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 "La Garde meurt mais ne se rend pas! Me*de!"

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Learamn
Agent de Rhûn - Banni du Rohan
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Learamn

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meurt - "La Garde meurt mais ne se rend pas! Me*de!" EmptyMer 4 Oct 2017 - 2:20



 Au milieu des plaines du Riddermark qui n’avaient pas connus le calme depuis trop longtemps, le feu et le sang s’étaient mariés pour amener le chaos. L’odeur âcre de la végétation calcinée et le goût putride de la mort pouvaient se ressentir sur des lieux à la ronde. Chevauchant aussi rapidement que son corps meurtri le lui permettait, le sergent Eofend peinait à se remettre du choc; tout avait été si rapide, si violent, si inhumain. Et pourtant le sous-officier avait vécu de nombreux affrontements lors de la guerre mais jamais il n’avait vu cela auparavant: un tel déchaînement, aussi court que meurtrier, un tourbillon infernal qui avait emporté, en l’espace de quelques secondes, toute trace de vitalité humaine. Même les survivants étaient en quelque sorte des morts: trop affaiblis pour avoir pleinement conscience de ce qui les entourait, le blessé le moins grave devait assumer la lourde charge de sauver ceux dont la mort était imminente. Le sergentregarda un instant en  l’arrière où une deuxième monture, attachée à la sienne, le suivait. Elle  portait trois hommes, ou ce qu’il en restait, sur son dos. Ils étaient mal en point et peut-être l’un d’entre eux était déjà mort de ses blessures à l’heure qu’il était. Ses yeux se portèrent ensuite plus loin vers le Sud, en direction d’Edoras où il avait envoyé le valeureux Théomer prévenir le Vice-Roi du massacre ayant eu lieu.  Un gémissement à glacer le sang sortit de la gorge de l’un des hommes de derrière, pour Eofend cela ne voulait signifier qu’une chose : il n’y avait plus de temps à perdre. Il tenta de se ressaisir et mettre ses émotions de côté, sa mission n’était pas terminée mais elle avait simplement changé d’objectif : la poursuite était devenue un sauvetage désespéré.  


“Yah!”


Il éperonna sa monture et les deux chevaux partirent au triple galop en direction de l’Isengard: fief du Roi Fendor.

 Eofend connaissait la route pour l’Isengard: durant ses longues années de service il l’avait plusieurs fois empruntée et même si la région fut pendant longtemps sous contrôle gondorien, son emplacement stratégique à proximité de la Trouée du Rohan en faisait un point de repère important pour les cavaliers chargés de protéger les limites du territoire.  Mais jamais ce trajet ne lui avait paru aussi long à faire. Il était considérablement retardé par cette deuxième monture qui soutenait la charge de trois hommes robustes, le sergent avait bien tenté d’alléger le tout en leur retirant leur arme mais cela ne semblait pas suffisant pour la bête qui avaient de plus en plus de mal à suivre la cadence imprimée par le sous-officier.  La pauvre monture était tellement à bout qu’Eofend n’eut d’autre choix que de faire une halte alors même que chaque seconde qui passait était précieuse. Il en profita pour descendre de selle et inspecter les trois blessés qu’il transportait. Le sergent s’employait à ne pas trop les maltraiter mais cela se révélait bien compliqué avec le peu de moyens dont il disposait; il n’avait quasiment aucune connaissance en matière de soin et il n’avait rien pu faire de plus que de bander grossièrement les plaies les plus béantes avec des lambeaux de chemise. Des trois, Méared était sûrement celui qui avait le plus de chances de s’en sortir, il avait certes perdu trois doigts et souffrait d’une impressionnante coupure à la tête mais aucune partie vitale ne semblait sérieusement touchée et des guérisseurs compétents pourraient probablement le remettre sur pied malgré son état d’affaiblissement extrême, c’était du moins que Eofend espérait. Il lui donna à boire de sa gourde dont il ne restait déjà qu’un fond, Méared recracha la moitié mais ses quelques gouttes lui firent  du bien. Un tantinet revigoré, il tenta de se redresser mais d’un geste Eofend l’en dissuada :

“Ser...Sergent
, balbutia le garde royal, qu...qu’est ce ....je…”

 D’autres auraient pu mettre ses paroles vides de toute cohérence et ses interrogations inachevées sur le compte de l’état grave de l’homme blessé mais Eofend, lui, savait que même un soldat en pleine possession de ses moyens n’aurait rien pu dire de mieux. Il le savait car c’était peu ou prou les même mots qu’il avait adressé à Théomer juste après la fin des affrontements et finalement aucune parole sensée ne pouvait sortir de la bouche d’un témoin de ce désastre.

“ Pas maintenant Méared, pas maintenant je t’en prie.”

 Même dans son état le jeune garde royal obéit à l’ordre qui n’en était pas vraiment un et se laissa retomber mollement sur la croupe, sombrant à nouveau dans les limbes de l’inconscience.

Eofend s’approcha ensuite d’Halgor dont l’état était critique; une flèche s’était fichée dans son torse et si son plastron avait limité les dégâts, la blessure était tout de même sérieuse. Le sous-officier avait fait le choix de ne pas retirer la flèche, il ne savait comment s’y prendre et craignait d’aggraver la situation déjà peu reluisante. Il s’appliqua à lui verser un peu d’eau à lui aussi mais le garde recracha tout avec un gargouillement étrange. Une deuxième salve de crachats suivit aussitôt mais cette fois-ci ce n’était plus l’eau trouble qu’Eofend avait tenté de lui faire boire mais un liquide chaud et vermeil : du sang.   Le sergent réprima un haut-le-coeur et fit inconsciemment un pas en arrière : le temps pressait plus que jamais. Il agita son outre pour en estimer la quantité de liquide qu’il y restait: pas plus de quelques gouttes pour le dernier des blessés. Il fronça des sourcils, l’Isengard n’était plus très loin mais le manque d’eau n’était jamais un très bon signe lorsque l’on entreprenait un tel voyage sous le soleil de plomb qui faisait jaunir l’herbe des plaines.

 L’antipathique capitaine était le dernier homme qu’il avait amené avec lui mais pour lui peu d’espoir semblait permis. Son visage était entièrement calciné et ses traits à peine reconnaissables; Eofend avait même dû analyser son armure pour l’identifier. Du sang suintait de tous les pores de sa face, les poils  qui restaient étaient complètement brûlés, les lèvres gonflées étaient ouvertes en de nombreux endroits, son nez se résumait à un amas de cartilage, des trous parsemaient sa peau laissant entrevoir des dents noircies et les os du visages entrecoupées de fragment de chair grillé et l’oeil qu’il lui restait était entièrement injecté de sang. L’officier émettait en continu un râle provenant d’un autre monde. En l’avisant Eofend ne sut pas trop comment il pouvait s’y prendre pour lui donner un peu d’eau: pouvait-il seulement encore ingurgiter quelque chose?  D’ailleurs le sous-officier allait-il pouvoir supporter cette vision d’horreur quasiment insoutenable? Sans qu’il ne s’en rende vraiment compte, des larmes se mirent à couler le long de ses joues sales et allèrent se perdre dans sa barbe. Flancher devant un tel spectacle qui disait toutes les horreurs dont les humaines étaient capables de s'infliger n’avait rien de déshonorant pour le fier guerrier rohirrim. Quand bien même la victime aurait été la pire ordure du monde, il aurait été impossible de ne pas la prendre en pitié. Mais Eofend avait aussi été témoin du courage dont cet officier, qu’il avait honni jusque là, avait fait preuve face à la Mort; il avait combattu sans calculs, soutenu ses hommes et vendu chèrement sa peau jusqu’à ce que la cruauté humaine  ne consume sa bravoure. A présent il avait perdu son visage, son identité, ce qui faisait de lui un être humain; il n’était plus qu’une ombre bipède dépourvu de toute vie. Eofend en venait même à espérer pour lui qu’il succombe à ses blessures car y survivre serait probablement pire. Vivre ainsi ne serait-il pas le pire des châtiments ?

Alors, au loin, le sous-officier de la garde Royale distingua une troupe de cavaliers soulevant un amas de poussière sur leur sillage  qui s’approchait à une vitesse effarante de leur position. Il posa instinctivement la main sur son épée, il craignait une nouvelle compagnie de malfaiteurs, peut être même des complices du groupe précédent qui serait revenu pour finir le travail. Cela était certes peu probable voire illogique mais voilà bien longtemps que toute logique avait abandonné ces terres et l’esprit du guerrier. Au vu de leur nombre qui semblait dépasser la dizaine, Eofend et ses compères inaptes au combat ne pourraient rien faire en cas d’intentions hostiles. Mais en plissant les yeux il put distinguer un étendard rohirrim ainsi que les armures caractéristiques de son peuple et se permit de lâcher un soupir de soulagement; il n’était pas sorti d’affaire mais pour une fois qu’une chose ne se passait pas de la pire manière imaginable dans cette journée était un peu réconfortant.

 Il attendit donc que la patrouille arrive à leur hauteur pour  former le cercle de lances caractéristiques des cavaliers de la Marche. Précaution quelque peu inutile compte tenu du niveau zéro de menaces que représentait cette bande d’invalides. A mesure qu’ils s’étaient approchés, Eofend avait aperçu l’étendard vert flanqué des armoiries d’Orthanc: ces hommes venaient d’Isengard, c’était la Garde Verte. Leur chef, lui aussi sergent, fit avancer sa monture de quelques pas à l’intérieur du cercle et avisa le groupe particulier avec qui il traitait.  Son regard suffit pour formuler les questions que tous ses hommes se posaient.

“Je suis le sergent Eofend de la Garde Royale. Le Vice-Roi nous a envoyé pour une mission à travers les plaines mais nous sommes tombés dans une embuscade. Ces trois hommes sont grièvement blessés et ont besoin de soins au plus vite.”

 Le regard du sergent du Roi s’attarda sur les trois silhouettes embarquées sur une des montures; quand il aperçut le visage calciné du capitaine une expression de surprise horrifiée traversa furtivement ses yeux avant qu’il ne focalise à nouveau prestement son attention sur un Eofend suppliant. Dépossédé de sa cape, le sergent de la Garde pouvait néanmoins compter sur son armure caractéristique à sa faction pour prouver qu’il disait vrai.

“Je vous en prie ,
implora le sous-officier, ils ont besoin d’aide au plus vite! Je répondrai à toutes vos questions et vous expliquerai tout dans les moindres détails en Isengard mais maintenant nous n’avons pas le temps pour cela.”

 L’autre sergent paraissait hésitant, sa langue passa rapidement sur ses lèvres et son regard alla de la droite vers la gauche, comme s’il cherchait la marche à suivre chez ses hommes qui demeurèrent silencieux. Le Garde Royal était quelque peu anxieux, il avait été presque totalement honnête mais il savait ce que les egos des officiers pouvaient provoquer dans l’armée. Leur expérience avec  le Capitaine, celui là même qu’Eofend s’évertuait à sauver, durant les jours passés en était l’illustration parfaite.

Finalement une nouvelle observation des pauvres hères entassés sur ce cheval finit par pousser l’homme du Roi à prendre une décision.

“Et nous ne laisserons pas nos frères agoniser au milieu de  ces plaines brûlantes. Sa Majesté vous offrira son hospitalité.”

D’un geste, il ordonna à trois de ses hommes de prendre chacun en charge un blessé avec eux sur leur destrier pour le trajet, délestant ainsi la pauvre bête à bout de forces qui avait supporté leur charge jusque là. Le sergent d’Isengard tendit alors son avant bras à Eofend qui venait de se remettre en selle et qui le serra avec allant comme le voulait la tradition dans l’armée.

“Sergent Dervenn de la Garde Verte.
-Sergent Eofend de la Garde Royale; vous êtes envoyés par le ciel mon ami, si ces hommes survivent alors vous y serez pour beaucoup.
-Quiconque l’aurait fait. A présent…”


Dervenn se tourna vers le reste de ses cavaliers, tous vêtus d’une longue et soyeuse cape olive sur laquelle figurait l’emblème d’Orthanc, et leva le bras.

“Vers l’Isengard! Au galop! Yah!”


  Il éperonna sa monture et fut bientôt imité par les autres soldats qui suivirent leur supérieur à la trace.


 Moins de deux heures de chevauchée plus tard, ils pénétrèrent à l’intérieur du domaine d’Isengard où stationnait une quantité importante de soldats. Logique au vu de la présence du Roi Fendor dans le périmètre. Cependant, contrairement à ce qu’il s’attendait, la forêt de Fangorn y régnait toujours de manière aussi impériale. Aucune partie ne semblait avoir été récemment déboisée et les campements étaient disséminés à travers les zones naturellement plus dégagées aux abords d’Orthanc ou même des petites clairières au milieu des bois. D’un naturel peu superstitieux, Eofend ne s’était cependant jamais vraiment senti à l’aise ici. On racontait beaucoup de choses au sujet de cette région et du rôle qu’elle avait jouée durant l’ ge précédent; une aura mystérieuse et inquiétante se dégageait des arbres millénaires de Fangorn. Peut-être l’un d’eux pouvait se mouvoir et parler, il avait entendu beaucoup de récits au sujet des Ents et des rumeurs qui parcouraient le royaume parlaient d’un arrangement que ces êtres légendaires auraient passé avec le Roi de la Marche concernant l’Isengard, là était peut-être la raison du non déboisement. Pendant longtemps le sous-officier avait douté de l’existence de ces créatures mythiques et même aujourd’hui qu’il s’était fait une raison au sujet de leur existence, il se demandait vraiment si ils étaient des êtres aussi exceptionnels que dans les contes qu’il l’avaient passionné.

 Ils continuèrent jusqu’aux abords d’Orthanc, immense pilier fondateur qui semblait tout droit sortir des profondeurs de la terre et écrasait de son envergure tout le domaine. Sa silhouette sombre et élancée avait quelque chose de menaçant et une nimbe malfaisante s’échappait de ses cornes sommitales. La magie noire de Saroumane le Blanc continuait-elle de hanter ces corridors? Les sous-sols qui avaient jadis abrité l’armée de la Main Blanche étaient-ils nettoyés de toute puissance maléfique? Quelle étrange lieu de résidence pour un monarque du Rohan! Si éloigné de son peuple, si différent des standards rohirrim, si tourmenté à travers l’Histoire. Eofend préférait clairement Edoras à cet endroit comme capitale du royaume et il se demandait ce qui avait bien pu pousser Fendor et son entourage à élire domicile ici. C’était certes un lieu stratégique de par sa proximité avec la Trouée mais cela ne pouvait pas tout expliquer : il devait  y avoir une autre raison.

 Le sergent fut tiré de ses pensées par Dervenn qui lui désignait du doigt une longue et basse bâtisse en pierre surmontée d’un toit de chaûme à quelques centaines de mètres de la tour d’Orthanc surmontée d’un fanion royal qui flottait au vent. L’endroit paraissait assez bancal et peu confortable.

“Voici l’infirmerie ou du moins le bâtiment temporaire. L’informa l’homme de la Garde Verte. Nous ne voulions pas l’installer à l’intérieur de la grande tour et avons donc entamé la construction d’un réel bâtiment en dur un peu plus loin. Nous allons y amener les blessés mais n’ayez pas trop d’espoirs, vos gars sont sérieusement touchés et nous manquons de médecins qualifiés.”

Eofend n’eut pas le coeur de répondre et contenta de suivre le triste cortège vers la chaumière. Des infirmières postées à l’entrée se chargèrent d’accueillir les blessés et de leur trouver un couchage avant qu’on ne leur prodigue des soins. L’une d’entre elles, une femme corpulente et plutôt âgée, avisa Eofend.

“Eh! Vous aussi il va falloir songer à vous faire réparer, si vous continuez à perdre du sang de la sorte vous risquez d’avoir des soucis.”


Le garde royal baissa les yeux vers la blessure qu’un bandit lui avait infligé au flanc avec sa dague et qui s’étaient ajoutés aux multiples brûlures qu’il avait subies en traversant les flammes.


“Occupez vous d’abord de ceux que la Mort est sur le point de prendre. Je peux encore att…
-Non mon ami!
lui fit alors calmement mais fermement Dervenn. Faites vous soigner rapidement et prenez du repos tant que vous le pouvez, nous risquons d’avoir besoin de vous dans les jours à venir. Je reviendrai très vite vers vous sergent Eofend.”

Après un dernier salut de la tête, le cavalier de la Garde Verte fit volte-face et prit la direction d’Orthanc laissant Eofend et ses hommes aux mains de guérisseurs dont le niveau de compétence n’avait pas réellement été garanti par son interlocuteur. Le garde royal lança un dernier regard en direction de la tour avant de pénétrer à contre coeur dans l’infirmerie en lâchant un soupir: il n’aimait pas cet endroit et pourtant il risquait d’y passer un bon moment.


The Young Cop


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Dernière édition par Learamn le Lun 6 Avr 2020 - 11:45, édité 2 fois
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meurt - "La Garde meurt mais ne se rend pas! Me*de!" EmptyJeu 23 Nov 2017 - 0:31




“Attention serrez les dents ça risque de piquer.”

Sans attendre une seconde de plus l’infirmière versa la totalité du liquide contenu dans son flacon en verre sur le flanc blessé d’Eofend qui, surpris, lâcha un long cri de douleur ainsi qu’une série de jurons qui ne seraient jamais sortis de sa bouche en temps normal.

“Mais vous êtes complètement folle!
-Ouais on m’dit souvent ça mais j’vous avais prév’nu moi. ‘Faut bien désinfecter.”

Le sous-officier préféra ne pas ouvrir le débat autour du mot “parcimonie” et marmonna quelques excuses après son emportement mais visiblement la vieille dame qui l’avait pris en charge ne semblait pas si offusquée, comme s’il était habitué à ce genre de comportement.  Eofend n’avait pas hérité du meilleur guérisseur disponible  ce qu’il avait d’ailleurs expressément ordonné au vu de l’état de ses compagnons qui se trouvaient tous entre la vie et la mort.  Il s’enquérait fréquemment au sujet de ses hommes blessés auprès du personnel qui bien souvent se contentait de hausser les épaules en ajoutant presque par dépit “ Nous faisons tout notre possible sergent…” Il avait tout de même appris que l’on avait retiré la flèche fichée dans la poitrine d’Halgor sans aggraver la plaie  béante ce qui représentait déjà une petite victoire mais rien n’était encore assuré. Plus loin, au fond du bâtiment, on avait placé des rideaux autour du dernier lit sur lequel le capitaine reposait; les infirmiers allaient et venaient sans  cesse, une expression tantôt désespérée et tantôt écoeurée sur leurs visages fatigués.  Si jamais le pauvre officier était amené à survivre alors il porterait à jamais la marque de ce massacre en règle; les brûlures faciales qu’il avait subi n’étaient pas réparables, ses traits calcinés et déformés ne devaient plus avoir grand chose d’humain.

L’infirmière, qui s’était entre temps éclipsée pour quelques secondes, revint avec un long bandage en coton pour compresser la blessure  de son patient, ce qu’elle fit avec une délicatesse toute relative qui arracha à Eofend un nouveau grognement de douleur. Le pansement était si serré que le sous-officier avait désormais du mal à respirer convenablement; il s’efforça de garder son calme et signala poliment son gène; la vieille dame fit mine de réajuster le tout sans que le pauvre blessé ne ressente aucune différence.  

Il but quelques gorgées d’eau qui avait un étrange goût amer et se redressa sur sa couche sous le regard réprobateur de l’infirmière qui ne décida toutefois pas d’intervenir, sûrement son meilleur choix jusqu’ici.

Soudain une voix faible mais néanmoins familière monta alors aux oreilles d’Eofend:

“Sergent…”


Celui-ci tourna la tête et aperçut un peu plus loin à sa gauche Méared qui le regardait, les paupières entrouvertes. Il n’était clairement pas “en bon état” mais les guérisseurs avaient fait un travail remarquable en traitant au plus vite ses blessures avant de lui redonner quelques forces.

“Méared! Comment te sens tu?”


La question était clairement stupide, cela ne pouvait pas aller bien mais il n’avait rien trouvé de mieux à lui dire.

“Sergent…
.répondit le jeune garde , il faudra parler au capitaine Learamn.
-Au Capitaine?
- Oui...je crois qu’à présent on la mérite enfin notre prime spéciale.”

Les traits de Méared se tordirent alors étrangement pour former quelque chose qui se rapprochait de ce petit sourire espiègle qu’il affichait constamment. Eofend sourit à son tour, heureux de retrouver celui qu’il avait pensé perdu à jamais . L’heure n’était certes pas aux calembours  mais le sergent ne pouvait refuser une lueur d’humanité après tant de barbarie.

 Eofend conseilla ensuite au jeune homme de prendre du repos, il ne se fit pas prier et se laissa mollement retomber dans son oreiller. C’est alors que le sergent Dervenn fit irruption dans la grande salle, se dirigeant d’un pas leste vers le Garde Royal. Quand le soldat de la Garde Verte fut arrivé à sa hauteur , Eofend se redressa et les deux hommes se saluèrent chaleureusement.

“Comment les choses évoluent-elles?
-Bah...moi je n’ai pas grand chose à craindre mais je m’inquiète surtout pour mes gars, c’est sérieux ce qu’ils ont.
- Puissent les Valars guider les mains de nos guérisseurs.”

Eofend se renfrogna quelque peu, cela faisait plusieurs fois que le soldat du Roi faisait référence aux Valars, ces êtres que l’on disait supérieurs , voire créateurs mais dont la majorité des personnes, y compris le sergent d’Isengard, n’en connaissait rien et d’ailleurs ne s’en souciait pas tellement. La même chose dont il était certain c’était que les Valars ne leur avaient pas été d’un grand secours jusque là. Certaines personnes avaient besoin de se référer à des divinités supérieures pour se donner de l’espoir, une raison d’avancer; Dervenn faisait manifestement partie de cette catégorie au contraire d’un Eofend beaucoup plus sceptique sur la question. De toute façon ils en savaient bien trop peu tout deux pour être en mesure de lancer un débat sur le sujet.

“Je suis venu vous informer qu’une compagnie est sur le point de partir vers le lieu où les combats se sont produits.  Nous allons nettoyer tout ça et récupérer nos morts.”

A ces mots, le Garde Royal se leva de son lit et après avoir légèrement chancelé se tint droit devant son interlocuteur.

“Alors j’irai.”


Dervenn ne semblait qu’à moitié surpris par la demande de son frère d’armes comme si en venant ici il avait secrètement  espéré une telle réaction à l’annonce de cette nouvelle. Il tenta tout de même de s’opposer de manière peu convaincante :

“Mais c’est que vous êtes…
-Blessé? Croyez moi si vous appelez ça une blessure je ne peux rien pour vous.  J’ai perdu presque tous mes hommes là-bas et vous croyez que ce sont quelques gouttes de sang perdues qui vont m’empêcher de leur rendre un dernier hommage?”

Il n’en fallait pas plus pour convaincre le soldat du Roi, qui hocha la tête en signe d’approbation.

“Je comprends Sergent, malheureusement la décision finale n’est pas de mon ressort. Il vous faut parler au Capitaine Osgarsson.
-Je ne demande que cela.”


Avec un petit sourire amical, Dervenn lui fit signe de le suivre. Ils sortirent de l’infirmerie en faisant fi des protestations de la vieille aide soignante qui refusait de voir son patient partir ainsi et se dirigèrent vers l’entrée du camp où un petit groupe de cavaliers s’étaient rassemblés et attendaient visiblement des retardataires avant le signal du départ. Parmi eux deux porte-étendard affichaient fièrement les armoiries d’Orthanc et de l’Isengard. D’un côté cela était normal, les différentes compagnies militaires du Rohan avaient toujours affiché leur appartenance à telle ou telle région en même temps que leur allégeance au royaume. Mais d’un autre côté,  pour le cas de la Garde Verte d’Isengard les choses apparaissaient quelque peu différente depuis l’installation du jeune roi en ces terres. C’était comme si cette faction s’était complètement dissociée du reste de l’armée pour créer un corps militaire indépendant ayant fait scission avec l’autorité centrale d’Edoras, en soi il n’y avait rien d’alarmant mais quelque chose dans ce patriotisme exacerbé et mal placé gênait Eofend qui se retint cependant de tout commentaire.

“Capitaine! Capitaine!
Appela plusieurs fois Dervenn jusqu’à ce qu’une silhouette monté sur un majestueux cheval ne tourne la tête.
-Qu’y a-t-il sergent?
répondit l’officier d’un ton dur mais dénué de tout dédain ou méchanceté.
-Le sergent Eofend de la Garde Royale ici présent désire se rendre sur les lieux du carnage à nos côtés et…
-La Garde Royale ah….intéressant.”
coupa Osgarsson en portant son attention sur le blessé qui accompagnait son subordonné.

En prononçant les mots “Garde Royale”, le capitaine eut un rictus peu avenant qui indiquait clairement des antécédents et de mauvais souvenirs.

“Vous êtes un des hommes de main de Mortensen alors? A priori, un  soldat d’expérience répondant aux ordres d’un jeune loup catapulté officier supérieur…”


Eofend garda son calme malgré la provocation sans équivoque, il avait une requête et il s’agissait de ne pas tout saccager en réagissant de façon stupide.

“Mon Capitaine, je désire seulement rendre un dernier hommage à mes hommes qui sont tombés pour leur royaume. Je vous en supplie , vous savez ce que c’est de perdre des hommes, j..”


Osgarsson le coupa d’un geste de la main et Eofend crut bien y voir un refus catégorique.

“Inutile de palabrer sergent! Vous venez avec nous mais je compte sur vous pour ne pas nous ralentir.”

Il fixa Eofend d’un regard autoritaire.

“ A notre retour j’aurai quelques questions à vous poser et je vous conseille d’y répondre si vous voulez continuer  à jouir de l’hospitalité de notre souverain.”

Sans un mot de plus le capitaine fit éloigner sa monture et prit la tête du groupe. Au moins Eofend avait obtenu ce qu’il voulait, pas de la manière la plus attendue mais peu importait. Dervenn lui tendit les rênes d’un cheval rapidement dépêché pour le garde royal,  ce dernier l’enfourcha prestement et la petite compagnie partit vers le sud. Les deux sergents chevauchaient côte à côte en queue de peloton.

“Un sacré caractère votre capitaine non?”
fit Eofend d’un ton faussement innocent.

Le sous-officier de la Garde Verte esquissa un sourire.

“Ce n’est pas le plus tendre des supérieurs que j’ai servi c’est vrai mais c’est un homme juste et un guerrier valeureux totalement dévoué au Roi. Ce n’est pas le genre de capitaine avec qui vous vous mettrez à plaisanter mais croyez-moi il ne vous lâchera jamais pour peu que vous vous montrez loyal.  Il est connu sous le nom de “La Lice”, le rempart du Rohan  ; il est prêt à tout donner pour défendre son pays. En Isengard il est considéré comme l’un des meilleurs officiers des troupes de Sa Majesté. ”

Le Garde Royal assimila tant bien que mal les informations, ce capitaine lui avait fait bien mauvaise impression quelques minutes auparavant mais il le savait, parfois les apparences étaient trompeuses. L’autre capitaine qui attendait la mort à l’infirmerie en était le meilleur exemple: si irritant durant toute la mission avant de prouver sa véritable valeur lors d’une lutte désespérée. Si ce que disait Dervenn était vrai alors “la Lice “ était peut être un homme de confiance.

Le trajet dura de longues heures sous un soleil de plomb à travers les plaines du Riddermark. A mesure qu’ils s'éloignaient d’Isengard, de son climat frais et de sa végétation luxuriante; alors l’air devenait de plus en plus sec, l’herbe de plus en plus jaune et la faune de plus en plus rare. Depuis la fin de l’hiver, une chaleur étouffante était tombée sur le Rohan durant de long mois ; ces dernières semaines il y avait bien eu quelques signes d’amélioration mais le climat était encore loin d’être idéal pour l’activité agricole. Il se disait même que certains éleveurs avaient même décidés de faire migrer leur troupeau vers les territoires nains faute de pâturage.  Pour Eofend qui n’était même pas encore convalescent le voyage fut douloureux mais sa fierté  personnelle l’empêcha d’émettre la moindre plainte et il se contenta de serrer fortement les dents.

Au bout de quelques heures ils eurent la confirmation qu’ils avaient faite bonne route: une nuée de corbeaux noir de jais s’élevait au loin au sommet d’une colline encore fumante. Visiblement gêné par l’odeur de brûlé, la Lice fronça les sourcils avant de faire signe à ses hommes de se diriger vers la fameuse butte. Eofend reconnaissait parfaitement l’endroit. Comment l’oublier?  Alors qu’ils s’approchaient des lieux, le rythme cardiaque du sergent accéléra considérablement et il fut parcouru d’un frisson comme s’il craignait de découvrir ce qu’il y avait là bas. Pourtant il le savait déjà: la mort et le chaos.  En effet, le spectacle n’était pas beau à voir; des corps étaient éparpillés ça et là sur le sol calciné, tordus dans d’étranges positions. Certains étaient carbonisés, d’autres criblés de flèches ou morcelés. De larges traînées de sang coloraient le paysage d’une teinte grenat sombre. Les charognards ailés qui s’étaient déjà attablés furent chassés par la Garde Verte à grands moulinets d’épées.  En voyant les premiers cadavres Eofend eut un haut-le-coeur et manqua de chuter,  ayant remarqué son malaise Dervenn lui posa une main sur l’épaule pour lui manifester son soutien. L’intention était belle mais le soutien moral ne suffisait pas à cicatriser d’aussi profondes blessures.  Face à ce macabre décor la Lice resta de marbre, aucune émotion n’apparaissait sur son visage; le capitaine ferait ce qu’il avait à faire sans laisser ses sentiments interférer. Il avait toujours fonctionné ainsi et c’était cela qui lui avait permis de se faire respecter dans la hiérarchie.

“Brûlez les corps des brigands et récupérez ceux des nôtres!”


Les hommes mirent pied à terre et s’attelèrent à cette tâche de croquemort sans broncher. Ils passaient de macchabée en macchabée pour déterminer s’il s’agissait de l’un de leur frère d’armes ou non puis ils s’y prenaient le plus souvent à deux pour soulever le corps pour soit l’entasser sur la charrue destinée aux cavaliers tombés soit dans le brasier naissant qu’on avait allumé pour les bandits. Eofend déambulait au milieu de cette agitation comme un zombie, le regard fixé vers le sol à la recherche de visages connus et amis. Deux soldats passèrent devant lui, portant un corps qu’ils avaient l’intention de mettre au feu.

“Attendez!
les héla le Garde Royal.
-Qu’y a-t-il? fit l’un des deux hommes interrompu.
-Cet homme c’est l’un des nôtres, ramenez son corps avec les autres.”

Les deux hommes hésitèrent.

“Vous en êtes sûr Sergent? Il ne ressemble pas à un cavalier.
-Car ce n’en est pas un, c’est un pisteur que nous avons engagé pour nous aider à suivre les traces des bandits. Il est valeureusement tombé en se battant à nos côtés.”


Il avait reconnu les traits de Starfol dont les yeux vides s’étaient écarquillés dans les derniers instants de sa vie. Une quantité immense de sang s’était échappé de sa gorge tranchée et avait inondé ses vêtement déjà sérieusement becquetées par les oiseaux. Le pauvre homme avait juste était engagé pour une petite mission qu’on avait qualifié de “sans danger” en échange d’une petite bourse qui lui garantissait quelques mois d’existence pour lui et sa famille. Sa femme qui l’imaginait à cette heure encore fringant en train de mâchonner sa pipe en faisant quelques bons mots ne le reverrait plus jamais rentrer. Les deux hommes haussèrent les épaules et changèrent de destination pour déposer le corps du pauvre chasseur dans la charette.

L’opération dura plus d’une heure durant laquelle Eofend tâcha d’identifier tous les morts rohirrim, il ne parvenait toujours pas à mettre un nom sur les cadavres ; parfois car il ne connaissait tout simplement pas assez le cavalier d’autres fois car les visages étaient trop déformés pour être identifiables.  Ce dont il était cependant presque sûr c’est que Bryhn n’était pas ici; il aurait reconnu la carrure de ce brave colosse entre milles. Une infime lueur d’espoir réchauffa le coeur du sergent; et si il avait survécu et était parvenu à s’échapper de la mêlée pour aller trouver refuge? Les chances de survie d’un homme blessé et probablement sans montures étaient minces dans cette partie reculée du royaume où les hameaux étaient rares et dispersés mais au moins avaient-elles le mérite d’exister.
L’odeur du charnier humain devenant de plus en plus insupportable, le capitaine donna l’ordre de quitter les lieux. Tout le monde remonta à cheval et la troupe se remit en route vers Orthanc.

Après quelques minutes de chevauchée la Lice fit signe du doigt à Eofend de s’approcher, ce que ce dernier fit à contrecoeur. Visiblement l’heure de l’interrogatoire avait été avancée.

“ Sergent... Eofend, c’est bien cela?
-Oui mon capitaine.
-Dites-moi sergent, qui sont ces hommes capables de massacrer une compagnie entière de cavaliers du Rohan?
- A vrai dire nous n’en savons rien; nous pensions poursuivre de simples cambrioleurs pas des guerriers parfaitement organisés.
-Des cambrioleurs? Depuis quand la Garde Royale se charge de poursuivre les auteurs de petits larcins?
-Nous avons reçu un ordre de mission, je me suis contenté de l’appliquer sans discuter. Vous savez comment cela fonctionne mon capitaine.
-En effet je le sais…”


Mis à part la petite remarque moqueuse concernant l’affectation des Gardes Royaux, Osgarsson semblait hautement préoccupé  par cette histoire et il s’évertuait donc à extraire d’Eofend tout ce qu’il en pouvait. Il poursuivit

“Mais je sais aussi que Mortensen n’enverrait pas sa garde rapprochée si loin d’Edoras sans une très bonne raison. Une raison personnelle sinon il aurait pu simplement ordonner à des compagnies régulières de s’en charger. Il avait besoin d’hommes qui lui étaient loyaux.
-Il est  le Vice-Roi, nous devons tous lui être loyal.
-Bien entendu sergent....Dites-moi sincèrement que transportaient-ils?”


Face à l’hésitation d’Eofend, la Lice insista:

“Répondez sergent! C’est un ordre!”


Le garde royal serra les poings autour de ses rênes ; il venait de recevoir un ordre clair et direct de la part d’un supérieur et l’insubordination ne pouvait entrer en ligne de compte à ses yeux. Eofend avait toujours placé le respect hiérarchique comme une des valeurs suprêmes dans l’armée et dans le cas présent l’équation était élémentaire: Osgarsson était capitaine, lui sergent. Ce qui se passerait au dessus et plus tard n’était pas censé influer le comportement du sous-officier qui se retrouvait donc dos au mur.

“Ces hommes ont réussi à pénétrer dans les Caves d’Or d’Asthrabal le Bourgeois et y dérober…
-Des artefacts…”


Les yeux de la Lice s’illuminèrent un court instant et il passa machinalement la main dans sa barbe parfaitement taillée d’un air satisfait.

“C’est donc cela que vous deviez lui ramener….Intéressant. Sa Majesté le Roi avait elle été préalablement mise au courant de la tenue de cette opération?

-Cette question ne relève pas de ma compétence mon capitaine, je l’ignore.”

Si ,effectivement, il n’en savait officiellement rien Eofend était parfaitement au courant que le Vice-Roi n’avait pas pris le temps d’alerter l’Isengard avant de lancer l’opération, il avait fallu agir au plus vite pour rattraper ces bandits et de longues tractations avec les proches du Roi auraient sapé toute chance de succès. Le sergent en avait déjà trop dit à son goût et il passa donc ce “détail” sous silence sans réellement mentir.

“Bien...Merci vous pouvez disposer sergent.”



La troupe arriva à destination peu après la tombée de la nuit. On plaça les cadavres  dans des cercueils en bois que l’on parqua à la morgue en attendant l’enterrement qui devait être organisé sous peu. La Lice revint alors vers Eofend et lui fit d’un ton plus clément qu’auparavant.

“Je vous informerai au sujet de leurs obsèques dès que les choses seront décidés. En attendant prenez du repos; ce fut une dure journée pour vous.”  


Le capitaine tapota alors l’épaule de son subordonné quelque peu surpris de ce geste amical venant d’un homme qui s’était montré si cassant quelques heures plus tôt. Mais Eofend était bien trop épuisé et secoué pour continuer à réfléchir à ce sujet là, il décida donc de retourner à l’infirmerie pour y trouver le sommeil.


--------------------------------------------------------

Deux jours se passèrent sans que les choses n’évoluent de manière notable. Eofend récupérait peu  à peu , Dervenn était venu l’informer que les funérailles des guerriers tombés auraient lieu le lendemain,  Méared avait bien meilleure mine et parvenait même à rester conscient plusieurs heures d’affilée tout en ayant une conversation cohérente, l’avenir d’Halgor était toujours incertain et aucune nouvelle n’avait fuité sur l’état du capitaine au visage brûlé, à priori il était encore vivant puisque les guérisseurs s’affairaient toujours autour de son lit mais on n’en savait rien de plus.
Ce matin là, Dervenn se rendit à l’infirmerie pour prendre nouvelles des gardes royaux; Eofend déjà éveillé malgré l’heure lui partagea son envie de se dégourdir un peu les jambes.

“Dans ce cas là que diriez vous de visiter un peu les lieux comme vous risquez de passer un moment par ici? J’ai un peu de temps devant moi, je pourrais vous servir de guide.”

Les deux sous-officiers sortirent donc de la baraque en ignorant une fois de plus les protestations de la vieille dame du personnel et se mirent à marcher dans le camp. Dervenn lui présenta les lieux les plus importants ainsi que d’autres curiosités de l’endroit, ils poussèrent la visite jusqu'à Orthanc où résidait le cercle restreint des proches du Roi Fendor. Ils se dirigèrent vers les barrières naturelles qui offraient une protection efficace et durable au fief du monarque, c’est là qu’ils aperçurent un groupe de cavaliers qui venait vers le campement. En plissant les yeux, Eofend put distinguer deux fanions: l’un portait les armoiries du Château d’Or ,  l’autre celles de la guilde des guérisseurs du royaume.  Le coeur du sergent s’emplit alors d’une chaude joie qui lui arracha un large sourire. Face à l’incompréhension de Dervenn, le garde royale tenta de lui expliquer les choses sans grand succès.

“Il a réussi! Théomer a réussi! Fantastique! C’’est Meduseld qui nous envoie de l’aide!”


Les compétences des guérisseurs qui officiaient au palais et les moyens dont ils disposaient étaient bien supérieurs à ceux qui se trouvaient ici, si seulement le Vice-Roi avait dépêché ses meilleurs éléments pour venir secourir à ses hommes. Dame Aelyn n’avait sûrement pas pu se déplacer à cause de son statut important et de sa grosses mais il y a avait d’autres professionnels émérites que le sergent espérait voir dans ce groupe.

L’espoir était peut-être permis.


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meurt - "La Garde meurt mais ne se rend pas! Me*de!" EmptyVen 10 Aoû 2018 - 16:58
Le groupe qui s’approchait à vive allure de l’entrée de l’Isengard ne devait pas compter plus d’une vingtaine d’hommes rapidement dépêché depuis Edoras. Leur nombre n’était certes pas impressionant mais l’espoir qu’il rapportait avec eux était immense pour Eofend car leur arrivée signifiait plusieurs choses. Déjà il était quasiment certain que Théomer avait survécu à son éprouvant périple et que sa voix avait été entendue par les autorités , sûrement que  la cape que le sous-officier lui avait confié avait joué  un rôle important. Il y avait donc de bonnes raisons de croire que le Vice-Roi Mortensen et le capitaine Learamn étaient désormais au courant du carnage qui avait eu lieu dans le Pelennor et réfléchissaient à un plan d’action. Enfin, la présence du fanion de la guilde des guérisseurs qui flottait fièrement au vent juste à côté des armoiries du Château d’Or avait de quoi rassurer, les infirmiers qui se trouvaient sur place étaient dévoués à leur tâche mais leur savoir-faire ainsi que le matériel dont il disposait ne pouvait rivaliser avec celui des guérisseurs de la capitale historique du royaume.  Aussi vite que ses membres meurtris le lui permettaient, Eofend, suivi de près par Dervenn, courut vers le poste de garde vers lequel les nouveaux arrivants se dirigeaient pour pouvoir pénétrer dans l’enceinte du bastion royal.  Les soldats en poste avait remarqué depuis un moment l’arrivée des cavaliers et s’étaient déjà apprêtés à les contrôler et les questionner même s’ils ne semblaient pas particulièrement alertes ou inquiets. De toute évidence les hommes qui arrivaient n’étaient pas animés de mauvaises intentions. Toutefois Eofend ne put retenir un soupir agacé lorsqu’il vit la silhouette solide de la Lice qui donnait ses directives près du passage d’entrée; l’officier de la Garde Verte avait donc été rapidement mis au fait de l’arrivée de visiteurs et se chargeait personnellement de l’accueil. Et avec Osgarsson les premiers contacts n’étaient jamais extrêmement chaleureux cependant l’officier restait, malgré sa sévérité, un homme juste et réfléchi et le Garde Royal espérait que la Lice puisse comprendre rapidement l’arrivée de ces guérisseurs. Un bref regard échangé avec Dervenn rassura définitivement le Garde quant à l’issue des évènements.


“Halte! Qui va là?”
cria l’un des gardes au groupe qui était arrivé à leur niveau.

Les cavaliers arrêtèrent alors net leur course et une voix bien familière à Eofend s’éleva alors.

“Je suis le sergent Bodvar de la Garde Royale, nous avons été dépêché depuis Edoras par ordre du Vice-Roi Mortensen pour nous rendre ici au plus vite.”

La présence de Bodvar réjouit grandement Eofend, c’était typiquement le genre de personne que l’on voulait avoir à ses côtés en ces temps compliqués. Si la décision d’envoyer un membre de la Garde avait été motivée par le besoin de s’enquérir sur l’état des blessés, le choix de Bodvar était bien judicieux tant  ses talents de négociateur, son sens du compromis et son charme naturel qui inspirait la confiance s'accordaient à ce genre de situation  délicate où de stupides rivalités entre différentes factions pouvaient refaire surface.
La Lice, qui n’était visiblement pas encore tombé sous le charme du nouvel arrivant, s’avança et demanda d’un ton abrupt :

“Et quelle raison amène donc une patrouille d’Edoras sur les terres d’Isengard?
- Nous avons appris la présence de Garde Royaux grièvement blessés ici et son éminence Mortensen nous a demandé d’escorter  ces guérisseurs expérimentés jusqu’ici  pour soutenir ses hommes. Voici notre ordre de mission, mon Capitaine. “

La lice s’empara du parchemin que Bodvar lui tendait et le parcourut rapidement d’un air sévère. De toute façon, et même s’il n’osait l’avouer, il ne savait pas lire. Depuis son plus jeune âge Osgarsson avait reçu une éducation militaire et ni ses parents, ni lui par la suite n’avait jugé l’apprentissage de l’écriture nécessaire à sa carrière de soldat. Par contre le sceau en cire rouge du Vice-Roi était bien reconnaissable, à la vue de ce symbole un rictus dédaigneux anima furtivement la bouche de l’officier, seule émotion  qu’il laissa transparaître avant que son expression ne devienne incroyablement austère et indéchiffrable.

“J’en conclus donc que la Garde Royale considère que les médecins d’Isengard ne sont pas assez qualifiés pour traiter ses hommes.”
interrogea le capitaine.

Déstabilisé, Bodvar bafouilla quelques justifications maladroites  concernant le manque de matériel ; il fallait dire que le Garde Royale ne s’était pas attendu à rencontrer une telle inimitié à son égard.  Une voix se fit alors entendre depuis l’intérieur du groupe pour épauler un Bodvar un peu perdu.

“ Leur compétence n’est pas remise en compte Ansgar mais l’état des blessés est bien trop grave pour que tu puisses refuser notre aide.”


Visiblement surpris par cette intervention soudaine la Lice releva le regard à la recherche de l’homme qui venait de l’interpeller par son prénom même si au fond il savait déjà de qui il s’agissait, cette voix rassurante et soignante était reconnaissable entre mille.

Les cavaliers s’écartèrent alors pour laisser avancer celui qui avait osé intervenir qui fit lentement avancer sa monture. C’était un homme svelte mais dont l’élégance naturelle inspirait une certain forme de respect. Ses cheveux roux étaient soigneusement coiffés sur le côté tandis qu’une mèche rebelle d’un blanc éclatant tombait sur son front, ses traits étaient harmonieux et plonger son regard dans le sien avait quelque chose d’apaisant. Il était drapé d’un long et ample manteau de voyage couleur vert-bois et doté d’une doublure orangé. Cet homme contrastait avec tous les autres soldats d’apparence beaucoup plus robuste et rugueuse; ce n’était pas un guerrier mais un guérisseur.

Eofend mit quelques secondes à le reconnaître de là où il se trouvait mais son visage était bien connu de quiconque résidait à Edoras mais pas uniquement. Osgarsson, encore sous le coup de la surprise, révéla le nom de cet intrigant personnage dans un souffle à peine audible:

“Rihils…”




Rihils...Il y a certains noms qui à force d’histoires et d’exploits s’élevaient du monde ordinaire pour faire irruption dans le panthéon des légendes. Des mythes vivants dont la seule évocation nourrissait les histoire et fantasmes les plus fous; celui de Rihils n’était plus très loin d’en faire partie. Il était encore sûrement trop jeune pour connaître telle reconnaissance mais nul doute que cela viendrait un jour s'il continuait à multiplier les prouesses.Déjà dans certaines chaumières d’Edoras les mères aimantes désireuses de soulager les maux de leurs enfants prétextant connaître les secrets de fabrication des concoctions de Maître Rihils; ce qui avait le don de calmer presque instantanément les jeunes malades.  La réputation du guérisseur de Meduseld le précédait partout où il allait. Déjà considéré comme comme le meilleur médecin du royaume, sa renommée avait aussi atteint le Gondor et l’Arnor où l’on parlait de lui comme le “faiseur de miracles rohirrim”. Certains lui prêtaient même des pouvoirs magiques, seule explication plausible à ses capacités incroyables. Lui-même, bien au fait des cette réputation et de ces rumeurs, n’avaient d’ailleurs jamais démenti; se complaisant sûrement dans cette image de puissance et de surnaturel qui flattait son ego.

Mais visiblement la Lice ne connaissait pas Rihils qu’à cause de sa célébrité; les deux hommes semblaient très bien se connaître depuis un moment.

“Rihils bon sang!”


Osgarsson aurait voulu courir pour prendre le guérisseur dans ses bras, eux qui ne s’étaient plus vu depuis des années mais son statut ainsi que la situation présente l’empêchait bien de faire étal de l’amitié sincère et profonde qu’il éprouvait pour Rihils. Il s’efforça donc à rester stoïque et analyser la situation. Si le Vice-Roi avait décidé d’envoyer son meilleur guérisseur en personne c’est qu’il ne plaisantait pas. Pourtant le capitaine était toujours réticent à l’idée d’ouvrir les portes du bastion du roi Fendor aussi aisément à des émissaires de Mortensen qui se croyait déjà tout permis malgré son passé trouble.
Rihils fit approcher encore un peu plus son destrier et posa une main sur l’épaule de la Lice.

“ Ne laisse pas ton aversion pour Mortensen t’aveugler une fois de plus. Ansgar, ces hommes ont besoin de moi comme tu eus, un jour, aussi besoin de moi.”

L’officier sembla hésiter quelque secondes. Sans un mot, il s’écarta finalement du sentier et ordonna que l’on conduise les arrivants à l’infirmerie. Les cavaliers d’Edoras purent enfin firent irruption dans le domaine d’Isengard, déposer leurs effets et faire reposer leur monture. Eofend et Bodvar se saluèrent en se serrant respectivement les avants-bras, salut traditionnel de la Garde.

“Ah! Eofend content de te voir sur deux jambes, tu nous as rendu tellement inquiet. Le gamin que tu nous as envoyé est arrivé à Edoras dans un sale état et au début on a cru qu’il divaguait.
-Théomer a fait preuve d’un grand courage; comment se porte-t-il?
- Au moment où je suis parti il reprenait des forces à l’infirmerie ; il était encore sous le choc de ce qu’il s’était passé. D’après ces dires vous avez vécu l’enfer, sûrement dû à son jeune âge…
-Non Bodvar, c’était vraiment l’Enfer. En vingt ans de carrière je n’avais pas été pris au milieu d’un tel massacre crois moi.
-Wow...j’imagine que tu n’as pas particulièrement envie d’en parler alors je suis désolé.
- Mais nous sommes des soldats, l’horreur de la guerre c’est le salaire de notre vie après tout. “

Bodvar qui marchait au côté d’Eofend vers la bâtisse en bois qui servait d’hôpital s’arrêta alors net et fixa son frère d’armes avec un sourire empathique.

“Quoiqu’il en soit Eofend si tu as besoin de quelque chose: parler ou je ne sais quoi d’autre tu sais que je suis là. Je vais rester un moment ici; j’ai ordre de ne revenir à Edoras qu’avec les autres gardes royaux.”

Eofend fit un signe de gratitude de la tête et reprirent la direction de l’infirmerie, silencieusement cette fois là.

Rihils et ses collègues étaient déjà arrivés, guidé à par un Dervenn plus zélé que jamais. Ils étaient en train de déballer leurs effets et matériels. Dans les quelques sacoches qu’ils transportaient on trouvait de tout des onguents aux herbes en tous genres en passant par des outils de formes diverses et autres bandages spécifiques.
Bodvar se dirigea alors vers le légendaire guérisseur :

“Maître Rihils, permettez moi de vous présenter le sergent Eofend de la Garde Royale. Il commandait l’expédition qui a été prise en embuscade dans le Pelennor.”

Les deux hommes échangèrent une poignée de mains et Eofend ne put s’empêcher de faire remarquer que c’était un véritable honneur de pouvoir le rencontrer.

“Merci mon ami. A présent si vous pouviez m’exposer rapidement la situation…”

Tout en déambulant au milieu des couchettes disposées de part et d’autre du bâtiment , Eofend résuma rapidement ce qui s’était passé et l’état des trois blessés qu’il avait pu ramener avec lui. Si Méadred , encore faible, semblait hors de danger ce n’était pas le cas de Halgor et surtout du capitaine pour lesquels les médecins locaux n’avaient que peu d’espoir.

Rihils choisit donc d’examiner d’abord Halgor dont les rares moments où il parvenait à reprendre conscience était caractérisé par un réel manque de lucidité. Sans compter ses blessures graves au torse causé par la pointe dévastatrice d’une flèche. Le pauvre blessé était pour le moment inconscient et avait toujours un mal fou à respirer normalement.
Le guérisseur se pencha sur son patient pendant de longues minutes, analysant ses blessures, et tâchant de comprendre ses maux puis il conclut d’un air assez détaché malgré l’horreur des blessures.”

“Je pense être en mesure de le tirer d’affaire; il est très faible et aura sûrement des séquelles mais je crois pouvoir le sauver.”


Un sentiment d’immense soulagement emplit alors Eofend dont la nervosité n’avait fait que croître durant l’examen de Rihils. Décidément cette journée était propice aux bonnes nouvelles.

“Où est l’autre ?"
demanda alors Rihils en s’essuyant les mains.

Du doigt, le garde royal désigna le fond de la pièce où on avait installé le lit du capitaine meurtri derrière un  carré de rideaux épais.

“Mais pour celui là je ne pense pas que l’espoir soit trop permis.
fit remarquer Eofend
-Mon ami, je vous dis d’expérience que l’on ne sait jamais. Les plaies les plus impressionnantes ne sont pas forcément les plus insidieuses.”

Le guérisseur, sans plus attendre et en quelque sorte excité par ce nouveau défi écarta légèrement les rideaux pour s’approcher de l’officier blessé avant de les refermer derrière lui.

Alors il vit de quoi il en retournait.


Il vit mais ne comprit pas.

“Par les Valars!”


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meurt - "La Garde meurt mais ne se rend pas! Me*de!" EmptyMer 21 Nov 2018 - 18:03


Un mort-vivant.  C’était sûrement le mot qui définissait le mieux la silhouette alitée qui faisait face à Rihils. Mort car sur son visage calciné, tous les traits caractéristiques qui faisaient d’un homme une créature unique étaient partis en fumée. Vivant car sa poitrine se gonflait avant de retomber à un rythme régulier et que l’on percevait le sifflement de son souffle saccadé. Le guérisseur s’approcha précautionneusement de l’officier blessé pour constater l’ampleur des dégâts. Au cours de sa carrière il avait vu passé toutes formes de blessures dont certains cas désespérés ; il avait parfois réalisé de véritables miracles, d’autre fois il avait été impuissant. Ils ne comptaient plus ceux qui étaient mort sous sa responsabilité; il ne s’en souciait plus vraiment d’ailleurs. Cela faisait partie du métier. L’attachement sentimental aux patient rendrait son rôle insoutenable. Il n’était pas infirmier, mais médecin; ce qu’on lui demandait c’était de prodiguer des soins et dans ce domaine il était l’un des meilleurs, tout ce qu’il y avait autour ne le concernait pas.

Mais des cas comme celui-ci, il n’en avait que très rarement vu. Généralement lorsqu’un corps dans un tel état lui était amené il n’y avait plus rien à faire, le blessé était déjà mort. Sauf que ce capitaine était par il ne savait quel sortilège bel et bien en vie.  
Une odeur de putréfaction s’échappait de la peau brûlée de l’homme. Les infirmiers d’Isengard avaient fait ce qu’ils avaient pu avec leur connaissance et le matériel à disposition mais Rihils était sans nul doute arrivé à temps. Quelques jours en plus de cet état et l’officier aurait certainement succombé à une infection dûe à un traitement insuffisant des zones touchées. Il n’y avait plus une minute à perdre.

Le médecin posa sa sacoche sur la table la plus proche et commença à sortir ses instruments ainsi que différentes lotions dont les infirmiers locaux ignoraient jusqu’à même l’existence. Rihils ne s’était jamais défilé auparavant et il comptait bien tenter quelque chose pour sauver ce capitaine même s’il la tâche s’annonçait comme hautement ardue. A vrai dire, avant même d’avoir commencer  les doutes étaient déjà nombreux dans son esprit. Si même le meilleur guérisseur du royaume était assailli par le doute, quel espoir restait il ?
Il remplit une seringue d’un produit à effet sédatif pour endormir le patient mais alors qu’il s’approcha du lit pour injecter la lotion, le capitaine saisit fortement le bras de Rihils. Ce dernier, surpris, eut un mouvement de recul en cherchant à se dégager mais l’officier ne lâcha pas sa prise. Seul son bras avait bougé, le reste de son corps était toujours étendu sur le lit dans cet état intermédiaire entre vie et mort .

Un râle rauque s’échappa alors de ce qui restait de la bouche du capitaine, suivi de quelques mots à peine audible.

“Laissez-moi. Laissez-moi mourir en paix. Mourir...Laissez-moi.”

A bout de forces après avoir prononcé ces brèves paroles, le capitaine lâcha le bras de son médecin et laissa le sien retomber sur ses draps avec un bruit mou. Rihils en profita alors pour injecter le sédatif dans le bras de son patient qui se détendit instantanément.
Alors à l’aide d’un tissu imbibé d’autres lotions diverses, il entreprit de nettoyer les blessures de l’officier. Comme toujours il faisait ce qu’il avait à faire mais il ne semblait pas aussi serein qu’il en avait l’habitude. Les mots désespérés du capitaine hantaient encore son esprit.

----------------------------------------------

La nuit était tombée et une brise fraîche fut accueillie avec bonheur par les résidents d’Isengard qui avaient passé leur journée sous un soleil de plomb. Adossé contre un arbe, Eofend observait les alentours en silence. Le Garde Royal repensait évidemment aux évènements des derniers jours qui l’empêchaient encore de dormir sereinement. L’homme avait été traumatisé par l’horreur de ce qu’il a vécu. L'orgueil du soldat avait été blessé par la cuisante défaite infligée par de simples voleurs. Ils avaient échoué; ils avaient foncé tête baissée dans le piège qu’il n’avait pas été capable d’anticiper.  Le guerrier rohir ne savait pas exactement pourquoi ces artefacts volés chez le Bourgeois avaient une telle importance mais au vu des moyens déployés pour les retrouver ou les protéger, cela avait l’air de relever de l’affaire d’Etat. Une silhouette s’approcha dans la pénombre, instinctivement Eofend plaça la main sur la garde de son épée. Il avait toujours été d’un naturel extrêmement prudent et il avait conscience qu’il n’avait pas que des amis ici.

“Halte! Qui va là?
-Du calme Sergent ce n’est que moi. Et croyez moi, une fois n’est pas coutume, je ne suis pas en état de vous nuire.”

Méared fit encore quelques pas de plus pour que son supérieur puisse distinguer ses traits juvéniles à la lumière sélène.

“Bon sang Méared! Que fais-tu là ? Tu dois prendre du repos!
-J’ai dormi pendant trois jours; je pense que rester une minute de plus sur ce lit m’aurait tué. Mais content de vous voir aussi Sergent.”


Eofend ne put s’empêcher de sourire, finalement il n’était pas malheureux de voir le jeune Garde  Royale dont le dévouement et le sourire étaient constant. Le jeune homme, de toute évidence encore faible, s’assit sur le sol, le dos contre un immense tronc millénaire. Il avait un large bandage sur le crâne qui couvrait sa blessure et sa main droite était elle aussi entièrement bandée.

“J’imagine que vous ne les avez pas vu quand vous y êtes retourné?
-Qui donc?”


Méared leva alors sa main blessé.

“Mes trois doigts.
- Ah oui. Non je les ai pas vraiment cherché pour être honnête.
- Qu’importe, de toute façon qu’aurais-je pu en faire. Les encadrer? Vous savez sergent, c’est dans ces moments que je me dis qu’être gaucher a ses avantages.”

Méared laissa échapper un rire étrange,  à mi-chemin entre le cynisme et un réel amusement. Eofend s’assit alors à ses côtés et lui tendit un des quignons de pain qu’il était allé chercher un peu plus tôt aux cuisines pour son dîner. Les deux hommes se mirent alors à mâchonner leur repas en silence , trouvant dans cette maigre pitance un réconfort d’ordre bien primaire.

“Des nouvelles de Halgor?
-Oui. Maître Rihils s’est occupé de lui et il a dit qu’il pourrait le remettre sur pied. Il s’est même réveillé et a accepté un bol de soupe. Par contre le bougre est toujours aussi grognon.
-En même temps la situation n’aide  pas.
-Vous marquez un point.”


Cette fois le rire qu’échangèrent les deux hommes étaient dénués de tout cynisme et pour la première fois depuis l’horreur qu’il avait vécu Eofend ressentit un peu de plaisir  à partager ce repas et ces mots avec un frère d’armes.
---------------------------------------

A plusieurs centaines de mètres de là, Rihils, posté juste à l’entrée de l’infirmerie  observait la lune d’un air mélancolique. Le guérisseur était épuisé, depuis qu’il avait été dépêché d’Edoras sur ordre du Vice-Roi tout s’était enchaîné à une vitesse folle sans qu’il ne puisse avoir le temps de respirer. Depuis la chevauchée rapide jusqu’aux traitement des graves blessures des blessés en passant par une arrivée houleuse en Isengard; Rihils n’avait pas eu beaucoup de répit. Il profitait donc enfin de quelques minutes de calme et de la fraîcheur nocturne même si son visage fermé trahissait ses tourments.

La Lice, qui venait de finir son service pour la journée, rejoignit alors le guérisseur à son point d’observation.  Les deux hommes saluèrent silencieusement d’un mouvement de tête.

“Rihils. Maître guérisseur du Rohan. Votre réputation vous précède.
-Ansgar Osgarsson, Capitaine de la Porte d’Isengard, Chevalier de la Maison du Roi. Vos titres vous précèdent. Et puis la  Lice… franchement, qui donc t’as affublé de ce sobriquet ridicule?”


Les deux hommes se mirent alors en rire ensemble. Le militaire posa une main amicale sur l’épaule du médecin.

“C’est bon de te revoir après tout ce temps.”

En réalité, les deux hommes se connaissaient bien, très bien même. Originaire de la même bourgade située dans l’Eastfolde, ils avaient grandi ensemble avant que ne leur chemin se séparent. Ansgar embrassant une carrière militaire sur les traces de son père et Rihils partant en direction d’Edoras pour y apprendre l’art de la médecine. Leurs trajectoires s’étaient depuis retrouvées à plusieurs reprises notamment lorsque le guérisseur, encore  presque novice dans le métier, avait vu arriver son ami d’enfance sur un brancard à la suite d’un affrontement. Ce jour là il avait sûrement sauvé la vie de l’actuel officier qui lui devait dorénavant une inestimable dette: le prix de la vie.

“J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi  Mortensen s’est empressé d’envoyer une délégation si impressionnante pour quelques blessés. Je veux bien qu’il tienne à ses Gardes Royaus mais tout de même , nos guérisseurs ne sont pas non plus des amateurs.
-J’ai reçu mon ordre de mission Ansgar et je suis allé là où le devoir m'appelait sans trop poser de questions.

-D’ailleurs le fait même que ces  Gardes se trouvaient si loin de la capitale est plutôt inhabituel. Leur mission devait être à la fois importante et secrète pour que le  Vice-Roi se décide à envoyer sa Garde rapprochée. Le sergent Eofend m’a parlé d’une histoire d’artefacts mais il est resté très vague et je ne pense qu’il n’en sache d’ailleurs beaucoup.
Peut-être est ce aussi une démonstration de force de notre cher Vice-Roi? Qui sait?

-Ansgar
. Le coupa Rihils. Je t’en prie évitons les débats et querelles politiques de bas étage, tu sais très bien à quel point cela m’ennuie. Tout ce qui m’intéresse c’est que j’ai des soldats du Rohan blessés à soigner, voilà tout. Parfois il ne faut pas chercher trop loin, la vie n’en devient que plus savoureuse.

-Ah… tu as raison. D’ailleurs comment se portent les blessés? “


Rihils poussa alors un profond soupir; l’homme n’était pourtant pas du genre à dramatiser les choses ou à se laisser abattre mais cette réaction n’indiquait rien de bon aux yeux de l’officier.

“Que se passe-t-il?
s’enquit la Lice.
-Les Gardes devraient s’en sortir plus ou moins bien mais ce capitaine qu’ils nous ont ramené...Par les Valars! Je ne sais quelle cruauté céleste est à l’oeuvre mais je me demande ce qu’il fait encore en vie. Lorsque je me suis approché de lui il m’a supplié de le laisser mourir et au fond je me demande si ça n’est pas la chose à faire.
-Non mon ami. “


Le guérisseur leva un regard interrogateur en direction de son ami. Ansgar poursuivit d’un ton fier et galvanisant.

“Ecoute moi bien Rihils. Cet homme c’est un officier de l’armée du Rohan; pour en arriver là il a sûrement dû batailler de nombreuses fois et côtoyer la mort à de nombreuses reprises. Ceci n’est qu’un combat supplémentaire pour lui et on ne peut le laisser jeter les armes de cette manière. Tudieu! C’est un cavalier du Rohan, je refuse qu’il ne se batte pas jusqu’à son dernier souffle et toi Rihils, guérisseur de Meduseld, je te donne l’ordre de le ramener sur pied. Pour l’honneur du Rohan et de l’Ehoerë.”


Il y eut quelques secondes de silence durant lesquelles seul le vent léger qui faisaient bruisser les feuilles des arbres de Fangorn se fit entendre. Puis Rihils releva la tête, animé d’une détermination retrouvée.

“A vos ordres Capitaine.”


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meurt - "La Garde meurt mais ne se rend pas! Me*de!" EmptyMer 27 Fév 2019 - 18:14

Les cors et trompettes retentirent avec force et émotion au sein du cimetière militaire d’Isengard ainsi que dans les coeurs des quelques centaines de soldats ayant fait le déplacement pour la cérémonie. Ce matin-là, un dernier hommage était rendu à ceux qui étaient tombés dans les plaines du Riddermark, pris par surprise par cette mystérieuse troupe de brigands, un dernier hommage à ces hommes mort en mission pour leur patrie.

Eofend était bien évidemment présent, placé au premier rang en qualité de chef effectif du groupe décimé quelques jours plus tôt ( le capitaine étant toujours entre la vie et la mort). A ses côtés se tenaient d’autres Gardes Royaux, fièrement drapés dans leurs nobles capes vertes sinoples; Méared et Halgor avaient tenu à se déplacer depuis l’infirmerie avaient tenu à se déplacer pour faire honneur à leur frères d’armes tombés. Bodvar se tenait un peu plus loin avec les quelques autres Gardes Royaux dépêchés par le Capitaine Learamn pour escorter Rihils depuis Edoras. Le guérisseur émérite était aussi là même si son regard dans le vague trahissait le fait que son esprit était ailleurs, sûrement à réfléchir à la manière de soigner ses patients les plus atteints.

Plus loin, positionnés en miroir de la Garde Royale de Mortensen, se tenaient les hommes de la Maison du Roi mené par le Capitaine Felarel, homme de confiance de sa Majesté et combattant à la réputation légendaire au sein de l’armée du Rohan. La Lice, lui aussi membre de la Maison du Roi, était également là et semblait sincèrement attristé par la scène qui se déroulait sous ses yeux perçants.

La Garde Verte était également présente, rassemblée derrière le capitaine Barom. Cette unité d’élite au fonctionnement et modes de recrutement parfois obscurs avaient toujours inspiré le respect depuis sa création mais aussi beaucoup de méfiance en particulier au sein de la Garde Royale d’Edoras qui voyait là une tentative de l’entourage du monarque Fendor de minimiser l’importance des unités historiques de la capitale au profit de nouveaux corps d’élite surentraînés en Isengard. Des rumeurs disaient même que la Garde Verte ne représentait que la face découverte d’une pièce jouée par le Roi. La face cachée étant la création d’un autre groupe lié à la Garde Verte dont l’existence était tenue secrète, y compris des hautes instances d’Edoras. Eofend avait bien eu vu de cela mais l’idée de la présence d’une bande d’espions ou agents secrets au sein de la fière armée Rohirrim lui semblait complètement incongrue.

L’émotion suscitée par la sonnerie aux morts continua à faire son effet plusieurs secondes après que les trompettes se soient tues. Il y eut un long moment de silence, propice au recueillement, chacun des hommes présents réalisant que lors de la prochaine cérémonie qui serait organisée en ce lieu, il se pouvait bien que ce soit leur noms qui figurent sur la liste des hommages prononcés par l’officier en charge.

Ce dernier  se retourna en direction des rangs et fit  signe à Eofend d’approcher. Le garde Royale se pencha pour prendre sur le sol le heaume et la lame qu’il avait récupéré sur le champ de bataille calciné et s’avança jusqu’au centre du carré formé par les militaires. Il déposa les effets près d’une stèle érigée là quelques heures plus tôt, fit le salut militaire et prononça quelques mots d’une voix vibrante d’émotion mais qui restait forte et assurée.

“Pour nos frères tombés au combat! Pour le Rohan! Pour Eorlingas!”


Alors le troupe répéta en choeur avec force

“Pour Eorlingas!”


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“Vingt-Cinq contre Treize! Et je prends tout...encore une fois!”


Le mess était quasiment vide en ce milieu d’après midi. La plupart des hommes avaient fini leur déjeuner depuis bien longtemps et étaient repartis patrouiller ou s’accorder un peu de repos, et le dîner ne serait pas servi avant plusieurs heures. Seuls Méared et Halgor étaient attablés autour d’un pichet de bière ainsi que de plusieurs dés et autres petits objets circulaires en bois taillés grossièrement.
Surpris de voir ses hommes hors de leur lit à l’infirmerie, Eofend fit irruption dans la grande pièce et héla ses subordonnés.

“Halgor! Méared! Par les Valars, que faites-vous ici ?
-Comprenez nous sergent, ça fait des semaines qu’on est bloqué dans cette infirmerie et croyez nous entre Mère Torture et l’odeur de chacal on avait bien besoin d’un peu de vacances.”


En disant “Mère Torture”, le jeune Méared faisait sûrement référence à l’infirmière de carrure imposante qui se chargeait de désinfecter et panser les plaies avec une douceur toute relative. Eofend fit même la grimace en repensant à ce souvenir douloureux. Le sous-officier hésita d’abord à les réprimander pour s’être inconsciemment enfui de l’infirmerie puis se ravisa. Voilà un peu plus de deux semaines qu’ils étaient arrivés ici dans un état critique, mais leur convalescence se passaient à merveille grâce aux talents de Rihils et au fond ils comprenaient que ses hommes avaient besoin de changer un peu d’air. C’étaient des hommes d’action qui devaient rester en activité, être cloué au lit leur était quasiment impossible.

“Asseyez vous avec nous Sergent.”
l’invita Halgor en poussant un tabouret vers sa direction.

Eofend haussa les épaules, après tout pourquoi pas. Il s’approcha de la table de jeu et prit place avant de considérer ce qui s’y passait d’un regard interrogateur. Les deux hommes lancèrent à nouveau les dés et les pièces en bois.

“Quinze à Quinze mais je remporte la mise grâce à la disposition des pièces!
s’exclama Méared avec un large sourire.
-Et merde...tu rigoleras moins que je disposerais mon poing sur ta grande mâchoire.
-C’est un autre des jeux de ma création Sergent,
expliqua Méared, c’est un peu complexe au début mais ça devient très vite addictif surtout lorsque l’on gagne.
-C’est surtout qu’il s’est arrangé pour que les règles le fassent toujours gagner.”
Rajouta Halgor.

Eofend continua à les voir jouer pendant plusieurs autres minutes, une bière à la main tout en tentant de déchiffrer les règles imaginées par le jeune Garde Royal, en vain.  

“Dites-moi je vous ai entendu parler de mise? Vous ne mettez pas en jeu votre solde j’espère ?
-Oh ! Ne vous inquiétez pas Sergent c’est juste pour le jeu, on ne risquerait pas notre salaire quand même.”


Néanmoins l’expression de Halgor semblait indiquer tout le contraire, il ne tarda d’ailleurs pas à contredire son partenaire de jeu.

“En fait on ne risque pas que notre salaire...à ce rythme là je vais devoir rentrer à Edoras en caleçon et à pied.”

La remarque pince-sans-rire du vétéran provoqua l’hilarité des autres mais eut également le mérite de ramener un sujet de première importance sur la table.

“En parlant de retour à Edoras, vous pensez que ce sera pour bientôt? On n’en peut plus de rester ici à rien faire.”
s’enquit Méared.

Eofend partageait l’impatience de ses hommes. En tant que membres le Garde Royale, leur place était à Edoras auprès du Vice-Roi et de leur Capitaine. Déjà le fait de partir en mission hors de la ville leur avait apparu comme inhabituel mais rester en Isengard aussi longtemps leur était pesant. Ils avaient été bien pris en charge mais ici il ne jouissait ni du respect ni de l’autorité qu’ils avaient dans la Capitale, ils étaient des hommes de troupe comme tant d’autres au contraire de la Garde Verte ou de la Maison du Roi. Halgor, plus particulièrement, souffrait d’être séparé de sa famille aussi longtemps. Sa femme et ses enfants étaient toujours passé avant tout pour lui, c’était d’ailleurs pour eux qu’il avait fait le choix de ne pas partir de la Garde lorsque Hogorwen prit le pouvoir. Le vétéran tacitune n’oserait jamais l’avouer de vive voix mais sa famille lui manquait terriblement et la perspective qu’ils le croient morts ne faisait qu’aggraver les choses.  Mais Eofend ne voulait sûrtout pas précipiter le voyage du retour. Ils étaient encore faibles et loin d’être complètement remis sur pied malgré leur comportement assuré; le long trajet pourrait aggraver leur blessure.

“J’attends le feu vert de Rihils et il ne devrait pas me le donner avant au moins plusieurs semaines. Il va falloir prendre votre mal en patience mes amis.”


Halgor émit un soupir exaspéré mais Méared ne perdit pas pas son sourire.

“Bon alors cela me laisse assez de temps pour continuer à mettre le vieux râleur à sec.”


Pour toute réponse Halgor lui lâcha un juron mais accepta le défi en se saisissant de ses dés. Eofend finit sa chope, se leva et sourit en quittant la salle à manger pour retrouver Bodvar . Décidément ces deux joueurs formaient un duo vraiment surprenant.


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meurt - "La Garde meurt mais ne se rend pas! Me*de!" EmptyMar 23 Juil 2019 - 15:40

“Rihils? Le guérisseur, où est-il?
-Par là-bas mon capitaine, auprès du grand brûlé.”


La Lice traversa l’infirmerie d’un pas leste jusqu’au rideaux placés dans un coin de la pièce. Derrière se trouvait le capitaine grièvement blessé qui avait été ramené mourant plus de quinze jours plus tôt. Rihils  était à son chevet, redoublant d’effort pour une cause qui semblait perdue. Osgarsson décida de ne pas déranger son ami de longue date au milieu de son travail mais signala sa présence en donnant des ordres d’une voix forte aux hommes qui passaient par là. Près de dix minutes plus tard, le guérisseur envoyé par Edoras entrouvrit les rideaux et sortit à la rencontre de l’officier. Son état de  fatigue était parfaitement lisible sur ses yeux profondément cernés et ses traits tirés, depuis son arrivée il n’avait pas dû faire une nuit complète.

“Par les Valars Rihils! Quelle mauvaise mine! Tu devrais prendre du repos.
-Oh! Crois-moi Ansgar, ce n’est pas l’envie qui me manque mais ici je ne compte plus mes heures. En plus de ma mission auprès des Gardes Royaux, je suis constamment interpellé par les guérisseurs locaux en quête de conseil ou d’aide pour les malades.
-Et tu ne peux refuser.
-J’y ai pensé plus d’une fois mais j’ai prêté serment donc....
-Je vois.”

Rihils se dirigea vers une table posée à quelques mètres de là où il avait déposé ses effets personnels. Il remplit un gobelet de terre cuite d’un breuvage sombre dont s’échappait des volutes de vapeur. Pendant un instant, la Lice crut qu’il s’agissait de vin chaud mais il se rappela que le guérisseur ne buvait presque jamais d’alcool, encore moins lorsqu’il travaillait. Devant l’interrogation silencieuse, l'intéressé s’expliqua :

“C’est du café. C’est fait à partir de grains qui poussent dans le Sud et que l’on fait importer à prix d’or, la rareté du produit en fait une denrée de luxe pour la noblesse gondorienne . Cette boisson a de nombreuses propriétés dont un regain d’énergie considérable dont je ne peux me passer. Tiens essaie.”


Le capitaine se saisit du verre qui lui était tendu et ingurgita une grosse gorgée. Il se mit à tousser bruyamment et ses yeux austères s’humidifièrent sous la douleur.

“Mais c’est bouillant! Pourquoi diable boire aussi chaud alors que l’on transpire déjà assez sous le soleil? Et puis cette amertume…
-C’est comme ça que cela se boit. Certains adoucissent le goût puissant en y ajoutant du lait mais à vrai dire on s’y habitue et on peut même finir par apprécier ça.
-Ouais, enfin c’est pas près de supplanter la bière dans notre région, ça crois moi.
-Je te rejoins sur ce fait.”


Les deux hommes discutèrent encore quelques minutes de sujets plutôt légers. L’arrivée de la Lice était plutôt bienvenue pour Rihils qui ne s’étaient plus accordé de pause ou d’un petit peu de bon temps depuis des jours. Mais il ne pouvait trop tarder.

“Je vais devoir te laisser mon ami. Je crains que le devoir ne m’appelle à nouveau.
-Où en est-il ? Il va s’en sortir?”

Rihils fit une grimace et reprit un peu de café, comme pour se donner un peu de courage.

“Disons que son état s’est amélioré, après au  vu de l’état où il est arrivé ce n’est pas vraiment une garantie. J’ai réussi à le stabiliser et réduire la douleur mais plusieurs tissus calcinés ou atteints se sont infectés et je ne vais pas avoir d’autre choix que de l’opérer et de les sectionner. Par chance l’infection n’a atteint aucun de ses organes vitaux mais il va falloir que je le charcute un peu pour le garder avec nous.”


La Lice n’était pas un grand sensible et il avait vu bien du sang et horreurs sur les champs de bataille.  Le spectacle de la mort ne lui faisait plus grand effet mais la perspective qu’un homme se fasse sectionner au scalpel une partie de son visage infectée lui fit tout de même furtivement passer un frisson.

“Bonne chance mon ami. Que les Valars guident tes gestes.
-Mon cerveau suffira amplement.”

Sur ces mots, le guérisseur disparut à nouveau derrière les rideaux, bistouri à la main.

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Les semaines s’écoulaient avec une certaine monotonie pour les membres de la Garde Royale. Eofend passait ses journées à sillonner le domaine royale d’Isengard, sans relever grand chose d’intéressant. Les soldats du Rois effectuaient occasionnellement des manoeuvres routinières dans les alentours; Eofend rejoignait parfois les missions de patrouille auprès du Sergent Dervenn de la Garde Verte pour fuir l’ennui de son quotidien. La région était calme et hormis quelques incidents mineurs, les cavaliers n’avaient pas eu grand chose à faire. Le Rohan était en paix pour la première fois depuis des années et la stabilité apparente du nouveau régime entretenait un fort sentiment de sécurité parmi les citoyens. Pourtant, le danger était toujours là, peut-être même plus menaçant que jamais car caché aux yeux de tous et frappant là où on l’attendait le moins. Eofend en avait fait l’expérience et cela avait coûté la vie de la plupart des hommes placés sous son commandement.  La nervosité apparente des officiers supérieurs que le sous-officier avait remarqué indiquait que certaines informations gardées secrètes inquiétaient les hauts gradés. Il n’avait que très peu croisé la Lice depuis la cérémonie mais les allers-retour qu’il faisait constamment entre les couloirs d’Orthanc et les postes de garde extérieurs ainsi que son air encore plus préoccupé qu’à l’accoutumée n’indiquaient certainement rien de bon.

Halgor et Méared avaient quant à eux  lentement remis sur pied grâce aux soins prodigieux administrés par Rihils. Les deux Gardes Royaux pouvaient à présent se déplacer et rejoignaient régulièrement leur supérieur et Bodvar lors des repas malgré les protestations de Mère Torture.

Ce soir là ils s’étaient à nouveau regroupés dans un coin de la salle, un peu à l’écart du reste de la troupe qui ne savait trop comment appréhender la présence de Gardes Royaux à leurs côtés.

“Terre du Roi ou pas, niveau nourriture on est quand bien même loti à Meduseld.”
Remarqua Méared en laissant mollement sa cuillère retomber dans sa soupe de légumes. Les éclaboussures provoquées lui valurent un coup de coude dans les côtes de la part de Halgor.

“Rappelle toi que nous sommes privilégiés par rapport à la troupe à Edoras où l’on profite des cuisines de palais. Ne t’inquiète pas, Sa Majesté et ses proches ont sûrement droit  à autre chose dans leur assiette.” répondit Bodvar avec un sourire en coin.

Ce dernier était sincèrement soulagé de revoir ses frère d’armes ainsi. Il avait craint le pire à leur sujet quand le capitaine Learamn l’avait informé de la situation avant de l’affecter à l’escorte de Rihils. Leurs états à son arrivée étaient encore critique et leur convalescence progressive avait été une réelle source de joie pour lui. Bodvar faisait partie de ces hommes apprécié de tous; il n’avait rien de particulier qui le distinguait des autres mais sa capacité à comprendre les autres et à se lier à eux en avaient fait un élément essentiel lorsque des tensions internes naissaient au sein de la garde: le rôle de médiateur lui seyait à merveille.

“Sergent, une idée de quand on pourra mettre les voiles? Je commence à en avoir ma claque de cet endroit.”

Eofend se doutait qu’en réalité la séparation prolongée avec sa famille qui affectait un Halgor bien trop fier pour l’admettre. Maintes fois durant la guerre civile, la vie de ses proches avaient été menacées ou utilisées comme source de chantage, et il ne pouvait se résoudre à les laisser plus longtemps dans le flou à son sujet.

“Eh bien justement, je voulais je vous en parler. Mère Torture s’est opposée à tout départ avant au moins plusieurs semaines et à priori c’est elle qui est en charge de l’infirmerie ici.
-Foutaises!
s’écria Halgor. Elle n’est jamais plus qu’une vulgaire infirmière et de toute façon on fait ce que l’on veut, on ne répond de personne ici.
-A l’exception du Roi
. Rectifia Bodvar.
- Et encore, notre mission principale étant la protection du Vice-Roi Mortensen; notre devoir est avant tout de rallier Edoras au plus vite. Surtout que Bodvar m’a rapporté qu’il y avait des troubles dans la capitale. J’ai demandé l’avis de Rihils et il m’a dit que nous étions hors de danger et que le voyage ne nous tuerait sûrement pas mais il m’a aussi averti que vous n’êtes pas encore complètement remis et que le trajet pourrait potentiellement aggraver vos blessures.
-Boah, quelques points de sutures supplémentaires contre un vrai repas. Moi je dis que ça vaut le coup.
jugea Méared en machouillant un bout de pain suspectement dur.
-Je suis d’accord avec l’escroc aux dés . Plus tôt nous nous partirons mieux nous nous porterons. J’ai  la vague impression que l’on ne nous considère pas d’un très bon oeil par ici. accusa Halgor.
-Dervenn m’a également assuré qu’il ne tentera pas de nous stopper au poste d’entrée où il est assigné à moins d’en avoir reçu l’ordre direct de la Lice. Ajouta Eofend.
-Et qu’en dit la Lice ? s’enquit Bodvar.
- Rien tant qu’il ignore nos velléités de départ. En partant nous accomplirons ainsi notre devoir de rallier le Vice-Roi sans désobéir à aucun ordre direct. Messieurs, faites vos bagages, nous partons dans la nuit. Rihils et les guérisseurs nous suivront plus tard, lorsqu’ils auront fini leur tâche. Annonça le sous-officier avant de lever son verre.
-Eofend, es-tu certain que tout cela est bien raisonnable?
-Je l’ignore mais ce que je sais c’est que moi aussi je n’en peux plus de cet endroit.”


Les quatres compères se mirent alors à rire et entrechoquèrent leurs chopes de bières avec entrain, égayés par la perspective de rentrer chez soi après les horreurs vécues.


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Rihils était éreinté. Il avait une nouvelle fois passé de longues heures à opérer son patient sans n’avoir aucune idée de la nature du résultat. Les tissus externes de l’officier étaient si atteints que les signaux traditionnels mesurés par les médecins comme la fièvre ou la transpiration étaient quasiment indétectables. La chair brûlée avait été retirée en certain endroits pour cause de nécrose et la cicatrisation était tout sauf évidente. L’homme était la plupart du temps plongé dans le coma et nourri par injection, une méthode expérimentale pratiquée par le guérisseur depuis quelques temps et qui avait fait ses preuves.
Il jeta machinalement un coup d’oeil en direction de la fenêtre pour constater que déjà le soleil déclinait. Combien de temps avait-il encore passé seul avec ce presque mort? Sa vie de solitaire se résumait-elle à ne côtoyer que ceux qui étaient condamnés?
Rihils chassa rapidement ces sombres pensées et désinfecta soigneusement ses instruments à l’aide d’une solution alcoolique. Alors, le blessé émit un râle profond qui semblait venir d’un autre monde; le guérisseur n’y prêta d’abord pas vraiment attention.Mais l’homme émit un second son rauque, mais celui-ci était différent, on aurait presque dit qu’il essayait de parler. Intrigué, le médecin s’approcha et se pencha doucement.
Les mots prononcés étaient à peine audible mais étrangement parfaitement clairs à la fois.

“Mon visage...visage...Miroir.
-Calmez vous mon cher, tout va bien. Je ne pense pas que le miroir soit nécessaire pour le moment.”

Le pauvre bougre avait perdu ce qu’il faisait de lui un être humain à part entière: son visage; et malgré les efforts déployés, le guérisseur était incapable de le lui rendre. Sa face émaciée et calcinée n’était pas belle à voir et pouvait provoquer un réel choc à son patient. Mais ce dernier se fit insistant.

“Un miroir!..Mi...roir. C’est...un ordre.”
se força-t-il à dire au prix d’immenses efforts avant d’être pris d’une toux qui lui fit cracher son sang.

“-Bon, comme vous le voudrez. Je vous aurais prévenu.”


Le guérisseur s’empara de la petite glace reposant sur la table de chevet et le plaça devant le visage du capitaine qui ne dit plus rien. Rihils ne savait dire quel était sa réaction tant tout émotion était difficile à identifier  sur ses traits. Il y eut un long moment de silence, finalement brisé par le blessé. Cette fois là il s’exprima de manière parfaitement claire.

“Un masque. Je vais avoir besoin d’un masque.”

Comme un signe du destin, le guérisseur avait exactement ce que son patient réclamait dans sa sacoche. Après quelques minutes de réflexion, il haussa des épaules avant d’aller le chercher. Ce pauvre bougre en avait indubitablement plus besoin que lui.

Rihils revint au chevet du lit, avec en main un masque vernis et  immaculé. Un souvenir qu’il avait emporté de son séjour chez les elfes de Fondcombe il y avait des années de cela.

Sans que le guérisseur ne sache où il trouva la force pour lever ses bras, le capitaine s’empara de l’objet, laissant les traces rouge-sang de ses doigts. Il le contempla pendant de longues secondes. Alors une émotion bien évidente se manifesta sur  ce qui restait de son visage qui se fendit d’un large sourire.



---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
#GardeRoyale #Méared #Halgor #Bodvar

“Edoras en vue!”


Méared pointait du doigt en direction du sud où se reflétait  un point brillant sur la cime d’une colline: le Château d’Or de Meduseld. Ses compagnons poussèrent des cris de joie et éperonnèrent leurs montures, partant au galop vers la capitale qui ne leur avait jamais autant manquée.  

Un garde posté sur les remparts remarqua l’arrivée des cavaliers ainsi que la bannière de la Garde Royale fièrement brandie par Bodvar. Le soldat alerta alors ses supérieurs et l’annonce du retour des Gardes Royaux se répandit rapidement. Plusieurs autres gardes accoururent même à l’entrée de la cité pour accueillir leur frères d’armes qu’il ne croyaient plus revoir.

La clameur qui accompagna leur entrée dans la cité ne fut la source d’aucune fierté pour Eofend, qui se savait revenir en ayant échoué dans sa mission. Ses hommes étaient pour la plupart morts et le chef des brigands s’était non seulement volatilisé avec les artefacts mais s’était également révélé bien plus dangereux qu’il ne le pensait.

Une fois arrivés , Méared et Bodvar s’empressèrent de rejoindre leurs compagnons pour leur raconter leurs mésaventures tandis que Halgor s’éclipsa promptement pour retrouver sa famille. Eofend mit pied à terre et confia sa monture à un écuyer avant que la carrure imposante de Théféor ne se place sur son chemin. Le colosse affichait un grand sourire et administra une tape, plus violente que prévue, sur l’épaule du sous-officier.

“Content de vous revoir parmi nous Sergent. Le Capitaine vous attend dans ses quartiers pour que vous puissiez le faire votre rapport.”


Eofend fronça des sourcils. Ce genre de requêtes n’étaient pas du genre de Learamn qui préférait rassembler tous les acteurs d’une mission pour analyser son déroulé et ses conséquences. L’officier venait d’ailleurs le plus souvent à leur rencontre où les réunissait dans la salle commune. Une convocation dans ses quartiers n’avaient rien d’habituel; peut-être son état de santé ne s’était toujours pas amélioré.  Mais un ordre était un ordre et Eofend n’était pas du genre à les discuter. Il retira son casque et s’engouffra d’un pas leste dans les couloirs de Meduseld.

La porte était légèrement entrouverte et Eofend la poussa après avoir frappé. Visiblement il y avait eu un changement de décoration depuis la dernière fois qu’il était venu. La chambre était autrefois richement décoré selon les goûts luxueux du jeune capitaine, mais à présent les murs étaient totalement nus, le mobilier réduit au strict nécessaire et la pièce était à peine éclairée.

Learamn l’attendait, debout et droit derrière son bureau. Il portait son armure intégrale de Capitaine ainsi que sa longue cape verte  aux dorures rouges .  En le voyant se tenir ainsi Eofend fut soulagé de constater qu’il ne semblait plus souffrir de sa blessure au pied.

“Mon Capitaine, vous m’avez fait demander pour mon rapport.”

L’officier supérieur lui répondit alors d’une voix anormalement rauque.

“Je vous écoute Sergent.”


Le Capitaine de la Garde se retourna alors pour faire face à son subordonné.  A cette vision, Eofend resta médusé jusqu’à ce qu’il ne comprenne.  Ce n’était pas Learamn.

Stupéfait, il souffla:

“Wald…”



FIN

#Wald #Bodvar #Théféor


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