental ; il ne comprenait pas , cet abruti était il en train de se moquer de lui? Qu’est ce qui pouvait bien provoquer cette hilarité soudaine ? Quelque peu agacé , le Bras de Fer poussa la jeune fille devant lui de la manière la plus délicate possible , bien que la délicatesse ne soit pas le fort du guerrier .

-  Voilà la fille de votre maître , vous devriez la conduire à lui au plus vite au lieu de rire bêtement!

Le rire disparut alors aussitôt du visage basané du serviteur , visiblement il y avait un malentendu et Ald’ar ne tarderait pas à savoir de quelle nature il était. Le mercenaire jaugea la jeune fille qu’il avait libéré quelques minutes auparavant . Il fut alors assailli par le doute  . Et si….

-Quoi c’est pas la bonne fille ? On s’est trompé de personne? Regardez là bien voyons , vous devriez la connaître , des orientales enlevées ça court pas les rues quand même.

Clairement frustré , le serviteur se décida enfin à prendre la parole ; toujours avec son accent à couper au couteau.

-Quel fou vous raconta que Koshka est une fille?! Je ne sais qui est cet enfant, oui? Koshka, c'est l'animal favori de mon maître! Un fé..féla..in? Longue queue, oui? La fille ne nous sert pour rien! J'aurais du envoyer Khorba, oui? Au moins il sait quoi chercher!

Les paroles de l’oriental restèrent alors comme suspendu un instant dans les airs , Ald’ar et Jeriyna ne réagirent pas immédiatement ; il y eut plusieurs longues secondes d’un silence qui en disait long .

-Quoi? fit finalement un Ald’ar incrédule et incapable de dire autre chose de plus .

Il échangea un regard avec Jerilyna et avisa une nouvelle fois la jeune fille , frappé de stupeur. Intérieurement il se répétait ce que venait de lui annoncer son interlocuteur comme s’il voulait s’assurer que chaque mot voulait bien dire ce qu’il disait .

-Dame ! Le chat ! Il se retourna vers les deux autres jeunes filles  , visiblement en colère . Le chat ! C’était ce foutu chat blanc de la chambre ! C’est lui que nous cherchions !

Il se remémora alors sa première rencontre avec l’Intendant quand ce dernier leur avait confié la mission de retrouver Koshka . A l’époque il était parti avec l’espoir de décrocher un splendide magot , aujourd’hui il aurait bien voulu prendre l’homme par le collet et lui hurler dessus de toutes ses forces . Mais il n’en fait rien , déjà le colosse Khorba aurait tôt fait d’intervenir et Ald’ar n’était pas sûr de ressortir indemne d’un combat avec cet homme surtout qu’il était à présent séparé de sa prothèse en fer qu’il portait toujours sous son aisselle , de plus il avait réellement besoin de l’or promis pour se faire remettre le bras et mener à bien ses projets futurs. A grande peine il retint donc ses pulsions violentes , mais l’on pouvait aisément deviner qu’il fulminait. Passant sa rage sur un piquet de bois qu’il frappa violemment Ald’ar , qui avait visiblement perdu son sang-froid ,  cria

-Un chat ! Depuis quand on paye des mercenaires pour retrouver un chat ! Et puis c’était compliqué de nous dire ce qu’on cherchait exactement ! Un chat , il aurait pas pu nous le dire qu’on cherchait un chat ! Un chat!

De toute évidence le Nordique avait des difficultés à accepter son échec , la pilule avait du mal à passer. Mais il avait besoin de cet or et pour l’obtenir il fallait qu’il se reprenne au plus vite . Il se retourna et parla à nouveau à l’oriental

-Ecoutez je sais où se trouve l’animal de votre maître ; il faut juste y retourner et le récupérer en priant pour qu’il y soit encore . Malheureusement nous avons affronté de nombreux dangers pour votre maître durant cette mission.

Il présenta son bras amputé et sa prothèse métallique à présent inutile .

-En retournant là-bas on risquerait de nous reconnaître , il faudra se montrer discret et je veux que vous veniez avec nous . Pour être sûr que c’est le bon matou et pour pas que vous nous annonciez après coup que vous étiez à la recherche d’un Mumakil !

Le regard perçant d’Ald’ar se posa alors sur la jeune orientale , si elle ne faisait pas partie de la suite orientale d’où pouvait elle bien sortir  . Il aurait bien interrogé les deux ravisseurs mais ceux ci risquaient de ne pas pouvoir lui répondre . Les orientales enlevées dans la Cité Blanche ça ne courrait pas les rues et voilà qu’en cherchant la mauvaise personne il l’avait trouvé , était-ce un hasard ? une simple coïncidence? Il songea alors au petit moustachu , qu’est ce que cet arrogant savait il encore de plus? L’avait il volontairement envoyé dans un piège? Celui-là il pouvait toujours courir pour être payé , d’ailleurs le Bras de Fer n’avait jamais eu l’intention de partager sa part avec lui  ; dans ses plans initiales il aurait simplement informé l’oriental du rôle de cet informateur laissant ce dernier décidé ; de son côté Ald’ar avait prévu de partir avec l’or mais la donne avait légèrement changé. Il fallait que l’Intendant accepte de les accompagner et il fallait espérer que la garde n’avait pas encore repéré les cadavres des deux bandits et qu’ils ne se trouvaient pas sur la scène du combat.
Bien qu’il ne croyait pas en des forces supérieures , Ald’ar priait pour que le chat ne se soit pas fait la malle et soit resté dans l’animalerie.
Le mercenaire s’enveloppa dans une ample cape de voyage et dissimula son visage sous une capuche , il avait déjà été repéré il devait donc être discret . Se retournant vers l’interprète il lui lança

-Alors on y va?

Le Nordique n’avait jamais aimé ce genre de situation imprévues  mais il avait toujours su les gérer de manière efficace en bon guerrier qu’il était . Ce fut le cas à Valdol , à Echtebourg ou même par deux fois à Fondcombe lors de grandes batailles ; alors cette recherche de chat c’était une broutille à côté. Une broutille qui pouvait lui rapporter gros , très gros.