Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]

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Learamn
Agent de Rhûn - Banni du Rohan
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Learamn

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Localisation : Temple Sharaman, Albyor
Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan

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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyDim 11 Déc 2016 - 10:52
Learamn passa le reste de l’après-midi seul dans sa chambre avec pour seule compagnie ses béquilles qui ne le quittaient plus depuis bien longtemps. D’un côté il les haïssait et les voir lui donnait envie de vomir tant ces simples appuis de bois lui rappelaient la position précaire et finalement indigne d’un guerrier dans laquelle il était plongé.


Installé sur l’un des deux fauteuils de la pièce, il regardait vers l’extérieur à travers la fenêtre sans vraiment voir ce qui s’y passait. Il s’imaginait tous les scénarios possibles pour la mission d’Iran tout en espérant que le succès se trouvait sur son chemin.   S’il voulait vraiment peser dans cette enquête il fallait qu’il obtienne des réponses et vite car il avait l’impression de faire quasiment du sur-place et la courte avance qu’ils avaient pris sur les enquêteurs du Vice-Roi n’était pas éternelle.  Le Capitaine de la Garde Royale avait donc placé tous ses espoirs sur les épaules de l’Orientale qu’il connaissait depuis seulement quelques jours mais dont il avait l’impression qu’elle avait sa carrière d’officier entre les mains. Certes , faire reposer toutes les responsabilités sur Iran aurait été injuste et Learamn n’en avait jamais eu l’intention mai la réalité était telle qu’en l’état c’était elle qui était sur le terrain tandis que lui restait à attendre avec appréhension, encore une fois sur la touche. La frustration était toujours aussi prégnante et Learamn  ne pouvait plus supporter de penser à son spectre qui planait continuellement au-dessus de sa tête et qui le ramenait à la réalité dès que le jeune homme se mettait à espérer et rêver d’un avenir plus radieux. Pour tenter de se changer un peu les idées, le jeune cavalier allongea son bras pour se saisir d’un livre posé sur sa table de chevet; il n’était pas un lecteur acharné ou un grand littéraire mais il avait toujours apprécié cette activité. Dans sa jeunesse beaucoup s’étaient étonnés de voir que ce fils de paysan maîtrisait l’alphabet mais cela avait toujours paru naturel à Learamn. Dans sa famille tout le monde avait appris la lecture et des rudiments d’écriture ,  ses parents en avait fait une clé de voûte de l’éducation de leurs enfants comme avaient sûrement déjà dû le faire leur propre parent.  Peut-être avait -il un ancêtre appartenant à une noblesse qui avait transmis ce précieux savoir de génération en génération qui sait ?  Il entendait encore maintenant la voix rocailleuse  et autoritaire mais pas moins aimante de son père qui lui répétait sans cesse “ La sagesse se trouve dans les chiffres et les lettres.”; dans un certain sens c’était exact. Tout le savoir de la Terre du Milieu ou presque était retranscrit dans de nombreux ouvrages et ceux qui n’avaient pas appris à lire ne pourrait jamais y avoir accès à moins de disposer d’un lecteur attitré, chose plutôt rare chez les petites gens. Son père n’était pas vraiment quelqu’un , un simple fermier des environs d’Edoras mais il avait voulu donner un maximum de possibilité  à ses enfants afin que chacun puisse suivre sa voie ; et la maîtrise de la lecture et de l’écriture , même rudimentaire, ouvrait énormément de passerelles.  Le jeune homme ne se serait peut-être pas retrouvé au poste qui était le sien à un âge si précoce s’il ne présentait pas ses compétences qui avaient dû peser dans la balance.  S’il n’avait que très peu eu l’occasion de s’adonner à la lecture durant ses années de service, déjà plutôt bien remplies, il s’était bien rattrapé depuis Pelargir et sa blessure. Cloué au lit, il s’était occupé  comme il le pouvait et avait bien remercié ses parents de lui avoir appris cette pratique sinon il se serait bien ennuyé et morfondu sur son sort. Ses lectures n’avaient rien de très philosophique ou d’extrêmement pointu ; il s’agissait plus de histoires chevaleresques , de contes, de mythes et légendes traditionnelles du pays racontés par les bardes et les ménestrels mais cela avait le mérite de faire passer le temps sans prétention.  


Au début  du soir, on toqua à la porte. Learamn invita le visiteur à entrer, un majordome élégamment vêtu pénétra , un plateau à la main. L’officier se crispa d’abord, le personnel du palais avait été infiltré par les ravisseurs de Dame Aelyn et peut-être ces derniers y avaient -ils laissés quelques espions , mais quand il reconnut le visage ridé et affable du vieil homme il se détendit. Le nom du personnage lui échappait mais il était familier de la maison.


“Le dîner de Monsieur le Capitaine s’il vous plaît.
-Vous pouvez le déposer sur la table. Merci.”


Le majordome s’éclipsa avec une discrétion professionnelle laissant le militaire à ses sombres pensées et à ses pommes de terre sautées.  D’un oeil peu enthousiaste Learamn avisa le dîner qu’on lui avait servi, à cause de son inactivité le capitaine s’imposait un régime strict pour éviter de prendre trop de poids ce qui pourrait encore retarder son retour sur le terrain. Avec ces semaines sans le moindre entraînement ou déplacement il savait son corps affaibli, une grande partie de sa masse musculaire patiemment construite avait fondu comme neige au soleil et il se devait à présent de contrôler la petite couche de gras qui risquait bien de pointer le bout de son nez sous peu s’il continuait à passer ses journées au lit.

Son assiette était donc composé d’un morceau de poulet de quelque légumes et pomme de terres , d’une miche de pain ainsi que d’un grand pichet d’eau.  En humant le parfum de la nourriture il se rappela qu’il n’avait quasiment rien avalé de la journée et que son ventre criait famine. ll s’empara donc de ses couverts et entama son repas avec appétit, celui-ci n’avait rien d’exceptionnel au goût mais la faim aidant il le trouva excellent.  


C’est à ce moment qu’Iran fit irruption dans la pièce. Heureux de la voir revenir de sa mission sans avoir eu , à priori d’accrocs, il l’invita d’un geste à s’asseoir. La jeune femme lui exposa alors les découvertes et hypothèses qu’elle avait pu faire notamment en enquêtant sur la scène du double meurtre ou encore en examinant les corps à la morgue.  Pour elle l’attaque venait de l’intérieur du palais ; cela avait du sens si on s’en tenait à la théorie que les malfrats avaient réussi à infiltrer le palais.  Mais, fait plus surprenant, elle affirmait avoir reconnu l’un des cadavres puisqu’il s’agirait d’un des hommes l’importunant quotidiennement aux bains et qui avaient manqué de la noyer le matin même. Elle pensait qu’il s’agissait du complice infiltré qui a tué le premier garde avant de lui même tomber sous les coups de ses alliés malintentionnés.  Il n’y avait rien de bien tangible pour appuyer ses propos sauf un élément qui risquait bien de bouleverser le cours de l’enquête.  Iran avait identifié une marque sur le bras du macchabé et l’assurance avec laquelle elle donna sa signification ne laissait pas la place au doute : l’Ordre de la Couronne de Fer. Ces quelques mots prononcés eurent le même effet que le fracas d’un marteau contre une enclume et comme s’il venait d’avoir été poignardé sur place ; Learamn, laissa tomber sa fourchette , interdit , la bouche légèrement entrouverte et les yeux écarquillés de surprise et d’effroi. Lui qui pensait ne plus jamais avoir à entendre parler de cette sinistre organisation la voilà qu’elle revenait l’assaillir avec vigueur dans sa propre demeure.  Après ce court moment de flottement le jeune officier fut pris de l’envie de se lever prendre son arme , réunir ses hommes et partir en croisade sur le champ contre les derniers vestiges de l’Ordre ; mais l’étrangère, prenant le rôle de la voix de la sagesse, calma ses ardeur en lui conseillant d’attendre le lendemain.  Elle n’avait pas tort  , dans leur état de fatigue extrême tout ce qu’il pourrait faire risquait d’être contre-productif.


Iran l’interrogea alors sur cet Ordre, elle voulait en savoir plus sur cette organisation trouble dont tout le monde avait entendu le nom mais presque personne n’en connaissant l’essence. Elle avait visiblement entendu que Learamn avait un passif avec cette nébuleuse.   Un rictus douloureux apparut sur le visage du blessé, visiblement il n’était pas aisé pour lui d’en parler. Mais à présent Iran était mêlé à cette histoire et il en était un peu responsable , elle avait le droit d’avoir plus d’informations à ce sujet.  


Il but un peu d’eau, plus pour se donner du courage et repousser sa réponse de quelques secondes que pour se désaltérer et tendit son pain à son “équipière”.


“Mange; tu dois aussi reprendre des forces.  J’ai ordonné qu’on porte un repas jusqu’à tes appartements mais on peut le faire venir ici puisque nous avons à parler.”


Il s’installa alors plus confortablement dans son fauteuil et se décida  à lui exposer ce qu’il savait sans vraiment savoir par où commencer.


“Sans que je ne le veuille vraiment l’Ordre aura influencé tout mon parcours militaire, toute ma carrière, peut-être même toute ma vie. SI j’ai fait les choix que j’ai fait c’est à cause de l’Ordre, si j’occupe ce poste c’est aussi à cause de l’Ordre et si je me retrouve bloqué dans cette situation morbide c’est encore et toujours à cause de l’Ordre. Il y a une chose dont je ne suis pas bien fier mais que je ne cherche pas à cacher; au début j’étais un de leur sbire. Je ne le savais pas vraiment, à vrai dire je ne connaissais pas l’existence de cet Ordre mais je servais sans l’armée d’Hogorwen, le roi félon qui n’était autre qu’une de têtes de cette organisation. Par conséquent, je les servais bien qu’indirectement.
Mon premier réel contact avec l’Ordre de la Couronne de Fer fut par le biais des armes après ma désertion et mon arrivée dans les troupes du Maréchal Mortensen , le Félon s’était mis en tête d’éradiquer l’opposition incarné par son neveu Orwen, le maréchal et le jeune Fendor à Aldburg et pour ce faire il avait pu compter sur le soutien de ses alliés. Des hommes venus de loin , vêtus de noir et de blanc; à l’époque je ne le savais pas mais Rokh était parmi eux. Ils faisaient partie de cet Ordre, on me l’avait bien dit sans apporter plus de précisions ; je les ai donc combattu sans savoir qui ils étaient vraiment, j’en ai tué et j’ai même été récompensé par une promotion pour cela.  Au lendemain de la bataille et de la victoire j’eus “ la chance” d’en savoir plus puisque j’avais été désigné pour prendre part à une expédition visant à couper la tête de l’Ordre dans leur propre bastion.  J’y ai vu des choses qui défient l’entendement et l’imagination ; en plus de ses troupes régulières qui nous ont régulièrement harcelé tout au long du périple l’Ordre comptait sur des forces mystiques et magiques d’une puissance et d’une violence rare.  Dans les catacombes  Vieille-Tombe,  dans leur refuge , je pense avoir perdu beaucoup mais j’ai vu beaucoup. Presque tout leur état-major était là , des dignitaires influents ainsi que des assassins surentraînés mais il y avait aussi leur chef  : un esprit ancestral , vieux de centaines voire de milliers d’années ayant pris possession du corps d’une jeune fille : l’Orchâl. Mais en payant le prix fort nous avons vaincu l’impossible, battu l’inimiginable. Je m’en étais sorti à peu près indemne physiquement et j’osais enfin lorgner sur l’avenir ; j’avais encore été promu et j’étais de retour au pays. Je croyais que tous ces malheurs étaient derrière mieux et que je pourrai enfin jouir d’un peu de calme et sérénité mais l’Ordre avaient encore de nombreux tentacules et une fois que l’on tombe entre eux on ne peut jamais y réchapper. Je m’étais rendu à la Cité Blanche pour le mariage du Prince d’Arnor et j’ai participé à un sombre interrogatoire dans les souterrains , on essayait de tirer les vers du nez d’une Canthui rescapée de la purge de Vieille Tombe pour savoir où se situait les derniers vestiges de l’Ordre. Parmi les derniers bastions de l’Ordre figurait Pelargir; tombée  lentement sous la coupe de l’Ordre à l’insu de tous.  Je fus alors désignée pour mener à  la libération de la ville à la tête d’une petite compagnie hétéroclite de guerriers des Peuples Libres ; dans l’absolu l’objectif fut atteint mais je ne peux considérer cette mission comme autre chose qu’un échec. Presque tous sont morts  et ceux qui ont survécu seront marqué à jamais parce que je pensais être mon ultime affrontement contre l’Ordre , traînant des peines aussi morales que physiques comme des fardeaux éternels. Je suis revenu meurtri ici , blessé sans savoir si je pourrai à nouveau monter à cheval et accomplir mon devoir mais j’avais une seule satisfaction : celle d’en avoir fini avec l’Ordre. Mais j’avais tort ; voilà qu’il rapplique pour nous atteindre en plein cœur et je ne suis plus en mesure de me dresser face à eux.  Du peu que je sais  cet Ordre regroupe aussi bien des mercenaires parvenus seulement intéressés  par l’argent que des fanatiques sous l’influence de leurs supérieurs dans une structure hiérarchique pyramidale ; ils sont tous des combattants rompus aux arts de la guerre venus de tous les coins du Continent. Ils ont des agents et des adeptes  partout , cachés, tapis dans l’ombre, attendant à nouveau leur heure ; c’est ce qui les rend si  dangereux. “


Learamn se sentait vidée par l’annonce d’Iran concernant la marque de l’Ordre, il avait le sentiment que cette fois il ne pouvait plus vaincre cette hydre qui revenait sans cesse à l’assaut alors que tous la croyaient enterrée.


“Coupez-en une tête , une autre repoussera.”
laissa échapper l’officier dans un murmure.





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Alors qu’ils discutaient encore à propos des derniers événements mais que la fatigue qui les gagnait peu à peu leur intimait de prendre du repos on tapa violemment à la porte des quartiers de Learamn , ce dernier donna son autorisation d’entrer et Eopren fit son entrée. Le briscard affichait une mine inquiète, presque affolée ; de souvenir son jeune ami ne l’avait jamais vu dans cet état.


“Learamn il faut que tu viennes voir ça.
-Qu’y a-t-il ?
Demanda un Learamn impatient , quelque peu mécontent d’être à nouveau dérangé mais qui se doutait aussi bien que quelque chose de grave s’était produit.
-On est entré dans  la morgue, Boliden a été tué et deux corps ont été enlevé, vandalisé et brûlé.
-Quoi?”


Ces deux corps il n’était même pas la peine de se rendre sur place pour savoir desquels ils s’agissaient. L’Ordre avait encore frappé en plein cœur. Learamn se tourna vers Iran .


“Il n’y a plus de temps pour se reposer , il faut faire quelque chose et vite.”


Le problème était que Learamn n’avait absolument aucune idée de “quoi faire”. Il se saisit cependant de ses béquilles, enfila un manteau de fourrure ainsi que sa cape d’officier de la Garde Royale, décidé à voir ce triste spectacle de ses propres yeux, Iran et Eopren sur ses talons. Dehors la nuit printanière était fraîche et un léger vent d’est soulevait les cheveux de l’officier qui claudiquait à une vitesse affolante malgré la douleur et la fatigue qu’il avait relégué au second plan . La lune avait disparu derrière les nuages, annonçant une longue nuit sans trace de lumière.  En arrivant sur place , il vit ses craintes confirmées. L’employé sauvagement assassiné et les deux corps devenus complètements inexploitables. Le feu et le sang , l’Ordre avait frappé par ses deux moyens préférés et finalement c’était peut être là leur seule faiblesse.


Comme frappée par une illumination venant des Valars eux-même Learamn se tourna vers ses deux acolytes.


“Oui ...le feu et le sang…. Il faut suivre le feu et le sang et nous remonterons jusqu’à l’Ordre. C’est toujours ainsi. Le feu et le sang…”



Iran et Eopren échangèrent un regard incrédule, visiblement le capitaine avait vraiment besoin de repos. Et pour cause cette inspiration de génie avait tout d’un coup de folie.


The Young Cop


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Ryad Assad
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyVen 16 Déc 2016 - 15:17

Iran, silencieuse comme à son habitude, observait Learamn droit dans les yeux avec une attention presque dérangeante. C'était quand on l'observait sous cet angle, sous cette lumière particulière, que l'on pouvait voir à quel point elle était désespérée de retrouver les assassins de feu son ami. Elle avait soif de la moindre information, et le moindre élément qui pouvait lui permettre de se rapprocher de la résolution de sa vendetta désaltérait son angoisse permanente. L'angoisse d'échouer. L'angoisse de laisser les meurtriers de Rokh s'en tirer et disparaître. Elle réprima un frisson, fermant les yeux un instant alors que le récit se poursuivait ininterrompu.

Le jeune Capitaine, avec une franchise désarmante, lui racontait non seulement l'histoire de l'Ordre mais également la sienne. Il n'aurait pas pu mieux ouvrir son récit qu'il ne l'avait fait, et à mesure que ses mots coulaient, la guerrière comprenait à quel point son destin et celui de l'Ordre de la Couronne de Fer étaient liés. Voilà qui expliquait sans doute pourquoi il ne pouvait pas rester sans rien faire, malgré les injonctions du Vice-Roi. Il avait un compte personnel à régler avec cette organisation, et il souhaitait de toute évidence être de ceux qui porteraient un coup fatal au monstre tapi dans l'ombre qu'ils affrontaient. A cause de ces hommes malveillants, il avait été obligé de s'enrôler contre son propre peuple qui s'était déchiré dans une guerre civile atroce et violente. Il avait dû faire le choix de soutenir des hommes qui s'opposaient à leur roi, et qui étaient ainsi devenus des renégats. Les vainqueurs de ce terrible conflit avaient eu le privilège de décider qui était le bon et qui était le méchant ; ils avaient fait d'Hogorwen le vilain de cette pièce tragique et sanglante, tandis que tous ceux qui s'étaient ligués contre lui étaient devenus des héros. Mais qu'en aurait-il été si l'issue s'était retrouvée inversée ? Learamn aurait probablement été exécuté comme bon nombre de rebelles, et son nom serait passé à la postérité comme celui d'un traître, d'un parjure qui avait soutenu le mauvais camp…

Le destin ne tenait parfois qu'à un fil.

Iran ne put s'empêcher d'admirer la bravoure qu'il avait fallu au jeune homme pour accepter de faire un choix aussi difficile. Tout abandonner, accepter le risque et le danger, et lutter férocement pour défendre une cause perdue d'avance. Tout sacrifier, en payer le prix, et finalement remporter une victoire inattendue… Quand elle le regardait, qu'elle voyait les blessures de sa chair, qu'elle sentait les blessures de son âme… elle ne pouvait s'empêcher de se demander quel choix serait le sien dans pareille situation. Elle appartenait à la Garde Royale, elle avait prêté serment de fidélité absolue à sa suzeraine, et elle avait juré de donner sa vie pour elle si nécessaire. Mais la justice d'une cause importait-elle davantage que les serments passés ? Elle soupira légèrement, alors que la réponse lui apparaissait clairement. Elle était là, évidente, enfouie dans les racines de son éducation, dans les paroles de son père qui lui passait une main sur la tête en lui rappelant qui elle était. Elle avait, inscrite dans sa peau sous la forme de tatouages complexes et indéchiffrables pour quiconque n'était pas initié des secrets de sa tribu, la vérité sous sa forme la plus pure. Une vérité que ses ancêtres se passaient de génération en génération, et considéraient comme leur bien le plus précieux.

Elle remercia intérieurement son père pour son enseignement, et sa mère pour la discipline qu'elle avait su lui inculquer. Elle savait qu'elle ne pourrait pas les décevoir. Jamais.

Revenant à Learamn, elle ne put s'empêcher de lever un sourcil en entendant prononcé le nom de Vieille-Tombe, le terme que les gens d'ici employaient pour décrire la grande cité occidentale du Rhûn. Ainsi c'était au cœur même de son royaume que les ennemis du monde s'étaient dissimulés ? Ils l'avaient fait à l'insu des espions de la Reine Lyra, qui aurait sinon tout tenté pour traquer et éradiquer ces assassins jusqu'au dernier. Iran ignorait jusqu'à quel point les habitants d'ici étaient au courant de ces choses, mais elle ne pouvait pas leur en vouloir d'être méfiants envers elle. S'ils associaient le glorieux royaume de Rhûn aux odieux misérables qui avaient élu domicile dans les catacombes de la cité cémétériale, alors ils ne pouvaient que haïr tous les représentants du premier au motif qu'ils avaient de la main des seconds. A la fois honteuse et indignée, Iran se laissa aller à une moue qui exprimait ses émotions les plus profondes. La colère, le sentiment d'injustice, et bien entendu l'envie de laver l'honneur de son peuple tout entier.

Elle fit cependant en sorte de garder le silence, déterminée à écouter Learamn jusqu'au bout pour ne pas interrompre son récit et lui faire perdre le fil. Ses dernières paroles n'étaient malheureusement pas rassurantes, et alors qu'elle espérait le voir faire preuve d'optimisme, il ne put que la mettre en garde face à la dangerosité de ceux qu'ils traquaient. L'Ordre était une bête puante et répugnante, mais particulièrement coriace et difficile à tuer. Elle savait qu'elle aurait fort à faire, et qu'il ne s'agirait pas de porter la justice à des hommes qui demanderaient merci et pardon. Ils se battraient jusqu'au bout, et elle devrait se montrer impitoyable pour mener sa quête à son terme. Prenant acte, elle hocha la tête avec vigueur, et répondit implacable :

- Nous trancherons toutes celles qui se présenteront. Jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une seule. Que Melkor guide notre bras.

Elle sentit que Learamn ne partageait pas totalement son avis, mais elle fut incapable de discerner pourquoi, et elle passa à autre chose. L'état de santé du Capitaine la préoccupait quelque peu, car il paraissait à la fois brûler d'un désir ardent de se remettre, mais également hanté par des souvenirs et de mauvais esprits qui venaient ponctionner son énergie réparatrice. Elle se leva bientôt, et s'affaira à débarrasser son plateau, ses couverts, pour le laisser s'installer confortablement. Elle n'écouta pas ses protestations, agissant avec rigueur et précision. Elle n'avait rien d'une mère en l'occurrence, et elle incarnait toute la discipline d'un soldat cherchant à accélérer la rémission d'un compagnon d'armes. Il n'y avait pas de tendresse particulière dans ses gestes, et elle ne se perdait pas à rêvasser et à sourire pendant qu'elle s'occupait à nettoyer la pièce où ils se trouvaient.

Elle se retourna comme une furie, main sur la poignée de son arme, quand des coups sourds vinrent retentir contre la porte. Les paroles de Learamn résonnaient encore en elle : « Ils ont des agents et des adeptes partout, cachés, tapis dans l'ombre... ». Pendant un bref instant, elle se demanda s'ils n'étaient pas là dehors, venus pour tenter de les éliminer. Elle jeta un regard au Capitaine, qui paraissait moins inquiet, et qui indiqua simplement au visiteur d'entrer. Le guerrier Eopren fit son apparition, et Iran se détendit légèrement. En temps normal, probablement qu'il aurait été surpris de la voir dans cet état, mais il paraissait venir pour des affaires plus urgentes, et il en oublia même d'appeler son supérieur hiérarchique par son grade.

Ce fut précisément ce détail qui inquiéta la guerrière, car un tel manquement au protocole ne pouvait signifier qu'une seule chose : quelque chose de très grave était arrivé. Les explications du militaire tombèrent comme un coup de massue, et Iran ne put s'empêcher de s'exclamer :

++ Impossible ! ++

Mais c'était au contraire bien possible, car leurs ennemis avaient déjà prouvés qu'ils pouvaient s'introduire dans le Château d'Or. Quel endroit de la ville ne pouvaient-ils pas toucher ? La colère s'empara de la guerrière, qui se fit soudainement très sombre, ruminant sa propre stupidité. Les preuves dont ils avaient besoin… envolées ! Leur seul piste venait désormais de disparaître, et elle ne pouvait pas concevoir qu'après avoir été si proches de leurs ennemis, ils se retrouvaient désormais perdus au milieu de nulle part. Son menton se mit à trembler de frustration, mais Learamn était déjà prêt à passer à l'action, et elle se remémora qui elle était, et ce qu'elle devait faire :

- Vos béquilles, Capitaine. Après vous.

Alors qu'ils rejoignaient le lieu du crime, Iran ne put s'empêcher de demander à Eopren :

- Y a-t-il des suspects ? A-t-on vu quelqu'un ?

L'intéressé lui fit signe qu'il n'en savait rien, probablement que l'affaire était trop récente pour que des témoins se fussent déjà manifestés. Elle serra les poings de rage, et descendit la volée de marches qui menait au dehors. Le Capitaine, malgré sa blessure, allait à un bon rythme, et elle fut contrainte d'allonger la foulée pour le suivre. Il était consumé par le besoin de savoir, de découvrir par lui-même toutes les preuves possibles concernant cet incendie. Une ou deux fois, il vacilla sur ses appuis, mais jamais il n'eut besoin de leur aide pour se remettre en route. Sa force de caractère étouffait la douleur, et il progressait sans se rendre compte qu'il souffrait le martyr. Ce fut alors qu'il se retourna vers eux, et qu'il leur lança cette phrase énigmatique. Le feu et le sang. Iran regarda Eopren, espérant qu'il pourrait l'éclairer, mais il paraissait aussi perdu qu'elle. Suivre le feu et le sang ? Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Elle était une traqueuse émérite, mais encore fallait-il que ses proies eussent la bonté de laisser des traces derrière elles. Que trouveraient-ils dans les ruines de la morgue ? Que trouveraient-ils sur des cadavres mutilés et incinérés ? Elle ne reprit pas le Capitaine cependant, et se contenta de le suivre en espérant que son intuition les mènerait quelque part.

Ils arrivèrent bientôt sur la scène macabre, qu'ils n'eurent aucun mal à repérer dans la nuit. Des langues orangées sortaient encore de la morgue, alors que des dizaines de personnes se passaient des seaux pour essayer de contenir l'incendie. Les ravages avaient été maîtrisés, du fait essentiellement que la morgue était avant tout une sorte de caverne aménagée, et non une bâtisse en bois. Sans cela, les dégâts auraient pu être catastrophiques, car le temps était propice à la propagation d'un incendie. Sec, avec un vent léger mais constant… ils auraient eu beaucoup de mal à sauver Edoras si l'Ordre avait voulu frapper fort. Une odeur âcre et répugnante se dégageait du charnier, laquelle incommodait sérieusement les civils et les militaires affairés à achever les restes de l'incendie. Certains, couverts de suie, devaient reculer pour reprendre leur souffle et décrasser leurs poumons, alors que d'autres se précipitaient pour les remplacer. Les habitants avaient fait un bon travail, et ils avaient réussi à inonder l'entrée de sorte que les flammes étaient confinées à l'intérieur. Des hommes particulièrement braves avaient réussi à s'insinuer dans la morgue, et ils en avaient retiré les cadavres, dont deux étaient en flammes quand ils étaient arrivés. Ce n'était que lorsqu'ils avaient réussi, à les traîner dehors qu'ils avaient remarqué que leur tête manquait. Le troisième, assassiné à l'aide d'une lame, n'était autre que Boliden, le type qui s'occupait des lieux. Il était certes un peu bizarre, mais il n'avait jamais fait de mal à personne, et sa mort était autant un choc qu'un mystère.

Mystère que Iran était bien décidée à élucider, et elle ne se fit pas prier pour cela.

Mue par un élan irrépressible, elle se rua dans la chaîne, s'emparant d'un seau d'eau, mais au lieu de le passer à son voisin, elle s'élança vers le brasier. Peut-être Learamn et Eopren crurent-ils qu'elle allait simplement contribuer à éteindre l'incendie – ce qui aurait été un noble geste – et pour cette raison ils ne firent rien pour l'arrêter. Ils auraient peut-être dû. Au lieu de jeter l'eau sur les flammèches qui bondissaient vers elle, elle baissa la tête et pénétra dans la morgue sans réfléchir. La dernière chose qu'elle entendit avant d'être happée par le vacarme assourdissant du feu dévorant fut une voix abasourdie lui crier :

- Revenez, il n'y a plus personne à sauver là-bas !

Mais il y avait quelqu'un encore… Rokh Visuni, son ami, dont elle devait sauver la mémoire. Elle n'avait pas le choix ! Sitôt entrée dans la morgue, la chaleur étouffante la saisit à la gorge, et elle se baissa par réflexe. Sa vision se brouilla, et elle sentit des larmes inonder son regard. Les prochaines secondes seraient cruciales. Observant autour d'elle, elle ne vit que des flammes qui se penchaient dans sa direction, comme attirées par la perspective de la caresser de leurs langues incandescentes. Elle se recroquevilla pour les éviter, et essaya de repérer quelque chose. N'importe quoi qui pourrait lui permettre de repartir d'ici avec un indice ! Mais il n'y avait rien. Pas un objet laissé par l'assassin, pas une note, pas un mot, pas une trace ou un signe. Elle se mit à tousser violemment, et elle piocha dans l'eau du seau pour s'humidifier le visage. Le liquide se transforma en vapeur en quelques secondes, et elle eut l'impression de transpirer encore davantage.

Mais elle devait avancer !

A force de persévérance, elle finit par découvrir quelque chose. Un indice. Un véritable indice ! Un objet grossièrement sphérique qui lui tournait le dos. Elle hésita longuement avant de tendre la main vers lui, mais elle finit par vaincre sa répulsion et par faire ce que son devoir lui commandait. Le visage qu'elle fit pivoter vers elle avait été largement dévoré par le feu, mais il n'était pas totalement défiguré. Elle reconnut le visage de son agresseur, du moins en partie. C'était ça, la preuve !

Elle sourit, et voulut se lever pour rejoindre la sortie, mais son corps refusa de lui obéir. Difficile d'exprimer les choses de manière différente. Son esprit commandait, mais son corps refusait d'agir. Tout au plus était-elle capable de mouvements lents et grossiers, mais rien qui pût lui permettre de se relever et de courir à l'abri. Même le seau qu'elle avait laissé non loin lui paraissait inatteignable en l'état. Elle tomba à genoux, et essaya de progresser tant bien que mal à quatre pattes pour s'extraire de cette maudite prison de flammes qui se refermait sur elle. Toutefois, la tâche était insurmontable. Elle était déjà restée plus longtemps qu'elle ne l'aurait dû, et désormais l'espoir de regagner la surface s'était transformé en un rêve douloureux. Elle s'effondra à plat ventre, le souffle court, privée de l'air que les flammes engloutissaient avidement.

- Iran !

Elle ouvrit les yeux, sans se souvenir de les avoir fermés. Une main ferme la prit sous les épaules, une autre glissa sous ses genoux, et elle se sentit brusquement quitter le sol. L'impression étrange de ne rien peser se dissipa quand elle prit conscience que son sauveur n'était pas Melkor lui-même venu la guider vers ses ancêtres, mais bien un Rohirrim dont elle connaissait le visage. L'ami de Learamn : Eopren ! Elle sortit de sa torpeur un instant, mais au lieu de le remercier, elle lui attrapa le col, et le força à regarder ce qu'elle lui pointait du doigt :

- Regardez ! Cria-t-elle. Regardez ! Regardez !

Il ne faisait que ça, et il finit par voir le visage partiellement brûlé. Elle n'avait pas la force de lui donner plus d'explications, et elle se contenta donc de lui intimer de regarder. Il s'immobilisa ainsi quelques secondes, jusqu'à ce qu'il lui apparût qu'elle n'allait pas lui donner davantage d'ordres du même genre. Alors, accomplissant ce pour quoi il était entré en premier lieu, il franchit la porte de la morgue et ramena Iran à l'extérieur, en sécurité.

La morsure intolérable de l'air glacial lui donna l'impression que chaque pore de sa peau était transpercée par des aiguilles insidieuses. Eopren la déposa sur le sol, et elle fut immédiatement entourée par des Rohirrim qui vraisemblablement ne la reconnurent pas sur-le-champ, car ils s'inquiétaient de sa santé. Elle entendit une voix puissante écarter la foule, et elle vit bientôt le Learamn se pencher vers elle, visiblement soucieux :

++ Capitaine... ++ lâcha-t-elle avant d'être prise d'une quinte de toux, ++ ...de l'eau. ++

Elle n'avait pas réalisé que les mots étaient sortis de sa bouche en rhûnien, ce qui devait laisser son interlocuteur bien embarrassé. Il y eut des questions, pressantes et confuses, mais elle n'en comprit pas une seule. Le Westron, langue qui lui était étrangère, était trop difficile à déchiffrer pour son esprit embrumé, et elle se contenta de répondre :

++ Il a vu… Il a vu son visage… ++

Et elle espérait sincèrement qu'Eopren, lui, pourrait identifier le corps. Ils avaient dû laisser la tête à l'intérieur, et d'ici à ce que l'incendie fût totalement arrêté, elle aurait eu le temps de finir calcinée. Mais si le Rohirrim avait gardé en mémoire les traits qu'il avait pu observer… s'il pouvait faire les liens qui s'imposaient… alors elle n'était pas mécontente d'avoir risqué sa vie ainsi. Cependant, elle n'était pas encore au bout de ses peines…


~ ~ ~ ~


Avalant à vive allure les derniers mètres qui les séparaient de l'effroyable spectacle, Wald et la douzaine d'hommes sous son commandement écartèrent de leur chemin tous ceux qui se trouvaient là, jusqu'à ce qu'ils aperçussent le Capitaine Learamn, de la Garde Royale. Wald appartenait également à ce corps prestigieux, contrairement à ceux qui le suivaient aujourd'hui, et il salua son officier avec toute la déférence nécessaire. C'était un soldat courageux, déterminé et particulièrement loyal. Il avait été parmi les premiers à soutenir la rébellion de Mortensen, et il était de ces hommes sur qui on pouvait compter en toutes circonstances.

- Mon Capitaine, commença-t-il, quelle tragédie n'est-ce pas ?

La question était anodine, mais montrait que l'homme voyait dans son supérieur plus qu'un arriviste catapulté là bien trop vite. Il avait du respect pour Learamn, probablement plus que la moyenne des gardes, mais cela ne signifiait pas qu'il faisait confiance aveuglément aux capacités du jeune homme. Il le savait être un guerrier émérite, et s'il n'avait aucune idée de ce qu'il avait traversé en allant libérer l'actuel Vice-Roi, il pouvait dire que cela avait été un enfer, à en juger par le regard changé du Capitaine à son retour. Il y avait dans les yeux d'un homme qui avait vu la noirceur absolue du monde une sorte de fissure à nulle autre pareille. Toutefois, nombreux étaient les gens qui plongeaient dans les abysses, et tous n'en ressortaient pas grandis. Certains devenaient fous, perdaient contact avec la réalité, ou bien devenaient dangereux. Le regard que Wald plongeait dans celui de Learamn paraissait chercher à établir auquel de ces trois niveaux le Capitaine se trouvait.

- Mon Capitaine, je vais devoir vous demander de vous écarter.

La surprise de Learamn ne l'étonna pas. A dire vrai, il s'attendait à le trouver sur son chemin, et il avait déjà soigneusement réfléchi à la chose pendant qu'ils marchaient vers ses appartements. Il s'attendait à se heurter à un mur inflexible, et il avait été obligé de faire l'état des lieux de leurs forces respectives avant d'arriver. Le plus jeune pouvait faire jouer son grade dans la balance, mais il ne pouvait pas s'opposer à une enquête officielle concernant une affaire aussi grave que celle à laquelle ils étaient confrontés. Il risquait simplement de tout perdre, car le Vice-Roi n'était pas d'humeur à pardonner à quiconque de faire des vagues. Pas même à un soldat qu'il avait pris sous son aile, et qu'il avait toujours protégé.

- Nous avons pour ordre d'emmener l'Orientale avec nous. Je vous saurais gré de ne pas vous interposer.

Voilà, les choses étaient dites. Imaginer qu'il allait accepter aussi facilement était inespéré, mais il fallait compter sur le fait qu'il n'oserait pas faire de scandale devant tant de gens réunis. Il ne pouvait pas non plus espérer la protéger contre treize épées avec ses seules béquilles. Wald posa un regard condescendant sur un soldat couvert de suie qui approchait, paraissant vouloir protéger la jeune femme assise par terre, qui semblait les regarder sans comprendre :

- En arrière soldat, rentrez dans les rangs. Allez prêter assistance à ces gens, puis revenez faire votre rapport quand l'incendie aura été maîtrisé.

L'hésitation se peignit sur le visage de l'intéressé. Désobéir à un ordre direct était passible de très lourdes sanctions, mais la situation n'exigeait-elle pas qu'il demeurât aux côtés de Learamn qui, après tout, était le plus gradé des deux ? Wald, qui avait pour lui l'ancienneté et un charisme certain, haussa les sourcils en voyant Eopren demeurer planté là :

- Je n'ai pas pour habitude de me répéter, soldat. Dois-je faire une exception pour vous ?

La question était rhétorique, et Wald revint à Learamn :

- Cette femme a été vue en train de pénétrer dans la morgue peu avant qu'elle soit incendiée. Les rumeurs circulent vite : on nous a rapporté que l'homme qui travaillait là avait été tué, et que des cadavres avaient été mutilés. Des pratiques atroces que les Orientaux semblent apprécier, n'est-ce pas ?

Iran, qui avait retrouvé ses esprits, bondit sur ses jambes et s'indigna :

- Ce sont des mensonges ! Capitaine, je vous prie de croire que…

- Il suffit, trancha Wald. Gardez votre salive pour quelqu'un qui sera disposé à vous écouter. Il se dit des choses bien étranges à votre sujet, et l'on a rapporté que vous aviez usurpé l'identité du Capitaine Learamn en vous emparant de sa cape pour mener votre enquête sur les deux meurtres. Je suppose que vous n'étiez pas au courant, mon Capitaine. Quoi qu'il en soit, pour ce seul crime, vous êtes passible d'emprisonnement, et si vous êtes reconnue coupable de meurtre et d'actes sacrilèges sur les corps de deux de nos compagnons, je ferai en sorte d'être au premier rang quand vous serez pendue.

Ses paroles, pour glaçantes qu'elles fussent, ne le faisaient pas sourire le moins du monde. Il ne ressentait pas le plaisir sadique que d'autres auraient pu éprouver en cet instant. Il faisait simplement son travail, en espérant qu'il n'y aurait pas de complications :

- Je vais devoir vous demander de me remettre votre lame. Je vous déconseille de résister ou de tenter quelque chose de stupide. Ces hommes, dit-il en désignant les Rohirrim qui l'escortaient, ne portent pas les gens comme vous dans leur cœur. Évitez de leur donner une raison d'agir.

Iran dégaina son épée sans prévenir, et les douze soldats sortirent leurs armes dans un bel ensemble, prêts à charger au moindre signe de danger. Elle les fixait avec attention, glaciale, son regard profond rendu inquiétant par la suie qui collait à son visage et qui assombrissait ce dernier. Analysant encore et encore la situation, elle se rendit compte que jamais elle n'échapperait à autant d'adversaires. Elle n'était pas en état de fuir, et elle ne connaissait pas assez bien la ville pour tenter de se cacher. Sa seule option restait de faire face. Dignement.

La guerrière fit tourner la lame dans sa main, et la tendit à Learamn qui n'eût d'autre choix que de s'en emparer. Elle regarda le Capitaine droit dans les yeux, et souffla :

- Le feu et le sang. Restez concentré sur ça.

Puis, calmement, elle écarta les bras, prête à se rendre sans lutter. Wald jeta alors un regard à Learamn, comme pour lui demander tacitement s'il allait tenter quelque chose. La tension entre les deux hommes était à son comble.

Les gens autour, ombres parmi les ombres, paraissaient ne pas appartenir au même monde que les soldats qui discutaient. Ils se déplaçaient avec empressement pour gérer l'incendie, sans prendre conscience de ce qui se jouait à seulement quelques mètres. Là, sans qu'aucun des acteurs n'en fût conscient, se déroulait le scénario qu'un esprit ingénieux et vil avait écrit. Depuis l'intérieur du Palais, un homme au sourire mauvais porta un toast à la première victime de son plan. L'Orientale avait voulu les suivre à la trace, elle avait échoué. Quand elle aurait été condamnée à mort grâce à quelques témoignages qui ne lui avaient pas coûté si cher que ça, il ferait en sorte de s'occuper du soldat en qui ce maudit Learamn avait confiance. Il y avait forcément un moyen de le faire tomber, et quand il aurait trouvé lequel, il ne resterait plus que l'estropié. Quand ses deux béquilles auraient été jetées dans l'oubli, il aurait le droit au sort que l'Ordre réservait à ses plus féroces adversaires.

Une mort douloureuse, lente, et solitaire.


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Learamn
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyJeu 22 Déc 2016 - 18:52
La lune avait bien disparue sous les nuages mais la nuit printanière n’étais pas orpheline de toute trace de lumière ce soir là. Bien au contraire un brasier incandescent s’élevait des ruines de la morgue , une colonne de fumée surmontait les flammes rouges et oranges emportant avec elle des cendres aussi bien minérales que charnelles. Alertés par l’odeur terrible qui s’était répandue jusque dans les chaumières les plus proches, les habitants étaient sortis en urgence, prêts à aider face à la menace qui frappait à nouveau la capitale du Pays des Seigneurs des Chevaux. Cela faisait  un moment  qu’Edoras n’avait plus connu le baiser mortel des flammes, l’étreinte ardente des incendies mais nul ici ne l’avait oublié et tous savaient quoi faire pour endiguer la catastrophe.

Dans un élan de solidarité qui faisaient parfois dire que les désastres avaient au moins le mérite de souder un peuple des dizaines d’hommes, de femmes et même d’enfants plus ou moins âgés s’étaient précipités aux abords de l’antichambre des défunts pour participer à l’effort commun. On avait acheminé de l’eau à la hâte que l’on recueillait à l’aide de seaux qui passaient de mains en mains jusqu’au bout de la chaîne où les plus braves faisaient face à la fournaise pour tenter de la vaincre. Ces héros inconnus, couverts de suie et victimes des nuées toxiques qui les frappaient de plein fouet se relayaient régulièrement sans quitter de vue leur objectif : défendre leur cité. Ce soir là ils n’étaient pas différents des soldats ou des cavaliers qui veillaient à la sécurité du royaume, eux aussi se battaient avec fierté, orgueil et humanité.

Arrivé sur la scène du crime Learamn s’arrêta quelques secondes pour constater l’ampleur des dégâts et observer la ferveur qui animait ses concitoyens face au danger. Eopren et Iran s’approchèrent de la chaîne de pompiers improvisés qui s’était formé pour aider  à l’extinction de l’incendie. Le jeune officier était resté en retrait, le regard plongé au loin comme s’il essayait de repérer la meute de prédateurs de l’Ordre dans l’obscurité , eux qui devaient déjà être loin à trinquer en l’honneur de leurs méfaits.

"Revenez, il n'y a plus personne à sauver là-bas !"


Instinctivement , Learamn , alerté, fit volte-face et son regard se posa successivement sur l’homme qui avait crié l’avertissement et l’entrée de la bâtisse ou ce qu’il en restait. Il n’eut que le temps d’apercevoir furtivement une longue chevelure sombre qui s’engouffrait sans une once d’hésitation à l’intérieur de cet enfer terrestre. L’identité de cette femme suicidaire ne faisait aucun doute.

"Iran! "
cria le capitaine avant de se rendre le plus vite possible au plus près de l’action.

Dans sa “course” claudiquante il fut dépassé par une silhouette familière qui lui posa au passage une main sur l’épaule tout en lui adressant d’une voix autoritaire une injonction peu commune de la part d’un subordonné pour son supérieur.

“Toi  Jeune Pousse tu restes là! T’as déjà assez donné et on a encore besoin de toi , et pis moi au moins j’tiens sur mes guiboles…”


Sans laisser le temps à Learamn d’émettre la moindre objection, Eopren se rua  à son tour dans la fournaise laissant son capitaine pantois, ne pouvant rien faire d’autre que d’attendre planté comme un piquet toujours aussi passif qu’inutile. Il essaya bien de s’approcher au maximum pour tenter de voir ce qui pouvait bien se passer à l’intérieur mais un mur de flammes s’était dressé devant lui et il ne pouvait qu’imaginer le feu consumant l’intérieur du bâtiment les poutres et les chairs aussi bien vivantes que mortes.


En entrant à l’intérieur de la morgue , Eopren sentit presque instantanément le bout des flammes mordre son corps tout entier et le prendre à la gorge. Il n’allait pas avoir beaucoup de temps pour localiser l’Orientale et la sortir de ce chaos. La manche sur la bouche et le nez pour essayer de respirer le moins possible d’éléments toxiques le vieux briscard avança à l’aveuglette , manquant de tomber à plusieurs reprises ou évitant de justesse une poutre calcinée qui s’était détachée de la charpente.

“Dans quoi tu t’es encore fourré mon vieux?”
s'interrogea à haute voix à la fois pour se maudire et se donner du courage.

A mesure qu’il avançait péniblement, mètre par mètre, il se jurait continuellement que si au prochain pas il ne la voyait toujours pas il ferait demi-tour et laisserait l’étrangère brûler vive. Mais il ne s’y résout pas et chaque fois il se disait “ Laissons lui une dernière chance de se manifester”. Car si en apparence il affirmait fièrement vouloir avant tout sauver sa peau, en réalité il ne pouvait pas simplement l’abandonner ici. Eopren faisait partie de cette catégorie de personnes à l’enveloppe crasseuse et peu reluisante qui cachait pourtant un fond des plus beaux et humains.
Son pied percuta  alors un objet qui se renversa en répandant son contenu liquide sur le sol, la vapeur monta alors du sol brûlant, chatouillant plutôt douloureusement les quelques poils de la barbe mal taillée d’Eopren. Une quinte de toux le secoua brusquement et sa respiration se faisait de plus en plus saccadée, il lui restait peu de temps avant de se retrouver immobilisé ici. Il s’essuya d’un geste approximatif  la sueur qui coulait en abondance sur son front sans que cela ne serve vraiment et , les yeux plissés, tenta de repérer Iran dans le marasme ambiant.

Il aperçut alors une silhouette quelques mètres plus loin , écroulé au sol à priori inconsciente. Eopren se précipita et ne fut soulagé qu’au moment où il identifia les traits de l’Orientale; puisant dans ses dernières ressources il souleva la jeune femme et se tourna pour sortir vite d’ici. Mais la jeune femme le retint en le tenant fermement par le col , surpris et interpellé Eopren regarda dans la direction qu’elle  pointait de son doigt tremblant. Au début il ne vit absolument rien d’autre à part les flammes menaçantes qui lui indiquaient qu’il valait mieux partir d’ici  mais devant l’insistance d’Iran il scruta avec plus d’attention et finit par voir cet objet sphérique qui ressemblait à un ballon. Il fit un pas de côté pour l’observer avec plus de précision ; ce n’était pas une balle  mais bien une tête humaine séparée de son corps qui devait se trouver à l’extérieur avec les autres cadavres. Et ses traits, encore plus ou moins visibles, ne lui étaient pas inconnues… Il toussa à nouveau et cette fois sentit qu’il ne pouvait plus rester une seule fraction de seconde en plus; il bondit alors à l’extérieur et  s’éloigna de quelques mètres de la morgue avant de déposer le plus délicatement qu’il le pouvait la jeune femme affaiblie sur le sol. Alors qu’une petite foule se précipitait vers Iran pour s’enquérir de son état de santé , Eopren se redressa et respira à pleins poumons l’air frais de la nuit rohirrim. Une fois ces poumons nettoyés il se laissa aller à une série de jurons qui eurent la gloire de calmer le grognard.


Les quelques minutes qu’avaient duré le sauvetage d’Iran par Eopren avaient été comme des heures pour un Learamn qui ne tenait plus en place. Alors quand il vit son vieil ami surgir des flammes , la jeune femme dans ses bras, il fut l’un des premiers  à aller à leur rencontre malgré son handicap. Iran était en état de choc mais à première vue ne semblait pas souffrir de blessures graves ou de brûlures importantes. Il allait évidemment falloir demander l’avis d’un guérisseur mais à priori elle s’en était sorti indemne et Learamn pouvait pousser un long soupir de soulagement. Mais qu'est ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour se jeter dans les flammes de la sorte ? Il devait sûrement y avoir une bonne raison mais elle était définitivement trop précieuse pour qu'on la perde. Elle marmonna quelques mots dans sa langue natale que le rohirrim ne comprit évidemment pas mais il n’y avait pas vraiment besoin de comprendre le sens de ses paroles pour que l’on juge qu’une rescapée d’un incendie avait besoin d’eau.  Discrètement il prit de sa ceinture l’outre d’eau d’Ent qu’il avait trouvé à Pelargir et il aida son alliée à boire lentement quelques petites gorgées ; cette boisson avait le pouvoir de remettre sur pieds et redonner les forces de ceux qui étaient tombés sans pouvoir se relever et Learamn avait eu plus d’une fois l’occasion de constater ses bienfaits.

"Ne nous refais plus jamais ça Iran. J'ai bien cru te perdre."
lui souffla-t-il avant de se redresser tant bien que mal.

Alors qu’il allait ordonner qu’on la transporte à l’infirmerie , Learamn fut hélé par une voix qu’il connaissait. Wald , l’un des gardes royaux sous son commandement, venait d’arriver sur les lieux. C’était un guerrier émérite qui s’était toujours montré respectueux envers son capitaine et toujours efficace; ce genre d’homme sur qui on pouvait compter et qui ne pouvait vous décevoir.

“C’est une tragédie qui semble en appeler malheureusement beaucoup d’autres.”
répondit sinistrement Learamn à la question du garde.

Les deux membres de la Garde se regardèrent quelques secondes puis le plus jeune avisa les hommes en armes de la troupe qui accompagnait Wald. Quelque chose ne tournait pas rond, les soldats ne s’étaient pas précipités pour aider les civils à finir de maîtriser l’incendie; au contraire ils ne bougeaient pas , presque en état d’alerte et prêt à agir à tout moment. A quoi tout cela pouvait bien rimer? Le jeune cavalier ne mit pas longtemps à le découvrir.

"Mon Capitaine, je vais devoir vous demander de vous écarter."


Etonné, Learamn haussa les sourcils. Il y avait anguille sous roche de toute évidence et le ton grave  de Wald et la présence de ces hommes armés ne pouvaient que renforcer le très mauvais pressentiment de l’officier.

“Qu’y a-t-il Wald?”
demanda Learamn qui eut bien vite une réponse, peut-être même trop vite.


"Nous avons pour ordre d'emmener l'Orientale avec nous. Je vous saurais gré de ne pas vous interposer.
-Quoi? “
ne put s’empêcher de dire le jeune homme sidéré.

Sa première réaction fut de se demander pourquoi mettre aux arrêts cette invitée du palais victime d’une tentative d’assassinat le matin même.  Learamn ne fit aucun geste d’opposition et ne dit rien de plus  toutefois  il ne s’écarta pas et se tenait toujours entre Wald et Iran; lui et ses béquilles. Déchiré entre sa volonté de défendre Iran et son devoir pour le pays le jeune homme ne savait plus quoi faire.  Il aurait pu remettre en place Wald qui était censé répondre de ses ordres mais il connaissait l’homme et si il se présentait face à lui avec tant de fermeté c’est qu’il avait des ordres d’en haut , de plus haut que Learamn au moins. Et refuser d’obéir reviendrait alors  à tout risquer mais d’un autre côté c’était si injuste.


Toujours sur ce même ton ferme , Wald remit en place Eopren qui s’était approché d’Iran lui ordonnant de retourner dans le rang.  Learamn ferma les yeux , espérant que son ami ne se mette pas en tête de faire bêtement des vagues et soit lui aussi emmené , or quand on connaissait Eopren on savait que tout était possible avec lui. D’abord hésitant , le vétéran  jugea, à raison, qu’il était préférable de faire profil bas devant la fermeté du Garde Royal.

Les explications qu’exposa Wald pour justifier l’arrestation d’Iran pouvaient paraître logiques et vraies à des oreilles non informées. Mais Learamn savait l’innocence de l’Orientale, ce qu’on lui reprochait n’était pas de son fait. Dame ! Il aurait dû s’en douter, être plus prudent avec elle au lieu de l’envoyer seule dans la ville pour enquêter ; tout le monde ici ou presque se méfiait d’elle , divers sobriquets et adjectifs  circulaient la qualifiant tantôt de “sorcière” tantôt de “démon”et il n’avait fallu que d’un petit élément déclencheur pour que tout s’embrase, comme cette morgue.
Iran ,elle, s’était déjà relevée , après avoir vu la mort et sa faux au plus près par deux fois en si peu de temps  elle se tenait toujours debout , s’accrochant tenacement et  obstinément à la vie pour finir sa mission. Brave , elle dégaina, prête à se défendre. Learamn se tourna alors vers elle et lui lança un regard quémandeur : le bain de sang n’était pas la solution. Elle lui tendit alors sa lame lui intimant de rester concentré sur le feu et le sang. La mine grave, Learamn acquiesça de la tête  : le feu et le sang” elle avait confiance en l’intuition du jeune homme.

Wald lança alors un regard à Learamn , dernière  barrière entre les soldats rohirrim et la Rhûnienne prête à se rendre. Son coeur le poussait à hurler de pleins poumons l’innocence d’Iran , à crier au complot, à clamer la responsabilité de l’Ordre sous tous les toits. Mais il ne pouvait s’y résoudre : se retrouver tout deux aux arrêts n'arrangerait pas les choses.

Résigné, Learamn fit un pas de côté pour s’écarter et lança un regard noir à son subordonné.

“Vous vous trompez Wald. Je vous l'assure vous vous trompez.”


On se saisit sans précaution d’Iran pour l’emmener et alors que les soldats lui tournaient déjà le dos et que Wald s’apprêtait à revenir sur ses pas , Learamn craqua et ne put réprimer les cris de son coeur qui ne pouvait assister à une telle injustice sans agir.

“Justice sera rendue! Elle est innocente! VOUS M'ENTENDEZ ? ELLE EST INNOCENTE! VOUS VOUS FOURVOYEZ.”

Et alors qu’animé par un élan de folie il se précipita vers le groupe mené par Wald comme pour leur arracher l’Orientale il fut retenu par des bras puissants qui le tirèrent en arrière. Une main rugueuse se posa également sur sa bouche et réduisit le jeune homme au silence.

“Eh! Du calme Jeune Pousse ! C’est pas en jouant les  héros stupides que ça va aider.”

Sous l’emprise d’Eopren, Learamn se débattit d’abord tout en voyant les soldats et son alliée s’éloignait de plus en plus jusqu’à se fondre dans les ténèbres. Abattu , l’officier se calma cependant et son ami put le relâcher.

“Décidément être l’homme de la situation deux fois en une journée c’est vraiment trop pour moi.”
fit le vétéran avec un petit sourire en coin.

Mais Learamn n’avait pas le coeur à rire; il s'affaissa sur ses béquilles maudissant son impuissance. A présent qu’il ne pouvait plus même faire valoir ses galons pour s’opposer à des subordonnés que lui restait-il donc? Etait-il définitivement devenu un capitaine d’opérette?

“Allez viens vaut mieux ne pas traîner trop longtemps dans le coin.”
fit Eopren.

Lentement , les deux hommes se dirigèrent vers le coeur de la capitale endormie  sans savoir où ils allaient laissant derrière eux cette scène sombrement luminescente. Ils erraient comme deux vagabonds dans les ruelles d’Edoras. Un chat noir passa devant eux, signe de mauvaise étoile disaient certains; Learamn n’avait jamais été un grand adepte de la superstition mais il eut tout de même une inexplicable envie de tordre le coup du petit félin.

“L’Orientale s’est jetée dans la morgue en feu pour y sauver des preuves
, lâcha finalement Eopren brisant ainsi le silence de glace qui régnait entre eux depuis de longues minutes, quand j’y suis allé elle m’a montrée une tête , séparée de son corps , on voyait pas grand chose mais je crois l’avoir reconnu. C’est Mandred , le grand blond dont je t’ai parlé l’autre jour et dont tu voulais de plus amples informations sur lui et ses deux compères.

-Oui”
répondit simplement Learamn qui semblait perdu dans ses pensées et avait à peine entendue la “preuve” pourtant capitale que venait de lui exposer Eopren.

“Il faut que je parle au Vice-Roi, lui seul peut nous aider. En plus si l’Ordre est mêlé à cet histoire , il ne pourra que m’écouter.
-L’ordre? Quoi? L’Ordre est lié à tout ça ? Mais il n’existe plus.Non ? Si? J’ai raté un chapitre ou…”

Evidemment Eopren , s’il leur avait donné de précieux coups de pouce,  n’avait pas participé activement à l’enquête de Learamn et Iran. Le jeune officier, qui se retrouvait avec un seul et dernier allié , décida alors de lui faire un bref résumé des informations qu’ils avaient  obtenues.

“Donc si Mandred fait partie de l’Ordre et est mêlé à l’agression dans les bains ainsi qu’à l’enlèvement de Dame Aelyn cela veut dire qu’il y a des chances que ces deux acolytes aussi.
-Parfaitement et tâche de les retrouver les pendant que je vais parler au Vice-Roi.
- A vos ordres Capitaine Jeune Pousse.”


Le petit jeu avait assez duré, mû par sa fierté et son égoïsme Learamn avait joué avec le feu et Iran en faisait à présent les frais. Elle était celle qui avait crue en lui , en ses capacités quand tous s'était détournée; il ne pouvait pas ne pas tout mettre en oeuvre pour réhabiliter son honneur. Il était temps d’exposer tout ce qu’il savait à Gallen Mortensen et tant pis s’il allait devoir avouer qu’il a délibérément désobéi , les enjeux étaient trop important et à présent seul le Champion de Rohan était capable d’agir et de les guider.


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Eopren faisait partie de ces hommes très apprécié dans la troupe, bourru et pas très à cheval sur le code de l’armée; il semblait être au courant de tout ce qui se passait dans les rangs des simples soldats , il fallait croire que ses petits trafics ne lui remplissaient pas que sa bourse mais lui permettaient aussi de tisser des liens et recueillir des informations car quasiment tout le monde ici faisait confiance au vieux Eopren; ce n’était pas le genre à tout raconter aux officiers dans l’espoir d’une promotion. C’est ainsi qu’en un temps record que n’importe quel espion aguerri de la couronne aurait été incapable de battre il sut que l’un des deux compères de Mandred avait disparu durant la journée, sûrement enfoui tandis que l’autre se trouvait dans son dortoir , sûrement plongé dans un profond sommeil  au vu de l’heure. Un sommeil que le briscard allait se faire un plaisir d’interrompre avec la douceur qui le caractérisait.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Learamn arriva devant la salle d’audience du Vice-Roi, où il y avait d’ailleurs de grandes chances pour qu’il n’y soit pas. Deux gardes, eux aussi censés obéir aux ordres de Learamn , lui barrèrent la route de leurs longues hallebardes.

“Le Vice-Roi ne reçoit pas , navré Mon Capitaine.”
fit un des deux gardes dénommé Fokril. Un grand homme maigres aux longs membres rachitique et aux cheveux clairs coupés très courts.

Fokril faisait partie de ces hommes qui n’avaient jamais vraiment vu en Learamn un capitaine digne de ce nom pour la Garde Royale et il faisait toujours partie des premiers au rendez-vous quand il s’agissait de défier l’autorité du jeune homme incapable de monter à cheval ou de s’entraîner.  Il estimait qu’un capitaine de la Garde Royale ne pouvait pas être un jeune chanceux et pistonné  dont la blessure le condamne à l’oisiveté durant des mois voire des années. Autant dire que Fokril se délectait de la  situation actuelle : la petite accentuation moqueuse sur le “mon Capitaine”  et ce petit air satisfait sur son visage trop allongé allaient en tout cas dans ce sens.

“Je dois lui parler , c’est urgent!”


Fokril ouvrit la bouche pour répondre avec sarcasme mais son compagnon d’armes fut plus prompt. Plus petit et trapu, une barbe encore duveteuse cachait tant bien que mal ses jeunes traits. Evdal était un soldat jeune mais prometteur et une relation de confiance s’était vite installée entre lui et Learamn; il s’adressa à capitaine de manière bien plus respectueuse et déférente.

“Mon capitaine , c’est que nous avons reçu nos ordre du Vice-Roi en personne, cela nous serait compliqué de…
-Dites lui que cela concerne Dame Aelyn.”  


Agacé par cette perte de temps Learamn avait fini par lâcher la phrase qui pouvait peut être provoquer une réaction et c'eût l’effet escompté. Les deux gardes échangèrent un regard , l’importance que le Vice-Roi accordait à cette affaire dépassait sûrement toute autre chose et si jamais l’ex Maréchal apprenait que deux de ses gardes avaient refusé que leur capitaine ayant des informations capitales s’entretienne avec lui , ils risquaient gros , à vrai dire ils préféraient même  ne pas envisager la chose. Et ce fut Fokril lui même qui disparut derrière la porte pour savoir si Mortensen était prêt à recevoir son poulain meurtri.

Dans l’attente Learamn baissa les yeux sur ses mains pleines de cendres et sang qui s’échappait de plusieurs petites coupures qu’il s’était faite proche de l’incendie. Le feu et le sang; l’Ordre était marqué dans sa chair, indissociable de son corps..

#Eopren #Wald


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Rôle : Humaniste

~ GRIMOIRE ~
- -: Humain
- -: 36 ans
- -:

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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyJeu 29 Déc 2016 - 17:25

Iran était encore légèrement étourdie après son séjour dans la fournaise, mais ce ne fut pas la raison pour laquelle les hommes qui l'encadraient la saisirent fermement par les bras. Ils craignaient davantage de la voir s'échapper que de la voir s'effondrer sur le sol, prise par une soudaine faiblesse. Ils s'y étaient mis à deux pour cela ; un de chaque côté, comme une escorte zélée, tandis que les autres s'étaient déployés devant et derrière elle, formant un barrage de leur corps entre elle et la liberté à laquelle elle avait jusque là été habituée. En fait de liberté absolue, elle avait surtout goûté à une laisse plus longue que la normale. Edoras, quoi qu'elle y fût théoriquement invitée, n'était pas un territoire dans lequel elle pouvait se promener librement, et son incarcération à venir n'était que la preuve que son statut se rapprochait davantage de celui d'une prisonnière politique. Les hommes ici considéraient que sa présence étaient contre nature, car ils craignaient la sorcellerie des gens de l'Est, et ils étaient animés d'un ressentiment encore brûlant par rapport aux exactions de l'Ordre de la Couronne de Fer. Cela ne rendait pas la situation plus juste pour autant.

La guerrière, cependant qu'on l'emmenait au loin, se retourna pour jeter un dernier regard au Capitaine Learamn. Elle aurait voulu pouvoir lui crier quelque chose, lui dire que tout allait bien se passer, et qu'il devait continuer sans elle. C'auraient été des mots héroïques, pleins de bravoure, qui n'auraient pas manqué de souligner à quel point elle était prête à tout sacrifier pour leur quête. Elle n'en trouva pas la force, pourtant. Ses lèvres restèrent closes, et elle se contenta de le dévisager avec un mélange curieux de déception et de résignation. Les deux sentiments n'étaient pas dirigés contre lui, mais il était le seul qui pouvait les recevoir et les apprécier à leur juste valeur. Il était le seul qui pouvait comprendre à quel point la situation était terrible, car non seulement elle respirait l'injustice, mais en sus elle les éloignait de leur principale préoccupation, qui était de mettre la main sur leurs ennemis. Le temps précieux qu'ils ne récupéreraient jamais était gaspillé sur le sol, piétiné par les soldats inconscients de leur crime. Et les deux Rohirrim qui restaient en retrait savaient qu'agir contre cette folie reviendrait à réduire leurs chances à néant. Ils devaient rester focalisés sur leur mission. Le regard qu'Iran et Learamn avaient établi se déchira comme un morceau d'étoffe soumis à une tension trop forte, quand la pression des soldats se fit insoutenable. Elle cessa de résister, et se laissa emporter là où ils avaient décidé de la conduire. Sans doute un trou sombre et puant dans lequel elle aurait le temps de réfléchir à sa condition. Tête basse, enlevée dans l'anonymat le plus complet, elle ne trouva un peu de réconfort que dans la pensée que, peut-être, ils avaient fait une découverte qui leur permettrait d'avancer dans leur enquête.

Oui.

Eopren avait vu la tête tranchée.

Avec de la chance, il parviendrait à mettre Learamn sur la bonne piste, et s'ils pouvaient faire la démonstration de la culpabilité des deux survivants, ils résoudraient tous leurs problèmes d'un seul et même coup. Ils pourraient prouver l'innocence de la guerrière, découvrir qui avait apporté les germes de la trahison au cœur de la capitale du Rohan, et peut-être découvrir où était retenue Dame Aelyn. L'Ordre avait voulu faire disparaître ces cadavres pour une bonne raison, mais heureusement ils n'étaient pas parvenus à effacer complètement leurs traces. Il restait encore de l'espoir.

- Pourquoi souriez-vous, Orientale ?

L'intéressée glissa son attention vers le dénommé Wald, qui commandait la petite troupe, et répondit en levant le menton fièrement, refusant de laisser la moindre tentative d'humiliation l'atteindre :

- Je souris car je sais que, même si vous m'arrêtez, vous n'empêcherez pas la vérité d'éclater au grand jour.

Il parut s'étonner de sa réponse pleine de confiance, et la corrigea :

- Je ne cherche pas à étouffer une quelconque vérité. Je fais simplement mon travail.

- C'est tout comme.

Elle se mura dans un silence obstiné après cela, et Wald ne la dérangea pas avec davantage de questions. Il fallait dire qu'en dépit de son désir de vouloir obéir aux ordres qui lui avaient été donnés, il ne pouvait pas s'empêcher de s'interroger face aux réactions auxquelles il était confronté. Learamn avait paru bien sûr de lui en déclarant la jeune femme innocente, et elle-même ne montrait aucun signe d'inquiétude concernant son futur proche. Il s'agissait peut-être d'une tactique pour l'impressionner, ou d'une façon de se cuirasser pour ne pas céder à la panique et révéler bien involontairement des informations cruciales. Qui pouvait le dire ? Pas lui en tout cas : il n'était pas payé pour se poser des questions, et encore moins pour discuter les directives qu'on lui confiait. Soldat avant tout, il se fondait dans sa fonction et n'existait que pour aider d'autres plus intelligents et plus sages que lui à mettre en œuvre leurs grands desseins. Chassant ses doutes, il mit le cap vers la prison où la femme serait retenue, gardant les lèvres serrées.

Ce silence convenait bien à Iran, qui pouvait mieux cacher sa légère inquiétude. A dire vrai, elle n'avait jamais été faite prisonnière, et c'était un fait dont elle tirait une certaine fierté. Elle s'était toujours juré qu'elle ne serait pas prise vivante par l'ennemi, et elle savait qu'aujourd'hui les circonstances étaient particulières puisque justement, les hommes qui l'escortaient ne représentaient pas l'ennemi. Tout au plus un obstacle temporaire sur la voie vers la résolution de son enquête et de sa vendetta. Pour autant, cette situation signifiait aussi qu'elle n'avait aucune idée de la façon dont elle serait traitée une fois qu'on aurait mis son esprit indomptable en cage. Elle se souvenait très bien des récits que Rokh lui avait fait de son séjour au Rohan, notamment de son emprisonnement et des mauvais traitements qu'il avait reçus. Elle ne s'attendait pas à subir la même chose, car elle n'était pas ici en qualité de prisonnière de guerre capturée sur le champ de bataille.

Non.

Ils ne pouvaient pas considérer et punir de manière identique deux crimes qui n'avaient rien à voir… A fortiori car dans son cas, elle n'était que suspecte, pas coupable. Rokh, lui, n'avait jamais caché sa position et son allégeance. Un frisson désagréable lui parcourut l'échine, et elle fit un effort pour contrôler sa réaction et ne pas s'ébrouer comme elle l'aurait souhaité. Les hommes autour d'elle puisaient le peu de courage qui les animait dans leur nombre et dans la peur qu'elle pouvait dégager : elle n'allait pas nourrir et gonfler leur sentiment, au risque de le voir se retourner contre elle un jour. Toutefois, son malaise persistait. Cette sensation qui ne voulait pas disparaître lui donnait l'impression que quelqu'un se tenait penché sur son épaule, et observait chacun de ses faits et gestes. Elle se sentait curieusement épiée, et la présence de ce contingent réduit pour accompagner chacun de ses pas n'était pas pour la rassurer. Mais il y avait quelque chose de plus… C'était comme si… comme si un esprit était là, en train de la scruter, de la regarder pendant qu'elle agissait et qu'elle marchait vers son destin. Elle n'osait même pas se retourner, de peur de voir le visage de Rokh lui sourire. Elle avait déjà eu l'occasion d'apercevoir l'esprit du jeune guerrier, mais une telle proximité avec le monde des morts la mettait mal à l'aise, et elle ne souhaitait pas particulièrement renouveler l'expérience.

- Après vous.

Iran émergea d'un rêve éveillé, et constata qu'ils se trouvaient devant de grandes portes ouvragées, scellées avec soin. Elle ne se souvenait pas vraiment du trajet, et elle aurait été bien incapable de situer l'endroit dans la ville. Ils étaient près du Palais, mais elle ne le voyait pas de là où ils se trouvaient, car la vue lui était barrée par le relief. Des hommes vinrent à leur rencontre, de nouveaux gardes qui les dévisageaient avec un brin de suspicion. Pour ainsi dire, tous les sentiments négatifs étaient polarisés sur elle, et elle leur rendit leur méfiance d'une œillade assassine. Il n'était pas question pour elle de se laisser intimider par les individus qui allaient « assurer sa protection », ou plus certainement essayer de lui faire passer l'envie de rester une seconde de plus dans leurs terres. Dans un coin de son esprit, elle se prit à les trouver stupides : ce qu'ils ne comprenaient pas, c'était qu'elle n'était pas là par plaisir, et que si elle avait pu retourner au Rhûn dans l'instant avec la certitude d'avoir pu venger la mort de son ami, elle l'aurait fait sans hésiter. Mais cela n'était pas encore possible. Dès l'instant où elle aurait rempli ses obligations sur ces terres étranges, elle se ferait une joie de repartir.

- Ça vous fait marrer d'aller en taule ? Demanda l'un des geôliers.

Elle s'était laissée aller à un sourire méprisant qu'elle regretta rapidement. Il était stupide de se mettre à dos ses gardiens avant même d'avoir ouvert la bouche. Essayant de ne pas en rajouter pour ne pas aggraver son cas, elle se contenta de faire « non » de la tête, ce qui parut convenir à son interlocuteur. Il se détourna d'elle, et écouta Wald qui lui donnait les instructions qu'il avait lui-même ordre de suivre. Emprisonner la femme en attendant nouvel ordre, ne laisser personne la voir, la traiter correctement, sans pour autant céder à ses exigences. Elle écouta tout cela d'une oreille distraite, absorbée dans la contemplation de la porte qui ne s'était pas encore ouverte pour elle. Elle lui évoquait vaguement un point de passage vers un monde pire, un monde de souffrance et de ténèbres au sein duquel une place l'attendait. La pensée n'était pas pour la réjouir, et elle sut gré à Wald d'abréger la conversation. Quitte à plonger dans l'arène, autant écourter l'attente et y aller.

Après avoir inspiré profondément, elle abandonna son escorte armée, et se laissa conduire à l'intérieur de la prison par Wald et les deux geôliers. L'intérieur n'était pas particulièrement accueillant, mais elle éprouva une forme de soulagement en se disant qu'il ne s'agissait pas des oubliettes labyrinthiques de Blankânimad. C'était déjà ça… Son idée des prisons, inspirée par ce qu'elle avait pu apercevoir dans son propre pays, l'avait conduite à penser qu'on la mettrait dans une pièce tellement loin de tout qu'on finirait par oublier même où elle se trouvait. Il n'en serait rien pour cette fois. Le garde royal faisait preuve d'un peu plus de sympathie, et il s'arrangea pour rester auprès d'elle alors qu'ils remontaient le corridor principal, autour duquel s'ouvraient des cellules crasseuses et miteuses. La plupart étaient occupées, et les prisonniers tendaient leurs mains vers le petit cortège, quémandant ici un morceau de pain, ici un peu d'eau. Ils étaient misérables et ridicules, leurs membres décharnés jaillissant des bouches obscures de leurs cellules comme des langues de vipère. Wald s'arrangea pour qu'aucune ne touchât Iran. Il ne portait sans doute pas l'Orientale dans son cœur, mais sa galanterie avait pris le dessus sur son désamour. Heureusement !

Les malheureux que l'on gardait ici étaient reclus dans des pièces de taille inégale qui s'étaient rajoutées anarchiquement au fil du temps. Certaines étaient dotées d'une large grille qui servait de porte, et qui avait l'avantage de laisser entrer la lumière. Elles offraient à leurs occupants une certaine connexion avec le monde extérieur, mais plus on s'enfonçait – le terme définissait bien l'impression ressentie par Iran, car il lui paraissait descendre pas à pas dans les entrailles de la terre –, plus les portes étaient épaisses, obscurcissant l'univers intérieur des cellules. De larges battants de bois renforcés de fer et fermés par d'immenses cadenas rouillés étaient refermés sur des inconnus terrés là comme de petites créatures pathétiques. Elle déglutit en se demandant ce qui se passerait si, pour une raison ou une autre, son cadenas devenait trop vieux et refusait de s'ouvrir après qu'elle eût été enfermée dans une minuscule cellule. Resterait-elle bloquée ici jusqu'à la fin de ses jours ? L'idée dut se lire sur son visage, car Wald prit la peine de lui souffler :

- Vous serez entendue demain dans la matinée, ne vous en faites pas.

- Je ne m'en fais pas.

Sa bravoure n'était que bravade, et probablement que Wald s'en rendit compte. Il eut la délicatesse de ne rien dire, et elle ne s'étendit pas davantage sur le sujet. On ouvrit finalement la porte de sa cellule, laquelle pivota avec un grincement désagréable et un raclement qui en disait long sur l'usure de l'ensemble. Elle pénétra librement à l'intérieur, avant de se retourner vers les hommes qui se trouvaient là, et qui échangeaient quelques mots dans leur propre langue. Le garde royal adressa un signe de tête à la jeune femme, et s'éclipsa sans rien ajouter, accompagné par le bruit de ses bottes sur le sol. Les deux autres lui jetèrent un seau et une morceau de tissu, avant d'emboîter le pas du premier, non sans lancer un sourire goguenard à leur nouvelle pensionnaire, qui allait décidément passer une bien mauvaise nuit…


~ ~ ~ ~


La jeune femme se réveilla en pleurant. Sa première réaction fut de sécher ses larmes, alors que dans le même temps les vestiges de son cauchemar étaient emportés dans les tréfonds de son esprit. Elle savait pourtant de quoi elle avait encore rêvé : toujours la même chose, la seule chose qui pouvait la bouleverser à ce point… La mort de son ami, pour ne pas dire de son petit frère, l'avait secouée bien plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Même aujourd'hui, après tout ce temps, elle continuait de souffrir de son absence, et ses nuits étaient agitées par des visions horribles qui venaient s'imposer à elle. Malgré tout, elle faisait face à chaque nouvelle journée sans rien dire, serrant les dents pour ne pas céder.

Céder n'aidait personne.

Sa tentative pour se redresser lui tira une grimace de douleur. Elle avait mal au dos d'être restée allongée sur une paillasse inconfortable, et elle s'étonnait même d'avoir réussi à trouver le sommeil alors que des bruits suspects – probablement ceux de sales bestioles rôdant autour d'elle – avaient menacé de la rendre folle. Elle serra les dents, et parvint finalement à se redresser, essayant d'observer autour d'elle pour estimer quelle heure il était. Elle n'avait pas été mise dans une des cellules du fond, celles qui devaient être perpétuellement plongées dans le noir, pourtant elle n'y voyait rien. Elle en conclut qu'il faisait encore nuit au dehors, et qu'elle avait tout simplement été dérangée dans son sommeil. Elle s'emmitoufla dans le morceau de tissu – elle avait compris après un moment qu'il s'agissait d'une couverture, bien trop légère à son goût –, et essaya de se reposer pour affronter sa dure journée du lendemain. Mais quelque chose la dérangeait, sans qu'elle put expliquer quoi. Peut-être ce courant d'air glaçant qu'elle n'arrivait pas à chasser, et qui semblait lui murmurer des choses.

- Iran.

Elle sursauta comme rarement. Ses yeux s'agrandirent comme ceux d'un félin cherchant à capter le moindre rayon lumineux. Elle guettait chaque recoin, observant autour d'elle sans rien apercevoir. Son cœur battait la chamade. Elle était sûre et certaine d'avoir entendu une voix !

- Iran.

Incapable de répondre, elle s'immobilisa en essayant de déceler un mouvement dans l'obscurité, quelque chose. N'importe quoi. Son esprit se mit à formuler des hypothèses, essayant d'articuler l'option la plus logique et l'option la plus dangereuse pour trouver ce à quoi elle devait se préparer. Était-ce un assassin venu pour la tuer dans son sommeil, profitant de sa vulnérabilité ? Il trouverait face à lui une guerrière prête à vendre chèrement sa vie, le cas échéant. Mais la voix n'était, curieusement, pas menaçante. Au contraire, on aurait dit qu'elle l'invitait à se rapprocher.

- Iran…

Elle se fit plus faible, et la guerrière ne put s'empêcher de répondre par un « oui » timide. Elle était redevenue une enfant pétrifiée de terreur, recroquevillée dans le noir en priant pour ne pas voir surgir Elessar le Terrible. Elle aurait dû rester silencieuse, et laisser passer le fantôme pour qu'il se rendît ailleurs porter ses malheurs. Et pourtant, au fin fond de sa solitude, elle n'avait pas envie de perdre cette présence qu'elle percevait comme rassurante, amicale, pour ne pas dire familière. Partagée entre ces deux sentiments contradictoires, elle fit de son mieux pour rester lucide et rationnelle. Mais ce n'était pas chose aisée, car la voix reprit, un ton plus bas encore :

- Iran… Le feu et le sang… Si tu veux me venger, donne-leur le feu et le sang…

- Rokh ?

La femme de l'Est se leva brusquement, et s'approcha de la porte de sa cellule, empoignant les barreaux et se mettant à les secouer comme si elle pouvait les faire sauter de leurs gonds :

- Rokh ! Rokh !

Des cris mécontents lui parvinrent des cellules avoisinantes, et elle se tut, essayant seulement de capter un mouvement dans le couloir enténébré. Elle ne vit rien, pas le moindre signe que quelqu'un s'était tenu là. Seulement les premiers rayons du soleil qui commençaient à filtrer sous le seuil d'une porte qui semblait se trouver un monde plus loin. Iran baissa la tête, alors que les paroles mystérieuses tournaient en boucle dans son esprit.

Leur donner le feu et le sang…


~ ~ ~ ~


- Gram ? Gram ? Tu dors ?

L'intéressé ouvrit les yeux, fit une grimace de déplaisir, et repoussa de la main l'homme qui venait de se pencher sur lui en bougonnant :

- Plus maintenant, figure-toi… Qu'est-ce que tu veux ?

- C'est Eopren, il voudrait te parler.

Les sourcils de Gram se froncèrent légèrement, comme si cette phrase anodine venait de déclencher chez lui bien plus qu'elle n'aurait dû. Il était plongé dans un rêve pas désagréable, et être réveillé pour entendre de telles nouvelles n'était pas pour lui plaire. Il considéra sa situation un bref instant : Eopren était un soldat bien connu dans la caserne, toujours embarqué dans des affaires louches mais qui ne faisaient de mal à personne. Il pouvait tout aussi bien venir le voir parce qu'il voulait avoir un renseignement, ou parce qu'il entendait lui vendre quelques trucs qu'il avait récupérés au noir. Mais cela valait-il vraiment la peine de le réveiller en pleine nuit pour ça ? Non, quelque chose clochait, et il n'était pas prêt à baisser sa garde.

- Dis-lui que j'arrive, le temps de m'habiller.

Il attendit que le soldat se fût un peu éloigné pour se lever et prendre ses affaires. Il avait déjà sa tunique sur lui, et il se contenta de récupérer un sac qui contenait ses effets personnels. Il l'avait préparé quand les choses avaient commencé à mal tourner, pour le cas où il devrait prendre la fuite rapidement. Il n'avait pas pensé à échapper à la justice de son propre peuple, mais plutôt à celle de l'Ordre. S'il les décevait, ils n'auraient aucun scrupule à le tuer, et puisqu'il avait été embarqué dans cette histoire contre sa volonté, les chances de ne pas se montrer à la hauteur étaient grandes. Eopren était-il envoyé par la Couronne de Fer pour se débarrasser de lui ? Était-il un de leurs complices, lui aussi ?

Un brin de panique le saisit, et il empoigna fermement son poignard sans bien trop savoir pourquoi. S'il tuait un de ses compagnons en uniforme, il ne ferait qu'aggraver son cas, ce qui n'arrangerait pas ses affaires. Dans tous les cas, il était coincé, alors autant prendre la fuite. Les hommes que Mandred avait contactés lui avaient ordonné de continuer à agir normalement pour ne pas éveiller l'attention. Finalement, c'était sans doute une mauvaise idée, et ils avaient dû s'en rendre compte. Attentif à ne pas réveiller les autres soldats qui ronflaient bruyamment, il tourna le dos à la porte principale et se dirigea vers une issue privée qui menait vers une cour intérieur où les militaires s'entraînaient. Elle était déserte à cette heure, et il lui suffirait d'escalader un mur pour se retrouver en ville, et de là filer. En ouvrant la porte toutefois, il eut la surprise de se retrouver nez à nez avec un plastron aux armes du Rohan.

- Ah… Eopren, je…

Il ne savait pas quoi dire. Le vieux briscard n'était pas né de la dernière pluie, et il avait réussi à le piéger. Il capta un brin d'étonnement dans les yeux de son alter ego, lequel se transforma bien vite en une suspicion à peine contenue.

- Euh… Qu'est-ce que tu fais là ?

La question aurait été plus appropriée dans la bouche du vétéran, qui ne manqua pas de remarquer que plusieurs choses clochaient. Comment expliquer cette sortie impromptue par une porte dérobée, ou encore la présence d'un sac de voyage dans sa main gauche ? Mais ce que Eopren n'avait pas pu déceler, c'était la lame que Gram gardait dans sa main droite, repliée contre son avant-bras. S'il se sentait menacé d'une quelconque manière, s'il percevait l'étau se resserrer autour de lui, il n'hésiterait pas à s'en servir. Et dans ce duel, même s'il n'avait pas la chance de porter une armure comme son vis-à-vis, il pouvait compter sur sa jeunesse et sur un physique avantageux. Reprenant un peu d'assurance, il referma la porte derrière lui, et demanda :

- Qu'est-ce que tu me veux, Eopren ?

La donne avait changé. Restait à savoir lequel des deux serait le premier à faire un faux mouvement…

________

HRP : Je laisse à Nath le soin de répondre pour la partie qui concerne Gallen Smile.


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Aelyn
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMar 15 Aoû 2017 - 23:35
[HRP : De retour des morts. Désolée pour cette attente. Si vous voyez des coquilles, sonnez-moi, j'avais pas la foi de relire ce soir, je le ferais demain ^^]

Deux journées entières. Il avait fallu deux journées entières à Aelyn pour se défaire de ses attaches. Elle y brisa deux scalpels et deux autres lames de chirurgie qui lui avait alors coûté un bras… en espérant qu’elles lui sauveraient le sien. Elle n’était pas sûre d’avoir les tripes pour pouvoir couper sa propre main pour se libérer. La simple idée lui levait le cœur. Mais au soir – où ce qui devait être le soir – de la seconde journée d’acharnement, elle entendit clairement le cliquetis salvateur de la serrure de ses liens qui cédait. Le fer s’ouvrit sans un grincement, lubrifié par le sang qui coulait maintenant abondamment de son poignet.
Le soupire de soulagement qui échappa des lèvres de la jeune femme à cet instant précis semblait emporter tout le poids du monde avec lui… Ce n’était que le premier pas vers la liberté mais, par les méaras, que cela faisait du bien de ne plus sentir le poids de ses chaînes.

Il lui avait fallu tant d’efforts pour en arriver là. Sur le qui-vive à chaque essai, effrayée de voir apparaitre un de ses geôliers avant qu’elle n’ait le temps de cacher sa lame dans les replis de sa robe. Plus d’une fois elle s’était crue démasquée, imaginant le sort qui lui serait alors réservé. Mais la chance avait enfin tourné pour se ranger à ses côtés et, malgré de trop nombreuses interruptions, elle avait réussi à mener sa tâche à bien.

La rohirrim était épuisée. La grossesse, le manque de sommeil, la vie spartiate ainsi qu’une nourriture douteuse et peu énergétique ne lui avait fait aucun bien. Elle s’attendait à défaillir simplement en se relevant sur ses deux jambes, ce qu’elle manqua de peu de faire. La tête lui tourna et elle dû s’y reprendre à trois fois pour se redresser de tout son long et soutenir son ventre rond de son bras valide. Et un bon moment encore pour refaire ses premiers pas. Elle avait la nuit pour s’y habituer avant de passer à la phase deux de son plan. Généralement, il n’y avait qu’une ronde à cette période.
Et Aelyn profita de chaque seconde. Elle remit de l’ordre dans ses vêtements pour ne pas risquer de trébucher sur un pan de robe à un moment des moins opportuns. Elle fit l’inventaire des remèdes et éléments médicinaux dont elle aurait besoin dans les prochaines heures, soigna sa plaie… Et commença la mise en place discrète de son piège.

Depuis que le jeune homme un peu naïf et un peu perdu lui avait rendu sa sacoche de guérisseuse, elle avait commencé à échafauder son plan. D’abord très vague, il avait prit en précision au fur et à mesure que la guérisseuse s’acharnait sur ses liens et toutes les heures où on ne lui en laissait pas la possibilité. Maintenant elle était prête à agir. Oh, bien sûr, il y avait de nombreuses possibilités pour que rien ne se passe comme prévu, et elle s’exposait alors aux pires représailles, voir à la mort. Mais comme pouvait en témoigner l’horrible hématome bleuâtre qui lui couvrait le ventre, elle et son bébé n’étaient pas plus à l’abri ici. Elle n’avait même pas réussi à savoir pourquoi elle se trouvait là. Chantage ? Rançon ? Pression ?... Aucun murmure ne lui était parvenu qu’elle aurait pu interpréter dans un sens ou dans l’autre. La seule chose dont elle était sûre, c’était que cette cachette avait la confiance de ses ravisseurs et qu’elle ne pouvait pas compter même sur Gallen pour la retrouver à temps. C’était maintenant son heure. Elle espérait qu’il y avait assez de l’esprit d’Eowyn en chaque femme rohirrim pour guider ses pas vers la victoire de son plan et jusqu’à son foyer.
Elle eut une pensée pour ses garçons. Eofyr et Eogast devaient être horriblement inquiets. Même si elle les savait en sécurité auprès de Sealig et sous la bienveillance d’Alienor, elle n’osait pas imaginer ce qui leur arriverait si elle venait à disparaitre. Cela lui tira des sueurs froides qui la décidèrent à profiter de quelques instants de la nuit pour écrire, à demi à l’aveugle, un bref message pour eux, au cas où il lui arriverait malheur. Un petit bout de parchemin vieux et froissé qu’elle couvrit rapidement, son sang en guise d’encre et une aiguille en guise de plume, avant de le glisser dans sa manche.

Trois ou quatre heures avant l’aube, Aelyn était fin prête. Elle savait que le jeune homme compatissant serait le premier à venir la voir, comme il le faisait chaque fois. C’était à vrai dire le seul qu’elle avait une chance de maîtriser. Elle avait de la peine pour lui, pour ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle aurait préféré qu’il y ait une autre solution mais elle n’en voyait aucune. Il allait payer bien cher son acte de bonté et ne ferait sans doute plus jamais confiance à personne. C’était un vrai gâchis… Mais aucun d’eux ne lui avait vraiment laissé le choix dans cette affaire. Il fallait qu’elle se répète qu’elle et elle-seule était la victime de cette sombre histoire ! Elle était en droit de prendre leurs misérables vies s’il fallait en venir là. Mais elle était guérisseuse jusqu’au plus profond de son être et, par essence, était incapable d’un tel acte.

Quand le jeune homme arriva enfin, elle ne lui laissa aucune chance. Il eut à peine une seconde pour se rendre compte qu’il n’y avait plus personne sur la paillasse. La main d’Aelyn s’abattit sur ses voies respiratoires, couverte d’une poudre suspecte. Et efficace. Le mélange avait un effet radical.
Le jeune homme sentit rapidement ses membres s’engourdirent et son cerveau plus encore. Il put vaguement entendre les mots d’excuses de la guérisseuse dans son oreille, qui résonnaient comme dans un de ces antiques halls nains. Il essaya bien de se débattre et de se dégager mais chacun de ses mouvements lui semblait lent et ses membres, lourds. Il arrêta net en sentant le froid d’une lame aiguisée contre sa gorge, la pointe posé derrière son oreille. Un simple geste fluide mettrait fin à ses jours, et son esprit embrumé lui répétait en boucle de ne plus bouger.

Sans résistance, Aelyn put le guider tel un pantin à travers le petit dédale de sa prison. La jeune mère s’attendait à plus de gardes, ou plus de personnes en règle générale. Mais il n’y avait pratiquement personne.
Quand enfin ils débouchèrent à la lumière du jour, Aelyn fut tellement éblouie qu’elle resserra sa prise sur son otage. Le dos du pauvre garçon prenait un angle bizarre sur le ventre proéminent de l’évadée. Soudain il y eu une cacophonie générale. Le temps de se réhabituer à la lumière du jour, la jeune femme fut entouré d’une poignée d’hommes vociférant, la lame au clair. La peur submergea Aelyn. Et si elle avait fait une erreur ? Et si le gamin était pour eux aussi saccarifiable qu’elle l’était elle-même ? Ils criaient tous ensemble dans le chaos le plus total. Personne ne pouvait s’entendre dans la pièce.

Aelyn respira un grand coup pour reprendre le contrôle. A partir de ce moment, si la situation lui échappait, elle serait morte ou pire. Elle appuya la pointe de sa dague de guérisseuse sur le cou de son otage, juste au creux sous son oreille. Le résultat ne se fit pas attendre, la petite pression fit hurler le jeune homme de douleur et la foule d’agités fit silence. Un silence de plomb. La pression était insupportable. L’air semblait si épais que chaque respiration était une bataille. Et Aelyn marmonnait des excuses étouffées au jeune homme qu’elle torturait littéralement sous les yeux de ses camarades.

« - Un… »

Mais sa première tentative pour parler se solda par un échec cuisant. Sa voix était enrouée par la déshydratation et un trop long temps de silence. Elle s’éclaircie la gorge difficilement et ordonna de nouveau, acide :

« - Un cheval ! Maintenant ! Ou je l’égorge ! »

Ses ravisseurs restèrent figés, se regardant les uns les autres, calculant les chances qu’elle soit sérieuse. L’un d’eux laissa échapper un petit rire nerveux auquel personne d’autre ne répondit. Aelyn perdit patience, et d’un mouvement de poignet, pivota la lame qui mordit de nouveau dans la chair de son otage. Le cercle d’opposant blanchit sensiblement au nouveau cri du jeune homme et s’écarta.

« - Un cheval !!! » exigea de nouveau la guérisseuse.

Elle ne pouvait pas se permettre d’attendre. Si la situation s’enlisait, des renforts pourraient venir ou l’équilibre des forces se renverser. Elle ne pouvait pas prendre ce risque…
Finalement, l’un des hommes, qui avait sans doute vu la lueur de son regard, décida qu’elle était mortellement sérieuse et amena un cheval.
La bête était loin d’être la meilleure et n’était pas harnachée, mais il en fallait plus pour arrêter une vraie rohirrim. Elevée dans un haras, Aelyn, comme le reste de sa fratrie, avait appris à tenir en selle avant de savoir marcher.

Sans se départir de son otage complètement drogué, la jeune femme se déplaça lentement vers la monture qu’on lui confiait et, du talon, l’obligea à ployer. Une fois l’animal à genoux, elle grimpa et obligea le garçon à faire de même. Le pauvre était dans la pire de position pour chevaucher. La tête posée sur l’épaule de la guérisseuse, le dos cassé par le ventre de femme enceinte, les jambes de part à d’autre du cou du cheval. Quand elle serra les mollets sur les flancs de sa nouvelle monture, et qu’elle se redressa, le pauvre manqua de s’ouvrit tout seul la gorge sur la dague. L’assistance retint son souffle devant la manœuvre périlleuse, mais tous ceux qui osèrent faire un pas en avant rencontrèrent le regard furibond de celle qu’ils avaient sous-estimée et qui avait renversé la situation. Un simple regard qui leur fit comprendre de ne pas tenter leur chance.

« - Vous ne pouvez pas partir avec ! » tenta de menacer le plus intimidant « Nous vous traquerons et nous vous retrouverons ! Vous n’aurez nulle part où vous cacher de nous ! »

Mais ses menaces restèrent sans réponse. Déjà Aelyn talonnait sa monture pour s’éloigner à toute vitesse, direction Edoras. Derrière elle, tout le monde se mit à crier et s'agiter dans tous les sens. C'était la panique dans le camps. Ils allaient vite se ressaisir et s'organiser. Il n'y avait pas une seconde à perdre !

De là, la Cité des Rois de la Marche semblait si près, mais Aelyn savait que dans les plaines du Riddermark, les distances n’étaient jamais ce qu’elles paraissaient. Et avec une monture si chargée, elle ne pourrait pas atteindre la cité avant la nuit. Il fallait qu’elle trouve une cachette, un endroit sûr, ou tous ses efforts auraient été vain. Et elle devrait aussi prendre une décision concernant le jeune homme comateux dont la tête dodelinait sur son épaule...
Mais la liberté ! Le vent qui battait son visage lui redonnait l’énergie et la force. Enfin ! Elle se sentait plus puissante qu’elle ne l’avait jamais été ! Elle s’était échappée ! Seule ! Et elle laissa ce sentiment grisant pendre le pas sur l’angoisse. Bientôt elle retrouverait ses fils, Gallen ! Il retrouverait ses bourreaux, leur ferait payé cher, et la vie reprendra son cours…


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Ryad Assad
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyVen 22 Sep 2017 - 21:57
La pluie fine qui s'abattait du ciel d'été précédait l'orage que l'on entendait gronder au loin. Les températures inhabituellement chaudes pour la saison n'empêchaient pas la guérisseuse d'être gelée jusqu'aux os, ses vêtements d'intérieur n'étant pas adaptés à une chevauchée intrépide dans les plaines venteuses du royaume des cavaliers. Le Rohan était aussi beau que rude, aussi hostile que poétique, mais malheureusement la fuyarde éperdue ne pouvait goûter qu'à ses aspects les plus agressifs, ceux que le pays réservait ordinairement à ses ennemis, et qu'il semblait prendre plaisir à faire s'abattre sur une fille de son propre sol. Mais Aelyn se devait de continuer.

Les silhouettes sombres qu'elle avait pu apercevoir en jetant de fréquents regards par-dessus son épaule lui avaient fait comprendre que la traque était engagée, et que ses poursuivants ne lui laisseraient pas le moindre répit. Ils avaient forcé l'allure et fait jouer la vitesse de leurs montures pour envelopper sa trajectoire et la forcer à dévier de sa course. Edoras n'était pas accessible, et la jeune femme avait été contrainte de bifurquer pour échapper au piège mortel que ses ravisseurs entendaient refermer sur elle. La voir morte n'était pas pour leur plaire, mais si elle les poussait dans leurs derniers retranchements en tentant le tout pour le tout afin de rejoindre la capitale, ils n'auraient d'autre choix que de la mettre à mort. Dans ce jeu malsain, il était difficile de savoir qui avait le plus à perdre. Aelyn, en dépit de sa situation critique, gardait encore un peu de contrôle, sous la forme de l'otage qu'elle avait auprès d'elle. Le gamin reposait contre sa poitrine, toujours soumis à l'effet de la poudre mystérieuse… Malgré lui, il constituait sa meilleure chance de survie.

Elle l'avait parfaitement compris quand, après avoir changé de trajectoire, elle avait senti l'étau se desserrer perceptiblement. Les cavaliers avaient ralenti l'allure, cherchant à leur tour à ne pas l'effrayer pour éviter qu'elle se résolût à tuer son prisonnier. De toute évidence, ils tenaient à la vie du môme, ce qui donnait un peu plus de temps à la guérisseuse. Quelques heures, tout au plus, car en dépit de ce gage qu'ils ne l'attaqueraient pas sauvagement, elle ne pouvait pas ignorer ce qu'il adviendrait d'elle quand viendrait la nuit tombée. Ils étaient plus nombreux, mieux entraînés, et ils avaient l'avantage de pouvoir se relayer si nécessaire. Cela signifiait qu'ils la harcèleraient jusqu'à ce qu'elle fût épuisée, pour mieux l'attaquer au moment où elle serait la plus vulnérable. La tactique avait beau être classique, elle n'en demeurait pas moins efficace, et ces tueurs expérimentés savaient s'y prendre avec une proie récalcitrante. Il y avait fort à parier que ce n'était pas la première fois qu'ils se retrouvaient dans le rôle des prédateurs…

La pénombre descendit bientôt sur le Riddermark, pareil à une brume mystérieuse surgissant de nulle part pour égarer les âmes en peine. Au loin, on entendit le tonnerre rugir de toutes ses forces, et la pluie sembla devenir plus froide, plus insidieuse. La nuit n'était pas le royaume des hommes, mais celui des bêtes et des monstres. Il était encore moins le royaume d'une femme seule, à peine armée, enceinte au point de ne pouvoir se déplacer sans effort… Toutefois, Aelyn avait un avantage sur les hommes qui la filaient toujours, mais qui devaient commencer à perdre sa trace maintenant que l'obscurité les aveuglait. Elle connaissait le Rohan, elle était née ici, et bien qu'elle n'eût pas la même science de la géographie du royaume que les soldats qui patrouillaient le royaume ou les marchands qui l'arpentaient, elle savait qu'à quelque distance de la capitale se trouvaient bon nombre de hameaux fermiers où il était possible de trouver une communauté accueillante… des gens qui seraient sans doute prompts à lui offrir asile, assistance, et peut-être à envoyer un cavalier pour prévenir le Vice-Roi et ses éored.

Les yeux de la guérisseuse finirent par accrocher des formes sombres dans le lointain, et quelques petites lumières non naturelles qui vivotaient au milieu de ce qui semblait être une bourgade. Le soleil, qui avait disparu derrière les collines à l'horizon, jetait encore assez de lumière pour qu'elle pût distinguer le tracé d'une petite rivière qui courait vers l'Est. Sans doute arrivait-elle près du Snowbourn. Le village s'ouvrait en contrebas de là où elle se trouvait, et elle dut emmener sa monture le long d'un sentier en pente douce qui serpentait au milieu de petites collines, lesquelles protégeaient les paysans des vents les plus violents. Galoper sur ce terrain n'était pas indiqué, car les sabots de sa monture d'empreint crissaient sur les graviers du chemin, et il fallait sans doute mieux éviter de risquer une chute bête si près du but. Pourtant, à chaque seconde, les malandrins qui la traquaient étaient susceptibles de revenir sur ses talons. Heureusement, elle gagna les abords du village avant de voir leurs sinistres personnes apparaître dans son dos.

A cette heure, et dans les circonstances, les hommes du village s'étaient tous enfermés chez eux, derrière de lourdes portes de bois entretenues avec soin. Curieusement, il n'y avait pas un bruit, et on n'entendait pas les rires et les chants des paysans qui, à la fin d'une dure journée de labeur, s'accordaient souvent un moment de détente commun avant de se séparer pour rejoindre leurs épouses. Ici, s'il y avait une auberge destinée aux voyageurs de passage, elle était fermée. La pluie tombait de plus belle, et le grondement de l'orage annonçait une grosse averse à venir. Il avait fait chaud les jours précédents, et les nuages étaient sans doute le contrecoup de cette chaleur non naturelle. Ils passeraient dans la nuit, rafraîchiraient l'atmosphère, même si hélas la pluie était bien trop maigre pour irriguer les sols du Rohan, meurtris par le froid et désormais pas la morsure du soleil. Aelyn avait beau tendre l'oreille, elle ne pouvait pas entendre autre chose que le son du vent, et celui de son otage qui respirait lourdement entre ses bras. Elle n'entendait pas même le bruit des bêtes que l'on enfermait pour la nuit.

La guérisseuse fut tirée de ses pensées quand soudainement une boule lumineuse surgit sur sa gauche, enfermée dans une lanterne de fortune qui avait connu des jours meilleurs. Le bras qui la maintenait bien haut était trop frêle pour être menaçant, et le cri de surprise et de peur qui s'échappa de la petite poitrine informa immédiatement Aelyn quant à la nature de sa rencontre fortuite. Une enfant, qui ne devait pas avoir beaucoup plus de douze ans à en juger par sa taille, et qui transportait sous le bras un panier d'osier qui devait contenir quelque chose de bien important pour qu'elle fût dehors à une heure pareille.

Avant qu'Aelyn eut trouvé à expliquer à l'innocente qui elle était et ce qu'elle voulait, la gamine tourna les talons en abandonnant prestement son chargement et sa lanterne. Cette dernière se brisa, ramenant la nuit dans un fracas de verre, fournissant une couverture idoine à la petite fille preste et agile. Il ne fut pas difficile pour la guérisseuse de la localiser toutefois, car le village était si modeste qu'elle vit distinctement quelle porte fut ouverte avec empressement, et refermée sans ménagement. La lumière qui avait jailli, provenant sans doute du bon feu qui brûlait dans l'âtre, avait disparu aussi vite qu'elle était apparue. Toutefois, le renseignement était précieux. Il y avait quelqu'un dans ce village.

Aelyn n'était peut-être plus seule face à cette menace mystérieuse…


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Nathanael
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptySam 7 Oct 2017 - 22:52

«… requérons une part des dividendes de la vente des agneaux, en nature ou en numéraire … » Il fronça les sourcils. Il voyait de moins en moins bien les signes et les courbes qui scarifiaient le parchemin. Ses yeux le trahissaient petit à petit et les longues lectures le fatiguaient de plus en plus. Il écarta le support de son bureau et le tint à bout de bras. C’était un peu mieux. «…en contrepartie desquelles nous vous autorisons, pour cette année ainsi que les ans à venir, à faire pâturer les troupeaux du royaume de Rohan sur les versants orientaux des Monts Brumeux qui appartiennent aux territoires des nains de la Moria». Le nain qui s’était chargé de rédiger la missive n’y était pas allé de main morte. Pour en venir à cette simple conclusion, il lui avait fallu deux parchemins griffonnés, l’un de runes naines, l’autre de mots en langue commune. L’alliance basée sur une relation commerciale était enfin scellée. Il avait fallu de nombreux messagers, de longs aller-retour et bien des chevaux fatigués pour en arriver à cette conclusion. Les négociations avaient été menées comme un bras de fer. Les nains avaient chipoté sur des termes bien particuliers, avaient renégocié la part des dividendes qui leur revenait, et ce un nombre incalculable de fois entre la fin du printemps et le début de l’été. Le Grand Argentier l’avait secondé dans cette tâche, mais c’était toujours sa signature qui concrétisait les décisions discutées en conseil. Il n’avait jamais eu aussi mal au poignet, pas même lorsqu’il magnait l’épée. Aussi accueillit-il l’arrivée d’un garde avec grand plaisir. «Enfin une quelconque distraction» pensa-t-il.

- Monseigneur, commença le garde aux cheveux ras.
- Parle Fokril.
- Monseigneur, le Capitaine Learamn souhaite vous parler. Il signale que c’est urgent. À propos de Dame Aelyn …

Les derniers mots moururent sur ses lèvres. Tous ceux qui étaient au courant n’osaient pas aborder le sujet avec lui. Ils redoutaient les élans de colère qui le saisissaient parfois quand la fatigue et l’énervement l’emportaient sur la raison. Il était de plus en plus irascible. Et il y avait de quoi. Aelyn disparue, il avait dû gérer le comportement étrange et les conséquences catastrophiques de la venue d’une elfe à Meduseld, rassurer ses hommes sur les accusations de sorcellerie qu’ils portaient à l’encontre de l’Orientale, lire des rapports sur l’incendie qui s’était produit peu avant, tout en continuant de gérer et d’administrer le royaume d’un enfant roi qui n'avait pas même grandi sur leurs terres. Il s’était résigné à faire arrêter Iran sur les conseils de capitaines plus avisés. L’étrangère avait un comportement trop étrange entre les murs et il ne se permettrait pas de faire deux fois la même erreur. Le Rohan devait primer avant tout.

- Fais-le entrer, dit Gallen.

Sa voix avait été encore plus rauque que de coutume. Il avait assigné son jeune capitaine au repos. Et le voilà pourtant qui se présentait au-devant de lui en claudiquant. Ne lui avait-il pas interdit de se mêler de cette affaire ? Dans ses souvenirs, il lui semblait avoir été assez clair. Mais peut-être le capitaine Learaman avait-il besoin de se voir rafraîchir la mémoire. Se serait-il trompé également à propos du jeune soldat ? Ce n’était pas d’obstination et de désobéissance dont il avait besoin. Mais bien d’ordre et d’efficacité. Les hommes qu’il avait envoyés ici et là étaient revenus bredouilles, les pistes qu’ils avaient suivies n’avaient mené nulle part. Et c’était sans doute pour cela, et uniquement pour cela, qu’il accepta de recevoir Learamn. Par espoir.

- Learamn, Capitaine de la Garde du Roi du Rohan, je t’écoute.

Pas un mot de plus. Gallen s’était levé pour accueillir le jeune homme, mais il ne réussit à lui présenter qu’un ton froid et bourru chargé de remontrances. Lequel des deux faisait le plus peine à voir ? Gallen avait une barbe qui grisonnait doucement, mais sûrement. Ses traits étaient plus tirés que de coutume et sous ses yeux des cernes sombres soulignaient un regard fatigué. L’agitation et l’angoisse l’avaient amaigri et sa mâchoire carrée étirait une peau terne où le soleil ne laissait plus sa marque. Seule l’épée à sa ceinture rappelait l’homme vigoureux et le combattant qu’il avait été. Une épée qu’il maniait encore quotidiennement pour s’entraîner, mais qui n’avait plus mordu la chair depuis de nombreuses semaines, peut-être même de nombreux mois. Gallen ne s’en souvenait pas lui-même. Face à lui Learamn n’était plus que l’ombre de lui-même et l’étincelle d’espoir qui illuminait ses yeux lui donnait l’air d’un de ces guerriers que le sang a rendu fou. Gallen évita de regarder la jambe traînant de son jeune capitaine. Son pied ne se posait pas comme il fallait, à cause de la douleur sans doute. À moins que la blessure n’ait entraîné des dommages irrévocables. Il n’avait pas pris soin de poser la question aux guérisseurs qui s’étaient occupés de Learamn. Quand il était rentré du Sud, il avait demandé aux médecins de tout faire pour sauver un soldat hors du commun. Aujourd’hui, il se demandait s’il avait fait le bon choix. Si Learamn acceptait cet état de fait, il pourrait vivre paisiblement jusqu’à la fin de ses jours avec une pension allouée par la couronne. Mais le jeune garçon n’avait pas l’air d’être là pour demander une quelconque retraite au Vice-Roi.
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMar 10 Oct 2017 - 12:50
Les portes de la grande salle d’audience finirent par s’ouvrir vers l’intérieur et  Learamn s'y engouffra en remerciant de la tête les deux gardes en poste: Evdal lui répondit par un petit sourire respectueux tandis que Fokril se contenta de lui lancer un regard contrarié. Toujours accompagné de ses compagnons de marche en bois, le jeune capitaine progressa de plusieurs mètres sur le sol de pierre parfaitement poli sur lequel se reflétait l’image du jeune homme qu’il ne préférait pas regarder; il n’était sans doute pas très présentable mais  ne voulait pas savoir à quel point. Plus loin, devant lui, le Vice-Roi siégeait sur son trône et le dévisageait d’un regard sévère et indéchiffrable. Lui aussi avait connu de meilleurs jours: les traits tirés de son visage trahissaient son état d’extrême fatigue tandis que  ses cheveux grisonnants avaient perdus de leur superbe. Mortensen était-il vraiment fait pour rester ici et gérer les affaires politiques ? N’était-il pas plus fort et charismatique sur son cheval et l’épée à la main? Ici il semblait faible, si faible et vulnérable; la figure irréductible du Champion du Rohan s’était érodée. Néanmoins Learamn avait toujours le plus profond des respects pour l’ancien maréchal qui avait été son modèle et son guide durant des années, ils s’étaient fait mutuellement confiance; le jeune homme n’avait jamais hésité à suivre son mentor dans les missions les plus dangereuses et ce dernier ne lui en avait jamais caché sa reconnaissance.
Mais depuis le départ d’Aldburg et l’arrivée à Edoras les choses avaient évolué, malgré la mort du roi félon l’air de Meduseld était toujours vicié et troublait encore les esprits des ses occupants. L’heure était à la méfiance et même les amis de toujours étaient devenus suspects.

 Mortensen s’était levé pour accueillir le capitaine de sa Garde mais le ton de sa voix ne  laissait planer  aucun doute sur son état d’esprit peu avenant du moment. Il avait bien  spécifié à Learamn de rester à l’écart de l’affaire autour d’Aelyn et ce dernier avait délibérément désobéi avec le concours d’Iran mais les enjeux étaient trop important pour que le jeune cavalier reste muet; il avait fait des découvertes dont il était l’un des seuls à pouvoir mesurer l’importance et l’arrestation d’Iran montrait qu’il y avait bien d’obscures forces et influences qui se mouvaient entres les murs du palais au nez et à la barbe de Gallen Mortensen.

Excellence, commença Learamn les yeux rivés vers le sol, je sais que vous m’avez ordonné de rester à l’écart de tout ce!a mais…”

Il marqua un temps de pause et guetta une quelconque réaction de son supérieur, c’était un homme impulsif qui abhorrait l’insubordination, de  plus sa situation actuelle l’avait probablement rendu encore plus irritable; l’entrevue pouvait donc très bien tourner court si Learamn n’employait pas les bonnes formules mais le jeune homme ne pouvait se permettre de repousser ses requêtes et n’avait aucune solution de repli: le temps était compté, peut-être même encore plus que ce que le Vice-Roi imaginait.

Le jeune homme se redressa légèrement mais son regard s’arrêta aux pieds de son interlocuteur, il n’osait toujours pas affronter son regard destructeur.

“ Mais j’ai fais le serment de vous protéger vous et vos proches, de vous protéger jusqu’à la mort.  Et aujourd’hui un danger vous menace.”

Il se risqua à regarder encore un peu plus haut mais s’arrêta au niveau du buste richement vêtu de Mortensen. Il se surprit à trembler, il avait peur, peur de celui sur qui il avait toujours compté. Learamn était plongé dans l’inconnu, même avec ses amis et modèles de toujours. Ce n’était  d’ailleurs pas un hasard si ces derniers jours il n’avait donné sa confiance qu’à une étrangère sur laquelle il ne savait rien: l’inconnu était moins susceptible de blesser gravement que celui qui a toujours été ami.
 

“Etant dans l’incapacité de vous défendre moi-même physiquement j’ai choisi d’enquêter  à l’aide d’intermédiaires. Je sais que cela va à  l’encontre de vos ordres cependant en agissant de la sorte je n’ai fais que honorer mon serment. Mais trêve de bavardages si je suis venu vers vous c’est car vous devez savoir que…”

Cette fois il releva complètement le regard et soutint celui de Gallen qui ne l’avait  pas lâché des yeux. Face aux yeux perçants du Vice-Roi, le jeune homme aurait pu défaillir mais le moment était trop grave pour cela.

“Majesté, l’Ordre de la Couronne de Fer est de  retour. La dernière tête n’a pas été tranchée et sévit ici même en aveuglant nos cœurs, ce sont eux qui sont derrière l’enlèvement de votre compagne et bien d’autres maux de notre royaume.”


Il avança de quelques pas pour être au plus proche de son interlocuteur qu'il semblait presque défier.

“C’est Iran, l’Orientale que vous avez envoyé aux fers, qui les a démasqué et l’Ordre a alors tout mis en place pour se débarrasser d’elle en se servant de vous. Ils ont endormi notre vigilance en emprisonnant celle qui n’a jamais été que victime dans cette affaire.”


A mesure qu’il parlait Learamn prenait de plus en plus d’assurance et une petite lueur s’allumait au fond de son iris; une lueur de folie qui le galvanisait en dégageant toute forme de crainte.

“ Vous connaissez mon engagement contre cet ordre maléfique et je vous assure que si je vous dis qu’ils sont là c’est que j’en suis certain. La morgue a été brûlée et des personnes assassinées ; Majesté vous connaissez leurs méthodes aussi bien que moi…”


Tout comme Learamn, Gallen avait de nombreux comptes personnels à régler avec cet Ordre qui l’avait tant de fois  tourmenté et torturer.

“ Le feu et le sang. Le feu et le sang. LE FEU ET LE SANG!”


Sans s’en rendre compte, Learamn avait crié ces derniers mots et s'était également encore rapproché du Vice-Roi. Il avait dépassé la limite où tout interlocuteur de Mortensen devait s’arrêter, moins d’un mètre séparait désormais les deux guerriers.

Une rage puissante animait le jeune officier de la Garde: c’était la rage du guerrier secoué par les injustices et confronté à l’ennemi juré, c’était la rage du cavalier rohirrim chargeant pour sa partie , c’était la seule rage qui pouvait parler à Gallen Mortensen, Champion du Rohan.


“Il faut en finir Excellence. Je vous en prie: libérez les innocents,  dégainez votre lame et purifiez votre domaine des racines du mal. Le Rohan a besoin que vous le sauviez, une fois de plus!”


Une fois son discours passionné achevé, Learamn recula et s'inclina avec déférence  en s’appuyant sur ses béquilles. Il avait conscience qu’il avait dépassé toutes les limites du respect qu’il devait montrer à son supérieur mais son bouillonnement intérieur avait eu raison des conventions. Il avait tenté de toucher le coeur du guerrier qui devait toujours sommeiller sous le manteau d’hermine du Vice-Roi, bien enfoui sous des montagnes de paperasses administratives qui ne lui seyaient guère.

La tête baissée et dans l’insoutenable attente, Learamn tremblait à nouveau.


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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyJeu 12 Oct 2017 - 12:49

«L’Ordre de la Couronne de Fer est de retour». Ces mots firent trembler ses souvenirs. Les flammes dansaient encore devant ses yeux. Le visage déformé par la haine de Balthazar le Noir, au coeur des mines abandonnées de la Cité Blanche. Le rire cruel d’un adversaire sadique. Etelion et Sirion auprès de lui. Le regard de Farma avant de s’élancer dans le vide et sa robe tachée de remords. Le bruit des sabots à Aldburg. Les cris furibonds des cavaliers luttant entre eux. La voix froide de l’Orchâl. La peur et la haine. Le bruit et la fureur. Combien d’hommes étaient morts ? Combien de braves Rohirrims avaient péri ? Combien d’amis et de proches avait-il perdus ? Il sentit contre sa cuisse les murmures de Kaya. Sa maîtresse d’acier lui susurrait des promesses de sang.

- Le Feu et le Sang.

Les propos de Learamn firent échos à ses plus profondes pensées. Un frisson glacé lui parcourut l’échine. Il nageait de nouveau en plein cauchemar. Se réveillerait-il un jour ? Qui l’avait ainsi condamné à revivre éternellement les mêmes souffrances, les mêmes échecs ? Il avait déjà perdu un enfant. Il avait déjà perdu une femme. Il avait plus de regrets que d’amis. Son destin n’était-il fait que de douleurs et de peine ? Par Eorl, qu’il désirait sentir son cheval prendre le galop et charger un ennemi tangible ! Ses mains le suppliaient d’étreindre le pommeau de son épée et de trancher la chair, de détruire ceux qui menaçaient ainsi sa personne, ses proches et son royaume. Son royaume ! Il le voyait à présent autrement. Comme une succession de parchemins, de signatures noires, d’odeurs de cire chaude, de conseils ennuyeux, de dissertations fatigantes, de plaintes et de ruminations. Devant lui s’étendaient de part et d’autre de la Grande Salle les tentures royales. Eorl, sur sa colline, Théoden sur son cheval cabré, Eowyn face au Nazgul, Folca luttant contre le sanglier d’Everholt, Helm, portant son cor et tuant ses ennemis à mains nues. Avaient-ils dû, pour quelques jours de gloire, affronter des années de palabres et supporter l’assise froide de la salle du trône ? Gallen Mortensen, Vice-Roi du Rohan. Que resterait-il de lui après sa mort ? Les Rohirrims se souviendraient-ils du combattant ou de l’homme de pouvoir ?

Learamn réveillait en lui de vieux songes, de vieilles rêveries et de sombres tourments. Il le voyait encore se battre contre les hommes d’Hogorwen, juvénile, ardent défenseur de leurs traditions et du Rohan. Affronter l’Ordre l’avait fait grandir. Un peu trop vite peut-être. Quel âge avait-il au juste à présent ? Vingt-quatre, peut-être vingt-cinq ans. Un homme fait. Mais à quel prix ? Que lui restait-il de sa vigueur passée ? Ce n’était plus une épée, mais deux béquilles qu’il avait entre les mains. Ne lui restaient que la colère et la haine. Cela suffisait-il ? Face à la rage du jeune homme, Gallen resta un moment muet. Sous son crâne tempêtaient des idées qui ne s’accordaient pas.

- Vous avez désobéi à un ordre.

Ce fut tout ce qu’il réussit à dire. Debout, il toisait le capitaine de ses yeux de cobalt au milieu d’un silence si pesant qu’il semblait l’étouffer. Il se revoyait lui-même à cet âge où brûle le désir et se consomment les passions. Il se revoyait poussant Brindille sur la sente traîtresse qui mène au Dwimorberg. Il se revoyait rugissant dans la bataille, Kaya au poing, la rage au coeur. Il se revoyait au même âge et il eut le sentiment que c’était lui-même qu’il tançait à travers ses souvenirs, qu’il mettait en garde contre sa propre ardeur. Learamn, tout capitaine qu’il était, n’en demeurait pas moins un jeune cheval qui tire sur sa bride pour se soustraire au mors. Et, Gallen le savait, tirer plus fort sur les rênes ne changeait rien. Plus on y mettait de force, plus le cheval cabrait, pirouettait, dansait. Plus il interdirait au cavalier de se tenir tranquille, plus il s’agiterait dans son dos. N’en avait-il pas été ainsi pour lui-même ? Un profond soupir gonfla sa poitrine. Il devait à présent choisir ses mots avec soin afin d’être sûr que Learamn saisirait l’importance de ses propos.

- L’insubordination ne peut demeurer impunie. J’ai brisé la mâchoire d’un homme qui manquait de respect à une invitée. Je pourrais en faire autant à votre encontre. Certaines circonstances m’empêchent pourtant d’agir ainsi.

Il ne put s’empêcher de jeter un coup d’oeil au pied meurtri du jeune homme. Gallen s’était toujours refusé de frapper plus faible que lui. Mais c’est en regardant Learamn droit dans les yeux qu’il continua de parler.

- La punition à votre encontre sera bien pire, je le crains, si ce que vous dites est vrai.

Les mots n’étaient pas utiles. Learamn comprenait-il où il voulait en venir ? Ils savaient tous deux de quoi l’Ordre était capable. Ils savaient tous deux qu’Aelyn n’était pas seulement en danger, mais Gallen également, les jumeaux et le royaume tout entier. Tant qu’ils détiendraient Aelyn, ils tiendraient le coeur de Gallen entre leurs mains. De cruels marionnettistes. Mais plusieurs questions demeuraient en suspens. Que cherchaient-ils ? Le Rohan était extrêmement affaibli, Fendor était loin, Gallen lui-même n’avait qu’une marge de manoeuvre restreinte en ces temps difficiles. Quel était leur but ? Détruire, tout simplement ? Faire souffrir ? Ou n’étaient-ils que des rats égarés dont le navire a coulé et qui cherchent désespérément à se raccrocher aux débris à la surface de l’eau ?

- Si vous jurez devant moi être fidèle au Rohan et à son peuple, capitaine Learamn, il faudra répondre de votre engagement. J’y veillerai personnellement. Je veillerai personnellement à ce que vous m’accompagniez afin d’occire les derniers survivants qui ont servi l’Orchâl. Et je veillerai personnellement à ce que votre amie soit bien traitée. Elle ne pourra néanmoins pas être libérée. Ma décision n’est pas à discuter.

Si Learamn pouvait éprouver quelques sentiments d’honneur, Gallen eut l’impression, lui, de prononcer une condamnation à mort. Le jeune chien fou survivrait-il à un nouvel affrontement contre les hommes de la Couronne ? Serait-il suffisamment vaillant pour tenir à cheval lors d’une charge ? Resterait-il en selle s’il devait combattre ? Et une fois au sol, qu’adviendrait-il ? Gallen ne reviendrait pourtant pas sur sa décision. Learamn avait choisir de désobéir. Il avait choisi de pourchasser la Couronne de Fer, repoussant ordres et conseils comme on chasse une mouche désagréable. Qu’il désobéisse jusqu’au bout. Et qu’il en paie le prix.
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Veuve du Vice-Roi du Rohan
Aelyn

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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMer 18 Oct 2017 - 0:23
L’euphorie de la fuite finit pourtant par retomber bien vite au moment où la pluie décida de remplacer la lumière du jour. Le soleil disparut derrière un épais manteau gris, à l’image de l’enthousiasme d’Aelyn. Les nuages au loin étaient si noirs qu’ils plongeaient l’horizon dans l’obscurité et un œil aguerri pouvait distinguer le déluge qu’ils apportaient sous eux en crépitant. Déjà l’air avait changé, signe qu’il faudrait moins d’une heure pour que la bruine ne se transforme en trombe d’eau.
Et s’il n’y avait que ça… Les kidnappeurs de la jeune mère avaient repris leurs esprits bien plus vite qu’elle ne l’escomptait et la talonnaient à bonne distance. Elle avait rapidement pris conscience qu’ils lui faisaient dévier sa trajectoire depuis un bon moment déjà. Mais avec une monture surchargée de masses mal équilibrées, et visiblement pas aussi fraiche qu’elle ne l’avait espérée, elle ne pouvait qu’observer, impuissante, le piège se refermer sur elle. Elle, une fille du Riddermark, qui connaissait ces plaines comme le fond de sa besace de guérisseuse, était la cible d’une des techniques militaires les plus appréciées des hommes de la Marche. Aelyn avait bien essayé à plusieurs reprises de se défaire de ce piège mortel, mais chacune de ses tentatives, jusqu’à la plus audacieuse, s’étaient soldés par le gain de quelques mètres d’avance tout au plus. Eux-mêmes perdus aussitôt durant l’essai suivant.
Elle n’avait plus qu’une seule chance : tomber sur des alliés. Dans ces lieux immenses où l’on pouvait chevaucher des jours sans croiser une âme qui vive, son seul salut serait de défier toute probabilité. Peut-être même les soldats que Gallen n’aurait pas manqué d’envoyer à son secours ? C’était un bien grand espoir auquel Aelyn ne voulait pas trop s’accrocher. Si aide il y avait, elle serait bien plus modeste…

L’orage brouillait ses repères visuels et temporels. Les nuages et leur rideau de pluie avaient avalés Edoras à l’horizon.
La jeune femme était épuisée, courbaturée, elle avait faim, et froid. Et son otage pesait lourd dans ses bras. La monte sans selle ni tapi lui échauffait les cuisses et rendait lancinante la douleur dans son dos cambré par la grossesse. Elle aurait voulu s’arrêter, faire halte quelques minutes. Mais elle n’avait aucune de ces minutes. Dès l’instant où elle poserait pied à terre, elle deviendrait une proie facile pour ses poursuivants. Ils fondraient sur elle comme des corbeaux sur un cadavre encore frais. Si seulement sa monture ne ralentissait pas autant… Son cheval aussi était à bout, malgré tous ses efforts pour l’économiser. Si elle le poussait encore, elle risquait de le voir s’écrouler d’un coup, ou pire, désarçonner ses cavaliers. Et Aelyn se savait trop faible pour risquer un rodéo.
Si elle ne trouvait pas très vite un abri, toutes ces souffrances auront été vaines. Et au fond d’elle, son âme rohirrim se révoltait de toutes ses forces contre cette éventualité. Le feu brûlait encore dans ses veines, réchauffant son corps gelé. Cela lui rappelait cette vieille légende, tenir jusqu’à la nuit… Là où elle aurait l’espoir de regagner du terrain face à ses poursuivants. Une heure peut-être, suffisante pour disparaitre.

Dans l’obscurité, elle calculait dans sa tête les distances, et revoyait les vieux souvenirs de son adolescence, à l’époque où elle étudiait à Edoras avec sa tante et faisait parfois quelques tournées dans les villages alentours. Il suffirait d’un pauvre kilomètre dans cette nuit d’encre pour qu’elles les loupent purement et simplement.

Voilà comment elle s’était retrouvée, par un formidable coup de chance, devant l’entrée d’une modeste bourgade à fixer l’endroit où s’était réfugiée une fillette effrayée. Elle n’osait pas y croire. Et s’il s’agissait d’une terrible illusion induite par la fatigue et l’infection de son poignet ? Non, c’était réel. Il fallait que ce soit réel ! C’était sa dernière chance !

Elle descendit de sa monture tant bien que mal, emporta avec elle, le jeune homme encore sous l’effet de son mélange maison et claqua la croupe de sa monture pour la faire décamper. Avec un peu de chance, la bête désormais plus légère brouillerait les pistes pour ses poursuivants. De toute façon, il était déjà trop tard pour se remettre à courir. Le temps de parvenir au village, elle avait perdue toute avance.
Avant de se précipiter vers la porte providentielle. Aelyn dissimula sa dague dans les plis de sa robe, glissa le bras de son prisonnier autour de son cou pour soutenir sa marche et se dirigea péniblement mais aussi rapidement que possible vers la maison.

C’est avec l’énergie du désespoir qu’elle frappa plusieurs coups rapprochés contre le battant.

« - S’il vous plait ! supplia-t-elle. A l’aide ! Je vous en prie, je suis poursuivie ! J’ai besoin d’aide ! »

Il se passa un long moment avant que la porte ne grince en s’entrebâillant. Un si long moment qu’Aelyn se crut définitivement perdue et se préparait à mourir devant une porte close. Mais les braves gens du Riddermark n’étaient pas comme ça. Ils ne laissaient pas des jeunes femmes en détresse à la porte de chez eux.
A travers le mince interstice, la jeune femme se laissa dévisager par un œil bleu perçant. La personne de l’autre côté du battant observa sa mine échevelée, son visage tuméfié, ses traits tirés, son ventre arrondi, ses bras en sang et le garçon apathique à son côté.

« - S’il vous plait… » répéta Aelyn, presque plaintive.

Finalement la porte s’ouvrit plus grand. Une femme d’âge mûre passa la tête et jeta un œil rapide à droite et à gauche, avant de faire un signe empressé au duo pour rentrer à l’intérieur. Aelyn ne se fit pas prier et se précipita à l’abri.
Le soulagement qui l’envahit lui coupa les jambes et la pauvre guérisseuse s’écroula brusquement dans l’entrée, entrainant avec elle son jeune otage. Le garçon se retrouva mollement assis à même le sol en terre battue, tandis qu’Aelyn s’écroula en sanglots incontrôlables devant la maisonnée pétrifiée.
Une vague d’émotions s’abattait sur elle. Elle eut à peine conscience que la femme qui l’avait accueillie aboya des ordres aux autres occupants des lieux. Sans doute à la fillette aussi. Ses oreilles bourdonnantes ne laissaient pas filtrer les questions qu’on lui posait avec empressement. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’on lui demandait, c’était comme si tout le monde parlait une autre langue.

« - Il faut prévenir Gallen… Le Vice-Roi, Edoras… Il faut… »

Elle gémit, elle ne se sentait plus la force. L’épuisement la rattrapait à pleine puissance. Elle voulait fermer les yeux, oublier. Mais elle devait expliquer, prévenir. Il fallait qu’elle leur dise de ligoter le jeune homme, d’envoyer un cavalier au Château d’Or, de se préparer à se battre contre ceux qui allaient arriver… Elle sombra dans l’inconscience.


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Ryad Assad
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Ryad Assad

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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyJeu 26 Oct 2017 - 1:18
La pluie frappait fort contre les volets quand Aelyn s'éveilla d'un sommeil bien trop court. Immédiatement, une demi-douzaine de paires d'yeux exprimèrent un soulagement non feint, et la pièce fut prise d'une agitation fébrile. Quelques mots prononcés sur un ton autoritaire, et des souliers s'en allèrent en quête d'un peu d'eau, et d'une portion de bouillon de légumes. Il y eut quelques regards échangés, dans lesquels on pouvait lire une pointe d'inquiétude malgré tout. L'arrivée d'une femme enceinte jusqu'au cou, présentant des marques évidentes de mauvais traitement, et de son jeune compagnon qui semblait plongé dans un coma surnaturel, avaient de quoi alerter. La guérisseuse s'aperçut bien rapidement qu'elle n'était entourée que de femmes. Elles appartenaient probablement à la même famille, sur au moins trois générations. Une grand-mère à la peau ridée mais toujours vaillante, qui distribuait ses directives avec l'efficacité des généraux les plus respectés. Deux femmes d'âge mûr, sans doute ses filles, qui avaient retroussé leurs manches et qui s'étaient emparées ici d'une fourche, là d'un solide gourdin. Elles observaient au-dehors à intervalle régulier, incapables de discerner quoi que ce fût à travers le déluge. Enfin trois enfant, qui s'affairaient comme des pages. La plus jeune devait avoir à peine six ou sept ans, et elle vacillait sous le poids des linges propres qu'elle transportait. La plus âgée, une quinzaine de printemps, s'occupait du repas et de l'eau avec la dextérité d'une femme de la campagne déjà habituée à tenir un intérieur. La puînée, qui devait à peine avoir fêté ses dix ans, observait Aelyn de ses grands yeux curieux où on lisait une crainte bien compréhensible. Elle tenait une sacoche de cuir repliée contre elle, avec l'air de ne pas savoir quoi faire. Il n'était pas possible de se tromper : c'était elle qu'Aelyn avait croisée à l'extérieur.

- Lora, ne reste donc pas à rêvasser !

- Pardon grand-mère !

La gamine, après avoir digéré ces réprimandes bien méritées, s'approcha de la doyenne et lui remit la sacoche. La vieille l'ouvrit avec lenteur, et plissa ses yeux fatigués pour discerner, dans la pénombre de la pièce, les différentes plantes. Sans se départir de sa concentration extrême, elle lança à Aelyn :

- Ma chérie, au lieu de rester muette comme une tombe, pourquoi ne m'aides-tu pas à trouver de quoi te remettre sur pied.

Elle eut un sourire malicieux.

- Tu es bien une guérisseuse d'Edoras, non ?

La question était rhétorique. En installant Aelyn dans le lit sur lequel elle se trouvait, il avait bien fallu la débarrasser de ses affaires, et il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer la pochette contenant des simples et des décoctions qu'elle avait emmenée avec elle. La grand-mère leva une plante pour l'observer sous un angle différent à la lumière du feu qui vacillait dans l'âtre. Elle fit claquer sa langue :

- Lora, va donc attiser le feu. Il doit rester quelques bûches.

Sans un mot, mais avec des yeux qui en disaient long sur son désir de rester auprès des adultes et de comprendre les tenants et les aboutissants de toute cette situation, la gamine s'éclipsa vers une pièce attenante qui devait servir de réserve et de débarras. La doyenne en profita pour amener les sujets sérieux sur la table, maintenant qu'elle était certaine de ne plus être à la portée des oreilles des enfants :

- Qu'est-ce qui vous amène, ma chérie ? Vous nous êtes arrivée dans un bien piteux état, et vous avez donné la chair de poule à nos enfants, qui pourtant ne manquent pas de courage. Vous avez l'air de quelqu'un qui revient de loin…

Perspicace malgré sa vue défaillante, elle se leva de son fauteuil et s'approcha d'Aelyn d'un pas assuré. Elle était plus petite qu'on aurait pu le supposer, mais encore énergique. C'était un petit bout de femme avec du caractère, qui avait de toute évidence l'habitude de gérer ses affaires seule. Elle vint prendre la main de la guérisseuse, et lui confia une cuillère qu'elle sortit de son tablier.

- Vous pouvez parler et manger.

Et effectivement, le repas arrivait. L'aînée des filles venait de se présenter avec une écuelle et du bouillon, qu'elle avait accommodé d'un peu de pain. Le tout n'était pas un repas de luxe, mais il tiendrait au corps et aurait le mérite de réchauffer une Aelyn pas encore tout à fait sèche de son passage sous la pluie.

- Tu as pensé à prendre une cuillère ? Demanda la grand-mère.

- Oh, j'ai oublié ! Je reviens.

- Pas la peine, fit-elle avec le sourire tranquille de celle qui a un coup d'avance. Va plutôt surveiller le garçon, voir s'il est enfin réveillé.

La jeune fille hocha la tête et tourna les talons, mais quand la doyenne revint à Aelyn, elle constata que quelque chose avait changé dans son attitude. Comme si des éléments importants lui revenaient en mémoire, que la quiétude des lieux avait tenus éloignés de ses préoccupations immédiates. Mais la mention du « garçon » avait de toute évidence des accents menaçants, car pouvait-elle réellement ignorer qu'en demandant asile chez ces femmes simples mais généreuses, elle avait fait entrer le loup dans la bergerie ? Et que le reste de la meute ne tarderait pas à suivre sa trace ? Il y eut un long silence, seulement rompu par la voix désormais familière de Lora qui lança :

- Grand-mère, il n'y a plus de bûches, je vais regarder s'il en reste dehors !

Elle revint dans la pièce où se trouvait Aelyn pour y décrocher un épais manteau encore humide. Celui-là même qu'elle portait quand elle avait croisé le chemin de cette étrange invitée. Restait à savoir qui elle rencontrerait lors de sa prochaine escapade nocturne en dehors de la sécurité relative qu'offrait cette maison…


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"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
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Learamn
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMer 15 Nov 2017 - 0:15
Le discours audacieux du jeune capitaine avait au moins réussi à interpeller le Vice-Roi, sûrement un peu trop d’ailleurs. Le regard fixé vers le sol, Learamn attendait que le courroux de son supérieur ne se déchaîne sur lui; le jeune homme avait tenté de faire vibrer à nouveau la fibre guerrière qui sommeillait dans le coeur de Mortensen qui avait troqué sa lame pour la plume et les chevauchées pour les affaires politiques. Que restait-il vraiment du Champion du Rohan dans ce Vice-Roi épuisé sur lequel s’abattait tous les malheurs du monde? La mention du retour de l’Ordre de la Couronne de Fer l’avait visiblement ébranlé et son regard se para d’un voile de tristesse durant une fraction de seconde; ce sentiment amer et désespéré de ne jamais en finir avec cet ennemi juré qui trouvait toujours un moyen pour resurgir d’entre les morts et frapper ceux qu’il aimait.

Comme il s’en doutait les réprimandes finirent par arriver . Le jeune homme avait désobéi à un ordre direct de son supérieur, il s’était mêlé à toute cette affaire quand Mortensen lui avait personnellement spécifié d’en rester éloigné pour d’obscures raisons. Etait-ce car cela concernait sa compagne? Dans ce cas là ne devrait-il pas compter sur des hommes qui lui sont loyaux pour l’épauler? L’ancien maréchal avait-il perdu confiance en son jeune officier? Ou alors était-ce en raison de son état de santé?Tant de questions qui n’avaient  pas cessé de torturer l’esprit de Learamn ces derniers jours et auxquelles il comptait bien obtenir des réponses.  Le jeune capitaine se crispa quand Gallen parla de punition et il se figurait déjà ses propres gardes le saisirent sans ménagement pour le jeter dans un cachot comme ils l’avaient fait avec Iran.  Des forces venimeuses étaient à l’oeuvre dans ce château et leur influence semblait dépasser tout ce à quoi il s’était attendu. Et si….et si le Vice-Roi était lui aussi inconsciemment leur influence? Et si quelque voix insidieuse avait trompé son esprit affaibli pour pouvoir manipuler son pouvoir à sa guise afin de se débarrasser des personnes les plus  embarrassantes?  Se faire à cette idée relevait quasiment de l’impossible tant l’admiration de Learamn envers son mentor avait toujours été totale mais c’était une possibilité à envisager et si elle s’avérait juste alors le jeune capitaine serait plus que jamais abandonné à lui-même.


Alors le Vice-Roi parla de serment de loyauté envers le Rohan et son peuple et des souvenirs resurgirent sans crier gare. Une discussion tendue survenue plus d’un an plus tôt alors que le jeune capitaine, tout fraîchement promu après son retour de Vieille-Tombe, s’était lancé sur le traces d’Orwen; il avait croisé la route de la Lice, un officier du Roi peu avenant, qui avait traité le nouveau Vice-Roi de parjure qui avait trahi les valeurs de son pays pour se soumettre au félon et obtenir son poste à Aldburg. A l’époque Learamn, encore très inspiré par l’aura de celui qui l’avait fait grandir dans l’armée,  n’avait pas vraiment prêté attention à ses paroles  haineuses mais à présent que sa confiance était plus fragile elles prenaient une toute autre dimension. Après tout Gallen n’était qu’un homme avec les nombreuses faiblesses que cela comporte; pour arriver au pouvoir il avait sûrement dû employer de retors stratégies politiques peu honorables et placer ses pions.  Alors que ces pensées pleine de doutes assaillaient le jeune homme , celui eut un infime mouvement de recul comme s’il ne sentait plus vraiment en sécurité auprès de son modèle.


Learamn se reprit cependant rapidement. Parjure ou pas, nul ne pouvait effacer les exploits et autres actes de bravoure qui avaient forgé sa réputation. Il n’avait peut-être pas toujours   toujours été  exemplaire  mais qui l’était?N’avait-il pas lui même aussi parjuré pour sauver la mise d’Orwen face à la Lice? Parfois la vie confrontait les hommes les plus droits à des dilemmes dont la seule porte de sortie impliquait la ruse ou le mensonge. Il y avait peu de monde qui avait été mieux placé que le jeune officier pour témoigner de la dévotion complète et sincère du Champion du Rohan envers sa patrie. Aujourd’hui le héros avait perdu de sa superbe, plongé une fois de plus dans d’innombrable tourments et l’esprit sûrement empoisonné par de mauvaises influences; aujourd’hui plus que jamais il avait besoin de l’un de ses plus fidèles guerriers quand bien même si cela devait signifier l’insubordination aux ordres donnés.

Le jeune homme se redressa finalement et soutint le regard perçant de son supérieur avant de poser un genou à terre et un poing sur le coeur. Une vide douleur traversa sa jambe, lui arrachant une grimace au passage, mais il resta en position et prêta serment.

“Excellence, je n’ai pas achevé la mission que vous m’avez donné. Que ce soit à Aldburg, en Rhûn ou à Pelargir vous m’avez envoyé combattre l’Ordre de la Couronne de Fer. Mais tant qu’il restera des traces de cette maudite organisation cela signifiera que j’ai échoué.  Je jure aujourd’hui sur le Rohan et sur l’honneur de mon peuple que je poursuivrai la mission qui m’a été incombée jusqu’à son accomplissement ou la mort. ”


Ces paroles paraissaient quelque peu ridicule dans la bouche d’un homme incapable de se déplacer sans béquilles et qui n’avait plus monté à cheval depuis des mois. Mais l’avenir du Rohan ne pouvait plus attendre son rétablissement.
Finalement, alors qu’il avait jugé préférable de ne pas aborder le sujet à nouveau; Learamn ne put s’empêcher de conclure.

“Quant à votre décision concernant l’Orientale, je la respecte mais vous devez savoir que vos ennemis ne sont pas ceux qui en ont l’apparence.”



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Eopren affichait un sourire mi-amusé mi-provocateur, cet abruti de Gram avait donc vraiment cru pouvoir lui échapper de la sorte en sortant par la cour intérieur. Ce n’était pas la première fois qu’on lui avait fait le coup et il s’était attendu à cette tentative de fuite. Le soldat expérimenté connaissait tous les moindres recoins de cet endroit , y compris ceux auxquels il n’avait pas officiellement accès, et se poster ici en attendant sa cible avait été un jeu d’enfant.  Il avait piégé l’autre guerrier, visiblement surpris et mal à l’aise.

Maintenant il allait falloir lui tirer les vers de nez avec subtilité , autant dire un domaine où Eopren était beaucoup moins à l’aise qu’au cache-cache dans Meduseld.  D’autant que l’autre bougre s’était rapidement remis de ses émotions pour répondre au tac-au-tac, soudainement plus sûr de lui comme s’il cachait un atout dans la poche.

“Bon mon vieux pépère ,
pensa Eopren, une fois n’est pas coutume c’est le moment d’être fin…”

“J’voulais te présenter mes condoléances Gram c’est tout. Il se dit qu’on a retrouvé le corps mutilé de ton pote durant l’incendie de la morgue; je savais pas si t’étais au courant mais voilà….”

Il y eut un bref moment de silence où les deux soldats se défièrent du regard, tous deux respectivement très méfiants à l’égard de l’autre.
“Bon...ok y’a autre chose
, ajouta Eopren qui avait à tout prix besoin d’autre réaction que ce silence prolongé, je sais pas si tu te souviens  Mandred et toi me devez un petit pactole en échange de l’herbe à fumer que je vous ai fourni. Maintenant qu’il est plus en mesure de payer je me disais que toi, comme tu partageais tout le stock avec lui, devrait payer pour lui ou quelque chose du genre...après on peut s’arranger tu sais; je peux songer à une réduction suite au drame mais faut quand même… tu sais les temps sont durs.”

A mesure qu’il parlait, le vieux briscard scrutait chaque réaction de son interlocuteur. Le moindre petit signe d’agacement ou d’impatience pouvant se retourner contre lui , l’ami de Learamn se devait d’ouvrir l’oeil et le bon.

#Eopren


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Dernière édition par Learamn le Dim 10 Jan 2021 - 17:21, édité 1 fois
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Ryad Assad
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMer 15 Nov 2017 - 23:55
Des condoléances ?

Gram haussa les sourcils, incapable de cacher sa surprise. Il fallait dire qu'elle était de taille, et que les nouvelles que lui portait Eopren n'étaient pas des plus rassurantes. Mandred ? Mort ? L'incendie de la morgue ? Mais qu'est-ce que c'était que cette histoire encore ? Il avait bien entendu parler d'un incendie en ville, mais il avait laissé les soldats qui étaient de garde se charger d'éteindre l'incendie, tandis qu'il se reposait avant la dure journée qui l'attendait le lendemain. Il ne s'imaginait pas un seul instant que Mandred finirait comme ça… Quelle poisse !

- Non… fit-il sans simuler l'abattement qu'il ressentait sincèrement, je ne savais pas…

Ses épaules basses trahissaient son état de sidération. Décidément, il n'en revenait pas. Mandred était son ami depuis de nombreuses années, et ils avaient pas mal bourlingué tous les deux. D'abord comme aventuriers, ils avaient parcouru le Rohan et oscillé des deux côtés de la justice. Tantôt empochant une prime pour la capture d'un criminel, tantôt acceptant des contrats pas très nets de la part de gars qui payaient bien. Ils ne posaient jamais de questions, et c'était la raison pour laquelle ils avaient toujours fait de bons soldats. Ils avaient suivi le parti de Hogorwen, jurant même fidélité à l'Ordre de la Couronne de Fer en espérant tirer profit de ce que l'organisation aurait à leur offrir. Gram ne s'était jamais longuement étendu sur la question de son allégeance, mais il lui avait toujours semblé assez clair qu'il se fichait de la politique et des jeux de pouvoir. Tout ce qu'il voulait, c'était avoir une vie confortable, et un patron qui payait bien. Et ça, l'Ordre pouvait le lui fournir. Malheureusement, il devait désormais vivre avec la marque néfaste dans sa chair, et assumer les conséquences de ses choix. La mort de Mandred ne pouvait pas être une coïncidence : quelqu'un avait cherché à le faire disparaître, et si ç'avait été organisé par Mortensen, il aurait fait ça discrètement sans prendre le risque de voir partir en fumée la moitié de la ville.

Non, cet incendie était un message très clair, et Gram ne pouvait pas passer à côté. Lui restait à déterminer quelle était la nature du messager… Il n'avait jamais vraiment parlé à Eopren, se tenant à l'écart de ses petits trafics, même s'il en profitait indirectement grâce à Mandred qui négociait avec lui, lui achetant de temps à autres quelques petites choses. C'était comme ça qu'il en avait entendu parler, et il s'était représenté un type roublard et peu scrupuleux, mais certainement pas un agent double de l'Ordre. Car qui d'autre qu'un assassin pouvait soudainement venir le voir pour un motif aussi incongru que lui adresser ses condoléances ?

Gram avala sa salive.

Ses yeux allaient de droite à gauche, observant malgré lui les options de sortie. Eopren était armé, comme n'importe quel garde, mais pour l'heure ses deux mains étaient en vue, et il n'avait pas esquissé un geste vers son épée. Tant mieux pour lui, d'ailleurs, car il n'aurait pas le temps de dégainer que le poignard de son vis-à-vis filerait vers sa gorge. L'avantage était aux lames courtes dans ce genre de situations, et Gram avait eu la présence d'esprit de conserver la sienne en main. Il déplaça d'ailleurs son bras de sorte que le vétéran ne vît pas dépasser le manche de celle-ci. Discrétion avant tout.

Un bref silence s'installa entre les deux, alors que le renégat attendait. Si Eopren était venu le voir pour lui présenter ses condoléances et l'informer de la situation concernant Mandred, c'était fait. Il n'avait plus qu'à repartir d'où il était venu, et le laisser en paix. Gram était de toute évidence tendu, mais il se força à ne rien dire, laissant son interlocuteur poursuivre. Tant pis pour la gêne, qui était proprement étouffante. Finalement, le soldat reprit, se lançant sur une histoire d'herbe à pipe que Mandred n'aurait pas payée. La tension descendit d'un cran, et le plus jeune des deux hommes ne parvint à dissimuler un très léger soupir de soulagement.

« Ce n'est que ça ! » se dit-il intérieurement, en retrouvant tout à coup une attitude plus chaleureuse.

- Euh… Oui, oui bien sûr ! L'herbe à fumer, j'avais complètement oublié. Je comprends… la mort de Mandred te met dans l'embarras…

Il haussa les épaules, en voulant se montrer rassurant, allant même jusqu'à lâcher un sourire totalement hors de propos. On venait de lui annoncer la mort d'un ami, et il paraissait presque heureux de régler sa dette, tout pressé qu'il était de mettre un terme à cette conversation.

- Dis-moi, euh… combien je te dois au juste ? C'est que, Mandred ne m'avait pas donné tous les détails, et je ne voudrais pas que tu te sentes floué. Je déposerai la somme convenue où tu voudras, dès demain. Aucun problème.

Il parlait de plus en plus rapidement, toujours avec ce sourire faux accroché sur ses lèvres. Ses yeux avaient perdu leur côté méfiant, et on ne lisait plus désormais dans son regard que l'inquiétude d'un homme traqué. Jamais dans ses aventures il ne s'était trouvé embarqué dans une situation aussi inextricable, et la mort de Mandred faisait planer sur lui le spectre d'une fin douloureuse et violente. Il n'était pas un lâche, il avait déjà dû se battre pour sa vie, mais aujourd'hui il n'affrontait pas un homme aviné désireux de l'embrocher, ou bien un paysan résolu à protéger son bétail. Il affrontait la furie de fanatiques qui avaient décidé d'exploiter leur bêtise, et de leur faire payer le fait d'avoir renié l'Ordre. Ces gens ne reculeraient devant rien, et ils lui inspiraient une terreur bien plus grande encore que le courroux de Mortensen. Il avait vu ce dont était capable l'Ordre de la Couronne de Fer, il s'était trouvé là lorsque les opposants à Hogorwen avaient été capturés, torturés, mutilés pour certains, puis exécutés. Il avait vu ce que les hommes en armure noire avaient fait. Lui-même avait fait des choses terribles qu'il s'efforçait d'oublier… Pourtant les images, et les sons, les cris, les suppliques déchirantes, restaient gravées dans sa mémoire. Il avait été à la place du bourreau, et l'expérience le hantait encore la nuit. Pour rien au monde il ne voulait se retrouver à la place de la victime.

Soudain, alors qu'il continuait à rassurer Eopren sur son remboursement, l'interrogeant sur le degré de discrétion qu'il souhaitait pour régler l'affaire sans se faire attraper par leurs supérieurs hiérarchiques, la conversation fut interrompue par l'arrivée inopinée d'un homme : le soldat qui était venu lui annoncer l'arrivée d'Eopren. Il avait l'air chamboulé, ce qui n'était pas très professionnel, mais de toute évidence quelque chose de grave se tramait. Il jeta un regard aux deux hommes, ayant conscience d'avoir fait irruption au beau milieu de la discussion :

- D-Désolé Gram… C'est l'incendie dont on parlait tout à l'heure… apparemment quelqu'un l'aurait déclenché volontairement ! C'est le sergent qui l'a dit. Il a aussi dit que le Capitaine Wald veut tout le monde sur le pied de guerre.

L'intéressé hocha la tête. Il n'était pas surpris. Cela ne faisait que confirmer ses soupçons. C'était bel et bien l'Ordre de la Couronne de Fer… Il se composa une attitude neutre, et répondit tranquillement :

- J'arrive, donne-moi deux minutes. Une idée de qui a pu faire ça ?

Sa question prit le jeune soldat au dépourvu, alors que ce dernier allait refermer la porte derrière lui pour laisser les deux hommes terminer leur conversation. Il hésita un bref instant, avant de lâcher :

- Aucune piste, surtout que les corps sont impossibles à identifier. C'est pour ça qu'on va ratisser la ville cette nuit.

Il s'éclipsa, et faisant claquer doucement le battant. Ses derniers mots firent un bout de chemin dans l'esprit de Gram, et s'implantèrent dans le terreau fertile de ses soupçons, pour se transformer en une conviction solide. Comment un vulgaire soldat, même s'il trempait dans les affaires les plus louches, pouvait-il être au courant si rapidement de la situation ? Comment pouvait-il savoir que Mandred faisait partie des victimes, alors que les corps étaient impossibles à identifier ? Il n'y avait qu'une seule explication. Il devait l'avoir tué lui-même, et était venu pour terminer son travail au nom de l'Ordre. L'ancien fidèle se retourna vers Eopren, une lueur nouvelle dans le regard. Ce n'était plus de la méfiance, comme à l'origine, ni cette crainte démesurée qui semblait guider chacun de ses pas. Non. C'était davantage la résolution du tueur. Il y avait une forme de détermination froide en lui, qui n'augurait rien de bon. Sa main gauche laissa tomber son baluchon de voyage, qu'il écarta du pied. Il inspira profondément, savourant le parfum de l'air nocturne. Il faisait doux. Tout était calme. Personne à l'horizon.

- C'était mon ami, Eopren…

Sans rien ajouter, sans un cri, il se jeta sur le soldat en faisant jaillir son poignard. Trop rapide pour permettre au vétéran de se saisir de son arme. Trop précis pour que sa cuirasse pût le protéger. L'acier perfora la tunique qu'il portait en-dessous au niveau du flanc, laissant une plaie dégoulinante de sang lorsqu'il se retira de la chair. Le renégat avait enfilé cet uniforme si souvent qu'il en connaissait tous les points faibles : il n'avait pas été très difficile pour lui de trouver la faille. Fort heureusement, Eopren avait trouvé le moyen de contrer le bras de Gram, et de se déporter sur le côté, si bien que la lame ne s'était pas enfoncée jusqu'à la garde. L'abondance de sang était impressionnante, mais elle ne trompait personne. Sa blessure était vilaine, handicapante, et douloureuse, mais elle ne le tuerait pas. Du moins, pas tout de suite. Il n'aurait de toute façon pas le temps de vérifier ses chances de réchapper à cette première estocade, car son adversaire revenait déjà, certain que le prochain coup serait le bon. Il était dans la force de l'âge, il dominait la situation, et il avait réussi à verser le premier sang. Les ingrédients de la victoire étaient rassemblés.

#Gram


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Learamn
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyLun 1 Jan 2018 - 23:38


Tout avait été réglé comme du papier à musique et se passait pour le mieux. Gram avait cru à cette histoire d’herbe  à pipe impayée, ce qui n’était pas étonnant tant cela tenait debout pour peu que l’on connaissait un peu Eopren; il paraissait même soulagé comme s’il s’était attendu à quelque chose de pire. Les soupçons du vétéran à l’égard de son vis-à-vis s’en trouvèrent considérablement renforcés même si dans un même temps il ressentait une certaine compassion pour son interlocuteur dont la peine de la perte de son ami était sincère. Eopren connaissait la douleur provoquée par la perte d’un frère d’armes, il avait arrêté de compter ses camarades tombés au front dont bien peu avait eu la chance d’avoir une fin héroïque. Chaque fois il avait ressenti un sentiment de  vide pendant plusieurs jours en regardant leur couchette désormais vide avant qu’une nouvelle recrue ne s’y installe, chaque fois il s’était dit qu’il pourrait bien être le prochain à mourir bêtement pour rien comme son voisin de table de l’avant veille et chaque fois il noyait ses sombres pensées dans l’alcool et ses petits trafics.  

Les deux soldats continuèrent à parler pendant plusieurs dizaines de secondes, Gram visiblement mal à l’aise ne cessait de lui assurer qu’il lui paierait son dû pour mettre fin à la discussion le plus tôt possible mais son aîné ne cessait de le relancer ou de lui poser des questions banales. Il n’avait aucun intention de le laisser filer à vrai dire et si tout se passait comme prévu il lui suffisait de le retenir encore quelques minutes pour supplémentaires avant d’allumer la mèche.

 Malheureusement il paraissait écrit que ses derniers temps rien ne devait se passer comme prévu. La petite cour dans laquelle ils se trouvaient étaient d’ordinaire très peu fréquentée et Eopren avait très fortement compté sur le fait qu’ils ne seraient pas interrompu. Au final ce ne fut pas l’interruption en elle-même qui se révéla problématique mais plutôt sa teneur. Quand ce soldat déboula pour informer Gram que Wald mobilisait les hommes à propos de l’incendie, l’ami de Learamn lui adressa un regard noir comme pour lui intimer silencieusement de pas en dire plus. La manoeuvre ne fut pas un grand succès et le nouveau venu lâcha la phrase la plus efficace qu’il fut pour détruire le fragile édifice qu’Eopren avait mis en place pour coincer son suspect.



"Aucune piste, surtout que les corps sont impossibles à identifier. C'est pour ça qu'on va ratisser la ville cette nuit."


Le soldat partit et le petit trafiquant poussa un long soupir avant de fixer son interlocuteur sans savoir que dire pour rattraper le coup et se contenta donc d’observer combien de temps il mettrait à se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond. Et Eopren constata douloureusement qu’il avait sous-estimé les capacités intellectuelles du traître qui ne mit pas plus d’une poignée de secondes à réagir. Une douleur vive déchira l’abdomen du vétéran dans lequel s’était fiché la lame de la dague de Gram, par un réflexe miraculeux il avait réussi à mettre son bras en opposition pour éviter une blessure plus profonde. Le vétéran recula immédiatement de plusieurs mètres pour se mettre hors de portée de son adversaire, une main sur son ventre sanguinolent et une expression traduisant une douleur intense teintée de surprise. L’attaque avait été rapide, précise et efficace et le plus jeune des deux combattants avait dorénavant un très net avantage.
Eopren dégaina son épée d’un geste gauche et se mit tant bien que mal en garde, pointe dirigée vers son vis-à-vis pour le maintenir à distance. De son autre main il appuyait toujours sur sa blessure qui saignait abondamment.

“Enflure!”


Ce fut le seul qualificatif qui passa par la tête du vétéran, d’autre aurait pu parler de traîtrise ou de parjure mais les arguments patriotiques n’avaient jamais été son domaine de prédilection.  Il tentait de garder une distance de sécurité en effectuant des moulinets maladroits avec son arme. Gram était animé par une haine soudaine qui devait être liée au désir de venger son ami et face à un tel déchaînement le vieux roublard ne donnait plus très cher de sa propre peau. Il savait que cela se finirait en affrontement- il avait d’ailleurs prévu d’engager un combat à mains nues- mais celui-ci était venu bien trop tôt. L’objectif était désormais de gagner du temps et pas simplement pour repousser une échéance fatidique. Eopren avait encore un tour dans son sac, un carte qu’il avait jouée à l’avance pour pallier à ce genre de situation. Mais jusque là il devait tenir. Coûte que coûte.

 Au terme de quelques dizaines de secondes d’un affrontement visuel durant lequel les deux hommes s’étaient jaugés, Gram passa à l’offensive et tenta de briser la garde de son aîné en faisant un mouvement de côté pour pouvoir atteindre son adversaire de sa courte lame. Sa manœuvre passa à un cheveu de la réussite, Eopren ne devant son salut qu’à un pas en arrière effectué in extremis, la dague siffla et tinta au contact de la cotte de mailles du soldat. Quelque peu déséquilibré par son attaque dans le vide, l’agent de l’Ordre n’eut le temps de parer le coup de poing magistral qui attestait d’une certaine maîtrise dans le domaine chez son expéditeur. Il y eut un petit craquement quand les phalanges heurtèrent son nez; déstabilisé Gram recula en se tenant le nez qui se mettait à saigner. Le vieux cavalier défendait chèrement sa peau mais à mesure que le temps passait il perdait de plus en plus de sang et s’affaiblissait, ouvrant par là même des boulevards aux attaques. Il ne tiendrait plus très longtemps.

Eopren marmonna alors entre ses dents de manière énigmatique:

“Allez mon petit...bouge-toi les fesses.”


-------------------------------------
Le tout jeune palefrenier courait à en perdre haleine le long des  couloirs de la garnison du palais. Il connaissait l’endroit par coeur tant il avait déambulé ici dans le cadre de son travail ou même de ses temps libre, il n’avait pas grand chose d’autre à faire, trop jeune pour partager une pinte avec les guerriers et trop âgé pour s’amuser avec les enfants du palais en jouant aux figurines en bois verni.  De temps à autre il ralentissait et, anxieux, il posait une main sur sa poche avant d’émettre un petit soupir de soulagement. Les pièces d’or étaient toujours là. Il les avaient reçu de la main du vieux Eopren, il n’était pas particulièrement âgé mais c’était un vétéran qui semblait avoir été assigné à la protection de la capitale depuis la nuit des temps. Un type louche qui traînait dans des affaires pas très nettes et dont on lui avait toujours dit de se méfier. Toujours était-il que quand le cavalier lui avait proposé une dizaine de pièce d’or pour lui rendre service, le jeune adolescent n’avait pas longuement hésité. Il avait toujours tenu à rester à l’écart des petites transactions en tout genre mais là l’offre était trop belle, tant de monnaie pour une tâche aussi anodine , il n’en avait pas demandé plus pour prendre la moitié de son salaire, la seconde partie devant venir après service rendu. Pour ce qu’il avait à faire, il ne risquait pas grand chose par ailleurs.

Il déboula finalement dans le mess de l’aile militaire de Meduseld et s’arrêta un instant pour visualiser la salle. Malgré l’heure tardive il y avaient toujours une dizaine de soldats éparpillés en petits groupes ça et là qui partageaient un repas en discutant bruyamment. L’âtre de la cheminée était vide, cela faisait des semaines que l’on allumait plus de feu ici avec la chaleur extérieure qui asséchait les alentours. Le garçon repéré finalement un visage connu et se précipita à la rencontre du sous-officier qui se tenait debout près du comptoir.

“Sergent! Sergent!”


Le principal intéressé tourna alors la tête vers le jeune écuyer et haussa un sourcil étonné. Wald avait eu une rude soirée et comptait se relaxer avant d’aller dormir mais visiblement on ne voulait pas se lâcher.

“Du calme mon garçon
, répondit-il avec bienveillance, reprends ton souffle et dis-moi ce qui t’amène ici.”

Le jeune homme posa ses mains sur ses genoux et respira bruyamment, après sa course effrénée de plusieurs minutes ses joues avaient rougi et sa respiration se faisait sifflante, signe de l’asthme dont souffrait le garçon.  Il se redressa finalement et formula tant bien que mal la phrase qu’on lui avait dit de répéter à un garde royal.

“Une...une bagarre dans l’arrière cour...l’arrière cour des Evadés. Il faut  y aller vite sinon ils vont s’entretuer.
- Par Eorl! “


Le capitaine fit volte-face et appela sur le champ tous les guerriers présents dans la salle.

“Prenez vos armes et suivez moi!”


Il posa une main amicale sur l’épaule du palefrenier en guise de remerciement et se précipita hors de la salle à manger suivi de toute sa troupe fraîchement constituée.

----------------------------------------------------------
Eopren ne tiendrait plus très longtemps, les attaques de son adversaire se faisaient de plus en plus rapides et menaçantes et il avait de plus en plus de mal à les éviter. Un nouveau mouvement de  Gram lui permit d’entailler l’épaule du vétéran, arrachant à ce dernier un grognement de douleur. Cette blessure était superficielle contrairement à celle qui barrait son abdomen mais la souffrance supplémentaire qu’elle engendrait continuait à l’affaiblir un peu plus.  Ne pouvant plus lutter avec les armes Eopren essaya de gagner du temps avec les mots.

“T’sais Gram, j’ai peut-être toujours trempé dans des trucs un peu louches mais au moins moi j’ai jamais trahi mes camarades. Dis-moi , qu’est ce que ça fait de tuer ses frères d’armes pour une poignée de pièces de cuivre? On se sent sale après hein?”

Mauvaise idée. L’invective eut pour tout effet la démultiplication de la colère de son adversaire qui redoubla d’effort pour le coucher au sol. Eopren repoussa quelques tentatives d’attaque en faisant de grands mouvements avec son épée, le vétéran  concentrait son attention sur la dague de son ennemi qui constituait le danger principal mais pas le seul et quelle ne fut pas sa surprise quand d’une balayette bien sentie Gram lui fit mordre la poussière avant de lever haut son bras armée pour finir le travail.

 Alors un bruit de bottes se fit entendre et Eopren esquissa un sourire. Il ne s’était pas ruiné pour rien.  Wald et plusieurs soldats firent irruption dans la cour et se jetèrent immédiatement sur le traître qui s’apprêtait à achever le vétéran.

“Que se passe-t-il ici?”
vociféra Wald.

Mais cette question était destinée à rester sans réponse pour le moment tant les deux acteurs du combat n’avait strictement aucun intérêt à révéler quoi que ce soit. Un rictus satisfait apparut cependant sur le visage du sergent quand il remarqua la présence d’un Eopren sur le flanc. Deux hommes aidèrent l’ami de Learamn à se relever et avisèrent sa blessure.

“Il a besoin de soins rapidement!
s'alarma l’un des hommes.
-Conduisez le à l’infirmerie et vite! Quant à l’autre jetez le au trou, qu’il y attende son interrogatoire.”


Wald s’approcha alors du cavalier blessé et siffla entre ses dents.

“Je te jure Eopren que dès que tu seras grossièrement pansé, je m’assurerai personnellement de ton envoi au cachot et ce pour bien plus qu’un jour ou deux comme tu en as l’habitude.
-Tout aussi heureux de te voir Wald.”


Le plan du vétéran avait plus ou moins fonctionné, il s’était débrouillé pour mettre leur principal suspect sous les verrous. Il n’y avait plus qu’à espérer que cette affaire remonte aux oreilles de Learamn pour qu’il puisse se charger d’interroger Gram car dorénavant le jeune officier se retrouvait plus seul que jamais dans quête, Iran et Eopren ayant été mis hors-jeu pour le moment.

Le guerrier murmura avant de sombrer dans l’inconscience.

“C’est à toi de jouer Jeune Pousse maintenant…”


The Young Cop


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Ryad Assad
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyLun 8 Jan 2018 - 18:27

Contrairement à ce que la jeune femme avait pu penser, ce n'étaient pas les rayons du soleil qui pénétraient dans sa cellule par le mince interstice qui séparait la porte du sol de pierre. Non. C'était une lueur plus fébrile, plus ténue, celle d'une torche que l'on portait à bout de bras pour éclairer un chemin par trop sombre. Il y eut quelques bougonnements, des grommellements alors que certains des prisonniers se retournaient dans leur sommeil pour échapper à la morsure d'une lumière douloureuse pour leurs yeux fatigués habitués à la pénombre. Au bruit qu'ils faisaient, les hommes en armes qui avançaient étaient deux, peut-être trois, et ils amenaient selon toute vraisemblance un nouveau prisonnier, un ivrogne repêché au fond d'un caniveau, sans doute. Iran s'efforça de fermer les yeux et de faire abstraction du monde extérieur, mais elle eut la désagréable surprise de constater que l'on installait le prisonnier – récalcitrant, à en juger par ses vociférations sonores – à côté de sa cellule. La belle affaire. Le misérable s'amusait à frapper sur sa porte en demandant à ce qu'on le libérât sur-le-champ, mais les gardes ne lui firent pas ce plaisir, et alors qu'ils partaient, il fut accueilli par les cris rageurs des autres pensionnaires des lieux. On ne plaisantait pas avec le sommeil ici, et ses efforts n'étaient pas du goût des dormeurs dont le repos était encore la seule échappatoire. Bientôt il se tut, et Iran l'entendit se déplacer lourdement vers le fond de son réduit. Il s'installa pesamment à même le sol, et elle l'entendit soupirer profondément, avant de marmonner quelque chose pour lui-même. Le mur de pierre qui les séparait aurait dû couper le bruit mieux que ça, et elle s'étonna de percevoir aussi bien ses allées et venues. L'explication était simple, et elle lui apparut rapidement quand elle se décida à quitter sa position allongée pour examiner l'affaire d'un peu plus près.

Un petit trou avait été percé dans le mur, permettant aux deux cellules de communiquer. Il était barré par une grille, et se trouvait trop haut pour qu'elle pût voir de l'autre côté, mais elle sentit distinctement le fer âgé sous ses doigts lorsqu'elle tendit la main. Un système d'aération commode dans ces geôles qui se trouvaient dans les profondeurs de la terre, et qui permettait d'amener de l'air frais tout en évitant les courants d'air au ras du sol. Malin, mais désagréable à cette heure de la nuit. Debout sur la pointe des pieds, la tête d'Iran se trouvait encore trop bas pour atteindre l'ouverture, mais avec ses mains tendues elle essaya de mesurer les dimensions pour voir si elle pouvait la boucher avec un vêtement ou n'importe quoi qui pût lui permettre de couper le bruit. Une bonne nuit de sommeil ne serait pas de trop pour affronter sa dure journée du lendemain, et elle avait l'impression que son voisin ne cesserait pas son vacarme avant encore quelques heures.

- Mais qu'est-ce que vous foutez ? L'interrogea-t-il bientôt avec brusquerie, en entendant ses mains qui s'agitaient sur le métal.

La jeune femme fit claquer sa langue, et répondit sèchement, sans cacher son agacement :

- À moins que vous ne vous taisiez, je n'ai pas d'autre choix si je veux réussir à dormir… Par Melkor, ce que vous êtes bruyant !

Pas de réponse. Elle s'immobilisa, et se demanda si l'intéressé n'avait pas soudainement décidé de se montrer courtois, et de faire silence pour lui permettre de se reposer. Elle s'en voulut presque de lui avoir si mal parlé, et de ne pas lui avoir gentiment demandé de faire silence. Soulagée, elle lui glissa un « merci », et s'apprêta à aller se coucher, quand tout à coup il reprit avec une anxiété que ne dissimulait pas le fait qu'il parlât à voix basse :

- Attendez ! Attendez, attendez, ne partez pas !

Elle l'entendit se rapprocher du mur, et chercher les barreaux lui-même. Des sons lui indiquèrent qu'il essayait de trouver des prises sur le mur lisse pour se hisser et pouvoir regarder dans sa cellule à elle. Il sembla y parvenir pour un temps, sans doute dans une position très précaire, avant de se rendre compte que son effort était parfaitement inutile :

- Bon sang, il fait aussi sombre chez vous que chez moi.

- En effet, répondit-elle, méfiante.

Son état avait changé soudainement, et elle s'inquiétait un peu de savoir quelle était la raison de revirement brusque. Pourquoi cette soudaine curiosité à son égard ? Pourquoi agissait-il comme si elle était soudainement la clé lui permettant de sortir d'ici ? Il lui apporta la réponse sous la forme d'une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Pas le moins du monde. Pas ici. Sur un ton à la fois plein d'espoir et de crainte, il souffla :

- Vous êtes l'Orientale ? La femme que Mortensen a ramenée de son voyage au Gondor ?

Ce fut au tour d'Iran de rester silencieuse. Quelque chose lui disait qu'elle n'avait pas intérêt à répondre. Pourtant, ne s'était-elle pas déjà trahie ? Son accent était parfaitement reconnaissable, et elle ne parlait pas la langue des hommes d'ici, si bien que la langue commune était la seule avec laquelle elle pouvait communiquer. Il n'était pas difficile de faire le rapprochement. Mais elle se demandait pourquoi cela avait de l'importance. Son silence n'apporta aucune confirmation, mais l'homme reprit :

- Vous êtes la femme qui allait aux bains, n'est-ce pas ?

La guerrière comprit alors. Ces questions étaient loin d'être anodines… et cette voix était loin d'être aussi étrangère qu'elle avait pu le croire au début. En réalité, elle était même assez familière, mais elle avait seulement effacé de son esprit la possibilité de l'entendre entre ces murs. L'attitude d'Iran se modifia, et elle grogna comme un fauve soudainement sur la défensive :

- Et vous êtes…

- Oui. Vous avez deviné… Bon sang, je n'arrive pas à croire que vous soyez en vie…

Fière, la guerrière se rapprocha du mur qui les séparait, pestant intérieurement de ne pas pouvoir le traverser pour aller cueillir sa vengeance contre le misérable qui avait osé l'agresser et la laisser pour morte. Elle lui aurait fracassé le crâne à mains nues si elle l'avait pu, et tant pis pour les conséquences. Mais, barrée dans son entreprise par un obstacle infranchissable, elle se contenta de répondre un ton plus haut :

- Vous allez regretter que je ne sois pas morte, quand je mettrai la main sur vous !

- Et toi, fit une autre voix venue d'une autre cellule, tu vas regretter de pas fermer ta grande gueule à cette heure de la nuit !

Iran ouvrit de grands yeux, outrée par ce commentaire déplacé, mais elle ne trouva pas quoi répondre, et reprit un peu plus bas à la seule attention de son voisin :

- Je vais vous faire payer votre tentative, scélérat.

Il rit pour lui-même, d'une manière que la jeune femme trouva fort déplaisante. Se moquait-il de ses menaces ? La défiait-il de réussir à les mettre à exécution ?

- J'ai bien peur que vous ne puissiez jamais obtenir vengeance… Lâcha-t-il sombrement. Le Vice-Roi me fera décapiter à la première heure demain matin. Enfin… si je passe la nuit, cela va sans dire. Et pour votre gouverne, vous tuer n'a jamais été notre intention.

- Ah oui !? Gronda Iran, avant de se rendre compte qu'elle risquait encore de s'attirer les foudres des autres détenus, et de poursuivre plus discrètement. Et que pensiez-vous qu'il adviendrait de moi après m'avoir noyée ?

De longues secondes sans réponse, puis :

- Je ne sais pas… Je ne sais pas… Je ne pensais pas que… Enfin… On voulait simplement vous faire peur, pour que vous partiez d'ici… Pour que vous quittiez le Rohan…

Iran voulut répondre, mais les mots moururent dans sa gorge. Elle avait décelé une fêlure dans la voix de son interlocuteur, qui l'incitait à ne pas l'attaquer de front. S'il lui confiait tout cela, ce n'était pas uniquement parce qu'il était condamné à mort, et qu'il voulait vider son sac avant d'offrir sa tête au bourreau. Non. Il y avait autre chose. L'homme à qui elle parlait était bouleversé, et elle devinait qu'il se dominait à grand peine. Cela donnait à son discours des accents de vérité qui, il fallait l'avouer, émoussaient la colère et la hargne de la guerrière. Privée de sa vengeance, et du plaisir de pouvoir faire couler le sang pour laver son honneur, elle en était réduite à devoir utiliser les mots : exercice dans lequel elle n'excellait pas…

- Vous détestez les gens comme moi, fit-elle.

Ce n'était pas vraiment une question, mais il se laissa prendre :

- Les femmes, vous voulez dire ? Ou les Orientaux ?

- Les deux…

Il considéra sa réponse un instant, comme s'il souhaitait – pour des raisons qui n'appartenaient qu'à lui – lui offrir une réponse honnête. Peut-être parce qu'au fond, il cherchait aussi une réponse honnête pour sa propre conscience, et qu'il lui fallait quelques secondes pour se souvenir des raisons qui l'avaient poussé à essayer de tuer une parfaite inconnue. Il finit par lâcher :

- Je ne déteste pas les femmes… Même si les voir avec une épée me donne la nausée. Je déteste les Orientaux, par contre. Vous et vos coutumes étranges… Partout où vous passez, vous semez la mort, que ce soit par le fer, le feu, ou la magie. Ce sont les gens comme vous qui nous empêchent de vivre en paix. C'est à cause de vous que le Rohan est dans cet état. Je ne dis pas que je suis un innocent, et j'ai fait mon lot de saloperies moi aussi, mais vous êtes ce qu'il y a de pire en Terre du Milieu. Alors oui, je vous déteste. Et vous voir ici, dans nos murs, manger notre pain et boire notre eau… ça me donne envie de vous renvoyer chez vous à grand coup de pied dans le cul.

- Si ça peut vous rassurer, je vous déteste aussi, répondit-elle.

Il lâcha un petit rire, et elle y associa un sourire narquois. Leur haine réciproque leur fournissait un point commun inattendu, et partager un moment de complicité dans cette situation était si saugrenu et si incongru que cela détendit curieusement l'atmosphère entre les deux. La jeune femme se rapprocha du mur, et souffla :

- Ce sont les vôtres qui ont tué mon ami… Et si je suis ici, c'est uniquement à cause de votre lâcheté.

- Les Rohirrim, vous voulez dire ? Ou l'Ordre ?

Elle hésita un instant, considérant le sens de sa question pour regarder au fond de son cœur et examiner la nature de ses sentiments, avant de répondre :

- Les deux.

Oui. Elle détestait l'Ordre de la Couronne de Fer, ces maudits vauriens qui lui avaient enlevé Rokh, et qui avaient mutilé le guerrier au point que son âme ne rejoindrait jamais ses ancêtres. C'était un affront qu'elle ne pourrait jamais pardonner. Mais elle tenait aussi les Rohirrim pour responsables de tout cela. C'était un peuple qu'elle avait appris à connaître par l'entremise de cet ami perdu, et dont elle suivait curieusement le parcours, tout en se forgeant une idée assez analogue à celle de Rokh. Des hommes malhonnêtes, couards, vicieux, qui revenaient sur la parole donnée et qui trahissaient leurs serments. Des hommes qui se vautraient dans le luxe et la débauche autant qu'ils se roulaient dans la fange et le purin. Afin de survivre dans cet environnement, elle s'était drapée dans une tristesse infinie, et s'était coiffée d'un mépris universel qu'elle arborait fièrement en présence de ce peuple étrange qui lui avait pris son ami. Son frère. Son compagnon d'armes. Son voisin de cellule parut réfléchir un instant, avant de souffler :

- J'ai entendu parler de votre ami. Par des rumeurs. S'il a bien été assassiné par des gens de l'Ordre, comme on le raconte, ils avaient de bonnes raisons de le faire. Ils ne font rien sans raison. Mais ne croyez pas qu'il n'y avait que du négatif avec eux… Hogorwen aurait pu être un bon roi, s'il n'avait pas eu à affronter tant de conspirateurs. Mortensen n'a pas voulu se soumettre. Puis il y a eu Fendor, puis Orwen, son propre fils… Hogorwen a tout fait pour ramener l'ordre, pour redonner sa gloire au Rohan… Il s'est servi de l'Ordre pour essayer d'établir la paix, et quand le moment serait venu, il aurait gouverné seul et aurait été un bon souverain. On se serait souvenu de lui comme du Restaurateur…

- Je ne comprends pas un mot de ce que vous racontez, fit Iran qui n'était pas au fait de la politique intérieure du Rohan.

L'homme eut un rire bref, naturel, avant de rétorquer :

- Je suppose que tout cela vous est bien égal. A moins que ça vous fasse plaisir de voir le Rohan affaibli, divisé. Comme ça, quand vous viendrez avec vos oliphants, vous ne trouverez pas une grande résistance.

Elle haussa un sourcil :

- Des oliphants ?

- Mais oui, vous savez… Ces immenses bêtes, que l'on dit hautes comme des montagnes, avec des défenses plus épaisses que des troncs d'arbres. On raconte encore au coin du feu comment le roi Théoden a jadis fait face à toute une armée de ces choses, et a réussi à les terrasser.

Iran réfléchit un instant, essayant de voir de quoi il voulait bien parler. Le terme « oliphant » ne lui était pas familier, car sa maîtrise du Commun était loin d'être parfaite, même si elle était une utilisatrice bien plus aguerrie que nombre de ses collègues dans la garde royale. Elle ne connaissait qu'une seule créature qui correspondait à la description que lui faisait son interlocuteur, mais elle les appelait par un autre nom :

- Vous parlez des mûmakil ? Ces grandes bêtes de guerre se trouvent au Sud, pas dans les terres de l'Est.

- Je croyais que les Orientaux les élevaient…

Elle fit « non » de la tête pour elle-même, se rendant compte à quel point cet homme ignorait la géographie du monde. En réalité, elle-même ignorait la géographie de l'Ouest de la Terre du Milieu, et jusqu'à récemment elle ignorait la différence entre le Rohan et le Gondor. Pour elle, tous ces « Hommes de l'Ouest » formaient un seul et même peuple, et elle avait eu du mal à comprendre leurs nombreuses divisions, et à accepter l'existence d'une multitude de races étranges. Elle pensait que les Elfes, créatures de malheur, étaient les seules entités non-humaines à arpenter le monde, mais en réalité les légendes sur le petit peuple que lui racontaient ses parents semblaient être fondées. Elle ravala son ignorance derrière un masque de mépris, et répliqua avec dédain :

- Dans mon pays, que vous appelez Rhûn, nous n'élevons pas ces choses. Nous partons à la guerre à pied, ou à cheval, mais nous ne sommes pas des dresseurs d'animaux sauvages comme le sont les gens du Sud. Ils ont bien des noms, mais votre peuple connaît leur terre sous celui de Harad. C'est une région lointaine et hostile, peuplée d'hommes belliqueux et farouches. Ils élèvent des créatures mystérieuses, des mûmakil qui pourraient enjamber d'un seul pas les remparts d'Edoras, mais aussi bien d'autres monstruosités dont ils gardent jalousement le secret. Je n'en ai jamais vu moi-même, mais on dit que les mûmakil sont les créatures les plus effrayantes qui soient, et que les gens du Harad les craignent autant qu'ils les vénèrent.

- Je suppose que je n'aurai pas la chance d'en voir.

- En effet.

Il gardèrent le silence un long moment après cela, chacun demeurant absorbé dans ses pensées. Iran ne savait pas trop quoi tirer de cette conversation étrange avec un homme qu'elle aurait tué sans hésiter en temps normal. Apercevoir son côté humain n'avait pas fait disparaître son désir de vengeance, bien au contraire, mais cela travaillait sa curiosité. Elle était une traqueuse, une chasseresse, et elle avait toujours faim du moindre indice. Surtout si une information de première main lui permettait de retrouver les assassins de Rokh. Au fond d'elle-même, elle savait que cet homme pouvait la conduire aux assassins qu'elle recherchait depuis si longtemps, et elle avait cruellement besoin d'une piste pour respecter son serment. Alors elle ravala sa fierté, et rompit le silence :

- Vous dormez ?

Il répondit par la négative. De toute évidence, lui non plus ne parvenait pas à trouver le sommeil, et cherchait dans cette conversation un petit quelque chose qui l'aiderait à repousser ses cauchemars. Iran reprit :

- Dites-moi… Connaissez-vous les hommes qui ont tué Rokh ?

- Hélas… Mais je ne peux rien vous dire.

La guerrière n'était pas très douée pour amener les gens à se confier subtilement, et elle rétorqua sans détour :

- Ils vous tueront de toute façon. Ils ont déjà fait assassiner votre compagnon. Vous devriez chercher le moyen le plus efficace de le venger.

- Mandred… Dit-il en prenant soudainement une voix très sombre. J'ai entendu ça, oui… Je ne pensais pas qu'ils iraient jusque là… Et j'imagine que je suis sur leur liste maintenant, car ils ne prendront pas le risque de me laisser parler… Mais qu'est-ce que je pourrais bien faire de la vengeance, hein ? Dans ma position, à quoi ça pourrait bien me servir ?

C'était une bonne question, à laquelle Iran ne trouva pas de véritable réponse. A quoi pouvait bien servir la vengeance ? Si elle tuait cet homme, cela effacerait-il le souvenir douloureux de son agression ? Si elle tuait les hommes de la Couronne de Fer, cela ramènerait-il Rokh ? La futilité de son entreprise lui apparut soudainement, et pendant un bref instant elle sembla vaciller, avant de se reprendre. Elle ne cherchait pas la vengeance pour un gain matériel spécifique, mais parce que c'était son devoir, et parce que son honneur le lui commandait. Le reste était superflu… Ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait expliquer à son voisin de cellule, et elle se mura dans un silence pesant, pensive. De longues minutes passèrent, avant qu'elle entendît de nouveau sa voix :

- A moins d'une demi-journée de cheval, à l'Est d'Edoras… Dans une vieille ferme située non loin d'un gué entre la Snowbourne et la grande route de l'Ouest… C'est là qu'ils se sont repliés, j'ai entendu une partie de leur plan…

- Que… ?

- Il y a autre chose, coupa l'homme qui semblait vouloir terminer ses explications. Leur chef… c'était un homme important dans l'Ordre de la Couronne de Fer… un homme dangereux… D'après ce que j'ai compris, il a participé à la prise de Fondcombe, et…

Iran se demanda s'il était en plein délire. Elle ne comprenait pas à quoi il faisait référence, ni pourquoi il lui donnait tous ces détails qui lui paraissaient inutiles à la réalisation de sa mission. Toutefois, quand elle essaya de l'interrompre pour lui demander des précisions sur « Fondcombe », un nom qu'elle n'avait jamais entendu de sa vie, elle le sentit se crisper :

- Ce n'est pas le plus important pour le moment. Rappelez-vous seulement que c'est le dernier Canthui de l'Ordre, il a survécu à toutes les purges et à toutes les traques… S'il réapparaît aujourd'hui, ce n'est pas pour rien…

- Pourquoi est-ce que vous choisissez de me dire tout ça maintenant ? Vous savez bien que…

Elle ne trouva pas comment finir sa phrase. Elle avait espéré pouvoir recevoir toutes ces informations, mais tout à coup il lui semblait que l'homme était bien trop coopératif, et qu'il cédait trop facilement. Il devait bien savoir, en effet, qu'elle allait rapporter tout cela à Learamn, et qu'ils organiseraient une traque des séides de la Couronne de Fer. Si ce qu'il lui disait était vrai, elle veillerait à ce que pas un n'en réchappât, et elle ferait s'abattre sur leur nuque le poids de la justice sous la forme d'une langue d'acier. Il était donc sciemment en train d'envoyer ses compagnons à la mort, et elle ne s'expliquait pas ce changement soudain. Il lui fallait comprendre ses motivations pour déterminer si elle pouvait accorder du crédit à ses paroles, ou bien si elle devait s'en méfier comme de la peste.

- Je sais, je sais… Mais n'allez pas croire que je vous dis ça gratuitement… J'ai cru comprendre que vous aviez l'oreille du Capitaine Learamn, et autant ce gamin m'insupporte, autant je sais qu'il peut m'aider… Il inspira profondément, avant de reprendre : Tout ce que je vous ai dit est vrai, et en retour je voudrais simplement qu'il pourvoie aux besoins de mon neveu… Ses parents sont morts pendant la guerre, et c'est moi qui m'en occupait jusqu'à présent. C'est un gamin intelligent, et il pourrait faire de grandes choses pour le Rohan, à condition qu'on s'occupe de lui. Alors… alors promettez-moi que vous ferez en sorte que Learamn, ou n'importe qui de compétent, veille à son éducation, et qu'il ne sera pas confié à un orphelinat ou tout simplement abandonné.

- C'est tout ? Demanda-t-elle malgré elle.

Elle ne s'y attendait pas vraiment. De la part d'un homme qu'elle considérait comme un tueur en puissance, elle n'avait pas vu venir ce soudain élan de compassion pour une vie innocente, et elle devait bien admettre que ce geste était d'une certaine noblesse.

- Oui… C'est tout. Pour être honnête, si vous vous faites tuer en partant à leur rencontre, je ne m'en porterai pas plus mal. Et si vous survivez, alors vous n'aurez plus de raison de rester, et vous repartirez dans votre royaume, en emportant votre magie avec vous. N'est-ce pas ?

Elle hocha la tête, comme s'il pouvait la voir, ce qui n'était naturellement pas le cas. Il interpréta correctement son silence, et dans sa voix on sentit une forme de soulagement. Cet engagement qu'elle venait de prendre lui ôtait de toute évidence un poids immense, comme s'il transmettait un fardeau dont il avait lui-même hérité, probablement à la mort des parents dudit garçon.

- Bien… C'est entendu alors. Et maintenant, approchez…

Interloquée, elle se retourna pour faire face à l'espace creux dans le mur, et tendit les doigts alors qu'il lui glissait entre les mains un objet fin et froid. Elle le réceptionna sans mot dire, et l'examina à l'aveugle, pour découvrir qu'il s'agissait d'une lame fine et courte, qu'il avait dû conserver cachée dans sa botte ou dans un coin de sa tunique. On l'avait enfermé ici à la hâte, et de toute évidence la fouille n'avait pas été approfondie.

- Qu'est-ce que vous voulez que je fasse avec ça ?

- Que vous vendiez chèrement votre peau.

- Pardon ?

Il rit doucement, et ajouta :

- Les voilà déjà qui approchent… Merci pour cette conversation… et adieu.

Iran se retourna en entendant des bruits de pas dans l'obscurité, qui approchaient des cellules. Il y eut des murmures, des chuchotis, et elle entendit des clés qui tintaient les unes contre les autres. Pourtant, pas de lumière, pas de torche… Ce n'étaient pas les gardes qui venaient avec un nouveau prisonnier, non. C'était une visite imprévue, dont l'issue serait de toute évidence funeste. Il n'était pas difficile de deviner que l'arrestation de Gram risquait fort de nuire aux plans de l'Ordre, et qu'ils ne pouvaient pas le laisser tomber entre les mains du Vice-Roi, qui aurait tôt fait de le faire parler. Et quitte à faire d'une pierre deux coups, ils en profiteraient pour se débarrasser de l'Orientale, et isoler encore un peu plus le jeune Learamn. Iran raffermit sa prise sur son surin, et rassembla son courage. Dans cette nuit impénétrable, elle n'aurait qu'une seule chance de faire jouer l'effet de surprise, et elle ne devait pas la manquer. Elle entendit que l'on s'arrêtait devant sa porte, et elle perçut le bruit d'une serrure en train d'être déverrouillée.

- Rokh… murmura-t-elle pour elle-même. Regarde-moi combattre…

L'huis grinça douloureusement sur ses gonds fatigués, et une silhouette se glissa à l'intérieur, cherchant à s'habituer à la luminosité encore plus faible ici que dans le couloir. Si Iran demeurait invisible pour son assaillant, il n'en était pas de même pour lui, qui se découpait distinctement dans l'entrebâillement de la porte. Il tenait quelque chose qui ressemblait à une corde, et de toute évidence il avait l'intention de l'étrangler dans son sommeil. Un meurtre discret, qui laisserait peu de traces compromettantes, et ne ferait pas beaucoup de bruit. Il s'avança de quelques pas, pénétrant dans la cage d'un fauve avec une imprudence qui devait lui coûter la vie. Avant qu'il eût le temps de la localiser, Iran se jeta sur lui et le poignarda à plusieurs reprises dans le flanc. La lame entrait et sortait de la chair avec un bruit sec, mais aucun cri ne s'échappa de la bouche du malheureux, car l'Orientale avait pris soin de plaquer sa main sur son visage afin d'étouffer le moindre signal d'alarme.

Bientôt, le sicaire s'écroula, trop atteint pour pouvoir encore tenir debout. Elle l'accompagna dans sa chute, mais alors qu'il rendait son dernier soupir, elle se rendit compte qu'il y avait du grabuge dans la cellule voisine. Gram était aux prises avec un autre adversaire, et elle devait lui porter assistance. Elle fila vers la porte ouverte de sa cellule avec l'intention de surgir dans le dos du misérable qui s'en prenait lâchement à son voisin, seulement pour être cueillie par autre combattant qui, la surprise passée, fit parler sa force et son gabarit. Il donna un coup de poing dans l'estomac de la jeune femme qui se plia en deux, et en profita pour glisser la rugueuse corde de chanvre sous son menton. Immédiatement, la guerrière se sentit privée d'air, et un vent de panique souffla en elle. Elle se débattit férocement, et s'engagea alors un duel désespéré qui s'acheva rapidement, lorsqu'elle rabattit son arme de fortune dans la cuisse de son adversaire, jusqu'à la garde.

Celui-ci ne put retenir un véritable hurlement de douleur, avant de la lâcher immédiatement, trébuchant et prenant appui sur les barreaux les plus proches pour ne pas tomber. Il jurait encore et encore, la main refermée sur la plaie dégoulinante. Le bruit du sang qui coulait à gros bouillons était assourdissant dans cette nuit absolue, et les cris et les jurons du blessé ne couvraient pas le vacarme du torrent d'hémoglobine qui s'échappait de sa plaie. Elle ne l'avait pas raté. Sitôt lâchée, Iran tomba à genoux, et se recroquevilla par terre, alors qu'elle réapprenait à respirer. Ironiquement, elle se dit que son séjour dans l'eau l'avait préparée à cette situation, et elle parvint à retrouver ses esprits plus rapidement que la première fois, ce qui lui sauva sans doute la vie. Calmant les battements de son cœur affolé en prenant plusieurs inspirations aussi discrètes que possible, elle rampa non pas en direction de la sortie, mais vers les cellules qui se trouvaient le plus au fond. C'était de son point de vue le meilleur moyen de demeurer invisible, et elle se félicita de ce choix plein de lucidité lorsque les assassins qui venaient apparemment d'en finir avec Gram rejoignirent leur camarade blessé, en l'encourageant à se taire. Les questions fusèrent, les réponses étaient incohérentes, mais lorsqu'ils découvrirent qu'un de leurs compagnons était mort, ils décidèrent de battre en retrait avant que le jour ne se levât, abandonnant derrière eux la preuve embarrassante de leur passage sous la forme de leur ami étendu sur le dos, les yeux vides. Un mort et un blessé constituaient déjà un revers cuisant pour un assassinat apparemment facile, et ils ne pouvaient se permettre en plus d'être pris par la garde. Les grognements de douleur de l'homme qui boitait s'éloignèrent rapidement avant de disparaître, étouffés dans le lointain. Iran attendit d'être certaine qu'ils étaient partis pour se relever. Elle serrait fermement ce surin couvert de sang, craignant que l'un d'entre eux se fût caché dans les ténèbres pour attendre qu'elle tombât dans son piège. Il n'en était rien cependant, et elle entra dans la cellule de Gram, que ses ravisseurs avaient laissée ouverte dans leur empressement. À tâtons, elle trouva le corps du soldat.

Il était mort.

Elle ne perçut aucun mouvement lorsqu'elle posa les mains sur son torse, et aucun filet d'air ne vint caresser ses doigts lorsqu'elle les glissa devant sa bouche ouverte. Elle ne le voyait pas, mais elle devinait que l'homme s'était débattu, et que pendant que l'un d'entre eux se chargeait de le distraire, le second était passé dans son dos pour l'étrangler. Elle l'imaginait ruer de toutes ses forces, dernier soubresaut de résistance avant une fin annoncée. Le pauvre se savait condamné – par les assassins de l'Ordre ou par la justice de Mortensen –, et il avait volontairement sacrifié ses chances de survie pour la sauver, elle. Et tout cela pour un enfant… Cette mort n'émouvait pas davantage  Iran que les précédentes, et elle ne pleurait pas non plus tous les inconnus qu'elle voyait tomber depuis qu'elle avait décidé de faire sienne la voie des armes. Elle avait vu son lot de batailles, empilé son lot de cadavres, et de telles tragédies glissaient sur elle désormais, comme si son âme était couverte d'une armure d'acier. Toutefois, en dépit de sa froideur et de son détachement, elle savait devoir la vie à cet homme, et elle n'appréciait pas l'idée de ne pas avoir eu l'occasion de payer la dette qu'elle avait donc envers lui. Ce n'était pas un homme bien, mais à quelques minutes de sa mort, il avait fait preuve d'un courage surprenant, qu'elle se devait d'honorer. Elle entreprit alors de prononcer quelques paroles rituelles pour recommander son âme à Melkor, et pour s'assurer qu'il passerait sereinement dans l'après-vie et ne reviendrait pas hanter les vivants sous la forme d'un spectre.

Elle était encore à son chevet quand les gardes qui amenaient le pauvre Eopren arrivèrent. Le guerrier, que l'on avait pansé et soigné, était conduit aux cachots pour y passer la nuit sur les ordres du capitaine Wald. Lui et ses geôliers ne purent que constater les dégâts, arrivant bien après la bataille. Iran, à la lumière de la torche qu'on tendit au-dessus d'elle et du cadavre, apparaissait marquée. L'incendie puis cette confrontation inattendue avaient laissé des traces, et elle était plus affaiblie qu'elle voulait bien l'admettre. Les deux gardes, paniqués en découvrant l'ampleur du carnage, hésitaient quant à la marche à suivre. Arrêter l'Orientale ? N'était-elle pas déjà sous les barreaux ? Que devaient-ils faire du corps du prisonnier ? Et de ce second cadavre embarrassant, qui posait la question de l'implication d'au moins un des geôliers dans cette affaire ? Il y aurait des comptes à rendre, et ils ne pouvaient pas vraiment étouffer l'affaire. Pas à moins de faire disparaître et Iran, et Eopren, ce qui n'était de toute évidence pas leur intention…

Le vétéran s'agenouilla auprès d'elle, et elle se laissa basculer contre lui dans un geste qui n'avait de tendre que l'apparence. Elle était encore frémissante, et bien fragile, si bien que la présence rassurante et chaleureuse d'Eopren lui apparaissait comme la seule forme de réconfort pour le moment. D'aussi près, elle ne pouvait pas ne pas remarquer les blessures du Rohirrim, et sa mine éreintée. En retour, il pouvait voir à la lueur de la torche la trace douloureuse qu'une corde avait laissée sur la gorge fine de la jeune femme. Nouveau stigmate de son engagement dans la lutte qu'ils menaient au péril de leur vie. Un capitaine estropié, un vétéran blessé, et une étrangère diminuée… Elle était belle, leur bande d'éclopés. Pourtant, courageux face à la douleur, ils étaient tout ce qui se dressait entre l'Ordre et son objectif – quel qu'il fût. A voix basse, l'Orientale souffla à son allié :

- Il faut que je parle au Capitaine Learamn, Eopren. Je crois savoir où ils se cachent…

Toute cette situation prenait des proportions imprévues, qui dépassaient de très loin les compétences des geôliers qui cherchaient encore quoi faire. Iran espérait qu'Eopren pourrait sortir une carte inattendue de sa manche pour les tirer de ce mauvais pas, les mettre à l'abri d'une nouvelle tentative d'assassinat, et surtout leur permettre de reprendre l'initiative.


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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyDim 4 Mar 2018 - 18:55

 Nul n’était décidément à l’abri des troubles qui agitaient Edoras. Même les prisonniers qui croupissaient dans les géôles de la capitale se retrouvaient soudain  au coeur de la tempête. La plupart d’entre eux n’avaient plus humé l’air de la surface depuis des mois voires des années et, de par leur condition, n’avaient plus grand chose à envier aux morts. Mais cette nuit là, la prison avait été le nouveau terrain de jeu d’une destinée qui malmenait les dignitaires du Rohan depuis quelques jours et ses pensionnaires, figurants aveugles de la scène, en avait été ramenés à la vie. Pourtant, malgré ce regain de vitalité, ils ne s’étaient pas montré particulièrement actif durant l’affrontement qui avait eu lieu dans l’une des cellules. La plupart n’avaient pas daigné se tirer de leur sommeil, d’autres s’étaient collés aux barreaux dans l’espoir vain de voir ce qui pouvait bien se passer dans la pénombre.

 La rixe fut brève et les quelques curieux qui s’étaient précipités pour voir un peu de la scène retournèrent à leur couche sans se poser plus de questions. Mais le calme ne revint pas  pour longtemps dans les couloirs lugubres, quelques dizaines de minutes plus tard des bruits de pas qui cette fois ne se voulaient pas discrets se firent entendre. Cette musique là, ils la connaissaient tous: on amenait un nouveau résidant, rien d’assez important pour se réveiller. Les présentations avec le nouveau pouvaient attendre le lendemain.

Ces gardes traînaient un Eopren qui n’en menait pas large. Il avait été soigné et pansé à la va-vite mais la blessure infligée  par Gram était profonde et faisait grandement souffrir le vétéran qui grognait sans discontinuer tandis que les gardes le traînaient vers sa nouvelle chambre. Ceux-ci s'apprêtaient à jeter leur captif dans une cellule mais s’arrêtèrent net lorsque leur torche fit la lumière sur le macabre spectacle qui venait d’avoir lieu. Deux des cachots étaient ouverts pour autant de cadavres. Evdal, le garde royal à qui le capitaine Wald avait laissé la charge d’amener Eopren en prison, ne mit pas longtemps à identifier le corps de l’homme de troupe qu’ils avaient arrêté quelques heures plus tôt alors qu’il était aux prises avec le vétéran. A ses côtés l’Orientale était agenouillée, visiblement très affaiblie mais vivante et consciente. Sans dire un mot le jeune guerrier se dirigea vers la seconde cellule; il fronça les sourcils en découvrant la dépouille d’un geôlier qui avait trempé dans cette affaire inquiétante.  Evdal sentit une bouffée de chaleur monter en lui, la panique le gagnait petit à petit; ce devait être une simple mission de routine et il se retrouvait avec ça sur les bras. Il n’avait pas été formé à cela. Cherchant désespérément du soutien il se tourna vers les hommes qui l’accompagnaient mais au vu de leur air hébété ils ne seraient pas d’un grand secours. De son côté, Eopren s’était accroupi au côté d’Iran et ils se regardèrent silencieusement l’un l’autre durant quelques secondes, assez pour que chacun remarque les meurtrissures de son allié. Le vétéran soupira, décidément cet Ordre avait bien plus de ressources qu’il ne le pensait: ils étaient parvenus à s’immiscer ici avec les clés des cachots pour abattre leurs cibles. Il frémit à l’idée de ce que  leurs ennemis mystérieux pouvaient faire de plus. Jusqu’où s’étendait donc leur zone d’influence? Au moins l’Orientale était encore en vie; il était évident qu’elle avait rudement combattu pour sa survie; le cadavre dans la pièce voisine et la marque sur son cou en étaient les preuves. De plus elle semblait même avoir des informations d’une extrême importance qu’elle disait devoir transmettre au plus vite au capitaine Learamn. Eopren fut tenté de la questionner pour en savoir plus mais au final il était tout comme elle coincé ici et ce qu’il savait n’arriverait jamais à la surface si quelqu’un de confiance ne venait pas à leur rencontre. Et la seule personne de confiance à l’heure actuelle c’était le capitaine Learamn. Le vieux briscard allait encore devoir sortir quelque chose de sa botte mais il avait bien peur qu’elle soit vide. Ce n’était vraiment pas simple d’être  l’homme de la situation.

 Complètement perdu, Evdal tenta de garder un semblant d’autorité en dissimulant sa confusion.

“Que s’est il donc passé? Répondez prisonnière!”


Il n’eut pas vraiment de réponse et n’insista pas. Le jeune garde était clairement mal à l’aise et l’intimidation n’était pas son fort surtout quand la captive était dans un état d’affaiblissement aussi  avancé. Eopren lança:

“Elle est en état de choc, elle sera bien incapable de vous répondre.”

C’en était visiblement trop pour Evdal, cette affaire dépassait très nettement ses compétences et il se devait d’informer la hiérarchie au plus vite. Il se tourna vers les autres gardes:

“Montons faire notre rapport au capitaine Wald!”


 Le vétéran fit la grimace, si Wald venait ici le premier tout était terminé. L’officier ne tarderait pas à en informer les instances supérieures qui avaient déjà usé de leur influence pour mettre Iran aux arrêts et la position hiérarchique avantageuse de Learamn en serait immédiatement court-circuité. Face aux ordres venant de plus haut, le jeune officier était bien impuissant. Il se décida donc à jouer le tout pour le tout , de toute façon il n’avait plus grand chose à perdre.

“Excusez moi ? Vous comptez faire votre rapport au capitaine Wald?”

Interpellé, et quelques surpris par cette question inattendue Evdal mis un certain temps avant de répondre.

“Eh bien oui. Y-a-t-il un problème?
-Disons simplement qu’en tant que garde royal vous devriez en informer le Capitaine de la Garde. Deux cadavres trouvés dans les cachots et l’Orientale blessée, cela a tout d’une affaire assez sérieuse pour monter jusqu’aux oreilles du capitaine Learamn non?
-Taisez vous  et ne bougez pas d’ici!”


Dans la pénombre seule Iran put voir le sourire amusé d’Eopren. Comment pouvait-il bouger vu qu’on venait de verrouiller à nouveau la porte devant eux? L’ordre donné par Evdal était plutôt un signe qu’il était parvenu à instiller encore plus de doute dans le jeune esprit déjà bien embrouillé du garde royale.

Les gardes s’éloignèrent sans un mot. Juste à côté de lui il sentit  Iran tressaillir, elle était demeurée silencieuse jusque là mais il espérait bien qu’elle raconte quelque chose à un moment ou à un autre,  Ne sachant pas trop comment la rassurer, le vétéran posa maladroitement une main sur son épaule et fit :

“Jeune Pousse va arriver d’ici peu et tout s’arrangera tu verras.”


En réalité il espérait surtout que de son côté Learamn n’avait pas eu de problèmes avec le Vice-Roi. Si le capitaine finissait aussi au cachot, alors plus personne ne se dresserait contre la menace qui planait au dessus du Château d’Or.


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Moins d’une demi-heure plus tard de nouveaux bruits de pas se firent entendre, provoquant un élan de protestation générale au sein de la prison.

“C’est pas vrai mais qu’est ce passe encore?
beugla un détenu
-Elles finiront donc jamais vos conneries? tonna un autre
-On peut plus dormir tranquille ici!
-Même en prison ils viennent avec leurs sornettes
!" Se plaignit enfin  un prisonnier un poil plus éduqué que ses comparses.

Il n’y avait pas que les bottes militaires qui résonnaient sur la roche sombre mais on entendait mais aussi un cliquetis, comme deux bâtons que l’on tapait à rythme régulier sur le sol: le capitaine Learamn était là.   Derrière lui se trouvaient plusieurs membres de la garde royale dont Evdal, qui était venu l’informer directement de la situation et Wald qui ne pouvait manifester aucune opposition pour le moment puisqu’aucun ordre directs venant d’en haut ne lui donnait cette fois le droit de désobéir à son supérieur hiérarchique au sein de la Garde.

L’entretien avec le Vice-Roi ne s’était pas passé de manière idéale, les mots de Mortensen avaient été très durs et il n’avait pas réussi à négocier la libération d’Iran. Mais il avait plus ou moins obtenu gain de cause à propos de sa position dans cette histoire et son mentor avait pris au sérieux les affirmations du cavalier à propos de l’Ordre de la Couronne de Fer.  Le vice-roi et son subordonné avaient tout deux assez souffert des exactions de cette organisation pour savoir qu’elle pouvait très bien se cacher partout y compris ici même, alors que tous la croyait dissoute. Il avait plus tard  ensuit été informé de la mise aux arrêts de son second atout lors d’une altercation avec Gram puis de la scène intrigante qu’Evdal avait découvert.
Dès qu’il arriva à la hauteur de ses deux amis prisonniers ainsi que des cadavres il commença à donner ses ordres.

Remontez les corps et tâchez d’identifier celui-ci au plus vite ainsi que les armes utilisés, ordonna-t-il en pointant la dépouille du geôlier.
-Capitaine,
implora alors Eopren, elle est mal en point.”

L’officier se saisit de la torche et éclaira l’Orientale qui, effectivement, apparaissait très faible. Une large trace violacée sur son cou indiquait également qu’elle y avait échappé de peu. Learamn eut un pincement au coeur. Le sort s’acharnait sur cette femme sans repères, on l’avait molesté, insulté, frappé et plusieurs fois tenté de la tuer pour des motifs dont elle n’était pas même responsables. Jusque là elle avait tenu, c’était une guerrière, un être fort qui avait su encaisser mais jusque quand le pourrait elle?  Combien de temps fallait-il pour que sa carapace se brise et que l’on blesse enfin son âme?

“ De l’eau! Donnez lui à boire vite!”


Wald s'exécuta. Il sortit sa gourde et s’accroupit auprès d’elle mais Eopren lui arracha l’outre des mains avec un regard noir et se chargea de désaltérer la prisonnière. Le capitaine ouvrit la bouche pour remettre le prisonnier en place mais se ravisa. C’était un homme réfléchi et la situation était bien trop grave pour que l’on relève ce genre de gamineries.
Learamn donna alors ses dernières instructions à sa petite troupe:

“A présent remontez les corps et informez l’infirmerie que l’on a besoin de guérisseurs par ici et au plus vite. Wald, je vous charge de faire un rapport au Vice-Roi s’il accepte de vous voir mais je vous défends de parler de cela à qui que ce soit d’autre. Uniquement le Vice-Roi. C’est un ordre compris?
Son subordonné fit signe que le message avait bien été reçu.
-Et faites descendre de  quoi se mettre sous la dent aussi! vociféra l’un des détenus d’une cellule voisine. Une remarque qui ne fit pas du tout rire le capitaine de la Garde qui frappa violemment de son épée sur les barreaux de la cellule de l'intéressé.
-Taisez vous par les Valars ou vous goûterez de l’acier.

La figure moqueuse du détenu disparu subitement dans la pénombre au fond de sa cellule tandis que les soldats s’éloignaient le long du couloir laissant Learamn seul dans la cellule avec Iran et Eopren. Le cavalier attendit un moment que ses hommes soient assez loin avant de chercher à savoir les raisons de cette boucherie.

“Alors maintenant il va falloir m’expliquer ce qu’il s’est passé ici.
-Moi j’en sais rien
, répondit Eopren avec un haussement d’épaules, c’était comme ça quand je suis arrivé Au début je voulais que tu viennes interroger Gram, c’était la logique de mon plan mais à priori c’est trop tard pour ça. Par contre l’Orientale voulait à tout prix te parler  , donc je me suis arrangé pou…
-Iran, je suis navré de devoir te brusquer alors que tu es dans cet état et que je n’ai pu obtenir ta libération mais le temps nous est compté. Si tu sais quelque chose tu dois le dire maintenant avant qu’il ne soit trop tard je t’en prie.”

Learamn s’était à son tour agenouillé et avait posé ses mains sur celle de la belle captive comme pour lui transmettre une partie de son énergie vitale.

“Iran, murmura-t-il, si tu n’as rien alors nous sommes perdus.”

Le flou était total et chaque minute qui s’écoulait rapprochait l’Ordre de son objectif. Avec ses deux seuls alliés de confiance aux fers, tout reposait sur les épaules du Learamn. Mais s’il n’obtenait pas ici des renseignements alors il ne pouvait plus rien.

#Wald #Evdal


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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMer 28 Mar 2018 - 13:02

Ce ne fut que lorsque l'eau fraîche commença à couler entre ses lèvres qu'Iran parut revenir à elle. Elle s'était efforcée de rester aussi immobile que possible, fragile poupée de chiffon entre les mains maladroites d'Eopren, qui veillait sur elle en faisant barrage de son corps. Il avait tressailli, dans l'obscurité de leur cellule partagée, au moindre son suspect provenant de l'extérieur. Elle avait senti ses muscles se contracter, prêts à passer à l'action malgré ses blessures. Elle ignorait leur gravité, et elle ne pouvait qu'imaginer que lui aussi être victime de l'Ordre de la Couronne de Fer, mais qu'il avait réussi d'une manière ou d'une autre à échapper à leurs griffes. Il n'était pas en mesure de les défendre tous les deux, aussi téméraire fût-il, et Iran avait parfaitement conscience que si quelqu'un cherchait à s'en prendre à eux, à terminer le travail, c'était encore sur le surin qu'elle tenait fermement en main qu'il faudrait compter. Elle n'avait pas lâché son arme de fortune, et avait jugé opportun de la dissimuler contre son avant-bras quand les gardes avaient fait leur apparition. Ils n'avaient pas pensé à examiner le cadavre qu'elle avait laissé, sans quoi ils auraient pu remarquer la dizaine de points de perforation dans son flanc. Elle avait dû attendre leur départ pour s'ouvrir sur le sujet à Eopren :

- S'ils reviennent, je me chargerai de leur sort.

Il était difficile d'y croire, quand on la voyait rétractée ainsi, à peine capable de tenir à genoux. Elle reprenait son souffle péniblement, mais de toute évidence les vertiges continuaient à l'empêcher de se stabiliser. Pourtant, il y avait quelque chose dans son ton qui ne laissait pas de place au doute. Ses airs de femme étaient trompeurs ici au Rohan, et laissaient parfois oublier qu'elle appartenait à la garde personnelle de Lyra. Elle n'avait rien à envier aux gardes royaux Rohirrim en termes de compétences, et si combat il devait y avoir, elle tiendrait son rang avec honneur. Eopren semblait conscient de cela, et il ne tenta pas de la dissuader ou de récupérer l'arme qu'elle avait pris soin de lui montrer – ou plutôt, compte tenu de l'obscurité, de lui faire toucher.

Ils avaient par la suite gardé un silence quasi-complet, le vétéran se contentant de la rassurer de temps à autre, et de s'assurer qu'elle allait bien. Il faisait preuve d'une certaine prévenance à son égard, et dans la nuit insondable de cette prison, ils n'étaient plus un homme du Rohan et une femme du Rhûn, mais bien des compagnons d'armes qui veillaient l'un sur l'autre. Pour la première fois, Iran se sentit réellement soutenue, accompagnée, et elle en sut gré à Eopren qui avait risqué sa vie pour la sauver, et qui ne semblait pas décidé à l'abandonner à son sort. C'était sans doute pour Learamn qu'il faisait tout cela, mais il semblait s'être pris d'affection pour elle. Iran se demanda si cela avait avoir avec son caractère, ou si quelque chose dans son passé l'inclinait à agir ainsi. Il se comportait avec elle comme si elle était sa sœur cadette… Lui rappelait-elle un membre de sa famille qu'il souhaitait protéger ? Avait-il seulement une famille ? Ces questions n'avaient aucun sens pour l'heure, et la guerrière s'abstînt de les prononcer, préférant se concentrer sur ce qui était primordial. Son esprit s'était mis à réfléchir à un plan, et avant qu'elle s'en rendît compte elle s'était assoupie, somnolant dans un univers à la frontière du rêve et de la réalité, où elle crut apercevoir Rokh qui l'appelait de très loin, et qui lui demandait de le venger.

Cette vision lui tira un sanglot étouffé dans son demi-sommeil, qu'Eopren ne put manquer d'entendre. Il y avait tant de souffrance derrière le masque guerrier de cette jeune femme qu'il était n'était pas difficile de comprendre comment elle tenait encore debout. Le jour où elle obtiendrait la vengeance qu'elle était venue chercher, le sentiment qui la maintenait en vie disparaîtrait, et elle s'écroulerait alors sans but. Elle courait droit vers sa perte, mais rien ne la ferait dévier du cap qu'elle s'était fixé, et dont elle connaissait probablement l'issue.

L'arrivée de Learamn et de Wald, le fait de pouvoir boire quelque peu, et le repos qu'elle avait pu emmagasiner, permirent à Iran de reprendre ses esprits convenablement, et de suivre les tenants et les aboutissants de la conversation. La situation était grave, et le jeune capitaine distribua ses ordres efficacement, essayant de répondre au mieux à l'urgence de l'affaire. Un double homicide dans les geôles, des assaillants dans la nature au beau milieu d'Edoras… il y avait encore beaucoup à faire avant de pouvoir ramener le calme et la sérénité dans les rues de la cité. Les hommes du Vice-Roi auraient besoin de passer chaque rue au peigne fin pour en déloger les tueurs, qui devaient composer avec un blessé mal en point. Iran choisit cependant de laisser ces considérations de côté, car il y avait beaucoup plus pressant :

- Capitaine, je sais où ils se cachent. Les gens de l'Ordre, je sais où se trouve leur repaire… Nous n'avons pas une seconde à perdre, nous devons nous y rendre sur-le-champ.

Elle voulut se lever, mais elle sentit tout à coup que Learamn hésitait. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? A l'heure où ils savaient enfin où frapper, où leurs ennemis étaient vulnérables car ignorant qu'ils avaient été débusqués… comment pouvait-il tempérer ses ardeurs guerrières et lui intimer du geste de rester immobile. Les yeux d'Iran exprimèrent toute l'ampleur de sa confusion. Interloquée, elle insista :

- Capitaine, nous devons y aller. Maintenant.

Mais le visage fermé de Learamn lui apprit que les choses n'étaient pas aussi simples. Elle entendit alors avec retard ce qu'il avait laissé échapper presque par maladresse, et ses grands yeux s'écarquillèrent de surprise. A mesure qu'elle comprenait ce que cela impliquait pour elle, pour son honneur, pour Rokh et sa mémoire, elle se mit à frémir, comme si tout à coup la trahison du Rohan la frappait en plein cœur :

- J'avais votre parole…

La déception absolue dans son ton était presque aussi violente qu'un coup de poing. Elle ne s'adressait pas spécifiquement à Learamn, auprès de qui elle s'était pourtant engagée à aller affronter l'Ordre, mais plus généralement au Rohan et à Mortensen qui avait accepté de la laisser l'accompagner en échange d'une place d'honneur au moment de cueillir la vengeance à la pointe de l'épée. Savoir qu'il refusait de la faire libérer – car qui d'autre que lui pouvait contraindre ainsi Learamn ? – avait de quoi faire enrager la guerrière. Celle-ci cédait pourtant à d'autres émotions, qui n'étaient pas habituelles chez elle : l'amertume, l'abattement, et une forme de rancœur tenace envers les peuples de l'Ouest qu'elle avait commencée à enterrer, mais qui venait de surgir de nouveau avec plus de force. Des lâches et des menteurs qui revenaient sur leur parole : voilà qu'elle avait la preuve de leurs méfaits, et elle était tellement choquée d'avoir pu se laisser attendrir qu'elle avait du mal à leur en vouloir.

Sa fierté orientale prit le dessus, et elle se dégagea de l'étreinte pourtant amicale d'Eopren, pour se relever brusquement. Serrant les dents pour contenir le vertige, elle tourna le dos aux deux hommes, et passa les mains sur son visage, comme pour s'empêcher de hurler. Tout dans sa posture montrait à quel point la blessure infligée par les paroles de Learamn était profonde. Elle lui avait fait confiance, elle avait placé ses espoirs en lui, en priant Melkor de pouvoir apaiser la mémoire de Rokh… Comme avait pu le déceler brièvement Eopren, la vengeance était la seule chose qui faisait tenir Iran : en être privée, c'était ne plus avoir aucune raison d'exister, et la peur de perdre ce sentiment maléfique mais moteur dans son existence la faisait vaciller.

- J'avais votre parole, reprit-elle acide en se retournant vers Learamn. J'avais votre parole, et… et…

Elle ajouta quelque chose dans sa propre langue, qui ressemblait à un juron, au ton qu'elle employa. Les mots de la langue commune semblaient ne pas pouvoir exprimer sa frustration et la rage qui bouillonnait en elle. Son regard était furieux. Furieux et blessé. Or, n'était-il pas imprudent de pousser ainsi une jeune femme qui n'avait rien à perdre dans ses derniers retranchements ? Elle ne prêtait plus attention à ce qu'ils disaient, à leurs tentatives d'apaiser la situation. L'angoisse de ne pas pouvoir accomplir le destin qu'elle s'était fixé la rendait déraisonnable, et elle leva les mains pour les interrompre :

- Assez ! Je ne veux pas de votre pitié ! Je ne veux pas de votre compassion !

Son regard se durcit, et tout à coup elle cessa d'être la fragile Iran, perdue au milieu des terres du lointain Rohan. Elle endossa une armure invisible, et redevint la féroce combattante au service du trône du Rhûn. Elle n'était pas auprès d'alliés, elle n'était pas auprès d'amis, seulement des hommes qui tentaient de lui barrer la route. Learamn ne pouvait pas nier que les ordres du Vice-Roi étaient limpides. Il avait refusé de libérer la prisonnière, et condamnait cette dernière à n'être qu'une simple spectatrice de la lutte qui allait se jouer. Cependant, la jeune femme avait pour elle un levier qui n'était pas négligeable. Elle s'en rendit compte en voyant que le Capitaine hésitait quant à la marche à suivre, et poussa son avantage sans hésiter le moins du monde :

- Le temps nous est compté, et je suis la seule à savoir où se trouvent les assassins de Rokh… ceux qui détiennent votre Vice-Reine. Vous avez besoin de moi pour les localiser, alors faites-moi sortir d'ici, laissez-moi chevaucher à vos côtés, et me battre.

Iran avait raison sur toute la ligne. Les assassins avaient fui, et ils pouvaient tout aussi bien essayer de contacter les ravisseurs d'Aelyn pour leur intimer de déplacer la guérisseuse dans un lieu plus sûr. Chaque seconde était précieuse, et ils ne pouvaient pas se perdre en palabres, ou essayer de négocier avec une femme à la volonté de fer. Pouvaient-ils pour autant prendre le temps de contacter le Vice-Roi ? Learamn souhaitait-il réellement se confronter de nouveau à Mortensen ? L'homme était devenu sombre et amer, et il n'était pas difficile d'imaginer ce qu'il ferait endurer à Iran si celle-ci refusait de partager les informations qu'elle détenait. Il la briserait, il la torturerait sans merci, il ne reculerait devant aucune atrocité pour lui faire cracher la vérité.

Cette femme méritait-elle réellement un tel sort ?

Si Learamn contactait son supérieur comme il le devait, il perdrait d'abord un temps précieux, mais surtout il risquait de s'aliéner encore davantage la jeune Iran, voire de la perdre toute entière entre les griffes de Mortensen. A l'instar du Vice-Roi du Rohan, elle était fière et têtue, courageuse et déterminée. Leurs caractères similaires risquaient de les amener dans une impasse qui ne profiterait à personne, et qui risquait d'amener plus de malheurs encore. Qu'adviendrait-il des relations entre le Rohan et le Rhûn si Iran souffrait aux mains du Vice-Roi ? La guerre et la violence étaient-elles les seules langues qu'ils parlaient ? Mais dans le même temps, que pouvait un simple garde royal, tout capitaine fût-il ? Il restait à voir au jeune homme quelles étaient ses options, et ce qu'il était prêt à sacrifier dans sa lutte contre l'Ordre de la Couronne de Fer. Iran lui rappela douloureusement l'urgence dans laquelle ils se trouvaient :

- Il n'est plus temps de réfléchir, Capitaine. Si vous avez peur de m'accompagner, laissez-moi au moins les affronter, seule s'il le faut. Je préfère mourir en leur faisant payer leurs crimes que de passer une seconde de plus ici. Je ne vous demande rien d'autre que mon épée, mes simples et mon cheval.


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"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
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Aelyn
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMar 1 Mai 2018 - 18:40
Après son réveil, il fallut encore de nombreuses minutes à Aelyn pour remettre ses idées en place. La sensation pâteuse dans sa bouche pour preuve de la raison pour laquelle elle n’avait aucun souvenir de s’être endormie. Elle avait d’abord paniqué, incapable de savoir où elle se trouvait ou même quand elle se trouvait. Retrouver les souvenirs des derniers jours et la douleur qui lui courait le corps, donner un sens au chaos de son esprit et surtout, comprendre que tout cela n’avait rien d’un cauchemar, et qu’elle ne s’était pas réveillée, comme à son habitude, dans les bras de Gallen qui s’apprêtait à partir s’entrainer. Elle fut rapidement prise de vertiges et de nausées qui la forcèrent à se rallonger les yeux fermés. Puis après deux longues respirations, elle entreprit de se familiariser avec son nouvel environnement. La première chose qu’elle remarqua fut évidement la présence de plusieurs personnes autour d’elle. Des femmes d’âges variés dont la matriarche se tenait à ses côtés. Ensuite, elle avisa la décoration modeste de la demeure qui lui faisait un peu penser à la maison qu’elle occupait autrefois à Aldburg. Cela lui semblait si loin maintenant… Ses sauveuses avaient dû prendre conscience de la gravité de la situation car les femmes s’étaient armée comme elles pouvaient… même si ces armes de fortune ne feraient jamais le poids contre ses ravisseurs. Cette simple pensée lui tira un frisson d’horreur.
La pauvre était si prise dans ses pensées qu’elle entendit à peine que la vieille femme s’adressait à elle.

- … une guérisseuse d'Edoras, non ?

A ces mots, la jeune femme concentra toute son attention sur la matriarche. Que répondre à ça ? Aelyn fronça les sourcils et passa la langue sur ses lèvres sèches. Elle se sentait tirailler entre acquiescer et s’en tenir là, une anonyme malchanceuse, ou raconter la vérité de ce qu’elle était toute entière. Pouvait-elle vraiment faire confiance à quiconque désormais quand les propres soldats du Palais l’avaient livrée à l’ennemi. Si elle se révélait maintenant, elle devenait une monnaie d’échange intéressante. Et elle ne valait certainement pas la peine de sacrifier des enfants… Elle voulait vivre. Elle devait vivre ! Mais était-elle prête à en payer tous les prix ? En tant que guérisseuse, sa première leçon fut d’apprendre que toutes les vies avaient la même valeur, le même sang rouge dans les veines. Qu’elle soit arrachée à un seigneur ou à un mendiant cela ne faisait aucune différence. Tous étaient égaux devant la mort et devaient l’être devant les guérisseurs. Du moins en théorie. Sur le champ de bataille c’était le capitaine que l’on sauvait en premier pour ne pas « couper la tête » à l’armée. Mais elle n’était ni reine ni capitaine. Comme elle l’avait expliqué quelques jours plus tôt à Iran, elle n’était personne. Sa seule valeur résidait dans le fait que le bâtard du Vice-roi grandissait dans son ventre. Mais à ses yeux cela ne rendait pas sa vie plus importante que celle de ces filles dont la plus jeune ne devait pas être plus âgée que ses propres fils.
Malmenée par ce dilemme, elle ne se rendit pas compte du temps qu’elle mettait à répondre. Ce n’est qu’en sentant le regard insistant posé sur elle, qu’elle opina du chef, lentement… une autre hésitation… puis :

« - Aelyn… Je… hum… je m’appelle Aelyn. »

Elle avait conscience de ne pas avoir un nom très courant au Riddermark et d’avoir déjà une certaine réputation au-delà des murs d’Edoras et d’Aldbug, mais elle ne savait pas à quel point ni en quels termes. Elle s’en remettait donc totalement au destin pour décider de son sort et de la perception de ses révélations à demi-mots.

Elle ne vit pourtant pas la réaction de son interlocutrice, distraite par la sensation discrète de mouvement dans son ventre. Le soulagement la balaya comme une vague d’eau chaude le long de son corps. Ses deux mains vinrent se poser sur son ventre rond, exhortant mentalement le petit être en elle de se manifester de nouveau. Comme pour répondre au besoin impérieux de sa mère, un autre mouvement léger lui caressa l’abdomen de l’intérieur. Aelyn rejeta la tête sur son oreiller et parti d’un rire de soulagement qui lui dit monter les larmes aux yeux.

« - C’est bien, mon bébé, c’est bien. Tu es fort… »

Elle se redressa sur son séant avec difficulté. La chevauchée sauvage après des jours à vivre à quatre pattes au sol comme un animal ne lui avait fait aucun bien. Elle avait l’impression d’être passée sous les sabots d’un attelage. Son poignet blessé était boursoufflé, rouge et suppurait. Si elle ne faisait rien, elle aurait bientôt de la fièvre. Si ce n’était pas déjà le cas, pensa-t-elle, prise de tremblements. Ou était-ce l’état de choc ? Le simple effort de s’assoir l’épuisait. Ses cheveux étaient encore bien humide de sa course sous la pluie mais elle soupçonnait ses hôtesse les lui avoir séchés, au moins superficiellement, ou alors elle était resté évanouie plus longtemps qu’elle ne l’avait pensé.

« - J’aurais besoin de… » elle posa sa main saine sur son front dans un geste vain pour éclaircir ses idées « … de…du flacon en verre avec le bouchon de cire brisé, avec le ruban bleu, je vous prie ? »

Sans douter de son jugement, la vieille femme plissa ses paupières fripées pour chercher dans l’obscurité de la sacoche la bonne fiole. Elle en sortit plusieurs assez semblables pour un œil non exercé jusqu’à ce qu’Aelyn lui fasse un autre oui de la tête. Son rangement méthodique était fichu mais c’était bien là le dernier de ses soucis.

- Qu'est-ce qui vous amène, ma chérie ? Vous nous êtes arrivée dans un bien piteux état, et vous avez donné la chair de poule à nos enfants, qui pourtant ne manquent pas de courage. Vous avez l'air de quelqu'un qui revient de loin…

La guérisseuse avala péniblement sa salive et se remit à trembler de tous ses membres, violement. Sa respiration se fit chaotique. La pauvre femme était à deux doigts de la crise de panique. Ses doigts se crispaient et se décrispaient sur les draps rêches. Mais avant qu’elle n’ait pu passer le point de non retour, la vieillarde se tenait à ses côtés. Une présence plus réconfortante qu’elle ne le pensait sans doute. Il fallut un certain temps à Aelyn pour identifier ce que l’autre femme lui avait glissé entre les doigts. Une cuillère ? Elle ne comprenait pas… Mais à son regard interrogateur, elle reçut en réponse un sourire malicieux et l’annonce de l’arrivée imminente d’un repas.
Et quel repas ! Aelyn en aurait pleuré. Ce n’était qu’une bête soupe avec un peu de pain. Mais c’était plus que ce dont elle avait eu le droit ces derniers jours. Et c’était chaud juste comme il fallait. La jeune femme enceinte chassa une larme traîtresse du revers de la main. Juste à temps pour entendre la raison de cette cuillère mystérieusement glissée dans sa main et laissa échapper un petit soupire saccadé qui ressemblait à un rire. Cette femme-là connaissait bien sa famille. Aelyn se demandait si elle lui ressemblerait à son âge… Si tu atteins son âge… lui susurra, sadique, le petit coin sombre de son esprit. Chassant cette vilaine pensée, elle entreprit de sourire à la jeune fille en lui montrant le couvert déjà dans ses mains. Puis, sans faire plus de cérémonie, attaqua son maigre mais réconfortant repas.

- … Va plutôt surveiller le garçon, voir s'il est enfin réveillé…

Le garçon ! Aelyn l’avait complètement oublié ! La gorgée qu’elle venait d’avaler lui resta en travers la gorge et son teint déjà pâle perdit ses dernières couleurs.

« - Par tous les Méaras du Riddermark ! » pesta-t-elle pour elle-même.

Mais comment avait-elle pu oublier un détail de cette importance ! La panique monta de nouveau par vague, lui nouant l’estomac et la gorge. Elle posa si violement son bol sur la tablette proche qu’elle manqua d’en renverser le contenu et, avec une volonté que son corps ne pouvait pas suivre, tenta de se lever.

« - Le garçon… » commença-t-elle avant que le tournis ne la prenne.

Elle grogna de douleur, appliqua ses paume contre ses yeux et repris d’une voix encore tremblotante

« - Je dois voir le garçon… Il… »

Pourquoi les mots étaient-ils si difficile ? L’impression qu’on avait passé son cerveau au pilon s’accentua encore. Elle devait se concentrer… Se concentrer… Par la force de l’habitude, elle saisit le petit flacon que la vieille femme avait lui avait sorti et entreprit de passer une bonne couche de ce liquide sur son poignet meurtri. Ce geste mécanique et rassurant remit un peu d’ordre dans son esprit. Mais la matriarche attendait encore la fin de sa phrase.

« - Le garçon était avec eux… Je l’ai pris pour m’enfuir » Ses joues étaient rouges de honte et elle gardait les yeux fixés sur sa tâche, mais elle continua vaillamment à parler « Il faut l’attacher, et le soigner. Je dois aller le voir, m’assurer qu’il va bien… »

Elle allait refaire une tentative pour se lever quand l’une des fillettes fit irruption et annonça son intention de sortir. La réaction d’Aelyn fut violente.

« - NON ! »

Elle ne se rendit compte qu’elle avait crié que lorsqu’elle rencontra le regard choqué de l’enfant.

« - Désolée. Je suis désolée, je ne voulais pas te faire peur… Il ne faut pas sortir… Surtout pas sortir… » elle se tourna vers la vieille femme « Ces gens… Ils sont dangereux, très dangereux… Je suis désolée. Vraiment désolée. Vous ne savez pas de quoi ils sont capables. Je n’avais pas l’intention de les mener à vous, je suis tellement désolée… J’étais perdue… Je n’avais nulle part où aller… J’espérais trouver quelqu’un pour envoyer un message… Des soldats… Je ne sais pas… Je… Je… Je… »

Sur ces mots, elle s’effondra en sanglots incontrôlables. Toute la pression, la peur, l’angoisse, la fatigue, la culpabilité et la douleur, avait fait céder le barrage et se déversait en flots de larmes salées qui agressaient la peau desséchée de son visage. C’était plus fort qu’elle, elle n’arrivait pas à s’arrêter.
Il y avait tant à faire. Prévenir ces femmes, leur décrire l’ennemi, barricader les portes, donner un remède au garçon pour le faire sortir de sa torpeur médicamenteuse, trouver un moyen de prévenir Edoras,… Tant et tant de choses à faire et pourtant elle ne pouvait que rester là à pleurer. Mais plus les larmes coulaient plus elles emportaient avec elles les blessures de son âme et allégeaient le fardeau qui l’étouffait.
Une idée lancinante pourtant, restait accrochée dans son esprit. Elle ne pouvait pas rester là. Il fallait que ses hôtesses la fassent sortir ou elles étaient toutes condamnées. Aelyn pourrait même laisser le jeune garçon ici, demander aux femmes de dire qu’elles l’avaient trouvé devant leur porte et en avait pris soin en attendant qu’il ne se réveille ? Elle ne savait pas quoi faire. Elle était perdue et terrorisée, impuissante face aux forces qui s’étaient liguées contre elle.


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Ryad Assad
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyVen 4 Mai 2018 - 16:39
- Aelyn…

La grand-mère avait répété ce nom sans que son visage trahît le fond de ses pensées. Elle se contentait d'afficher un petit sourire aussi indéchiffrable qu'il était possible de l'imaginer. Le sourire qu'ont ces femmes qui en savent toujours bien plus qu'elles le laissent deviner. Elle ne fit aucun commentaire, et se contenta de hocher la tête, avant de revenir aux affaires les plus urgentes. Essayer de remettre sur pied cette future maman bien mal en point, qui avait de toute évidence beaucoup de choses à raconter. Aelyn, qui reconnectait progressivement ses pensées avec la réalité, passa la main sur son ventre arrondi et lâcha un soupir de soulagement en pensant à son enfant à naître. La doyenne comprenait très bien son émoi, et elle lui lâcha sur le ton de la plaisanterie :

- Ce sera peut-être une fille, qui sait ? Ce ne serait pas un mal, vous savez : les filles sont plus sages que les garçons…

Son sourire s'élargit, alors que dans le fond de la pièce on voyait s'agiter ces femmes qui vaquaient toutes à leurs occupations. Les deux adultes – probablement les filles de la matrone – veillaient toujours sur d'éventuelles menaces à l'extérieur, tandis que les enfant s'occupaient des tâches ménagères. Plus sages, peut-être, mais certainement pas moins débrouillardes. Il y avait chez elle quelque chose de surprenant, comme si elles savaient toutes parfaitement où était leur place, et qu'elles l'occupaient sans broncher. Ces femmes avaient les reins solides, et le Rohan pouvait se féliciter de pouvoir s'appuyer sur des mères valeureuses quand les pères partaient à l'aventure.

- Cette fiole-là ? C'est que mes yeux ne sont plus ce qu'ils étaient.

Aelyn lui fit signe que oui, et le petit bout de femme revint avec le produit. Elle en ignorait le contenu, mais jugea qu'il ne pourrait pas à lui seul guérir tous les maux dont souffrait la nouvelle arrivante. Elle était effrayée, comme si elle avait vu la mort dans les yeux, et qu'elle cherchait à tout prix à s'en éloigner. Ce n'était pas une vision que les enfants avaient besoin de voir pour le moment, et la grand-mère s'arrangea pour orienter les pensées de la guérisseuse vers des choses plus triviales. Manger, se réchauffer, reprendre des forces. La cuillère trouva naturellement place au creux de cette main abîmée et tremblante, essayant de la ramener à la réalité et de lui faire comprendre sans paroles que tout irait mieux avec un peu de soupe. Qu'est-ce qu'un bon repas chaud ne pouvait pas apaiser, de toute façon ?

L'opération était en bonne voie, et Aelyn semblait reprendre quelques couleurs à mesure que la cuillère allait et venait entre sa bouche et le bol. L'aînée des trois filles, qui ne savait pas trop où se mettre, se contenta de répondre par un sourire maladroit à celui plus franc d'Aelyn, avant de battre en retraite dans la cuisine, les joues rosies. C'était qu'ils n'accueillaient pas toujours des visiteurs, encore moins dans ces circonstances. C'était pour elles une drôle d'aventure aussi, et elles espéraient seulement que tout se passerait bien. La nuit était sombre, mais avec les premières lueurs du soleil, elles pourraient y voir plus clair dans cette histoire… Il suffisait seulement d'une bonne nuit de sommeil, et tous les soucis s'envoleraient.

C'était du moins ce que croyait la grand-mère, mais la réaction d'Aelyn après qu'elle eût parlé du fameux garçon lui fit comprendre que les choses seraient un peu plus compliquées que prévu. L'apaisement temporaire qu'elle avait réussi à retrouver se dissipa, cédant la place à une agitation renouvelée. Elle frémissait, tremblait de nouveau, comme si ce garçon était la clé pour résoudre tous ses ennuis… ou bien la source de ceux-ci. La doyenne la força à rester assise en la prenant doucement par les épaules. Malgré la différence de taille entre les deux femmes, ce fut la plus âgée qui l'emporta, et qui força Aelyn à s'allonger :

- Allons, allons, fit-elle doucement en voyant que la guérisseuse était si troublée. Il dort toujours pour le moment, mais il est vivant, et il va bien. Ne vous inquiétez pas.

La grand-mère avait naturellement supposé qu'ils se connaissaient tous les deux, vu qu'ils avaient tous les deux atterris devant leur porte ensemble. Elle se demandait s'il ne s'agissait pas de son fils, même si Aelyn paraissait un peu jeune pour avoir un enfant aussi âgé. C'était peut-être un frère, ou un cousin, ou même un ami proche. Dans tous les cas, elle ne soupçonnait pas ce que la jeune femme devait lui révéler quelques secondes plus tard.

- Eux ? Interrogea la matriarche. Qui sont-ils ? Et vous enfuir d'où ?

Elle essayait de calmer Aelyn, de la faire parler plus lentement et surtout plus clairement. Les détails importaient peu à l'heure actuelle, mais elle avait besoin de savoir ce que fuyait la guérisseuse, et surtout pourquoi elle demandait à ce que l'on attachât un jeune garçon qui paraissait au demeurant totalement inoffensif. C'était beaucoup à expliquer, mais la grand-mère était patiente, et elle savait y faire avec les caractères difficiles :

- Là… Là… Doucement… Dites-moi d'abord qui est ce garçon, et pourquoi est-ce que nous devrions l'attacher, d'accord ?

Son ton rassurant contrastait avec l'agitation derrière son visage ridé. Cette vieille femme avait la responsabilité de la vie de ses filles et de ses petites filles. Elle avait vu quelles horreurs la guerre civile pouvait causer, et elle savait quoi faire le moment venu pour protéger les siens. Toutefois, elle avait besoin de savoir de quoi il retournait, afin de prendre les meilleures décisions. Malheureusement, Aelyn n'était pas en mesure de surmonter sa peur panique, et lorsque la petite Lora fit signe qu'elle voulait sortir innocemment pour aller chercher quelques bûches, la réaction de la guérisseuse fut si violente que l'enfant demeura pétrifiée. Un silence s'abattit sur la maison, tandis que tous les regards se tournaient vers la convalescente, comme si elle était soudainement frappée de folie.

Le poids de ces regards conjugués, et surtout celui de Lora dont les yeux écarquillés trahissaient une peur mêlée d'incompréhension, contribuèrent sans nul doute au déchirement intérieur d'Aelyn. D'un geste de la main, la grand-mère fit signe à Lora de ne pas sortir tout de suite, et d'attendre de voir comment la situation allait évoluer, tandis que le reste de son attention était focalisé sur la guérisseuse qui ne cessait de demander pardon et d'essayer de leur faire comprendre qu'elle les mettait en danger. La doyenne sentit ses épaules s'affaisser. Elle aurait préféré que les oreilles de la petite n'entendissent pas tout ceci, qu'elle demeurât dans l'ignorance des dangers du monde. C'était maintenant peine perdue, et l'inquiétude se lisait dans son regard enfantin. La même inquiétude que lorsqu'ils voyaient passer des soldats en campagne, sans savoir quel roi ils servaient véritablement.

Quelques tapes amicales dans le dos firent comprendre à Aelyn qu'elle n'était pas seule dans cette affaire, et malgré son inquiétude la grand-mère refusait de baisser les bras. Elle avait vu beaucoup de choses dans sa longue vie, et aucune ne lui avait fait si peur qu'elle avait refusé de l'affronter. Elle avait tenu tête à des capitaines sur lesquels on racontait des rumeurs bien sombres, tenu bon quand des bandits avaient traversé la région en quête de butin, et elle avait même aidé les autres villageois quand ils avaient mené une grande battue pour retrouver une bête sauvage que l'on tenait pour responsable des pertes dans les cheptels. Si des bandits se trouvaient dehors, comme elle le comprenait à travers les propos décousus de la jeune femme, alors elle se débrouillerait pour trouver une solution. Elle l'avait toujours fait.

Cependant, elle se devait d'être honnête avec Aelyn, et quand les sanglots de celle-ci commencèrent à se calmer légèrement, elle lui souffla :

- Il n'y a plus de soldats ici… Nous ne sommes pas loin d'Edoras, pourtant, mais les hommes du Roi ne se soucient pas des petites gens et de leurs affaires. Quant aux hommes du village… Ils sont partis chez le petit peuple des montagnes. On dit que là-bas, il reste de l'herbe pour les bêtes, et qu'ils ont accepté de laisser les bêtes du Rohan pâturer par chez eux. Il n'y a que nous ici. Mais c'est toujours mieux que personne, n'est-ce pas ?

Elle eut un sourire qui se voulait réconfortant, et essuya une larme sur la joue d'Aelyn, avant de lancer à l'attention la petite Lora, qui se tenait toujours là sans savoir où se mettre :

- Va nous chercher des bougies, puis éteins le grand feu ma chérie. Et vérifie aussi que tous les volets sont bien fermés, tu veux ?

L'intéressée regarda tour à tour Aelyn puis sa grand-mère, avant qu'un « allez » encourageant ne la poussât à s'exécuter. Elle tourna les talons et s'empressa de faire ce qu'on lui demandait, consciente du danger et de ce qu'il représentait malgré son jeune âge. Voilà ce qu'était devenu le Rohan. Une terre où les enfants grandissaient dans la peur de voir la mort s'abattre sur eux sitôt que la nuit tombait. La doyenne eut un soupir résigné, et pendant un bref instant, elle laissa transparaître un peu de l'angoisse qui la rongeait. Cela disparut bien vite, et elle revint à Aelyn :

- Racontez-moi tout, alors… Comment êtes-vous arrivée jusqu'ici ?


~ ~ ~ ~


Au dehors, une pluie diluvienne tombait toujours du ciel, brouillant les pistes, et rendant la tâche des cavaliers plus compliquée. Ils cherchaient avec attention, soucieux de ne pas se tromper. Ils savaient que par ce temps, et avec la nuit qui tombait, la fuyarde n'avait pas pu disparaître bien loin. Ils commençaient à perdre espoir, cependant, et se rendaient compte que s'ils laissaient leur prisonnière s'échapper, ils étaient bons pour de sévères remontrances, et de longues années à échapper au courroux de Mortensen en perspective. Aucun d'entre eux ne souhaitait cela, et ils étaient déterminés à retrouver Aelyn, car ils savaient que cela signifiait sauver leur vie. L'un des hommes finit par lâcher :

- A ce rythme on n'y arrivera jamais. S'il arrive et que la cache est vide, il va croire qu'on l'a abandonné, et…

Il n'eut pas besoin de finir sa phrase. Tout le monde savait ce qu'il ferait, et de quoi il était capable. Le père du gamin qui avait été enlevé par Aelyn, conscient que sa vengeance personnelle risquait de retomber négativement sur tout le groupe, essaya de trouver un compromis :

- Tu vas rentrer, fit-il, et attendre là-bas. S'il arrive avant nous, explique-lui la situation, et dis-lui de nous rejoindre. Nous aurons besoin de tous les hommes disponibles. Il ne faut pas qu'elle arrive à s'échapper. Ça signifie que tu dois mémoriser parfaitement le chemin, tu comprends ? Parfaitement. On dirait qu'il y a un village par là-bas : on va aller vérifier qu'elle ne s'y cache pas, puis on continuera en nous rapprochant autant que possible d'Edoras. Arrange-toi pour nous rejoindre le plus rapidement possible !

Le cavalier hocha la tête et, ajustant son capuchon, il fit volte face et repartit aussi rapidement que possible, disparaissant en quelques secondes dans la nuit. Les autres cavaliers se mirent en route à une allure plus modérée, descendant vers le village qui s'ouvrait devant eux. Ils distinguaient les silhouettes des maisons, et quelques rais de lumière ici ou là indiquaient qu'il y avait de la vie. Ils ignoraient à ce stade que le village était déserté par ses habitants, et ils privilégiaient une approche prudente qui leur prendrait beaucoup plus de temps.

Autant de temps gagné pour Aelyn.


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Learamn
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyLun 13 Aoû 2018 - 12:08
La jeune femme était à présent envahie par l’amertume et le désespoir. Jusqu’à présent elle était parvenue à préserver sa détermination vengeresse intacte malgré les tourments qu’elle avait traversé: elle était blessée, avait plusieurs fois frôlé la mort et avait été injustement jeté dans une cellule sombre et humide où l’on continuait à vouloir porter atteinte à sa vie. Mais elle n’avait pas flanché,Iran avait affronté les épreuves en restant fière, debout prêt à combattre. Jamais l’abattement ne l’avait atteint jusqu’à ces quelques mots prononcés par Learamn dont le mal était bien plus douloureux que les plaies infligés par les armes qu’elle avait croisée. Sa demande de remise en liberté avec été refusée sans ambages par le Vice-Roi Mortensen, supérieur hiérarchique direct du jeune officier, et par là même son désir de vengeance s’écroulait sans qu’elle n’y puisse rien. A vrai dire, c’était bien plus qu’un simple désir mais une raison d’être; si elle avait tout abandonné pour venir au Rohan, une terre plutôt hostile pour des gens comme elle, c’était uniquement dans l’espoir de retrouver les meurtriers de Rokh et de leur faire payer. A présent si près du but, voilà qu’elle se faisait fermer la porte par le maître des lieux. Elle avait accepté nombre d’injustices pour ne pas compromettre sa quête mais celle-ci était de trop. Elle s’éloigna d’Eopren et laissa libre cours à sa colère, à sa déception. Parmi les innombrables visages hostiles qu’elle avait croisé ici elle avait cru trouver en Learamn un allié, un soutien peut-être même un ami avec qui elle partageait tant de choses en commun et qui était prêt à tout pour l’aider. S’était-elle trompée? Finalement était-il un menteur et un manipulateur comme tous les autres? S’était-il servi d’elle pour courir après la gloire?

En vérité Learamn était tiraillé entre différents sentiments contraires. Il ne pouvait nier qu’Iran visait juste, il lui avait effectivement donné sa parole mais que pouvait-il y faire à présent qu’il avait reçu un ordre clair et précis concernant le sort de l’Orientale. Il avait déjà trop de foi défié l’autorité de Gallen ces derniers jours pour se permettre de ne pas se plier à une directive claire. Le Champion du Rohan n’était pas un homme facile à cerner et certaines de ces décisions pouvaient prêter à débat mais Learamn savait bien qu’il n’occuperait pas la place qui était la sienne si Mortensen n’avait pas été là. Gallen avait fait le capitaine Learamn, il avait été l’un des seuls à accorder sa confiance à un misérable déserteur qui avait malgré lui amené à Aldburg l’assassin de son épouse Farma, il avait été le seul à voir en ce jeune guerrier un potentiel grand officier du Rohan et jamais il n’avait cessé de le soutenir , jamais il ne l’avait laissé tomber que ce soit durant la Bataille des Trois Rois ou dans les sombres catacombes de Vieille-Tombe. Le jeune homme s’était même presque parjuré devant la Lice pour protéger les intérêts de son supérieur ( même si la formulation de sa phrase avait été pensé pour éviter un véritable parjure). Leur relation avait certes été plus délicate depuis son retour de Pelargir à cause de sa blessure grave qui le tenait écarté des opérations et de la nouvelle fonction, ô combien pesante, de l’ancien Maréchal.

Ce qu’Iran lui demandait c’était de trahir son mentor.

Elle ne manquait d’ailleurs pas d’arguments et Learamn aurait bien aimé pouvoir lui donner raisons sur de nombreux points mais il ne pouvait pas ignorer les ordres de son Vice-Roi. Mais l’Orientale, dans une dernière tentative désespérée d’obtenir gain de cause, joua sa dernière carte. Elle affirmait disposer d’informations capitales et l’officier avait le sentiment qu’elle ne mentait pas à ce sujet et elle ne semblait pas particulièrement encline à les révéler. La forcer à parler n’était clairement pas une solution, ils perdraient un temps précieux et de toute façon Learamn n'aurait jamais accepté qu’on la soumette à la torture pour obtenir quoique ce soit, seulement il n’était pas forcément convaincu que Gallen partageait son avis. Il l’avait déjà vu torturer voire tuer pour défendre la femme qu’il aimait par le passé et il n’hésiterait pas à le refaire.

Iran continua d’insister face à un Learamn plus hésitant que jamais, tiraillé entre loyauté et compassion, entre hiérarchie et action. Ils avaient déjà perdu trop de temps et chaque minute qui s’écoulait les éloignait de leur but; il ne pouvait pas attendre l’aube pour demander conseil, il devait agir maintenant.

Eopren, qui était demeuré étrangement silencieux jusque là s’exprima alors d’une voix étouffée où l’on pouvait deviner la souffrance physique qu’il endurait. Le vétéran pour qui la chaîne hiérarchique n’avait jamais rien eu de sacré avait choisi son camp.

“Learamn, ils sont partout. C’est pire que ce que nous imaginions ils ont des oreilles et des mains partouts. Depuis le début ils ont un coup d’avance sur nous, je ne sais pas comment mais ils doivent avoir quelqu’un qui tire les ficelles là-haut. On ne peut faire confiance à personne hormis l’Orientale. Je crains que cela dépasse même le destin de Dame Aelyn. Il faut agir et vite.”

Eopren n’était peut être pas le meilleur ou le plus dévoué des soldats du Rohan mais toujours ses conseils s’étaient révélés précieux et au moment où Learamn avait plus que jamais besoin de soutien, ces quelques mots eurent l’effet d’un coup de fouet sur le jeune capitaine.

Il avait entendu qu’un jour Gallen s’était parjuré pour le bien du royaume ce qui avait déplu à beaucoup; aujourd’hui Learamn était prêt à refuser un ordre de son Vice-Roi pour ce qu’il pensait être juste. Il s’avança alors vers Iran, une détermination nouvelle dans son regard.

“Nulle place pour la peur n’est accordée en mon esprit. Nous chevaucherons ensemble, nous combattrons ensemble et nous mourrons sûrement ensemble.”


Le jeune cavalier voulait servir son pays mais il ne pouvait renier la dimension personnelle de sa décision. Tout comme Iran il avait des comptes à régler avec ces malfaiteurs. Durant toute sa jeune carrière il avait combattu l’Ordre, il avait parcouru les Terres du Milieu d’est en ouest et du nord au sud pour mettre fin à leurs agissements et voici qu’ils revenaient pour frapper en plein coeur, ici même à Meduseld. Voici qu’ils réapparaissaient pour atteindre Gallen Mortensen, le Champion du Rohan qui pensait les avoir anéanti. Son corps meurtri traînait les traces douloureuses de son combat contre l’Ordre mais cette nuit il chevaucherait pour en finir, peu importait si la Mort les attendait au bout. Deux jeunes guerriers affaiblis ne feraient sûrement pas le poids mais ils devaient agir, leur coeur leur ordonnait d’agit et il en avait assez de renier les ordres de son coeur.

D’un signe de la tête il indiqua à Iran de le suivre après avoir posé une main sur l’épaule de son vieil ami. Une fois que cette histoire serait terminé il ferait en sorte qu’Eopren soit justement reconnu pour son rôle quand bien même ils ne survivraient pas.

Ils remontèrent à la surface et se rendirent aux écuries, là-bas il donna quelques ordres aux écuyers en poste qui eurent la décence de ne pas poser de questions. Quelques minutes plus tard un des jeunes adolescents remis à l’Orientale ses effets et son destrier; Learamn de son côté attela Ouragan avant de faire signe à l’un des jeunes écuyers de confiance qu’il connaissait d’approcher.

“A présent dites moi où se cachent-ils et partons.”


Ils partaient peut-être vers une mort certaine mais Learamn devait s’assurer que leur sacrifice ne soit pas bête et inutile. Il inscrivit sur un bout de parchemin quelques directives claires, plia le tout et le tendit au jeune homme.

“Si nous ne sommes pas revenu à l’aube, remets ceci au Capitaine Wald et assure toi qu’il mette au courant le Vice-Roi. Compris?”


Le petit écuyer acquiesça d’un signe de tête et partit sans demander son reste.

Le capitaine Learamn s’approcha alors alors de son fidèle destrier . Ce magnifique étalon l’avait accompagné lors de nombre de ses aventures depuis qu’il l’avait trouvé errant dans les plaines du Riddermark après sa fuite lors de la tristement célèbre nuit des lances noires. Cela faisait des de mois qu’ils n’avaient plus chevauché ensemble et voilà qu’il revenait pour l’emmener vers une mort probable. Il lui caressa avec délicatesse le museau:

“C’est moi Ouragan, je suis revenu. Nous avons une nouvelle mission à accomplir.”


Le cheval, quelque peu agité jusque là fut instantanément apaisé par les mots doux et le regard rassurant de son maître.

Learamn avisa ensuite ses béquilles, malgré sa blessure il était temps de dire adieu à ses compagnons de marche s’il voulait partir au combat. Alors, il décrocha de sa ceinture une petite gourde qui contenait encore un fond de liquide: la miraculeuse eau d’Ent qu’il avait trouvé à Pelargir. Il avait été réticent à l’idée d’en utiliser ces dernière semaines vu le peu de quantité dont il disposait mais cette nuit il n’avait pas le choix. Il but une gorgée du remède et fut instantanément envahi d’un sentiment de bien-être total et si la blessure à son pied n’avait pas disparu il n’en ressentait presque plus la douleur.
Il tendit la gourde à Iran et lui intima de boire :

“Buvez! Vous retrouverez vos forces.”


Quelques temps plus tôt Iran avait fait goûté au jeune rohirrim la médecine Orientale, à présent il se chargeait de la remettre en état pour ce qui allait les attendre.

Après avoir échangé un dernier regard plus déterminé que jamais, ils montèrent en selle et se dirigèrent le plus discrètement possible vers la sortie de la ville. Les portes d’Edoras n’avaient pas été fermées mais quelques gardes étaient en poste, un passage au triple galop qui les prendrait par surprise était la seule solution pour pouvoir partir en évitant certaines questions.

“Ya!”


Il éperonna sa monture et se dirigea à toute allure vers le poste de garde, Iran le suivant comme son ombre.




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Ryad Assad
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMar 14 Aoû 2018 - 16:07

++ Melkor soit loué ++

Les mots prononcés en rhûnien glissaient sur sa langue, portant des accents aussi mélodieux que menaçants. La main glacée des ténèbres se retira de ses épaules, et laissa la place à un feu brûlant qui dévorait ses entrailles. L'abattement avait disparu, et désormais la furie guerrière s'emparait de ses sens. Son cœur se mit à battre plus vite, et bientôt les derniers relents de douleurs refluèrent derrière l'armure mentale qu'elle venait d'endosser. L'acceptation solennelle de Learamn venait de lui ôter un poids immense. Son regard enflammé plongea dans celui du jeune capitaine. Il était affaibli, cruellement meurtri par la violence de ce monde, et pourtant son âme était toujours inflexible. Face au danger, face à ses supérieurs qui lui intimaient de rester dans la cité, il était prêt à prendre tous les risques pour accomplir son devoir et sauver sa reine. Iran resta un long moment à l'observer.

Tout n'était peut-être pas mauvais, sur les lointaines terres de l'ouest.

La femme se tourna vers Eopren. Le vétéran était toujours blessé, et il était certain qu'il ne pourrait pas les accompagner. Il risquait de compromettre leurs infimes chances de succès malgré lui. Son chemin s'arrêtait ici dans cette aventure, mais il avait accompli plus qu'un simple soldat, et son rôle avait été décisif encore une fois. En se ralliant à Iran, il avait achevé de convaincre Learamn. La jeune femme lui serait éternellement reconnaissante d'avoir su mettre de côté leurs différences pour la protéger dans les moments sombres. Elle se pencha doucement vers lui, posant une main amicale sur son bras :

- Eopren, vous connaissiez l'homme qui est tombé dans la cellule voisine… Pour tous les crimes qu'il a commis, il a accompli une dernière bonne action. Il m'a révélé la cachette de ces malfaisants. En échange, il m'a demandé une seule chose : que son neveu soit bien traité. Si nous devions ne pas revenir…

Elle n'eut pas besoin de finir sa phrase. Certaines choses n'avaient pas besoin d'être prononcées à haute voix. Ils étaient tous les trois des guerriers, et ils connaissaient parfaitement les implications d'un tel serment. Eopren ferait le nécessaire, permettant à la guerrière de partir affronter son destin l'esprit léger.

La mort, sans doute.

Elle inspira profondément, sans que l'on pût déceler la moindre trace de peur en elle. Son esprit était parfaitement concentré, focalisé sur sa mission. Elle avait accepté stoïquement l'idée qu'elle ne rentrerait pas vivante au Rhûn, mais la perspective de mourir pour une noble cause l'apaisait étrangement. Elle avait le sentiment que rien ne pourrait la détourner de sa mission. Si son âme ne craignait pas le trépas, alors quel homme dans ce monde serait en mesure de l'arrêter ? Elle observa Learamn un instant. Il paraissait résolu lui aussi, à sa manière. Il connaissait la fin de l'histoire, mais il ne reculerait pas. Pour Iran, c'était une forme de consolation. Elle savait que son compagnon d'armes, bien que blessé et diminué, ne l'abandonnerait pas à une mort certaine pour sauver sa vie. Il se battrait de toutes ses forces, et lui permettrait sans doute de planter une lame en acier dans le cœur de leurs ennemis.

Aussi rapidement que le leur permettaient leurs corps endoloris, Iran et Learamn quittèrent les cachots, et prirent la direction des écuries. Le jeune capitaine savait quoi faire, comme si après avoir passé tant de temps à obéir et à exécuter les ordres, il savait parfaitement comment contourner les directives du Vice-Roi. La jeune femme l'observa faire avec un brin d'admiration. Il renonçait à tout ce pour quoi il s'était toujours battu, mettant en jeu tout ce qu'il avait gagné pour cette vendetta. Sa réputation, son rang, sa vie… Il prenait tous les risques, sans aucune certitude de revenir victorieux. La folie confinait au courage chez ce jeune officier, et pendant un instant Iran se dit qu'il était peut-être préférable pour lui de mourir au champ d'honneur que de survivre à cet affrontement. Puis elle se souvint de son devoir, et se dit qu'elle ferait tout pour qu'une telle chose n'arrivât point.

Au dehors, les deux cavaliers furent accueillis par une pluie forte, qui claquait contre les toits de chaume et sur le sol boueux des rues. Un orage d'été qui ferait plaisir à la terre et aux paysans, rafraîchissant l'atmosphère et permettant de remplir temporairement les réserves d'eau. Il rendait aussi les traces particulièrement faciles à suivre, ce qui était à la fois un avantage et un inconvénient pour Iran et Learamn. Ils pourraient pister plus facilement leurs proies si elles venaient à essayer de s'échapper, mais il serait également très simple à quiconque de les filer au train. Ils devraient se montrer prudents. En quelques secondes, les cheveux de la jeune femme se retrouvèrent trempés, et elle acheva de les essorer au moment où ils arrivaient aux écuries, où le capitaine distribua ses consignes. Les écuyers filèrent comme le vent pour chercher leurs effets personnels, laissant les deux guerriers seuls. Par prudence, le Rohirrim souhaitait informer son suzerain de l'emplacement de leurs ennemis, et Iran consentit à l'en informer. Elle comprenait sa position, et elle savait que leurs chances de succès étaient trop infimes pour conserver cette donnée pour eux-mêmes. S'ils échouaient, le Vice-Roi pourrait faire s'abattre son courroux sur ses ennemis, et venger la mémoire de Rokh en même temps qu'il vengerait celle de son capitaine et d'une inconnue venue de l'est lointain.

- Vous avez meilleure mine ainsi armé, capitaine.

Elle n'avait pas pu s'empêcher de le lui dire. Appuyé sur ses béquilles, lourd et pataud, il ressemblait à un infirme incapable de rien faire. Mais aujourd'hui, avec cette tunique aux armes de son royaume, cette épée qui pendait fièrement à son côté, et ces pièces d'armure qui faisaient rejaillir le prestige de son rang… il n'était plus le même homme. Et elle-même n'était plus la même femme. Elle avait sorti de ses affaires une boîte qui ressemblait à s'y méprendre à celles que les dames utilisaient pour se farder. Cependant, la marque carmin qu'elle jeta en travers de son visage n'avait rien à voir avec les poudres délicates que l'on voyait parfois chez les plus coquettes. Elle ne cherchait pas à plaire ou à séduire, mais bien à effrayer et à impressionner. Sa cuirasse de style oriental lui donnait l'air d'une chasseresse, ce que ne venait pas démentir l'arc accroché à la selle de son cheval.

« Au moins mourrons-nous comme des guerriers », se dit Iran.

Elle s'apprêtait à partir, mais Learamn l'interrompit à sa plus grande surprise, pour lui tendre une outre anodine. Elle l'avait vu en boire, mais supposait qu'il s'agissait d'un alcool local pour endiguer la douleur : une précaution dont elle n'avait pas besoin. Il insista cependant pour qu'elle en goûtât, et elle ne trouva pas la force de résister. Pourtant, lorsqu'elle porta l'outre à ses lèvres, elle ne sentit pas le goût habituel des spiritueux que les hommes en campagne fabriquaient parfois. Ce n'était que de l'eau. Mais pas n'importe quelle eau. La meilleure eau qui lui avait été donné de goûter ! Un liquide si frais et si pur que, comme le lui avait annoncé le capitaine, elle parut retrouver toutes ses forces en un instant. Elle ouvrit grand les yeux, en proie à une ivresse soudaine, alors que le précieux liquide qu'elle avalait à grandes gorgées semblait régénérer ses muscles et éclaircir son esprit.

Ce fut alors qu'elle le vit.

Elle avait cligné des yeux, et tout à coup il se trouvait là. Droit et fier comme à son habitude. Il la fixait intensément, un sourire énigmatique accroché au visage. Iran voulut se convaincre qu'il n'était qu'une hallucination, mais elle avait beau cligner des yeux, il ne voulait pas disparaître. Elle paraissait être la seule à le voir, cependant, car Learamn suivit la direction de son regard sans paraître apercevoir l'apparition surnaturelle qui se tenait à moins d'un mètre derrière lui.

- Rokh… souffla la jeune femme.

Un frisson lui traversa l'échine, et elle reprit dans sa propre langue :

++ Rokh, tu es là… Comment est-ce possible ? ++

La vision ne répondit rien, et se contenta d'observer Learamn. Le défunt guerrier s'approcha de lui, comme s'il examinait un adversaire potentiel. Toutefois, il n'y avait aucune animosité dans son regard, et il paraissait seulement le jauger en toute simplicité :

++ Ne le laisse pas mourir… Il a encore un rôle à jouer. ++

Iran cligna des yeux. Rokh la dévisagea avec plus de force, comme si la vie du jeune capitaine était d'une importante capitale pour la suite. Comme si à cet instant précis, davantage que la vengeance qu'elle était censée faire s'abattre sur le cou de ses ennemis, c'était Learamn qui devait primer. Stupéfaite, elle mit un moment avant de répondre sur un ton solennel :

++ Il ne lui arrivera rien, Rokh… Je te le promets. ++

Qui était-elle pour s'opposer à la volonté de Melkor, et à celle de l'esprit de Rokh qui surgissait de l'après-vie pour lui parler ? Personne. Ses yeux devinrent soudainement humides, alors qu'elle voyait son défunt ami s'éloigner d'elle soudainement, comme appelé vers l'orage qui grondait toujours au dehors.

++ Rokh, est-ce que je te reverrai ? ++

La silhouette du guerrier se retourna, et ouvrit la bouche pour répondre. A cet instant précis, Iran revint à la réalité, en se rendant compte que Learamn la tenait fermement par l'épaule, une main sur son visage pour la forcer à le regarder dans les yeux. Elle bafouilla quelque chose, donna une première réponse en rhûnien, avant de retrouver ses mots dans la langue de l'ouest :

- Je… je vais bien…

Elle tremblait encore un peu, mais davantage à cause de l'émotion qu'à cause d'une quelconque souffrance. Elle observa une dernière fois l'endroit où son ami s'était tenu quelques instants plus tôt. Il avait disparu désormais, fantôme parmi les colonnes liquides qui cascadaient depuis les cieux infinis. La guerrière ne laissa pas le temps à Learamn de s'inquiéter outre mesure de son sort. Elle était peut-être une femme, et la magie étrange contenue dans cette eau lui avait sans doute fait perdre pied pendant quelques instants, mais elle n'en demeurait pas moins une combattante avant tout. Il en faudrait bien davantage pour la faire vaciller, d'autant qu'elle se sentait plus revigorée que jamais, prête à tout affronter.

Elle se hissa en selle, et suivit alors Learamn qui partageait sa détermination et, dans un sens, son impatience. La peur chassée, il ne restait plus chez Iran qu'une euphorie presque inquiétante, qui la poussait vers les lames acérées de ses ennemis en souriant. Elle ne put s'empêcher de laisser échapper un cri de joie lorsqu'ils franchirent au triple galop les portes béantes, gardées par quelques misérables écrasés par la pluie. Ils s'éloignèrent de leur chemin en les voyant passer, reconnaissant brièvement le capitaine Learamn – ce qui les empêcha de les arrêter dans un premier temps – avant de voir l'Orientale – ce qui les incita à donner l'alarme. Ils auraient peut-être moins d'avance que prévu, mais qu'importe !

- Le prisonnier m'a dit une demi-journée de cheval, cria Iran par-dessus le vent qui fouettait leurs visages. Au galop, nous devrions pouvoir le faire en moitié moins de temps.

Un galop léger, qui se révélerait exigeant pour leurs montures, tout en préservant leurs forces dans la mesure du possible. Une allure qui convenait parfaitement à un cheval oriental, plus petit et plus endurant. Le destrier puissant sur lequel était juché Learamn pouvait sans nul doute atteindre une vitesse plus importante, mais pour combien de temps ? Elle n'aurait pas su le dire, et préféra trouver une allure intermédiaire susceptible de convenir aux deux montures. Ils chevauchèrent ainsi sans discontinuer, ralentissant quand le terrain devenait délicat, pour rattraper leur retard là où l'herbe rase ne présentait aucun obstacle. La nuit sombre ne les empêchait pas de trouver les chemins les plus sûrs, grâce à leur expérience combinée. Iran ne connaissait pas le terrain, mais elle avait des yeux de lynx et un instinct stupéfiant. Learamn l'ignorait, mais elle était une pisteuse hors-pair, et c'était une des raisons pour lesquelles elle avait réussi à se hisser si haut malgré ses origines relativement modeste. Son allure de chasseresse renvoyait à un passé pas si lointain, durant lequel elle avait dû se battre pour survivre au quotidien, et où elle avait développé des talents exceptionnels pour la traque. Même dans des conditions difficiles comme celles-ci, et à la vitesse à laquelle ils se déplaçaient, elle était capable de définir la meilleure voie à adopter pour ne pas blesser les chevaux et éviter les faux-pas. Learamn complétait son instinct par la connaissance qu'il avait du Rohan, une terre sur laquelle il était né et où il avait grandi. Les yeux fermés il pouvait en dessiner une carte mentale, et il anticipait sur les moindres difficultés.

Ils chevauchèrent ainsi pendant une éternité, frêles silhouettes battues par les vents et la pluie. Il ne faisait pas particulièrement froid, mais les conditions étaient éprouvantes, et ils arrivèrent fourbus à la bâtisse qu'ils recherchaient. Ils faillirent la repérer trop tard, et ils eurent la chance qu'un rayon de lune jaillît inopinément pour leur donner un aperçu de la situation, sans quoi ils auraient probablement réalisé qu'ils étaient arrivés à destination au moment où leurs ennemis leur seraient tombés dessus. Ils bifurquèrent rapidement, et se replièrent à une distance raisonnable, là où ils ne pouvaient ni être vus ni être entendus. Iran, passant une main dans ses cheveux trempés, demanda au capitaine :

- Je n'ai vu qu'un seul cheval autour de la maison. Si votre reine est retenue prisonnière ici, ses geôliers ne sont pas nombreux. Peut-être que les autres sont partis vaquer à d'autres occupations, qui sait ?

Elle observa la maison un instant. Pas un mouvement, pas une lumière à l'intérieur. Tout était beaucoup trop calme.

- Vous avez une idée pour entrer ?

Elle préférait lui laisser le contrôle de la situation : c'était sa terre, et sa suzeraine. C'était à lui de décider s'il souhaitait essayer une approche discrète, ou bien frapper très fort sans se soucier des dégâts. Dans les deux cas, elle s'arrangerait pour entrer la première… et s'assurer qu'il n'arriverait rien au jeune capitaine.

Elle en avait fait le serment.

Deux fois.


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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMar 14 Aoû 2018 - 21:25
Lorsque ses larmes furent taries, Aelyn put commencer à réfléchir de nouveau clairement. La jeune femme prit une grande inspiration. Elles n’étaient qu’une poignée de femmes et d’enfants, livrées à elles-mêmes face à des hommes violents, sans scrupule, sans pitié et aux motivations floues. Leurs chances étaient minces, très minces. Mais étrangement, Aelyn se sentait plus calme. Comme lorsqu’elle avait officié comme guérisseuse sur les champs de bataille. Elle laissa cette sensation l'envahir, prendre peu à peu la place de la panique et de l’angoisse. Si elle voulait survivre, si elle voulait qu’elles survivent toutes, il fallait qu’elle reprenne ses esprits. Elle n’était pas arrivée jusque là pour craquer. Elle n’avait pas subit tout ça pour abandonner maintenant. Elle ne le permettrait pas.

Trois grandes et longues inspirations encore et les derniers spasmes de ses sanglots se turent eux aussi. Maintenant son esprit était clair. Fatigué, usé, mais clair. Elle accepta avec un réconfort évident la main ridée qui lui essuya la joue. Une nouvelle inspiration et elle se redressa.

Elle ignorait combien d’avance elle avait prise sur ses poursuivants, s’ils tomberaient dans sa vieille ruse ou s’ils remarqueraient qu’elle avait laissé sa monture continuer seule, et encore moins s’il y avait une chance qu’ils aient simplement perdu sa trace complètement. Elle s’attendait au pire tout en espérant le meilleur.

« Je vais tout vous raconter, même si je ne sais pas si nous avons beaucoup de temps… »

Sa voix sonnait déjà plus stable et plus proche d’Aelyn la guérisseuse qu’elle ne l’avait été depuis des jours… ou ce qui semblait des jours. Cela la rassura, la soutint pour la suite de son récit. Les mots étaient rapides, pressés par le temps, un peu décousus et rythmés comme des battements de cœur, mais intelligibles et clairs. Par moment, elle pressait ses paumes contre ses yeux pour calmer une nouvelle crise d’angoisse. Parfois, sa voix tremblait mais elle se reprenait vite. Elle devait se montrer solide… encore un peu.

« Je ne sais même pas quel jour on est… C’était il y a… quelques jours, je pense. Un garde est venu à ma porte pour une urgence médicale… Je l’ai suivi mais c’était une embuscade. Ils m’ont bâillonnée et battue… Je crois… je crois qu’il y avait un cadavre devant moi… » Elle porta une main à sa gorge et l’autre froissa le tissu sur son ventre mais n’en rajouta pas plus « J’ai dû m’évanouir… Quand je me suis réveillée, j’étais dans… un cabanon, une cave, peut-être une sorte de mine, je ne sais pas trop. Je devais avoir de la fièvre, peut-être, c’est si confus. Ils m’avaient attachée… enchaînée en fait. Le garçon… le garçon était gentil, il avait l’air de ne pas approuver que l’on me traite comme ça. Les autres… » Un frisson de terreur et de dégoût lui secoua le corps « Je n’ai pas compris ce qu’ils voulaient. Une rançon ou un otage ? J’avais chaud, et soif, et le bébé… »

Elle s’arrêta un moment, la gorge nouée à l’idée de ce qui aurait pu arriver si… Non, elle ne voulait pas y penser. Ce n’était pas le moment. Le temps passait…

« Le garçon m’a amené ma sacoche de guérisseuse, je lui ai fait peur, ou pitié, je ne sais pas… J’ai pu faire céder mes fers, ça a pris tellement de temps. J’avais tellement peur… J’ai pu m’enfuir, j’ai pris le garçon avec moi… comme otage »

Elle grimaça à ce mot qui lui laissa un goût amer dans la bouche. Elle s’était servie de ce jeune garçon, ignorant et naïf. Elle l’avait drogué et torturé pour sortir. Cette simple pensée lui fit monter l’aigreur de l’estomac. Ça ne lui ressemblait pas. Elle répugnait son geste, et il lui faudrait du temps pour accepter que c’était la seule solution, qu’elle n’avait pas eu d’autre choix. Et qu’elle le referait si cela était nécessaire. Mais elle se sentait souillée, salie dans son intégrité et dans son honneur au-delà de ce qu’elle aurait pu imaginer. Comment en était-elle arrivée là ? Pourquoi elle ? Elle qui n’était rien, qui n’était personne ? Elle était une mère et une amante, rien de plus. Et pourtant, des forces sombres et toxiques semblaient s’acharner contre elle à présent. Elle se sentait si fatiguée…

« J’ai réclamé un cheval et j’ai parcouru les plaines toute la journée. Ils étaient toujours derrière moi. Je ne sais pas ce qu’ils me veulent, je ne le sais vraiment pas. Mais ils n’ont pas abandonné, pas une seconde. Si vous ne m’aviez pas ouvert la porte… »

Il y eu un grand silence. La tête baissée, Aelyn pouvait entendre la fillette trottinée dans la demeure pour allumer les bougies, la pluie dehors qui tambourinait sur les volets, et la respiration maitrisée des trois femmes adultes.

« Je ne sais pas jusqu’où ils sont capables d’aller mais je sais qu’ils n’ont aucune pitié, aucune. »

Elle se tourna vers la vieille femme et, avec une indifférence médicale aux règles de pudeur, remonta l’avant de sa robe, dévoilant aux yeux fatigués de son hôtesse ses jambes constellées de bleus jusqu’à son ventre distendu sur lequel s’étalait un immense hématome du diamètre d’une tête humaine et dont les tâches les plus sombres évoquaient sans aucun doute possible le contour d’une semelle de botte. Aelyn relâcha le lourd tissu qui retomba à ses pieds en un claquement. S’en prendre aux enfants et aux femmes enceintes était pratiquement tabou et en disait long sur la morale d’un homme.

« Je suis navrée d’avoir effrayé vos petites-filles. Ce n’était pas mon intention… J’ai deux fils vous savez, ils sont un peu plus jeunes que votre cadette… Je… Enfin je suis vraiment navrée. J’aurais aimée ne pas vous mettre dans cette situation… »

Après ça, la jeune mère prit un moment pour rassembler ses forces et se leva. Ses jambes, cette fois, ne la trahirent pas. A pas lents et précautionneux, elle marcha jusqu’à sa sacoche de guérisseuse.

« Pouvez-vous me mener au garçon, s’il vous plait ? Il faut que j’aille l’examiner. Ce que je lui ai donné… il ne peut pas rester comme ça. »

Le dérivé opiacé du pavot du Harad, qui composait la majorité de la poudre qu’elle lui avait fait respirer, avait de magnifiques effets pour rendre un homme malléable mais une exposition prolongée n’était pas vraiment conseillée. Il fallait qu’elle le fasse sortir de sa transe. La vieillarde acquiesça, sans doute encore en train de digérer les informations du récit de son étrange invitée. Elle appela l’adolescente qui mena Aelyn jusqu’à son patient. La jeune fille soutint la guérisseuse en lui permettant de s’appuyer sur son bras.

Le jeune kidnappeur était allongé sur une paillasse, très pâle, et Aelyn s’agenouilla à son côté. Avec une main sûre, elle examina ses yeux, son souffle, sa peau et son pouls. Elle lui frotta les tempes et la nuque avec une huile à l’odeur acre qui initia quelques mouvements comateux chez le garçon. La compagne du vice-roi lui passa une main presque maternelle dans les cheveux, une moue d’excuse sur le visage. Ce n’était même pas encore un homme et dans quoi s’était-il fourré… Les larmes commencèrent à monter de nouveau dans les yeux d’émeraude, elle les chassa d’un geste du poignet.
L’adolescente, à côté, la regardait agir d’un air curieux. Elle lui adressa un sourire un peu triste.

« Pouvez-vous m’aider ? Je n’ai pas beaucoup de force je le crains. » demanda-t-elle d’une voix un peu faible mais ferme. « Il faut le coucher sur le côté. Vous allez attraper ses hanches et moi ses épaules. Voilà comme ça, c’est parfait. Maintenant… Doucement. Là voilà, comme ça c’est parfait. Merci. Je crois qu’il ne se réveillera pas avant une bonne demi-journée… Il faudra lui humidifier la bouche avec un linge mouillé régulièrement, pour qu’il ne se déshydrate pas trop… Je vais retourner auprès de votre grand-mère, nous avons beaucoup à nous dire. Merci de votre assistance. »


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Learamn
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyDim 19 Aoû 2018 - 13:03
Le Capitaine Learamn se sentait revivre. Certes le plateau n’était pas franchement glorieux ou encourageant: deux guerriers physiquement affaiblis s’apprêtant à prendre d’assaut l’un des derniers repaire de l’Ordre sans avoir aucune idée de ce qu’ils y trouveront. L’obscurité de la nuit rohirrim était quasiment totale, parfois le passage d’éclairs tonitruants éclairaient brièvement le sol rendu boueux par la pluie diluvienne qui s’abattait sur les deux compagnons et leur montures depuis leur départ.. Mais malgré tout cela, malgré l’orage et la nuit, le jeune homme se sentait revivre. Vêtu de son armure, la lame à la ceinture, l’adrénaline montant à mesure qu’ils approchaient d’un affrontement; il était enfin redevenu le capitaine Learamn. Il inspira profondément, comme s’il voulait profiter de ce moment, de cette liberté retrouvée; même les litres d’eau qui se déversaient des cieux lui semblaient vivifiant. Plusieurs mois d’inactivité totale avait sérieusement dû entamer sa condition physique, sa vitesse d’exécution ou ses réflexes de combat mais il n’avait assurément pas oublié l’art de la guerre, il avait cela dans le sang. La guerre était le seul domaine où il avait pu prouver sa valeur, où il n’avait pas déçu.

Il observa quelques secondes Iran. Elle aussi se trouvait plus que jamais dans son élément, c’était une guerrière, et à en juger par son regard plein de détermination, une féroce guerrière. L’Orientale était particulièrement impressionnante avec son exotique cuirasse et son visage fardé de “maquillage guerrier”, une tradition bien peu répandue dans la région mais qui donnait à la jeune femme une allure aussi magnifique que effrayante. Prête à fondre sur ses ennemis dans la nuit tel une somptueuse émissaire de la Mort venu réclamer son dû, un démon venu des Terres Lointaines aussi sanglant que séduisant.  L’officier était bien heureux de l’avoir à ses côtés; il ne l’avait encore jamais vu se battre mais il n’avait aucun doute sur ses capacités martiales une fois que sa fureur serait relâchée. Toutes les femmes du Rhûn se comportaient-elles comme Iran? Il avait entendu que leur Roi était une Reine dont l’autorité et la poigne de fer étaient impressionnantes; les femmes du Rohan étaient en tout point admirables et leur courage n’était plus à démontrer mais il y avait quelque chose de différent chez cette Orientale. Motivée par la rage, déchirée par le chagrin, rongée par les remords elle portait fièrement les valeurs de son peuple et les traditions des siens. Elle dégageait un aura de mysticisme exotique qui inspirait à la fois méfiance et fascination. Depuis un moment déjà, Learamn avait basculé du côté de la fascination à son égard.  Elle était à la fois si proche et si lointaine de lui. Les récents  événements l’avait poussé à lui vouer une confiance aveugle, plus même qu’à n’importe lequel de ses compatriotes rohirrim y compris le Vice-Roi; elle avait ravivé cette étincelle de bravoure qui sommeillait aux tréfonds de son esprit désabusé, s’il avait revêtu cette armure et se sentait à nouveau vivre c’était grâce à Iran. Mais d’un autre côté elle lui était encore si étrangère, il y avait encore tant de choses qu’il ignorait à son sujet, tant de mystères qui renforçait le voile brumeux qui les séparait encore. Seraient-ils capables de passer outre leurs différences culturelles et leur visions du monde divergentes pour pouvoir agir en symbiose et défaire l’ennemi commun? N’était-elle que l’allié stratégique d’un jour ou bien une véritable amie pour toujours?

Iran se renseigna alors auprès de Learamn sur la marche à suivre pour pénétrer dans le bâtiment. Le jeune homme analysa la situation rapidement, réflechissant au meilleur plan d’attaque et anticipant divers scénarios. Les automatismes intellectuelles de l’officier étaient à nouveau stimulées, il n’y avait plus qu’à espérer qu’ils ne se soient pas trop rouillés à Meduseld.

Le terrain autour de la bâtisse était découvert sur plusieurs mètres à la ronde et malgré le bruit de l’orage et l’obscurité ambiants ils se feraient pour sûr repérer. Prendre le risque de finir transpercé par des traits d’archers avant d’avoir pu approcher n’était pas envisageable. Son alliée lui fait très justement remarquer que les malfrats de l’Ordre ne semblaient disposer que d’une unique monture. Il y avait assurément plus d’une personne à l’intérieur mais ils ne devaient pas être outrageusement nombreux dans cette large maison qui semblait bien calme.  Learamnn ne voulait pas tirer de conclusions trop hâtives mais il imaginait mal la présence de plus de cinq ou six ennemis : mais même là ils disposaient toujours d’un avantage numérique non négligeable. Pour optimiser leurs chances de victoire il fallait combiner deux approches : séparer le groupe d’ennemi  et les prendre séparément par surprise.
Dès lors entrer par effraction à l’intérieur du bâtiment et frapper semblait être une approche hautement compromise. En faisant cela ils risquaient de se trouver avec trop d’ennemis sur les bras et surtout, pour peu que les membres de l’Ordre aient eu la présence d’esprit de placer un ou deux gardes, de se faire repérer avant d’avoir pu approcher.

Non, avant tout chose il fallait les faire sortir, du moins une partie. La première idée qui lui vint à l’esprit fut d’allumer un feu pour attirer leur attention mais il ne tarda pas à se souvenir qu’ils se trouvaient au beau milieu d’un orage et que la simple production d’une étincelle relèverait du miracle.

Il devait trouver quelque chose d’autre. Learamn regarda d’abord Iran espérant qu’elle sorte de sa botte l’une de ses magies Orientales mais elle n’en fit rien, le regard du capitaine balaya alors les alentours à la recherche de quelque choses, un regard qui finit par se poser sur le cor attaché à la selle d’Ouragan. Un sourire satisfait se dessina sur le visage du rohirrim qui se décida enfin à expliquer son plan à Iran.

“On va les faire sortir de leur trou pour pouvoir y entrer par la suite. Eloigne les chevaux et cache toi derrière les buissons là-bas, moi je vais sonner du cor laisser quelques effets bien en vue et j’irai me cacher également. A moins qu’ils ne soient sourds, ils devraient envoyer plusieurs hommes vérifier ce qu’il se passe, avec cette obscurité et l’orage ils devront se rapprocher suffisamment pour inspecter les lieux. Quand ils seront hors de vue de leurs compagnons c’est notre chance pour les attaquer par surprise. S’ils sont deux c’est parfait, les autres ne se poseront pas de questions en voyant arriver deux sombres silhouettes dans la nuit sinon on se débrouillera quand même.”


Il prit quelques secondes pour bien s’assurer qu’Iran avait bien compris son plan qui pouvait paraître un peu confus. Il était certes basé sur plusieurs spéculations du Capitaine et il allait leur falloir une bonne dose de chance pour que ça fonctionne mais dans l’absolu il n’avait pas de meilleure idée et le temps pressait.

“Allez! Il n’y a pas une seconde à perdre.”


Tandis que l’Orientale s’occupait d’éloigner les montures, Learamn s’approcha accroupi  discrètement du repaire de l’Ordre. Une lueur de haine animait à présent son regard; cette organisation l’avait fait tant souffrir lui et son peuple, lui avait tant pris à lui jeune soldat insouciant  et naïf empli d’illusions  Ils s’en étaient pris à Dame Aelyn, leur Vice-Reine, joyau du Rohan . Aujourd’hui ils paieraient par le prix du sang. Sous son plastron reluisant, son coeur se mit à battre de plus en plus rapidement et il sentit ses muscles se tendre; son corps de guerrier sentait le combat approchait et se mettait en condition avant même que son esprit ne lui dicte quoi que ce soit. L’heure était proche.

Il porta alors le cor à sa bouche et souffla.

Au milieu la nuit orageuse, l’ode au mort retentit avec force.

L’aube serait rouge.


The Young Cop


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Ryad Assad
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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyLun 20 Aoû 2018 - 14:32
Aelyn avait raison. Les femmes n'avaient pas le temps de plonger dans un récit détaillé de la situation qui avait conduit la guérisseuse à en arriver là. Chaque seconde qui s'écoulait les rapprochait d'une issue potentiellement fatale. Cependant, il était important pour elles de comprendre la nature de la menace qui planait sur leur maison, si elles voulaient pouvoir s'en prémunir. Il y avait là-dehors des forces hostiles qui viendraient bientôt les traquer, et si elles souhaitaient pouvoir les affronter, elles ne pouvaient pas rester dans l'ignorance. Toutefois, les mots que prononça Aelyn n'étaient pas pour rassurer quiconque. Un enlèvement, un assassinat, une guérisseuse séquestrée… Les misérables qui avaient commis ces crimes odieux n'avaient reculé devant rien jusqu'à présent, et il n'était pas permis d'espérer la moindre clémence de leur part.

Ce que comprenait la doyenne, à mesure que le récit se développait, c'était que la situation était bien plus grave qu'elle aurait jamais pu l'imaginer. Les bandits n'étaient pas rares dans les plaines du Riddermark, mais ils se décourageaient rapidement et fuyaient quand on leur opposait une trop grande résistance. Ceux qui pourchassaient la fuyarde n'étaient pas de simples bandits… ils avaient davantage l'air d'assassins déterminés, qui feraient couler un bain de sang plutôt que d'abandonner leur mission. Pourtant, il y avait tout de même de l'espoir. Ce garçon encore inconscient n'était pas une menace aussi importante que les autres, d'après Aelyn, ce qui signifiait qu'il était possible de le rallier à leur cause, et peut-être de le convaincre de dissuader ses compagnons. En outre, les tueurs ignoraient où se trouvait leur fugitive, et il leur faudrait un long moment avant de fouiller toutes les maisons du village. C'était la raison principale pour laquelle la grand-mère avait demandé à ce que le feu principal fût éteint. Cela leur donnerait un maigre répit… Elles attendraient patiemment dans la pénombre, et se terreraient jusqu'à ce que le soleil se levât et qu'elles pussent en voir davantage. Le jour avait tendance à disperser le mal.

C'était leur meilleure chance.

Aelyn poursuivit son récit, relatant la façon dont elle avait réussi à s'échapper. Elle avait fait preuve de beaucoup d'ingéniosité et de ressource, mais surtout d'une volonté de fer. La volonté d'une mère prête à tout pour préserver la vie de son enfant. Même si celui-ci n'était pas encore né, elle refusait d'abandonner et de le laisser à la merci des hommes violents qui l'avaient attaquée. Les guerriers sous-estimaient parfois la volonté d'acier d'une mère, surtout une femme du Rohan. Elles avaient pour modèle la glorieuse Eowyn dont l'histoire n'oublierait jamais les exploits, et elles étaient capables de se dresser contre l'injustice et la folie lorsque la situation le commandait. Aelyn avait dignement incarné cet esprit de résistance et d'indépendance.

Mais le caractère indomptable avait un prix…

Les stigmates des sévices subis par la guérisseuse étaient atroces, et assez inquiétants. Ils en disaient aussi long sur le courage de la jeune femme que sur la cruauté de ses geôliers. Ils n'avaient pas hésité à s'en prendre à son enfant alors qu'il se trouvait encore en son sein. C'était un crime de la pire espèce chez tous les êtres dotés d'une once de morale. Ces hommes étaient en réalité des monstres, des créatures de cauchemar qui ne reculeraient devant rien pour accomplir leurs sombres desseins.

- Ne vous excusez pas d'avoir cherché de l'aide auprès de nous, fit la grand-mère. Vous auriez été bien bête de rejeter l'assistance de vos sœurs rohirrim. Notre royaume est divisé, mais nous savons encore nous unir lorsque c'est nécessaire.

Ces paroles réconfortantes ne changeaient pas la réalité de la situation critique dans laquelle elles se trouvaient toutes, mais elles avaient l'avantage de rappeler à Aelyn qu'elle n'était pas seule dans cette affaire. Elle pouvait compter sur le soutien indéfectible de cette petite famille, qui semblait prête à tout pour la mettre à l'abri. Cependant, ces femmes comprenaient-elles bien la nature du danger ? Il était permis d'en douter, sauf en ce qui concernait la doyenne, mais elle faisait un effort visible pour ne pas inquiéter ses filles et ses petites-filles. La guérisseuse finit par demander à voir son « patient », le jeune garçon qu'elle avait pris en otage pour pouvoir s'échapper, et qui était toujours inconscient. Solide sur ses jambes, elle prit la direction d'une petite chambre un peu à l'écart, guidée par la plus âgée des trois jeunes. Elle ne parlait pas beaucoup, mais se montrait serviable et attentive.

Quand Aelyn lui demanda de l'aider à déplacer le jeune garçon, elle eut un moment d'hésitation, avant d'écouter soigneusement les consignes de la guérisseuse, et de mettre ses maigres forces à la contribution.

- Un linge humide, je peux trouver ça, fit l'adolescente soucieuse de se montrer utile.

C'était une fermière, mais elle avait déjà quelque expérience de soigner les malades et les bêtes, aussi n'était-il pas difficile pour elle de se projeter sur de menus soins comme celui-ci. Elle promit sagement à Aelyn de s'occuper du jeune garçon, et laissa cette dernière rejoindre la doyenne. Elles devaient effectivement discuter de choses extrêmement importantes…


~ ~ ~ ~


Diviser et écraser.

Iran hocha la tête lentement.

Le plan de Learamn était simple mais efficace. Il lui rappelait ses classes dans l'armée du Rhûn. Même si les femmes y étaient tolérées, se faire une place dans un univers très majoritairement masculin n'était pas une sinécure, et elle avait dû travailler plus dur que les autres pour se hisser au rang où elle se trouvait actuellement. Elle avait passé des heures à s'entraîner, bien après que ses compagnons eussent quitté les sables de l'arène pour se restaurer. Elle avait étudié, appris des meilleurs, et elle s'était forgée une solide réputation qui était parvenue jusqu'aux oreilles de maître Gantulga de Blankânimad. Il l'avait recommandée personnellement pour entrer dans la garde royale… un appui qui suffisait à lui seul pour obtenir un poste dans le prestigieux corps d'armée.

« Iran est une guerrière accomplie » avait-il ainsi annoncé. « Elle a la force d'un tigre, l'œil vif de l'aigle, mais surtout, surtout, elle a l'intelligence et la ruse du dragon ».

Une intelligence et une ruse mises au service de la tactique militaire, qui avaient toujours produit des résultats excellents et qui l'avaient propulsée dans l'entourage personnel de la Reine. Elle avait gravi les échelons avec ce qu'elle avait dans le crâne, et avait réussi à gagner le respect de ses pairs par sa capacité à comprendre les mécanismes de la guerre pour les faire tourner à son avantage. Et sa tactique préférée ?

Un sourire carnassier fleurit sur ses lèvres.

- À vos ordres, capitaine.

Il les diviserait, elle se chargerait de les écraser.

Iran s'éloigna furtivement, traînant les deux chevaux par la bride pour rester aussi discrète que possible. La pluie tiède qui coulait sur ses épaules et sous ses pas compliquait légèrement sa progression, mais elle finit par atteindre l'endroit que lui avait indiqué Learamn : d'épais buissons qui avaient survécu difficilement à l'hiver interminable, et qui étaient désormais brûlés par le soleil. La malheureuse plante ne se remettrait sans doute pas de cette pluie soudaine qui la noyait, mais avant de périr elle offrirait une couverture idéale pour la guerrière qui se dissimula derrière, hors de vue. Elle prit la liberté de se mettre en selle, afin de pouvoir arriver rapidement en cas de danger. Learamn était ralenti par sa blessure, et si leurs ennemis sortaient en force, elle voulait pouvoir le rejoindre avant eux. Elle ne s'inquiétait pas particulièrement du sort de l'officier, ce qui était à la fois une bonne et une mauvaise chose. Une partie d'elle le considérait comme un combattant aguerri, et elle préférait lui faire confiance que de douter perpétuellement de ses capacités et de ses décisions. Mais d'un autre côté, elle avait prêté serment, et elle n'avait pas l'intention de le laisser seul face au danger. Si elle voulait se libérer de ses obligations, elle n'avait pas le choix.

Bientôt, le rugissement du cor s'éleva par-dessus celui de la pluie et du vent, promesse de mort et de désolation pour les ennemis du Rohan. L'histoire avait longtemps opposé les Orientaux et les Occidentaux, et pendant un bref instant Iran se sentit transpercée par une crainte ancestrale. Un frisson remonta le long de son échine, comme si l'appel au combat la désignait comme la cible de la furie vengeresse de ce peuple de cavaliers. Les gens du Rohan et leurs cors avaient fait couler le sang de l'Est à plusieurs reprises, et la chasseresse avait appris à haïr et à se méfier de cette menace sinistre qui flottait dans l'air, ce cri plaintif qui annonçait souvent le malheur de son peuple. Elle se remémora les récits exaltés des guerres ancestrales, où les Rhûnedain avaient lutté avec honneur jusqu'au dernier, balayés par la violence des sauvages dresseurs de chevaux, et leurs cors inquiétants. Puis elle se souvint que Learamn était aujourd'hui son allié. Dans des circonstances aussi étranges que tragiques, elle en était venue à travailler avec lui, et à vouloir défendre les mêmes intérêts que les siens. Elle ne devait pas avoir peur de cette mélodie vengeresse.

Pas aujourd'hui.

D'autres qu'elle, en revanche, devaient trembler dans leurs chausses, à l'heure où le sang devait couler. A l'intérieur de cette bâtisse, les ravisseurs de la Dame du Rohan, les assassins de Rokh, les derniers résidus de l'Ordre de la Couronne de Fer… les misérables que le monde détestait et méprisait, devaient croire leur dernière heure arrivée. Qui pouvait s'annoncer ainsi, fièrement, sinon une éored au grand complet, venue pour les faire payer leurs crimes. Ils n'étaient que deux, mais ils portaient avec eux toute la colère de leurs peuples respectifs, et c'était comme s'ils étaient des milliers tant la rage qui menaçait de les consumer gorgeait leurs muscles d'une énergie féroce. Une longue minute passa, avant que les deux guerriers ne repérassent finalement une trace d'activité à l'intérieur. Une silhouette observant à travers une fenêtre, seulement révélée par une brève éclaircie dans le ciel. Learamn sonna de nouveau dans son cor, comme pour appeler ses ennemis à la guerre…

Puis tout bascula.


~ ~ ~ ~


Aelyn s'était installée à table, avec les trois adultes : la grand-mère et ses deux filles. Les enfants vaquaient à leurs occupations, s'affairant à fermer les volets et à condamner les portes à l'aide de lourdes planches de bois qui tiendraient un certain temps. Elles étaient malheureusement les dernières du village, car toutes les autres familles avaient émigré vers Edoras ou les villages voisins. Elles seules étaient restées, se regroupant sous le même toit pour se tenir compagnie et s'entraider pendant que leurs maris et leurs pères étaient absents, affairés chez les Nains. La doyenne ne pouvait pas s'en plaindre, car elle était heureuse d'avoir sa famille auprès d'elle, et même si ses petits-fils étaient absents, elle pouvait se féliciter d'avoir à s'occuper de cinq belles âmes, fortes et courageuses. C'était elle qui avait insisté pour les accueillir sous son toit, pour qu'elles missent en commun ce qu'elles avaient le temps que la situation revînt à la normale. C'était sans doute une sage décision…

- Nous avons bien quelques fourches, fit une des mères. S'ils essaient de vous toucher, nous les accueilleront comme il se doit.

- Tu devrais aller les chercher, lança la matriarche.

- Je peux y aller, grand-mère. J'ai fini.

C'était la petite Lora. Elle avait l'air un peu effrayée, mais courageuse néanmoins. Son regard glissa vers Aelyn, et elle rougit légèrement. Du haut de ses dix ans, elle n'était pas bien grande, mais elle avait envie de se montrer à la hauteur de la tâche, et de protéger cette inconnue qui venait d'entrer brusquement dans leurs vies. Même si cela impliquait de courir au-dehors, dans l'inconnu. L'idée paraissait ne pas rencontrer l'unanimité, et quelques voix s'élevèrent contre cette idée, mais la petite trouva les mots pour convaincre ses aînées :

- Je peux me faufiler… Personne ne me verra. Et puis je connais bien la grange.

Ce dernier argument calma légèrement l'opposition. Elle y jouait effectivement régulièrement avec ses amis et ses sœurs, ce qui ne manquait pas d'agacer gentiment ceux qui y travaillaient quotidiennement, et qui devaient composer avec les interminables parties de cache-cache d'enfants qui leur couraient dans les jambes alors qu'ils soignaient les animaux, ou stockaient les réserves pour l'hiver. Lora avait toujours été la plus douée, et elle connaissait toutes les meilleures cachettes, au grand désespoir de ceux qui essayaient de la retrouver. Elle saurait indéniablement se débrouiller et échapper au danger si jamais il venait à se présenter. En outre, l'envoyer au dehors permettait à sa mère et sa tante d'assurer la protection d'Aelyn. De toute façon, elles prenaient toutes des risques immenses dans cette histoire… L'affaire fut rapidement entendue, et la petite s'éclipsa discrètement, non sans avoir convenu au préalable d'un code pour lui permettre d'entrer. Deux coups rapides, trois coups longs, deux coups rapides.

- Ne vous en faites pas, souffla la grand-mère en essayant de cacher sa propre inquiétude. Lora est une enfant pleine de ressource…

Cela suffirait-il pour autant ?

Seul l'avenir le leur dirait. Mettant à profit chaque moment qui leur était donné, les femmes décidèrent de convenir d'un plan. Aelyn n'eut pas véritablement son mot à dire dans l'affaire, puisque la doyenne insista pour qu'elle fût au centre de leurs préoccupations, comme si sa survie primait sur celle de toutes les autres. Puisque c'était elle que recherchaient les assassins, c'était elle qu'il fallait protéger en priorité. Il s'agissait d'une idée avec laquelle les deux mères étaient en parfait accord, et la guérisseuse n'eut pas le choix que d'être traitée au même rang que les trois filles. La grand-mère essaya de récapituler :

- Vous, fit-elle en pointant Aelyn du doigt, vous cacherez dans la réserve avec les filles. Vous y serez un peu à l'étroit, mais ils ne penseront pas à chercher sous le plancher… Mes filles et moi, nous nous cacherons dans ma chambre. S'ils forcent l'entrée de la maison, nous essaierons de les convaincre qu'ils font fausse route, et nous leur donnerons plus d'une raison de repartir s'ils insistent et essaient d'entrer dans la chambre. Attendons seulement que Lora revienne pour nous enfermer soigneusement.

Le destin se chargea cependant de jeter le trouble sur leur plan. Rompant le claquement régulier de la pluie contre le toit, un son très spécifique s'imposa à leurs oreilles. Un hennissement. Un cavalier venait d'arriver dans le village. Peut-être davantage, comment auraient-elles pu le dire ? Elles ne pouvaient pas affirmer avec certitude que ce ou ces cavaliers étaient la menace qu'elles redoutaient… mais pouvaient-elles prendre le risque ? Qui d'autre pouvait se promener dans les plaines du Rohan à une heure pareille, et arriver dans un village où jamais personne ne se rendait si peu de temps après Aelyn ? Des secours ? Ou bien les mêmes hommes qui l'avaient placée dans cette situation, et qui espéraient désormais finir le travail ?

Les femmes se regardèrent.

Elles avaient un autre problème, qui pesait sur leurs consciences comme une enclume… Lora n'était pas encore rentrée. Que devaient-elles faire alors ? Pouvaient-elles toujours se barricader comme prévu, en prenant le risque de laisser la jeune fille dehors avec un ou plusieurs inconnus dont seuls les Valar connaissaient les intentions ?

La vie d'une enfant, certes débrouillarde, valait-elle davantage que celle d'une guérisseuse d'Edoras ?


~ ~ ~ ~

Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 Iran10

Il avait ouvert la porte en grand, sans se soucier de la refermer. Cela aurait probablement dû les mettre sur la piste. Ils étaient pourtant restés cachés patiemment, fidèles à leur plan initial. Iran, le corps plaqué contre l'encolure de sa monture, observait la situation avec les yeux et la posture d'une lionne suivant sa proie du regard. Une proie dont l'attitude trahissait une forme de panique, et un grande empressement, des gestes saccadés qui n'étaient pas forcément très cohérents. Une proie qui ne se comportait pas non plus exactement comme prévu. La stratégie de Learamn était simple : forcer les hommes qui se trouvaient à l'intérieur à sortir, à prendre un risque, à aller vérifier de quoi il retournait. Diviser. La suite était déjà écrite, et ils connaissaient tous les deux suffisamment leur métier pour savoir quoi faire quand l'occasion se présenterait. Mais l'occasion ne se présenta jamais.

Au lieu de sortir à la recherche de celui qui avait soufflé dans le cor, la silhouette qu'ils avaient aperçue prenait la direction inverse. Celle des écuries. Vers le seul cheval qui se trouvait dans les parages.

L'homme prenait la fuite !

Iran comprit cela avec un temps de retard, au moment où elle le vit s'empresser de se hisser en selle, jetant des regards inquiets derrière lui comme s'il craignait de voir surgir la moitié de l'armée du Rohan sur ses talons. La guerrière se redressa et, s'assurant qu'elle tenait fermement la bride du cheval de Learamn, elle se lança au galop dans sa direction, s'arrêtant à ses côtés au moment même où leur fuyard quittait l'écurie à bride abattue.

- Un traître doublé d'un lâche ! Il a préféré prendre la fuite ! Que faisons-nous, capitaine ?

Elle avait laissé le cheval à Learamn, prête à suivre ses directives. Tout son instinct de guerrière lui criait de courir après le malandrin, de le rattraper et de lui faire payer ses crimes. Toutefois, elle savait que bien d'autres choses étaient en jeu que la mémoire de Rokh. Le Rohirrim cherchait à sauver quelqu'un qui était encore en vie, et elle ne pouvait pas faire passer ses préoccupations avant celles parfaitement légitime de son seul allié. Mais pouvaient-ils réellement laisser cet homme s'échapper ? Ou du moins prendre une avance considérable, puisque la pluie rendait ses traces aisées à suivre. Ils ne pouvaient pas affirmer avec certitude qu'Aelyn se trouvait à l'intérieur de la demeure, mais ils ne pouvaient pas non plus écarter cette possibilité d'un revers de main. Peut-être qu'une douzaine de tueurs armés se trouvaient encore à l'intérieur, prêts à les cueillir… Cet homme effrayé était peut-être une distraction, un leurre pour les pousser au dilemme.

Les diviser.

Iran fronça les sourcils.

- Capitaine ?

L'empressement dans sa voix était parfaitement audible, alors qu'elle fixait leur ennemi de ses yeux glacés. La silhouette du cavalier disparaissait déjà au loin, et avec elle la promesse de venger Rokh. Elle était liée à Learamn par serment, mais tout son être la poussait à poursuivre cet homme… Elle se tourna vers le Rohirrim, qui hésitait toujours sur la marche à suivre :

- Capitaine, que faisons-nous ?

Une décision devait être prise. Rapidement.


Membre des Orange Brothers aka The Bad Cop

"Il n'y a pas pire tyrannie que celle qui se cache sous l'étendard de la Justice"
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Aelyn
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- -:

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Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn] - Page 2 EmptyMar 28 Aoû 2018 - 20:52
Aelyn était désormais assise autour de la table où présidait la matriarche au milieu de ses filles. Victime d’un terrible mal de tête, la guérisseuse se sentait paradoxalement plus elle-même qu’elle ne l’avait été tous ces jours durant. Elle avait eu l’impression que ses pensées n’étaient que des oiseaux affolés qui se fracassaient contre les parois de son crâne, incapable de s’échapper. Maintenant, la volière était calme, ses pensées claires et son cœur stable. En remontant le fil de sa mémoire des quelques jours écoulés, elle se renvoyait une image à faire froid dans le dos, digne des dernières heures de cette pauvre Farma. Cette pensée suffit à la faire rougir de honte, soulagée malgré elle que Gallen n’ait pas été là pour voir ça. Quel triste spectacle elle avait donné d’elle, ajouté à ça sa terrible décision de prendre un adolescent en otage, et voilà le triste tableau de ce qu’elle était devenue. Après toutes ces épreuves, tout ce qu’elle avait traversé, elle craquait maintenant ? Maudites humeurs. La grossesse avait tendance à vous retourner la tête en temps normal mais dans de pareilles circonstances, que pouvait-elle attendre d’autre ?

Elle se concentra sur sa douleur, physique, tangible, pour reprendre parfaitement pied dans la réalité. Ce n’était pas ce qui manquait. Tout son corps vibrait et tambourinait atrocement. Il fallait qu’elle se retrouve. Cette Aelyn qui avait tout traversé, du veuvage aux tentatives d’assassinat, de la folie d’une amie à celle d’inconnus. Cette Aelyn qui avait vu plus de cadavres que la plupart des femmes de son rang – ses rangs, passé et présent. Celle qui avait porté le poids d’une famille dans la solitude des années durant et qui pourtant avait réussi à aimer de nouveau. Celle qui avait supporté les regards dédaigneux de la cour d’Edoras et le mépris des soldats sans baisser la tête. Elle puisa en elle, invoquant cette femme-là que les circonstances réclamaient. Elle ne pouvait pas se permettre face au danger imminent d’être moins que cette femme-là. Elle ne manquait pas de courage, il fallait juste qu’elle le réveille de là où il s’était recroquevillé, assommé par la peur et les privations. Elle l’y retrouva, le cajola, le rappela à elle. Puis elle fut de nouveau totalement elle-même.
De l’extérieur, la différence fut frappante. Comme une plante desséchée que l’on arrosait après de longs mois elle se redressa, plus noble et plus fière. Son regard avait retrouvé un éclat particulier, vivant.

Autour des quatre femmes attablées, les filles avaient fait un excellent travail, barricadant et calfeutrant toutes les portes et les fenêtres. De dehors, il aurait été bien difficile de juger que cette maison était habitée. Les épaisses barres placées en travers de la porte d’entrée pouvait sembler dérisoire face aux brutes qui la pourchassaient, mais Aelyn les trouvaient immensément rassurantes. Un sentiment de sécurité relative l’étreignit et, pendant un instant, elle se demanda si finalement il n’y avait pas plus d’espoir qu’elle ne se l’était imaginée. L’invisibilité que pouvait leur conférer l’ombre et le silence serait peut-être leur planche de salut après tout. Pourquoi prendraient-ils la peine de fouiller des maisons vides, au risque de perdre un temps précieux dans sa poursuite ? Peut-être même décideraient-ils que ce village fantôme ne valait pas la peine de s’y attarder et qu’elle aurait poussé plus avant à la recherche de soldats, d’hommes, d’une quelconque force brute susceptible de la protéger et la défendre efficacement ? Après tout, une maison vide n’était qu’un piège mortel pour qui était poursuivit. La guérisseuse s’accrocha à cet espoir ténu avec la même ferveur qu’à un rondin au milieu d’un fleuve en furie. Les autres possibilités, les autres futurs possibles, étaient si sombres qu’elle n’osait y songer.

La famille semblait déterminer à ne rien laisser lui arriver, quitte à prendre des risques insensés elles-mêmes pour lui servir de couverture. Aelyn ne pouvait accepter ça. Sa vie n’en valait pas autant. Même si elle n’avait aucune envie de mourir, si elle était morte de peur et si elle avait encore tant de chose à vivre et à faire, jamais elle ne pourrait accepter de voir des gens mourir pour elle, des civils qui plus est. Pire, des enfants ! C’était tout bonnement impensable ! Elle se heurta pourtant à une résistance farouche des femmes concernant leurs devoirs vis-à-vis d’une sœur rohirrim dans le besoin et la détresse. Et même si cela l’horrifiait de penser au pire, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir soulager. L’idée de se retrouver de nouveau seule contre tous l’angoissait au-delà du concevable.

Le résumé des armes à leur disposition fut vite expédié. Des outils de fermes et des instruments de cuisine, voilà la maigre armurerie que comprenaient les lieux. Contre des hommes armés d’épées et de dagues, supérieur en nombre et en expérience, peut-être même formé au combat, ces fourches et gourdins ne feraient pas long feu.

Lorsque l’une des fillettes se désigna volontaire pour aller chercher les fourches dans la grange, la pauvre guérisseuse écarquilla grands les yeux, horrifiée à cette simple idée. Une vraie petite rohirrim cette enfant, courageuse et volontaire. Mais sans aucune notion des immenses dangers qu’elle courait hors de ces murs. Oh, bien sûr, les enfants de la campagne étaient plus prudents et débrouillards que ceux des cités, habitués aux petits brigandages et aux bêtes sauvages, elle-même avait été de ceux-là que peu de choses impressionnaient… pourtant ça ne pouvait être suffisant face à de telles brutes.

« Je ne pense pas que… » commença la guérisseuse avant d’être interrompu par une autre protestation, celle de la mère de la fillette en question sans doute.

Mais la petite avait de la suite dans les idées, et déjà des arguments fins prêts. Et quand finalement les femmes de la maison acceptèrent de lui confier cette mission, Aelyn ne put rien y faire, si ce n’était une grimace douloureuse et inquiète sur son visage. Inconsciemment, elle passa sa main blessée sur l’arrondi de son ventre. Voilà à quoi en était réduit le Riddermark… Elle soupira, la tête baissée, en entendant le porte de bois se refermer derrière la petite qui disparaissait dans l’obscurité.

- Ne vous en faites pas. Lora est une enfant pleine de ressource…

Les paroles de la matriarche ne la rassuraient qu’à moitié mais elle n’avait d’autre choix que de faire confiance à ces femmes, dernier rempart entre elle et ses bourreaux, qui n’hésiteraient pas une seule seconde à toutes les tuer s’ils la découvraient ici. Elle eut un sourire triste mais déterminé en direction de la grand-mère.

Finalement la réunion de crise reprit. Les femmes se mirent d’accord sur un plan d’action, demandant rarement son avis à leur invitée. Aelyn était si fatiguée et perdue qu’elle n’avait de toute façon pas grand-chose à ajouter. Elles seules connaissaient les lieux et leurs points forts suffisamment pour élaborer un plan de bataille. Ce n’était pas son habitude de laisser les autres prendre des décisions à sa place pourtant, mais elle était en territoire inconnu. Elle les écouta donc en silence, nerveuse à l’idée que les choses puissent mal tourner. Quelque part, elle se demandait si, en poussant quelques heures plus loin, elle ne serait pas tombée sur une patrouille, ou un hameau qui ne soit pas vidé de ses hommes, peut-être même des vétérans en retraite qui auraient pu intimider ses poursuivants… Ou alors elle se serait retrouvée écrasée sous le poids de sa monture épuisée à découvert et condamnée à une mort atroce. Elle préférait ne pas y penser finalement.

Quand les femmes arrivèrent enfin à un consensus, la vieille grand-mère récapitula le plan. Aelyn serait relayée avec les enfants.

« Et que fait-on du garçon ? S’ils le trouvent chez vous, ils sauront… Il faut le cacher aussi. Qu’ils ne le trouvent pas… »

Elle se mordit la lèvre inférieure pour s’empêcher de continuer. Qu’y avait-il de plus à dire de toute façon ? Chacune des femmes présentes dans la pièce connaissait les conséquences du moindre de leurs actes à partir de ce moment très précis où Aelyn avait déroulé le fil de son récit. Il n’y avait plus de retour en arrière depuis qu’elles avaient accepté de lui venir en aide quoi qu’il leur en coûte. Les dés étaient jetés.

Les minutes s’égrainèrent mais la petite Lora n’était toujours pas revenue. Il était de plus en plus certain que les kidnappeurs de la guérisseuse se rapprochaient inexorablement. Bientôt il serait trop tard pour que la petite fille revienne. Et personne ne pouvait se risquer dehors pour la chercher au risque d’attirer l’attention. Le plan commençait déjà à montrer ses failles à mesure que les femmes dans la maison devenaient nerveuses. Qui pouvait se résoudre à barrer la porte sachant que l’enfant pouvait revenir d’une seconde à l’autre. Encore une minute, puis une autre, et toujours rien. La pluie et l’obscurité au dehors empêchaient de voir ou d’entendre quoique ce soit.

Soudain, un hennissement perça le déluge. Aelyn se raidit. Non, ils ne pouvaient pas déjà être là ! La petite était encore dehors… Maltraitant les pans de son ample robe de grossesse, la pauvre jeune femme était déchirée. Il était trop tard ! Soit elles barraient la porte maintenant, misant sur la discrétion et la débrouillardise de Lora, soit elles prenaient le risque d’être toutes à la merci des agresseurs.
Sans perdre une seconde, l’une des mères attrapa Aelyn par le bras et la traîna, ainsi que les deux enfants restantes, dans la planque sous le plancher qu’elles lui avaient indiqué un peu plus tôt.

- Elle est débrouillarde… répéta la grand-mère, sans doute autant pour se rassurer elle-même que pour rassurer les autres.

Ce fut la dernière chose qu’entendit Aelyn et les filles avant que la trappe ne se referme sur elles. A travers les lattes, elle entendait la mère de Lora tenter de convaincre sœur et mère de la laisser prendre le risque d’aller chercher sa fille. La plus jeune des enfants se serra contre l’aînée, visiblement terrorisée plus qu’elle ne voulait le laisser paraitre.
L’esprit d’Aelyn tournait à une vitesse folle. Elle prit alors une résolution dans le silence de mort de la cachette. Si jamais elle entendait le moindre mot ou le moindre son indiquant qu’on s’en prenait à la famille, qu’importe son membre, elle sortirait de sa cachette et se livrerait. Il était hors de question qu’elle les laisse se sacrifier pour elle ! Avec un peu de chance, elle serait une distraction suffisante pour laisser une chance à la matriarche et son clan. Peut-être pourrait-elle les supplier de les épargner… En pensée, elle s’excusa auprès d’Eofyr et d’Eogast, auprès de Gallen, et auprès de l’enfant qu’elle portait en son sein et qui peut-être ne verrait jamais la lumière du jour. Une larme coula sur la joue de la guérisseuse. Elle porta la main à son collier, sentit le petit pendentif d’émeraude contre sa paume. Hengest… Serait-il là pour l’accueillir si l’issue de cette histoire devait lui être fatale ? Elle n’en doutait pas. Cette pensée fit naître une paix nouvelle en elle. Elle savait quoi faire maintenant. Elle referma les yeux et tendit l’oreille. Il ne fallait pas qu’elle en perde un soupire.


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