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 La Demeure dans les Fondations

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Hadhod Croix-de-Fer
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Hadhod Croix-de-Fer

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La Demeure dans les Fondations EmptySam 12 Nov 2016 - 21:49


Après avoir suivi les traces du chariot en sens inverse, le duo était arrivé au sommet d'une douce colline qui offrait une vue dégagée et permettait de voir loin à l'ouest. Ils avaient alors discerné les ruines dont avaient parlé les esclavagistes deux jours plus tôt et avaient tâché de s'y rendre en suivant une ligne aussi droite que le leur permettait le terrain. Ça n'avait pas été aisé car il s'agissait sans doute là de l'accès le moins évident pour atteindre l'ancienne cité des Mírdain, mais ils avaient néanmoins réussi : ils avaient atteint les ruines desquelles on disait que bien peu d'âmes jugeaient bon de s'approcher...

♦ ♦ ♦

À moitié courbé sur son cheval, Oropher tentait de garder un esprit lucide et pragmatique malgré la douleur atroce qui martyrisait son dos. Ce n'était pas chose facile, le sang s'étant remis à couler depuis quelques heures et il sentait le liquide chaud imprégner ses habits déjà bien souillés ; un sang mêlé d'humeurs jaunâtres dues à l'infection. De temps à autre le renégat agrippait sa tunique au niveau de son flan et la faisait glisser un peu, ce qui lui arrachait une grimace et un gémissement de douleur mais permettait au tissu de ne pas trop coller aux entailles. Mais ce qui l'inquiétait le plus, c'était le silence pesant qui occupait les lieux, brisé seulement par les murmures du vent dans les aspérités des vieilles pierres et le croassement rauque et lugubres de quelque corbeau. Il n'entendait aucune voix humaine, ou elfique ou de quelque race douée de parole que ce fût et se demanda bientôt s'ils avaient fait le bon choix en venant ici. En deux jours, les individus que les esclavagistes avaient vus de loin n'étaient peut-être plus du tout dans les parages...

Il se risqua à faire part de son angoisse à Lithildren qui menait toujours le cheval par la bride. Elle avait ignoré ses paroles pendant la majeure partie du voyage, mais ils se voyaient maintenant dans l'obligation de se concerter pour prendre la meilleure décision possible.

- Lith...

Volontairement ou par habitude elle ne sembla pas l'entendre.

- Lithildren...

L'elfe à la chevelure de jais arrêta sa marche, imitée par l'équidé, et tourna légèrement la tête en sa direction comme pour tendre l'oreille. C'était plutôt bon signe à vrai dire. Oropher parla d'un voix que la douleur rendait presque éraillée par moment :

- Je commence à me demander si ce groupe de personnes n'est pas simplement né des hallucinations d'un de nos geôliers, qui aurait trop forcé sur la bouteille... Le Borgne ne les a pas vus, lui, et peut-être qu'il avait raison malgré son œil manquant. Et même si ce groupe a réellement existé, il ne sera pas resté à la même place pendant deux jours et deux nuits ! C'étaient là peut-être simplement des voyageurs égarés qui s'étaient attardés près de ces ruines par curiosité... Ou alors... ils venaient pour un but précis et sont entrés dans cette vielle cité, mais dans un endroit spécifique, caché, dans lequel nous ne pouvons les voir.

L'ex-agent de l'Ordre de la Couronne de Fer ne souhaitait pas attiser de discorde, aussi se garda-t-il bien de critiquer le choix de son amie de venir chercher de l'aide en ce lieu incongru, mais il regrettait en lui-même de ne pas avoir tenté leur chance au Pays de Dun où ils auraient à coup sûr trouvé des habitants. Cela aurait pu les mener vers une bonne ou une mauvaise fortune, mais ç'aurait été mieux que le calme plat qu'ils trouvaient là. Et pourtant il ne pouvait lui en vouloir, il lui avait clairement proposé les possibilités et lui avait laissé libre choix ; elle avait décidé de continuer la route avec lui plutôt que de le laisser à son triste sort et il lui en était reconnaissant. Reconnaissant mais malheureux car ne trouver personne ici lui promettait des jours et des jours de souffrance en l'absence de soins. Peut-être même risquait-il la septicémie si l'infection gagnait l'intérieur de son corps... Il avait trop peu de connaissance en médecine pour connaître précisément les risques et les séquelles éventuelles. Tout ce qu'il savait, c'est que le Borgne avait eu la main lourde, très lourde.

- J'espère que ma deuxième hypothèse est la bonne... Et il n'y a qu'un seul moyen de le savoir : en cherchant. Je me demande s'il vaut mieux partir chacun de notre côté pour fouiner dans ces ruines et nous retrouver ici même à une heure donnée, ou bien mener les recherches ensemble ? Mon cœur me dit clairement...

Mais Lithildren ne sut jamais ce que le cœur d'Oropher venait de lui dire de façon si claire, car ce dernier s'arrêta net au milieu de la phrase. Se tenir ainsi sur sa monture lui permettait d'avoir une vision plus haute que sa camarade et de toute évidence il venait d'apercevoir quelque chose. Les yeux plisser, il fixait un point à quelque distance derrière elle par dessus son épaule. Elle n'eut pas le temps de se retourner que des pas précipités se firent entendre. Il en arriva également de la gauche et de la droite, simultanément. En un clin d’œil trois silhouettes apparurent de nulle part. Elles arrivèrent avec une grâce et une rapidité digne des elfes, et effectivement leur allure filiforme et leur oreilles pointues confirmèrent leur nature : ils étaient bien de leur race quoique peut-être pas du même peuple. Tous trois avaient des cheveux blonds tirant légèrement sur le roux et ils étaient vêtus de différentes teintes de gris et de brun. Ils encerclèrent Oropher et Lithildren et gardant quelques mètres de distance, et les tinrent en joue avec leurs grands arcs bandés.

L'un d'eux, qui semblait plus calme et plus âgé que les deux autres, prit la parole en langue sindarine, que la majorité des elfes de la Terre du Milieu comprenaient :

- Le territoire sur lequel vous vous trouvez, vous n'avez rien à y faire. Pourquoi errez-vous dans ces ruines ? Vous ne trouverez rien là-dedans.

D'un discret signe de tête, il transmit un message tacite à ses deux semblables. Ceux-ci bandèrent leurs arcs plus que jamais. Visiblement cela ne les gênait aucunement que la question posée reste sans réponse...


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Lithildren Valbeön
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La Demeure dans les Fondations EmptyDim 13 Nov 2016 - 18:44
La marche durait depuis un certain temps déjà, et nulle âme ne fut aperçue parmi la désolation des âges anciens. Le vent sifflait entre les pierres, léchait les murs avec douceur et venait caresser la peau de Lithildren. Le silence bourdonnait dans les oreilles de l'elfe aux cheveux de jais. Ses pas étaient lourds, pesants ; la fatigue gagnait peu à peu le corps de cette femme si forte et pourtant si fragile. Oropher n'avait de cesse de l'appeler depuis leur départ des parmi les collines et la plaine vide, mais elle ne répondait pas. Elle se demandait encore si elle avait fait le bon choix ou s'il fallait rebrousser chemin. Elle aurait souhaité le faire, mais si elle le faisait, il mourrait. Oropher était condamné. Le laisser ici la libérerait d'un fardeau immense : celui des souvenirs. Mais cela lui ajouterait celui du remord, de la peine... Perdre son fiancé était assez, elle ne voulait pas non plus perdre cet elfe pour lequel elle ignorait encore la teneur de ses sentiments.

- Lith...

Il n'allait donc jamais arrêter ? Ce surnom exaspérait l'elfe. Elle ne voulait plus l'entendre. Cela lui rappelait trop de bonnes choses, autant que les mauvaises. Elle raffermit sa prise sur la bride et allongea un peu le pas.

- Lithildren...

Elle tiqua et se stoppa. Son ton était lent, bas, las, éraillé. Elle tourna pourtant à peine la tête pour avoir une oreille face à lui et l'entendre. Voire l'écouter.

- Je commence à me demander si ce groupe de personnes n'est pas simplement né des hallucinations d'un de nos geôliers, qui aurait trop forcé sur la bouteille... Le Borgne ne les a pas vus, lui, et peut-être qu'il avait raison malgré son œil manquant. Et même si ce groupe a réellement existé, il ne sera pas resté à la même place pendant deux jours et deux nuits ! C'étaient là peut-être simplement des voyageurs égarés qui s'étaient attardés près de ces ruines par curiosité... Ou alors... ils venaient pour un but précis et sont entrés dans cette vielle cité, mais dans un endroit spécifique, caché, dans lequel nous ne pouvons les voir.

Elle se tourna vers lui, prise d'une colère sourde. Elle montra les crocs et le foudroya du regard. Il osait critiquer le choix de son "amie" alors qu'il lui avait laissé faire ce choix seule ?! Lithildren s'approcha en mettant une main sur la garde d'une des épées qu'elle avait récupéré lors de la tuerie de la caravane, avant qu'il ne rouvre la bouche pour continuer son discours. Elle était prête à dégainer pour achever Oropher, par colère et un minimum de compassion.

- J'espère que ma deuxième hypothèse est la bonne... Et il n'y a qu'un seul moyen de le savoir : en cherchant. Je me demande s'il vaut mieux partir chacun de notre côté pour fouiner dans ces ruines et nous retrouver ici même à une heure donnée, ou bien mener les recherches ensemble ? Mon cœur me dit clairement...

Il se stoppa net. Son souffle s'accéléra, ses pupilles se rétractèrent et il laissa en suspens un mot, une phrase entre ses lèvres entrouvertes. Lithildren dégaina et se tourna. Le vent souffla un peu plus fort tandis que trois silhouettes elfiques surgirent des murs sans faire un seul bruit. Leurs cheveux blonds tirant sur le roux et leurs habits dans les teintes des murs donnaient à ces elfes un air bien étrange. Ils bandaient leurs arcs si fort que Lithildren crut que les armes allaient rompre. L'un deux se redressa, baissa un peu son arc et parla d'une voix qui résonna entre les murs.

- Le territoire sur lequel vous vous trouvez, vous n'avez rien à y faire. Pourquoi errez-vous dans ces ruines ? Vous ne trouverez rien là-dedans.

Son geste de tête et le fait que les deux autres se tinrent prêts à tirer firent changer Lithildren du tout au tout. Elle lâcha son épée et se mit à genoux au sol. Elle prit un ton implorant et larmoyant, dans la Langue Commune.

- Non ! Pitié, non ! Ne lâchez pas votre courroux sur nous telle la tempête ! Je ne souhaitais pas attiser votre colère ! Mon ami est gravement blessé, et il a besoin de soins urgents ! Je vous en supplie, accordez-lui votre miséricorde ! Si quelqu'un est à blâmer, c'est moi ! Tuez-moi si cela vous plaît, mais sauvez-le de la douleur et de la mort.

Lithildren avait une attitude de religieuse devant une effigie : sur les genoux, mains jointes aux doigts entremêlés... Elle se releva aussi sec et fit descendre Oropher de cheval. Celui-ci, devenu bien faible, s'effondra sur les genoux. Lithildren montra l'étendue des dégâts à l'elfe ayant parlé, puis leva sur lui un visage aux yeux embués, les joues trempées de larmes et un air effondré.

- Je vous en supplie...

L'autre elfe observa le duo et avança d'un pas. Lithildren le regardait, alors qu'il levait la main pour faire signe à ses acolytes. Ce que cela signifiait, l'elfe ne le savait pas...

#Lithildren
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptyDim 20 Nov 2016 - 15:32
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Pendant une seconde, Oropher se demanda si l'arrivée impromptue de ces inquiétants archers ne lui avait pas sauvé la vie. Ou en tout cas prolongé la vie pour encore une minute, ou plusieurs si les discussions duraient davantage. Car la soudaine apparition du trio avait interrompu l'élan de rage de Lithildren et lui avait fait lâcher la poignée de sa nouvelle épée. Avait-elle eu réellement l'intention de le tuer, simplement parce qu'il venait de lui faire part d'une inquiétude ? Ou était-ce juste pour lui faire peur et l'inviter à tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de lui parler à nouveau ? La réaction de la belle était démesurée, mais Oropher mit cela sur le compte de la fatigue et surtout de l'angoisse qui avait commencé à ronger leurs entrailles : l'angoisse de ne pas trouver âme qui vive dans ces ruines lugubres. S'il en croyait cette logique, Lithildren avait saisi son épée contre lui justement parce qu'elle s'inquiétait pour sa vie... Drôle de paradoxe, mais il préférait largement cela à l'indifférence dont elle avait fait preuve pendant le trajet. Le renégat n'eut toutefois pas le loisir de méditer sur le comportement de celle qu'il aimait... qu'il aimait bien... bref de celle qui comptait pour lui, non plus que d'aborder la chose avec elle.

Trois elfes dont il ne connaissait ni les noms ni l'affiliation les avaient pris au piège, et leur visages froids et sévères ne laissaient pas plus d'espoir que le craquement du bois de leurs arcs tendus. Oropher ne chercha même pas à se défendre, sachant pertinemment que lui et sa camarade d'aventure ne pouvaient rien face aux flèches prêtes à jaillir. Sa fatigue et sa douleur lui interdisaient toute action vive, de toute façon. Une pointe de flèche bien placée lui assurerait une agonie brève et mettrait fin à ses souffrances. Alors il n'importunerait plus Lithildren de ses remarques agaçantes...

Quelle ne fut pas sa surprise de voir cette dernière implorer littéralement leurs agresseurs, et aller jusqu'à se mettre à genoux en pleurant les mains jointes pour le sauver au détriment de sa propre vie. Bien qu'il se fût habitué peu à peu aux sautes d'humeur de l'elfe au cheveux de jais, Oropher en resta bouche bée. Comparée à l'instant d'avant, c'était une deuxième Lithildren qu'il voyait là. Et il pensa de façon certaine que c'était la vraie Lithildren : il était convaincu qu'un individu, quel qu'il soit, révélait ses émotions véritables lorsqu'il était confronté à l'inattendu. Sa réaction était alors spontanée et libérée de tout calcul. Et cette sincérité présumée le toucha au plus profond de son être. C'était la deuxième fois qu'elle faisait passer sa vie avant la propre sienne. Cela le prenait aux tripes, lui donnait envie de la prendre dans ses bras et de ne jamais, jamais la lâcher. Pourtant il le savait bien, leur sort ne serait pas différent : soit les elfes décideraient d'occire ces deux intrus, soit ils leur laisseraient miraculeusement la vie sauve, mais ils ne feraient sans doute pas de demi-mesure.

Il vit l'elfe le plus âgé effectuer un signe de la main à ses deux acolytes. Ce devait être là, assurément, une communication courte en mátengwië, le langage gestuel des elfes. Oropher savait l'employer et pourtant il ne parvenait pas à retranscrire le geste de l'elfe : ils devaient user de leur propre variante de mátengwië, sans doute. Les deux autres archers débandèrent leurs arcs et les abaissèrent, mais ne remisèrent pas pour autant leurs flèches dans leurs carquois. Leur interlocuteur se tourna alors vers Lithildren.

- Il est étrange, fit-il remarquer en westron cette fois, que vous utilisiez le langage commun pour répondre à une phrase énoncée en sindarin. Êtes-vous ignare à ce point pour ne pas comprendre la langue que tous les elfes connaissent ? On croirait entendre un de ces humains irréfléchis ! De quelle cité pouvez-vous bien venir, je me le demande...

Ces paroles brutales ne laissèrent pas Oropher indifférent. Toujours à genoux et malgré sa souffrance, il sentit une colère sourde monter en lui et le parcourir jusqu'à l'extrémité des doigts. Cette colère lui donna l'envie de se lever, de se saisir de l'épée glanée deux jours plus tôt et de faire sauter la tête de cet arrogant qui insultait son amie. Mais il résista à la tentation et ne le fit point : une telle réaction les condamnerait tous deux et annihilerait la lueur d'espoir qui était apparue lorsque leurs agresseurs avaient baissé leur armes. Qui plus est, il en était tout bonnement incapable physiquement. Il préféra exprimer son mécontentement de manière verbale, en westron également :

- Je me demande exactement la même chose, en vérité. De quelle cité êtes-vous les ressortissants, vous qui agissez comme si vous étiez les gardes de ces ruines inhabitées ? Moi j'ai compris votre phrase, mais je m'attriste de voir que vous usez d'une si belle langue pour dire d'aussi grandes sottises. Ces ruines, nous avons autant le droit de les fouler que vous, voyageurs que nous sommes. Cela fait bien longtemps que les Noldor les ont abandonnées.

Les deux archers relevèrent leurs arcs en fronçant les sourcils, mais le vieil elfe les rappela à l'ordre d'un nouveau signe de la main.

- Ce peut faire bien longtemps que leurs premiers occupants n'y habitent plus, effectivement, mais elles n'en demeurent pas moins chargées d'histoires et des échos du glorieux passé, et nous n'apprécions pas que les voyageurs comme vous, fussent-ils des elfes, s'y baladent à la légère sans le moindre respect, ou profanent ces lieux...

- Nous ne sommes pas venus profaner ni nous promener. N'avez-vous pas entendue ma camarade ? Je suis blessé, nous traversions ce pays et nous avons vu ces ruines au loin. Nous nous sommes hâtés d'y venir en espérant trouver une âme charitable qui pourrait me dispenser aide et soins. Mais si vous ne pouvez pas ou si vous ne voulez pas, alors dites à vos hommes de me transpercer de leurs flèches car cela reviendra au même !

Voyant que les deux intrus à genoux n'avaient pas l'intention de se battre, le vieil elfe se déraidit un peu et s'adressa à ses frères dans un sindarin tellement chargé de termes étranges que même Oropher ne parvint pas à comprendre de manière sûre ce qu'il disait. Les échanges durèrent plusieurs minutes durant lesquelles il put voir tour à tour l'incompréhension, la réprobation et l’agrément se dessiner sur les traits des deux autres archers. L'un d'eux rangea alors sa flèche d'un geste vif, enfila son arc en bandoulière et vint voir Oropher ; sans grande douceur il lui enleva sa cape et lui demanda d'ôter sa tunique, ce qu'il fit. Il observa un instant la gravité des blessures et la propagation de l'infection, passant son doigt sur les entailles du fouet. Puis sans crier gare il s'éloigna d'un pas rapide avant de disparaître parmi les ruines en direction du nord-ouest. Finalement ce fut à nouveau l'elfe plus âgé qui se tourna vers Oropher et Lithildren...

- Bien. Nous avons décidé la chose suivante : je viens d'envoyer Celegitirn chercher les plantes médicinales et ingrédients nécessaires à l'enrayement de votre infection et à la cicatrisation de vos blessures. Nous allons tenter de vous guérir. En échange nous vous demanderons tous deux un service que vous ne pourrez pas nous refuser. Je vous dirai en quoi cela consiste plus tard.

Ils attendirent une heure, peut-être deux, avant que l'elfe ne revienne. Il portait à présent une sorte de grosse blague en cuir dont il vida le contenu. Il y avait là divers sachets en toile fine contenant les broyats de différentes plantes séchées, ainsi que des gourdes d'eau et une casserole en argent dont les parois intérieures étaient parcourues de runes. Il y avait là également des rouleaux de bandage en fibres végétales et diverses autres petites bricoles dont Oropher ne put deviner la nature dans la pénombre grandissante. Le troisième elfe, qui était probablement le jumeau du précédent, alluma un feu à partir des brindilles et de morceaux de bois qu'il était allé chercher au préalable.

Tout était prêt. Au milieu de la lumière dorée et des ombres dansant sur les ruines alentours, ils pouvaient commencer la guérison.

- Si je devais ne pas survivre à cette nuit, glissa Oropher à son amie dans un chuchotement que les trois elfes ne perçurent pas, je veux que tu saches que...

Il hésita un instant, avant de reprendre.

- ... Si je t'ai suivi depuis Imladris ce n'est pas seulement parce que tu m'as libéré, ni seulement pour t'aider à faire payer Al'dar, mais surtout pour honorer notre longue amitié à laquelle je n'ai jamais renoncé malgré toutes ces années d'absence. Si j'ai pu commettre des erreurs, faire des... petits écarts qui ont pu te blesser et ternir cette amitié, je m'en excuse bien bas. Ces elfes ont apporté les ingrédients nécessaires mais je veux que ce soit toi qui me guérisse. Pas eux. Je veux que mon sort, quel qu'il soit, repose entre tes mains.


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La Demeure dans les Fondations EmptyMer 23 Nov 2016 - 8:15
- Il est étrange que vous utilisiez le langage commun pour répondre à une phrase énoncée en sindarin. Êtes-vous ignare à ce point pour ne pas comprendre la langue que tous les elfes connaissent ? On croirait entendre un de ces humains irréfléchis ! De quelle cité pouvez-vous bien venir, je me le demande...

Il avait fait baisser leurs arcs aux autres. Le ton de l'elfe était teinté d'un mépris coupé à de la surprise franche et une certaine ironie. La lueur de colère qui passa dans les yeux de l'elfe aux cheveux de jais fut rapide mais n'en fut pas moins lourde de sens. S'il était elfe comme il le clamait avec une telle arrogance, alors il verrait la colère qu'il venait d'attiser chez cette inconnue des mœurs elfiques. Elle les avait connu... autrefois. Cette langue - le sindarin - cela lui rappelait vaguement quelque chose sans qu'elle sache quoi exactement. Elle captait un son, un mot, mais pas de quoi resituer une phrase complète. Elle ne comprenait plus sa propre langue... quelle honte pour une elfe. Oropher, lui, connaissait le sindarin. Pas elle. Plus maintenant. Elle avait oublié, comme elle avait oublié bien des choses sur son passé.

- ... les Noldor les ont abandonnées.

- Ce peut faire bien longtemps que leurs premiers occupants n'y habitent plus, effectivement, mais elles n'en demeurent pas moins chargées d'histoires et des échos du glorieux passé, et nous n'apprécions pas que les voyageurs comme vous, fussent-ils des elfes, s'y baladent à la légère sans le moindre respect, ou profanent ces lieux...

- Nous ne sommes pas venus profaner ni nous promener. N'avez-vous pas entendue ma camarade ? Je suis blessé, nous traversions ce pays et nous avons vu ces ruines au loin. Nous nous sommes hâtés d'y venir en espérant trouver une âme charitable qui pourrait me dispenser aide et soins. Mais si vous ne pouvez pas ou si vous ne voulez pas, alors dites à vos hommes de me transpercer de leurs flèches car cela reviendra au même !

Lithildren restait muette. Elle regardait dans le vague. Même Oropher avait cru à la jolie illusion jouée par la belle. Jamais elle ne se serait soumise ainsi, pas même devant ces elfes. Mais la nécessité l'avait poussée à surjouer. La conversation - ou joute verbale - qui se livrait autour d'elle bourdonnait comme une abeille pour elle, bien que cela fut livré en westron. Lithildren finit par sortir de son inertie lorsqu'un des archers vint observer les dégâts. Aucune expression ne pouvait se lire sur son visage, rien. Lithildren lâcha Oropher et le planta là. Elle reprit son épée et la fit tourner avec grâce avant de rengainer, tournant le dos à tous. Elle savait des yeux méfiants et attentif braqués sur elle, mais elle ne tenterait rien sans un Oropher soigné et en pleine forme.

- Bien. Nous avons décidé la chose suivante : je viens d'envoyer Celegitirn chercher les plantes médicinales et ingrédients nécessaires à l'enrayement de votre infection et à la cicatrisation de vos blessures. Nous allons tenter de vous guérir. En échange nous vous demanderons tous deux un service que vous ne pourrez pas nous refuser. Je vous dirai en quoi cela consiste plus tard.

Un service ? Équitable. Lithildren sentait le coup foireux arriver à grands pas, mais la guérison de son camarade comptait plus que tout pour le moment. Quand ils le pourront, ils s'en iront.

Le temps passa lentement. Un temps que Lithildren passa debout près du cheval au lieu d'assister Oropher dans sa douleur. Elle allait néanmoins parfois s'accroupir pour vérifier qu'il ne mourait pas, puis se redressait. Après un temps, l'elfe revint - enfin ! - avec les herbes médicinales. Pourquoi avait-il mit autant de temps ? En plus pour un sac de cette taille-là... Lithildren s'accroupit près d'Oropher pendant que le jumeau de Celegitirn allumait un feu. Oropher lui demanda de se pencher sur lui, et il murmura faiblement à l'oreille de son amie.

- Si je devais ne pas survivre à cette nuit, je veux que tu saches que... Il marqua une hésitation avant de reprendre. Si je t'ai suivi depuis Imladris ce n'est pas seulement parce que tu m'as libéré, ni seulement pour t'aider à faire payer Al'dar, mais surtout pour honorer notre longue amitié à laquelle je n'ai jamais renoncé malgré toutes ces années d'absence. Si j'ai pu commettre des erreurs, faire des... petits écarts qui ont pu te blesser et ternir cette amitié, je m'en excuse bien bas. Ces elfes ont apporté les ingrédients nécessaires mais je veux que ce soit toi qui me guérisse. Pas eux. Je veux que mon sort, quel qu'il soit, repose entre tes mains.

Alors voilà. Il la voyait comme une amie. Alors ce baiser, ce "Je t'aime" pour l'empêcher de s'empoisonner... Du vent. Des paroles en l'air, voilà ce que c'était. Elle rata un battement de cœur et le bruit de verre brisé qu'elle imagina pour illustrer sa peine correspondait parfaitement à la situation. Mais son désespoir soudain se mua avec la même rapidité. Sa colère sourde fut telle qu'elle gifla Oropher de toutes ses forces. Elle jeta le sachet de plante qu'elle tenait dans les mains et alla voir l'elfe le plus âgé, qui se tenait non loin.

- Je ne puis soigner mon ami. Je ne puis parler sindarin. je ne me souviens de rien de tout cela. Je me souviens à peine de mon enfance, du visage de mon fiancé, des voix des gens que j'ai connu à Imladris. Alors jugez-moi si le cœur vous en dit, moquez-vous et riez, mais la situation n'est nullement amusante pour moi. Soignez-le, c'est tout ce qu'une pauvre elfe comme moi peut vous demander...

La dernière phrase était dite d'un ton doux, bas et triste par rapport au reste qui était ferme. Le plus âgé fit un signe de tête à Celegitirn qui, dans un soupir presque exaspéré, se détacha de son coin de mur et alla soigner Oropher qui était si hébété par la gifle et le départ de Lithildren qu'il ne pipa mot. Après avoir remercié d'un ton plein de chaleur l'elfe devant elle, elle se détourna et capta un simple "Lith' !" d'Oropher. L'intéressée tourna la tête mais s'éloigna dans les ruines, gardant la lueur du feu en vue pour ne pas se perdre. Là, une fois seule, elle tapa du poing contre le mur, ignorant la douleur que cela provoqua chez elle. Elle prit son épée et donna des coups dans le vent, avec force et sans grâce, jetant son bras devant elle pour simuler d'autres gifles et coups en imaginant Oropher devant elle. Un coup trop fort le fit lâcher prise et l'épée vint s'écraser contre le mur dans un tintement, puis retomba au sol. L'elfe s'effondra sur les genoux, bascula sur les hanches puis fondit en larmes salées.

Ses sentiments étaient si confus qu'elle ignorait où elle se situait. Tantôt l'amour tantôt la haine s'emparaient d'elle quand elle était face à Oropher. Mais cela ne signifiait donc rien pour lui ? Il faisait ça juste pour "honorer" une amitié passé ? Elle voulait que cela sonne faux, mais cela avait son sens. Lui dire qu'il l'aimait l'avait stoppée alors qu'elle allait boire ce poison ; elle l'avait libéré face à des mots mielleux pleins de promesses ; dans la caravane il s'était adressé à elle comme un amoureux transi pour qu'elle tienne jusqu'à Minas Tirith ; il l'avait mise face à choix avec tout autant de douceur ; il avait prolongé ce baiser dans la caravane pour qu'il soient plus solidaires que jamais. Alors là était le bilan : toutes ces farces étaient un jeu habile pour qu'elle se plie aux volontés d'un traître, d'un assassin. Il disait vouloir tuer le Bras-de-Fer, mais peut-être voulait-il amener Lithildren devant lui et la tuer comme gage de fidélité à l'Ordre ? Non, non, non ! Elle ne voulait pas y croire. Pourtant, cela semblait aussi plausible que n'importe qu'elle théorie qui pourrait sortir de son esprit blessé, lacéré et de son cœur brisé.

Elle resta des heures durant au sol à se lamenter et à pleurer sur son sort. Déjà ces elfes qui la méprisaient car elle était différente, Oropher qui ne pensait rien de ce qu'il montrait... Sa peine était trop grande pour être supportable, mais sa quête n'avait pas encore prit fin. Elle était fatiguée de courir pour une vengeance, mais maintenant elle voulait plus que tout l'accomplir. Pour tuer Oropher à la fin. S'il la brisait encore une fois, elle le tuerait sans se poser de questions. Geraïnh pourrait reposer en paix, lui qui aimait si peu Oropher... Lithildren savait maintenant pourquoi. Mais penser à tuer Oropher, imaginer le faire, remplissait l'elfe d'un tourment profond et de nouvelles larmes montaient.

- C'est fait.

La voix qui perça les ombres la fit se relever et se retourner.

- Votre ami est sauf. Il se repose. Faites de même.

L'elfe qui leur parlait depuis le début tourna les talons et s'en alla. Elle regarda l'ombre tranquille qui se dessinait près du feu. La colère, la tristesse l'envahirent. Mais elle devait passer outre. Lithildren prit son épée et elle près du feu. Elle s'assit en face d'Oropher, de l'autre côté du foyer de braises brûlante et s'allongea pour s'endormir. Le corbeau du sommeil la prit bientôt sous son aile et l'emporta dans un monde où rêves et réalité se mêlent sans jamais se toucher...
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La Demeure dans les Fondations EmptyLun 28 Nov 2016 - 20:20
Grâce à l'expérience des siècles Sadron avait acquis un jugement que d'aucuns considéraient comme fiable et avisé. Sa fonction de sentinelle lui avait fait côtoyer divers étrangers qui avaient payé de leur vie leur folle hardiesse ou tout simplement leur curiosité. Il ne fallait laisser personne visiter les ruines de la cité des Gwaith-i-Mirdain, c'étaient là les ordres depuis des lustres, et bien que sa conscience le poussât souvent à privilégier des moyens moins radicaux il arrivait souvent que la mise à mort des intrus soit la seule solution viable. Le plus souvent, il propulsait ses traits de nuit afin de demeurer invisible et visait volontairement à quelques pieds des voyageurs égarés pour que le claquement du fer sur la pierre et la terreur nocturne les fassent fuir. Mais si ces derniers étaient déterminés à pénétrer le sanctuaire coûte que coûte, la flèche venait se ficher avec une précision redoutable dans leur gorge ou leur poitrine. Oui, il tuait. Froidement, sans fioriture ni jubilation, mais il tuait pour assurer la pérennité de leur vie secrète.

Ce fut tout naturellement qu'on accorda le droit à ses deux fils jumeaux, Celegitirn et Maeditirn de l'accompagner durant ses patrouilles lorsqu'il furent en âge de porter l'arc et la lame, et que leur vaillance et leur fidélité furent reconnues. Ils formaient un trio fort efficace, la rapidité du premier fils et l'habilété du second complétant fort bien la vision claire et juste et la capacité décisionnelle de leur père.

Aussi quand il observait ce couple d'elfes venu fouiner dans les ruines, son jugement lui dictait de se méfier davantage de la femme aux réactions imprévisibles que de son compagnon blessé. Certes ce dernier aurait pu constituer un véritable danger s'il avait été en pleine possession de ses moyens, mais ce n'était pas le cas. Et de toute façon il lui paraissait plus raisonnable et plus posé que sa comparse féminine. C'est pourquoi il ne la lâcha pas du regard lorsqu'elle s'éloigna en faisant tournoyer son épée dans les airs ; il raffermit même sa prise sur le grand arc d'if. Lui ordonner de poser son arme aurait été malvenu compte tenu du « service » qu'ils allaient lui demander, aussi préféra-t-il tenir sa langue et ne pas envenimer les choses. Parfois la sagesse dictait de demeurer passif dans certaines situations bien précises, et celle-ci en faisait partie. Un peu plus tard, la gifle que la belle voyageuse infligea à son camarade de route fendit le visage de Sadron d'un pâle sourire et confirma son jugement : cette elfe était imprévisible et dangereuse. Si elle était capable de gratifier son ami d'un coup aussi appuyé, elle n'hésiterait sans doute pas à leurs distribuer de généreux coups de taille avec sa lame et ce malgré la mauvaise facture de cette dernière.

Il fut bien aise de savoir ses deux fils derrière lui lorsqu'elle s'avança pour lui parler.

Grande fut sa surprise quand il entendit les lamentations sortir de sa fine bouche. Elle lui parla de son désarroi de ne pas avoir les connaissances nécessaires pour soigner son ami, de ne pas pouvoir maîtriser la langue sindarine et aussi de ne pas arriver à se rappeler divers éléments de sa vie passée. Sadron ne répondit rien sur ces sujets-là. Il y vit un problème de mémoire provoqué par il ne savait quelle magie, quelle substance ou quel événement mais se garda bien d'approfondir la chose : il n'était pas là pour se laisser amadouer par les confidences d'une inconnue, mais pour tirer le meilleur parti d'une situation. C'est pourquoi il accepta simplement de déférer à Celegitirn le soin d'améliorer l'état de santé du blessé. Un détail l'intéressa grandement cependant : la jeune femme avait mentionné Imladris comme la cité où elle avait vécu par le passé. Peut-être venaient-ils tous les deux de là-haut, finalement... Peut-être étaient-ils des descendants lointains de ceux qui avaient fui Ost-in-Edhil à l'Âge précédent... Ce serait là un drôle de clin d’œil à l'Histoire.

Le vieux gardien la suivit en catimini parmi les murs et les colonnes en ruine sous la lune, à bonne distance pour ne pas éveiller son attention mais d'assez près pour la conserver en ligne de mire. Plusieurs heures s'étaient écoulées et l'astre nocturne avait vogué vers une autre partie des cieux lorsque Maeditirn vint le prévenir de la fin des soins. Il se révéla alors à Lithildren et la mit sobrement au courant de l'état de son comparse. Ce ne fut que lorsque la belle retourna en direction du feu qu'il rebroussa lui-même chemin.

Les cinq elfes se rassemblèrent autour des flammes réconfortantes. On était bien près de l'aube, mais ni Sadron, ni Maed ni Celeg ne fermèrent l’œil. Ils restaient vigilants. Et ils conversèrent.

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La douleur était toujours présente mais était devenue bien plus supportable qu'auparavant. Les cataplasmes qu'on lui avait appliqué étaient une véritable bénédiction pour son dos meurtri. Ils avaient été longs à préparer, plusieurs heures en vérité, mais le résultat était là et la médecine de ces étranges elfes se révélait efficace. L'odeur qui se dégageait de la substance pâteuse maintenue par les bandelettes était saine à défaut d'être exquise, émanation des principes actifs des différentes plantes utilisées là, dont le pauvre Oropher ignorait bien le nom. L'important, c'est qu'il pouvait de nouveau fléchir le buste sans grognement ni rictus. Les elfes lui avaient fait savoir qu'il lui faudrait bien des jours avant que les plaies profondes ne cicatrisent parfaitement. Celegitirn avait, par son savoir-faire et ses connaissances des plantes médicinales, réussi à enrayer l'infection ou tout au moins à faire en sorte qu'elle aille decrescendo et finisse par disparaître ensuite.

Le renégat de l'O.C.F. devait très certainement sa vie à ces mêmes inconnus qui tout à l'heure avaient bandé leurs arcs sur lui et sa camarade ; le sort était parfois bien paradoxal. Il s'étonna de ce soudain changement d'attitude avant de se rappeler que le plus âgé avait parlé à Lithildren d'un service à rendre en contrepartie de sa propre guérison. Ceci expliquait cela. Et il imaginait bien le sort que ces archers leur réserveraient s'ils essayaient de s'enfuir en catimini sans s'acquitter de leur dette.

Mais ces pensées un tantinet inquiétantes n'étaient rien face au désarroi qui le saisissait à chaque fois qu'il repensait aux mots qu'il avait prononcé à l'attention de Lithildren. Il avait voulu éviter à cette dernière la douleur de perdre un second amant, si les choses avaient mal tourné pour lui. Mettant en avant ses sentiments amicaux plutôt que ses sentiments amoureux, il la dispensait du tourment causé par le regret de la vie commune qu'ils auraient pu avoir ensuite. Mais les choses s'étaient passées différemment : il n'était pas mort, il venait au contraire d'être sauvé. Et pour toute récompense à ses bonnes intentions il avait récolté une gifle, terrible non pas à cause de la douleur conglante sur sa joue mais par ce qu'elle représentait. Dans son geste Lithildren avait déversé toute sa frustration, sa déception, et sans doute même une certaine forme de haine, il le sentait. Même à présent qu'elle était revenue, les yeux rougis, dans le halo de la lumière du feu, elle restait froide et distante. Chaque fois qu'Oropher tourna la tête pour la regarder, il la voyait assise à contempler fixement la danse crépitante des flammes. Comment pouvait-il lui en vouloir de sa réaction ? Ce qu'il lui avait dit était cruel malgré les bonnes intentions qu'il y avait derrière. D'ailleurs, la violence de sa réaction n'était-elle pas la preuve qu'elle avait de forts et sincères sentiments pour lui ?

Qu'elle avait de forts et sincères sentiments pour lui.

Oropher trembla devant la dure révélation de ses propres pensées. Elle pouvait bien avoir eu des sentiments, qu'étaient-ils devenus après ce qui s'était passé tout à l'heure ? Avaient-ils survécu à l'épreuve ? Le pire dans l'histoire, c'est qu'il ne pouvait pas tout lui expliquer : il savait pertinemment qu'au vu de l'humeur actuelle de la belle, elle ne le croirait pas même s'il lui jurait qu'il l'aimait d'un amour vrai et éternel.

- Je comprends à présent pourquoi tu n'as pas voulu me soigner de tes propres mains, lui murmura-t-il. Tu savais ne pas avoir les compétences nécessaires à ma guérison et tu as préféré mettre toutes les chances de mon côté, quitte à renoncer à la solution belle et tragique que je t'ai proposé. Cela me touche énormément, sache-le.  

Il n'attendait pas de réponse. En fait, il souhaitait juste terminer sur des paroles d'apaisement avant de se laisser glisser vers le sommeil réparateur que Celegitirn lui avait conseillé. Ce ne fut toutefois pas un sommeil profond, mais une simple somnolence, car il lui sembla entendre ce que disaient les trois elfes à l'autre bout du feu. Leurs voix étaient éthérées et floues qu'à l'ordinaire mais Oropher sut qu'elles étaient bien réelles et qu'il ne s'agissait pas d'un rêve. Lithildren avait également dû s'assoupir pour qu'ils se mettent à parler ainsi à mi-voix tous les trois.

- Pourquoi as-tu mis autant de temps à revenir, Celegitirn mon fils ? Tu n'as pas pu tout trouver dans la réserve ?

C'était la voix du plus ancien. Elle fut suivie par celle, plus rapide, de son enfant.

- Si, père. Seulement voilà, j'ai dû attendre le bon moment pour qu'on ne me voie pas. C'est que notre idée est contraire aux ordres, comme tu le sais.

- Mon idée, tu veux dire. C'était la mienne, pas la tienne ni celle de Maeditirn. Si elle se révèle néfaste, c'est moi qui en assumerai les conséquences...

- Je commence à regretter de m'être rallié à ton idée, père, fit une troisième voix qui était celle de Maeditirn. Obliger deux étrangers à entrer dans nos souterrains, c'est faire exactement l'inverse de ce pourquoi nous avons toujours veillé. Toute notre longue vigilance, nous la réduisons sciemment à néant...

- Ce ne sont plus nos souterrains, Maeditirn. Ce sont ses souterrains à présent... et si nous ne tentons rien ils le seront pour toujours. Voilà pourquoi j'ai eu l'idée d'outrepasser les ordres.

#Sadron #Celegitirn #Maeditirn


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Lithildren Valbeön
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La Demeure dans les Fondations EmptyMar 29 Nov 2016 - 10:53
Lithildren dormit quelques heures seulement. Ses rêves étaient emplis de bien des pensées et souhaits qui se mêlaient dans un carnage parfois morbide. Oropher ne se reposait pas non plus, mais elle ne le regardait pas. Elle fixait le feu dansant, pensant à tout et à rien. Lithildren s'était tout de même apaisée après un léger sommeil. La nuit était encore là, mais plus pour bien longtemps. Doucement, la nuit noire s'éclaircissait vers l'est pour laisser place au soleil, un astre qui réchauffait le coeur, l'esprit et la peau, surtout après un tel hiver.

L'elfe aux cheveux de jais pensait à son fiancé, Geraïhn, reposant en terre d'Imladris, tué par un homme surnommé le Bras-de-Fer. Dans un assaut auquel Oropher avait participé, cet homme avait brûlé les écuries d'Imladris – un endroit important pour l'elfe – et tué bien des elfes. Dont Geraïhn. Et peut-être même les parents de Lithildren, mais elle ne souhaitait aucunement les venger. Pas autant qu'elle voulait venger son fiancé. Mais pourquoi le venger si elle aimait Oropher ? Pour laver sa conscience. Cette vengeance était une sorte d'excuse pour son absence et son délaissement de son aimé qu'elle avait abandonné involontairement. Elle souhaitait être morte en le vengeant sur le champ de bataille. Mais Oropher aurait été seul, lui. Et alors ?! Il n'avait jamais rien fait pour elle, si ce n'est l'empêcher de mourir durant les derniers jours.

Elle capta le frottement doux d'un mouvement. Oropher s'approchait d'elle. Elle ne réagit pas, bien que l'envie de s'éloigner la prenait au cou. Elle le laissa plutôt faire, faisant mine d'être plongée dans ses pensées sans apercevoir les nombreux regards qu'il lui portait. Elle espérait qu'il regrettait la situation, car elle comptait la faire durer. Longtemps.

- Je comprends à présent pourquoi tu n'as pas voulu me soigner de tes propres mains. Tu savais ne pas avoir les compétences nécessaires à ma guérison et tu as préféré mettre toutes les chances de mon côté, quitte à renoncer à la solution belle et tragique que je t'ai proposé. Cela me touche énormément, sache-le.
- Si tu meurs, je ne pourrais venger mon fiancé.

Elle se retint bien de dire qu'elle serait volontiers restée auprès de lui s'il n'avait pas dit ce qu'il avait dit. La belle s'éloigna alors de lui, lui lança un regard plein de rancoeur et se replongea dans ses pensées. Mais plus elle pensait, plus elle tombait de sommeil. Elle ferma les yeux et somnola, captant néanmoins une conversation floue et indistincte, qui semblait si lointaine, et pourtant qui était si proche. Lithildren ne capta que quelques mots mais elle déduit un sens plus vaste alors qu'elle tombait de sommeil.

Ce vieil elfe avait désobéi à des lois aussi vieilles que Lithildren afin de demander à Oropher et elle de débarrasser les souterrains de quelque chose. Ou plutôt de quelqu'un, si sa déduction était logique. Peut-être que leur "colonie" avait un chef trop avide qui avait prit plus qu'il ne donnait. Mais peut-être aussi qu'une créature régnait sur les souterrains et qu'elle... Non, il ne pouvait s'agir que d'une personne : un elfe, peut-être un bâtard mi-humain. Peu importait qui cela était, elle honorerait le contrat. Après tout, ils avaient sauvé la vie d'Oropher, même si maintenant elle souhaitait plus sa mort que sa survie. Cela avait peu d'importance. Elle sentait en elle bouillir le désir de se battre et d'exprimer toute sa haine, comme lorsqu'elle avait tué tout ces esclavagistes.

La matin vint, flamboyant et vif. Des serpents orangés parcouraient le ciel encore un peu sombre de l'ouest, tandis que le soleil se montrait à l'est. Lithildren s'était levée après un court sommeil et avait grimpé sur un des murs afin de regarder l'aube naissante. Elle ferma les yeux et se délecta de la chaleur du soleil, tout comme de sa présence. Elle n'était pas certaine de le revoir un jour, alors elle imprimait son image vive dans son esprit. Esprit calme, apaisé et posé d'ailleurs, qu'elle portait. Oropher l'appela depuis le sol. Elle descendit du mur en un bond, avec grâce, et alla d'un pas léger vers les trois autres elfes, ignorant un peu Oropher. Ce fut le plus âgé qui parla, comme toujours.

- Nous avons soigné votre ami. Désormais, c'est à vous de remplir votre part du marché.
- Equitable. Ma lame est à votre service jusqu'à ce que de ma dette je sois acquittée.

Il ne cacha pas sa légère surprise et arbora un léger sourire.

- Je n'aurais qu'une demande à vous soumettre, cependant. Elle prit sa lame et grimaça. Cette épée est de facture humaine, possédée précédemment par un esclavagiste qui tenta de nous vendre, mon camarade et moi-même. Si vous voulez que je vous rende service, j'aurais besoin de lames elfiques, et non humaines. Les lames vous seront rendues dès la fin de ce... service.
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptyMer 11 Jan 2017 - 18:42
[Toutes mes excuses pour cet énorme retard. ]

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L'état physique d'Oropher allait sur le mieux mais il ne pouvait s'en réjouir pleinement. Malgré l'apaisement de ses douleurs dorsales et de sa fièvre, malgré la chaleur revigorante du soleil matinal, l'instant présent ne lui apportait guère de satisfaction et l'avenir proche ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices.

Présentement, celle qu'il aimait mettait de la distance entre eux deux, préférant s'adresser aux elfes autochtones – et tout particulièrement au plus âgé – pour ne pas à avoir à lui adresser la parole. Ses regards courroucés n'étaient pas aussi soutenus ni aussi réprobateurs qu'avant leur sommeil, mais cette froide indifférence ne valait guère mieux. Et pourtant l'ex-sbire de l'Ordre de la Couronne de Fer pouvait comprendre cette attitude : comment aurait-il réagi, lui, si la belle lui avait fait comprendre qu'il y avait simplement de l'amitié entre eux deux et non de l'amour ? Pas trop bien, probablement...

Quant aux heures ou aux jours qui s'étendaient devant eux, ils n'allaient pas être de tout repos, il en était convaincu. Car Sadron et ses fils ne l'avaient pas guéri gratuitement et ils exigeaient un paiement pour effacer la dette qui lui était tombée dessus. Ce n'était pas un paiement en or ni en argent, ni en une quelconque monnaie ; fort heureusement car ils ne disposaient d'aucune richesse. Il s'agissait d'un service, ce qui paraissait plus réalisable mais qui s'avérait aussi bien plus inquiétant : descendre sous la terre dans les profondeurs de cette cité ruinée ne lui disait rien qui vaille, surtout après ce qu'il avait entendu du discours des elfes locaux dans son demi-sommeil. Il y avait quelque chose de mauvais dans un de ces souterrains, c'est ce qu'il avait déduit des conversations, et lui et sa camarde seraient les cobayes qui se rendraient là où les autres n'osaient aller. Qu'était cette chose ? Il l'ignorait. S'il avait été seul, il aurait filé à la première occasion et aurait laissé ces gardiens à leurs sombres machinations. Il se serait probablement fait reprendre, ralenti qu'il était par le contrecoup de l'infection et sa grande fatigue des derniers jours. Mais de toute façon Lithildren avait accepté le marché et il se garda bien d'aller à l'encontre de cette décision, d'une part pour ne pas envenimer les choses entre eux deux et d'autre part – et surtout – pour ne pas partir sans elle. Ils affronteraient donc les ténèbres d'en-dessous, bon gré mal gré.

Cependant la belle elfe et le vieil archer semblaient avoir un désaccord, ou tout du moins un sujet de marchandage...

- C'est une demande pour le moins hardie que vous me faites là, l'entendait-il dire. Vous n'aurez pas ma lame car je ne daigne pas m'en séparer, et nous ne pouvons prendre le risque d'aller en chercher à... enfin, nous ne pouvons aller en chercher spécialement pour vous. Mais je ne suis pas dénué de tout bon sens pour autant, et puisque vous avez accepté nos conditions sans restrictions je vous accorderai ce que vous venez de me demander. Se tournant vers ses fils. Celegitirn, Maeditirn, remettez-leur vos épées. Puis se retournant vers le duo de voyageurs. Mais je vous préviens : si armé de nos propres armes vous tentez quoi que ce soit à l'encontre de nos personnes ou si vous n'honorez pas notre accord, nous vous abattrons de nos flèches. Suis-je bien clair ?

Les deux jumeaux s'approchèrent et délièrent les lanières qui maintenaient leurs lames dans leur dos. Leurs visages durs et leurs gestes brusques exprimaient clairement leur réprobation et leur réticence à remettre ainsi leurs propres lames, leurs lames chéries, à des inconnus. Mais à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles, disait-on. Celegitirn tendit une épée elfique de taille respectable à Oropher. Elle était légèrement recourbée à la pointe, et sa poignée en cuir sans fioriture inutile assurait à son nouveau porteur une prise sûre dans le cas où il aurait à s'en servir. Son frère s'avança vers Lithildren et lui tendit deux lames jumelles dont la longueur était moitié moindre. Les fourreaux de métal recouvert de cuir noir étaient parfaitement ajustés à la forme gracieuse et travaillée de ces petites épées, qui pour plus de légèreté ne possédaient pas de garde mais dont les bouts de la poignée était rehaussés d'argent. Sur les lames couraient des runes au sujet desquelles Maeditirn ne donna aucun semblant d'explication.

- Quoi que vous fassiez, ne les laissez pas au fond du souterrain, c'est tout ce que je vous demande. Je tiens à elles comme à la prunelle de mes yeux.

Des yeux qui promettaient le plus cruel des châtiments s'il devait arriver malheur à ses précieuses amantes, comme il se plaisait à les appeler.

Ainsi parés Lithildren et Oropher suivirent Sadron et ses fils, qui les escortèrent parmi les ruines sans âge sans dire un mot de plus. Leur cheval avait été attaché à un pilier en ruine près du feu pour plus de commodité. La tension était palpable, non seulement pour les deux voyageurs qui n'allaient pas tarder à sauter dans l'inconnu, mais aussi pour les trois elfes locaux qui connaissaient, eux, le danger présent dans ces galeries et qui se demandaient sans doute encore si ce qu'ils faisaient était juste, censé, dangereux ou répréhensible. Juste, cela pouvait se discuter car un service en valait un autre et ils avaient redonné la santé à un Oropher mal en point. Censé, probablement, et même opportuniste. Dangereux, pour les deux malchanceux qui allaient descendre, certainement ; pour eux-mêmes, qui sait ce que cette manœuvre pouvait provoquer, mais ils avaient choisi de prendre le risque. Répréhensible, ils verraient bien une fois qu'ils se retrouveraient devant le chef.

Traversant des vestiges tous plus délabrés les uns que les autres, ils montèrent en direction du cœur de la cité dévastée et arrivèrent au bord d'un espace creux formant une énorme cuvette pavée entourée de colonnes brisées. Oropher devina qu'il s'agissait là d'un endroit important, ou qui avait eu son importance lors de l'âge d'or de la cité-forteresse : ce lieu revêtait à la fois un caractère solennel et intriguant. Le groupe s'arrêta. L'ex-agent de la Couronne de Fer questionna Sadron du regard... pourquoi faire halte ici ? L'autre ne répondit rien. Les deux frères jumeaux descendirent au centre de cette cuvette circulaire. Il y avait un trou de forme ronde également, tout juste assez large pour laisser passer les épaules d'un homme ou d'un elfe et entouré de parapets en décrépitude. Tout curieux inexpérimenté aurait pris cet orifice pour un vieux puits depuis longtemps hors d'usage et aurait passé son chemin. Mais pas Sadron et ses fils. Eux savaient.

- Le sol est à environ deux mètres de profondeur, fit le vieil elfe.

Il leur tendit la torche qu'il avait apporté tandis que ses deux fils bandaient leurs arcs. Les deux drôles de tourtereaux n'avaient plus le choix, il fallait sauter là-bas dedans.


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La Demeure dans les Fondations EmptyVen 13 Jan 2017 - 16:26
- C'est une demande pour le moins hardie que vous me faites là. Vous n'aurez pas ma lame car je ne daigne pas m'en séparer, et nous ne pouvons prendre le risque d'aller en chercher à... enfin, nous ne pouvons aller en chercher spécialement pour vous. Mais je ne suis pas dénué de tout bon sens pour autant, et puisque vous avez accepté nos conditions sans restrictions je vous accorderai ce que vous venez de me demander. Celegitirn, Maeditirn, remettez-leur vos épées. Mais je vous préviens : si armé de nos propres armes vous tentez quoi que ce soit à l'encontre de nos personnes ou si vous n'honorez pas notre accord, nous vous abattrons de nos flèches. Suis-je bien clair ?
- Soyez sans crainte. Je n'ai qu'une parole, bien que me faire confiance soit une aberration totale.

L'elfe aux cheveux de jais donna à Sadron le regard qui soutenait ses dires. Lithildren avisa les deux jumeaux s'approcher d'Oropher et elle. Maeditirn tendit sans délicatesse deux demi-lames. Lithildren se sentit comme une enfant dans un bac de sable : ce genre de lames était exactement ce qu'elle préférait.

- Quoi que vous fassiez, ne les laissez pas au fond du souterrain, c'est tout ce que je vous demande. Je tiens à elles comme à la prunelle de mes yeux.

Lithildren s'inclina devant Maeditirn en guise de promess. Elle savait quel sort elle recevrait si elle venait à perdre ces lames. Lithildren noua la ceinture autour de ses hanches fines et se sentit Elfe de nouveau. Elle ne s'était pas sentie elfique depuis trop longtemps, et ce sentiment ne venait que... d'armes. Lithildren ne se sentait Elfe que lorsqu'elle se battait. Oropher lui donnait  la force de vouloir se battre et de tout conquérir, de tout accomplir. Mais sa vengeance passait d'abord. Pourtant, plus ils voyageaient ensemble, moins sa vengeance devenait importante. Sauf en apparences. Lithildren revint à la réalité et s'endurcit. Oropher ne devait rien voir ni comprendre des remords que l'elfe aux cheveux de jais portait en son coeur.

Une fois prêts et quelques affaires légères embarquées, Oropher et Lithildren marchèrent côte à côte en silence, derrière Sadron et ses jumeaux. Plus ils s'enfonçaient dans l'antique cité, plus les ruines semblaient... des ruines. La dévastation était légère dans les abords, mais presque totale vers le centre de la ville. Lithildren regardait Oropher du coin de l'oeil lorsque celui-ci ne regardait pas sa camarade. Elle se sentait mal de l'ignorer ainsi, mais sa réaction près du feu la mettait en colère et elle se sentait nerveuse rien qu'en y pensant. Mais elle essayait aussi de se focaliser sur sa nouvelle mission. Sadron venait de recruter deux étrangers dans une potentiellement mortelle mission. Ce devait être quelque chose d'interdit, pour que des étrangers soient chargés de le faire. Dangereux, interdit, bref, ce n'était pas eux qui allaient se salir les mains. Lithildren et son ami devaient être tombés à point nommé. Cela semblait presque étrange... Oropher regardait le sol. Honte, déception, tristesse ou tout à la fois ? Lithildren restait aussi froide et inexpressive que possible.

Quand il s'arrêtèrent, Lithildren regarda la cuvette au bord delaquelle le groupe venait de s'arrêter. La cuvette était pavée jusqu'à une sorte de... puits ? Des colonnes bordaient la cuvette. Le puits était, quant à lui, bordé à la façon d'un mur de château à une petite hauteur. Lithildren, la moins large d'épaule du groupe, pourrait passer juste. Mais Oropher aurait à ramener ses épaules en avant. Elle s'imagina Oropher dans cette position et ne put s'empêcher d'arborer un léger sourire. Qu'elle perdit rapidement, pour ne pas qu'il pense qu'elle était... enfin bref.

- Le sol est à environ deux mètres de profondeur.

La voix de Sadron tira Lithildren de son observation du "puits". Ce devait être l'entée des souterrains, ou en tout cas d'une partie des souterrains où le problème résidait. Cet endroit sentait comme l'antre d'une créature des âges anciens... Elle se moqua d'elle-même. Ridicule pensée. On aurait dit pourtant que l'endroit avait une importance certaine, et le puit au centre ne présageait rien du tout de bon. Maeditirn et Celegitirn sortirent leurs arcs et les bandèrent, en prévision d'un coup fourré des deux exilés. Lithildren prit la torche que Sadron tendait et empoigna Oropher par le bras, l'emmenant derrière elle. Sadron et ses fils restèrent au bord de la cuvette sans avancer plus. L'elfe aux cheveux de jais lâcha Oropher au bord de la cuvette.

- Je descends en première avec la torche et je te ferais signe de descendre. Et fais attention dans la descente. Ton dos doit se reposer un peu.

Lithildren s'assit au bord du puits et se laissa glisser. Elle fléchit légèrement les jambes pour se réceptionner, et atterrit accroupie. Elle chercha avec la torche un passage et en trouva un à sa droite. Elle fit signe avec la torche à Oropher de descendre. Elle fut là pour l'aider à se réceptionner, tenant Oropher en cas de besoin. Il devait ne rien comprendre, car il allait lui demander si elle allait bien. Mais elle se détourna avant qu'il ne croit quoi que ce soit. Un tunnel s'ouvrait devant eux. Lithildren donna la torche à Oropher.

- Éclaire-nous, et laisse-moi me battre. Tu n'interviens dans une bagarre que si j'ai besoin d'aide. Désobéis, et je te jure que cette mission sera la dernière de tes préoccupations.

Son ton ferme et sans équivoque refroidit l'exilé qui se crispa et se braqua. Mais Lithildren se retourna et ils commencèrent leur "voyage" dans les souterrains noirs sous une cité délabrée. Croisière de rêve en amoureux.
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptyDim 12 Fév 2017 - 19:28
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- J'ai peur que les prochaines heures ne soient pas très propices au repos, que ce soit pour mon dos ou pour mon corps en général. Mais n'aie crainte je ferai attention. Et puis la médecine de cet homme a réellement fait des prouesses et je ne doute pas que les effets des soins continuent à opérer. C'est une bonne chose que nous les ayons trouvés, en fin de compte... même si le prix à payer est élevé.

Il n'avait pas cherché à dissimuler ses paroles, souhaitant presque que les trois archers les entendent et sachent ce qu'il pensait de toute cette histoire. Son sentiment envers eux était ambivalent : il sentait que lui et Lithildren étaient en train d'être utilisés, pour de bonnes ou de mauvaises fins, mais il ressentait également de la gratitude envers eux et en particulier envers Celegitirn qui l'avait, sinon sauvé, du moins soigné.

- Remarque, quand je dis en fin de compte, il faut peut-être attendre de voir comment tout ça va se terminer.

Cette bouche noire qui allait l'avaler n'était pas pour le rassurer. L'ex-traître-à-son-peuple vit avec un frémissement celle qu'il aimait s'y engouffrer et fut soulagé d'entendre le bruit feutré indiquant une réception parfaite. Il se retourna une dernière fois vers Celegitirn qui le maintenait en joue...

- Puissé-je avoir l'occasion de vous rendre la lame magnifique que vous m'avez prêté, c'est tout ce que je demande.

Après quoi il se pencha en avant avec une grimace, posa ses mains sur les rebords opposés de l'orifice et laissa pendre son corps dont le poids était maintenu par la seul force de ses biceps. Peut-être aurait-il mieux fait de descendre de manière plus classique car l'effort lui arracha une grimace. D'un geste vif il rabattit ses mains contre ses cuisses et se sentit tomber dans le vide. La réception ne fut certainement pas aussi maîtrisée que celle de sa camarade mais il s'en sortit sans casse. À peine reprenait-il ses repères que Lithildren lui fourra sans ménagement la torche dans la main, lui attribuant la tâche peu gratifiante d'éclairer leur progression pendant qu'elle irait devant. Les Elfes avaient beau avoir des coutumes moins sexistes que les Humains, Oropher n'en fut pas moins blessé dans son amour-propre : que lui, homme qu'il était et ayant par-dessus le marché livré des batailles par le passé, puisse être relégué au grade de porte-torche, ne lui plaisait guère.

- Est-ce que c'est pour me préserver que tu veux ça, ou bien parce que tu ne crois pas en mes talents de bretteur ?

N'obtenant aucune réponse il se contenta de la suivre et de lever son brandon enflammé le plus haut possible. Il espérait seulement que c'était la bonté et non le mépris qui avait poussé Lithildren à passer devant, les deux demi-lames de Maeditirn prêtes à jaillir de leurs fourreaux.

Ça y est, ils commençaient de s'enfoncer dans les entrailles de la vieille Ost-in-Edhil. Les parois du tunnel étaient d'excellente maçonnerie, et même si le temps avait effrité le roc en bien des endroits, il n'était pas parvenu à anéantir le travail des bâtisseurs Noldor du temps jadis ni à effacer totalement les motifs et inscriptions que les tailleurs de pierre y avaient gravé. Bien qu'il sut qu'un grand danger les attendait devant, Oropher ne pouvait s'empêcher de porter la torche près des murs, la flamme venant lécher les gravures et les révélant pendant un instant fugace, trop fugace pour qu'il puisse déchiffrer ce que les runes disaient. Il reconnut là des tengwar, mais d'une curieuse sorte, comme si les Gwaith-i-Mírdain ne s'étaient pas seulement amusés à forger des anneaux mais aussi à forger des variantes des langages et alphabets traditionnels. Ces gens étaient de véritables prodiges à l'esprit vif, comme il n'en existait plus.

En une ou deux occasions, l'ex agent de l'O.C.F. aperçut, tombés au sol, des fragments de roche comportant eux aussi des runes. Il se sentit obligé de s'arrêter pour les ramasser et les enfouir dans les poches de ses habits, même si ces haltes soudaines n'étaient pas toujours du goût de sa comparse. Pourquoi faisait-il cela ? Il n'avait jamais été très versé dans ces choses-là, mais il lui semblait que ces débris et ces runes pouvaient détenir un pouvoir, le pouvoir du passé, et qu'il pourrait en tirer profit s'il ressortait vivant de cet endroit.

Le sol était parfaitement plat, mais de nombreuses volées d'escaliers aux longueurs disparates jalonnaient ce tunnel alambiqué. Le duo ne cessait de tourner et de retourner, tantôt à gauche, tantôt à droite, tant et si bien qu'ils perdirent bientôt toute notion d'orientation. La seule chose dont ils étaient sûrs, c'est qu'ils descendaient de plus en plus profondément.

- Toutes ces complications ont été conçues pour gêner les assaillants et rendre ces souterrains imprenables du temps où ils étaient habités par les gens de Celebrimbor. Aujourd'hui, les assaillants c'est nous. Je pense que ces galeries ont connu pire assaut !

Plus ils avançaient, plus Oropher s'inquiétait pour Lithildren. Peu importe ce qui les attendaient dans les tréfonds de la forteresse, ça serait sûrement hostile, ça les attaquerait, il en était presque certain. Et ça tomberait sur celle qui allait en tête, celle qui lui était si chère et qu'il ne voulait perdre pour rien au monde.

- Lith, je ne puis te laisser braver seule le danger. Si l'on m'a offert une lame c'est bien pour m'en servir, et quand tu auras besoin d'aide il sera déjà trop tard. Non, je ne te laisserai pas faire le soldat de première ligne ni te sacrifier pour moi.

Et il pressa le pas pour revenir à sa hauteur.


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Ryad Assad
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La Demeure dans les Fondations EmptyLun 27 Fév 2017 - 17:51
Ost-in-Edhil avait un nouveau monarque.

Le silence régnait sans partage sur ces lieux depuis des lustres, exerçant son emprise sur chaque pièce, chaque nouvelle salle où les aventuriers courageux progressaient. Il ne s'agissait pas d'une absence de bruit, mais bien d'une présence palpable. Une énergie sourde pulsait du néant et annihilait tout le reste. Tout était figé, mort, glacé. Le feu et l'acier avaient fait leur œuvre, mais ils étaient passés. Le temps avait enseveli la cité et l'avait embaumée. Mais lui aussi était passé. Ne restait désormais que le silence. Celui qui échappait à la mort. Celui qui survivait toujours au vacarme de la guerre. Celui qui évoluait hors du temps, laissant les deux Elfes avec l'impression désagréable d'être coupés du monde. Prisonniers.

Ils foulaient des pierres conservées jalousement par quelqu'un d'autre qu'eux, et en dépit de tous leurs efforts ils ne pouvaient s'empêcher de perturber le calme surnaturel qui régnait dans les souterrains. La vie qui courait dans leurs veines était pareille à un torrent carmin dont le tonnerre assourdissant ne pouvait être entièrement étouffé. Que dire alors de leur cœur qui tambourinait dans leur poitrine, et dont les battements semblaient être repris en écho par les murs qui les encerclaient ? Que dire de leur souffle trop court, guère rassuré, qui rugissait comme une tempête s'engouffrant dans les ruelles d'une cité abandonnée. Leurs pas, qu'ils imaginaient doux et légers, étaient des coups de marteau sur la roche. Les quelques paroles qu'ils avaient l'audace d'échanger étaient des hurlements aux oreilles des pierres qui se penchaient sur eux, menaçant de s'effondrer sur leurs corps fragiles. Ost-in-Edhil rejetait leur présence, combattait leur incursion, se méfiait de leurs intentions. Il régnait une atmosphère dérangeante ici, et s'ils avaient cru un seul instant que la vieille cité des Elfes se montrerait accueillante vis-à-vis des premiers enfants d'Eru, ils ne purent que se résoudre à l'évidence. Leur place était ailleurs.


Alors que leur progression les menait vers les profondeurs, ils se rendirent compte que les couloirs devenaient de moins en moins praticables. Certains s'étaient effondrés et les contraignaient à faire demi-tour pour trouver une autre voie. D'autres, fragilisés par la violence qui s'était déversée dans ces lieux, les contraignaient à se baisser et à progresser courbés. Les escaliers qui jusqu'alors avaient constitué leur meilleure façon de s'enfoncer dans les profondeurs se muèrent peu à peu en pistes glissantes sur lesquelles même leurs solides bottes de cuir avaient du mal à ne pas déraper. Ils devaient se retenir l'un à l'autre pour ne pas basculer, déraper, et se perdre dans les profondeurs obscures que leur torche était incapable de briser. Le halo lumineux autour duquel ils s'étaient réunis leur faisait prendre conscience de l'épaisseur des ténèbres qui les entouraient. Cette masse sombre et gluante se rétractait quand les flammes venaient la caresser, mais sitôt qu'ils s'éloignaient elle retrouvait sa place et sa consistance. Quand ils regardaient derrière eux un instant, ils se rendaient compte que les couloirs recouverts d'inscriptions avaient déjà été avalés dans la nuit sans fin. Ils auraient été bien en peine de retrouver la sortie, alors même qu'ils n'étaient pas arrivés à destination.

Et leur torche ne durerait pas éternellement.

Qu'adviendrait-il d'eux quand ils seraient privés de lumière ? Auraient-ils seulement une chance de retrouver leur chemin ? Avaient-ils pris soin de mémoriser chaque embranchement, chaque bifurcation, chaque passage ? Avaient-ils consigné leurs tours et leurs détours, au lieu de foncer tête baissée dans les griffes du silence oppressant qui leur faisait face ? Avaient-ils assez de vivres pour survivre dans cet environnement hostile qui entendait les dévorer ? Ils s'étaient jetés dans les entrailles d'une cité qui les digérait lentement, consumant d'abord leur courage avant de dissoudre leur foi et leurs espoirs. Quand leur énergie vitale aurait été aspirée peu à peu, ponctionnée par les intestins de pierre dans lesquels ils évoluaient bien malgré eux, ils s'écrouleraient de fatigue et laisseraient Ost-in-Edhil ronger leur peau, leur chair, leurs muscles, pour ne laisser d'eux que des squelettes poussiéreux. Eux-mêmes finiraient par disparaître en poussière, esclaves du silence qui n'abandonnerait jamais son trône.

La poussière que leurs pieds soulevaient, que leurs narines inhalaient, celle-là même qui collait à leur peau… était-ce celle des cadavres décomposés que la cité avait déjà avalés ? Marchaient-ils en ce moment sur les vestiges d'une ville, ou de ses habitants ? Étaient-ils de simples explorateurs en quête d'une réponse, ou bien des profanateurs qui feraient mieux de chercher la rédemption pour leurs crimes ? Ce n'était pas la première fois qu'ils faisaient quelque chose de moralement répréhensible, mais alors pourquoi cette fois leur semblait-elle pire ? Peut-être parce que depuis Valinor, les esprits de leurs prédécesseurs les contemplaient, les jugeaient, et faisaient part de leur désapprobation. Jadis, ceux qui avaient vécu à Ost-in-Edhil comptaient parmi les plus nobles et les plus grands de la Terre du Milieu. Des Elfes dont la Terre du Milieu ne cesserait de regretter la perte. Des grands forgerons aux puissants seigneurs, en passant par les artisans au génie incomparable, les musiciens les plus envoûtants et les sculpteurs les plus renommés, tous avaient fait honneur aux fondateurs légendaires de la forteresse. Qu'en était-il de ceux qui désormais erraient entre ces couloirs jadis fréquentés par une jeune fille couronnée d'une guirlande radieuse ? A l'heure où la fin de leur voyage se faisait plus proche que jamais, quel bilan pouvaient-ils tirer sur leur existence ? Qu'avaient-ils fait de leurs longues années immortelles ? Que resterait-il de leur passage en Terre du Milieu quand leur fëa rejoindrait les Cavernes de Mandos ? La cité perdue les interrogeait, les accusait, et les jugeait.

Ils n'étaient pas dignes de poursuivre.

Les secondes défilaient à une lenteur extrême. Elles n'étaient peut-être pas des secondes d'ailleurs, mais des heures ou des jours, voire des années entières. Comment savoir ? Toute notion du temps était balayée ici-bas, et ils ne pouvaient compter que leurs pas ou les battements de leur cœur pour avoir une idée de la distance qu'ils avait parcourue. Hélas pour eux, les distractions étaient nombreuses et la moindre saute de concentration était susceptible de leur faire perdre le fil de leur calcul. Ils arrivèrent bientôt devant un escalier qui s'était malencontreusement brisé et s'ouvrait sur un vide béant, un puits de noirceur absolue qui leur tendait les bras. Faire demi-tour était une option, mais ils avaient marché si longtemps sans rencontrer aucun couloir que la perspective de traverser de nouveau les mêmes salles n'était pas réjouissante. Pourtant, il n'était pas facile de se jeter dans la nuit ainsi. Ils ignoraient purement et simplement la profondeur du gouffre, et si l'un d'entre eux se blessait grièvement en se réceptionnant mal, ils seraient condamnés. Hélas, même en portant la torche tout au bord du précipice, ils ne parvenaient pas à se faire une idée plus précise de la distance que leur corps parcourrait avant d'atterrir… S'il atterrissait jamais.

Alors qu'il réfléchissaient, qu'ils discutaient à voix basse de leurs options, leurs oreilles elfiques captèrent un bruit tout à fait incongru. A mi-chemin entre le frottement et le raclement. Un peu comme le bruit d'un corps que l'on traîne… Ou plutôt, d'un corps qui se traîne… Comme un de ces serpents ondulant sur le sol, approchant une proie inattentive. Sauf que cela ne pouvait pas être un simple serpent. C'était beaucoup trop gros… Beaucoup, beaucoup trop gros. Les ténèbres devinrent soudainement menaçantes, car si le bruit était audible en se concentrant, il était absolument impossible de déterminer d'où il venait. N'importe quoi pouvait se tenir là, dans l'ombre, à les observer.

N'importe quoi.

Alors qu'ils s'efforçaient de demeurer silencieux et de capter un mouvement ou un signe qui aurait pu leur indiquer quoi redouter, le bruit s'interrompit. Le raclement cessa subitement, et ils perçurent distinctement une expiration. Unique. De l'air quittant des poumons. Oropher brandissait toujours la torche, mais il était évident que la lumière ne serait pas leur alliée s'ils étaient traqués. Au contraire, elle indiquait parfaitement leur position, et il n'était pas impossible que des yeux avides fussent braqués sur eux. En ce moment même.

Étaient-ils prêts à tenter leur chance ?

Le silence était revenu s'installer en maître absolu, se glissant entre chaque battement de cœur comme s'il cherchait à l'arrêter. Il se déployait comme une bulle étouffante qui retenait chacun prisonnier de son étreinte mortelle. Plus personne ne respirait, plus personne ne parlait. Ils étaient étouffés, paralysés, écrasés par le poids de la terre qui s'amoncelait au-dessus de leurs têtes. La situation était tendue, mais les deux Elfes devaient bien tenter quelque chose, s'ils voulaient continuer à avancer. Ils devaient prendre une décision, et rapidement, car plus ils tergiversaient, plus leur source de lumière s'amenuisait.

Et les Valar seuls savaient ce qu'il adviendrait d'eux quand elle ne les protégerait plus…


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Dernière édition par Ryad Assad le Sam 17 Oct 2020 - 11:33, édité 1 fois
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La Demeure dans les Fondations EmptyMer 8 Mar 2017 - 22:25
[HRP] Pardon du retard inhabituel de ma part ! Voilà donc mon post, j'espère qu'il sera suffisant et adapté. [/HRP]

Lithildren s'arrêta quand il parla. Elle se retourna vivement vers son compagnon de route et le plaqua violemment contre le mur. Son dos blessé l'empêchait de se défendre de manière correcte, et la surprise avait bien entendu été un atout pour l'elfe nerveuse.

- Ne crois pas une seule seconde que je me sacrifie pour toi. Je ne renie nullement tes talents de bretteur mais tu es plus un boulet qu'autre chose vu ton état actuel. Contente-toi de tenir la torche et de m'éclairer le chemin.

L'elfe relâcha l'exilé et reprit la route, le pressant avec un ton toujours sans équivoque. Lithildren était à bout de nerf et ne supportait plus autant qu'avant de voyager aux côtés de cet elfe qu'elle aimait et haïssait en même temps. Enfin, qu'elle aimait... elle n'était même pas certaine de ses sentiments. Mais pourquoi réagirait-elle ainsi si tel n'était point le cas ? Oropher jouait-il avec les sentiments de la belle ? Se moquait-il d'elle ? La nouvellement traître à son peuple s'en voulait, quelque part au fond d'elle, de se comporter ainsi avec son vieil ami : peut-être étaient-ils en train de vivre leurs dernières heures l'un avec l'autre. Ils plongeaient dans des abysses épais comme l'encre et noir comme la nuit, et s'ils avaient été plus loin encore dans la terre, on aurait juré qu'ils allaient directement dans l'antre des Balrogs d'antan. Ou que Ungoliant en personne tissait sa toile de nouveau, pour masquer la présence que ces cavernes renfermaient et abritaient.

L'odeur qui planait dans l'air semblait inexistante et pourtant il y en avait une. Du renfermé, de la poussière. Peut-être même sentait-elle la mort, souvenir vague et idée furtive, une sensation discrète mais qui s'imposait à l'esprit comme une évidence : ils n'étaient pas les premiers à fouler ces tunnels obscurs et sans fin. L'elfe aux cheveux de jais se tenait prête à dégainer si le besoin se faisait ressentir. Mais cela n'était point utile pour le moment : elle devait garder ses mains pour se tenir aux parois glissantes et suintantes d'humidité, presque poisseuses. Elle se tournait de temps en temps vers Oropher pour vérifier qu'il ne tombait pas ou qu'il continuait d'avancer.

Plus ils avançaient, plus l'air devenait... lourd. Suffoquant. Elle ne se sentait pas à l'aise dans ces cavernes qu'elle préférait laisser aux Nains. Elle repensait sans cesse aux plaines, aux forêts et à l'air qui caresse son visage. Ici-bas, le seul air existant était le souffle pestilentiel et absent des ténèbres et des âmes perdues qui circulaient dans les tunnels aussi vides que remplis d'une impression pesante. Il arrivait qu'ils prennent un chemin qui mène vers un éboulement ancien et qu'ils soient contraints de rebrousser chemin. Les quelques escaliers qu'ils avaient empruntés se muaient en pistes glissantes, où les marches incertaines et indiscernables laissaient places à des enfoncements dans la roche qui ressemblaient vaguement à des escaliers ; ou bien à carrément des pistes glissantes. Elle dérapait bien souvent et chaque fois, elle prévenait Oropher pour qu'il fasse attention. Plus ils avançaient, plus elle semblait s'inquiéter pour son compagnon de route. Était-ce une façon de s'excuser, de rendre sa compagnie moins pénible ou bien les sentiments enfouis qui remontaient avec le danger qui s'approchait ? Peu importait, réellement, cette épreuve allait soit les séparer définitivement soit les rapprocher intimement. Ou rien du tout.

Malheureusement, elle était si concentrée à avancer qu'elle n'avait même pas pensé une seule fois au retour. Mais plus ils s'enfonçaient dans les entrailles de l'antique cité, plus elle redoutait que jamais ils n'en sortent ; ou que rien ne les guettait ici. Elle voulait retourner à la surface et pourrait pleurer si survivre n'était pas sa priorité actuelle. Plus le temps passait, plus la torche baissait doucement en luminosité. Elle craignait qu'ils ne puissent pas ressortir quand la torche abandonnerait son rôle derrière elle, les laissant sans aide pour se repérer. Cela angoissait profondément Lithildren, qui doutait de plus en plus de sa prétendue fidélité à des engagements qu'elle ne pourrait peut-être même pas tenir.

Ils arrivèrent après un temps impossible à déterminé près d'un grand escalier. Lithildren avançait mais elle manqua de tomber dans le gouffre qui s'ouvrait juste devant ses yeux. Elle se tourna vers son compagnon de route, de nouveau vers le trou béant qui ressemblait plus à la bouche immense d'une créature venue des profondeurs de la cité qu'à un précipice.

- Oropher... on ne peut plus avancer.

Et au moment où elle commençait à se retourner pour proposer qu'ils rebroussent chemin, un raclement se fit entendre dans le silence pesant des cavernes. Comme des griffes sur un mur, un cadavre qu'on traîne au sol et dont les talons éraflaient le sol. Non... si ? Il était désormais hors de question de rebrousser chemin. Lithildren ne parvenait pas à savoir d'où venait le bruit. Et cela l'angoissait bien plus que de savoir qu'une chose les traquait, les observait et n'attendait qu'une seconde de faiblesse pour attaquer.

- Il faut trouver une solution, Oropher, dit-elle doucement. J'ignore si nous allons pouvoir atteindre l'autre côté, même s'il est proche... Et si le gouffre sous nos pieds et trop profond, nous servirons bientôt de pitance à cette chose trop proche de nous...

L'elfe tremblait. Elle se sentait si angoissée qu'elle avait des frissons qui lui parcouraient l'échine et les bras. Ses jambes et ses bras tremblaient légèrement et son sang-froid de même que ses nerfs étaient à vif. La situation était pressante, empirait et la réponse d'Oropher ne la rassura pas même s'il essayait de le faire. Elle prit alors soudainement la torche qui menaçait de s'éteindre dans les minutes ou l'heure qui suivait.

- Peut-être que si je lâche la torche, on aura une indication de la profondeur du gouffre, avec la lumière qu'elle émet et le bruit de l'atterrissage.

Lithildren paniquait. Littéralement. Et ce serait sans doute le seul moment où Oropher la verrait ainsi. La dur à cuir au cœur de pierre montrait enfin autre chose que ses menaces, son regard et ses mots durs, sa violence. Elle montrait enfin qu'elle pouvait être autre chose que la guerrière sans pitié qui décapitait des marchands d'esclaves... Lithildren paniquait par la situation, l'endroit et sa crainte de mourir.

- Et je plongerais dans le gouffre en première.

Oropher protesta, ou voulut protester.

- Arrête ! Il faut prendre une décision, et si je meurt, alors tu devras prendre le plus d'élan possible et sauter de l'autre côté. Les Valar nous protège, mon ami... Eux seuls savent le sort qui nous pend au nez...

Et Lithildren tendit le bras, dans un geste désespéré de lâcher la torche dans le vide. Ses doigts hésitaient à s'ouvrir. Ou refusaient.
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptyDim 19 Mar 2017 - 13:01

Plus ils s’enfonçaient dans les entrailles de la vieille cité et plus la panique de Lithildren déteignait sur Oropher. Voir sa belle elfe perdre sa froideur aurait dû le rendre heureux, et cela aurait été le cas en toute autre situation : il aurait alors pu profiter de ce regain d’humanité pour se rapprocher d’elle et lui avouer avec des mots simples et émanant du cœur toute la puissance des sentiments qu’il ressentait à son égard et qui étaient restés latents, attendant leur heure, depuis de trop nombreuses années. Il aurait tout simplement pu l’enlacer pour dire à quel point elle comptait pour lui. Mais cela n’était pas possible. Ils ne se trouvaient pas dans les prairies des terres sauvages, ni dans les bois de hêtres de la vallée d’Imladris. Ils ne pouvaient pas même apprécier la tranquillité temporaire de l’intérieur d’un chariot d’esclaves. Ici, le danger n’attendait pas la fin de la journée pour se manifester, il menaçait de survenir d’un instant à l’autre.

Le noldo n’avait pas vu Lithildren dans cet état depuis le début de leur voyage. Elle était fébrile, effrayée, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Et cela effrayait Oropher et le rendait fébrile en retour. Il se sentit faible et cela fit monter la colère en lui. Pourquoi était-il incapable de surmonter la situation ? Il avait connu maints dangers dans les batailles, il avait frôlé la mort de si près qu’il avait senti son souffle glacé lui souffler derrière la nuque, et pourtant sa force de volonté l’avait toujours tenu à l’écart de la peur. Alors pourquoi maintenant, par les Valar ?!

La réponse à sa question se tenait debout à côté de lui, au bord du gouffre noir qui leur barrait la route.

Cruel était le concours de circonstances qui les avait menés jusqu’à cette impasse morbide, jusqu’à ce lieu déchu que même Eru Ilúvatar avait dû oublier, lui qui a pourtant donné naissance au monde. Eä, que ces choses soient ! Ici les choses avaient été, mais elles n’étaient plus. Les bruits glauques qu’ils venaient d’entendre n’étaient peut-être que des chimères créées par leurs pauvres esprits d’elfes pour combler le vide de ce silence qu’il était trop dur d’assimiler.

Il faut trouver une solution, Oropher… La voix de Lithildren le tira de ses pensées inutiles. D’habitude c’était lui l’homme pragmatique qui trouvait les solutions, qui mettait les problèmes à plat et les traitait de manière rationnelle sans se laisser emporter par ses émotions. Mais les rôles venaient de s’inverser. Il était le bambin perdu dans ses rêves que la question du maître ramène à la dure réalité. Le ton à la fois doux et apeuré de son amie d’enfance fit bondir son cœur d’un élan d’affection qu’il n’avait jamais connu encore. À cet instant, il se serait volontiers jeté tête la première dans le vide si quelqu’un avait pu lui assurer que cela ferait ressortir Lithildren vivante de cet enfer. Mais ni Eru ni les Valar, ni même probablement Morgoth n’étaient en mesure de lui signer un tel contrat, égarés et oubliés qu’ils étaient. Il n’y avait qu’eux deux et la chose qui les traquait si toutefois elle était réelle, chose qui dans l’esprit d’Oropher avait revêtu la forme d’un monstre plus hideux que les pires démons des histoires de l’ancien temps.

Un choix. Ils devaient simplement faire le choix qui leur permettrait de vivre un moment de plus, sans penser plus loin, sans même penser à l’espoir ou au désir de revoir le monde baigné de soleil.

- Attends !

Le cri d’Oropher brisa le silence avec une telle soudaineté qu’il fit vibrer leurs tympans comme un coup de tonnerre. Dans un sursaut presque automatique il s’était jeté en direction de Lithildren et lui avait saisi la main qui portait la torche. Ce brusque mouvement tira sur toutes les plaies de son dos et lui arracha un râle de douleur qu’il étouffa du mieux qu’il le put.

- Les Valar ne nous protègent pas, lança-t-il dans un chuchotement précipité. Ils ne me protègent plus et il en va de même pour ceux qui vont avec moi et qui me sont importants. Les Valar ne nous voient pas ici, et même s’ils nous voyaient ils ne nous accorderaient aucune miséricorde. Je leur ai trop déplu.

Il aurait voulu rebrousser chemin, aller dire à Sadron et ses fils de lui rouvrir ses cicatrices avec leurs lames et ainsi annuler la dette qu’il leur devait. Lithildren n’y était pour rien dans cette histoire, elle ne faisait que pâtir de son destin. Mais il savait qu’il était presque impossible de retrouver la sortie, d’autant plus que leur source de lumière se tarirait vite. La seule option était d’aller plus loin, de trouver… ce qu’il y avait à trouver. Il lâcha doucement la main de son amie et recula d’un pas en hochant doucement la tête, la bouche fermée, le regard résigné.

Et Lithildren Valbeön lâcha la torche.

Oropher compta. Un… deux…

Le bruit du bois contre la pierre résonna quelques instants avant de se résorber. Ils avaient tout juste eu le temps de voir ce qu’il y avait là en bas avant que la torche s’éteigne à cause du choc. Le traître-à-son-peuple n’eut pas le temps de réagir qu’il entendit les vêtements de Lithildren virevolter dans les airs. L’esprit plus alerte que lui, elle avait sauté pour ne pas lui laisser le temps de le faire avant. Il pria pour qu’elle ait mieux enregistré que lui la physionomie du terrain et sauta son tour, sans réfléchir aux conséquences. Dans sa chute ses pieds heurtèrent une irrégularité de la paroi, ce qui eut pour effet de l’envoyer rouler plus loin et lui évita une réception sèche. Mais en paiement de cette chance il dut y laisser un talon et peut-être même une cheville, sans parler des multiples ecchymoses qu’il glana partout sur le corps et des plus vilaines de ses cicatrices qui se rouvrirent dans son dos. Mais ses pensées étaient tournées ailleurs…

- Lith ? Lith !

Il ne pouvait la voir à cause de l’obscurité totale. Il eut tout juste la présence d’esprit de vider sa sacoche à la recherche de son briquet à amadou. Tout feu était impossible sans combustible et il le savait, mais le frottement du silex contre la pyrite permettrait de générer des flashs d’étincelles qui éclaireraient la scène de façon fulgurante. Ils verraient alors leur environnement par intermittence, comme un tableau dévoilé pendant une seconde puis replongé régulièrement dans le noir. Ils… Oropher priait pour que ce soient bien « Ils ».

- Lith !


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Ryad Assad
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La Demeure dans les Fondations EmptyMar 4 Avr 2017 - 11:10

Il y eut tout d'abord un chuintement sinistre. Les échos déformés, métalliques, donnaient l'impression que l'on venait de sortir du fourreau une épée rouillée dont le crissement désagréable restait sur la langue en y laissant un goût amer. C'était comme le grincement d'ongles noirs et sales sur une assiette en porcelaine immaculée. Ou comme le bruit de crocs gigantesques, acérés, qui s'écartaient en même temps que s'ouvrait une gueule béante, promesse mortelle. Des crocs de boucher, maculés de sang séché et de morceaux de chair en décomposition qui donnaient à cet océan de noirceur une odeur fétide.

Il y eut ensuite un souffle. On aurait dit les inspirations saccadées d'un prédateur essayant de flairer sa proie. Comme si dans cette nuit permanente l'odorat avait remplacé la vue, et que désormais que la torche s'était évanouie, la chose recommençait à compter sur ses instincts primaires. Cette respiration lourde, puissante, sauvage, semblait gagner en intensité... Ou bien se rapprochait-elle seulement des deux Elfes ? Le silence revint bientôt, et avec lui l'espoir de sentir l'apparition s'évanouir dans les ombres qui l'avaient vu naître.

Et puis vint la charge...

Un mugissement sauvage, comme un grondement de tonnerre, accompagné d'une cavalcade aussi bruyante qu'effrayante. L'atmosphère confinée et étouffante rendait ce vacarme assourdissant, et il semblait que la terre s'était mise à trembler face à cette furie inattendue. Rompant le règne absolu du silence pour un bref instant, quelque chose fondit précisément là où s'était trouvée la torche quelques secondes plus tôt. Ses pas faisaient craquer douloureusement les minuscules débris qui jonchaient le sol, et soulevaient un nuage de poussière sur son passage. Le gouffre s'ouvrit comme un boyau vertical devant ses griffes d'acier, et des yeux inquisiteurs plongèrent au fond de celui-ci comme s'ils pouvaient transpercer l'opacité de la nuit et dénicher ceux qui essayaient de lui échapper.

Le mugissement se transforma en hurlement en constatant que les deux fuyards avaient disparu, sans doute occupés à fuir pour leurs vies. Ce cri rauque, désincarné, se répercuta autour des Elfes qui n'avaient eu d'autre choix que de suivre le passage qui s'ouvrait devant eux s'ils ne voulaient pas faire face à la chose qui les poursuivait. Le son, jeté à leurs trousses comme des vagues inlassables cherchant à les happer pour les ramener au large et les noyer, semblait rebondir sur les murs et tenter de les devancer. Il s'enroulait autour de leurs jambes comme pour les faire trébucher, et enserrait leurs cœurs pour mieux faire vaciller ce qui restait de leur détermination.

Alors ils couraient, perdus, hagards, aveugles ou presque, essayant simplement de se tenir éloignés de la menace qui les talonnait. Ils pouvaient entendre distinctement qu'elle ne les lâchait pas d'une semelle, et puisqu'elle avait posé les yeux sur eux ils étaient devenus siens. Ses proies. Ses cibles. Son bien sur lequel elle entendait refermer sa poigne vengeresse. Ils se poussaient mutuellement, à la fois pour s'exporter à continuer et parce qu'il aurait été fou de rester seul dans un endroit pareil. Ost-in-Edhil souhaitait les détruire, les broyer, et ils n'avaient une chance que parce qu'ils étaient ensemble dans ce cauchemar.

Ils essayèrent de bifurquer, d'accélérer autant que le leur permettaient leurs organismes blessés et fatigués, mais il semblait bien que leur seule constitution d'Elfe ne leur permettrait pas de s'en sortir. Ils durent prendre le mauvais embranchement, car rapidement ils remarquèrent que le couloir rétrécissait, et s'abaissait dangereusement. Courir voûté n'était pas facile, mais courir de profil l'était encore moins. Ils se retrouvèrent bien bientôt à devoir affronter la cité à quatre pattes, leurs doigts fouissant dans le sol pour continuer à progresser le plus vite possible. Les coupures qu'ils accumulaient au passage, la terre qui se glissait sous leurs ongles, la sueur qui leur dégoulinait dans le dos et collait leurs cheveux à leur front... Tout cela n'avait plus d'importance désormais. Ils avançaient, et derrière eux la chose semblait ralentir...

Fallait-il voir le signe qu'elle était si énorme que sa lourde carcasse ne parvenait pas à se glisser dans le conduit trop étroit ? Était-elle si grande que même en se penchant au maximum elle ne parvenait pas à s'extraire à l'emprise d'Ost-in-Edhil ? Impossible de le dire avec certitude, mais ils ne pouvaient pas s'arrêter pour vérifier. S'arrêter signifiait mourir, dans cette cité de malheur. Alors même quand le couloir devint si étroit qu'il leur fallut ramper à plat ventre, misérablement, ils poursuivirent. Même quand devant eux ne s'ouvrit qu'un abîme sans fin, sans espoir, ils poursuivirent. Ils haletaient, ils tremblaient, ils toussaient d'avoir avalé tant de poussière, mais ils ne pouvaient pas s'arrêter.

Et la crainte de s'emparer d'eux de nouveau... Combien de temps devraient-ils ramper ainsi ? Jusqu'où les mènerait ce tunnel qui n'avait visiblement pas été creusé pour servir de passage ? Ils l'ignoraient, mais la perspective de rester coincés dans un réduit sombre et froid n'était pour réjouir personne. Ils sentaient la pierre tout autour d'eux, collée à leur poitrine, collée à leur dos, glissant sous leurs pieds qui y cherchaient une prise, glaciale sous leurs mains qui tâtaient devant eux en espérant ne pas y trouver une nouvelle horreur. Un monstre assoiffé de sang qui les déchiquetterait sans merci, et marquerait leurs derniers instants en Terre du Milieu sous le signe d'une souffrance si terrible que leurs fëa ne s'en remettraient jamais complètement lorsqu'ils rejoignaient Valinor. Ou plus terrible encore... La fin. La fin pure et simple, un bloc de pierre incommensurablement lourd qui leur barrerait la route et leur ferait regretter de s'être enfoncés si loin.

Ce fut précisément ce sur quoi Lithildren mit la main.

La pierre était lisse au toucher, sans doute un bloc qui avait servi de mur à une époque, et qui s'était effondré lors de la destruction de la cité, leur bloquant le passage inélégamment. Piégés. Ils étaient piégés. Entreprendre de faire le trajet en sens inverse n'était tout simplement pas une option. Ils étaient épuisés, assoiffés, et la perspective de devoir faire face à la chose qui les avait traqués jusqu'à présent n'était pas non plus réjouissante.

Alors que leur restait-il ?

Attendre et laisser faire le temps qui de toute évidence semblait déterminé à les condamner ? Pouvaient-ils réellement s'y résoudre ? Sans doute que non. Le désespoir les guettait toutefois, et il leur fallut une chance insolente pour découvrir que le bloc qui se trouvait devant eux n'était pas aussi inamovible qu'ils avaient pu le penser au premier abord. Il jouait légèrement, et sans doute qu'avec assez d'effort, assez de patience et assez de rage elle pourrait le faire basculer. Elle se trouvait en tête, et c'était à elle seule de réussir cet exploit, de se battre pour sortir de cette prison minérale. Pour les sauver tous les deux. Mais si elle souhaitait y parvenir, elle devrait y consacrer l'entièreté de son énergie, pousser, frapper à s'en meurtrier les mains. Ost-in-Edhil ne leur faciliterait pas la tâche. Ils en avaient bien conscience désormais, et la difficulté de leur mission leur apparaissait pleinement.

Ce qu'ils ignoraient cependant, c'était que derrière ce bloc de pierre se trouvait un couloir intact, qu'ils pourraient explorer debout et à leur aise. La cité savait récompenser ses champions, même si ses rétributions étaient bien maigres. Un peu d'espace, un peu de calme...

Et une torche fixée au mur, qui brûlait négligemment dans la nuit.


__________

1800e message !


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La Demeure dans les Fondations EmptyMar 4 Avr 2017 - 12:47
Elle s'était jetée dans le vide dans un élan de désespoir. L'hurlement, les cris et les raclements s'étaient faits pressants, comme le prédateur qui accule sa proie dans une impasse. La chose qui leur rampait après s'était empressée de tenter de les dévorer pour qu'ils rejoignent les cadavres de l'endroit. Mais Lithildren ne lui donnerait pas ce plaisir. Si cette créature voulait la dévorer, elle devrait la mériter. C'est avec cette pensée plus réconfortante qu'elle ne l'aurait pensé qu'elle avait sauté. Elle percuta quelques petites pierres qui dépassaient du mur, dans les bras et les cuisses. Durant sa chute, Lithildren eut le bête réflexe de fléchir les jambes afin d'amortir au mieux sa chute. Néanmoins, la chute fut trop court - ou trop longue - et elle glissa lamentablement en atterrissant, parvenant néanmoins à limiter les dégâts. Elle resta un instant au sol, tâchant de reprendre son souffle, qui était court et saccadé. Ses oreilles captèrent le bruit du saut d'Oropher. Lui avait été moins délicat et malgré qu'il soit Elfe, il restait homme, et chacun sait que les hommes sont plus patauds que les femmes. Il atterrit avec une disgrâce absolue, se ramassant au sol plus violemment qu'elle. Lithildren tâcha de se relever, bien qu'elle resta accroupie. Oropher avait généré de petites étincelles afin d'essayer de voir quelque chose, tout en appelant sa camarade. Mais elle lui prit les poignets et plaqua une main sur sa bouche en lui intimant le silence. La chose hurlait de rage, probablement frustrée que ses proies se soient enfuies alors qu'elles étaient acculées au bord du gouffre - dans tous les sens du terme.

La panique au ventre, la peur à la gorge, son cœur serré et son corps oppressé, L'Elfe aux cheveux de jais aida son camarade de route à se relever, le soutenant tout en lui ordonnant de garder le silence. Elle lui prit la main pour l'encourager à avancer. Oropher boitait assez bas. Mais l'adrénaline qui courait leur corps mettait de côté les douleurs qui les lanceraient à chaque pas en temps normal. Avec la peur qu'elle ressentait et l'angoisse face à la mort certaine s'ils ne bougeaient pas, Lithildren semblait recouvrer un éclair de lucidité pour qu'ils se sortent de cette impasse. Elle serra la main d'Oropher pour plusieurs raisons : ne pas le perdre de "vue", lui donner un élan supplémentaire pour aller plus vite et se rassurer elle-même qu'elle n'était pas seule dans cette épreuve. Elle se mit à courir pour sa vie et celle du renégat. Les hurlements, les cris de rage et de frustration de la créature ricochaient contre les murs, comme des billes de fer qu'on jetterait contre les parois, des filets d'araignée qu'on tisse avec des hurlements pour faire paniquer des proies vulnérables. La créature avait tenté quelques minutes ou secondes plus tôt de les dévorer sans avoir recours à la vue : cette chose vivrait-elle ici depuis tant de temps que son odorat serait devenu expert ?

S'abaisser, ramper, se déplacer dans bien des positions relevait du défi. Mais l'élan de survie qui lançait les deux Elfes en avant leur offrait quelques heures ou jours de répit. Les beuglements viscéraux de la créature semblaient de plus en plus lointains, mais ils résonnaient si fort dans le crâne de Lithildren qu'elle serait capable de traverser la Terre du Milieu en se pensant pourchassée à jamais. Elle avait lâché la main d'Oropher dès qu'ils devaient se déplacer autrement que debout. Elle restait devant, tâtonnant devant elle à l'aveugle, un bras ne cessant de caresser le mur et l'autre tendu devant elle pour éviter de se prendre un mur de plein fouet. Elle prenait parfois des secondes interminables pour analyser le terrain, descendre au sol et indiquer qu'il fallait ramper, se mettre de profil, à genoux ou à quatre pattes. Oropher suivait, déterminé à sauver sa peau. Lithildren voulait le sauver. Elle ignorait pourquoi cette pensée venait la harceler et marteler son crâne douloureux aux côtés des cris de la chose qui leur courait après. Elle voulait qu'il vive, qu'il s'en sorte, au prix de la vie de la guerrière. Elle ne voyait plus son ancien ami et cela l'angoissait, d'une certaine manière. Elle voulait revoir le visage du renégat pour se rassurer que ce qu'elle entendait n'était pas la créature dotée d'un pouvoir mystique de changement de forme. Elle se mettait à délirer. Complètement. L'obscurité la rendait folle. Elle n'en pouvait plus de ramper ainsi, depuis un temps que seuls les Valar connaissent, si tant est que leurs yeux puissent percer les ténèbres épais dans lesquels Oropher et elle se trouvaient.

A force de tâtonner, ses doigts rencontrèrent un obstacles. Elle tapa un peu du poing, du plat de la main, avant de comprendre l'évidence : ils rampaient mais étaient désormais coincés.

- Non... Non, non, non, non !

Elle paniqua. Elle tapa des poings en répétant inlassablement des "Non" d'inquiétude face à l'évidence qu'elle ne parvenait pas à figurer dans son esprit. Toujours couchés contre le sol, à ramper comme des serpents, un mur leur barrait la route. Elle se mit à jurer, avant d'abandonner. Elle posa son front contre son bras, haletante et sanglotante.

- J-je suis désolée...

Elle s'excusait autant à elle-même qu'à Oropher. Elle se sentait coupable de la situation. A cause de sa promesse, elle venait de condamner son ami d'enfance. Lithildren sanglotait d'impuissance. Et sa mémoire lui revint, comme un élan d'espoir à elle-même. Lorsqu'elle était enfermée dans les cages des halls du Rhûn, qu'avait-elle fait ? Elle s'était enfuie. Elle n'avait jamais abandonné l'espoir de fuir alors qu'elle se sentait en danger de mort. Elle avait fuit les cachots sombres et humides. Oui, car si elle avait peur dans cet endroit, c'était à cause de ses souvenirs des cachots noirs où elle perdit la mémoire petit à petit, où ses yeux avaient prit une teinte argentée pour remplacer le bleu d'antan. Elle avait apprit à craindre la pierre, l'obscurité et les endroits étroits comme ce passage dans lequel ils rampaient. Alors toutes ces choses réunies avec une créature qui les pourchassaient, elle craquait et son esprit ne supportait pas autant de choses en une fois. Et avec Oropher qui risquait de mourir par sa faute... cela l'achevait.

Mais Lithildren tenta de rester optimiste. Elle se dit qu'elle s'était enfuie des cachots sombres du Rhûn, qu'elle avait volé un cheval blanc et qu'elle avait ensuite rejoint le Rohan. Elle l'avait déjà fait... elle pouvait recommencer. La guerrière se galvanisa puis se ramassa contre le mur qui bloquait la sortie. Ses épaules avaient du mal à prendre tout leur ampleur dans cet espace restreint et cela l'aidait à pousser. Mais rien. Le bloc ne bougea pas. Quand elle relâcha, ses oreilles captèrent un raclement venant du mur. Elle fronça les sourcils. Et si...? Un espoir finit de donner à Lithildren la force nécessaire et la lucidité pour comprendre : le mur n'était peut-être pas si immobile que cela.

Avec ses pieds, l'Elfe chercha un appui. Elle parvint à trouver une encoche dans le mur pour son talon gauche. Dans le "plafond", elle trouva une irrégularité sur laquelle elle appuya son pied droit en veillant à bien le caler.

- On va s'en sortir... Tu vas voir, on va s'en sortir...

Elle ramassa ses épaules et ses bras contre le mur, puis poussa de toutes ses forces. Le mur ne bougea pas d'abord, puis Lithildren sentit qu'il bougeait légèrement. Elle contracta les muscles de ses jambes et en appela à la force de Tulkas pour l'aider à pousser ce bloc. Même si elle doutait que sa prière fut entendue, Lithildren se donna seule l'espoir que ce fût le cas. Elle banda son corps entier pour en déployer la force qui sommeillait en elle. Dans un élan de folie pure et de tentative désespérée de se donner de la force, elle lâcha un cri proche du cri de guerre. Le bloc bougeait très lentement, mais il bougeait. Elle cessa quelques instants pour chercher de nouvelles irrégularités plus proches d'elle. Elle trouva un creux dans le "plafond" où elle fourra le bout de son pied gauche et une petite bosse où elle appuya avec son pied droit, sans bouger le haut de son corps. Après quelques respirations bien profondes, elle redéploya toute son énergie en se mettant à grogner pour se donner courage. Elle lâcha un cri guttural alors que le bloc semblait céder sous la poussée de l'Elfe. Petit à petit, elle dépliait ses jambes. Elle tremblait, sentait ses forces la quitter inéluctablement. Elle tentait de se forcer à repenser à ce cachot sombre du Rhûn afin de se dire qu'elle revivait la même chose. Dans une dernière poussée violente, elle sentit le bloc de pierre céder et avec la poussée, elle partit elle aussi en arrière. Le bloc souleva un épais nuage de poussière et émit un bruit affreusement fort en s'abattant au sol. Elle ne put aller bien loin à cause de lui, mais elle avait ouvert un passage. Avec le peu de forces qui lui restaient, Lithildren se hissa hors du réduit de pierre. Sa vision se fit trouble alors qu'elle voyait une torche brûler à quelques pas devant elle. Le couloir semblait si...

Lithildren, qui était plus ou moins assise, retomba lourdement au sol. Avec ce déploiement d'énergie, elle avait usé ce qu'il lui restait. L'Elfe s'évanouit alors que le calme et le couloir s'ouvrit devant eux, avec cette torche étrangement allumée alors que ces couloirs étaient censés être vides... C'est avec la pensée que les secrets des soigneurs d'Oropher portaient et cachaient qu'elle tomba dans l'inconscience, sans savoir si Oropher était sorti.

La respiration de l'Elfe soulevait de légers nuages de poussière, alors qu'elle était allongée contre le bloc qui leur barrait la route précédemment. Couverte de sueur, de poussière et sale comme jamais, sa peau semblait pâle à la faible lueur de la torche. Son haut de tissu bleu qu'elle avait déchiré de sa robe de soirée lorsqu'elle s'était enfuit avec son camarade était déchiré de toutes parts, laissant quelques endroits de sa poitrine nus ; et de même, son pantalon déchiré à quelques endroits avaient laissé des irritations sur les cuisses de l'Elfe. Son corps était couvert d'ecchymoses et de rougeurs voire d'irritation dû au raclements de peau contre la pierre. Mais elle avait sombré dans un sommeil réparateur, oubliant son camarade et leur état à tout deux.
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptyJeu 6 Avr 2017 - 21:30

L'espace d'un instant, Oropher se vit mourir. La main qui venait de se plaquer contre sa bouche, et celle qui venait de se refermer sur ses poignets, il crut tout d'abord que c'étaient celles de l'être qui les poursuivait, qui par quelque miracle ou pouvoir surnaturel se serait retrouvé à leurs côtés dans la fosse sous l'escalier. Les respirations résonnantes lui avaient semblé provenir de partout et nulle part comme si c'était Ost-in-Edhil elle-même qui gémissait sinistrement après eux. Aussi, dans sa tête, la chose qu'ils avaient entendu pouvait tout aussi bien se trouver devant eux que derrière, et aussi bien au-dessus d'eux qu'à leur étage. Il était désorienté, perdu dans ce labyrinthe qui ne leur offrait presque aucun repaire digne de ce nom. Deux pauvres elfes noyés dans un océan de ténèbres.

La voix chuchotante de Lithildren le rassura. Elle lui intimait de se taire pour ne pas donner trop d'indices à celui qui les traquait, mais elle aurait tout aussi bien pu lui dire qu'il était l'homme de sa vie et qu'elle souhaitait passer le restant de ses jours avec lui que cela ne lui aurait pas apporté une joie plus grande : ils échappaient à l'horreur pour un temps, ils étaient ensemble et ils étaient vivants. Oropher se raccrochait à ce qu'il pouvait pour conserver cette flamme qui éclairait son cœur et le poussait à aller de l'avant, alors que la flamme de la torche, elle, s'était évanouie et ne renaîtrait pas.

Le silence fut brisé encore une fois. Un crissement métallique se fit entendre, ainsi que de nouveaux râles attestant d'une respiration. Puis le silence revint. C'était venu de là-haut, de derrière, cette fois Oropher en était certain. Une personne ou une créature venait de prendre la place qu'ils occupaient un instant plus tôt, au bord de la faille. Son cœur se mit à battre à tout rompre. Mais avant même qu'il ait pu réagir, Lithildren, qui s'était bien mieux remise que lui de son saut, avait pris les devants et le guidait le long des corridors plongés dans l'obscurité. Le sens de la vue était tout bonnement inutile. Ils allaient à l'aveuglette dans la direction qui leur paraissait la meilleure, se fiant simplement au toucher pour se faire une idée de leur environnement et à l'ouïe pour vérifier que personne ne les rattrapait. Silences et bruits se succédaient, se livrant à un lugubre jeu de saute-mouton. Chaque son les renseignait plus ou moins précisément sur la nature des agissements derrière eux et laissait leur imagination faire le reste, tandis que chaque moment de silence prolongé les faisaient appréhender celui où le bruit ferait à nouveau son apparition, encore plus proche et plus oppressant, comme si la mort pouvait surgir tout à coup au milieu d'eux et les croquer.

Cependant plus leur progression se compliquait, plus ils semblaient mettre de la distance avec leur poursuivant et lui échapper, maigre consolation qui compensait à grand-peine l'angoisse de voir le souterrain se rétrécir en hauteur comme en largeur, jusqu'à ne plus être qu'un boyau où ramper sur le ventre devenait leur seule option, ce que le dos meurtri du renégat, ses ecchymoses et sa cheville défaillante transformaient en véritable supplice. Oropher éprouva une drôle de sensation... Il lui semblait que la cité de leurs ancêtres les obligeait à se faire tout petit pour pouvoir continuer leur progression, comme si elle exigeait qu'ils perdent leur vanité et réduisent leur ego pour accepter de les recevoir en son sein.

- Non... Non, non, non, non !

Les exclamations répétées de son amie tirèrent Oropher de ses pensées et lui firent même oublier momentanément sa douleur. Il n'avait jamais vu son amie dans un tel état de désarroi, et il sut bien vite que quelque chose de terrible venait de se mettre en travers de leur chemin. Il lui fallut peu de temps pour comprendre qu'un bloc de rocher leur barrait le passage et que lui-même ne serait pas en mesure d'aider Lithildren dans sa tentative désespérée d'en venir à bout. Il sentit à plusieurs reprises un rapide souffle d'air lui frôler le visage, les bottes de sa comparse manquant de lui faire goûter leurs semelles tandis qu'elle se contorsionnait pour affermir sa position et mieux déployer la force de son corps frêle.

Mais au prix d'un effort qui brûla ses dernières forces et la fit tomber inconsciente, elle réussit.

Trouver un espace moins confiné et une source de lumière était une bénédiction qu'Oropher n'eut guère le loisir d'apprécier. Avant même de se demander comment une torche pouvait avoir été allumée dans ces profondeurs coupées du monde et s'il devait s'en réjouir ou s'en alarmer, il se précipita à la hauteur de celle qu'il aimait et remarqua les légères volutes de poussière que sa respiration soulevait du sol. Elle était évanouie, mais vivante, et se trouvait momentanément à l'abri de l'angoisse et du doute, de la souffrance et du désespoir, ce qui n'était pas le cas d'Oropher. Il fit doucement glisser son corps à côté du rocher et mit l'elfe aux cheveux de jais sur le dos. Malgré l'urgence et la gravité de la situation il ne put s'empêcher de laisser très brièvement vagabonder son regard sur son haut déchiré dont les lambeaux de tissus masquaient de manière fort imparfaite le corps de la belle. La culpabilité et la honte fondirent sur lui comme un aigle aux serres déployées sur un pauvre campagnol. S'insultant intérieurement pour son manque de délicatesse et son instinct qu'il n'avait pas eut la force de maîtriser, il reporta son attention sur les yeux clos d'une Lithildren qui semblait dormir paisiblement au beau milieu de cet endroit incongru. Dans un chuchotement il l'appela par son nom, mais elle ne répondit et ne réagit point. Cette fois-ci c'est la chape de plomb de la solitude qui tomba du plafond pour l'accabler.

Oropher n'avait plus le choix. Il ne pouvait laisser son amie d'enfance ici, à la merci du monstre qui les poursuivait et qui déboucherait du tunnel s'il trouvait le moyen d'y arriver. Et même si ce n'était pas le cas, il ne pouvait tout bonnement pas continuer sans elle. De même que le renégat avait pris le risque de se faire tuer pour finalement accepter l'aide de Sadron et se faire soigner par son fils, Lithildren était à présent en position de faiblesse et la présence d'êtres vivants dans les entrailles d'Ost-in-Edhil, pour menaçante qu'elle fût, constituait un espoir. Oropher devait prendre le risque.

Rassemblant toutes ses forces, il souleva le buste de sa camarade inconsciente et fléchit le sien. À force d'efforts et nonobstant la douleur atroce qui irradiait son dos ensanglanté, il réussit à hisser son corps sur son épaule droite, mais comprit avec détresse que sa cheville ne supporterait pas ce poids supplémentaire. Avant que celle-ci ne flanche définitivement il reposa Lithildren avec autant de douceur qu'il le put. Maudit soit le destin cruel qui avait causé sa blessure et qui l'empêchait de porter celle qu'il aimait, maintenant qu'elle avait besoin de lui ! Il sentit les larmes de la colère lui monter aux yeux et frappa de son poing sur le stupide rocher qui semblait le narguer par son inutile présence. En désespoir de cause il se décida à saisir sa bien-aimée par les aisselles et à la traîner vers l'avant la mort dans l'âme, ne pouvant s'empêcher de faire le parallèle avec un vulgaire sac de patates. Cette image lui donna la nausée, mais que pouvait-il faire de mieux ? Dans sa panique il en oublia de repousser le bloc pour obturer le trou d'où ils venaient d'émerger.

Lentement, péniblement, les dents serrées, Oropher avança à reculons, essayant autant qu'il le pouvait d'ignorer le bruit désagréable que produisaient les jambes de son amie inanimée qui raclaient contre la dalle désagrégée du sol. Fort heureusement la déclivité l'aidait dans son entreprise, et bien qu'il dût prendre mille précautions pour réduire au maximum les secousses que la vétusté des couloirs rendait inévitables, il parvint à évoluer tant bien que mal. Le chemin serpentait, mais régulièrement une nouvelle torche fixée au mur flambait, tantôt sur une paroi tantôt sur l'autre, et la distance qui les séparaient les unes des autres était calculée de telle sorte que l'obscurité n'était jamais complète dans la galerie et que dès que déclinait la lumière de l'une, dès que les ténèbres étaient sur le point d'envahir le cœur d'Oropher, la suivante commençait à répandre la sienne et le poussaient à continuer encore, à atteindre ce nouveau jalon, puis le suivant et ainsi de suite.

Dieu sait combien de temps passa, car le pauvre elfe ne comptait plus en minutes, ni en heures, ni en jours, mais en fonction des forces qu'il usait et de la résistance de son corps qu'il sentait vaciller, s’amenuiser dangereusement. Il en vint même, dans le désespoir qui le gagnait, à ne plus se soucier du danger qui pouvait se trouver devant ou derrière lui, ni de son épée qui lui paraissait bien inutile dans un moment pareil. Il ne supportait plus le faible crépitement des torches qui avaient pourtant donné un coup de fouet à son moral dans un premier temps, et il aurait donné n'importe quoi pour que cesse ce morne et interminable cheminement. Même l'irruption soudaine d'un monstre sorti tout droit de l'imagination malsaine de Morgoth lui paraissait préférable à ce vide infini. Son unique source de réconfort, bizarrement, lui vint des petits fragments de pierre sculptés qu'il ne pouvait s'empêcher de ramasser lorsqu'il en voyait un, même si cela le stoppait dans sa progression et l'obligeait à allonger Lithildren au sol à chaque fois. Devenait-il fou, ou au contraire se donnait-il cette futile occupation pour éviter de sombrer dans la folie ? Lui-même n'aurait su le dire précisément...

Il arriva un moment où la fatigue et le désespoir devinrent tels qu'il se résigna à s'allonger en compagnie de celle avec qui il aurait voulu passer sa vie, pour attendre paisiblement que la mort vienne les chercher tous deux pour les réunir à jamais, si tant est que leurs fëar puissent retrouver le chemin de la sortie et ne soient pas coincées à jamais dans ce dédale, fantômes errants dans les profondeurs de la Terre du Milieu, loin de Mandos. À la prochaine torche, se dit-il, cherchant le maigre réconfort de mourir dans la lumière. Le souterrain faisait un angle droit vers la gauche, qu'il passa tant bien que mal. Oropher s'aperçut qu'aucun flambeau n'était plus fixé au mur, mais que le tunnel dans lequel il cheminait à présent était d'une rectitude parfaite, et surtout qu'il était irradié par une source de lumière intense provenant de son extrémité. Oui ! À une centaine de mètres tout au plus se dessinait le cadre d'une ouverture, rectangle aux teintes jaunes et orangées, éblouissant après la longue marche dans la demi-obscurité. Plus il avançait et plus il ressentait une chaleur apaisante envahir son corps.

Alors une étrange idée pointa dans son esprit... En réalité il venait de mourir. Ils venaient de mourir tous les deux et avançaient vers le Royaume Bienheureux où la lumière des Valar, racontaient les sages, éblouissait ceux qui n'avaient toujours connu que la grisaille de ce monde.


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Ryad Assad
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La Demeure dans les Fondations EmptySam 22 Avr 2017 - 11:45
HRP : Toutes mes excuses pour le retard !

__________


Un claquement régulier, ininterrompu, semblait venir des profondeurs de la cité enfouie. Un claquement qui, cette fois, n'évoquait pas les mâchoires acérées d'un monstre jeté à leur poursuite, ce qui n'était pas désagréable. Avaient-ils enfin franchi les épreuves que leur envoyait Ost-in-Edhil ? Avaient-ils enfin mérité le droit de se reposer, après avoir tant couru, rampé, creusé, haleté, poussé et tiré ? Peut-être que oui. Pendant qu'il traînait Lithildren sur le sol rocailleux, Oropher pouvait apprécier la douce et chaude lueur que dégageaient les torches disposées à intervalle régulier. S'il avait pu croire au départ à une hallucination, il devait bien admettre désormais que quelqu'un - ou quelque chose ! - habitait encore le cœur de ces ruines. Impossible de déterminer avec certitude à qui ils allaient avoir affaire en arrivant au bout du chemin, mais dans leur état d'épuisement actuel, ils n'avaient guère d'options. Reculer signifiait revenir dans le boyau infâme dont ils s'étaient si péniblement extraits, et c'était simplement hors de question. Alors, prenant la source de son courage à deux mains, sans grâce mais avec les meilleures intentions du monde, il poursuivit sa route en suivant les torches, balises lumineuses qui l'appelaient comme autant de guides enchantés l'invitant au dernier voyage.

Et c'était peut-être bien la mort qui l'attendait au bout du chemin. La mort sous la forme d'une voix rauque qui gronda :

- Ça bouge là-bas !

Oropher s'immobilisa. Était-ce parce que la menace de se voir agresser par des inconnus alors qu'il était au plus bas était tellement injuste qu'elle lui ôtait même la force de se battre pour vendre chèrement sa vie ? Ou bien était-ce simplement qu'il craignait de poursuivre de peur de continuer à incarner malgré lui le danger que cette voix semblait avoir repéré. Avant d'avoir eu le temps de réagir, ou même de trouver comment réagir, il entendit une voix puissante s'élever. Elle était reprise en écho par les parois du couloir étroit, et il n'était pas possible de savoir ce qu'elle venait de dire, mais la seule chose certaine était qu'elle était la voix du pouvoir et du commandement. Les autres se plièrent à sa volonté, et s'approchèrent précautionneusement des deux Elfes qui auraient été bien incapables d'offrir la moindre résistance, l'auraient-ils voulu. Lithildren inconsciente, Oropher au bord de l'épuisement... Ils n'avaient littéralement aucune chance contre la demi-douzaine d'individus qui marchaient sur eux, emplis d'une détermination qui n'avait d'égale que leur crainte.

- Des Elfes ! Ce sont des Elfes !

Oropher essaya bien de... De quoi d'ailleurs ? De se rendre ? De négocier ? De se protéger ? Il échoua dans tous les cas. Les hommes, mus par une rage peu commune, se jetèrent sur celui qu'ils avaient identifié comme un adversaire et le rouèrent de coups. Quelqu'un cria quelque chose qui signifiait vaguement "ne les tuez pas", mais les insultes et les hurlements n'étaient pas pour aider le Premier Né à saisir les subtilités linguistiques et les choix sémantiques. Pourtant, s'il avait pu prêter attention à cette voix qui appelait à ce qu'on les épargnât, il aurait sans doute pu entendre en elle les accents de la sagesse et de la tempérance. Deux choses que les autres semblaient ne pas avoir à profusion. En revanche, ils avaient une frustration à évacuer, et ils ne furent pas avares de coups alors qu'ils essayaient de faire payer à Oropher quelque chose qu'il n'avait pas fait, mais qu'il avait le malheur d'être. Un coup de pied plus ajusté que les autres le cueillit au coin du menton, et l'envoya rouler comme une poupée de chiffon.

- Il a son compte, arrête ! Arrête ! Luwis, arrête !

- Je vais le fumer ! Je vais le fumer ! Laisse-moi le fumer !

Jessp, sans doute un peu plus raisonnable, s'interposa et indiqua du doigt les deux corps inconscients en criant :

- Ça suffit ! Ça suffit, tu commences à devenir bizarre toi aussi !

Luwis eut un bref mouvement de recul, et sa colère retomba brusquement. Il jeta un regard désabusé aux deux Elfes, et cracha par terre comme pour conjurer une malédiction. Les autres, calmés eux aussi, semblaient hésiter quant à la marche à suivre. Ce fut Jessp qui les remit au travail d'une voix autoritaire :

- Désarmez-les, et attachez-les solidement. Ensuite ramenez-les, et foutez-les au frais.

Sans attendre de voir si ses hommes allaient exécuter ses ordres - ils savaient très bien que celui qui désobéirait subirait un châtiment terrible, et ils n'étaient pas stupides au point de vouloir renoncer à l'or qui leur avait été promis -, Jessp retourna vers une pièce de belle taille où se trouvaient d'autres hommes occupés, eux, à creuser à l'aide de pioches qui produisaient ces fameux claquements. Du moins c'est ce qu'ils auraient dû faire, s'ils n'avaient pas interrompu leur travail pour observer avec inquiétude le couloir d'où provenaient des bruits de lutte :

- C'est réglé, retournez au travail ! On est déjà en retard, alors on se bouge !

Il frappa dans ses mains pour accompagner son injonction, et les ouvriers retournèrent à leur occupation sans attendre, craignant déjà les sanctions. Ils avaient le corps luisant de sueur, mais ils continuaient à user leurs mains et leurs dos au travail pour abréger leur séjour dans les entrailles d'Ost-in-Edhil, conscients qu'ils ne partiraient que lorsqu'ils auraient trouvé ce qu'ils étaient tous venus chercher. Jessp hocha la tête avec satisfaction, et s'éloigna tranquillement des travailleurs pour aller un peu plus loin. La salle était vaste, même si certaines portes s'étaient effondrées et leur barraient la route. Ils avaient largement de quoi séparer un espace pour se coucher et un espace pour travailler, tout en se retranchant derrière des barricades de fortunes qui les protégeaient d'éventuelles attaques. Jessp s'approcha d'un homme auquel personne ne rendait visite de bon cœur. Il se trouvait installé dans un fauteuil, appuyé lourdement sur une canne, et observait silencieusement les déplacements de tout un chacun. Jessp commençait à s'habituer à le voir ainsi, voûté et usé, mais il ne pouvait pas s'empêcher de constater que son état se dégradait rapidement, ce qui suscitait quelques inquiétudes. Après tout, c'était lui qui devait les payer, et ils ne voulaient pas le voir mourir avant d'avoir récupéré leur paiement. Le guerrier s'agenouilla, non pas par déférence mais pour se trouver au niveau de son interlocuteur, et souffla :

- Monsieur... Nous avons capturé deux Elfes qui essayaient de se faufiler par ici. J'ai bien peur qu'ils soient en mauvais état, mais apparemment ils sont vivants.

- Bien... Répondit une voix faible, âgée, fatiguée. Bien... Des difficultés, je crois ?

- Luwis... Il est à cran, et j'ai cru qu'il n'allait jamais s'arrêter de lui foutre sur la gueule... Enfin, je veux dire... de le frapper.

Un silence. Pesant.

- Comme les autres ?

- Non, monsieur. Pas encore, tout du moins.

Nouveau silence.

- Je vois. Maintenez la discipline, Jessp. Quant aux Elfes... Amenez-les moi...

L'intéressé hocha la tête avec raideur, et s'empressa d'aller exécuter les ordres. Il ne fallait pas faire attendre leur supérieur, l'homme qui avait rendu tout cela possible. D'un naturel relativement impatient, ce trait de caractère ne s'était pas amélioré avec la vieillesse, et il semblait tolérer de moins en moins les menus contretemps auxquels ils devaient faire face. Jessp s'approcha de ses hommes, qui traînaient les deux Elfes. Il leur fit un signe explicite pour leur demander de les amener au patron, et retourna à ses affaires... Il collectionnait de drôles de pierres porteuses de symboles dont il ne connaissait rien, mais qui lui semblaient avoir une certaine valeur. Il les comptait, les triait et les réarrangeait inlassablement, afin de s'assurer qu'il n'en oublierait aucune lorsqu'ils quitteraient enfin ce trou à rats. Plongeant la main dans son sac, il les étala devant lui en s'assurant que personne ne l'observait, et les compta du bout du doigt.

Une… Deux… Trois…


▼▼


Lithildren et Oropher s'éveillèrent sensiblement au même moment, ramenés à la vie par de vigoureuses paires de claques, seulement pour constater que leurs poignets et leurs chevilles avaient été entravés. Les cordes leur rongeaient les chairs, et leur laisseraient inévitablement une marque carmin douloureuse. On les aida à s'asseoir, et les deux hommes qui avaient procédé à leur réanimation indélicate s'écartèrent d'un pas pour leur faire comprendre que l'objet de leurs attentions devait être le vieil homme qui les observait de ses yeux étrécis. Il devait avoir plus de soixante-dix ans, à en juger par son aspect physique, mais la lueur dans son regard était celle d'un jeune homme dans la force de l'âge. Il les détaillait comme s'il voulait graver leurs visages dans sa mémoire, sans pour autant que l'on décelât une once d'agressivité en lui.

- Bonsoir, fit-il d'une voix suave.

Puis, devant leur silence, il ajouta :

- C'est toujours le soir, ici...

Il y avait quelque chose d'ambivalent chez ce personnage. Par bien des aspects, il pouvait apparaître inoffensif : la canne qu'il tenait en main n'était pas simplement un accessoire de mode, et il devait avoir toutes les peines du monde à se déplacer hors du siège qu'on lui avait confectionné à la va-vite avec ce qui traînait. Pourtant, une aura menaçante émanait de lui, et il ne fallait pas oublier qu'il tenait les deux Elfes prisonniers. Même s'il semblait sympathique, il n'était pas apparu en ami. Il poursuivit, parlant avec lenteur et mesure comme un poète peinant à se souvenir des vers et des strophes :

- Toutes mes excuses, pour... tout ça... Les hommes se sont emportés...

Le mot était faible. Oropher était couvert d'ecchymoses, et c'était un miracle si Lithildren n'avait pas subi le même traitement. Il toussa légèrement, avant de poursuivre :

- Je suppose que vos attaques... incessantes... peuvent expliquer pourquoi... Expliquer le pourquoi de leur réaction quelque peu... vive...

Il y avait de l'ironie dans son ton, mais ses yeux ne riaient pas vraiment.

- J'aimerais vraiment que cette attaque... soit la dernière. Il y a peu... nous avons laissé s'échapper deux des vôtres... Ils nous avaient promis... de ne plus chercher à nous... comment dire... exproprier... Je vois qu'ils n'ont pas tenu parole... Alors quel message devrais-je leur envoyer ? Quel message comprendraient-ils ?

Il laissa planer la menace un instant, simplement pour que les deux Elfes en prissent la mesure. Ils avaient le malheur d'avoir été utilisés par d'autres à des fins bien sombres, et désormais ils devaient supporter le poids d'accusations qui auraient dû peser sur d'autres épaules. Il fallait croire que l'injustice de leur situation n'était pas prête de prendre fin, et qu'Ost-in-Edhil leur envoyait un nouveau défi.

- Ai-je une raison de ne pas vous tuer... sur-le-champ ? Hm ? Peut-être que vous pourriez me dire la vérité...

Il se tourna vers Lithildren :

- Vous mademoiselle... Peut-être pourriez-vous me dire... hm... comment il se fait que vous soyez dans cet état. Vos prédécesseurs avaient réussi à arriver en... comment vous dire... meilleure forme.

Ses yeux se plissèrent davantage, et il lâcha dans un souffle :

- Deux de mes hommes sont partis en... exploration. Il y a peu... Et ils ne sont jamais revenus... Vous n'auriez pas... disons... croisé leur chemin... par le plus grand des hasards ?

#Jessp #Luwis


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La Demeure dans les Fondations EmptyDim 23 Avr 2017 - 12:35
Dormir. Depuis qu'elle avait clos ses yeux, elle ne souhaitait qu'une chose : dormir.

Elle marchait sur un sentier de lumière, doucement et sans un bruit. Après quelques pas, de l'herbe verte pastel poussa sous ses pieds, de grands arbres s'élevèrent jusqu'au ciel sans nuage et des fleurs se mirent à border le sentier. La lumière caressait toute chose et le vent faisait onduler la chevelure argentée de l'Elfe. Les chants des oiseaux étaient la seule musique audible, un son apaisant. Cet endroit... l'on dirait les bois qui bordaient Imladris ou qui composaient la Lorien. Toute la magie apaisante et rassurante elfique y était imprégnée. Lithildren se sentait plus légère, plus belle, plus jeune, plus innocente. Au bout du chemin, elle vit un homme d'une certaine carrure et sensiblement plus grand qu'elle. Il avait des cheveux blonds et peau claire. Aux côtés de l'homme se tenait une Elfe aux cheveux argentés, vêtue d'une robe grise-bleutée laissant voir ses courbes avantageuses. Ils échangeaient quelques mots entre eux, se tenant les mains. Un courant d'air passa près d'elle. Elle vit alors deux enfants du même âge et se ressemblant énormément courir vers les deux Elfes. Lorsque la femme se tourna, la guerrière se reconnut. Et l'homme à ses côtés... Geraïhn...? Non... Il est mort ! Elle cligna des yeux et tourna la tête, pour échapper à cette vision. Mais en rouvrant les yeux, Geraïhn avait été remplacé par un autre Elfe. Oropher. Les enfants avaient changé, mais pas Lithildren. La guerrière recula et sentit des larmes rouler sur ses joues. Elle ferma les yeux.

- Ne pleure pas, ma douce Lith'...

La voix douce d'Oropher lui fit ouvrir les yeux. Il l'enlaçait dans cette vision qui n'était ni réalité ni rêverie. Il la serrait contre elle comme l'on serre un personne qui sanglote.

- Nous allons mourir... par ma faute...
- Non, Lith'. Tu vas vivre. Et moi aussi. Et nous finirons ce que nous avons commencé, ensemble.

Il la recula de lui et vint déposer un baiser sur sa joue. Il en sortit une cinglante douleur.

- Mais pour cela, tu dois te réveiller.

Elle se sentit alors tomber, échapper aux bras si réconfortants de la vision d'Oropher...


... et atterrir sur un sol dur comme la pierre. Ou... fait de pierre. Son corps entier se mit à la lancer à tel point qu'elle lâcha un gémissement mêlé à un grognement rauque. En se penchant, elle sentit ses mains entravées et une douleur qui en résultait. Attachés ? Elle tenta de se débattre mais abandonné lorsqu'elle croise le regard de son ami qui était dans la même situation qu'elle et juste à côté. Elle se pencha en arrière et eut un haut-le-cœur en voyant l'état pitoyable du dos de l'Elfe. Une voix suave la fit tourner la tête et ses oreilles frémirent.

Un vieil homme dégageant une sensation de vigueur de jeunesse parla, lentement. Lithildren ne comprenait pas un seul mot de ce qu'il disait. Une dernière attaque ? Prédécesseurs ? Exproprier ? Il n'en fallut pas plus pour qu'elle comprenne : ces gens était leur but, leur mission. Le "surfacien" et ses fils les avaient envoyé ici pour les... arracher à la terre ? Ou quoi, les exterminer jusqu'au dernier ? De ce qu'elle comprit, ils venaient d'entrer dans une guerre dont ils ne connaissaient ni les tenants ni les aboutissants. La créature ne pouvait être que deux choses : la gardienne de ces lieux ou l'agent de leur extinction. Cela la fit paniquer. Ils allaient payer SON erreur à elle, SA faute, SA bêtise ! Lorsque l'homme s'adressa à elle, elle s'empressa de répondre pour répondre. Sa voix était empreinte d'inquiétude

- E-écoutez, nous ne sommes pas d'ici. Les Elfes s'étendent bien au-delà de ces plaines. Mon ami et moi venons de forêts lointaines et sommes à la recherche d'un homme qui vit également loin d'ici. Mais nous avons été pris en embuscade à la surface, mon ami a été gravement blessé : regardez son dos, vous verrez ! Nous avions vu les ruines de la cité bien avant et avions cru y voir des formes de vie... Mais je... nous ignorions tout ! Je voulais juste trouver un moyen de sauver mon ami, vous comprenez ? Les trois Elfes ont promit de le sauver si nous exécutions une tâche pour eux. Je ne pouvais refuser, vous comprenez ?

Elle reprit son souffle, la gorge sèche.

- Mon état est dû à une créature qui nous poursuivait et en voulant la fuir, nous avons sauté dans un... vide ? J'ai mal atterrit. Puis nous sommes arrivés à une passe où il fallait ramper et un bloc de pierre en bloquait la sortie, j'ai dû pousser pour avancer. Nous avions trop peur de cette... bête dans le noir, qui raclait les murs et beuglait !

Elle déglutit et reprit encore une fois son souffle. Son corps la faisait souffrir atrocement.

- Quant à vos hommes disparus... Non, nous n'avons croisé personne. J'espère qu'ils n'ont pas vu cette créature... Je l'espère sincèrement...

Elle eut un frisson d'horreur et se mit à trembler.

- Je vous en prie, croyez-moi ! Je ne voulais que sauver mon ami, rien de plus ! Je pensais que nous aurions affaire à une créature, pas à un peuple ! Je suis profondément navrée de la situation. Mais si vous voulez vous venger, alors sauvez mon ami et ramenez-le à la surface, car il n'est que celui qui subit mes choix et mes erreurs ! Si vous voulez donner un message, alors que cela passe par moi.

Et des larmes se mirent à couler. Elle était à bout de forces, en pleine souffrance mentale et physique. Elle n'avait qu'une chose en tête : se jeter sur Oropher et rester blottie dans ses bras jusqu'à la fin des temps. Il était la seule présence rassurante depuis des jours et être dans cette situation faisait tomber son masque de marbre pour lacérer à vif la femme sensible et fragile au lourd passé.
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptyMar 25 Avr 2017 - 19:14
La Demeure dans les Fondations 563499elfe

Quand il revint à lui, Oropher sentit une douleur à la fois vive et diffuse irradier la majeure partie de son corps, là où on l'avait roué de coups. Il n'était pas bien du tout, la tête lui tournait à cause du coup de savate dont on l'avait gratifié et son environnement lui sembla aussi flou que les voix autour de lui étaient indistinctes, résonnantes et lointaines. Il lui fallut une bonne minute pour retrouver totalement ses esprits. Les couleurs et les formes reprirent peu à peu leur netteté habituelle et les voix brutes qui s'élevaient dans la salle ne lui rappelèrent que trop bien, à son grand désarroi, celles qu'il avait entendues juste avant d'être pris à parti. Avant d'avoir pu jeter un regard circulaire pour retrouver ses repaires, des bras solides se saisirent de lui et le firent asseoir, en même temps qu'il se rendait compte de son incapacité à faire usage de ses bras et de ses jambes. Son esprit encore légèrement nébuleux tenta alors tant bien que mal de faire le point, et il en conclut qu'il se trouvait au-delà du seuil empli de lumière qu'il avait vu tout à l'heure : en effet de nombreuses torches de dimensions disparates étaient fixées aux murs de la salle de la même manière que celles qui lui avaient fait une haie d'honneur un peu plus tôt. Un bref coup d’œil lui permit d'être au fait de la présence de sa Lithildren, elle aussi entravée de liens à côté de lui. Cela le rassura autant que cela l'angoissa.

Devant eux, un curieux individu les observait de pied en cape. On aurait dit quelque dieu chthonien, maître des profondeurs d'Arda, trônant ainsi dans son fauteuil, appuyé sur le bâton qui pouvait tout aussi bien être son soutien que le symbole de son pouvoir. Oropher se surprit à émettre une drôle d'idée : que celui qui leur faisait face était là, assis de la sorte depuis le commencement des temps et qu'il siégerait encore, loin de la caresse du vent et de l'éclat des astres, longtemps après leur mort. Mais tandis que cet étrange roi leur souhaitait le bonsoir et émettait des excuses douteuses pour le traitement que ses sujets leur avait fait subir, Oropher fit appel à toute sa lucidité pour démentir sa vision : la cité avait été bâtie par les Noldor et ces galeries n'existaient pas avant leur venue, alors comment la présence de cet individu aurait pu être antérieure à celle du peuple des Eldar ?

Au fur et à mesure des accusations et des questions, Oropher commença à comprendre qu'Ost-in-Edhil était le théâtre d'une intrigue dont il ne se serait jamais douté même dans ses rêves les plus insolites. Pour une cité en ruines soit-disant vide de toute âme, l'ancienne capitale d'Eregion offrait bien des divertissements, si l'on pouvait appeler ça ainsi. Lithildren dut répondre en premier. Elle raconta en substance ce qui leur était arrivé jusqu'ici et se confondit en excuses pour avoir dérangé ces gens, allant jusqu'à marchander son salut, le salut d'Oropher, au prix de sa propre vie s'il le fallait. Véritablement, elle avait changé depuis leur entrée dans le monde souterrain, elle n'était plus la même. Plus fragile, plus prévenante et plus douce, il croyait revoir l'ancienne Lithildren qu'il avait connu jadis entourée des chants des oiseaux de la vallée de Fondcombe, en un temps qui paraissait aujourd'hui si lointain qu'il semblait appartenir à une vie antérieure. Seuls ses cheveux et ses yeux témoignaient des atrocités qu'elle avait subi, qui ne cesseraient jamais vraiment de la hanter et que rien ne ferait disparaître. Il ne connaissait qu'une force en ce monde qui pouvait éventuellement guérir de telles blessures de l'âme, mais il ignorait même si ce serait suffisant dans son cas.

Un désir irrépressible s'empara de lui, un désir de la prendre dans ses bras et de la serrer très fort contre lui, de la soustraire à ces inconnus, de leur crier haut et fort qu'elle était sa Lithildren, à lui seul et que nul, qu'il soit sbire travailleur ou roi des entrailles de la terre, nul n'avait le droit de la lui enlever, ni de la faire pleurer, ni de poser le regard sur elle. Son sang se mit à bouillir à tel point qu'il s'en étonna lui-même, et peut-être même n'aurait-il pas réussi à se contrôler et aurait-il dégainé la lame de Celegitirn si les cordes à ses poignets de l'en n'avait pas empêché. Il se rendit compte que, bizarrement, son fourreau pendait toujours à sa ceinture et que son épée l'occupait, de même que les lames jumelles de Maeditirn n'avaient pas bougé du dos de Lithildren. Sans doute cela faisait-il partie des ordres que leur ravisseur avait proféré lors de leur capture... sans doute le roi sur son trône n'avait-il pas supporté que ses invités fussent dépouillés de leurs bien et que ses hommes mettent la main sur les précieuses armes...

Le regard de l'inconnu quitta la belle elfe pour se tourner vers Oropher, qui sentit son courroux silencieux diminuer. Pourtant, il n'en demeurait pas moins désagréable d'être ainsi questionnés comme des malpropres, comme des voleurs pris sur la propriété d'un seigneur.

- Tu n'as pas à être navrée, finit-il par dire.

Il s'adressait à Lithildren mais ses yeux ne quittèrent pas ceux de son vis-à-vis, dont il s'efforça de soutenir le regard. Sa voix était rendue faible par son épuisement et chuintante à cause de la douleur. On eut dit un mourant qui tente de révéler quelque grande vérité à ses proches avant de rendre l'âme.

- Nous sommes des visiteurs, oui. Des perturbateurs, c'est possible. Mais finalement ce sont les nôtres qui ont excavé ces souterrains, taillé ces murs, rendu ces arêtes rectilignes... Je ne nous considère pas vraiment comme des intrus ici.

Balayant la pièce du regard pour accompagner ses paroles, il remarqua les pioches dans les mains de ces hommes à l'air sauvage, et se demanda quel passage cette communauté secrète pouvait bien vouloir ouvrir, ici, au fin fond de la partie souterraine d'Ost-in-Edhil alors que tant de salles pouvaient être aménagées entre ici et la surface, de part et d'autre du chemin qu'ils avaient emprunté pour venir. Que pouvaient-ils bien chercher ?

- Ôtez-nous ces liens, je vous en prie ! Comme l'a dit mon amie nous ne vous voulions aucun mal et ce n'est pas dans notre état que nous pourrions vous en faire. Nous avons besoin de repos et de soins. Si vous acceptez de nous les accorder, peut-être pourrais-je vous aider dans votre travail quand je serai à nouveau d'aplomb, je vois que plusieurs de vos hommes manient la pioche... Que cherchez-vous à extraire de ces sous-sols ?

Il lui paraissait invraisemblable qu'une équipe de mineurs puisse avoir eu le courage d'affronter les ténèbres de la vieille cité et de descendre si profondément dans les entrailles du monde à la seule fin de trouver du minerai d'il ne savait quoi. Et pourtant, quel que fût le métal ou les joyaux pour lesquels cette drôle de communauté semblait trimer, il avait envie d'en savoir plus. Le fait qu'ils conservassent jalousement une information de ce type le piquait, le titillait ; sans doute une réminiscence du sang de ses ancêtres Noldor, eux qui plus que les autres peuples elfiques avaient un faible pour ce qui brillait ou tintinnabulait, de même que pour le savoir, les langues, les écritures et les runes.

Les runes.

La respiration d'Oropher se fit plus rapide. L'air de rien et faisant fi de la douleur, il ramena sa cuisse droite au contact de son abdomen. La poche qui se trouvait au bas de sa tunique grise se trouva prise entre sa cuisse et ses abdominaux, mais il ne sentit que les épaisseurs de tissu. Sa poche était vide. Vide, vide. Ses petites pierres aux runes ciselées avaient dû tomber par terre lorsqu'il s'était fait rouer de coups.


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Ryad Assad
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La Demeure dans les Fondations EmptySam 6 Mai 2017 - 12:34
Il n'avait jamais vu d'Elfe pleurer.

Il fallait dire qu'il n'avait pas eu souvent l'occasion de côtoyer les Premiers Nés, même si depuis quelques temps ils semblaient jaillir sur son chemin comme de mauvaises herbes destinées à ruiner ses plans. D'abord il y avait eu ces archers embusqués qui avaient pris leur groupe pour cible et avaient essayé de les arrêter. Puis ils étaient tombés sur une résistance un peu plus forte, plus organisée aussi. Une résistance dont ils étaient venus à bout, pour forcer le verrou de la cité perdue d'Ost-in-Edhil. Finalement, il y avait eu les attaques sporadiques, qui avaient toutes échoué jusqu'à présent. Et maintenant voilà qu'il se retrouvait avec deux représentants de ceux dont il s'était fait un ennemi, et qui pourtant clamaient leur innocence. Il était difficile de les croire. Était-ce donc une simple coïncidence qui les avait menés là, dans les tréfonds du monde, là où nulle lumière ne parvenait jamais? Il était tentant d'y croire, et le plaidoyer désespéré de la jeune femme – du moins semblait-elle jeune à ses yeux fatigués, même si en réalité elle avait sans doute atteint un âge qu'ils ne verraient jamais – avait des accents de vérité. De même, la froide détermination de son compagnon trahissait l'assurance de celui qui n'a rien à cacher, et qui sait être du côté de la justice. Mais ne pouvait-elle pas également voiler la nature profonde de ses intentions ? Leur geôlier, toujours appuyé sur sa canne, garda le silence un bref instant en laissant planer sur ses invités le poids de ses réflexions muettes. S'il décidait qu'ils mentaient, et qu'il n'était pas utile de les garder en vie, un geste sec suffirait à se débarrasser de leurs fragiles enveloppes de chair, qui leur garantiraient d'effrayer suffisamment les Elfes de la surface pour les garder éloignés de leurs activités.

Il avait sans aucun doute toutes les raisons du monde de les supprimer…

Ses doigts courbés et raides comme les pattes d'une araignée gigantesque se tendirent et s'emparèrent délicatement d'une larme qui venait de perler le long de la joue de Lithildren. La peau du vieil homme avait la même texture qu'un de ces anciens parchemins, et cette caresse étrange, presque malvenue dans le contexte qui était le leur à tous les trois, passa pour un geste d'amitié qui pouvait signifier que leur arrêt de mort n'avait pas encore été signé. Il souleva délicatement le menton de l'Elfe, et la força à le regarder dans les yeux comme s'il voulait discerner dans ses iris les éventuels mensonges que pouvaient dissimuler sa voix tremblante.

- J'aimerais… comment dire… vérifier vos affirmations, si vous le… eh bien… si vous le permettez.

La formule, vide de sens en la circonstance, fut suivie d'un geste de la main vers le garde qui tenait Oropher en respect :

- Son dos…

Il comprit immédiatement. Sans douceur, il fit lever le prisonnier qui chancelait encore sur ses jambes, et défit son ceinturon qui tomba au sol avec fracas. C'était celui qui retenait l'épée elfique, et qui par la même occasion se refermait sur sa veste. Cette dernière constitua la nouvelle cible du guerrier, qui ne se préoccupa guère de préserver le tissu dans son entreprise. D'un coup de poignard, il trancha les fils du Nord au Sud, n'épargnant pas même la chemise que portait Oropher. Un déchirement plus tard, les lambeaux de ce qui avait été un vêtement se retrouvèrent à prendre le long des coudes de l'Elfe, qui fut contraint de pivoter pour présenter les marques de ses sévices au nouvel individu qui décidait de son sort. Celui-ci, les yeux plissés, observa les marques de brutalité pendant un moment :

- Hm… Oui… Marmonnait-il pour lui-même. Je vois…

Nouveau geste plein de langueur, et Oropher fut ramené sur ses genoux qui sentirent douloureusement le contact avec la pierre. Protester ne servait à rien, car l'homme qui venait de le forcer à s'incliner de nouveau ne semblait pas aussi diplomate que son patron. Ce dernier, revenant à Lithildren, souffla :

- De toute évidence, vous disiez… hm… vrai… Votre ami a souffert… hm…

Il aurait pu finir sa phrase. D'ailleurs, il était sans doute parti pour le faire, mais un geste avait attiré son attention et l'avait interrompu. Il leva les yeux, et observa quelque chose – ou quelqu'un ? – que les deux prisonniers ne pouvaient pas voir. Oropher avait bien senti un mouvement derrière lui de la part du garde, mais il n'avait pas été assez rapide pour voir ce qu'il fabriquait. Le vieil homme, les yeux soudainement sévères, ne pipa mot. Il se contenta d'un regard de réprimande appuyé, avant de revenir à la jeune Elfe :

- Je disais… ? Ah… oui… Votre ami. La torture… Terrible chose…

Sa tête se secoua de droite à gauche, comme s'il compatissait réellement. Il lâcha un soupir, puis poursuivit :

- Et votre ami… Est-il votre… hm… eh bien… est-il vôtre ?

La question, qui pouvait paraître anodine, semblait revêtir une importance particulière pour celui qui posait menait l'interrogatoire, et il laissa tout l'espace nécessaire à Lithildren pour lui permettre de s'expliquer. Était-il consciemment en train de jouer sur le flou de sa formulation, ou bien était-ce seulement une coïncidence qui laissait la porte ouverte à plusieurs interprétations. Ses yeux fatigués avaient-ils capté les regards protecteurs que jetait Oropher à sa jeune compagne ? Ses oreilles à la peau fanée avaient-elles entendu l'affection qui pointait dans le timbre de cette dernière quand elle avait galamment offert de sacrifier sa vie pour sauver son camarade ? Encore une fois avec l'homme, il était difficile de dire ce qu'il savait et ce qu'il ignorait : son esprit semblait affûté, mais son corps le trahissait et il pouvait aussi bien n'avoir rien cerné de tous ces signes. Il était toutefois évident que la relation qu'entretenaient les deux Elfes l'intéressait au plus haut point, sans qu'il fût possible de déterminer avec certitude pour quelle raison. Une aura de mystère l'entourait, plus difficile à percer encore que l'obscurité qui gargouillait dans les entrailles d'Ost-in-Edhil. Il garda obstinément le silence, invitant par là la jeune prisonnière à poursuivre son récit et à en dire davantage. Il se contentait de hocher la tête quand elle était sur la bonne voie, et de l'encourager sans paroles à développer certains aspects. Il semblait surtout vouloir savoir quelles circonstances les avaient amenés à se retrouver associés bon gré mal gré dans cette affaire, et il faisait la moue à chaque fois que la narratrice se montrait avare de détails.

Il finit par s'estimer satisfait, après une longue explication qui donna l'occasion aux deux Elfes de mesurer le chemin parcouru. Une fois que Lithildren eût terminé, il se tourna nonchalamment vers Oropher, et lui posa la même question. « Est-elle vôtre ? ». Les mots n'avaient pas été choisis au hasard, et il fallait sans doute imaginer que derrière ces pauses régulières dans son discours, se cachaient les réflexions d'un esprit malin qui n'avait perdu de sa vivacité qu'à cause de l'âge. Les yeux qui les regardaient tour à tour venaient facilement confirmer cette théorie : le chef de ces mercenaires n'était pas à prendre à la légère… Comme il l'avait fait précédemment, il écouta avec grande attention l'explication du jeune Elfe torturé. Le demi-sourire que l'on vit apparaître un instant au coin de son visage était complexe à interpréter, mais il semblait bien que le vieil homme prenait un certain plaisir à s'approprier les secrets de leur relation. Ils les forçait à mettre à nu certaines choses qu'ils auraient peut-être voulu cacher, et de toute évidence s'accaparer cette connaissance lui procurait un sentiment de pouvoir dont il se délectait. Cette fois, à l'aide de sa communication non-verbale étonnamment lisible, il incita Oropher à lui parler de choses tout à fait personnelles, insistant à chaque fois qu'il décelait du regret, de la culpabilité ou du remords dans la voix de son interlocuteur. Autant de sentiments que le le guerrier aurait sans doute préféré garder pour lui.

- Je vois… Lâcha-t-il finalement, quand Oropher n'eût plus rien à dire.

Un silence étrange s'installa, alors que le vieil homme ne les quittait pas des yeux. Il semblait que le temps n'avait pas de prise sur lui, et que les longues secondes durant lesquelles il ne parlait pas ne duraient que l'espace d'un battement de cil dans son esprit. Un peu à la manière d'un Elfe. Avec un naturel désarmant, il enchaîna :

- Vous avez mentionné… eh bien… un monstre… Un monstre qui rôderait… ici… Que pouvez-vous me... dire... à ce sujet ?

Il avait abordé l'affaire de la créature sans prévenir, et il parut soudainement évident que c'était là le point qui l'intéressait le plus. Après tout, quel intérêt avait-il à conserver ses prisonniers en vie, si ce n'était précisément pour en apprendre davantage au sujet de la chose qui pouvait menacer son entreprise ? Toutefois, il semblait mû par davantage que le simple intérêt. Pourquoi avoir demandé aux Elfes de parler d'eux ? Entendait-il en tirer un quelconque avantage ? Peut-être l'avait-il fait simplement par curiosité à leur endroit, ou pour s'assurer qu'ils n'étaient pas des menteurs. C'était sans nul doute afin d'apprendre à les connaître pour discerner avec plus de finesse quand ils essayaient de lui cacher des choses, quand ils omettaient des détails, et quand enfin ils disaient la vérité avec certitude. Il ne montra rien de son inquiétude, mais quelque part dans sa tête ce sentiment venait de faire son apparition. Un monstre, à Ost-in-Edhil ? L'idée était ridicule, et pourtant en voyant dans quel état les deux Elfes étaient arrivés jusqu'à lui, il ne pouvait s'empêcher de considérer cette option. La cité était enfouie depuis des millénaires, et il n'était pas sans savoir que des choses étranges rôdaient dans les profondeurs du monde, dans les eaux et sous la terre. Des monstres de l'ancien temps qui pouvaient ressurgir s'ils étaient dérangés dans leur sommeil, pour venir châtier les vivants.

- Car voyez-vous… je trouve très… pratique… cette histoire de… hm… créature… Ne serait-ce pas là un… stratagème ? Un simple piège ?

Il les fixa tour à tour, en essayant de sonder leurs intentions :

- Un conte effrayant pour… eh bien… nous détourner des… comment vous dire… ? Des trésors de la cité… Oui… Vous voulez savoir ? Vous voulez… comprendre ?

Il partit d'un rire faible, qui n'augurait rien de bon cela dit :

- Les siècles et les… millénaires… n'ont pas rendu votre peuple plus… eh bien… plus sage. Vous ignorez quelles merv… merveilles… recèle cette cité… Et vous continuerez à l'ignorer… Sauf vous, ma chère…

Il s'était adressé à Lithildren, en faisant preuve soudainement d'une extrême froideur. Aucune agressivité ne se dégageait de lui pour l'heure, mais son ton venait de changer brusquement. Il avait l'air de ne plus vouloir plaisanter, et venait de tomber les masques pour révéler une partie de lui plus intime, plus brutale aussi. L'homme policé réapparut bien vite, en chassant l'apparition effrayante qui s'était glissée dans son habit de chair pendant l'espace d'un instant.

- Vous souhaitez négocier… votre vie ? Soit… Votre ami est trop… faible… pour l'heure. Alors… vous creuserez…

Le son des pioches sur la pierre ne les avait pas quittés depuis le début de la conversation, mais il sembla résonner avec davantage de force tout à coup. Les ouvriers s'usaient le dos et les mains à essayer de dégager des passages dans le cœur de la ville enfouie, et l'Elfe ne disposait plus de toute sa vigueur après avoir échappé à tant de dangers. Il n'était pas certain que l'effort ne la laisserait pas absolument exsangue, incapable de se défendre, plus éteinte encore qu'elle ne pouvait l'être en ce moment. C'était peut-être sur ça que comptait leur « hôte », d'ailleurs. Les épuiser jusqu'au point où ils seraient ses marionnettes, dénués de toute force, incapables de lui résister. Restait à savoir dans quel but. L'homme fit un geste de la main, et le garde se saisit fermement de Lithildren qu'il remit sur pieds sans la moindre difficulté, presque surpris par sa légèreté. Il n'eut pas non plus besoin de beaucoup s'employer pour la tirer vers les ouvriers qui s'échinaient sous la protection – la surveillance diraient certains – des hommes d'armes encore nombreux qui assuraient la défense du site.

Séparer les deux Elfes faisait partie d'un plan conçu pour briser leur résistance, les isoler pour mieux couper court à leurs éventuelles velléités de révolte. Si l'un d'entre eux tentait quelque chose, l'autre en subirait immédiatement les conséquences. Toutefois, cela présentait aussi un inconvénient majeur, auquel le vieil homme semblait ne pas avoir pensé. Pendant qu'ils demeureraient séparés, ils pourraient chacun en apprendre un peu plus sur ce qu'il se tramait ici, et peut-être parviendraient-ils à comprendre ce que les intrus cherchaient avec tant de fébrilité. Lithildren avec les ouvriers, Oropher auprès de leur chef…


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La Demeure dans les Fondations EmptySam 6 Mai 2017 - 15:02
Le vieil homme essuya une larme sur la joue de la belle. Dans un geste compatissant ou dans une sympathie feinte ? Ils vérifièrent les dires de l'Elfe aux cheveux de jais. Puis il posa la question qui paralysa un instant Lithildren : "Est-il vôtre ?". Oropher... sien...

- Non... et oui.

Elle renifla et essuya son nez avec son épaule.

- Oropher et moi nous connaissons depuis l'enfance. Il m'entraînait lorsque j'étais jeune. Nous nous sommes éloignés lorsque j'ai été fiancée. Plusieurs centaines d'années plus tard, nous nous sommes retrouvés. Je l'ai libéré de sa prison pour qu'il m'aide à venger mon fiancé décédé.

Elle n'en dit pas plus. Il n'y avait rien de plus à dire, de toute façon. Elle ne voulait pas, ne tenait pas à en dire plus. Pour la simple raison qu'elle ne savait pas. Elle ne voulait pas reconnaître qu'il était possible qu'elle soit amoureuse, ni l'admettre ou même y penser. Lithildren se mua dans le silence. Elle ferma son propre cœur à ses pensées Elle n'écouta rien de ce qu'Oropher dit par la suite. Rien. Elle se ferma à tout. Absolument tout. Plus rien ne parvint à ses oreilles, à son esprit, à son cœur. Oropher, sien. Oui. Non. Pourquoi ? Non. Oropher... Elle l'aimait, au fond elle le savait, mais elle refusait de l'admettre. Les Elfes n'aiment qu'une fois. Une fois. Une seule. De toute leur vie. Elle, avait aimé deux fois. Oropher, Geraïhn, Oropher. Elle avait oublié, souffert, oublié et souffert à nouveau. Lithildren en vint à une conclusion navrante : elle était maudite, sous le signe des Ténèbres. Une fausse Elfe. Soudainement, elle sentit toute force ou toute volonté la quitter. Elle entendit vaguement la question sur la créature, et répondit d'un ton las et fatigué.

- Elle raclait le sol... elle hurlait, se dirigeait dans les ténèbres épais des labyrinthes... Nous lui avons échappé de peu... Nous n'avons pas vu quoi que ce soit, nous n'avions plus de torche... Ses cris résonnaient, ricochaient contre les murs... Elle sent plus qu'elle ne voit... Elle rampait et raclait, comme un serpent munis de griffes de fer...

Lithildren secoua la tête vaguement, comme pour chasser de son esprit les hurlements stridents de la chose.

- Rien de plus.

Puis elle écouta vaguement. Elle comprit seulement que les bas-fonds possédaient des merveilles, des trésors dont les deux Elfes étaient accusés de vouloir posséder. Quelles merveilles ? Quels trésors ? Lithildren haïssait les grottes. Attends... quoi, hein ? Creuser ?! Comment ça ? Lorsqu'elle comprit la situation, elle paniqua. Non ! Elle tenta de lutter, de se débattre.

- Oropher !

Elle essaya de se tourner, de s'arrêter, de retourner auprès de son ami. Elle ne voulait pas être seule, éloignée d'Oropher. Mais surtout seule. Elle détestait la solitude, maintenant qu'elle avait Oropher auprès d'elle. Elle tenta de lutter puis fut mise au milieu des ouvriers. On lui mit du matériel dans les mains, on lui délia les liens et on lui ordonna de creuser. Creuser. Creuser encore. Lithildren avait les joues irritées, les yeux rouges. Elle tremblait, était faible.

- Oropher... couina-t-elle quand on la laissa seule au milieu de ces inconnus qui la toisaient avant de reprendre le travail.

Puis elle fixa la pierre. Elle sanglotait en silence et se mit à frapper mollement la pierre. Son voisin se racla la gorge et lui montra sans un mot comment vraiment frapper la pierre si elle voulait éviter une réprimande. L'Elfe hocha à peine la tête, ses pensées fixées sur Oropher et son rêve. Puis elle frappa. Une pensée se présenta à son esprit : elle ne devait pas faiblir. Avait-elle traversé le Rhûn ? Avait-elle tué et décapité ceux qui avaient fait souffrir Oropher ? Avait-elle fuit Imladris, tué un garde et vola des chevaux en manquant d'assassiner Erennel ? Oui. Elle était forte d'esprit et de corps, plus que ces humains pitoyables rampant sous la terre à se disputer un bout de territoire ou des richesses. Lithildren sut alors ce qu'elle devait accomplir : lutter. Non seulement se montrer à la hauteur des attentes du vieillard, mais aussi parvenir à s'endurcir le corps au lieu de se laisser faiblir. Oropher n'était qu'un renégat, un Elfe qui l'accompagnait.

Ils allaient tous payer. Tous. On enferme pas Lithildren. On la contient. Mais le jour où elle se libère... mieux vaux s'écarter du chemin. Lithildren se jura de les tuer tous. Ils allaient tous payer. Tous mourir. Tous subir sa haine et sa fureur d'avoir osé vouloir l'enchaîner et la soumettre.

Elle frappa fort la pierre, avec vigueur, en imaginant les têtes des Elfes de la cité au-dessus et la tête du vieillard sous la pioche. Oh oui, ils paieraient tous de leur vie...
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptySam 13 Mai 2017 - 17:33


Lithildren était-elle sienne ? Il voulait se dire que oui, mais il devait bien s'avouer que la réponse n'était pas aussi tranchée et que s'il souhaitait résoudre la question avec une approche dichotomique, elle se rapprocherait plutôt du non. Depuis sa libération et le début de leur aventure, il n'avait pu s'empêcher de remarquer l'attitude ambivalente de son amie à son égard, tantôt prête à se laisser aller dans ses bras et tantôt érigeant une clôture de fils barbelés entre eux deux. Ainsi, si l'on supposait qu'un conjoint était sien lorsqu'on pouvait compter sur lui et l'avoir à portée de main en toute circonstance, elle n'était certainement pas sienne, pas dans les faits en tout cas. D'un point de vue sentimental, cela restait à voir et peut-être un jour aurait-il lui-même la réponse à cette question... Quoi qu'il en fût, le vocabulaire employé par cet homme lui déplaisait au plus au point ; on aurait dit qu'il voyait les relations amoureuses sous le prisme de la possessivité, comme si l'un des amants pouvait être la propriété, l'objet de l'autre et vice versa. Oropher préféra axer ses réponses à cet interrogatoire sur son amitié passée avec l'elfe aux cheveux de jais et sur l'aspect factuel des péripéties récentes qu'ils avaient traversées, mais on eut dit qu'à chaque fin de phrase l'individu assis sur son fauteuil le poussait, par ses regards ou par de brefs questionnements, à infléchir son récit vers les aspects qui le mettaient, lui Oropher, à mal ou l'obligeaient à se dévoiler – sur ses sentiments envers la belle ou sur ses affiliations passées.

Bientôt on les sépara l'un de l'autre et les serviteurs du chef emportèrent Lithildren à l'extrémité de la salle, lui plaçant une pioche dans les mains pour qu'elle les aide à creuser. Privé de la présence de celle qu'il aimait, Oropher maudit la corde enroulée autour de ses poignets, à cause de laquelle il n'avait pas été en mesure de la serrer très fort dans ses bras, contre son corps, pour empêcher ces hommes de l'éloigner de lui. S'il avait pu faire cela, même la force de plusieurs paires de bras aux muscles noueux n'aurait pu lui arracher Lithildren. Et au moment-même où cette image lui traversa l'esprit, il réalisa qu'il s'agissait bel et bien là de la manifestation d'un désir de possession, et la sémantique de leur geôlier lui parut tout à coup plus à-propos. Cela ne lui fit pas ressentir davantage de sympathie pour cet être étrange qui prenait un malin plaisir à jouer avec eux, et en particulier avec lui, jusqu'à transformer ses supplications en un moyen de le faire souffrir encore davantage. Car c'était bien Oropher qui avait émis l'idée, dans sa crainte qu'on ne se débarrassât d'eux, qu'ils puissent aider en participant aux travaux d'excavations ; quand il avait proposé l'idée, il n'avait pas pensé que ce travail puisse commencer sur-le-champ, et surtout qu'il puisse en être exempté. Le regret et la honte s'emparèrent de lui, s'insinuant dans son corps en tirant partie de ses faiblesses, comme une peste maligne qui aurait profité de ses plaies rouvertes et du fait qu'il se retrouve dos nu pour entrer dans son organisme. L'image de Lithildren emmenée de force, le regardant de ses yeux implorants, le hantait littéralement. Était-ce pour lui réclamer de l'aide qu'elle avait prononcé son nom, ou pour lui reprocher son idée funeste ? L'une et l'autre des hypothèses mettaient son cœur au supplice.

Seule consolation à son mal-être, l'enrôlement de Lithildren comme travailleuse lui procurait une utilité et la sauvait d'une mise à mort. À moins que dans son esprit, le vieil homme au discours laborieux voulût la tuer à la tâche...

Oropher quant à lui, était sur la sellette. Trop faible, avait dit l'autre, et si ce dernier considérait le destin des individus sous ses ordres seulement à l'aune de leur utilité, il n'allait peut-être pas tarder à réclamer qu'on lui donne sa tête. Le noldo était conscient du danger. Ce n'était pas la mort en tant que telle qui lui faisait peur, mais plutôt le fait de perdre la vie, et donc de perdre Lithildren ; aussi il chercha un moyen de prolonger son existence. Ce drôle de personnage n'avait pas perdu une miette de ce qu'ils lui avaient dit, et il écoutait avec une attention confinant à l'avidité le discours des autres, comme s'il craignait qu'une bribe de phrase pût lui filer entre les doigts, tandis que de son côté il avait semblé rechigné, jusqu'à présent, à livrer la moindre explication sur sa présence en ce lieu ou sur la raison du labeur de ses hommes. Il fallait qu'Oropher distille encore des informations bien qu'il lui en eût déjà accordé beaucoup tout à l'heure. Il fallait lui en donner assez pour le tenir en haleine, mais en garder sous le coude pour être en mesure de tenir sur la durée. Une chance, il était des points sur lesquels il ne s'était pas encore exprimé, notamment l'affaire de la créature qui intéressait, semblait-il, particulièrement leur hôte.

- Le monstre dont vont a parlé mon amie n'est pas une invention de notre part, ni un stratagème, déclara-t-il soudain comme si la question venait tout juste de lui être posée. Vous savez, il y a bien quelque chose qui rôde dans les galeries qui relient l'orifice d'entrée à la salle où nous nous trouvons à présent. Ce quelque chose grogne et bruisse, racle le sol comme s'il rampait, et il a pris conscience de notre présence. Ce doit être plus volumineux qu'un homme, ou moins leste, car nous avons pu lui échapper en suivant un tunnel très étriqué où nous avons dû avancer à plat ventre.

Il lui décrivit alors comme il le put, s'appuyant sur les repères spatiaux qui lui revenaient en mémoire, l'endroit où ils avaient commencé à sentir la présence de cette menace tapie dans l'ombre, mais en revanche ne parvint à renseigner son interlocuteur que de manière très approximative quant au moment où c'était arrivé. En vérité, il avait perdu la notion du temps dans ces cavernes sans soleil et ignorait même tout bonnement depuis combien d'heures ou de jours ils avaient quitté la compagnie de Sadron et de ses fils.

- Et mon amie dit vrai, nous ne faisons pas partie des elfes qui gardent la surface de cette cité et nous ne sommes liés à eux que par une dette qu'ils ont exigés de nous en échange de ma guérison... Je vais vous parler très honnêtement, je n'éprouve pas plus d'attachement pour eux que pour vous. Eux, tout comme vous, ont exigé de moi et mon amie de les servir pour monayer une faveur. Entrer dans les outerrains pour voir ce qui s'y passe... frapper la pierre avec une pioche pour extraire quelque richesse... ce sont là deux sortes de paiements, et il semble bien que ce soit notre lot, ces temps-ci, de payer pour notre salut. Je le conçois, j'aurais fait pareil. Tout à l'heure j'ai été pris au dépourvu, et j'ai pensé que le mieux que nous puissions vous offrir, c'étaient des bras supplémentaires pour creuser. Je me rends compte que cela, vos hommes peuvent le faire aussi...

Tout en parlant, il tourna la tête vers l'endroit où sa chère Lithildren avait commencé de trimer, pour s'assurer qu'elle ne se faisait nullement malmener par ces hommes dont il ne savait rien. Il n'avait vu que des individus de sexe masculin et une crainte terrible vint s'abattre sur lui en pensant à ce qui pourrait arriver. Mais paradoxalement, la présence de leur chef sauvait sans doute la jeune femme de ce type de sévices, car toute énergie gaspillée pour s'adonner à des appétits personnels était de l'énergie en moins pour briser la roche.

- Mais nous pouvons vous être d'une plus grande utilité. Aux trois elfes qui nous ont ordonné de leur rendre des comptes, nous pouvons donner de fausses informations, si vous le désirez... Vous n'avez qu'à me dire quels mensonges pourraient vous aider dans le conflit que vous menez contre eux, ou plutôt qu'ils mènent contre vous, et je le ferai. Et si vous pensez que la solidarité elfique me prédispose à prendre parti pour eux dans cette affaire, je vais vous prouver que non : tout à l'heure vous m'avez longtemps questionné sur ma vie avant notre départ d'Imladris, et j'ai dû avouer que j'avais fait partie de cette organisation qui s'est rendue, pendant un temps, maître de la cité nordique. J'y ai tué de nombreux elfes.

En vérité, Oropher était tiraillé entre la volonté de se sortir une bonne fois pour toute de cette affaire et de ces profondeurs, et celle de creuser le mystère de la présence de ces humains ici. Parvenir à quitter le lieu signifiait trouver la liberté ; résoudre le mystère signifiait acquérir des connaissances et, qui sait, profiter de la découverte des fameuses merveilles tant recherchées. Quelques jours plus tôt il aurait choisi la première option sans hésiter, mais maintenant qu'il se trouvait au coeur de l'ancienne cité elfique, une curieuse attirance pour ses secrets cachés s'était immiscée en lui. Présentement, il avait espoir d'avoir le beurre et l'argent de beurre : de parvenir à gagner la confiance de l'homme assis sur le trône, ou du moins à le convaincre qu'ils pouvaient lui être utile, pour que peut-être ce dernier puisse lui donner des réponses plus claires ; et préparer au mieux leur sortie, laquelle devrait se faire au moment le plus opportun. Hélas, l'homme ne semblait pas encore prêt à dispenser des informations propices à éclairer Oropher. Il faudrait y aller petit à petit...

Le traître-à-son-peuple s'était beaucoup livré dans ses longs monologues, et il espérait que son vis-à-vis saurait faire preuve de gratitude – peut-être lui accorder un tout petit rien, le dixième... non, le centième de ce qu'il venait de recevoir...

- Puis-je espérer que vous me donniez votre nom, seigneur, pour savoir qui a réussi l'exploit de mener ses hommes dans le lieu que nul homme n'a jamais atteint avant lui ?


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La Demeure dans les Fondations EmptyLun 10 Juil 2017 - 23:50
Les coups de pioche répétés que Lithildren jetait contre la pierre résonnaient dans la pièce, assortis de ceux de ses infortunés camarades qui s'épuisaient à la tâche. Ils avaient le visage sale, les mains usées, les yeux fatigués. Toutefois, au-delà de tout, on lisait une ambition dévorante. Ils savaient que leurs efforts pouvaient changer leur existence à jamais, s'ils mettaient la main sur les fameux trésors de la cité cachée. Travailler dur, ils savaient le faire : pour la plupart, ils étaient des fermiers, de simples paysans à qui la vie n'avait pas permis de connaître une autre activité que cultiver la terre, et s'occuper des brebis. Du moins, avant qu'on vînt les engager pour s'enfoncer dans le passé, et en extraire les secrets. L'homme qui se trouvait à côté de l'Elfe était Arnorien, comme tous les autres ouvriers. Il avait déjà entendu parler des Premiers Nés, naturellement, mais là où il vivait il n'avait jamais eu l'occasion d'en voir de ses yeux. Pour lui, se trouver aussi près d'une créature de légende était presque aussi grisant que la perspective d'être couvert d'or de la tête aux pieds, et de rentrer chez-lui pour annoncer à sa famille que leur destin allait changer à jamais. Ce fut lui qui montra à Lithildren comment creuser convenablement, en utilisant toute la force de son bassin pour économiser celle de ses bras, et ainsi ne pas s'épuiser à la tâche. Le mouvement ressemblait à celui qu'il utilisait pour couper du bois, l'hiver. Il n'avait pas mis longtemps à s'y faire.

Dans les conditions affreuses qui étaient les leurs, il était impossible de conserver la notion du temps. Parfois, par réflexe, il levait les yeux en espérant vainement y trouver le soleil dont la position aurait pu lui indiquer vaguement combien de temps il devrait encore s'échiner avant de pouvoir se reposer. La pierre sombre lui renvoya ses interrogations en pleine figure, et il se résigna à ne pas poser la question aux gardes qui surveillaient la salle. C'étaient eux qui décidaient quand ils devaient terminer, et parfois il semblait aux ouvriers qu'ils tiraient un peu sur la corde pour les faire excaver toujours plus profondément. Mais ils ne se plaignaient pas, car la perspective de découvrir le trésor les unissait dans leur lutte. Et puis ils avaient noué des liens avec les combattants. Quand les Elfes avaient attaqué, c'étaient eux qui s'étaient interposés et qui avaient donné leur vie. Ils s'étaient battus comme des fauves, et avaient repoussé jusqu'à présent toutes les tentatives des oreilles-pointues de les déloger. Manier la pioche était une chose, mais cela ne permettait pas de survivre face à une épée ou à un arc…

- C'est bon les gars ! Finit par lâcher Jessp après ce qui semblait être quelques heures. Reposez-vous un peu. Quelqu'un a trouvé quelque chose ?

Il y eut des grognements de soulagement, et les hommes abandonnèrent leur équipement sur place, avant de s'étirer largement. Ils avaient les épaules en feu, les bras tremblants à force d'encaisser les ondes de choc qui leur faisaient vibrer les os. Tout ce qu'ils souhaitaient pour l'heure, c'était s'allonger et dormir. Fort heureusement, leurs compagnons guerriers avaient préparé le repas, et ils se mirent rapidement en ligne pour recevoir leur pitance. L'Elfe semblait perdue, et son voisin immédiat qui avait déjà décidé qu'il la prendrait sous son aile lui fit signe de venir se caler devant lui dans la file.

- Vous allez bien dormir ce soir, plaisanta-t-il. Puis, constatant que la jeune femme n'avait pas de quoi se restaurer, il cria : une assiette pour la dame !

Il y eut une vague agitation, quelques visages se tournèrent dans leur direction, et puis un des gardiens s'approcha finalement de Lithildren pour lui déposer une écuelle et une cuillère de bois entre les mains. Il n'avait pas la même bienveillance que l'ouvrier, et il ne lui adressa qu'un regard méchant et méfiant, comme pour lui dire « cette assiette est à moi, elle s'appelle 'reviens' ». Le message était clair.

- Vous en faites pas, ils sont toujours un peu comme ça.

Bizarrement, ce type semblait n'avoir rien à faire ici. Il n'avait pas le même comportement que les autres, et sa propension à se montrer sympathique avec des gens qui pouvaient apparaître comme ses ennemis ou de potentiels concurrents était surprenante. Lithildren pouvait en penser ce qu'elle voulait, mais il était difficile de ne pas s'attacher à ce sourire chérubin suspendu à cette grande carcasse aux muscles saillants. L'Elfe finit par arriver devant la marmite où avait cuit un ragoût à l'odeur amère. On lui en servit une bonne louchée, et on lui fourra un quignon de pain sec avec. Le tout avait l'air incroyablement consistant, à défaut d'être spécifiquement ragoûtant. L'ouvrier qui prit sa suite essaya bien de négocier une ration supplémentaire, mais on la lui refusa purement et simplement :

- Allez, quoi. Je suis quand même plus grand que la dame. Plus large aussi. Je devrais avoir plus, non ?

- Oh tu me fatigues, répondit l'autre en claquant le couvercle de la marmite.

Un rire plus tard, l'ouvrier était venu s'asseoir auprès de Lithildren. Cette dernière aurait pu vouloir retrouver Oropher, mais les gardes s'étaient disposés soigneusement entre elle et lui, et ils ne semblaient pas décidés à les laisser ensemble. A dire vrai, c'était assez compréhensible. Accueillir deux ennemis potentiels au milieu de leur camp était déjà un véritable risque, et ils ne pouvaient pas décemment les laisser concocter un plan. La meilleure façon de procéder était encore de les isoler pour les garder sous contrôle.

- Holric. C'est comme ça que j'm'appelle.

L'ouvrier, encore. Il enfonça sa cuillère dans le ragoût, et commença à manger avec appétit et – plus surprenant – l'air d'aimer ce qu'il y avait dans son assiette. Il devait bien être la seule personne du camp à se satisfaire de cette nourriture de fortune qui restait sur l'estomac et avait un goût si prononcé qu'on ne souhaitait même pas connaître la recette. Mais c'était tout ce qu'il y avait au menu, et il fallait s'en contenter.

- Et c'est quoi votre nom à vous ?

Curieux sans être trop inquisiteur, Holric paraissait être un type bien qui, pour des raisons qui devaient lui appartenir, s'était embarqué dans une aventure qui le dépassait de très loin. Il montra bientôt du doigt Oropher, en commentant :

- Votre mari a l'air d'intéresser le patron. C'est pas souvent qu'il s'agite comme ça depuis…

Il hésita. Puis rougit. Puis recommença à manger avec appétit. Il n'avait pas sa langue dans sa poche, et peut-être qu'avec quelque effort il serait possible de lui extorquer des informations utiles. Le genre d'informations qui permettrait aux deux Elfes de prolonger leur séjour en Terre du Milieu, et de – peut-être – goûter de nouveau à la lumière. Mais il fallait procéder avec doigté, car les gardes non loin veillaient au grain…


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▲▲


Pendant que Lithildren mettait son corps au service de la quête que poursuivaient ces hommes perdus dans les cavernes du passé, Oropher avait le luxe de se reposer et de discuter avec leur hôte. Du moins, si l'on pouvait appeler « luxe » le fait de subir un interrogatoire retors entre les griffes d'un esprit aussi désireux de glaner le moindre détail de sa vie personnelle que réticent à lui confier quoi que ce fût. Il eut un sourire froid quand l'Elfe lui demanda humblement son nom, et répondit sans sourciller :

- Vous donner mon nom… ? Audacieux… Audacieux… Ha… Non… Je ne donne pas… Vous… eh bien… Vous l'apprendrez bientôt… Oui… Bientôt…

Il leva la main, en observant une chevalière ouvragée en or qu'il portait sur l'auriculaire, et, alors qu'elle captait les rayons lumineux que jetaient les torches, poursuivit :

- Pourquoi nous… presser… hm ? Vous et moi avons… comment vous dire… tout notre temps…

Il découvrit ses dents, devenant soudainement plus effrayant. On aurait dit un monstre au visage difforme, dévoré par une sorte de folie furieuse qui le hantait. Les ombres jetées sur ses rides creusées faisaient émerger une violence et une rage profondément enfouies. L'apparition disparut soudainement, et il tendit un doigt fatigué droit vers le visage de l'Elfe.

- Je sais que vous dites… hm… vrai… Je le vois… Je le sens… Vous avez les yeux d'un… d'un meurtrier. Cependant…

Sa phrase resta en suspens. Une éternité. Il sembla s'absorber dans ses pensées un instant, comme s'il se remémorait quelque chose qu'il avait oublié depuis longtemps et qui était de la plus haute importance. D'une main, il fit approcher l'homme qui gardait Oropher, et lui souffla :

- Jessp… Qu'il vienne…

L'intéressé hocha la tête, et s'éclipsa, laissant le vieillard seul avec l'Elfe brisé. Il semblait ne pas craindre une tentative de sa part de se rebeller. Probablement qu'il considérait que la position de Lithildren ne permettait pas à Oropher de tenter quoi que ce fût. S'il essayait de s'en prendre à quiconque ici, elle perdrait la vie avant d'avoir eu le temps de comprendre pour quelle raison ses geôliers avaient soudainement décidé de revenir sur leur parole. Et réciproquement. L'homme cligna des yeux, comme s'il émergeait d'un rêve, avant de poursuivre :

- Cependant… Vous êtes un piètre… menteur… Cela aussi, je le vois… Ha…

Une pause.

- On lit en vous… comme dans… eh bien… comme dans un livre… Ces Elfes ne vous croiraient pas… Ils se méfient… oui… toujours…

L'homme n'avait pas tort. Après tout, les Elfes qui se trouvaient à l'extérieur des ruines venaient de voir deux groupes distincts pénétrer dans la cité perdue qu'ils s'étaient mis en tête de protéger. La confiance n'était plus de mise… Ils ne pouvaient pas vraiment dire que la situation était à leur avantage, et ils ne se jetteraient pas tête baissée dans un piège au risque de voir leurs derniers espoirs de chasser les intrus être balayés. Surtout que l'idée de s'enfoncer trop profondément dans les ténèbres semblait les mettre mal à l'aise. Avaient-ils quelque chose à voir avec la créature qui semblait rôder dans les ombres ? Un maléfice des Premiers Nés pour s'assurer que quiconque s'introduirait dans les souterrains le paierait de sa vie ? Ils en étaient capables, assurément. Leur détermination à conserver pour eux seuls les trésors du passé était à nulle autre pareille. Sauf peut-être celle du chef des mercenaires, avec qui discutait toujours Oropher. L'homme semblait avoir la maîtrise de ses nerfs, mais dans ses yeux brûlait une vigoureuse flamme que rien ne paraissait pouvoir éteindre. Il était évident qu'il ne quitterait pas les lieux sans avoir trouvé ce qu'il cherchait. Les deux interlocuteurs tournèrent la tête en voyant Jessp revenir vers eux.

- Monsieur, vous m'avez fait appeler ?

- Exact… Je voudrais que vous… eh bien… que vous enquêtiez sur… la chose… Monsieur Oropher ici présent vous… comment dire… conduira…

Un froncement de sourcils de la part de Jessp, qui était de toute évidence un homme dévoué mais qui n'avait pas particulièrement envie de vérifier si les dires des deux Elfes étaient vrais. S'ils avaient bien été attaqués par une créature, alors il valait mieux la laisser où elle était plutôt que de commencer à chercher querelle. Pourtant, il savait au fond de lui que pour la sécurité de leurs installations et pour assurer le chemin du retour, ils devraient tôt ou tard se confronter à ces tunnels sombres. Autant faire en sorte de savoir ce qui les attendait.

- Bien monsieur… Combien d'hommes souhaitez-vous que je prenne avec moi pour cela ?

- Autant… qu'il vous plaira…

- Je vois, fit le combattant en jetant un regard circulaire à ses troupes et aux ouvriers. Il acheva de compter mentalement, et revint à son chef : J'irai seul avec le prisonnier. Nous ne sommes pas assez nombreux pour risquer plus d'une vie. Et puis nous serons sans doute plus discrets comme cela.

Le vieil homme hocha la tête en tendant un doigt vers Jessp :

- Très juste… Ha… Vous ne manquez pas de… courage… Ne le perdez pas… en route… Pensez au trésor… Gardez le trésor… dans vos pensées…

Il partit d'un rire fatigué qu'il accompagna d'un geste de la main qui signifiait que l'entrevue était terminée. Oropher ne comprit peut-être pas immédiatement, mais Jessp avait l'habitude et il saisit fermement le bras du prisonnier pour l'emmener au loin. Il ne valait mieux pas déranger leur chef quand il avait envie de se reposer ou de se plonger dans ses pensées… L'Elfe était encore fragile sur ses jambes, et son compagnon désigné le lui fit remarquer sans prendre de gants :

- Nous devons arpenter des tunnels difficiles d'accès, et si ce que vous dites est vrai il nous faudra peut-être échapper à une créature meurtrière. Vous pensez que vous pourrez y arriver ?

La question était sincère, mais la situation ne donnait pas vraiment le choix à Oropher. Il était mené à la baguette par les désirs du chef des mercenaires, et il n'était pas stupide au point de croire qu'une invitation polie n'était pas une injonction ferme et menaçante. S'il se défilait, c'était Lithildren qui en paierait le prix fort. Il pouvait la voir de là où il se trouvait, attendant son tour pour prendre son repas. Mais impossible d'aller lui parler pour l'heure. Il n'y aurait pas d'adieux, si jamais la mission devait mal tourner. Jessp, qui paraissait davantage sensible à l'état de santé de son coéquipier qu'à son bien-être mental, poursuivit :

- Nous allons nous reposer en même temps que les ouvriers. Cela nous donne un peu plus de six heures pour dormir. Ça ira ?

Son insistance en disait long sur l'état de fatigue qu'affichait l'Elfe… et sur ses chances de survie, s'il croisait de nouveau la chose qui rôdait dans les ruines.

Tout ça pour un foutu trésor !


#Holric


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La Demeure dans les Fondations EmptyMer 12 Juil 2017 - 16:59
Des cailloux. Des cailloux. Et encore des cailloux. Toujours des foutus putains de cailloux. La guerrière Elfe n'en pouvait déjà plus d'avoir passé un temps indéfinissable sous terre, mais maintenant elle devait creuser ces cailloux qu'elle haïssait. Les parois rocheuses étaient bien lointaines des falaises qui bordaient Imladris, des montagnes de la surface ou des plaines rohirrims. Une pierre glissante, sombre, poisseuse, une pierre qu'elle ne supportait plus de voir, de sentir. L'odeur... Quelle infâme odeur. L'air frais de la surface, le contact du vent et de l'herbe, le soleil sur sa peau lui manquaient déjà. Un Elfe sans lumière... qui sait ce qu'il pourrait devenir ? Une ombre folle, dénuée de raison ? Lithildren penchait déjà dans un tourment de haine et de rage, une tempête qui couvait patiemment jusqu'à ce qu'on la libère de ses chaînes.

Clang. Clang. Clang. Clang.

Le même bruit de la pioche sur la roche, encore et toujours, à longueur de temps, dans une immonde harmonie. Le voisin de la guerrière-rebelle lui montra comment pivoter ses hanches et ses épaules pour économiser son énergie. Elle qui se croyait si endurante et si forte, à force de serrer la pioche et de frapper comme une brute, elle commençait à avoir si mal aux mains qu'elle les sentait brûler, piquer. Elle ne pouvait décemment pas retirer son haut déjà bien dégradé, au risque de se recevoir... des remarques qui auraient valu des nez, membres ou côtes cassées. Pas les siens, cela va de soi.

La voix qui sonna la pause fit s'élever des bruits de soulagements. Elle parvint à capter quelques vertèbres qui craquaient lorsque les uns se redressèrent, tout comme des nuques, des bras ou des jambes. Son propre dos émit un bref craquement et c'est là qu'elle la ressentit vivement : la faim. De toute sa pauvre vie, Lithildren n'avait jamais eu autant faim. Son ventre se tordait d'une vive douleur, son estomac piquait. Elle fronça les sourcils et mit la main sur son ventre plat. La sueur donnait à sa peau claire un aspect un peu brillant, mais elle était sale et ça rendait sa peau poisseuse. Elle regarda ses mains pleines de cloques, d'ampoules et de saleté. Elle fronça le nez et soupira.

Son voisin-mineur lui fit signe d'approcher lorsque le signe du souper fut lancé. Il la plaça devant lui et ses paroles n'eurent absolument aucun sens pour l'Elfe. La pâtée qui fut servie était... peu appétissante. Epaisse, à l'odeur dégoûtante... Elle en prit une cuillerée et laissa la... chose retomber dans le bol, avec un air de dégoût. Quant à l'autre... Il dévora son repas avec une satisfaction déconcertante. Fronçant le nez, elle se décida à prendre une cuillerée de la bouillie. Elle eut un haut-le-coeur mais elle avala quand même. Puis la faim se faisant beaucoup, beaucoup trop forte, elle dévora sans aucune grâce sa pitance. Elle se mit même à récolter avec le doigts les miettes de la bouillie. Puis se levant, elle rendit le bol à son propriétaire en retournant auprès de son "mentor". Un terme bien vague et grossier pour désigner cet homme qui semblait l'aider.

Mais elle ne voyait pas le sourire, juste la personne. Le visage était trop... flou ? En fait, même s'il était bel homme, elle s'en fichait. Tout ce qui importait, c'était de sortir d'ici. Et l'Elfe serait prête à tout pour ça. Elle fixait avec animosité les gardes plus loin, qui lui rendaient un regard méfiant. Ils l'empêcherait d'aller retrouver son ami. Compagnon. Peu importait le titre que portait Oropher, être seule au milieu d'hommes sans lui était devenu peu supportable. Même dans sa cage du Rhûn elle se s'était sentie plus en sécurité, pour dire. Elle avait à peine capté le nom, plus tôt : Holric. Et elle était restée si silencieuse qu'elle ne comprit que maintenant, bien des minutes plus tard, qu'il lui avait demandé son nom.

- Lithildren.

La voix de l'Elfe était assez douce, bien que sèche et teintée de cette rage latente. Elle lâcha un soupir nasal en regardant de nouveau ses mains. Elle n'avait pas trente six millions de solutions : pour sortir et en apprendre davantage, elle devrait aussi se montrer digne de confiance. Holric serait sa seule porte de secours pour le moment, et vu sa langue bien pendue, il ne serait pas difficile de le faire parler. Elle était une demoiselle, une Elfe. Ce serait dégradant, mais elle n'avait pas non plus le choix : elle devrait user de ce charme sous lequel les hommes semblaient tomber pour en savoir plus. Elle le regarda se goinfrer et fronça le nez. Quel... porc.

Elle déglutit. Elle n'en croyait pas. Elle allait réellement tenter de soudoyer cet homme. Juste pour quelques mots. Et éventuellement sa liberté. Cela la terrifiait, l'horrifiait, la dégoûtait. Mais elle s'efforça d'imaginer Oropher à la place de cet homme, pour que cela soit plus facile. Elle se rapprocha donc légèrement de l'homme et posa les mains près d'elle, mettant légèrement - mais très légèrement - ses attributs féminins en avant, tandis qu'elle se penchait un peu vers lui en baissant le ton.

- Déjà, l'autre Elfe n'est pas mon mari, mais un simple compagnon de route. Je ne suis pas du genre à tomber pour les Elfes, malgré tout... ce que l'on peut dire.

Elle s'efforça de faire paraître son ricanement le plus naturel possible. Elle jeta un regard rapide aux gardes qui veillaient biiieeen sur l'endroit. Elle réfléchit à toute vitesse, prenant la première idée qui lui vint à l'esprit.

- Et si je te proposais de répondre aux questions que tu veux, si tu réponds aux miennes ? Je commence, tu veux ? Tu pourrais me dire ce qu'on cherche, exactement..? Le "patron" nous en a touché deux mots, mais je n'ai pas bien saisi la chose... Tu sauras certainement m'éclairer à ce sujet..?

Autant aller à la base de la chose : une question bateau de femme perdue qui ne sait pas trop ce qu'elle fait là, au contraire des autres mineurs. Elle espéra vivement que cela marche et qu'il comprenne l'utilité de parler à voix basse...
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Hadhod Croix-de-Fer
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La Demeure dans les Fondations EmptyDim 30 Juil 2017 - 19:48
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La pensée de devoir se séparer de Lithildren, même si ce n'était que temporaire, le hantait. Objectivement, le fait qu'il dût quitter cette salle et retourner dans les souterrain baignés d'obscurité ne changeait rien à la situation de celle qu'il aimait car, il devait bien se l'avouer, même en restant dans cette salle que pourrait-il bien faire pour lui porter secours si elle venait à être malmenée ? Pas grand-chose en vérité face à tous ces hommes, sinon manifester son désaccord, se révolter et mourir à ses côtés... Oui, c'était sans doute ce qui le dérangeait dans le fait de devoir partir, il avait l'impression de l'abandonner et de prendre le risque de ne pas partager son destin, bon ou funeste. Et pourtant il n'avait guère le loisir de discuter les ordres que le chef anonyme et Jessp lui avaient donnés avec un tact de façade : accepter d'enquêter sur la chose qui rôdait dans les boyaux rocheux d'Ost-in-Edhil constituait le seul moyen de ne pas offusquer leurs ravisseurs et ainsi de rester en vie. Lui et sa belle étaient devenus les pantins de ce drôle de seigneur, bien plus encore que les gaillards qui piochaient à s'en épuiser et qui, eux, avaient sans doute accepté de venir en ce lieu.

- Ecoutez... Jessp, j'ai échappé de peu à la menace que nous allons traquer et ce n'est pas de gaieté de cœur que je retournerai là-haut dans ces tunnels, surtout en sachant que je devrai à nouveau revenir ici-bas en fin de compte, si toutefois nous échappons à la mort. Mais je vais vous accompagner et faire mon possible pour éclaircir ce mystère, je n'ai guère le choix à vrai dire.

Il regarda autour de lui pour chercher le coin le moins inconfortable pour se reposer, et se faisant il remarqua que les travailleurs avaient cessé leur besogne et s'étaient ameutés en une file approximative non loin d'une grosse marmite. Le claquement des pioches contre le roc avait cessé, voilà qui était bien appréciable. Cherchant Lithildren du regard, il la discerna enfin et vit qu'elle était en discussion avec un solide bonhomme dont il ne pouvait deviner le visage. Que se disaient-ils ? Oropher espérait simplement qu'il n'était pas en train de la houspiller parce qu'elle faisait mal le travail, ou pis encore. Tout à coup sa comparse regarda dans sa direction et leur regard se croisèrent brièvement. La distance qui les séparait l'un de l'autre n'était pas mirobolante mais empêchait néanmoins toute communication verbale, et les gardes intercalés entre eux veillaient au grain.

- Qu'est-ce que vous regardez donc ?

La voix de Jessp n'était pas spécialement agressive, mais ferme, et elle fit se retourner le renégat.

- La soupe, mentit-il. Ou tout au moins le manger, que ce soit de la soupe ou autre chose... Ma longue marche dans les tunnels m'a donné faim, j'ai le ventre aussi creux qu'un tronc d'arbre mort, à moins que ce ne soient les questionnements de votre chef qui m'aient affamé. Je peux aller chercher une écuelle ? J'ai le dos meurtri, tout le corps endolori et contusionné et une cheville en vrac... Six heures ne seront pas de trop pour me faire reprendre quelques forces, à défaut de me remettre en état, mais je dors toujours mieux le ventre plein. Et si vous pouviez me délier les mains, je ne serais pas contre.

Naturellement il ne fut pas autorisé à rejoindre la file des travailleurs et se fut Jessp qui se chargea de lui apporter sa pitance. Après quoi il coupa les cordes qui maintenaient ses poignets attachés – juste pour la nuit, dit-il – et alla lui chercher une paillasse sommaire pour atténuer les aspérités du cruel sol pierreux. Bien que de nombreuses torches furent éteintes et que la luminosité baissa, il n'y eu point d'extinction des feux. Sans doute le grand manitou voulait-il que le soleil ne se couche jamais sur son royaume afin de pouvoir garder un œil vigilant sur ses hommes, et sur ses invités elfiques. Ceux qui avaient hérité du tour de garde lorgnaient souvent en sa direction et c'est avec un certain malaise que le noldo sombra enfin dans le sommeil, longtemps après Jessp qui, contrairement à lui, n'avait ni foulure, ni grosse ecchymose, ni lacérations. Sa nuit fut agité par des rêves inquiétants mais il n'en avait plus aucun souvenir au moment où il sentit Jessp lui secouer l'épaule.

Déjà...

Tandis que les premiers coups de pioches de la journée se répercutaient en échos, Oropher et le lieutenant passèrent le seuil, celui-là-même qui donnait sur la ligne droite éclairée par les torches que l'elfe avait arpenté la veille en traînant misérablement sa congénère. Là, à l'endroit où s'était déroulée leur arrestation musclée, il balaya du regard le sol sur lequel ils marchaient mais ne trouva rien d'autre que la dalle froide et morose. Il était pourtant sûr d'avoir perdu à cet endroit les petits fragments runiques qu'il s'était efforcé d'amasser durant leur descente en enfer.

Les deux hommes s'arrêtèrent et leurs regards se croisèrent.

Peut-être l'homme avait-il remarqué une légère hésitation dans le pas ou dans l'attitude de son prisonnier... Peut-être l'elfe lui-même avait-il eu quelque soupçon, fondé ou non, sur la cause de la disparition de ses petits trésors... Toujours est-il que l'espace d'un instant, une tension naquit entre eux. C'était comme si chacun des deux savait de quoi il en retournait, sans qu'aucun n'ose aborder le sujet. Oropher n'insista pas. Il n'avait aucune preuve et, même s'il en avait eu, il n'aurait rien gagné à exposer ouvertement ses griefs, sinon de nouveaux problèmes. Il préféra repartir de son pas claudicant.

- J'imagine que je dois vous guider jusqu'à l'endroit où nous avons senti la présence de cette... menace pour la dernière fois ?

Un hochement de tête affirmatif de Jessp lui fit comprendre que c'était bien cela qu'on attendait de lui. Il frissonna. Faire tout le chemin inverse l'emplissait de crainte. Si encore c'eût été la dernière fois et que le vent frais de l'extérieur l'eût attendu au bout... mais il savait que même si tout se passait bien et si contre toute attente ils ne connaissaient pas une fin funeste, il devrait quand même rentrer avec cet homme dans les bas-fonds.

- Y a-t-il plusieurs chemins d'accès ? Vers cette partie d'Ost-in-Edhil, j'entends. Car à l'aller nous sommes tombés sur un passage écroulé et nous avons été contraints de sauter en contrebas, ce qui nous a menés jusqu'à votre installation. Mais la voie normale menait bien quelque part, j'imagine... soit au même endroit, soit ailleurs... Et si c'est au même endroit, j'aimerais autant éviter de jouer au reptile une deuxième fois. Je n'ai pas abordé les questions géographiques avec votre chef, hélas. Il n'est pas du genre très loquace quand il s'agit de fournir des explications. J'ignore encore ce que vous cherchez précisément et pourquoi, et j'ignore même d'où vous venez, qui vous êtes tous, et qui il est lui... Même pas eu le temps de discerner des initiales sur sa fichue chevalière...

Bien que ses paroles n'aient pas été criées, on sentait poindre dans le ton d'Oropher une colère qu'il ne parvenait plus à dissimuler. Il avait peur pour Lithildren, peur pour lui-même aussi, il souffrait dans sa chair et il ignorait pour combien de temps il devrait rester dans ces corridors lugubres. La seule chose qui l'empêchait de sombrer dans un désespoir total était la curiosité pour ce que pouvait cacher cette cité. Cela et la pensée de l'elfe au cheveux de jais, bien entendu.

- Je me doutais bien que vous n'alliez pas me rendre mon arme pour partir avec vous, continua-t-il, mais j'aurais aimé que vous me laissiez les mains libres. Couperez-vous au moins la corde pour me laisser une chance si nous sommes agressés ?


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Ryad Assad
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La Demeure dans les Fondations EmptyVen 6 Oct 2017 - 13:00
Il y avait chez Holric quelque chose de cette simplicité rassurante, qui faisait qu'il était difficile de le percevoir comme une menace. Il n'avait pas l'air particulièrement fin, ni particulièrement retors, et c'était bien peu dire quand on voyait son expression faciale qui semblait perpétuellement satisfaite. Il se trouvait dans les entrailles de la terre, à manger la nourriture la plus infecte qui fût, et il parvenait encore à trouver des motifs d'espoir dans toutes ces ténèbres. Il était difficile de savoir si son attitude était un modèle ou un repoussoir, mais quelle que fût la réponse rien ne paraissait pouvoir entamer son moral, et en cela il s'en sortait mieux que la plupart de ses compagnons. Il avait pris Lithildren sous son aile pour l'assister du mieux qu'il le pouvait, alors que les autres avaient l'air d'être au bout de leurs peines et ne pas pouvoir se concentrer sur autre chose que sur leurs petits problèmes, leurs misérables petits tracas insignifiants. Holric n'était pas touché par le phénomène, et semblait faire preuve d'une générosité à la fois déroutante et malvenue. Ici, dans la cité enfouie des Elfes, chacun cherchait avant tout à garder ce qui lui était le plus cher. La nourriture, l'eau, les trésors…  Partager ne semblait pas être l'option privilégiée pour survivre, a fortiori dans un groupe dont les ressources étaient limitées. Il avait déjà fallu faire comprendre aux mineurs qu'ils devraient céder leur pitance à une intruse, dont chaque bouchée tirait sur leurs maigres réserves. La nourriture était infecte, mais elle tenait l'estomac plein et elle permettait de survivre jusqu'au lendemain. Quelques grognements désagréables à l'attention de Lithildren lui avaient fait comprendre qu'elle était un parasite et que si d'autres avaient été aux commandes, ils l'auraient laissés mourir de faim. Purement et simplement. Holric semblait ne pas s'en faire outre mesure, curieusement.

Il demeura parfaitement de marbre quand Lithildren s'efforça de jouer avec lui. Elle était loin d'être à son avantage dans les circonstances, et on ne pouvait pas dire qu'elle ressemblait à une grande dame avec ses cheveux en bataille et son corps couvert de contusions. Pour autant, la beauté éthérée des Elfes continuait à l'habiter, et elle pouvait compter sur l'appétit de la chair qui animait parfois le cœur des hommes. Parfois. Pas aujourd'hui. Holric cligna des yeux et dévisagea la jeune femme avec un brin de surprise, comme si son changement d'attitude la perturbait bien davantage que les charmes qu'elle s'efforçait de mettre en avant – et dont il semblait se ficher éperdument. Il répondit en balbutiant :

- Oh, je… Je croyais que vous… On m'avait dit que les Elfes…

Il ne trouva pas comment finir sa phrase. On lui avait raconté beaucoup de choses au sujet des Elfes, notamment qu'ils haïssaient et qu'ils méprisaient les humains, qu'ils voulaient les tuer, qu'ils trouvaient dégoûtants et pathétiques. Holric s'en fichait un peu, mais il ne croyait pas à ces balivernes. Sa mère lui avait raconté que c'étaient des créatures de bien, qui avaient toujours marché aux côtés des Hommes justes quand l'heure était venue. Il se raccrochait à cette idée. Engloutissant une bouchée de pain sec qui lui collait aux dents pour se donner le temps de changer de sujet, il sut gré à la jeune Elfe de lui offrir une porte de sortie. Enfin… jeune… elle devait être infiniment plus vieille que lui malgré son apparence. Elle aurait pu être sa petite sœur, du moins en apparence, mais il se pouvait fort bien qu'elle eût connu ses aïeux. Cela le perturba un instant, et il se retint de lui demander si elle était déjà passée par son hameau. Elle l'aurait trouvé ridicule. Au lieu de quoi, il se plut à lui expliquer de quoi il retournait ici :

- Oui, c'est qu'c'est une affaire compliquée. Il paraît qu'ici, il y a très, très, très longtemps, les Elfes fabriquaient des choses merveilleuses. Des trésors. Mais le patron a dit que la cité avait été détruite, et que personne ne savait plus comment y rentrer.

Il marqua une pause, presque gêné d'expliquer cela à une femme qui pouvait aussi bien être une descendante des habitants des lieux… voire avoir habité la cité à l'époque de sa destruction. Comme elle ne semblait pas lui en vouloir outre mesure de son exposé, il reprit prudemment :

- Le patron a… euh… il a trouvé une carte qui racontait comment arriver ici. Je sais pas ce qu'elle faisait dans le Lossarnach, m'enfin… Du coup, on est à la recherche des objets qui auraient pu être abandonnés ici. On a déjà trouvé pas mal de trucs, comme des gobelets en argent, ou des pierres précieuses. Je pense qu'avec ça on va tous devenir riches, et je pourrai enfin rembourser ma dette, et me marier à Thilda.

Son sourire s'élargit perceptiblement à cette simple évocation. Holric était un homme simple, qui s'était embarqué dans cette aventure par désespoir. Il avait travaillé dur toute sa vie, mais les choses n'étaient pas toujours simples, et désormais il devait prendre ce risque énorme s'il souhaitait pouvoir revoir sa chère et tendre et pouvoir lui demander sa main, payer sa dot et lui offrir la vie qu'il estimait qu'elle méritait. Pouvait-on lui en vouloir ? Il poursuivit :

- Tout ce qu'on trouve est mis en commun, et le patron se charge d'estimer leur valeur. On partagera les biens à la fin, et chacun s'en ira de son côté. La seule chose qu'on ne pourra pas conserver, ce sont les anneaux. Le patron a dit qu'il se réservait les anneaux.

Holric partit d'un rire sonore, et ses compagnons tournèrent la tête en lui lançant un regard noir qui le laissa indifférent. Il essuya une larme fictive sous son œil, et souffla :

- C'est encore ce qui pèse le moins lourd, et même s'ils sont en or ça ne vaut pas autant qu'une belle gemme ou bien la bassine qu'on a découverte il y a quelques temps. Elle pèse son poids, et je pense qu'elle nous rapportera un beau paquet d'argent. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais déjà arrêté les fouilles, mais Gier dit qu'on peut encore continuer.

Tout à coup, Holric se mordit la lèvre, comme s'il venait de dire une bêtise. Comme s'il venait d'en révéler plus qu'il ne le devait. Il lança un coup d'œil effrayé à leur patron, qui paraissait n'avoir rien entendu, et qui continuait à marmonner des choses tout seul dans son coin. Il avait l'air de compter et de recompter pour lui-même. Mais quoi ? Le mineur, pas rassuré pour autant, se tourna vers Lithildren et s'efforça d'orienter la conversation ailleurs, sans prendre la peine de se cacher :

- Euh… à votre tour de répondre, hein… Euh… Comment vous êtes arrivée jusqu'ici ?


▼▼▼
▲▲


Ils n'avançaient pas très vite.

La faute à l'Elfe, évidemment.

Jessp jetait de fréquents regards autour de lui, comme s'il craignait de voir surgir une créature maléfique dans son dos. Cependant, tout ce qu'il voyait même en plissant les yeux, c'étaient les mêmes murs couverts de poussière et de symboles qu'éclairait péniblement la torche qu'il portait à bout de bras. Il commençait à en avoir la nausée. Les lieux l'oppressaient, le terrifiaient plus qu'il n'osait l'avouer, et seul son passé de militaire lui permettait de garder son sang-froid. Il s'efforçait de se répéter qu'il avait vu pire, mais à chaque fois qu'il se posait pour y réfléchir, il ne trouvait aucune situation similaire. Enfermé dans un tombeau de la taille d'une cité, sous les ordres d'un dingue qui cherchait absolument à dénicher un trésor mystérieux ? Non, il n'avait jamais connu ça… Son regard glissa un instant vers l'Elfe qui marchait à ses côtés, dérivant vers ses poignets où l'on apercevait encore la trace rouge d'une corde qui avait mordu ses chairs. Il avait les mains libres. Le soldat était n'était pas sans pitié, et sa morale lui commandait de donner une chance à son compagnon si d'aventure ils croisaient la « chose » dont il leur avait parlé. Pour autant, il ne pouvait pas s'empêcher de craindre qu'il ne s'agît d'une ruse, et il conservait en permanence une partie de son attention sur ses mouvements. Il ne voulait pas être pris au dépourvu. En l'observant, Jessp se demanda si le Premier Né en avait vu d'autres… si dans sa longue existence il avait déjà accompli ce genre de missions sans queue ni tête. Dans un sens, la perspective de se savoir accompagné d'une personne qui avait l'expérience de ce genre de situations le rassérénait. D'un autre côté, en revanche, il n'appréciait pas de devoir dépendre d'une potentielle menace. Le regard d'Oropher croisa le sien, et il baissa les yeux pour cacher le dilemme qui y prenait naissance.

Ils allaient dans un silence pesant, seulement rompu par les chocs épisodiques de leurs pieds sur de petits morceaux de roche. Il s'arrêta un instant pour en scruter un, le retournant de la semelle seulement pour constater qu'il s'agissait d'un caillou ordinaire. Rien d'intéressant. D'un grognement, il fit signe à l'Elfe de continuer, et il lui emboîta le pas. Il arrivait mentalement à se faire une représentation assez précise de l'endroit où ils se trouvaient par rapport au camp, et il s'appliquait à se remémorer chaque embranchement pour, le cas échéant, retrouver le plus rapidement possible une présence amie. Une précaution qui n'était pas inutile. Jessp était, de toute façon, particulièrement précautionneux. C'était sans doute la raison pour laquelle il avait raté sa carrière dans l'armée arnorienne. Pas assez audacieux, pas assez tête-brûlée pour s'imposer au milieu d'autres jeunes hommes déterminés à faire leurs preuves par tous les moyens. Une bonne moitié échouait lamentablement et n'avait que des regrets, l'autre moitié réussissait par chance et avait des louanges. Lui se tenait au milieu, toujours prudent. Trop prudent. Etait-ce pour cette raison qu'il n'avait pas révélé le nom de son patron à l'Elfe qui le lui demandait de manière anodine ?

- S'il avait voulu vous dire son nom, il l'aurait fait. Il est avare d'informations, et il n'aime pas qu'on révèle trop de choses à son sujet… Je n'ai pas envie de me faire remonter les bretelles.

L'expression était un doux euphémisme, cela se voyait au fond de ses prunelles inquiètes. Jessp savait que cet homme pouvait le faire exécuter sans la moindre merci, et il préférait ne pas dévier du chemin étroit sur lequel on l'autorisait à évoluer. La mission promettait d'être belle, il empocherait une belle somme pour son effort, et une part intéressante du trésor. Pourquoi tout gâcher en commençant à ouvrir sa bouche ? Il avait d'autres projets en tête, et il comptait bien les réaliser. Il savait qu'avec ses compétences martiales et son savoir-vivre, il pouvait entrer au service d'un puissant seigneur et vivre confortablement. Mais pour cela, il lui fallait un équipement de meilleure qualité que celui qu'on fournissait aux simples soldats. Avec son pécule, il envisageait d'investir dans un beau destrier, et dans une belle armure rutilante dont il prendrait le plus grand soin. Il irait ensuite frapper à la porte des nobles pour se faire engager, et ainsi couler de vieux jours confortablement. Il était persuadé qu'après ses achats, il resterait encore pas mal d'argent à dépenser, mais il envisageait déjà de l'offrir à son petit frère. Il avait des dispositions naturelles à l'étude, et Jessp avait déjà dépensé sa solde pour lui offrir l'opportunité d'apprendre à lire, à écrire et à calculer. Un coup de pouce supplémentaire lui permettrait d'acheter des livres et, peut-être, de s'extraire à sa condition de naissance qui ne lui promettait guère un bel avenir. Il finirait comme son aîné, à travailler la terre jusqu'à se ruiner les reins et les mains. Ou bien comme le puîné, à arpenter les sous-sols répugnants d'une cité perdue.

Jessp s'éclaircit la gorge.

Il devait continuer.

- C'est ici qu'on vous a trouvés, fit-il bientôt.

Du bout de sa torche, il désigna un espace sur le sol, où on devinait effectivement quelques traces qui pouvaient indiquer qu'un individu s'était allongé là. Pas forcément de plein gré. Un long corridor s'ouvrait en face d'eux, et bifurquait ensuite vers le boyau dont les deux Elfes s'étaient extraits. C'était du moins ce qu'ils avaient raconté au patron, qui l'avait ensuite expliqué à son second. L'intéressé essaya de prendre les devants :

- Vous avez dit au patron que la bête n'avait pas pu vous suivre, qu'elle était trop grande pour entrer dans le même tunnel que vous. On va contourner, et essayer de trouver un autre chemin pour rejoindre l'entrée du passage. Après vous.

L'invitation était de pure forme, car il avait déjà un peu réfléchi à la question. Il ne voulait pas laisser l'Elfe le conduire à rentrer à quatre pattes dans une partie d'exploration souterraine. Premièrement, cela sentait le piège à plein nez, et il n'était pas stupide au point de se jeter les deux pieds dedans. Secondement, il avait fichtrement la trouille de se retrouver coincé, et il préférait de loin revenir bredouille que mourir bloqué sous un rocher effondré. Contourner était la meilleure solution. Ils entreprirent donc de trouver un tunnel qui s'ouvrait latéralement, et quand cela leur fut possible, ils essayèrent de suivre une trajectoire parallèle à celle que Oropher et Lithildren avaient empruntés. Il leur fallut beaucoup de persévérance, et ils durent revenir sur leurs pas plus d'une fois, mais ils finirent par déboucher sur une salle qui apparaissait vaguement familière à l'Elfe. Jessp, pour sa part, n'était jamais venu ici, et il s'autorisa à observer les alentours. Il n'avait toujours aucune idée de la fonction des différentes pièces, mais il se plaisait à faire des suppositions, à partir de ce qu'il pouvait apercevoir. Des rochers s'étaient effondrés sur ce qui semblait être un grand puits, ou plutôt un grand bassin. Il s'approcha pour en examiner le fond, et nota que celui-ci était fermé par une grande plaque de métal qui devait permettre, quand elle était relevée, l'écoulement des eaux. L'ouverture était large, assez pour qu'on s'y faufilât. Le conduit devait conduire à l'extérieur de la cité, ou peut-être à une rivière souterraine – encore plus souterrain que là où ils se trouvaient. Jessp avisa une manivelle cassée qui devait vraisemblablement actionner le mécanisme, mais même en essayant de la faire bouger celle-ci demeura obstinément coincée.

- Impossible que quelque chose se cache là-dessous, commenta-t-il en revenant vers Oropher. Et puis si c'est bien un conduit d'évacuation, il faudrait pouvoir grimper le long d'un tunnel lisse dont seul Eru sait la profondeur.

Par prudence, il vérifia bien qu'il n'avait pas manqué un élément crucial du mécanisme, mais il lui semblait ne pas avoir manqué quoi que ce fût. Satisfait, il fit signe à l'Elfe d'avancer. Celui-ci paraissait absorbé dans ses propres pensées, mais attentif à ce qui l'entourait. Il examinait chaque pièce avec attention, peut-être à la recherche de la bête tapie… ou bien à la recherche d'une arme susceptible de lui donner l'avantage. Jessp ne le perdait pas des yeux, s'arrangeant pour le laisser entrer dans chaque nouvelle salle en premier afin de ne pas se faire surprendre bêtement. Après un temps qui leur parut une éternité, ils finirent par déboucher sur une vision familière pour Oropher : l'entrée du tunnel. Il était difficile de le distinguer d'un autre passage, mais les traces de pas récentes ne laissaient pas vraiment de doute : ils étaient au bon endroit.

Jessp balança sa torche pour examiner le passage, en quête d'un signe qui aurait pu le renseigner sur la nature de la bête. Il n'y avait, au sol, aucune empreinte suspecte ou aucune trace laissant penser qu'ils avaient été suivis par un monstre aux proportions démesurées. Oropher lui-même procédait à son inspection, et tardait à lancer le fameux « j'ai trouvé » qui aurait annoncé qu'il avait effectivement découvert de quoi corroborer son histoire. Ils passèrent de longues minutes à l'entrée du boyau, peu désireux de l'explorer plus avant, même s'ils savaient désormais qu'il y avait une sortie à l'autre bout. Le temps passant, ils étaient toujours incapables de déceler le moindre indice… Que devait penser l'Elfe à ce moment-là ? Craignait-il pour sa vie, et celle de sa compagne, s'il revenait sans élément probant ? Le patron ne se montrerait pas aussi clément s'il apprenait qu'il avait été roulé dans la farine, et ceux qui se moquaient de lui tendaient à le regretter amèrement.

Si le guerrier qui portait la torche avait voulu se montrer mesquin, il aurait purement et simplement ordonné leur départ, et aurait fait un rapport cinglant à son chef pour lui relater la situation. Oropher et Lithildren auraient peut-être été tués sur-le-champ, sans que cela lui posât un problème particulier. Mais fort heureusement pour les deux Elfes, la prudence de Jessp le poussa à examiner avec une attention redoublée, jusqu'à ce qu'il repérât une trace anormale sur le mur, un peu plus haut que son regard.

- Venez voir, fit-il interloqué. Ça vous évoque quelque chose ?

La pierre avait été lacérée par quelque chose de tranchant, de toute évidence. Au toucher, on sentait que la marque n'était pas profonde, mais elle avait laissé une empreinte rectiligne trop parfaite pour avoir été causée par un élément naturel, et trop récente pour dater l'âge durant lequel la cité avait été détruite. Ce n'était qu'un maigre indice, mais comment ne pas lui accorder du crédit dans ces circonstances ? Pendant que l'Elfe se penchait sur la question et livrait son verdict, Jessp jeta un coup d'œil autour de lui par réflexe. Il écarta involontairement la torche du tunnel, et dissipa du même coup un voile d'ombre qui semblait traîner sur le sol. Ce qu'il vit alors lui glaça le sang...

- Nom de…

Il tira son épée par réflexe, en essayant de contrôler ses tremblements, mais sa voix paniquée le trahit :

- Bordel, bordel, bordel ! Là, regardez !

Il pointait son épée vers une forme inanimée qui reposait par terre.

- C'est une main ! C'est une main humaine !

Et autant qu'ils pouvaient en juger, elle n'était pas là depuis très longtemps… Restait à savoir, maintenant, où se trouvait le reste du corps.


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