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 L'innocence aux multiples visages [Nivraya]

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Thorondil
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Thorondil

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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyDim 18 Mar 2018 - 3:31
Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] Merili11     Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] Verica12

Le soleil se levait à peine sur Minas Tirith, dans l’agitation habituelle d’un début de journée. Les bruits caractéristiques de la ville n’étaient pas quelque chose que Merilin aimait particulièrement mais ils la rendaient curieuse. Elle se levait toujours aux sons des premières foules, tirait les épais rideaux l’un après l’autre, et se collait à la fenêtre. Le nez écrasé sur le volet, elle observait à travers l’interstice entre deux lattes l’agitation un étage plus bas. Et elle restait là, attentive et fascinée, jusqu’à ce que Verica ne vienne la chercher pour le petit-déjeuner.

Ce jour-là, comme à son habitude, la petite fille regardait la vie urbaine et ses mosaïques de visages inconnus se mouvoir et s’agiter, entrer et sortir, sauter et boiter dans son maigre champ de vision. Parfois elle en reconnaissait un, de ceux qu’elle revoyait passer tous les jours à l’époque où elle vivait avec son père ici.

Et ce jour-là, elle était triste. En regardant dehors, elle tenait serré contre elle son oiseau en peluche qu’Aline, la deuxième compagne de son grand-père, lui avait cousue à la demande de Thorondil. C’était un rossignol, de la taille d’une grosse poule, fait d’épais tissus soyeux et colorés, et rembourré de duvet et de laine. Elle avait fait un long voyage pour être ici, avec son père. A l’exception que… quand elle s’était précipitée dans la maison d’Annuminas, elle n’y avait trouvé que Verica, un petit sourire désolé aux lèvres, et une enveloppe entre les mains. Aratan avait tout de suite compris. Merilin avait mis un peu plus de temps, demandant par trois fois où se trouvait son père.
Après cela, son grand-père lui avait lu le message empli d’amour, d’affection et de mille mots d’excuses écrit par le fauconnier à son intention. Il avait bien fallu ça pour calmer les gros sanglots qui avaient agités l’enfant. Ce soir-là, aucun plat ne trouva grâce ses yeux, pas même les petits gâteaux au miel encore chauds qu’avait préparés tout spécialement pour elle sa nourrice. Et c’est le ventre à demi vide et la mine pathétique que la petite fille était allée se coucher, laissant les adultes discuter encore un peu entre eux.

Après le départ de sa petite-fille, Aratan tenta d’arracher quelques informations à l’employée de maison. Mais celle-ci demeura muette. L’ignorance comme la loyauté l’empêchaient de répondre. A ça, le vieux dúnadan ne sut s’il devait en être heureux ou s’en sentir frustré. Puis ils se séparèrent rapidement, chacun vaquant à ses occupations jusqu’à ce que la fatigue ne les pousse à leurs chambres respectives.

Et c’est donc le lendemain matin, comme à son habitude, Verica qui trouva la petite fille à son poste habituel, entre les rideaux et les volets clos.

« - Mademoiselle Merilin, vous êtes déjà debout ? Que dirait votre père s’il savait que vous négligez autant votre sommeil ? »

La petite fille tourna sa frimousse vers sa nourrice et lui sourit de toutes ses petites dents de nacres avant de trottiner, pieds nus, jusqu’à elle.

- Mais Verica, il y a tellement de gens ici ! Et Papa n’est pas là…

Sur ces mots, le joli sourire disparu.

« - Allons, allons… Je sais, Mademoiselle. Mais il est temps maintenant de prendre le petit-déjeuner. Mais vous ne pouvez pas vous présentez au repas comme cela. Allons vite vous enfiler une robe et des chaussures. »

Ainsi fillette et nourrice s’agitèrent d’un bout à l’autre de la pièce le temps d’apprêter l’enfant : lui enfiler une belle robe assortie à ses grands yeux violacés, coiffer sa chevelure d’ébène et de frotter à l’eau le petit visage encore embrumé de sommeil.

« - Votre grand-père est parti pour le Sénat très tôt. Il ne reviendra malheureusement pas avant ce soir. J’ai à faire ce matin, vous devrez jouer seule en attendant. Mais je vous promets qu’après le déjeuner nous irons voir quelques unes de vos amies. »
- Mais Verica…,
gémit la fillette
« - Non, non, Mademoiselle ! Une demoiselle de votre rang ne geint pas comme un chiot abandonné ! » gronda Verica, avant de reprendre avec un petit sourire complice « Je vous suggère de jeter un petit coup d’œil sur les nouvelles figurines que votre père vous a sculptées. Il les a mises avec les autres dans le coffret rouge. »

Et Merilin retrouva le sourire. Cette nouvelle la ravit au plus haut point. Elle se mit à trépigner et se précipita vers le coffret. Verica eut toutes les peines du monde à trainer l’enfant pour le petit-déjeuner. Celui-ci sitôt ingurgité – en présence de la nourrice et du soldat délégué pour leur sécurité – Merilin se précipita de nouveau dans sa chambre.

Le fameux coffret rouge était une boite ouvragée, munie d’un petit loquet fort élégant. A l’intérieur était minutieusement alignées de nombreuses petites figurines de bois sculpté sur un coupon de lin blanc. Il y avait des femmes, des hommes, des enfants et des bêtes de toutes sortes. Parmi elles, on pouvait facilement reconnaitre : Merilin elle-même – sa pièce préférée – mais aussi un autoportrait du fauconnier – pas des plus réussi mais reconnaissable entre tous par le rapace posé sur son épaule. S’y trouvait également Elendîn, Sigil, le vieil Aratan, Aline, Vaewen – la plus délicate de toutes, et même Verica. Mais également des oiseaux de tous genres, des chevaux, des chiens, des chats et quelques animaux exotiques comme la petite fille n’en avait jamais vu en vrai. Puis était également posé là six figurines en bois plus claires que les autres, visiblement toutes neuves, qu’elle n’avait jamais vu.  Elle reconnu immédiatement les deux premières : le Roi et la Reine, dans leurs beaux costumes comme elle les avaient vus au mariage. Les visages n’étaient pas très nets, mais les vêtements étaient pleins de détails. Quant aux quatre autres, elle n’avait aucune idée de qui il pouvait bien s’agir, mais elle les aimait déjà beaucoup. Et avec un enthousiasme enfantin, les trouva parfaites. Elle se mit aussitôt à jouer avec, les intégrant sans mal à la grande histoire qu’elle se contait depuis des mois déjà. L’épais tapi de sa chambre se transformant en château aux multiples pièces où se jouaient sans distinction, combats, romances, trahisons et contes de fées. Il y avait des escaliers fait de piles de livres, des colonnes en bougeoirs, des couloirs délimités par les brindilles qu’elle glanait autour de la cheminée, des draperies en foulards et, évidement, une volière pour ses oiseaux et son énorme peluche bariolée.

Au bout d’une heure cependant, la fillette commençait à manifester des signes évidents d’ennui. Son père lui manquait terriblement et elle n’arrivait pas à retirer cette idée de sa tête, l’empêchant de se concentrer comme à son habitude sur son jeu. Elle entendait les cliquetis des cuivres que Verica nettoyait au rez-de-chaussée, l’agitation extérieure chaque fois que son garde ouvrait et fermait la porte d’entrée, et le ronronnement rassurant du foyer de la cuisine au dessus duquel bouillonnait la lessive.
Puis soudain, comme surgit de l’ombre, apparut une silhouette élancée dans la chambre de Merilin. Les deux grands yeux d’améthyste se braquèrent, ouverts et curieux, sur cette apparition. Elle avait cette assurance qu’ont les enfants n’ayant jamais rien eu à craindre dans leur vie. La fille de Thorondil semblait juste attendre l’explication de la présence de cette intruse dans sa chambre sans que personne ne l’ait annoncée avant. Elle se redressa un peu pour tenir son dos droit, comme lui avait appris Verica, puis adressa un bonjour poli à son invitée surprise.


Dernière édition par Thorondil le Sam 15 Fév 2020 - 20:23, édité 1 fois
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Nivraya
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyLun 9 Avr 2018 - 20:30
Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] Alyss10


- Bonjour.

Alyss a toujours eu une belle voix. Une voix douce aux accents musicaux du sud lointain. Peut-être que dans une autre vie, elle aurait pu devenir chanteuse. Et danseuse. Elle aurait ainsi suivi la voie de beaucoup des femmes du Harad en quête d'un métier qui leur permet d'atteindre les sommets, en dépit de leur basse extraction. Un destin différent l'a entraînée sur une autre voie où son talent naturel n'a jamais pu s'exprimer. Elle ne s'est jamais vraiment interrogée au sujet de ce don, en réalité, et s'il lui arrive de fredonner des chansons de sa jeunesse quand elle est nostalgique, elle n'a pas pour habitude de faire entendre sa voix mélodieuse au reste du monde. Pourtant, son « bonjour » innocent et tendre a quelque chose d'éthéré, de délicat, de paisible. De quoi apaiser les craintes de la jeune fille aux grands yeux pétillants qui se trouve en face d'elle.

La crainte ?

C'est bien un sentiment qui ne semble pas exister dans ce regard enfantin, et la Haradrim s'en rend compte en voyant la petite, polie et bien élevée, la laisser prendre la parole en premier et expliquer la raison de sa présence ici. C'est à la fois touchant et inquiétant, émouvant et préoccupant. Ce n'est qu'une fillette, soigneusement éduquée pour tenir son rang dans la société. Rien de plus. Elle n'aura jamais la méfiance naturelle de ceux qui se battent au quotidien pour leur vie, et qui apprennent très tôt que l'autre est au mieux une ressource à exploiter, et au pire un ennemi à affronter. La fille de Thorondil, elle, a dû intégrer depuis longtemps que les adultes sont des gens qu'il faut respecter, et même en présence d'une inconnue qui n'a rien à faire là, elle fait preuve d'une décence qui rendrait ses précepteurs fiers.

« Voilà pourquoi il faut que je sois là », se dit Alyss in petto.

- Tu es Merilin, c'est ça ?

Ce n'est pas vraiment une question, plutôt une affirmation qui ressemble à s'y méprendre à un tour de magie : « c'est votre carte ? » et le spectateur s'ébahit devant une révélation qui ne surprend guère le manipulateur des cartes. La réaction de Merilin n'est pas l'ébahissement, loin s'en faut, mais il est amusant d'observer son visage qui trahit les mille questions que recèle son esprit d'enfant. Alyss poursuit, toujours aussi envoûtante :

- Tu as un joli prénom. Je m'appelle…

Elle hésite pendant un instant. La méfiance, toujours la méfiance.

La fille de Thorondil de Kervras ne représente pourtant pas une menace pour sa sécurité, et elle ne risque rien à lui révéler son nom. Toutefois, si Merilin commence à le répéter, et que l'information parvient malencontreusement aux oreilles de son père, la voleuse risque de passer un sale quart d'heure. Elle a depuis longtemps cerné le personnage, elle sait qu'il ne plaisante pas avec la chair de sa chair, et qu'il n'hésitera pas à faire entrer dans le crâne de la jeune femme un message simple – « défense d'approcher » – à coups de poing. En dépit de ses connexions nombreuses au plus haut niveau de l'appareil politique de l'Arnor, il ne fait confiance qu'aux membres proches de sa famille. Depuis l'épisode de Gardelame, il semble même se méfier comme de la peste des courtisans et des gardes qu'on pourrait affecter à la protection de ses proches. Que dirait-il en sachant qu'une femme aux talents létaux a réussi à s'introduire sans être annoncée jusque dans la chambre de sa propre fille ? Alyss n'a aucun mal à imaginer sa réaction de fureur, la tempête s'abattre sur elle s'il parvient à lui mettre la main dessus… Pourtant, de manière paradoxale, c'est parce qu'il ne fait confiance à personne et qu'il refuse de s'entourer d'une garde nombreuse qu'il a été si facile à la Haradrim de s'infiltrer dans les lieux. Un mur à escalader discrètement, une serrure à crocheter – un jeu d'enfants pour elle – une fenêtre à ouvrir, et la voilà à l'intérieur. Presque trop facile. Elle laisse flotter sur ses lèvres un sourire songeur, avant de revenir à la fillette, qui attend de connaître le fin mot de l'histoire. Trouvant un compromis acceptable entre la prudence et l'honnêteté, Alyss complète avec un sourire :

- …Isra. Tu peux m'appeler Isra.

Oui. Cela fera l'affaire. Il n'y a aucune chance pour que Thorondil puisse suivre cette piste seul, étant donné qu'il n'y a que deux personnes dans toute la Terre du Milieu qui seraient capables de remonter jusqu'à elle à partir de ce seul nom. La première ne se trouve sans doute plus en Arnor à l'heure qu'il est, et Melkor seul sait à quoi elle est affairée. Quant à la seconde…

Alyss lâche un soupir sorti de nulle part, et elle s'avance d'un pas souple hors des ombres, en mettant un doigt sur sa bouche :

- Ne parlons pas trop fort, si tu veux bien. Personne ne doit savoir que je suis là.

Elle appuie sa requête d'un clin d'œil malicieux et complice, et voit dans les yeux de Merilin que celle-ci est profondément intriguée. Une inconnue dans sa chambre, qui connaît son nom et qui est enveloppée de mystère… C'est plus qu'il n'en faut pour titiller la curiosité d'une enfant aussi vive, et pour obtenir l'attention d'une personne aussi gentille et obéissante. Alyss s'approche encore, et s'assoit en tailleur à même le sol, au milieu des jouets. Elle est à peine consciente du fait que sa tunique de cuir, les poignards qui en dépassent ici ou là, détonent légèrement sur le paysage enfantin de la pièce. Pour la jeune femme, ses lames sont les poupées de son enfance, qu'elle manie avec la même dextérité que Merilin manipule ses poupées et ses figurines sculptées.

- Alors, à quoi tu joues ?

L'imagination fertile des enfants n'a pas besoin d'être brusquée pour s'épanouir et partir dans des directions inattendues. Elle a pu observer, sans être repérée, la jeune Merilin jouer à travers la pièce. Avec un sourire attendri, elle s'est amusée à la regarder construire les décors de son univers mental en empilant les objets les plus banals du quotidien. Ce faisant, la voleuse n'a pas pu s'empêcher de se demander si les enfants voient le monde avec les mêmes yeux qu'elle ? Quand elle voit un livre comme une source de savoir à la fois inépuisable et inaccessible, un monde intellectuel auquel elle n'appartient pas et n'appartiendra jamais, la fillette y voit le théâtre dans lequel évoluent les acteurs d'une pièce dont elle écrit les dialogues au gré de son inspiration du moment. Est-ce que tout le monde est ainsi, durant sa jeunesse ? Alyss se le demande. Elle s'efforce de se souvenir de son enfance, de cette créativité débridée qui se serait emparée de son esprit avant de refluer comme une marée qui, une fois repartie vers le large, ne laisse qu'un sable sec et glacial où les cicatrices de la vie restent gravées à jamais. Que ne donnerait-elle pas pour que l'eau vienne effacer les affres du temps et de la vie… tout recommencer ? Recommencer pour empêcher tant de malheurs d'arriver, pour retrouver ce sourire qui lui manque… pour la prendre dans ses bras à nouveau… pour lui à quel point elle lui manque. Plusieurs visages s'imposent dans son esprit. Elle s'efforce de ne pas y penser.

De rester ancrée dans le présent.

Elle écoute attentivement Merilin lui présenter les cadres de son univers, les personnages qui se cachent dans son imagination fertile, derrière la silhouette des animaux du quotidien qu'elle s'applique à décrire du mieux qu'elle le peut. Il n'est pas un animal qui n'ait un nom, une identité, une personnalité, une histoire, un rêve… Les Hommes en seraient presque jaloux de voir que les bêtes inanimées d'une enfant ont davantage de raison de vivre qu'eux-mêmes. Cependant, alors qu'elle continue les présentations, les yeux de la petite décrivent des allers-retours de plus en plus appuyés entre une des miniatures et le visage de la voleuse. Alyss, toute en simplicité, tend la main pour inciter la petite fille à lui remettre l'objet de son étonnement pour examen.

- Oh… S'étonne à voix haute la Haradrim en découvrant ce visage rendu lisse par le travail de la main.

Ça pour une surprise ! Elle reste bouchée bée un moment, sincèrement à courts de mots. Devant ses yeux, elle observe son reflet avec une émotion qu'elle n'aurait pas pensé ressentir un jour devant un objet inanimé. Peut-être parce que, pour la première fois de son existence, elle contemple quelque chose réalisé en son honneur. Pas pour elle, puisqu'il ne s'agit pas d'un cadeau à son intention, ni d'une réalisation placée à dessein sur son chemin. C'est simplement un geste d'affection désintéressé, intime et d'une grande pureté, qui transperce le trou béant dans sa poitrine. Il inonde de chaleur la tombe froide dans laquelle elle a enterré ses sentiments, et jette une lumière nouvelle sur les ombres dans lesquelles elle se drape maladroitement. Des larmes brillantes viennent chatouiller ses iris, et elle lève le regard vers le plafond pour les empêcher de prendre vie et de s'envoler.

« Stupide fauconnier… Pourquoi ? Qui suis-je pour mériter cela ? » Lance-t-elle en pensée.

Elle se fend d'un sourire plein de gratitude et de tristesse, mais elle se refuse à laisser les émotions la submerger. Pas devant cette enfant dont l'innocence est peut-être le trésor le plus précieux du monde. Elle ne comprendrait pas les larmes… Il y a tant de choses qu'elle ne peut encore appréhender, et que seul le temps lui permettra de saisir. Aujourd'hui, il n'est pas nécessaire de l'accabler avec des pensées d'adultes qui n'ont pas lieu d'être.

- Tu as deviné… Souffle-t-elle en rendant la figurine à Merilin. C'est ton père qui t'a offert ça ?

Quelque part dans l'esprit d'Alyss, une pièce vient s'ajouter à l'ensemble complexe de ses pensées, et  ordonner le chaos dans lequel elle a jusqu'alors évolué. Ses idées longtemps troublées se clarifient comme un ciel envahi de sombres nuages, soudainement balayé par une bourrasque salvatrice. Il lui semble tout à coup que ce qu'elle fait est bien. Juste. Nécessaire. En dépit des apparences, elle est à sa place ici. Elle est exactement là où elle doit être, et ce sentiment renforce sa détermination tout en allégeant le poids sur ses épaules.

- Mademoiselle ? Lance une voix en bas de l'escalier. Vous m'avez appelée ?

Bientôt, des pas. Sans doute une servante inquiète, qui a entendu sa protégée parler à l'étage. Il n'est pas inhabituel pour une enfant de monologuer, mais celle-ci entend s'assurer que tout va bien. C'est une précaution bienvenue qui ne dérange nullement Alyss. Cette dernière se lève souplement, et lâche à voix basse :

- Je dois partir, les gens n'ont pas l'habitude de voir des fées, tu sais… Mais je reviendrai te voir, Merilin.

Son sourire enjôleur répond à la mine de la fillette, qui en dit long sur sa surprise. Il y a bien des créatures étranges en Terre du Milieu, mais il n'est pas donné à tout le monde d'en croiser, et encore moins d'accueillir une fée chez soi. La Haradrim se saisit de l'encadrement de la fenêtre, passe les deux jambes à l'extérieur et, non sans un dernier clin d'œil hilare, disparaît. Au moment où la porte s'ouvre, Merilin a les yeux rivés sur le sol.

Aucune trace de la bonne fée, qui s'est tout simplement envolée.
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Thorondil
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyLun 18 Juin 2018 - 16:16
Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] Merili11     Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] Verica12

Merilin regarda l’endroit où avait disparu la jolie fée puis elle reporta son attention à la figurine dont les traits étaient identiques à ceux de l’apparition. Dans sa petite tête d’enfant, elle commençait à se poser des questions. Comment son père pouvait-il avoir déjà rencontré une fée sans lui en parler ? Ou alors la figurine avait-elle appelé une fée qui lui ressemblait ? Etait-ce un objet magique, enchanté par un grand magicien comme dans les histoires des âges passés ? Un grand sourire s’étira sur les joues roses.

« - Meilleur cadeau du monde !!! » s’écria la petite avant d’être interrompue par Verica, qui semblait un peu inquiète.

Mais la petite fille lui adressa tout juste un grand sourire avant de retourner à ses jeux comme si de rien n’était. Pourtant, derrière cette apparente innocence, Verica décela un changement. Mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus… Par acquis de conscience, la gouvernante fit le tour de la pièce du regard, cherchant quelque chose qui n’y serait pas à sa place. Ne trouvant rien, mais toujours titillé par un curieux pressentiment, elle prit congés pour se repencher sur sa tâche.

Comme elle l’avait promis à l’enfant, elle l’emmena après le déjeuner voir ses amies, des petites filles de son âge issues de la haute bourgeoisie et de la petite noblesse. Verica n’était pas dupe, pas plus que Thorondil. La plupart de ces familles y voyaient un avantage certain à mettre leur progéniture en relation avec la lignée d’un héros du royaume. Les petites étaient encore trop jeunes pour comprendre les motivations des adultes, mais plus tard, il faudrait faire un tri, avait un jour affirmé le fauconnier. Et Verica ne pouvait pas lui donner tord. A l’écart, négligée par la plupart de ces gens qui ne voyaient en elle qu’une bonniche, ou dans la confidence de ses pairs, elle entrevoyait facilement les manœuvres politiques derrière ces innocents jeux d’enfants. De son avis de roturière, tout cela faisait froid dans le dos. Tous ces gens qui décidaient de l’avenir de bambins, savoir que ces pauvres petits n’auraient jamais le choix de rien pas même de leurs amis, de leurs carrières ou de leur futur conjoint. Contrairement à beaucoup de ses semblables, Verica en avait vu suffisamment de la haute société pour ne pas vouloir être à leur place. Tout l’or du monde ne pouvait compenser la perte totale de son présent, de son avenir et de ses choix.
Mais pour le moment Merilin et ses amies jouaient ensemble dans l’insouciance et la bienheureuse ignorance de ce que le futur leur réservait. La petite fille se vantait fièrement auprès de ses amies, le torse gonflé de fierté, qu’elle avait rencontré une fée, une vraie, avec une voix aussi jolie que celle d’une elfe et des cheveux d’ébène brillants comme du jais. Toutes les autres étaient pendues à ses lèvres, incapable de remettre en cause la véracité d’une si magnifique révélation. Ah… les enfants et leur imagination débordante…

L’après-midi pris fin lorsque, les yeux somnolents, les petites furent ramenées chez elle dans les bras de leurs nourrices respectives. Merilin, pourtant, semblait étonnement excitée à l’idée de rentrer chez elle et pas le moins du monde prête à faire la sieste avant le dîner.
Le dîner fut aussi vite ingurgité et la petite refusa même l’histoire que Verica lui lisait habituellement le soir, prétendant soudain être trop fatiguée. La gouvernante se demandait ce qui pouvait bien trotter dans la petite tête de sa protégée. Mais tout bien réfléchi, elle décida de le mettre sur le compte du départ surprise de son père et des déceptions qui en avaient découlées. Parfois, avec les enfants, ce n’était pas plus compliqué que ça.
Elle borda la petite fille, la rabroua gentiment de ne pas avoir rangé ses jouets, souffla la bougie et traversa la pièce avec précaution en esquivant au mieux les structures fantaisistes en bric-à-brac.

Sitôt la porte fermée derrière Verica, Merilin rampa hors de ses draps, se laissa couler hors du lit. A petits pas prudents, la petite fille s’orientait au milieu de sa zone de jeu et attrapa la petite statuette représentant sa fée à la figure exotique. Sa grosse peluche colorée sous le bras gauche, la figurine serrée dans sa petite main droite, elle trottina jusqu’à la fenêtre et posa la représentation sur le rebord de la fenêtre, bien en vue par l’entrouverture des volets. La lune entrait par l’ouverture, et le rai de lumière projetait l’ombre pratiquement de la taille du modèle, sur le mur opposé.
Toujours trottinant, Merilin retourna s’installer à genoux sur le lit, invoquant dans sa tête la fée qui répondait au nom d’Isra. Elle se tenait prête à accueillir ce drôle d’ange gardien sorti des ombres avec un grand sourire et des tas de questions existentielles – soufflées par ses amies – concernant le monde des fées. Elle voulait aussi lui parler de son papa, des figurines et de la raison pour laquelle elle lui ressemblait tant. Et peut-être lui demander si ses autres jouets pouvaient invoquer des fées aussi ?

Toute idée de sommeil était belle et bien évanouie de son esprit. Néanmoins, au bout d’une demi-heure d’attente, la fille de Thorondil ferma ses petits yeux. Quand elle les rouvrit, quelques minutes plus tard, sa fée était là, se tenant à l’emplacement de sa réplique de bois, observant encore une fois la statuette.

« - Isra ! »

Ni une, ni deux, l’enfant se précipita dans le bras de la jeune femme.

« - J’ai cru que tu ne viendrais plus ! »

C’était le plus proche d’un cri que pouvait l’être un murmure. Mais la tristesse de sa voix se transforma vite en excitation de nouveau quand, glissant sa petite main dans celle de sa bonne fée autoproclamée, elle la tira en direction de son tapi de jeu.

« - Viens jouer avec moi ! J’ai plein de questions tu sais, plein de questions. »

Les questions allaient donc de son absence d’aile, à l’endroit où elle vivait, si elle avait beaucoup de semblables et tellement d’autres sorties tout droit de l’imagination fertile des petites filles. Mais une lui importait au dessus de toutes.

« - Tu connais bien mon papa ? »

Tout en parlant, elle étala devant elle toutes ses figurines, laissant poliment le choix "des armes" à Alyss pour cette partie de jeu nocturne.


Dernière édition par Thorondil le Sam 15 Fév 2020 - 20:24, édité 1 fois
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyMar 3 Juil 2018 - 12:50
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Le jour s'étire paisiblement à Annúminas, habillé d'une douce brise qui vient rafraîchir l'air lourd d'un été bien inhabituel. Les habitants vaquent à leurs occupations, retombant paresseusement dans une forme d'indolence qui sied aux gens des villes habitués au confort et à la sécurité. Les crises politiques et les guerres intestines semblent loin, même si quiconque a l'œil suffisamment aiguisé peut déceler ici ou là quelques signes qui ne trompent pas. Des gardes sur le qui-vive, des hommes d'armes attentifs et qui ne se laissent pas attendrir ou distraire par la monotonie de leur travail. De quoi agacer la petite Haradrim, obligée de changer de cachette pour éviter le passage des sentinelles qui circulent avec un peu plus de régularité dans ce quartier. Elle fait claquer sa langue en s'arrachant à sa surveillance, mais sait pertinemment qu'elle ne peut pas faire de scandale avec les hommes du roi. Pas ici.

Aussi souple qu'un chat, elle se laisse basculer du haut du toit sur lequel elle s'est perchée, et se faufile comme un ombre dans une ruelle voisine en rabattant sur ses épaules une veste de voyage informe qui a l'avantage de dissimuler les poignards qu'elle affiche ostensiblement sur sa tunique. Ses pas l'amènent sans qu'elle y réfléchisse vraiment vers un établissement qu'elle connaît bien, et où elle a ses habitudes depuis quelques temps. La façade n'attire pas particulièrement l'attention, ni en bien ni en mal. Ce n'est pas une de ces auberges mal famées où se retrouvent les bandits les plus violents, et elle sait que les gardes ne viendront pas y faire une descente impromptue. Elle entre sans se faire prier, consciente qu'à cette heure de la journée elle va trouver foule pour le déjeuner. Elle ne s'est pas trompée.

- Bonjour Oswald, fait-elle au tenancier. Un endroit calme ?

- Comme d'habitude.

Il lui sert un verre de lait non sans y adjoindre un sourire amusé, et la laisse s'éclipser dans une pièce adjacente que le patron réserve à ses clients un peu spéciaux. Oswald. Drôle de bonhomme. C'est d'abord un ami de Freyloord, même si la jeune Haradrim ignore quelle est exactement la nature de leur relation ou les circonstances de leur rencontre. Elle sait simplement que c'est un homme bien à défaut d'être un homme entièrement honnête, et qu'il lui a donné un coup de main quand elle en a eu le plus besoin. Affaire de famille. Elle n'a pas véritablement de « gens de confiance » à l'exception des Gardelame et de Frey, mais Oswald est ce qui s'en rapproche le plus. Un type qui ne pose pas trop de questions, et qui lui donne toujours exactement ce dont elle a besoin : du calme, un verre de lait, et quelques conseils bien inspirés quand elle cherche une pensée sage. Elle referme la porte derrière elle, et s'installe lourdement dans un vieux fauteuil confortable. Sa veste manque le porte-manteau de peu et retombe en vrac sur le sol, ses bottes volent négligemment dans la pièce, et elle se laisse aller à un soupir de soulagement en sirotant sa boisson.

Un verre de lait.

Un verre de lait pour un petit chat.

Elle ne s'est jamais offusquée du surnom, ni du fait que l'homme la considère affectueusement comme sa nièce. Au contraire, son attitude a quelque chose de touchant, et elle soupçonne Oswald de voir en elle une réincarnation de la fille qu'il a perdu il y a longtemps. Frey ne s'est pas beaucoup étendu sur la question, et Alyss n'a pas jugé approprié d'interroger le tenancier à ce sujet. Alors elle se contente de jouer le jeu et, quand elle lui rend visite, d'accepter le verre de lait qui fait toujours sourire les autres clients.

S'ils savaient.

Oswald, lui, sait. C'est peut-être pour ça qu'il fait attention à elle. Il sait, et il s'inquiète. Elle le rassure toujours d'un des sourires dont elle a le secret, mais depuis quelques temps elle sourit avec moins de conviction, moins d'entrain. Le socle stable de ses convictions s'est mis à vaciller, à s'effriter, et les obstacles de son quotidien ne font que révéler un mal bien plus profond… Perturbant.

- Tu dors ? Demande une voix familière.

- Non.

Oswald referme la porte tranquillement, tandis qu'elle ouvre les yeux pour le regarder approcher. Elle sait qu'il a beaucoup de travail, pourtant il ne semble pas particulièrement pressé d'y retourner. Elle devine qu'il a quelque chose à lui dire, mais elle le laisse choisir le moment.

- On dirait, pourtant.

- Je sais.

Sa réponse est laconique, mais pas agressive. Elle l'accompagne d'un sourire amical, comme pour lui dire que tout va bien. L'homme secoue la tête, puis après avoir jeté un regard circulaire dans la pièce, entreprend de ramasser les vêtements que sa visiteuse a éparpillés par terre. Elle lui lance un « désolé » si innocent qu'il est impossible de lui en vouloir, mais avant d'avoir pu se lever pour l'aider, Oswald décide de se mettre à table :

- J'ai vu Frey récemment. Il te cherchait.

- Je sais…

Il y a tant de désespoir au fond de sa voix que l'aubergiste marque une pause, la veste restant suspendue à quelques centimètres du porte-manteau qu'elle a déjà manqué plus tôt. Alyss s'en veut presque. Un long silence les éloigne l'un de l'autre, avant que l'homme ne reprenne la parole :

- S'il me demande, tu veux que… ?

- Non, le coupe-t-elle. Ne lui dis rien. Je veux… Je veux juste un endroit où me reposer. C'est tout.

Il fait une moue qui en dit long, mais hoche la tête en acceptant tacitement de taire sa présence ici. Sans qu'elle se dégage, il lui passe une main dans les cheveux, comme un père le ferait à sa fille :

- Il y a toujours de la place pour les chats égarés, ici.

- Merci Oswald.

Ce n'est qu'au moment où il ferme la porte derrière lui qu'elle se laisse aller à fermer les yeux, en remontant soigneusement la couverture jusqu'à son menton.


~ ~ ~ ~


Assise sur le rebord de la fenêtre, laissant l'air du soir caresser délicatement sa nuque, Alyss observe la statuette à son effigie. Ses doigts parcourent les détails que ses yeux peinent à voir dans la pénombre qui l'enveloppe. Encore une fois, elle ne peut s'empêcher de repenser au fauconnier. Le sentiment qui prédomine, curieusement, est la honte.

« Pourquoi…? »

La question tourne en boucle dans son esprit. Elle, aussi insignifiante qu'anonyme… Pourquoi ? Elle lève les yeux vers le plafond enténébré, incapable d'y trouver les réponses qu'elle cherche désespérément. La seule chose qui lui paraît éclairer la nuit perpétuelle dans laquelle elle semble plongée, c'est la silhouette endormie de la petite Merilin qu'elle aperçoit sous les draps. Une touche de pureté dans ce monde étrange et violent. Tout cela lui rappelle étrangement le Harad, où les déserts de sang s'enchantent parfois quand, au détour d'une oasis salutaire, on croise la main tendue d'un inconnu qui accepte de partager son eau et son pain. La haine et l'hospitalité se côtoient et se répondent au sein du même peuple, de la même manière que la guerre et la paix se fréquentent dans la famille de Kervras. Comment un homme comme Thorondil, un guerrier endurci et brutal, peut-il être le père d'une enfant aussi douce et ingénue ?

La réponse est peut-être plus simple qu'il y paraît : c'est précisément parce que lui mène la guerre dans tous les coins que royaume qu'elle peut vivre en paix. Cruelle équation qui condamne le vétéran à une éternité de souffrances et de carnages pour pouvoir acheter quelques années d'innocence à sa jeune enfant. Cruelle mais néanmoins belle.

Soupir.

Cette simple perturbation de l'air semble suffire à réveiller la petite Merilin, qui pose ses yeux encore ensommeillés sur sa bonne fée. Alyss lui sourit affectueusement, et accueille l'enfant qui s'est jetée dans ses bras, sincèrement heureuse de la voir. Et c'est une étreinte pleine de chaleur que lui rend la voleuse, qui prend soin de ne pas parler trop fort :

- Je devais attendre que tout le monde soit couché avant de pouvoir venir te voir.

Cette excuse paraît contenter la fille de Thorondil, qui passe de l'inquiétude toute enfantine à une joie sans filtre. Elle la tire par la main, et emmène sa fée vers son tapis de jeu pour pouvoir partager avec elle un moment de détente à une heure indue. Alyss n'a pas la moindre notion de l'éducation des enfants, sans quoi elle saurait que Merilin risque d'avoir du mal à se réveiller le lendemain matin, et que cela a de fortes chances de déplaire à Verica. Cette dernière doit veiller à ce que sa protégée vive à un rythme convenable, et accomplisse des activités de son âge. Dormir tardivement est le signe de ceux qui ont une vie débridée, et cela ne sied pas à une jeune fille de bonne famille. Mais pour l'heure, insensible à ces considérations, elle se contente de jouer avec les figurines qu'elle déplace sur le sol comme les pièces d'un jeu d'échec au réalisme saisissant.

Bientôt, les questions fusent. Comment ne pas les attendre de la part d'une enfant pétillante d'intelligence et à la curiosité prononcée ? Ses premières interrogations portent naturellement sur les fées, et Alyss s'amuse de ce rôle qu'elle endosse avec plaisir. Ses réponses s'efforcent d'être à la hauteur des attentes de la petite :

- Oh toutes les fées n'ont pas d'ailes, commence-t-elle. Cela nous permet de passer inaperçu, sinon tout le monde saurait qui nous sommes.

Elle se redresse, lève les yeux, puis avec une souplesse et une agilité étonnantes elle bondit jusqu'au plafond. Sa détente verticale exceptionnelle lui permet de saisir une poutre, et à la force de ses deux bras elle s'élève dans les ombres et disparaît virtuellement du champ de vision de la jeune fille. Le jeu de lumière est à l'avantage de la voleuse, car les reflets argentés de la lune glissent sur le sol et lui dévoilent la silhouette de Merilin qui, les yeux et la bouche grands ouverts, n'aperçoivent en retour que la nuit la plus noire. Elle paraît ne pas en revenir. Il faut dire que l'effet est saisissant. Après avoir laissé passer quelques secondes, Alyss réapparaît la tête en bas, seulement retenue par ses jambes. Elle adresse un geste de la main à l'enfant, avant de se laisser retomber souplement sur le sol. Son corps félin se contorsionne en l'air, et elle retombe avec grâce sur ses quatre pattes pour amortir le choc et surtout étouffer le bruit.

« Je devrais m'entraîner plus souvent » songe-t-elle en sentant les muscles de ses bras protester.

Mais la démonstration est plus que suffisante pour épater Merilin, qui regarde encore le plafond d'où descend une poussière légère. Une poussière de fée, sans doute. Il est si facile d'épater les enfants. Les questions continuent de fuser, quasiment ininterrompues, et Alyss y répond avec toute la bienveillance dont elle est capable. Elle entreprend d'expliquer à la petite fille d'où elle vient, et pour cela elle n'a pas besoin de puiser bien loin dans son imagination. Les paysages superbes du lointain Harad sont si différents de ceux de l'Arnor qu'ils suffisent à émerveiller le jeune esprit. Comment pourrait-elle demeurer insensible au récit de palais surgissant d'un océan doré, sous un soleil constant ? La voleuse lui raconte les nuits spectaculaires où des milliers d'étoiles scintillent comme autant de gouttes de peinture jetées sur une toile d'ombres. Elle lui parle de la mer, cette mer infinie qui se jette sur les rives sablonneuses et regorge de créatures fantastiques, parfois belles et bienveillantes, parfois terrifiantes et dangereuses. Elle s'étend volontiers sur un petit coin de paradis, le Rocher, l'endroit où elle a grandi. Des montagnes de grès que frappe l'astre du jour pour leur donner cette couleur si unique, si pure. Un endroit reculé, isolé, difficile d'accès. Un endroit de paix et de calme, où les aspérités naturelles de la roche retiennent l'eau des rares pluies. Elle se perd en une foule de détails, évoquant le bruit du vent qui serpente dans les roches, et le chant des pierres caressées par les plantes. Son récit s'achève sur une note touchante.

- C'est là que j'ai grandi, avec ma sœur… Elle aussi, c'est une fée. Une fée merveilleuse… Tellement gracieuse, et tellement belle. Elle me manque. Et notre mère aussi, me manque.

Elle s'interrompt brièvement. Ce n'est ni le lieu ni le moment de parler de ces choses. Elle se contente d'un petit sourire d'excuse, avant de revenir à des considérations plus joyeuses. Elle lui parle de l'or, et de l'encens, et de la myrrhe, et des épices que l'on trouve à foison dans les terres du Harad. Il y a tant de passion dans son récit que le monde qu'elle dépeint semble idyllique, parfait. Il appelle au voyage et à la découverte, à s'abandonner à la contemplation de ses paysages magnifiques et de ses gens hospitaliers. Ce n'est qu'une petite fraction de la vérité, naturellement… mais c'est la seule vérité qui compte pour une enfant si jeune. Le reste, elle aura le temps de l'apprendre plus tard par elle-même. Satisfaite de toutes ces informations que lui donne la bonne fée, Merilin pousse sa curiosité jusqu'au point qui l'intéresse peut-être le plus. Après tout, croiser une fée n'est pas une chose anodine, mais croiser une fée qui connaît son père ? C'est bien une chose extraordinaire.

La question désarçonne légèrement Alyss. Est-ce la façon dont elle est posée ? Peut-être. Il y a quelque chose dans cette tournure aussi innocente qu'incisive qui rappelle l'insouciance de l'enfance. Cet âge heureux où le monde est d'une simplicité rare, appuyé sur la vérité nue et la conviction que tout est éternel, sauf les malheurs. La fée soupire. Encore.

« Est-ce que je le connais si bien que ça ? »

Thorondil. Elle connaît son identité. Son nom, son rang, son attachement à la justice, son agacement devant les codes d'une noblesse dans laquelle il ne se reconnaît pas. Mais qui est-il, véritablement ? Elle le connaît à travers Nivraya, à travers la peur que celle-ci éprouve en évoquant son nom. A travers les malheurs qu'il a amenés avec lui, et ceux dont il a préservé la dame de Gardelame. Mais est-ce qu'elle le connaît ? Lui semble la connaître, il semble voir à travers elle malgré ses yeux blessés. Mais que voit-elle, quand elle le regarde, sinon une statue d'argile qui se décompose lentement sous ses yeux ? Un homme qui se disloque, qui s'effrite, qui se délite à chaque nouveau coup d'épée, à chaque nouvelle flèche reçue, à chaque nouvelle journée sans dormir et sans manger.

« Les gens comme moi… comme nous… ne vivent pas aussi longtemps ». Elle se souvenait parfaitement de cette phrase glaçante.

Est-elle condamnée à subir le même sort ? A abandonner des parties d'elle-même dans une bataille déjà perdue ? Elle a déjà sacrifié tant de choses… Puis elle a retrouvé l'espoir, une raison de vivre, une raison de continuer. Pendant un temps, elle a cru. Espéré. Prié, même. Mais son univers fragile s'est effondré, et son amie s'en est allée. Disparue. Aujourd'hui, n'est-elle pas seule ? Seule à chercher une nouvelle mission ? Un nouveau sens à sa vie ? Merilin ? Est-ce la réponse ? N'est-ce pas au contraire une nouvelle fuite en avant ? Quelques journées, quelques semaines de paix et de quiétude… mais quel est le prix à payer pour un tel répit ? Quelle souffrance devra-t-elle encore endurer ? Gagnera-t-elle cette lutte contre la vie ? Est-elle condamnée à perdre ?

À la perdre ?

Un instant de silence.

Puis vient la réponse, naturelle.

- Je connais très bien ton papa, Merilin. C'est un homme gentil. Un peu maladroit, de temps en temps, mais gentil.

Un sourire fleurit sur ses lèvres sans qu'elle s'en rende compte. Elle approche doucement sa main de la première figurine, mais ses doigts s'interrompent avant de la toucher. Elle ne le peut. La souffrance est encore trop vive.

- Il fait tout ce qu'il peut pour protéger les gens qu'il aime… Il essaie de toutes ses forces, même quand la situation est désespérée.

Sa main glisse vers la seconde statuette, dont le visage soigneusement lissé hante encore la mémoire du fauconnier, de toute évidence.

- Il voudrait en faire plus. Il n'arrive pas toujours à aider tout le monde, et parfois cela le rend très triste. Ne pas pouvoir aider ceux qu'on aime, c'est très dur, tu sais… Très dur…

Elle inspire profondément. Ne pas pleurer.

Finalement, ses doigts se referment sur la troisième statuette, qu'elle dévisage affectueusement. Un peu plus grossière que les précédentes, elle est paradoxalement plus fidèle. Nouveau sourire. Elle reprend la parole, en gardant les yeux rivés sur la figurine, perdue dans ses pensées. Il est difficile de savoir exactement à qui elle s'adresse.

- Je sais qu'il est très loin, et que tu dois être triste de ne pas le voir. Mais il y a une chose qui l'aide beaucoup… Savoir que quand il reviendra, il aura toujours une place auprès de toi… que tu pourras la prendre dans tes bras comme avant, et lui dire que tout va bien…

Alyss lève la tête. La lune fait apparaître fugacement le reflet d'une larme solitaire qui a perlé le long de sa joue. Nouveau sourire.

- Tu peux faire ça, Merilin ?
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Thorondil
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyVen 21 Fév 2020 - 0:27
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La petite fille écouta avec attention toutes les explications et toutes les histoires, admira toutes les démonstrations, et savoura toutes les réponses de sa miraculeuse fée. Elle semblait fascinée par ce monde fabuleux et exotique qu’on lui décrivait ici avec tout le soin d’un peintre posant sur la toile son paysage préféré. Ses yeux brillaient d’admiration et ses lèvres s’entrouvraient d’ébahissement. Ces lieux ne pouvaient en effet appartenir qu’aux fées, d’un univers fantastique et lointain. Elle ne pouvait envisager de telles merveilles en Terre du Milieu. Même si son père lui faisait les récits de ces voyages, aucun ne ressemblait à ce que lui raconter la belle fée. Pas même les maisons des elfes lui semblait-il, dans leurs gloires défraichies.
Le sujet dériva sur la sœur d’Isra, une fée merveilleuse à l’entendre. Belle au-delà de tout. Malgré le tableau dépeint, Merilin eut une petite moue morose, une légère pointe de jalousie.

« - Je n’ai pas de sœur. Et pas de frère. J'aimerais bien avoir un petit frère, comme Papa. J’en n'aurais jamais, parce qu’il n’y a pas de maman. Et il faut une maman pour faire un petit frère ou une petite sœur, tu sais ? »

Si la première phrase avait des notes désolées, la deuxième avait le ton docte de quelqu’un dispensant une connaissance capitale et secrète à un non-initié.
Merilin semblait regretter de n’être à jamais que son père et elle, même si sa famille élargie était nombreuse et que chacun de ses membres l’adoraient plus que tout. Les autres filles, même dans la noblesse, avait au moins un frère ou autant de sœurs qu’il fallait pour avoir enfin un frère. Et parfois, elle ressentait autre chose, une accusation implicite dans le regard des gens. Une fille batarde, même pas un garçon qu’on pourrait légitimer pour le faire hériter. Même si elle était trop jeune pour comprendre les implications et toutes ces choses compliquées d’adultes, l’instinct de Merilin lui soufflait qu’il y avait là quelque chose d’important. Un manque. Voir une tare. Et cela la chagrinait sans qu’elle n’ose s’en ouvrit à quelqu’un.

Puis arriva la réponse à son ultime question, la plus importante de toutes. Et les mots d’Isra étaient étrangement graves, sibyllins et chargé d’une sorte de serment. Merilin regarda la jeune femme de ses grands yeux innocents, comme si elle essayait de chercher un sens plus profond à ses paroles. Une vérité que son esprit d’enfant ne pouvait lui permettre de percevoir.

« - C’est mon papa. Et je l’aime. Même quand il est loin longtemps. Je sais qu’il fait beaucoup de choses pour beaucoup de gens. Il aide les gens qui sont gentils et il punit les méchants quand il peut. Et puis il est… important, je crois. Ça me rend triste des fois, tu sais, quand il n’est pas là. Mais il revient toujours. Toujours. Alors je fais comme tu dis, je le prends dans mes bras. Et c’est lui qui me dit que tout va bien. C’est ce que les papas font ! »

Il y avait une sorte de solennité dans ces paroles enfantines qui dénotait avec légèreté habituelle de ses propos. Merilin s’approcha pour se blottir un peu contre le côté de la jeune femme.

« - Tu es si gentille, je comprend pourquoi Papa voulait que je t’appeler. »

Se faisant, elle désigna de sa petite main la figurine de bois sculpté qui trônait sur la pile de livres, à la gauche de celle de la reine et à droite de celle représentant la mère de Thorondil.

Après cela, le temps passa vite pour la jeune femme et la petite fille, dérivant aux grés des méandres de cette imagination débordante d’enfant qui fait perdre toutes notions de temps et d’espace. Isra et Merilin jouaient et jouaient, inventant et vivant par procuration mille aventures sans fin. Petit à petit, presque imperceptiblement, l’excitation fit monter le niveau sonore au-delà d’un murmure. Une légère différence.
Dans la chambre d’à côté, confortablement installée dans son lit, dormant du sommeil du juste, Verica fut alertée par ce murmure plus haut qu’un autre. Elle s’agita dans son sommeil et remonta aux portes de la conscience. Il n’était pas rare que Merilin se réveille en pleine nuit pour continuer à jouer et se rendormir peu après. Les insomnies étaient fréquente chez l’enfant, surtout quand son père était absent de la maison, mais elles ne duraient jamais bien longtemps. Verica n’entendait que sa petite protégée mais le silence entre les dialogues, la durée particulièrement prolongée de la séance de jeu et l’heure tardive l’alertèrent. Dans un premier temps, elle crut à un mauvais tour de son imagination dû à sa rencontre désagréable et encore fraiche avec la Dame de Gardelame et se rendormit d’une oreille. La seconde fois en revanche sonna la cloche d’alarme de son esprit. Elle fut debout d’un bond, encore groggy de sommeil. Quelque chose clochait. Elle le sentait dans ses tripes. Il y avait quelque chose dans cette maison qui n’était pas censé y être. Elle en avait la certitude sans parvenir à définir de quoi il s’agissait exactement.
La domestique attrapa le tisonnier de sa cheminée et, avec précaution, quitta sa chambre. Elle connaissait chaque centimètre carré du bâtiment. Elle savait exactement sur quelle lame de parquet poser ses pieds pour ne pas les faire craquer, dans quel sens tordre la poignée d’une porte et avec quelle force la soulever pour ne pas la faire grincer. Elle savait se faufiler et se faire la plus discrète possible, et le tisonnier levé bien haut au dessus de son épaule, mit en œuvre toutes ses connaissances pour avancer avec prudence vers la chambre de Merilin.
Maintenant qu’elle était plus proche, il lui semblait saisir une seconde voix, bien plus basse que celle de Merilin, une voix inconnue mais aux accents étrangement familiers, un air de déjà-vu. Elle n’aurait su dire où ni quand, mais cette voix raisonnait comme un avertissement connu. Etrange…
Elle espérait être de taille à affronter l’intrus, sans trop y croire. Elle pouvait toujours hurler à l’aide pour alerter le garde au rez-de-chaussée. Réflexion faite, elle aurait mieux fait de commencer par là, mais à présent elle risquait de signaler sa présence à l’étranger et mettre en danger la petite. Elle n’avait pas d’autre choix que d’affronter la menace, qu’elle soit ou non prête pour ce qui l’attendait. Une poussée d’adrénaline et d’horreur pulsa dans ses veines. Ses mains tremblaient sur son arme de fortune. Elle peinait à discipliner son souffle. Elle n’avait jamais rien fait de la sorte mais elle n’osait imaginer l’étendu de la fureur qui s’abattrait sur elle si l’enfant venait à courir le moindre danger. Le fauconnier la ferait dépecer sur place, elle en était absolument certaine ! S’il y avait bien une chose qui pouvait faire ressortir le pire chez son maître, c’était bien la sécurité de son unique enfant. A cette pensée, Verica déglutit avec difficulté. Le danger réel et imaginé se mêlait pour lui glacer le sang.

Elle compta dans sa tête : 1, 2, 3… et déboula en furie dans la chambre de la petite, surprenant les deux occupantes, jouets à la main, qui se figèrent aussitôt. Impossible de savoir laquelle d’entre ces trois-là était la plus choquée. Il n’avait pas fallu plus d’un battement d’ailes de papillon pour que l’intrus – non, l’intruse – ne réagisse en se levant d’un bond. En un coup d’œil Verica la reconnut. De surprise, elle manqua de laisser tomber son arme.

« - Vous ?! Mais… »

Elle n’eut pourtant pas le loisir d’en dire plus. Surprise et choquée par la scène qui se déroulait devant ses yeux fatigués par une longue veille, incapable de comprendre la situation, Merilin fondit en larmes. De violents sanglots secouaient son petit corps délicat alors qu’elle lâcha tous ses jouets pour enfouir son visage dans sa peluche bigarrée.
Les deux femmes échangèrent immédiatement un regard de détresse comme ne peuvent la concevoir qu’un adulte confronté aux pleurs d’un enfant, sachant qu’il en est lui-même la cause.

« - Par l’Arbre, oh non ! Mademoiselle Merilin… »

Sans plus penser et complètement déstabilisée par la situation, Verica se précipita pour consoler la pauvre enfant, laissant choir son unique moyen de défense. Elle entoura la petite de ses bras en chuchotant un flot de paroles apaisantes. Dans un coin de son esprit cependant, elle essayait de se rappeler le nom de l’intruse. Elle le savait…
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Nivraya
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyDim 23 Fév 2020 - 18:04
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Comment a-t-elle fait pour se laisser surprendre ainsi ?

Alyss, les yeux écarquillés de terreur, le cœur battant la chamade, observe la jeune servante sans ciller. Elle a déboulé dans la petite chambre comme une furie, armée d'un tisonnier ridicule qui lui a donné brièvement l'illusion d'être en sécurité, prête à défendre chèrement sa vie et celle de la petite occupante des lieux. Une belle preuve de courage et d'abnégation… ou de folie, selon le point de vue. Cependant, en dépit de sa mise débraillée et de la peur qu'on lit sur son visage juvénile, elle a réussi à prendre par surprise une femme rompue aux arts de la guerre, qui s'est pourtant targuée maintes fois de ne jamais être prise à défaut de la sorte.

La jeune Haradrim n'en revient pas.

S'est-elle prise d'affection pour la petite Merilin au point d'oublier la prudence la plus élémentaire ? A-t-elle réellement laissé une ingénue pénétrer jusqu'ici sans même percevoir sa présence ? S'il s'était agi d'un assassin animé de mauvaises intentions, que se serait-il passé ? Les doigts de la voleuse seraient-ils restés maladroitement refermés sur le manche du poignard qu'elle cache dans sa tunique, comme ils le sont actuellement ?

La main moite, la respiration rapide.

Une proie.

Elle est devenue une proie, et alors qu'elle aurait dû par pur réflexe se jeter sur cette nouvelle apparition fantomatique, elle est restée là. Pétrifiée. Figée par la peur et par un sentiment qu'elle ne parvient pas à identifier clairement. C'est comme si… comme si l'idée de se battre devant une enfant la répugnait tout à coup.

Mais les bonnes intentions ne suffisent pas à dissiper l'atmosphère électrique dans la pièce.

Le regard d'Alyss bascule vers Merilin au moment où les premiers sanglots échappent à la fille de Thorondil, et elle ne peut que faire quelques pas en arrière au moment où la servante à l'instinct maternel et protecteur s'empresse d'envelopper la douce enfant entre ses bras fins. On dirait un cygne venu recouvrir de ses ailes duveteuses sa progéniture, afin d'ériger une barrière entre elle et le monde extérieur. Un monde de violence et de sang qu'Alyss incarne bien malgré elle en ce moment.

La voleuse n'est pas à sa place, ici. Outre le fait qu'elle n'a strictement rien à faire dans la demeure de Kervras à une heure pareille, et qu'elle n'aurait jamais dû être prise sur le fait par quiconque, elle se sent bizarrement gauche alors qu'elle est parfaitement consciente que son réflexe naturel aurait dû être de se préoccuper de Merilin. Cependant, elle reste à regarder Verica et l'enfant comme si leur monde lui était soudainement fermé. La tendresse, la chaleur d'une étreinte protectrice… voilà des choses qu'elle ne connaît pas, qu'elle n'a jamais reçues, et qu'elle ne saurait pas vraiment donner à une petite qui attend seulement d'être rassurée, réconfortée. Une nouvelle réalité se forme dans l'esprit de la jeune Haradrim, qui observe la situation avec distance : il ne manque pas seulement un père à Merilin, mais aussi une mère.

Une mère.

Alyss se souvient de son sourire compréhensif quand la jeune fille lui a expliqué avec beaucoup de sérieux qu'il fallait une maman pour avoir une petite sœur. C'est qu'elle en sait, des choses, cette enfant. L'esprit vif, la curiosité aussi affûtée qu'une lame qui demeure encore bien innocente. La voleuse a naïvement cru qu'il s'agissait seulement de l'intelligence précoce d'une enfant bien née. En réalité, c'est tout autre chose : le manque d'un parent, que la société lui renvoie en permanence. L'absence de cette figure maternelle, que Verica tente tant bien que mal d'incarner, sans y parvenir tout à fait. C'est qu'elle aurait bien besoin d'une mère, Merilin, pour apprendre à devenir une femme du monde, pour apprendre quel est son rôle, son statut, pour savoir comment se comporter, comment éviter les pièges. Mais aussi pour avoir un modèle à observer, à imiter, à aduler.

Une mère.

Une mère…

L'espace d'un instant, Alyss est ailleurs. Quelques images floues remontent à la surface de son esprit. Une voix, implacable et impitoyable. Une silhouette sèche et rigide, curieusement énergique. Les coups de bâton sur ses doigts… Les gifles, aussi. Et pourtant, de l'amour. Un amour véritable, cru et nu et dépourvu de toute complaisance. Un amour violent, brutal, âpre comme les rochers dont sont construit les remparts d'Annúminas. Un amour qui lui manque, et qui paradoxalement représente un grand vide dans son existence.

En voyant Merilin se recroqueviller ainsi contre la poitrine de sa nourrice, en la voyant remettre son destin entièrement entre les mains de cette femme à peine capable de manier un tisonnier, elle se rend compte que son enfance ne pourrait pas être plus différence de celle de la fille de Thorondil. D'un côté, une princesse choyée et préservée de tout mal. De l'autre, une « fée » dont l'éducation ressemble à s'y méprendre à un cauchemar. Une guerrière dans l'âme, taillée avec patience et sans douceur pour devenir une arme, un outil dans les mains de quiconque le souhaiterait. Alyss et elle n'appartiennent pas au même monde, et pourtant cette fragile lumière qu'elle aperçoit chez la jeune fille lui donne envie de la protéger. Comme un trésor précieux, d'une rareté ineffable, qu'il lui incombe de ne pas perdre.

Qu'elle aimerait, elle aussi, prendre cette enfant dans ses bras et la protéger.

Son cheminement intellectuel s'interrompt comme si elle avait heurté un mur mental. Ramenée brusquement à la réalité, catapultée dans son propre corps, elle se souvient de l'incongruité de la situation. Elle, Merilin, Verica… debout au beau milieu de la nuit alors qu'elles auraient dû dormir toutes les trois profondément. Une intrusion dans une demeure seigneuriale – crime passible de la peine de mort dans les cas les plus extrêmes –, et une confrontation silencieuse qui ne dit pas son nom. Le regard de la servante est empli de questions et d'une pointe d'inquiétude, alors que toute son attitude trahit sa méfiance et sa volonté de protéger Merilin de sa vie si nécessaire. Il faut dire que la tenue de la « fée » ne laisse que peu de place au doute quant à ses véritables compétences : une solide tunique de cuir, des lames de couteau dépassant ici ou là.

Elle est équipée pour un assassinat…

Comment expliquer ? Comment faire comprendre à cette femme à l'esprit si différent du sien qu'elle n'a aucune intention belliqueuse ? Et comment l'empêcher, surtout de donner l'alarme et de faire s'abattre sur elles deux des ennuis si gros qu'elles ne peuvent même pas en concevoir la portée ? Pendant un instant, Alyss se surprend à vouloir jouer la dame de cour, polie et bien éduquée. Elle s'imagine essayer de justifier son acte auprès de Verica, la suppliant de ne pas la dénoncer à qui que ce soit pour éviter son arrestation. L'image lui paraît séduisante pendant un bref instant, avant qu'elle ne la chasse d'un revers de main, tandis qu'elle marche d'un pas décidé vers la servante.

Elle n'est pas Nivraya.

Sans ménagement, elle saisit le bras de la nourrice, et la force à se lever. Si Verica a pu douter un seul instant des compétences de la jeune Haradrim, la poigne et l'énergie avec laquelle elle l'a remise debout suffisent amplement à lui confirmer ce que ses yeux ont déjà deviné. Cette femme est bien davantage qu'une servante.

- Ne bouge pas, Merilin. Je dois dire un mot en privé à Verica.

Un ton calibré, voulu rassurant. Utiliser le prénom de l'enfant pour créer de la proximité. Montrer qu'elle connaît Verica, pour dissiper les doutes, et occulter le changement de comportement tout à fait inhabituel de sa bonne fée, d'ordinaire si détachée et détendu. Alyss se permet même un petit sourire qu'elle veut aussi enjoué que possible, au moment où elle referme la porte du couloir derrière elle et la servante. Le temps semble s'être compressé. Chaque seconde, elle la vit intensément, prise par l'euphorie du moment qui réactive ses réflexes de combattante. Dès qu'elles sont seules, que Merilin ne les voit plus, Alyss libère le félin qui se cache derrière son visage angélique.

La voleuse ne cherche pas à discuter le moins du monde.

Sa main gauche se referme brusquement sur la bouche de Verica, tandis qu'un poignard apparaît comme par magie dans sa main droite et se plaque sur la gorge de cette dernière. Ce sera un monologue, et la nourrice est invitée d'un simple mouvement de la tête à écouter avec la plus grande attention.

- Je ne suis pas là pour faire du mal à cette enfant, vous devez me croire.

Sa voix n'est qu'un murmure, mais son regard est si puissant qu'on dirait qu'elle hurle aux oreilles de son interlocutrice.

- Si je voulais m'en prendre à elle, ce serait déjà fait depuis longtemps. Je suis ici pour protéger Merilin, et je ne m'attends pas à ce que vous compreniez mes raisons. Sachez simplement que je tiens à elle.

C'est curieusement vrai, et en le prononçant, Alyss se rend compte de la profondeur de ses sentiments pour la petite fille. L'idée qu'on lui fasse du mal lui donne presque la nausée. Elle reprend, essayant de ne pas céder à la violence de ses émotions mal contrôlées.

- Personne, je dis bien personne ne doit savoir que je suis venue ici, vous comprenez ? Absolument. Personne. Je ne vous veux aucun mal, mais je saurai vous en faire si vous essayez de me trahir. C'est compris ?

Elle attend d'obtenir un hochement de tête positif avant de finalement relâcher son étreinte, et de ranger son poignard. De toute façon, même à mains nues elle aurait pu venir à bout de Verica sans la moindre difficulté. Sitôt son arme disparue, Alyss redevient Alyss, la tueuse cédant la place à cette personne chaleureuse et frivole que d'aucuns connaissent. Son visage en est transformé, les ombres le quittent pour laisser tout à coup rejaillir une douce lumière sur ses traits exotiques. Elle tire affectueusement la joue de la servante pour la dérider, et lui souffle :

- Bon, et maintenant je vais aller dire au revoir à Merilin, et m'éclipser discrètement… Quant à vous, allez dormir et oubliez tout ça.

Leur entrevue aurait pu s'arrêter là, mais un bruit alerte soudain les deux femmes. Un léger claquement, comme un tiroir que l'on referme un peu trop fort. Par réflexe, Alyss se tapit dans l'ombre, entraînant Verica avec elle. En se concentrant suffisamment, elles perçoivent un autre bruit étouffé, qui provient du rez-de-chaussée. A moins que ce ne soit leur imagination qui leur joue des tours ? Alyss a du mal à se concentrer à cause de son cœur qui tambourine dans sa poitrine. Une partie de son cerveau essaie d'analyser la situation de manière rationnelle. C'est elle l'intruse, et elle aurait dû déguerpir au moindre mouvement suspect, pour éviter d'être repérée par un habitant des lieux qui aurait eu davantage de présence d'esprit que Verica, et aurait appelé à l'aide sur-le-champ.

Son instinct lui dit pourtant que quelque chose ne va pas.

Et son instinct se trompe rarement.

Ce ne sont pas les pas ensommeillés de quelqu'un qui se réveille au beau milieu de la nuit. Rien ne leur parvient, sinon quelques bruissements qui peuvent aussi bien venir des feuilles que le vent caresse. Mais un sixième sens indique à la petite Haradrim que ce n'est pas des feuilles qu'elle doit se méfier. Un autre prédateur se trouve dans la bergerie.

- Qui d'autre dort ici ?

La question semble anodine, mais le regard de la voleuse ne trompe pas.

Pas davantage que le couteau qui a retrouvé une place de choix entre ses mains expertes.
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Thorondil
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyMar 25 Fév 2020 - 19:23
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Verica se figea de terreur quand l’autre jeune femme lui attrapa le bras sans aucune douceur. Elle aurait voulu hurler mais son cri vient mourir entre ses lèvres et elle ne put que laisser échapper un gémissement pathétique. La situation était absurde. Pourquoi la servante de Nivraya était-elle là, habillée en assassin, en plein milieu de la nuit ? Qu’allait-il lui arriver ? Est-ce que l’intruse allait la tuer pour ensuite quoi ? Emmener Merilin et rançonner son retour ? La tuer et en laisser là les traces pour le fauconnier à son retour ? Une flopée de possibilités lui traversèrent l’esprit, toutes plus horribles les unes que les autres. Son maître avait pourtant été en relativement bon terme avec la Dame de Gardelame, jusqu’à sa récente disgrâce. Rien qui ne puisse justifier de tels moyens. A moins qu’il ne s’agisse d’autre chose, quelque chose dont la Dame elle-même n’avait pas connaissance. Etait-ce en rapport avec sa récente mission qui l’avait contraint à partir si précipitamment ?
Alors qu’elle se faisait emmener sans ménagement sous le travestissement d’une petite conversation amicale, Verica ne put s’empêcher de jeter un dernier coup d’oeil en direction de la fillette qui lui rendit un regard perdu. Merilin ne comprenait pas bien ce qui se passait, mais elle ne voyait en cette scène aucun danger imminent : après tout elle connaissait les deux femmes et c’était toutes deux les plus aimable des personnes de cette terre. Elle ne protesta donc pas, préférant continuer à consoler de sa terreur contre le ventre duveteux de son moineau géant.

La poigne sur le bras de Verica était un étau terrible et elle sentait déjà l’hématome poindre sous les doigts crispés. La jeune gouvernante avait beau avoir trouvé un semblant de courage en tentant de venir au secours de sa petite protégée, plaquée contre le mur, un couteau sous la gorge, il ne lui en restait que bien peu. Alyss la maintenait totalement sous son contrôle, avec une force insoupçonnable. La main qui la bâillonnait était aussi cruelle que celle qui lui avait enserré le bras. Les yeux de la pauvre jeune fille étaient exorbités de terreur. Une larme roula de sa joue rougie pour se perdre jusqu’aux phalanges d’Alyss. Elle tremblait de tout son corps et on pouvait voir les battements frénétiques de son cœur pulsés contre la fine peau de sa gorge pâle.

L’autre jeune femme avait beau essayer de la persuader qu’elle ne voulait aucun mal à la petite fille, au contraire, ce genre d’explications avaient peu de poids quand elles étaient exposées l’arme au poing.
Sous la menace, Verica s’empressa d’acquiescer d’un signe de tête nerveux. Elle ne dirait rien, à personne, rien du tout, tout pour sauver sa vie. On lui faisait savoir qu’elle n’avait pas intérêt à dire le contraire. Elle ne voulait pas mourir, pas maintenant, pas échevelée, en chemise de nuit et en ayant à peine vécu, pas dans une maison dans laquelle elle s’était toujours sentie en sécurité.
Pourtant une petite parcelle de son esprit était avide de croire que cette situation n’était qu’un simple malentendu, un bête concours de circonstance. Mais la part rationnelle de son cerveau n’arrivait pas à concevoir l’absurdité de cette explication. Les circonstances ne jouaient pas en faveur d’Alyss, si ce n’était la scène que Verica avait surprise, Merilin jouant à la poupée avec elle. Tout ceci était aussi logique qu’un mauvais cauchemar.
Elle se surprit pourtant à croire malgré tout que l’autre femme puisse dire une part de la vérité. Ou du moins en partie. Qui pouvait ne pas aimer une enfant aussi belle et vive que la petite Merilin, au sourire charmant ? Elle se raccrochait à cet espoir comme à une planche dans la tempête.

Finalement Alyss relâcha sa prise et le poignard s’évapora aussi vite qu’il était apparu. Verica emplit ses poumons d’une grande bouffée d’air. Il lui semblait avoir arrêté de respirer une éternité. Son regard restait braqué sur son assaillante. Elle resta plaquée au mur de peur que le moindre mouvement en avant ne réveille de nouveau le cobra qui s’était miraculeusement apaisé. La main sur sa joue lui tira un couinement de terreur qui ne plaidait d’ailleurs pas en faveur de son faible courage.
Comment cette femme pouvait d’une seconde à l’autre changer à ce point de personnalité ? Pour agir si légèrement envers une personne qu’elle tenait au bout de sa lame quelques secondes plus tôt, il fallait qu’il y ait quelque chose de cassé en elle… Les mots « pitié » et « s’il vous plait. » et « pourquoi ? » voulurent s’échapper en même temps de la gorge de Verica, en résulta un baragouinage inaudible qui ne sembla pas émouvoir Alyss outre mesure.
Comment pourrait-elle retourner dormir après ça ? Comment pourrait-elle de nouveau dormir du tout ? Elle ferait des cauchemars de ce regard et de cette dague pendant des mois, elle en était certaine ! Mais Alyss allait partir, emportant avec elle cette horrible nuit pour, elle l’espérait, ne jamais plus revenir.

Et elle avait espéré bien trop vite. Un bruit au rez-de-chaussée attira brusquement l’attention des deux femmes qui se figèrent d’un même élan. Il y avait quelqu’un ou quelque chose là-bas. Verica sentit son cœur se figer net dans sa poitrine. Plus prompte à réagir, Alyss la tira sans ménagement dans la pénombre. La jeune gouvernante, l’esprit paralysé par deux envies opposées, celle de crier à l’aide et celle d’obéir sans discuter, se laissa chahuter comme une poupée de chiffon.

Les deux femmes se tenaient à présent collée l’une à l’autre dans le plus petit espace qui pouvait les contenir, dans un silence absolu, le souffle coupé, l’oreille à l’affût. Ce n’est qu’à ce moment que Verica osa un regard de côté.
Avec le recul, elle aurait dû s’en douter… Cette femme-là, malgré ses apparences dociles, était trop belle, trop exotique, trop droite, pour être une véritable servante. On la remarquait peu certes mais de façon différente. Une différence invisible pour un œil qui ne s’attardait pas. A croire que Verica avait été tellement stressée par la perspective de rencontrer la terrible Nivraya de Gardelame qu’elle en avait perdu toute attention. Il était aussi facile de voir maintenant qu’elle savait comment regarder, maintenant qu’elle savait quel fauve se cachait sous cette enveloppe inoffensive. Et à présent, elle se demandait ce que cette négligence allait lui coûter – leur coûter.

C’est d’une voix chevrotante, très basse, les mains levées et le regard fixé sur le poignard réapparu, qu’elle répondit à la question d’Alyss :

« - Personne, commença-t-elle avec inquiétude. Le Seigneur Aratan est resté au Sénat pour la nuit. Il n’y a qu’un des hommes de Maître Thorondil de garde, mais dans la cour. Normalement il n’a pas le droit de rentrer plus loin que le hall sans y avoir été invité. » Puis se rendant compte de ce qui venait de sortir de sa bouche, ajouta avec empressement « Pitié, je ne dirais rien, je ne crierais pas. Ne lui faites pas de mal, je vous en prie... C’est un brave homme et sa pauvre mère n’a que lui… »

La peur qu’Alyss ne se débarrasse sans ménagement du garde – danger potentiel – lui tordait les boyaux. A dire vrai, elle était bien plus inquiète de la menace bien réelle que représentait Alyss que celle, plus vague, de quelques bruits étouffés un étage plus bas, qui pouvaient aussi bien être le fruit d’une simple poutre qui craquait sous le poids du temps.

La conversation pourtant n’alla pas plus loin et fut interrompu par une arrivée inattendue.

« - J’ai rangé mes jouets Verica, s’il te plait ne sois pas fâchée… »

La petite Merilin se tenait à la porte de sa chambre, les yeux encore rougies, l’aile de sa peluche fermement serrée dans sa main gauche. Comme souvent chez les enfants, elle était persuadée que si les adultes se disputaient ça ne pouvait être que de sa faute. Devant l’étrange scène des deux jeunes femmes recroquevillées dans l’obscurité, elle se figea.

« - Isra, qu’est-ce qui se passe ? » demanda-t-elle, au seuil de la détresse.

Verica se tendit comme un arc alors qu’elle sentait Alyss faire de même à ses côtés. Les mots de Merilin résonnèrent sur le palier désert, un gong dans le silence. Si intrus il y avait, la petite voix délicate l’attirerait comme un papillon vers une flamme.
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Nivraya
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyVen 28 Fév 2020 - 14:57
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L'esprit d'Alyss ne dispose pas de cette intelligence émotionnelle, de cette subtilité et de cette agilité avec les mots dont jouit Nivraya. Elle n'est pas une femme de paroles, encore moins de grands discours rassurants. Au contraire, elle aime à se murer dans un silence pensif, pour contempler ses options. Ses yeux, par contre, sont ceux d'un félin prêt à bondir, et ils se livrent à une série de calculs dont la complexité échappe sans doute au commun des mortels.

Elle additionne les paramètres, et essaie de dresser un portrait mental de la situation à partir de ce qu'elle connaît. La cartographie du couloir est déjà réalisée, celle de ses options de fuite également, tandis qu'elle essaie de positionner mentalement les différents acteurs de cette sinistre pièce. Merilin, dans la pièce derrière elle, soigneusement barricadée derrière une épaisse porte de bois conçue pour résister aux assauts modérés d'un voleur. Une sage précaution de la part du fauconnier, sans doute. Verica, ensuite, qui se trouve derrière elle, à la fois un atout à protéger et une menace à considérer si d'aventure la jeune servante entend profiter de la situation pour s'en prendre à la voleuse.

Et puis la menace.

Alyss est encore bien incapable de lui donner une forme ou un visage, mais elle est de plus en plus convaincue que quelque chose se tient là, en bas, à renifler et à traquer quelque chose… ou quelqu'un. Son attention bascule un instant vers la chambre d'enfant.

Merilin ?

La voix chuchotée de Verica la sort de ses pensées et la ramène immédiatement au cœur de l'action. Un seul mot, prononcé à voix basse, suffit à glacer le sang de la combattante. « Personne ». « Personne » n'est censé se trouver dans la demeure, ce qui signifie que l'intrus est forcément ici en infraction. L'explication de la servante n'est guère convaincante. Un des hommes de Thorondil se serait soudainement introduit dans la demeure alors qu'il n'y est pas autorisé ? Peu probable. Alyss ne répond ni à cette nouvelle information, ni à la supplique de Verica de ne pas lui faire du mal. Son esprit est déjà en mouvement, concentré sur les autres possibilités qui défilent devant ses yeux ouverts.

Qui peut bien se trouver en bas ?

Un autre voleur, peut-être, venu profiter du sommeil de plomb des habitants pour leur dérober bijoux et autres objets précieux ? C'est une possibilité, auquel cas la situation est parfaitement sous contrôle. Alyss est parfaitement placée pour savoir que les cambrioleurs ne sont guère des gens courageux, et qu'ils préfèrent prendre la fuite plutôt que d'aller à l'affrontement direct avec les gardes d'une maison.

Mais s'il ne s'agit pas de ça ?

S'il s'agit d'autre chose, de plus sombre ? Un assassin ? Mais encore une fois, pour tuer qui ? Merilin ? Pourquoi n'est-il pas déjà à l'étage, une sinistre dague en main, prêt à fondre sur sa proie ? La jeune femme a du mal à croire qu'un tueur expérimenté se serait introduit dans la demeure de Kervras sans avoir pris soin de repérer les lieux, et de planifier soigneusement son forfait. Elle pousse un soupir de soulagement.

Un sicaire serait déjà dans la chambre, en train de trancher la gorge de la petite.

Tout à coup, elle tressaillit en entendant un chuintement dans son dos. Pendant une brève seconde, son cœur s'arrête de battre, et elle demeure là, figée, à peine capable de se retourner. Surprise deux fois dans la même soirée ? Premièrement par une servante ingénue au regard effrayé, et maintenant par un assassin qui vient sans doute d'éliminer l'enfant qu'elles étaient toutes deux censées protéger ? Un éclair de douleur transperce sa poitrine, et sa main se referme involontairement sur le manche de son poignard.

Si combat il doit y avoir, ce sera un combat à mort.

La tension extrême qui agite ses muscles fins et élancés se dissipe immédiatement quand elle entend la voix juvénile de Merilin, adorable dans son innocence, et paradoxalement le plus grand danger à l'heure actuelle. Alyss la regarde avec un mélange de soulagement et d'effroi, de bienveillance et de terreur. Elle a envie, comme l'a fait Verica un peu plus tôt, de prendre la petite dans ses bras pour célébrer le fait qu'elle soit encore en vie. Toutefois, elle ne peut s'empêcher d'écouter au rez-de-chaussée, et de n'entendre que le silence assourdissant qui fait écho à ses propres pensées galopantes.

L'intrus n'a pas pu ne pas entendre la petite.

Et ce silence indique qu'il considère ses options.

Alyss se baisse sur un genou et pose une main sur l'épaule de Merilin comme elle le ferait avec un autre guerrier. Le geste est curieux, martial, inapproprié pour une femme – a fortiori une soi-disant servante –, mais il accompagne parfaitement la gravité des paroles que prononce la Fée :

- Tout va bien Merilin, chuchote-t-elle. Tout va bien. Verica va t'emmener dans ta chambre, et vous allez y rester un peu, d'accord ?

Sa voix est mécanique, son sourire mal assuré. Elle jette un regard à l'autre adulte de la pièce, essayant de lui faire comprendre sans paroles qu'il est temps de se retrancher. La porte a une serrure qu'il est possible de crocheter, mais qu'il est difficile de briser. A moins que l'assassin ne soit aussi un cambrioleur, il y a peu de chances qu'il trouve un moyen discret d'ouvrir la porte.

Gagner du temps.

Alyss se lève, et accompagne du geste Verica pour qu'elle rentre dans la pièce. Sans un mot. Sitôt que les deux innocentes se trouvent enfermées, la voleuse retrouve sa concentration. Sa respiration se fait plus profonde et plus calme. Elle connaît parfaitement ces situations, la peur d'être surprise à chaque seconde, le sentiment que des yeux vous regardent. Elle est entrée dans suffisamment de demeures pour avoir appris à canaliser ses propres angoisses, et pour savoir déployer ses sens de manière intelligente.

Ses pupilles se dilatent à la recherche du moindre rayon de lumière, tandis qu'elle s'aventure au sommet de l'escalier. Voilà la plus grande menace. N'importe qui peut l'attendre au pied des marches, conscient qu'elle est contrainte de passer par ce chemin étroit et parfaitement défini. Un arbalétrier habile n'aurait qu'à se tenir prêt à l'autre extrémité, et elle serait morte avant d'avoir entendu le claquement de la corde.

Elle pose le pied sur la première marche.

Grincement.

Immédiatement elle le retire, comme un chat prudent ayant posé la patte sur une poutre instable. Une petite grimace agacée accompagne sa tentative. Elle demeure silencieuse, tendant l'oreille.

Rien.

Pas un son, sinon celui du vent qui souffle au dehors. Elle hésite, incertaine. N'importe qui pourrait se tenir là, en bas, à l'attendre… Le visage de Merilin s'impose dans son esprit, comme une source de motivation supplémentaire. Pour défendre cette petite, y a-t-il quelque chose qu'elle ne serait pas prête à faire ? Aurait-elle peur d'affronter le danger alors qu'elle est aussi insaisissable que la mort elle-même, et plus vive que la foudre depuis les cieux enragés ? Une Fée ne peut mourir, après tout.

Sans penser davantage aux conséquences, elle s'élance aussi vive que furtive, et gagne le pied des marches en une fraction de seconde, seulement pour se jeter au sol avec empressement. Son corps dérape sur le parquet lustré, et se loge derrière un coffre épais et solide où la famille de Kervras entrepose probablement bottes ou manteaux. Une excellente cachette qui protège efficacement la petite Haradrim. Elle n'a pas entendu le moindre bruit suspect, celui du claquement caractéristique d'une arbalète, ou bien d'une épée qu'on sort du fourreau.

Parfait.

Profitant de son avantage, elle se redresse et se coule le long d'une table qui lui sert d'abri, les deux mains désormais pourvues d'une lame tranchante dans le cas où quelqu'un s'approcherait d'elle. Ce sont des couteaux de lancer, équilibrés de sorte à pouvoir traverser rapidement la pièce pour se ficher avec une précision mortelle dans la gorge de n'importe quel adversaire. Cependant, ils peuvent aussi faire merveille au corps à corps, et Alyss en a acquis une maîtrise effrayante, si bien qu'elle plaint intérieurement quiconque est assez fou pour oser la défier.

Tête basse, elle se déplace derrière les chaises en jetant des regards furtifs autour d'elle. Plusieurs portes lui apparaissent fermées, mais un rai de lumière blafarde jaillit sous l'une d'entre elles, comme si on avait laissé la lumière de la lune y pénétrer. Elle s'y précipite, consciente que le temps joue contre elle si quelqu'un a entendu sa cavalcade effrénée.

La porte se déplace sans résistance sous ses doigts.

Un mouvement dans les ombres, près de la fenêtre ouverte vers l'extérieur.

Il n'en faut pas plus pour que jaillisse le poignard argenté.


~ ~ ~ ~


Soigneusement caché dans un petit renfoncement, il attend.

Les minutes semblent défiler à une lenteur extrême, alors qu'il joue nerveusement avec la lettre qui semble occuper l'entièreté de ses pensées. Il regarde à droite, puis à gauche, en espérant que personne ne viendra le surprendre ici. Les ombres le cachent admirablement bien, mais sa nervosité seule pourrait révéler sa position.

Son cœur bat encore la chamade. Les bruits de pas à l'étage, la petite voix enfantine…

Pendant un instant, il a cru avoir été découvert. Alors, suivant son instinct le plus primaire, il s'est tapi comme une perdrix dans les fourrés. Recroquevillé sur lui-même, les yeux à la recherche du moindre danger, il a reculé précautionneusement en essayant de trouver une autre issue. La porte principale demeure inaccessible, probablement bloquée par une série de verrous qu'il serait trop complexe et bruyant d'actionner. La fenêtre par laquelle il s'est introduit, une petite lucarne percée en hauteur, exigerait un effort trop important et, s'il était pris, le laisserait un bien mauvaise position. Restent alors deux options : la porte de la cour, qui donne droit sur le garde en faction qui ne se doute pour le moment de rien ; et la fenêtre du bureau, qui, en plus d'être particulièrement étroite, se trouve malheureusement en hauteur et l'expose à une chute douloureuse.

Soudainement, des bruits de pas l'alertent. Il penche la tête, et aperçoit une silhouette solitaire qui se dirige vers lui.

Son premier réflexe est de partir en courant, mais il demeure pétrifié.

Dans sa main tremblante, une missive de la plus haute importance.


~ ~ ~ ~

Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] Alyss10


Alyss frappe doucement à la porte de la chambre de Merilin, et se presse contre l'huis pour parvenir à se faire entendre sans avoir à hurler pour autant :

- J'ai trouvé notre fauteur de troubles, vous pouvez ouvrir…

Elle se veut rassurante, mais tout à coup la perspective de voir Verica garder la porte fermée lui traverse l'esprit. Après tout, cette jeune femme ne la connaît pas, et a toutes les raisons du monde de se méfier de cette intruse découverte au sein même de la chambre de Merilin. Comment lui reprocher de défendre de toutes ses forces la vie de sa jeune protégée ? Le silence qui fait écho à la demande de la petite Haradrim lui laisse le temps de ressentir une profonde inquiétude. Mille pensées traversent soudainement son esprit, et elle commence à réfléchir à ses options pour quitter discrètement la demeure sans être repérée.

Un seul garde.

Une multitude d'ouvertures qui, bien que relativement peu accessibles, demeurent tout à fait à sa portée si elle doit essayer de se faufiler vers la liberté. Elle n'a pas exploré la moitié des pièces de la maison, mais elle est prête à parier que d'autres fenêtres similaires à celle de la chambre de Merilin ont été percées dans les différentes pièces à l'étage. De quoi lui permettre de sortir sans être vue si besoin est.

Les secondes défilent, interminables, avant que la porte ne bouge finalement. Elle s'entrouvre, révélant le visage soucieux de Verica et son tisonnier.

La Haradrim interrompt toute tentative belliqueuse ou amicale en présentant l'ennemi public soigneusement tenu en respect. Il se débat entre ses griffes, mais elle n'a aucune pitié pour le malheureux dont les pieds touchent à peine le sol. Devant le regard incrédule de la servante, Alyss ne peut que lâcher sur un ton enjoué :

- Oui, ce n'était qu'un chat !

Son visage aux traits exotiques se pare d'un sourire adorable, alors qu'elle cajole l'animal. On l'a souvent comparée à un chat errant dans sa vie, et elle a toujours eu une affection particulièrement pour ces créatures qui dégagent à la fois une forme d'élégance et de raffinement. Au Harad, on se méfie parfois de leur présence, et d'aucuns les considèrent comme des espions : Alyss n'en a jamais eu peur, et s'est toujours amusée de cette réputation qu'elle trouve au contraire flatteuse. De grands yeux qui semblent voir des choses que les humains ne peuvent concevoir, des oreilles si affûtées qu'elles détectent le danger avant même qu'il ait le temps d'apparaître. Que ne donnerait-elle pas pour avoir des sens aussi aiguisés ?

- Il traînait dans le bureau, et je lui ai fait peur… Là… C'est terminé, pauvre petit.

Le poignard ne l'a effectivement manqué que d'un cheveu. S'il s'était agi d'un homme, elle l'aurait touché en plein cœur, et le petit félin n'a dû sa survie qu'à sa taille réduite. Un peu plus à droite, et elle le transperçait de part en part.

- Il est probablement rentré par la fenêtre, elle était restée ouverte. Regardez comme il est mignon.

Elle le dépose dans les bras de Verica sans lui demander son avis, et en profite pour se glisser dans la pièce. Il est presque insultant de constater qu'elle ne considère en aucun cas la servante comme une menace, et qu'elle se déplace auprès d'elle avec décontraction, sans même craindre le tisonnier qu'elle tient pourtant bien en main. L'arme de fortune pourrait pourtant la tuer si elle était maniée par des mains expertes, mais Alyss a l'œil trop aguerri pour se laisser abuser par une mine renfrognée : elle voit dans la rigidité de la posture toute l'inexpérience de son éventuelle adversaire, et anticipe d'ores et déjà le mouvement. Une frappe de taille, un mouvement trop ample, trop facile à lire, et trop facile à contrer.

Une tentative désespérée qui ne rencontrerait hélas aucun succès.

Cela dit, quiconque connaît la femme du Sud peut dire qu'elle n'est pas totalement naturelle. Elle est inhabituellement nerveuse, parle plus rapidement que d'habitude, et son esprit semble préoccupé par une idée fixe à laquelle elle finit par aboutir l'air de rien :

- Au fait, Verica… La lettre de Dame Nivraya… qu'en avez-vous fait au juste ?


~ ~ ~ ~


- Crétin !

La claque qui s'abat sur son oreille est plus humiliante que douloureuse, mais elle le force à baisser la tête. Il n'a d'autre choix que de rester là, car reculer donnerait une raison à son client de se moquer de lui une nouvelle fois, et de le rabaisser à nouveau. Alors il s'efforce de se tenir droit, et de faire comme s'il ne sentait pas son oreille rougir et chauffer.

- Ce n'est pas la bonne lettre, idiot ! Bon sang, comment ai-je pu te faire confiance ? Tu m'avais pourtant dit que tu réussirais, non ?

- J-Je n'en ai trouvé qu'une qui portait ce symbole, et… et tu m'avais dit que ce serait simple.

- Tu essaies de te trouver des excuses ?

Le voleur couine quand une nouvelle gifle vient le rappeler à l'ordre. Il ferme les yeux pour ne pas pleurer, mais ses yeux sont déjà embués. Il n'a jamais pu s'habituer à la violence, quand bien même il lui semble n'avoir jamais connu que ça dans sa brève existence. Le monde extérieur lui a toujours paru brutal et mesquin, et choisir le moindre mal est la seule solution qu'il a trouvée pour continuer à vivre.

À survivre.

Son client reprend, autant pour le voleur que pour lui-même :

- Il ne s'agit que d'une bête affaire économique, une lettre envoyée par son infirme de mari… Tu m'as pourtant bien dit que c'est la servante qui avait ramené la lettre, hm ?

- Oui, oui je me souviens l'avoir vue avec le grand type. Et depuis, je la surveille, mais quelque chose a pu m'échapper.

Le client se retient de hurler. À cette heure, il vaut mieux éviter d'attirer l'attention, même si les rues semblent désertes. Il reprend en essayant de dissimuler sa rage :

- Rien ne devait t'échapper, rappelle-toi. Tu sais ce qui se passera, si tu échoues ?

- Oui, je sais bien… Mais je vais me rattraper, je vais y retourner et trouver la lettre, c'est promis. J'ai peut-être mal cherché, il y avait beaucoup de documents et…

- Chut, je réfléchis.

Le voleur se tait. Il est habitué à le faire, et retrouve dans le silence une forme de confort. Au moins, personne ne lui hurle dessus ou n'est en train de s'en prendre à lui physiquement. Le silence est rassurant, car il signifie qu'il n'y a pas de danger, que tout est calme, que personne ne va l'arrêter ou le tabasser dans la rue. Une partie de lui aimerait bien vivre dans un endroit totalement silencieux, et c'est la raison pour laquelle il préfère la nuit au jour. Quand tout le monde dort, il lui semble presque possible d'entendre la musique des dieux. Si seulement le monde entier pouvait se taire…

- Tu m'écoutes gamin ?

- Hm ?

La claque sur son oreille le ramène à la réalité un peu plus vite que nécessaire, et cette fois il se tient la joue pour dissiper le bourdonnement qui lui descend jusque dans la mâchoire. Il hoche la tête positivement, et se montre attentif pour éviter une nouvelle correction :

- Je disais que ça ne servait à rien de t'introduire de nouveau dans la demeure de Kervras. Tu risques surtout de te faire prendre, et je n'ai pas envie de venir te libérer de prison, tu comprends ?

Nouveau hochement de tête.

- Garde un œil sur la fille, quoi qu'il arrive. J'enverrai Tan Jala t'aider quand il sera de retour à Annúminas.

- Non Zaël, je t'en prie, ce n'est pas nécessaire. Je…

- J'ai pris ma décision.

L'homme rabat son capuchon sur sa tête, mettant symboliquement un point final à leur conversation. Désormais qu'il a distribué ses consignes, il n'entend pas négocier plus avant avec un gamin décevant, incapable d'exploiter pleinement son potentiel. Il a en outre des choses bien plus importantes à faire, et des nouvelles à transmettre en haut lieu.
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Thorondil
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptySam 21 Mar 2020 - 0:50
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L’attitude de l’intruse envers sa petite maîtresse étonna beaucoup Verica. Malgré la froideur et la menace qu’elle avait affiché envers la servante, Alyss se comportait avec ce qui se rapprochait à de l’affection envers Merilin, quoi qu’un peu gauchement. Elle avait l’air d’une femme qui n’avait jamais eu à interagir avec des enfants de sa vie. Si Verica n’était pas entrée dans un état de fébrilité compréhensible, elle se serait peut-être interrogée sur la raison de tout ça, mais l’inquiétude de la soi-disant servante de Dame Nivraya était contagieuse et le regard impérieux ne laissait aucune place à l’opposition.
Verica acquiesçât d’un signe de tête nerveux avant d’attraper la petite fille par les épaules et la mener d’un geste ferme dans la chambre. Elle-même conduit d’une façon fort similaire par Alyss.

La grande pièce décorée avec goût ne lui avait jamais semblée menaçante auparavant. Comme elle l’avait annoncé, Merilin avait effectivement tout rangé mais la gouvernante ni prêta pas un œil. A présent il lui semblait entrevoir un danger dans chaque recoin sombre. Comment Alyss avait-elle pu pénétrer dans la pièce après tout ? Verica planta une Merilin au regard perdu au milieu de la pièce pour aller barricader la porte avec une chaise – qu’elle avait été idiote de laisser son trousseau de clefs dans sa chambre ! – puis entreprit de fermer solidement les volets intérieurs de la grande fenêtre. Enfin elle récupéra le tisonnier qu’elle avait laissé choir là plus tôt.
Elle revint alors vers la petite fille qui n’avait toujours pas bougé et prit le parti de l’occuper de son mieux. Mais un coin de son esprit ne voulait pas la lâcher. Et si tout cela n’était qu’une ruse d’Alyss pour pouvoir fouiller la maison du Maître sans obstacle ? Elle avait beau se dire que cela lui semblait un plan bien complexe et tiré par les cheveux, elle ne pouvait s’empêcher de penser que, peut-être se contentait-elle de prendre mauvaise décision sur mauvaise décision et qu’à son retour Maître Thorondil la ferait chasser sans ménagement à la vue des dégâts. Son poing se serra sur son arme de fortune à cette pensée. Elle ne voulait pas retourner dans sa famille.

« - Dites-moi Mademoiselle Merilin, comment avez-vous appelé cette jeune femme ? »

La petite fille pencha sa tête sur le côté comme un petit chiot curieux.

« - C’est Isra. C’est mon amie. » Puis elle se mit à trépigner comme si elle essayait physiquement de retenir des mots qui menaçait de s’échapper « C’est un secret, je crois… J’ai pas le droit de le dire. » finit-elle par avouer d’une mine dépitée.

Verica fronça les sourcils. C’était bien la première fois que la petite fille faisait des cachoteries. Cette Alyss avait une mauvaise influence !

« - Pas le droit de dire quoi… commença-t-elle avant qu’une pièce du puzzle ne se mette en place et qu’elle se rappelle les fanfaronnades de la petite auprès de ses amies. La fée ! C’est de cette femme dont vous parliez avec vos amies… »

La petite Merilin eut l’air horrifiée d’avoir ainsi malencontreusement révélé le secret de sa fée à une adulte. Les larmes commencèrent à lui monter de nouveau. Verica manqua de paniquer.

« - Non non non, Mademoiselle, ne pleurez pas !... Je… Moi aussi je suis dans la confidence. Vous avez bien vu que nous nous connaissions tout à l’heure, pas vrai ? »

C’était visiblement la bonne chose à dire car Merilin se calma immédiatement. Un sourire ravi apparu sur ses lèvres. Verica en profiter pour jeter un coup d’œil nerveux en direction de la porte.

« - C’est ton amie aussi ?! »
« - Heu… en quelque sorte… »
« - Mais comment fais-tu pour l’invoquer ? Papa t’as donné une statue magique à toi aussi ? »


Elle semblait à la fois heureuse et déçue de ce dernier état de fait. Verica, quant à elle, était complètement perdue.

« - L’in… voquer ? Je crains de ne pas… »

La petite se précipita alors vers son précieux coffret et en sortit de nouveau la figurine représentant Alyss avant de la secouer devant sa nourrice qui eut toutes les peines du monde à ne pas loucher.
Elle n’avait pas encore eu le temps d’examiner en détails les nouvelles créations de son maître. Il ne lui avait pas échappé que le fauconnier usait de modèles vivants pour ses créations ni le lien particuliers qu’il semblait entretenir avec chacun d’eux. Et elle ne pouvait que faire des suppositions sur les raisons qui poussaient le fauconnier à faire de tels cadeaux à son enfant, une en particulier, bien qu’elle n’oserait jamais en demander la confirmation au principal concerné. Prise dans ses réflexions, elle faillit en oublier de répondre à sa petite protégée.

« - Non Mademoiselle, je n’ai pas de figurine, je… la croise. »

La petite eut une mine songeuse. Après un moment, elle sembla accepter la réponse et retourna ranger sa poupée. Verica en profita pour aller revérifier sa barricade à la porte.  Le temps lui paraissait bien long, et le doute revint aussi vite.

Au bout d’un temps qui lui paru infini, on toqua à la porte. Doucement. Verica se tendit aussitôt. Elle ordonna à la petite fille de se cacher entre les rideaux de son lit à baldaquin, et leva le tisonnier qu’elle tenait fermement, prête à frapper. Puis une voix basse, qu’elle reconnut immédiatement comme celle qu’il l’avait menacée plus tôt. Alyss… Mais devait-elle vraiment ouvrir ? Il serait plus facile de se terrer ici jusqu’à l’aube, quand le seigneur Aratan, de retour après une nuit de débat de Sénat pour une brève toilette, chasserait l’intruse de sa présence. Elle tremblait derrière le battant sans parvenir à se décider Prudemment, elle finit par entrouvrit la porte. Un seul œil noisette apparu d’abord à Alyss. Toujours aussi tendue mais avec un soupire résignée, elle désencombra le passage et ouvrit un peu plus grand… Pour se retrouver devant une vision des plus étranges. Quoiqu’elle n’arriva pas à décider de laquelle des scènes de cette nuit était la plus folle.

- Oui, ce n'était qu'un chat !

Verica écouta, stupéfaite, les explications et se retrouva avec l’animal, passablement outré dans les bras.

« - Oh !!! Un chat !!! Un mignon petit chat ! » s’exclama Merilin qui, sitôt entendu la voix d’Alyss, était sortie de sa cachette sans la moindre précaution.

Il y eut un silence. Long. Très long. Puis soudain un éclat de rire hystérique, suivi d’un fou rire frénétique. L’esprit de Verica, tout à fait sous le choc de cette situation chaque seconde plus absurde, n’avait trouvé que le rire pour évacuer la tension accumulée. Un rire frais, bien qu’un peu fou, qui se raisonna dans chaque pièce de l’étage en ricochant sur les murs de pierres. Les larmes lui montaient aux yeux et son ventre se tordait sous l’effort, pourtant la jeune gouvernante se sentait bien incapable de s’arrêter à ce stade. Elle se tenait les côtes tout en tentant, en vain, d’étouffer sa voix d’une main.
Il lui semblait qu’Alyss la regardait comme si elle était folle. Merilin, beaucoup plus sensible aux humeurs de sa nourrice, ne fut pas longue avant de la rejoindre dans son hilarité libératrice. La tension, peu à peu, quitta son corps et les soubresauts de ses épaules s’apaisèrent lentement. Ses yeux étaient encore brillants et ses joues rougies.

- Au fait, Verica… La lettre de Dame Nivraya… qu'en avez-vous fait au juste ?

Verica reprit ses esprits. La défiance revint danser au fond du regard noisette. Sa main se resserra autour de son arme de fortune sans pour autant la relever au dessus de sa tête. A quoi bon, elle ne faisait clairement pas le poids, ce point ayant été largement prouvé précédemment. Elle s’humecta les lèvres plus que de raison, pour gagner un peu de temps de réflexion avant de répondre. Que pouvait-elle faire ? Mentir ? Dire la vérité ? Elle pouvait au mieux se contenter de demi-vérité qui ferait aussi bien l’affaire.
Mais il y avait quelque chose. Une sorte de curiosité morbide qui la poussait vers cette pseudo-servante aux allures d’assassins. Une attitude qui n’était pas sans rappeler les insectes attirés par la flamme des torches et qui, voletant d’avant en arrière autour, risquaient à tout instant de s’en brûler leurs ailes si fragiles. Le tisonnier dans une main ballante, un chat indigné à demi pendu à son bras opposé, une petite fille au visage poupon accroché à sa jupe, et ses grand yeux écarquillés, fixé sur Alyss… quel drôle de spectacle elle devait être !

« - Je… Heu… » Elle eut alors le ridicule réflexe de chercher à l’emplacement habituel de ses poches la missive en question dans la plus risible des danses, les mains chargée qu’elle était, avant de se rendre compte qu’elle se trouvait là en chemise de nuit dans la situation la plus grotesque de son existence. Elle releva la tête, les joues rosies de gêne face à son comportement étrange. « - Elle est à l’abri, avec la correspondance personnelle du Maître. »

Le fauconnier n’aimait pas beaucoup la paperasserie et se contentant d’un petit coffre caché derrière une pierre de sa chambre pour y regrouper ses plus importantes correspondances. Le bureau n’était guère utilisé que pour écrire quelques lettres et surtout servir au Seigneur Aratan en visite à la capitale pour ses devoirs sénatoriaux.
En pensant à cela, Verica pâlit légèrement. Le Maître Aratan allait être furieux s’il venait à s’apercevoir qu’une bête et des courants d’air avaient mis le bazar dans ses papiers officiels. Pourtant elle était persuadée d’avoir fermé toutes les fenêtres… Mais elle avait eu tant à faire la veille qu’elle n’en était pas bien sûre.

Elle tendit le chat à la petite fille qui s’en empara, les yeux brillants. La pauvre bête, contente de se trouver tenue convenablement, se mit à ronronner bruyamment, au plus grand plaisir de l’enfant.

« - Allez donc lui servir un verre d’eau fraiche dans la cuisine, Mademoiselle. Et donnez lui donc un peu de la viande fumée qui est sous le torchon »
« - Oui, Verica. »
« - Seulement un peu, Mademoiselle, ou il tombera malade ! »


Bien évidement, Merilin était déjà partie, descendant les escaliers avec prudence, le chat fermement tenu entre ses petits bras.

Verica attendit qu’elle soit hors de vue pour s’adresser à Alyss. Elle se sentait fébrile. La présence de l’enfant lui offrait la garantie de ne pas être brutalisée mais elle ne voulait pas avoir une discussion d’adultes devant la petite. D’aussi inutile qu’il lui soit, le toucher du tisonnier la rassura un peu.

« - Pourquoi cette question ? Votre maîtresse me l’a confiée. Êtes-vous ici pour la reprendre ? »
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Nivraya
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyVen 27 Mar 2020 - 17:33
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Le chat ronronne doucement dans les bras de la jeune fille, laquelle attire le regard attendri de ses deux nourrices. La première, tisonnier à la main, semble profiter de ce moment de répit pour reprendre ses esprits après s'être laissée aller à un fou-rire incontrôlable. L'hilarité générale aurait pu gagner Alyss, si la tension dans les muscles n'était aussi forte. Elle s'est contentée d'un petit sourire de circonstance, à peine capable de dissimuler son étonnement vis-à-vis de la réaction de la servante.

Ce rire nerveux, presque dérangeant, n'est que le reflet déformé de l'angoisse qu'elle a su péniblement contenir derrière cette porte fermée. Cependant, en balayant sa nervosité d'un esclaffement léger, elle a eu le mérite d'entraîner avec elle la petite Merilin. C'est encore son bien-être qui prime, et la voleuse ne peut s'empêcher de remercier les puissances du ciel et de la terre pour avoir épargné à l'enfant une inquiétude inutile.

Au lieu de quoi, elle se trouve debout en pleine nuit, à rire aux éclats avec sa nourrice et sa fée préférée. Transgression de toutes les règles établies, chat fortuit apparu comme par enchantement, et ce rire déconnecté de toute réalité… N'est-elle pas en train de marcher dans un rêve ? N'est-ce pas le cas des trois femmes rassemblées ici ?

Alyss est la première à les ramener dans le présent, soucieuse concernant la lettre de Nivraya. Le pli, dont elle ignore le contenu, lui semble tout à coup très important. Est-ce simplement parce qu'elle essaie de protéger sa maîtresse même après avoir été désavouée par celle-ci ? Le vestige ridicule d'un amour terni ? Ou bien est-elle seulement Alyss la Voleuse à l'intellect vif, capable de lier son sentiment de malaise étrange à la présence de cette lettre dans la demeure de Kervras ?

Un voleur aurait mille raisons de s'introduire dans la maison d'un sénateur pour y commettre un larcin, mais quel trésor mérite de risquer la peine capitale ? L'or et les bijoux, un voleur habile les trouverait ailleurs. La véritable richesse des maisons aristocratiques tient davantage au papier qu'au métal : titres de propriété, documents compromettants, livres précieux et autres feuilles à la valeur inestimable. Il serait tellement simple de mettre un sénateur dans sa poche en obtenant sur lui des informations précieuses. De quoi lui extorquer des sommes considérables sans y paraître.

Une reconversion possible pour la voleuse ?

L'idée lui traverse brièvement l'esprit, et se fiche dans l'arbre de ses pensées comme une flèche vibrante. Elle ne prend pas la peine de la décrocher tout de suite, consciente qu'un chaton doit bien se nourrir pour survivre. Elle revient cependant à sa question, et à la réponse de Verica.

« À l'abri ».

Un soupir de soulagement s'échappe de ses lèvres, et elle pose négligemment ses mains sur ses hanches. Voilà une nouvelle excellente. Au moins la servante a eu la présence d'esprit de mettre le document en lieu sûr, et de ne pas le laisser au vu et au su du premier intrus venu.

- C'est bien, répond Alyss avec empressement. C'est très bien. Ne prenez pas le risque de l'envoyer à Thor', j'ai peur que…

Son regard glisse vers Merilin. Est-il bien judicieux de parler de ces choses devant une enfant aux grandes oreilles, qui pourrait retenir des choses qu'elle n'est pas censée entendre ? La fée se penche vers la petite fille, et pointe un doigt vers le chat qui se laisse caresser sans broncher :

- On dirait qu'il un peu fatigué, il faudrait quelque chose pour le requinquer, non ?

Verica, qui comprend la manœuvre, prend le relais efficacement. Il est évident que cette femme est habituée à gérer les enfants, car elle pilote la fillette avec une dextérité incroyable. Sans que l'ingénue ne s'en aperçoive, elle est gentiment mise à l'écart avec le sentiment d'avoir une mission particulièrement importante, et une responsabilité de grande. La petite s'égaille en pépiant de joie, le chat dans les bras et le cœur heureux.

Comme les enfants sont charmants.

Alyss s'arrache à sa contemplation, et répond à Verica :

- Non, gardez la lettre. Laissez-la en sûreté, et n'en parlez à personne.

Elle s'approche de la fenêtre, et en ouvre les battants, puis les volets. L'air frais du soir s'engouffre dans la pièce, glissant sa peine à travers la chemise de nuit qu'elle a passée. La solide tunique de cuir d'Alyss la protège bien mieux de la fraîcheur nocturne, et qu'elle embrasse comme un vent de liberté rassérénant. Enfermée, elle se sent prisonnière, et il lui faut cette sensation de pouvoir plonger dans le vide pour se sentir complète.

- J'ai simplement un pressentiment… Reprend-elle. Une impression étrange…

Les mots lui manquent pour exprimer ce qu'elle ressent réellement. Comment le lui faire comprendre sans l'inquiéter ? Même si elle n'a pas obtenu la preuve formelle de la présence d'un individu dans la pièce, l'explication du chat ne la satisfait qu'à moitié. Par son entraînement, elle est habituée à envisager le pire sans attendre d'avoir des indices probants pour cela. C'est ainsi qu'elle a réussi à demeurer en vie aussi longtemps, et ce mauvais réflexe n'est pas prêt de la quitter. Prudente plus que de raison, elle sait que la demeure de Kervras est vulnérable – sa présence ici en atteste amplement. La vie de Merilin est donc en danger.

- Verica, souffle-t-elle en passant un doigt sur le cadre de la fenêtre qu'elle observe avec attention, j'ai besoin que vous fassiez installer un cadenas sur les volets de Merilin. Je vous en déposerai un demain. J'ai aussi besoin que vous fassiez changer la serrure de sa porte.

Elle s'approche de la porte, et sort de nulle part une sorte de grand clou en métal. Un objet dont l'utilité n'apparaît pas immédiatement aux yeux d'une profane, mais qui est très utile pour les acrobates comme Alyss. Il lui sert simplement de point d'appui lorsqu'elle escalade des parois particulièrement abruptes. Il lui suffit de gratter un peu le mortier, d'enfoncer profondément son clou entre deux pierres, et elle dispose soudainement d'une petite plate-forme stable à partir de laquelle il lui est possible d'observer ou d'ouvrir discrètement une fenêtre.

Elle enfonce le clou tranquillement dans la serrure, selon un angle particulier, puis donne un grand coup de pied dans le tout. Un « crac » sonore retentit, suivi du cliquetis métallique du verrou qui est allé rebondir sur le sol dans le couloir.

- Voilà, vous n'avez pas besoin d'inventer une excuse pour justifier votre course, comme ça.

L'esprit d'Alyss est simple, pour ne pas dire simpliste, et elle n'a en aucun cas pensé à ce que Verica à son employeur pour justifier l'état déplorable du verrou. Les détails techniques peuvent attendre.

- Adressez-vous au serrurier sur la place du beffroi, c'est un des meilleurs de la ville. Dites-lui que vous voulez sa serrure la plus perfectionnée, celle qu'il a utilisée pour le bureau de l'intendant Enon, au Palais.

La précision de la requête ouvre de nouvelles questions, mais est-il vraiment utile de demander à Alyss comment elle peut être au courant de tant de détails ? La petite Haradrim, qui semble inhabituellement agitée, observe tout autour d'elle avec fébrilité, cherchant quelles autres failles peuvent mettre en danger la vie de Merilin.

- Est-ce que vous voyez autre chose ? Pas d'autre accès à la chambre ? Une sortie de secours, peut-être ?

#Alyss #Zaël
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Thorondil
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyLun 30 Mar 2020 - 22:10
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Encore une fois, Verica resta ébahie par la familiarité d’Alyss envers son maître. Il fallait qu’ils soient proches pour qu’elle se permette de lui donner un tel surnom. Ou alors… la rumeur de la rue aurait-elle fait erreur en associant le Fauconnier à la Dame de Gardelame quand ce serait plutôt sa servante qu’il fréquentait ? Cela lui semblait encore plus curieux. Après tout, s’ils étaient tous les deux célibataires, pourquoi se cacher ainsi ? Même si fréquenter une servante pour un homme de sa position ne serait pas très bienvenue, Verica doutait que ce genre de considérations aient arrêté Thorondil.
Une autre curiosité s’imposa à elle. Quel genre de secret terrible se dissimulait dans le pli qu’elle avait rapporté avec elle de chez Nivraya ? Elle ne connaissait ni le contenu de la lettre d’origine ni celui de la réponse mais cela faisait beaucoup de mystère. Elle manquait cependant de l’imagination nécessaire pour appréhender les secrets réels ou supposés de ces choses là.

- Non, gardez la lettre. Laissez-la en sûreté, et n'en parlez à personne.

« - Mais… »


Plusieurs questions se bousculaient dans son esprit mais l’attitude d’Alyss ne lui laissa pas le temps d’en poser même une. Agitée, la jeune femme s’était pratiquement précipitée vers la fenêtre pour l’ouvrir toute grande. Le courant d’air qui entra fit frissonner Verica de la tête aux pieds. Elle laissa le tisonnier, préférant se servir de ses deux bras pour tenter de se réchauffer un peu. De toute façon, il ne lui était d’aucune utilité.

« - Un… pressentiment ? »

Autant dire que Verica aussi avait un pressentiment. Et il n’était pas bon du tout alors qu’elle regardait Alyss s’agiter dans la pièce en bondissant comme une sauterelle alcoolisée. Elle allait d’une entrée à l’autre, parlant de sécurité, de cadenas, de serrure. La gouvernante ne saisit bien le sens de ces phrases que lorsque la jeune femme enfonça avec grande violence un clou dans la serrure de la chambre de Merilin. Verica lassa alors échapper un couinement digne d’une souris piégée qu’elle se promit de nier jusqu’au jour de sa mort. La serrure, sous le choc, émit un craquement métallique et le ressors s’en alla voler et rebondir mille et une fois dans le couloir puis l’escalier.
Verica pâlit. Le Maître allait la tuer. Cette fois c’était bel et bien définitif ! Elle ne pourrait jamais justifier un pareil massacre.

« - Mais mais mais… Vous… Vous êtes folle ! »

Il y a avait un fort accent d’hystérie dans sa voix. Qu’allait-elle dire au Maître ? Désolée, mais une fée complètement dingue a donné un coup de pied dans la serrure et du coup j’ai dû en faire refaire une !!!! … Elle était tellement mal qu’elle se sentit prête à défaillir. Cette fois on y était, elle était virée, c’était sûr !… Tellement virée… Elle ne pourrait plus jamais retrouver la moindre place… Plusieurs secondes, elle garda la couleur crayeuse de son linge de corps.
Il lui fallut un moment mais elle se força au calme. Merilin pouvait revenir d’un instant à l’autre, sans compter que le garde dehors ne devait en aucun cas être alerté qu’il se passait quelque chose dans la maison.

« - Changer… Changer la serrure, d’accord. Changer la serrure. Le beffroi. L’in… L’intendant ? »

D’accord, cela allait définitivement trop vite pour elle. Mais il y avait bien une chose qu’elle avait retenue.

« - Ce n’était pas vraiment le chat, hein ?! Qu’est-ce que vous ne dites pas ? Ce n’est pas juste une intuition ! Le chat c’était quoi ? Une coïncidence ? Mais qu’est-ce que vous cachez ?! »

Mais Alyss pour l’heure ne lui répondit rien, se contentant de la presser sur les différentes issues. Elle semblait véritablement vouloir barricader la petite fille à l’intérieur de sa chambre. C’était ridicule. On n’enfermait pas une enfant dans une pièce comme on enferme un oiseau dans une cage. Verica aurait bien voulu lui faire comprendre ça mais Alyss insistait. Verica, elle, malgré sa peur et son incompréhension, ou peut-être à cause d’elles, commençait à perdre patience.

« - Je… Non, je ne crois pas. Le Maître a déjà fait installer des grilles aux cheminées… C’est une vieille demeure, il se pourrait bien qu’il y ait un passage secret datant de la construction de la ville. Ou pas. Je n’en sais rien !... Vous allez me dire ce qu’il se passe à la fin ?! »

Cela eut au moins le mérite de stopper l’autre jeune femme dans sa course fébrile. Elle ne devait pas s’attendre à une telle réaction de la part de la gouvernante. La pauvre Verica avait la respiration sifflante et saccadée. Elle voulait comprendre ce qu’il se passait et elle voulait comprendre maintenant !
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Alyss - L'innocence aux multiples visages [Nivraya] EmptyDim 7 Fév 2021 - 14:22


Il est bien difficile d’imaginer deux femmes plus différentes l’une de l’autre que peuvent l’être Alyss et Verica, alors qu’elles occupent théoriquement des fonctions similaires. Servantes, domestiques, bonnes à tout faire, elles assistent des individus puissants pour leur faciliter la vie, répondre à leurs moindres besoins, et les délester des tâches encombrantes du quotidien. Pour le fauconnier, il s’agit de s’occuper de sa précieuse petite fille, tandis que pour Nivraya il est davantage question d’espionnage, de vol, d’assassinat, et de bien d’autres missions toutes plus sombres et illégales les unes que les autres. Alors naturellement, la communication est difficile entre les deux.

L’esprit pragmatique et bondissant de la petite Haradrim se heurte au caractère terre à terre et très stable de l’Arnorienne, dont le domaine d’expertise n’inclut pas – curieusement – la destruction de serrures, l’escalade périlleuse, et le combat à mains nues. Ses questions interrompent Alyss en plein milieu de ses réflexions, et elle ouvre des yeux ronds devant l’air sincèrement perplexe de la jeune femme.

Le léger agacement teinté de crainte, qu’elle perçoit dans son ton, n’est certainement pas feint :

- Pardon, pardon… Je m’emporte… Je… Asseyons-nous, d’accord ?

Sans attendre, elle s’approche d’un fauteuil et s’installe dedans à la manière d’un chat : confortablement, mais prête à bondir au moindre signe de danger. Elle se penche vers Verica, et lui prend les mains :

- Désolée d’avoir réagi un peu… vivement. Je suis inquiète… Votre maître, Thor’, c’est quelqu’un de bien. Quelqu’un de vraiment très bien… Mais des gens lui veulent du mal. Et ils en veulent à Niv’ aussi… Vous comprenez pourquoi, j’imagine. Personne n’aime qu’ils soient arrivés là où ils en sont… Leurs actions, au service du roi, ne les ont pas forcément rendus populaires…

Elle soupire. C’est l’euphémisme du siècle. La sinistre tentative d’assassinat à l’encontre de Nivraya, à Gardelame, demeure un des épisodes les plus traumatisants dans la vie pourtant mouvementée de l’actuelle assistante de l’Intendant d’Arnor. Thorondil, s’il n’a pas fait l’objet d’attaques aussi directes, n’en demeure pas moins soumis à l’examen permanent de ceux qui lui reprochent de ne pas se fondre assez bien dans le moule de la noblesse arnorienne. La dignité dont il fait preuve en toutes circonstances, son désintérêt pour la richesse et les titres, tout cela contribue par contraste à ternir l’image des courtisans du roi qui se rassemblent à Annúminas dans l’espoir d’obtenir les faveurs de la monarchie. Ces mêmes courtisans auraient payé cher pour dénicher un scandale à propos de Thorondil, une histoire assez sombre pour le faire tomber en disgrâce et, mécaniquement, les faire revenir en grâce.

Elle craint cependant plus que des rumeurs et des bruits de couloir… Qui peut affirmer avec certitude que ceux qui jalousent Thorondil n’useront pas des mêmes méthodes que les adversaires de Nivraya ? Qui peut affirmer qu’un noble dépourvu de morale n’essaierait pas de s’en prendre à la fille unique, au trésor le plus précieux d’un homme qui n’a rien à perdre à part elle ?

- Ce chat est une coïncidence, je vous le jure… Mais ce n’est pas un chat que j’ai entendu tout à l’heure. Et vous non plus. J’ai le sentiment qu’il y avait quelqu’un dans la demeure, et si cette personne devait revenir, j’aimerais mieux qu’elle ne touche pas à un cheveu de Merilin, et ne s’introduise pas dans sa chambre aussi facilement que moi…

Son sourire moqueur ne fait que révéler la crainte qui l’habite. Elle a parfaitement conscience d’être entrée dans la chambre de Merilin sans la moindre difficulté, et tuer la jeune fille dans son sommeil n’aurait pas été sa mission la plus difficile. Elle a déjà fait bien pire, et elle ne se considère pas comme l’assassin le plus complet qui soit. A ses yeux, n’importe qui peut franchir la sécurité assez sommaire de la demeure de Kervras…

- Je ne vais pas pouvoir rester bien longtemps. C’est beaucoup de frayeurs pour une seule nuit, et je n’aurai l’esprit tranquille qu’après avoir fait le tour des environs pour m’assurer que personne n’y rôde. Vous voudrez bien embrasser Merilin pour moi ? Dites-lui que je reviendrai la voir dès que possible…

Il lui paraît bien compliqué de donner une date précise, tant l’avenir lui semble incertain, mais elle s’efforce de paraître rassurante :

- Tout ira bien, Verica. Pensez juste à changer la serrure, à installer un cadenas sur la fenêtre, et à faire attention à ne pas laisser entrer n’importe qui. Oh, et par rapport à cette histoire de passages secrets… Renseignez-vous, d’accord ? Ça pourrait être important.

Un clin d’œil espiègle plus tard, elle s’éclipse par la fenêtre, happée par les ombres de la nuit, battant des ailes jusqu’au royaume où s’évadent les fées à la tombée du jour.
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