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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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Redditions EmptyJeu 25 Juil 2019 - 23:56
Les grandes portes qui barraient l'accès à Isengard grincèrent, le bois craquant sous la pression, avant de se mettre à bouger légèrement. Les soldats qui en avaient la charge, arc-boutés pour déplacer les épais battants, eurent à peine le temps d'essuyer leur front couvert de sueur que passaient devant eux des cavaliers couverts de poussière. En voilà qui revenaient d'une longue patrouille, l'air las et la croupe endolorie. Ils avaient chevauché plusieurs jours durant, sous un soleil de plomb qui leur écrasait les épaules, et faisait bouillir ce qu'il y avait à l'intérieur de leur casque. Les montures souffraient au moins autant que les hommes dans ces conditions. Elles avaient le front bas, les sabots traînants, et les yeux fatigués. Les pauvres bêtes étaient au moins aussi impatientes que leurs cavaliers de pouvoir se délasser, et boire une eau fraîche bien méritée.

Parmi la petite compagnie, cependant, une silhouette singulière se distinguait au milieu des hommes en armes. Elle demeurait parfaitement anonyme, car recouverte d'un tissu, à l'évidence la cape d'un des soldats. Un prisonnier ? Sur ces terres frontalières loin de tout ? Sa présence attira l'attention de la troupe, et la plupart des hommes qui se trouvaient dans les environs, et qui virent la petite compagnie arriver, s'approchèrent pour voir de qui il s'agissait. Le capitaine mit pied à terre, et flatta l'encolure de son destrier, avant de le confier à un palefrenier :

- Reculez, reculez donc, pas de contact avec la prisonnière.

Un murmure passa dans l'assistance. Une prisonnière ? Voilà qui était bien surprenant, et chacun essayait d'imaginer à quoi elle pouvait bien ressembler, et surtout ce qu'elle avait bien pu faire pour être appréhendée par les troupes royales, et ramenée en Isengard.

- Dites sergent, y a moyen d'escorter la demoiselle jusqu'aux cellules ? Cria l'un des gardes goguenard. C'est pour rendre service, hein !

Un rire général s'empara des soldats. Il fallait dire que beaucoup d'entre eux étaient séparés de leurs familles, et que de manière générale la population d'Isengard était très largement masculine. Beaucoup d'hommes n'avaient pas touché de femme depuis fort longtemps, et certains se contenaient moins bien que d'autres. Les officiers en étaient conscients, et savaient qu'une discipline de fer devait être maintenue sous peine de voir les hommes se battre pour les beaux yeux d'une donzelle.

- Bien sûr, si tu as envie de t'acoquiner avec une sauvageonne du pays de Dun, ne te gêne surtout pas.

Les rires cessèrent, et le soldat qui avait pris la parole perdit de sa superbe. Personne n'appréciait les gens du Dunland, ici. Au mieux ils étaient d'étranges voisins que l'on accusait de voler les récoltes et le bétail à la nuit tombée. Au pire ils étaient d'infâmes ennemis historiques qui avaient failli plonger le Rohan dans le chaos et la misère. Les jours sombres étaient loin, mais les récits du passé se transmettaient de génération en génération, accentuant à chaque fois un peu plus le caractère effrayant et mesquin de ces hommes d'au-delà des frontières. Certains, bien rares, faisaient commerce avec eux, en leur achetant des denrées de base à bas coût contre des produits qui paraissaient luxueux à ces étrangers sauvages : des minerais, du fourrage, du blé. Des choses qu'ils peinaient à produire sur leurs terres arides et hostiles. Les rares contacts entre les deux peuples se faisaient au prisme d'une méfiance réciproque, et demeuraient confinés au strict minimum depuis des années.

La présence d'une prisonnière dunlending dans les parages était donc un petit événement, mais aussi une source de crainte. On racontait que les troupeaux du Rohan s'en étaient allés paître sur les contreforts des montagnes naines, un trajet long et dangereux, qui passait en partie par les territoires sur lesquels s'étendait l'autorité des hommes du pays de Dun. Les éored qui protégeaient les convois suffisaient souvent à dissuader les pillards et les bandes armées qui sillonnaient ces régions en quête de butin, mais la menace n'en demeurait pas moins réelle. Mieux valait ne pas se promener seul dans ces terres désolées.

- Bon, personne ne se porte volontaire je vois. Laissez-moi passer alors, je vais conduire la prisonnière auprès de la Lice, il verra ce qu'il en fera.

La foule se fendit comme si elle avait été frappée par une lance, et le capitaine fit aller la monture de sa prise du jour, laissant les soldats derrière lui avec leurs questions et leurs doutes.


~ ~ ~ ~


Le capitaine Osgarsson était à ses affaires, comme d'habitude à cette heure de la journée. La chaleur insoutenable rendait les tâches administratives particulièrement enviables, à l'ombre d'une tente. Signer des documents, lire des rapports et prendre connaissance des différents besoins des hommes était le devoir principal d'un capitaine, même si la Lice en raison de son statut particulier et de sa renommée était fréquemment sollicité pour des problèmes qui dépassaient officiellement ses attributions. On ne dérangeait pas le roi du Rohan ou les grands officiers de la Marche pour une simple prisonnière, Dunlending de surcroît, et il restait finalement assez peu de figures ayant assez d'autorité dans la forteresse pour savoir quoi faire dans une telle situation.

Le sergent fit descendre sa prisonnière de cheval, sous le regard étonné des hommes qui se trouvaient à l'intérieur du camp, mais cette fois il ne prit pas la peine de s'attarder pour répondre aux questions, et après avoir brièvement échangé quelques mots avec l'aide de camp du capitaine, il fut autorisé à entrer.

- Mon capitaine, le sergent Eadric souhaiterait vous faire son rapport urgemment.

De toute évidence, l'autorisation fut donnée, car l'aide de camp s'effaça pour laisser entrer les visiteurs. Le sergent constata immédiatement que son officier supérieur n'était pas seul. De l'autre côté de son bureau se trouvait un homme à la mine fatiguée, installé confortablement dans un fauteuil. Il tourna un regard curieux vers les nouveaux arrivants, et Eadric le reconnut presque immédiatement comme étant Rihils. Probablement le meilleur guérisseur du royaume depuis le décès de Dame Farma d'Aldburg, et une âme charitable qui s'efforçait de sauver la vie des soldats, même quand tout espoir semblait perdu. Il avait réalisé de petits miracles, et plusieurs hommes du rang lui devaient de pouvoir continuer à marcher sur leur deux jambes. Le sergent salua respectueusement ses deux hôtes, avant de faire entrer brusquement la prisonnière devant lui.

Sans mot dire, il enfonça son talon derrière la cuisse de celle-ci, la forçant à s'agenouiller. Malgré la cape qu'elle avait sur le corps, il était évident à sa posture courbée qu'elle avait les mains ligotées dans le dos. Une précaution qui aurait bien inutile pour une personne normale, entourée d'une douzaine de soldats d'élite.

- Mon capitaine, je suis désolé de vous interrompre, mais je tenais à vous parler dans les plus brefs délais. Nous avons été accrochés par une bande de maraudeurs venus du pays de Dun. Les autres se sont enfuis, mais nous avons capturé celle-ci. Elle refuse de parler, mais peut-être qu'elle a des informations précieuses concernant ses compagnons, et leurs éventuelles exactions. Vols, rapines, brigandage… qui sait à quoi se livrent les Dunlendings ces jours-ci ?

Il haussa les épaules, considérant que la réponse se trouvait dans la question. Devant l'attitude perplexe de son supérieur et du guérisseur, Eadric jugea bon d'expliquer le pourquoi de cette mise en scène particulière. Ordinairement il n'aurait pas été nécessaire de cacher ainsi le visage d'une prisonnière. Au contraire, un tel geste était susceptible d'attirer l'attention, et Eadric était trop expérimenté pour ne pas le savoir. S'il avait procédé ainsi, c'était qu'il considérait qu'il valait mieux ne pas la présenter au regard de la troupe sans avoir d'abord consulté ses chefs.

- J'ai préféré ne pas alimenter les rumeurs et les ragots, monsieur. C'est que cette femme… elle n'est pas très normale, si vous voulez. Les hommes pensent que c'est une ensorceleuse, une magicienne. Voilà pourquoi on l'a bâillonnée en plus de lui avoir attaché les mains. On n'est jamais trop prudents.

Il ne trouva pas forcément le soutien espéré dans le regard de Rihils et du capitaine, mais il ne s'en formalisa pas outre mesure, et considéra qu'il était préférable de les laisser juger eux-mêmes. Retirant soigneusement la cape qui enveloppait la femme, il dévoila une tête pour le moins singulière.

Spoiler:

Des tatouages complexes habillaient un visage dont la jeunesse le disputait à la sagesse. Il n'était pas facile de dire s'il s'agissait d'une femme aux traits juvéniles, ou d'une fille aux traits matures, mais il semblait certain en tout cas que son regard avait vu de ces choses qui font vieillir l'âme. Elle était beaucoup plus petite que ne le laissait présager sa silhouette encapuchonnée, mais cela tenait à l'étrange coiffure qu'elle arborait. Des bois de cerf, ni plus ni moins. Cet accoutrement étonnant, pour ne pas dire effrayant, expliquait en grande partie la réaction du sergent. Une femme vêtue ainsi ne pouvait être qu'une sorcière dans l'esprit d'un homme dont l'éducation se limitait à savoir écrire son nom. Les légendes et les contes se mêlaient à la réalité, la transformaient et lui donnaient des airs menaçants, même quand elle prenait les traits d'une sauvageonne du Dunland.

- Si vous voulez l'interroger capitaine, je souhaiterais pouvoir être présent. Je suis curieux de savoir ce qu'elle pourrait avoir à raconter.

Il saisit brusquement la nuque de la femme, qui se raidit au contact de cette main indélicate. Rihils et la Lice n'avaient qu'à dire un mot pour que le sergent rendît la parole à leur invitée. Mais arriveraient-ils pour autant à faire parler cette étrangère au regard farouche ?


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Redditions EmptyMer 7 Aoû 2019 - 21:17

C’était une autre de ces interminables journées chaudes qui s’écoulaient en Isengard. Contrairement aux habitants d’Edoras qui profitaient d’un vent d’altitude rafraîchissant, ceux du domaine royal souffraient aussi longtemps que les rayons du soleil frappaient avec force la vallée de Nan Curunir. Seule la nuit offrait un peu de répit et de fraîcheur après que l’astre solaire ne disparaissait derrière la cime des Monts Brumeux.

Assis à l’ombre de sa tente, Osgarsson se remémorait ses jeunes années de service, quand sa Majesté Firion régnait sur un Rohan encore au fait de sa gloire.  S’il y avait bien une chose qui ne lui manquait pas de cette période, c’étaient ces longues patrouilles menées sous un soleil de plomb qui pouvaient parfois s’étendre sur plus d’une semaine. Son poste actuel de capitaine de la Porte d’Isengard lui épargnait dorénavant ce genre de tâches même si d’autres, pas moins complexes à ces yeux, étaient apparu à mesure qu’il avait gravi les échelons de la hiérarchie.  Tout ce qui touchait à la paperasse administrative venaient en premier lieu et il ne savait dire ce qu’il haïssait le plus entre recevoir une pile de documents ou partir pour une longue et harassante patrouille routinière.  Il fallait dire que pour l’officier supérieur, ce travail était rendu particulièrement délicat par le simple fait qu’il ne savait tout simplement pas lire. La grande majorité des hauts gradés de l’armée Rohirrim étaient issus de la noblesse du royaume et avait donc reçu une éducation en bonne et dûe forme leur permettant d’accomplir aisément leurs obligations. Mais celui que l’on surnommait la Lice avait un parcours bien différent. Son histoire était celle d’un homme issu de la troupe, parti d’en bas et qui par son courage, son charisme et sa loyauté inébranlable envers la famille royale  avait réussi à intégrer le cercle fermé des hauts-officiers du royaume.
Pendant de longues années il avait donc dû s’en remettre à son aide de camp qu’il lui lisait patiemment tous les rapports reçus avant que le capitaine n’y appose sa signature. Mais ce pauvre Fandar avait été emporté par une bête infection il y avait de cela près de deux semaines et l’écuyer qu’on lui avait temporairement assigné en remplacement n’était d’aucune aide pour cela, malgré toute sa bonne volonté.

En attendant de pouvoir trouver un remplaçant digne de son nom, la Lice n’avait d’autre choix que de faire semblant de lire les rapports qui s’accumulaient sur son bureau , demandant discrètement de l’aide à droite et à gauche. Mais il avait bien trop de fierté pour avouer publiquement son incapacité à lire et il s’efforçait de tout coeur à ce que cette information reste des plus confidentielles. Ce jour là, il pouvait compter sur l’aide sur son ami de longue date venu passer quelques heures à ces côtés. Rihils travaillait sans relâche à l’infirmerie, parfois même au milieu de la nuit selon certains témoins, et il consacrait l’un de ces rares temps de repos à assister le capitaine dans sa tâche administrative. Cela faisait déjà plusieurs semaines que la mission du guérisseur  en Isengard était officiellement terminée; il avait été dépêché par le Vice-Roi pour remettre sur pied les Gardes Royaux blessés lors de l’affrontement contre les voleurs d’artefacts. Mais ceux-ci étaient rapidement parti rejoindre la capitale sans prendre la peine d’en informer leurs hôtes. Rihils était resté pour continuer à épauler les infirmières locales qui manquaient souvent de matériel ou même de connaissances. Sur un plan personnel, il s’était également fait un point d’honneur à ne pas pas partir avant d’avoir remis sur pied l’officier au visage brûlé qu’il avait découvert en arrivant ici.  Leur “ fuite” avait plongé Osgarsson dans une colère noire. Il ne portait déjà pas en son coeur  les sbires de Mortensen mais cet affront avait renforcé son animosité à leur égard. Les hommes du domaine royal avaient offerts à Eofend et ses hommes le toit, le couvert et les soins et ceux-ci étaient parti comme des voleurs à la faveur de la nuit. D’autant plus que la Lice n’avait pas eu le temps de les cuisiner assez pour tirer quelque chose sur les mystérieux artefacts que le Vice-Roi tentait de récupérer et qui semblaient au centre des considérations politiques du moment. Pas que la politique intéressait vraiment Osgarsson, lui homme d’action, mais il n’appréciait pas cette manie qu’avait les dignitaires du Meduseld à vouloir passer outre le pouvoir du Roi.

Plongé dans ses pensées, la Lice n’écoutait que d’une oreille ce que Rihils lui lisait.

“...la sécheresse se plongeant au-delà des prédictions, les pâturages de l’Ouestfolde pourraient être encore plus gravement atteint. En prévision de cette éventualité, beaucoup de bergers de la région songent déjà à rejoindre leurs pairs partis faire paître leur bétail en territoires nains. Toutefois, et malgré nos relations amicales avec ces derniers, une protection militaire serait toujours requise. Les émissaires de l’ambassadeur Orwen réclame une augmentation significative du nombres de chevaliers de la garnison d’Edoras pour protéger les troupeaux durant ce périple. Par conséquent….
-En termes plus simples qu’est ce que ça veut dire?”


Le guérisseur esquissa un sourire. Il ne savait qui avait écrit ce rapport mais il y avait bien trop de fioritures et de termes compliqués pour que cela capte l’attention de la Lice.

“Orwen vous demande d’envoyer une éored pour protéger les troupeaux partis vers les territoires étrangers.”

Osgarsson passa une main dans sa barbe fournie et prit le temps de réfléchir quelques secondes. La principale qualité de sa méthode de leadership résidait dans sa capacité à prendre des décisions rapidement et s’assurer de leur implémentation dans les plus brefs délais. La rapidité d’exécution de ses ordres était à ses yeux une obligation dans l’optique d’une armée à la fois dynamique et efficace et  lui avait permis de gagner le respect des hautes sphères de l’armée malgré son manque d’éducation supérieur.

“Nous enverrons un contingent d’une cinquantaine d’hommes mais pas un de plus. Nos effectifs sont déjà limités ici et nous avons un Roi à protéger. Les bergers ne se rendent pas en terres hostiles et les seuls dangers qu’ils auront à affronter seront les loups et les ours. Nul besoin d’une éored pour cela.  D’autant plus que j’ai le pressentiment que nous aurons bientôt besoin d’hommes par ici.
-En Isengard? Il ne s’y est rien passé depuis l’arrivée de sa Majesté.
-Justement. Le pays entier est en proie aux troubles,  je n’ai aucun doute que cela finira bien par arriver chez nous aussi.”

La précaution extrême du capitaine, qui se préparait toujours aux pires éventualités était une autre de ses caractéristiques. Certaines mauvaises langues considéraient qu’il n’était qu’un alarmiste voire même un paranoïaque mais lui savait que c’était ce mode de pensée qui lui avait évité toute désillusion majeure au cours de sa carrière. La Lice n’était pas un prudent de nature sur le champ de bataille et il avait maintes fois fait prendre des risques à ses hommes pour accomplir leur mission. Mais chacune de ces manoeuvres étaient calculés et jamais il n’aurait accepté de perdre des hommes à cause de sa négligence.

Rihils se mit alors à rédiger la missive d’Osgarsson de la manière la plus concise et claire possible, là encore dans un souci d’efficacité. Mais les deux hommes furent bientôt interrompu dans leur travail par le jeune aide du camp qui annonça l’arrivée du sergent Eadric revenu de patrouille.

“Bien, bien. Faites le entrer.”


Le sous-officier était un homme de confiance et un très bon élément de la troupe bien que parfois un peu trop lésé avec une tendance à vouloir dépasser ses responsabilités. A la surprise de la Lice, il n’entra pas seul dans la tente. Une silhouette masqué par une longue cape le précéda avant d’être mise  à genoux avec force par Eadric.  Osgarsson, intrigué, se leva de son siège. Il ne s’attendait pas à voir son subordonné revenir avec un prisonnier, que s’était-il donc passé là-bas? Eadric lui parla d’un accrochage avec des maraudeurs venus du pays de Dun avant d’agrémenter son récit de toutes sortes d’interprétations personnelles. S’il y avait bien une chose de certaine pour le moment aux yeux de l’officier supérieur, c’était bien que tout cela n’avait aucun sens. Les relations entre le Rohan et les tribus qui peuplaient la région adjacente avaient souvent été très tendues et les différends qui les opposaient ne se comptaient plus. Pourtant ces “barbares” , comme on les considérait au Rohan, s’étaient tenus plutôt calme depuis longtemps et leur présence au coeur des terres royales de la vallée était plutôt surprenante. Que faisaient-ils donc là?

Quand à la partie sur la sorcellerie, la Lice ne jugea même pas nécessaire d’y réfléchir. Il était intrigué mais pour le moins du monde effrayé et tout ces fables de magie et de sorcières le laissait de marbre. Nul phénomène surnaturel n’avait été observé de mémoire d’homme dans cette région et bien souvent ce genre de légendes étaient utilisées pour masquer des horreurs bien réelles et rationnelles, ce qui le rendait en quelque sorte encore plus insoutenable que si c’était l’oeuvre de quelque magicien. Osgarsson était prévoyant mais il  s’appuyait avant tout sur des faits.

“Une ensorceleuse dîtes-vous Sergent? Rien de moins. Je comprends maintenant, elle vous a donc lancé un sort pour que vous en veniez à des conclusions aussi stupides.”

Pourtant la révélation du visage de la femme captive provoqua un léger moment de malaise. Il fallait dire que le capitaine s’était attendu à tout sauf à cela. La prisonnière, de petite taille, dégageait une aura mystique qui donnait l’impression qu’elle appartenait à une autre monde, à un autre temps. Ses tatouages qui recouvraient presque toutes les parties de son corps qui étaient visibles, des bois de cerfs en guise de coiffe et un regard si profond qu’il semblait millénaire. Osgarsson ne s’était pas soudainement mis à croire en ces histoires de sorcières mais il comprenait à présent les raisons de l’inquiétude d’Eadric.   Même pour un homme aussi terre-à-terre que lui, il y avait quelque chose de perturbant qu’il n’arrivait pas à pointer de manière précise. Il échangea un regard incrédule avec Rihils en quête de soutien; le guérisseur avait longuement voyagé et son domaine de connaissance dépassait largement le sien. Peut-être comprenait-il des choses qui échappait au militaire? Le guérisseur resta pourtant muet: soit car il n’en savait pas plus, soit car il ne désirait pas en parler maintenant.

“Non sergent,
ordonna la Lice, allez vous sustenter et prendre un peu de repos. Soyez de retour dans une heure exactement pour faire votre rapport détaillé. Je vous informerai alors de ce que vous avez besoin de savoir, entre temps pas un mot sure votre prise. Bon travail, vous pouvez disposer sergent.”

Les mots du capitaine n’étaient pas particulièrement durs mais son ton sévère et le contexte particulier indiquait bien qu’il ne désirait nullement voir son subordonné à l’intérieur de la tente. Eadric, visiblement déçu quitta la tente alors que l’aide du camp dépêcha deux hommes pour se tenir à l’entrée de la tente afin d’empêcher tout tiers d’entrer ou d’intervenir dans le cas où la captive représentait une réelle menace. On n’était jamais trop prudent.

Il passa un long moment à dévisager la jeune femme cherchant en vain à percer les secret qu’elle cachait. Contrairement à la plupart des captifs, elle ne semblait nullement inquiète ou effrayée. A vrai dire aucune émotion ne se dégageait de son visage et elle ne daigna même pas regarder à qui elle avait affaire; son regard si particulier était toujours tourné droti devant elle, vers un pan de la tente. Osgarsson, s’approcha un peu tout en gardant une distance raisonnable; de toute évidence il n’était pas tout à fait à l’aise.

“Parlez vous le Commun?”


Aucun réaction.

“Que fait donc une femme de Dun dans le Riddermark ? Répondez.”


Cette fois l’étrange captive tourna son regard en direction de l’officier qui tressailit légèrement avant de se reprendre rapidement. Il y avait dans ses yeux quelque chose de très malaisant, à la fois farouche et menaçant. La Lice avait souvent eu affaire à des prisonniers agités et tenaces qui cachaient leur frustration ou inquiétude en insultant ses interrogateurs d’un air défiant. Mais il y avait quelque chose différent chez elle. Son calme parfait renforçait cette désagréable impression que la menace qui s’échappait de ses yeux était bien réelle.

La Lice vociféra alors:

“Baissez les yeux et répondez!”


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Dernière édition par Learamn le Lun 6 Avr 2020 - 11:31, édité 2 fois
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Redditions EmptyMar 13 Aoû 2019 - 13:34

Eadric n'avait pas apprécié que le capitaine se moquât ouvertement de lui, de ses croyances superstitieuses, et de sa crainte déraisonnable pour leur prisonnière. A dire vrai, il n'appréciait pas vraiment la hiérarchie, et il se montrait souvent insolent, têtu et rancunier. Mais c'était un excellent soldat, qui avait besoin d'apprendre la discipline. Il commandait une troupe de fortes têtes comme lui, et il arrivait à les faire marcher droit grâce à un savant mélange d'exemplarité et de coups de poings. Ce n'était pas une brute pour autant, mais il avait une manière bien à lui de se faire respecter. Restait à son supérieur direct, en l'occurrence La Lice, à l'encadrer fermement pour s'assurer que le travail serait fait, et il aurait sous ses ordres un des sous-officiers les plus efficaces d'Isengard.

Ce fut donc à contre-cœur qu'Eadric relâcha la nuque de la prisonnière, non sans laisser une empreinte rougie sur sa peau. Elle n'émit pas un son, comme si conserver le silence était le meilleur moyen pour elle de sauver sa vie. La stratégie pouvait cependant se révéler contre-productive, surtout face à des militaires qui n'étaient pas connus pour leur patience et leur tempérance. Ils répondaient à toute menace non-identifiée par la plus extrême des violences, et même leurs officiers supérieurs pouvaient céder à une furie barbare.

Le regard glacé de la femme embrassa les deux hommes qui avaient choisi de rester avec elle, probablement pour l'interroger. Elle n'avait aucune idée de leurs intentions, ou de leurs méthodes, mais elle pouvait d'ores et déjà déceler les différences entre les deux. Le premier était un homme de guerre, rompu aux combats et aux exercices martiaux, comme en témoignait sa carrure impressionnante, sa barbe épaisse et sa mine sévère. Le second, en revanche, semblait être tout l'opposé. Un homme d'esprit, dont la tenue civile était plus soignée que la moyenne. Un homme respectable, qui avait peut-être des valeurs à défendre, et qui s'interposerait peut-être entre la femme agenouillée et le premier coup de poing.

Tout du moins l'espérait-elle.

Son calme impérial lui permettait de dominer la situation, et elle observait l'officier avec une forme de mépris teinté d'indifférence qui avait de toute évidence le don de l'énerver. Comme elle l'avait prédit, il ne fit pas preuve d'une quelconque patience avec elle, et constatant qu'elle se refusait à ouvrir la bouche, il s'emporta comme un bœuf agacé d'être piqué par un bâton. Sauf que le bœuf était toujours plus large et plus fort que le bâton, si bien que lorsqu'il se mit à hurler, la petite prisonnière se recroquevilla sur elle-même, levant les mains pour se protéger de la gifle magistrale qu'elle s'attendait à recevoir.

- Pitié, non !

Des suppliques ?

Tout à coup la femme froide et mystérieuse devenait plus humaine. Trop humaine, même. Elle avait obtempéré, et avait baissé la tête, fixant le sol sans rien dire. Tremblait-elle ? Était-ce une simple illusion ? Une comédie ? Elle qui semblait si forte et si en contrôle quelques secondes auparavant, donnait l'impression tout à coup de n'être qu'une gamine perdue, victime d'hommes à qui elle n'avait pas la force de s'opposer.

Ce fut Rihils, sans doute du fait de son œil exercé, qui repéra en premier les marques violacées sur ses poignets. De toute évidence, sa capture ne s'était pas déroulée sans accrocs, et leur prisonnière semblait terrifiée à l'idée de subir un passage à tabac. Était-ce quelque chose qu'elle avait déjà expérimenté récemment ? Eadric et ses hommes avaient-ils eu du mal à contraindre leur prisonnière ? Dans tous les cas, la simple menace de violence physique avait suffi à la faire passer à table, ce qui était révélateur en soi. Elle avait compris que répondre aux questions qui lui étaient posées était la seule option qui lui permettrait de s'en sortir, et d'une voix timide elle confia :

- Je parle votre langue… un peu.

Les Dunlendings comprenaient en général assez bien le Commun, mais tout dépendait des sphères auxquelles ils appartenaient. Les castes les plus élevées l'apprenaient en parallèle de leur langue natale, et le maîtrisaient souvent très bien. Les marchands et les voyageurs de leur peuple le parlaient aussi couramment, afin de pouvoir échanger quelques denrées avec les voyageurs proches de Tharbad et de la Trouée du Rohan au-delà de laquelle ils ne s'aventuraient jamais. Les gens du peuple, eux, s'exprimaient avec difficulté, et pour certains ils refusaient de le parler avec les Rohirrim, préférant utiliser leur dialecte pour marquer nettement la différence. La réponse de cette femme ne permettait pas véritablement de la situer socialement, comme si elle n'appartenait pas à une de ces trois catégories.

- Je n'ai pas venu dans le Rohan, sire. J'ai être amenée ici.

Son Westron était certes approximatif, mais néanmoins compréhensible, assez pour pouvoir entretenir une conversation. Contrairement à ce qu'ils auraient pu penser, son accent n'était pas déplaisant à l'oreille, ce qui était probablement dû à sa jolie voix. Il n'aurait pas été surprenant qu'elle sût chanter, ou déclamer des poèmes. Elle avalait légèrement les r, et prononçait presque Wohan, ce qui avait en général le don de faire rire les hommes de la troupe qui se moquaient des barbares du Dunland. Cependant, rire n'était pas à l'ordre du jour pour Rihils et la Lice, qui écoutaient attentivement ses paroles, l'invitant à poursuivre :

- Les Forgoil ont venu, avec les grands chevaux. Venu piller le Dunland. Venu voler. J'ai être capturée.

Pour un militaire du Rohan, un tel récit ne tenait pas debout. Les hommes du Riddermark amenés à patrouiller le long de la frontière ne traversaient jamais la région qui séparait l'aire d'influence de l'Isengard et les collines dans lesquelles les Dunlendings subsistaient. Pour y quoi faire, de toute façon ? On racontait à qui voulait l'entendre que les gens du Pays de Dun étaient pauvres, et qu'ils n'avaient rien à offrir d'intéressant aux grands royaumes des Hommes. Ils échangeaient leurs maigres surplus contre quelques outils qu'ils ne produisaient pas, ou bien vendaient un peu de leur artisanat en échange de denrées alimentaires quand les mauvaises récoltes se succédaient. Avec l'hiver interminable qui venait de s'achever, ils étaient probablement dans le second cas, mendiant de la nourriture. Qu'est-ce que des cavaliers du Rohan servant sous les ordres du roi auraient été faire là-bas ?

La femme, pourtant, paraissait marquée par ce qu'elle décrivait comme une véritable agression. Pillages, raids et enlèvements étaient pourtant plus souvent associés aux Dunlendings qu'au Rohirrim. Elle reprit, en regardant Rihils droit dans les yeux. Elle avait toujours le même regard froid et implacable, un de ceux susceptibles de mettre mal à l'aise n'importe qui. Et pourtant, il y avait en elle une forme de courage. Le courage d'une femme seule au milieu de ses ennemis ancestraux, qui plaidait autant pour sa vie que pour la survie de son peuple, qu'elle dépeignait comme soumis injustement aux attaques des Rohirrim :

- Pitié… Pitié… Je dis au roi la vérité. Il… euh… doit… arrête attaquer le Dunland. Pitié.

Elle cherchait peut-être ses mots pour les tournures les plus compliquées, mais le message était clair et efficace. Le silence pensif des deux hommes sembla la déstabiliser légèrement, comme si elle attendait la sentence qui ne manquerait pas de s'abattre. Probablement que les deux hommes avaient besoin de davantage d'informations, et besoin de se concerter pour déterminer quoi faire. Mais une chose était certaine, cette femme avait été malmenée avant d'être amenée ici. Et si elle disait vrai, il y avait peut-être d'autres Dunlendings ayant subi un sort similaire.

L'heure était peut-être venue pour le Rohan de rendre des comptes à ses voisins.

#Eadric


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Etonné par la réaction de la jeune femme, La Lice haussa un sourcil. Il s’était mentalement préparé à mener un interrogatoire musclé face une femme dangereuse, taiseuse et farouche; l’officier avait déjà même réfléchi à divers moyens qu’il pouvoir utiliser pour faire pression afin de lui arracher de précieuses informations. Et voici qu’elle le suppliait, visiblement prête à dire tout ce qu’elle savait. Mais justement, c’était là qu’il y avait un souci. Son récit ne tenait tout simplement pas la route. Cela faisait des années qu’aucun ordre de mission n’avait été donné au-delà de la frontière occidentale du Rohan, dans le Dunland et il n’y avait absolument aucune raison logique pour qu’un chef de patrouille décide de s’aventurer en ces terres hostiles et dignes de peu d’intérêt.  Malgré son Westron approximatif, elle semblait certaine de ce qu’elle avançait et le ton de sa voix tremblante apparaissait si sincère.  Pourtant tout cela ne faisait pas le moindre sens.

Osgarsson, après un court moment d’hésitation, se mit alors à gronder :

“Menteuse! Nul n’attaque vos terres et aucun de mes hommes n’a franchi la frontière pour vous piller ou je ne sais quoi? Que faisiez vous donc dans le Riddermark?”

La patience n’était pas la principale qualité de l’officier et la présence de cette intrigante captive qui le rendait quelque peu inconfortable n’arrangeait pas les choses. Sa frustration était bien perceptible dans sa colère.

“Tu penses pouvoir me berner comme ça ? Crois-moi j’en ai vu passer bien d’autres avant toi! Alors que font les vôtres sur nos terres? Répondez ! “


Cette fois l’officier supérieur ne garda aucune distance de sécurité entre lui et la jeune femme. Il dominait à présent la frêle prisonnière de son imposante carrure, l’intimidation avait changé de camp.

“Vous perdez votre langue lorsqu’on aborde la vérité ? Ah! Vous êtes bien une des Dunlendings! Par les Valars Répon…
-Il suffit Ansgar!”


L’officier supérieur, peu habitué d’être interrompu de la sorte, fit volte face en direction de l’homme qui avait osé lui couper la parole. Rihils, qui était resté silencieux jusque là, s’était levé de son siège et s’approcha à son tour.

“Nous n’obtiendrons rien en la brutalisant de la sorte. C’est inutile.
-Dame Rihils! Tu es le meilleur guérisseur du continent mais laisse moi faire mon travail!

Resté sourd aux reproches de son ami de longue date, le médecin s’accroupit afin de se mettre au même niveau que la captive. Il lui montra d’abord qu’il avait les mains vides pour indiquer qu’il n’était pas armé et ne chercherait pas à lui faire du mal. Rihils la dévisagea alors longuement, tentant de percer les secrets de cette femme bien particulière. S’il était aussi reconnu parmi ses pairs, ce n’était pas seulement par sa capacité à guérir les blessures corporels. Non, Rihils était aussi passé maître dans l’art de traiter les maux de l’esprit; c’était une science opaque que beaucoup qualifiaient d’inexact mais que le prodige du Rohan avait perfectionné lors de son temps passé à vivre  auprès des Elfes. S’il était loin de toucher juste à chaque fois, il avait développé une habileté certaine pour sonder l’esprit de ses patients dont l’humeur s’exprimait par plusieurs réactions physiques, souvent jugées insignifiantes, mais qui en disaient parfois énormément.

Le guérisseur scrutait les pupilles de son interlocutrice, ses gouttes de sueur, les tremblements qui la secouaient. S’il y avait une chose qui semblaient pour le moment certaine c’était qu’elle était effrayée.  De sa voix douce, il tenta de l’apaiser.

“Ne vous en faîtes pas. Rien ne vous arrivera ici. Nous désirons simplement comprendre la situation pour pouvoir vous aider. Je suis Rihils, guérisseur de la Maison d’Eorl et lui c’est mon ami  le Capitaine Osgarsson. Nul mal ne vous sera fait lorsque l’on sera à vos côtés.”

Visiblement agacé par le sentimentalisme de son ami, La Lice saisit rudement l’épaule du guérriseur; lui intimant de se redresser.

“Mais qu’est ce qui te prends donc? Tu crois que c’est le moment de lui faire des gentillesses?
-Je te l’ai dis,  elle est tétanisée. Tu l’as figé et rendu presque incapable de parler avec ta grosse colère.
-Et alors ? De toute façon elle ment, comme elle respire. Nul Rohir ne s’est aventuré en Pays de Dun depuis des décennies.
-C’est possible mais que se passerait-il si elle disait la vérité. Ne serait-ce la pas une information pour le moins inquiétante? Cela ne vaut-il pas la peine d’au moins vérifier?”


Les deux hommes restèrent silencieux un moment, puis le capitaine marmonna quelque chose dans sa barbe qui se rapprochait d’un “Bien, bien”. Il appela son aide de camp de sa voix forte. Le jeune garçon entra alors dans la tente; il eut un regard quelque peu intrigué en direction de la prisonnière mais ne fit aucun commentaire. Le tempérament bouillant de son supérieur lui était connu et depuis sa dernière colère, l’écuyer faisait tout pour éviter d’en provoquer une nouvelle.

“Mon Capitaine.
- Trouve-moi le sergent Dervenn  de la Garde Verte.”


Quelques minutes plus tard, le sous-officier entrait dans la tente. Ses joues étaient rouges et il était visiblement essoufflé, Dervenn savait que la Lice n’aimait pas attendre longtemps. Le sergent de la Garde Verte était un soldat fiable et droit qui ne posaient pas trop de questions à défaut d’être un guerrier ou un leader hors du commun. D’un naturel discret, il n’avait jamais fait de remous  dans la troupe et il était apprécié de tous.

‘Ah Sergent vous voilà. Renseignez vous auprès de la troupe et identifiez tous les hommes revenus de patrouille avec le sergent Eadric  il y a quelques minutes. Demandez leur d’où ils reviennent exactement et ce qu’il s’est passé durant leur mission.
-Dois-je d’abord informer le sergent Eadric?
-Pour le moment non, pas un mot sur ce sujet. Mais tâchez de le trouver et dites lui que je l’attends dans ma tente. Qu’il vienne au plus vite. Après cela informez le Capitaine Barom que nos hommes ont capturé une prisonnière hostile venant du Pays de Dun. Il tâchera sûrement de faire en sorte que les Lames ne nous enlèvent pas cette affaire avant qu’on aie eu le temps de creuser.
-A vos ordres mon capitaine!”


Dervenn claqua des talons et disparut  derrière le pan de la tente qui se refermait.  La Lice était décidément bien plus à l’aise lorsqu’il s’agissait de distribuer des ordres. Il échangea silencieusement un regard avec Rihils, comme pour lui dire qu’il était prêt à faire à sa manière.   Le guérisseur approuva d’un signe de tête.

Il examina, intrigué, les poignets de la jeune femme aux marques violacées. Faisant mine d’étudier les plaies, il posa délicatement son pouce de manière à sentir son pouls. Il sentait à présent son rythme cardiaque de manière très claire, et il était étonnamment très calme. La captive s’était certes un petit peu apaisée mais voir ainsi un tel ralentissement de son battement en un temps si court était remarquable.

“Avez vous un nom? D’où venez vous?”


Généralement les menteurs étaient trahis par leur corps: le coeur qui s’accélérait, un peu de transpiration, les yeux dirigés vers la droite etc. Autant d’indices permettant d’identifier un mensonge. Bien entendu ces méthodes étaient loin d’être parfaites et bon nombre de menteurs les connaissaient bien et avaient travaillé leur parade. Mais sur cette femme, certes mystérieuse, mais à priori inoffensive, cette technique devrait suffire.

Osgarsson intima à Eadric, qui venait d’arriver, de rester en dehors pour le moment. La présence du Sergent qui l’avait arrêté pouvait perturber la prisonnière et brouiller ainsi les signaux que Rihils cherchait.

“On va retenter encore une fois. D’accord? Que vous est-il arrivé?”


Il marqua une pause, s’assurant qu’elle prenne bien le temps d’assimiler la question.

“Où étiez vous?”


Nouvelle pause.

“Pourquoi, selon vous, les Forgoil vous ont-ils fait prisonnière et ramené ici?”


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Redditions EmptySam 17 Aoû 2019 - 11:59
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Le grondement sourd de l'officier du Rohan suffit à faire pâlir de peur la prisonnière, qui sembla se liquéfier devant ses accusations. Elle ne pouvait pas dire qu'elle s'attendait à ce qu'il la crût, car son histoire était sans doute trop rocambolesque pour convaincre un homme qui avait foi dans l'armée de son royaume, et dans l'intégrité de ceux qui s'y engageaient. Elle espérait pourtant qu'il ferait preuve d'un peu d'ouverture d'esprit, et qu'il accorderait au moins à son récit le bénéfice du doute. En le voyant tempêter contre elle, à la manière d'un ours dressé sur ses deux pattes, prêt à lui arracher un bras pour l'empêcher de poursuivre, elle se recroquevilla sur elle-même, petite chose prostrée.

Il fallait dire que La Lice était impressionnant, et qu'en comparaison elle semblait fragile et chétive.

Impuissante.

Face à la force physique, à la colère et à la menace de ces poings effrayants serrés de rage qui auraient pu s'abattre à n'importe quel moment sur elle, la Dunlending avala sa langue et se mura dans un silence à la fois effrayé et fier. Elle se convainquit de ne plus dire le moindre mot en leur présence, tant qu'ils continueraient à la menacer et à la considérer comme une menteuse. Si elle devait mourir, par l'épée ou sous leurs coups, elle le ferait sans émettre la moindre plainte. Sans laisser échapper le moindre son. Elle en était là de sa résolution, plongeant ses yeux froids dans ceux de l'officier comme pour le mettre au défi de réussir à la faire céder, quand l'autre homme prit soudainement la parole.

Il devint en trois mots son seul espoir, et sa meilleure chance.

Ce guérisseur qui répondait au nom de Rihils, et qui semblait enclin à faire preuve de patience et de tempérance, s'interposa entre elle et l'ours, bravant le danger des crocs acérés non pas pour la protéger, mais pour essayer d'atteindre la vérité. C'était de toute évidence un homme de science et de savoir, qui voulait comprendre plus que toute autre chose. Et, contre toute attente, il dompta la bête sauvage.

La prisonnière observa les mains vides qu'il lui tendit, à la manière d'un chat sauvage qu'un dresseur essayait d'apprivoiser. Les yeux fixés sur ces paumes ouvertes, symbole de paix et de compassion, elle ne put s'empêcher de tendre la main en retour. Elle laissa courir le bout de son doigt sur les lignes de sa main, pendant une brève seconde. Un premier contact, qui était à la fois le signe d'une complicité possible et d'une soumission acceptée. A choisir entre l'homme et la bête, elle préférait se rendre au premier pour échapper au fléau, et bénéficier de la protection de celui dont la douceur et la gentillesse ne semblaient pas être un simple artifice.

Elle retira sa main brusquement quand le capitaine força son ami à se redresser. Ramenant ses doigts fins à elle, elle serra ses poignets entre ses cuisses et baissa la tête, attentive au rapport de force qui se jouait face à elle. Qui emporterait ce débat serait en mesure de l'interroger à sa manière, et elle priait silencieusement les divinité de son peuple pour qu'elle fût en mesure de parler à Rihils, et non à l'officier. Elle espérait que l'homme capable d'entendre serait en position de l'écouter, car elle opposerait à l'ours sourd un silence à la hauteur de ses éclats de voix.

Ils discutaient devant elle sans paraître se rendre compte de sa présence. Ils oscillaient de manière fluide entre le westron et le rohirrique, leur langue natale. Peut-être pour lui cacher certains éléments qu'elle n'avait pas besoin de savoir, peut-être simplement par la force de l'habitude ou par commodité, comme c'était le cas chez tous ceux qui parlaient de manière courante plusieurs langues et qui s'exprimaient indifféremment dans l'une ou l'autre. Elle se garda bien de leur révéler qu'elle comprenait parfaitement le parler commun aussi bien que la langue des gens du Rohan, soucieuse de conserver sur eux un avantage tout en feignant d'être perdue. Elle espérait ainsi anticiper leurs réactions, et éviter de se retrouver surprise par leurs éventuelles manipulations.

A la suite de l'échange bref entre Rihils et le capitaine Osgarsson, ils firent venir un officier, et lui notifièrent de mener une enquête sommaire, tout en convoquant le sergent Eadric. Tout ceci aurait dû échapper à la prisonnière, mais contrairement aux apparences elle avait parfaitement saisi les implications de cette décision, et savait qu'ils se dirigeaient vers une confrontation. Elle contre le sergent. Évidemment, elle serait traitée de menteuse, de sorcière, d'affabulatrice, et on la jetterait aux cachots si on ne la pendait pas avant pour lui éviter de répandre ses mauvais sortilèges. Une pointe de désespoir passa sur son cœur, mais elle le cacha admirablement bien, consciente que tant qu'Eadric ne serait pas là, elle pourrait parler librement.

Alors que le dénommé Dervenn quittait la tente, non sans avoir jeté un regard étonné vers la prisonnière, Rihils s'approcha de nouveau de la femme, se mettant une nouvelle fois à son niveau. Il prit délicatement ses poignets entre ses mains, ce qui suscita chez cette dernière une réaction paradoxale. Elle n'aimait pas être touchée ainsi par un homme, a fortiori quand elle savait que sa liberté n'était pas garantie, mais pour autant elle était envoûtée par la présence de Rihils qui avait la douceur d'une femme, et non la rudesse de ses comparses masculins. Elle ne put s'empêcher d'effleurer la peau de son avant-bras avec le dos de sa main, s'étonnant de ne point trouver la moindre cicatrice sur sa chair. Tous les hommes qu'elle connaissait, par la force des choses, avaient les mains et les bras marqués par la vie, qu'il s'agît de la guerre ou des travaux des champs. Mais Rihils avait des mains presque immaculées. Comme celles d'un enfant.

Elle laissa échapper un commentaire dans sa propre langue qui allait dans ce sens, et dont le ton ne laissait pas de doute sur son sentiment.

L'admiration.

- Dairine, répondit-elle machinalement. Je m'appelle Dairine.

Elle leva les yeux vers lui. On n'y décelait pas la moindre expression, mais de toute évidence elle cherchait quelque chose dans le regard du guérisseur. Peut-être l'espoir qu'il la croirait, et qu'il ne la battrait pas à mort si elle s'acceptait de se confier à lui. Un appui, un protecteur, un gardien dans la tourmente qui menaçait de s'abattre sur elle.

- J'ai venu de Dunland. Mon village… dans les collines.

En cela il n'y avait aucun doute, elle disait la vérité, autant sur son nom que sur son origine. Dairine. Un nom comme on n'en trouvait pas au Rohan, mais qui fort heureusement demeurait facile à prononcer pour les Rohirrim. La jeune femme entendit quelqu'un approcher à l'extérieur, mais alors qu'elle entendait tourner la tête pour voir de qui il s'agissait, Rihils lui posa une nouvelle question, soucieux de capter son attention. Elle devina immédiatement qu'il s'agissait de Eadric, et qu'il devait se trouver à l'extérieur. Sinon, pourquoi ne pas le faire entrer ? Pourquoi la maintenir dans le secret en essayant de la distraire ? Son pouls s'emballa légèrement, et elle jeta un regard furtif vers l'entrée de la tente, avant de souffler :

- Nous avoir été attaqués… Les Forgoil nous piller… Je dis la vérité… Eux arriver la nuit, et attaquer le matin… Ils rassemblent les hommes, et piller. Ils prennent les femmes, et…

Les mots semblèrent rester coincés dans sa gorge. Des images semblaient danser devant ses yeux, comme de terribles souvenirs qui ne voulaient pas disparaître. Des cris, des suppliques, et les rires malsains de ses agresseurs.

- Ils violent, conclut-elle. Moi-même, ils ont violé… Je pas pouvoir défendre. Je pas pouvoir…

De manière stupéfiante, elle avait réussi à demeurer impassible en disant cela. Pas la moindre réaction, pas le moindre tremblement. Se contrôlait-elle parfaitement, ou bien était-elle tellement éloignée de ses propres émotions que celles-ci n'avaient plus de prise sur elle ? Certains mystères devaient être éclaircis la concernant. Alors que Rihils posait sa dernière question, il y eut de l'agitation à l'extérieur, et le capitaine Osgarsson qui tendait une oreille attentive fut contraint de détourner son attention pour s'occuper de ce problème.

Cette fois, le charme fut rompu, et Dairine comprit qu'elle n'avait que quelques secondes pour agir. Alors que le guérisseur tournait la tête pour observer la source de cette intrusion, elle posa une main sur sa joue et le força à la regarder, à plonger droit dans l'abîme infini de ses yeux sombres qui semblaient le faire voyager à travers les âges.

- Il veut tuer. Pitié, protéger moi. Protéger moi.

Elle n'eut pas le temps d'en dire davantage que Eadric pénétrait sous la tente en furie, échappant au capitaine. Il observa tour à tour Rihils, puis la prisonnière, puis la main qu'elle avait sur sa joue et qu'elle venait précipitamment de baisser. Son sang ne fit qu'un tour :

- J'ai entendu ce que cette sorcière raconte, comment pouvez-vous la croire !? Elle ment ! Elle ment, c'est évident, elle ne fait que mentir ! C'est une manipulatrice, et une ensorceleuse : c'est la raison pour laquelle elle s'est rendue sans combattre !

Eadric était en colère, mais on sentait au fond qu'il était désemparé, à mesure qu'il comprenait le danger que de telles accusations représentaient pour lui, pour ses hommes. Il se tourna vers son officier supérieur, et sembla le supplier :

- Mon capitaine, vous n'allez pas la croire… Je n'ai jamais agressé personne, je le jure. Sur la tête de mon fils.

- Menteur, cracha Dairine. Violeur… meurtrier… Tu assassines mon oncle, tu bats ma nièce… Tu es maudit, maudit !

Ces paroles semblèrent pétrifier le sergent, dont le rapport à la magie et aux malédictions était bien plus viscéral que celui du capitaine Osgarsson, par exemple. Pendant une seconde, il demeura immobile, comme si la perspective de s'être attiré les foudres des Puissances l'empêchait de rien faire, même de respirer. La seconde d'après, ce fut le chaos. Emporté par une colère teintée de la terreur la plus profonde et la plus incontrôlable, il traversa l'espace qui se trouvait entre lui et Dairine en un rien de temps, écarta Rihils de son chemin sans ménagement, et abattit sa main sur la prisonnière en une gifle magistrale.

Elle tomba sur le côté, sonnée par la force d'un homme qui faisait presque deux fois son poids, avant qu'une main brutale ne vînt se refermer sur son cou, menaçant de l'étrangler. Et pendant ce temps Eadric, serrant au point qu'elle bleuissait à vue d'œil, s'époumonait comme s'il était possédé :

- Retire ta malédiction, sorcière ! Retire-la !


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Redditions EmptyJeu 5 Sep 2019 - 15:47


La captive mystérieuse avait peur, sur cela il n’y avait aucun doute. Il n’y avait même pas besoin de mesurer son pouls au rythme accéléré, les tremblements de sa main et l’angoisse qui transparaissait dans sa voix cristalline  étaient bien suffisant.  Accroupi devant elle, Rihils tentait vainement de percer les secrets de cette jeune femme; la signification de ses tatouages ou encore de la coiffe en bois de cerf qu’elle arborait lui échappait. Malgré ses nombreux voyages, le guérisseur était loin d’être un expert de la culture des gens du Pays de Dûn, une terre qui ne l’avait jamais vraiment attiré de par sa nature barbare aux yeux des rohirrims; mais de ce qu’il en savait ce genre de mode n’était pas vraiment répandu chez leurs voisins. Il avait le pressentiment qu’il y avait quelque chose qui leur échappait, que cette histoire n’était peut-être pas un simple incident frontalier.

Le récit de la prisonnière n’était pas très clair: outre son Commun plutôt approximatif, l’angoisse qui l’habitait l’empêchait d’exposer clairement les événements de manière chronologique. Dairine, car c’était ainsi qu’elle s’était présenté à un Rihils qui semblait être le seul à qui elle désirait parler, parla d’attaques nocturnes , de pillages ou encore de viol collectif perpétrés par les cavaliers du Rohan sur les terres de son peuple. Le guérisseur fronça les sourcils; ce genre de pratiques n’étaient pas tolérés au sein de l’armée et les rares individus ayant commis de telles exactions avaient été sévèrement punis. Pourtant si c’était vrai, cela était très grave et Eadric et ses hommes devraient être châtiés. Un peu plus loin, La Lice semblait s’impatienter; le capitaine connaissaient ses hommes et ne les imaginaient pas commettre de pareilles crimes. D’autant plus que le sergent était tout sauf un idiot et que si vraiment il était coupable de tels actes dont il connaissait la gravité, il n’aurait certainement pas ramené un témoin vivant ici, dans la tente de son supérieur hiérarchique. Pour l’officier, il y avait quelque chose qui ne tenait pas dans la version de Dairine.  Il y avait de l’agitation à l’extérieur de la tente où l’aide de camp tentait d’empêcher quelqu’un d’entrer.  La captive, qui s’était quelque peu apaisée face à Rihils, fut alors à nouveau saisi d’effroi; et, posant une main sur la joue de son interlocuteur, le força à plonger son regard dans le sien. Cela ne dura pas plus de quelques secondes mais ce court moment sembla suspendu dans le temps. Ses yeux  se perdirent littéralement dans ceux de Dairine; il fut alors pris dans un véritable tourbillon qui animait les pupilles sombres de la captive. Pour un court instant les rôles furent inversés et ce fut Rihils qui se retrouva prisonnier de l’envoûtant regard de la femme de Dun.

L’interrogatoire fut alors interrompu par l’irruption d’un Eadric furieux qui avait à priori entendu les mots de la prisonnière; chez lui aussi la peur , fondue dans la rage, se lisait dans ses yeux.  Il implora Osgarsson de ne pas croire un mot prononcé par la jeune femme avant que celle-ci n’envenime la situation en l’accusant de meurtre et en lui lançant une malédiction. Une malédiction que le sous-officier prit très au sérieux. Il écarta un Rihils encore tout engourdi d’un geste violent et frappa violemment Dairine avant de se saisir de sa gorge. L’homme était terrifié de la menace surnaturelle qui pesait désormais sur lui et ses proches. Et il semblait prêt à tout pour conjurer le sort.

Le sergent Eadric, totalement focalisé sur sa victime qu’il voyait comme un bourreau, sentit alors des bras puissants le prendre à la taille. Il fut alors tiré vers l’arrière et forcé de relâcher son emprise sous la pression physique de son supérieur qui l’éloigna de plusieurs mètres.  La Lice était une force de la nature et même un guerrier robuste comme Eadric ne pouvait faire le poids sur le plan physique.


“-Bon sang Sergent! Contrôlez-vous par les Valars!”

Osgarsson prit un court moment pour reprendre son souffle, puis dévisagea son subordonné dont la terreur était parfaitement visible. Celui-ci tremblait de rage et d’effroi. Le capitaine posa alors une main sur son épaule pour le rassurer.

“Eadric, vous savez quelle valeur je donne à la parole de mes cavaliers les plus loyaux, et croyez moi sur parole je ne place pas celle de cette étrangère au-dessus de la vôtre, loin de là. Nul besoin de mettre en jeu la tête de votre fils, elle lui sied bien mieux sur ses épaules. Et ne laissez pas cette captive vous perturber, vous me semblez autant maudit que moi bourgeois.”  

Il ouvrit le pan de la tente pour faire signe à Eadric de quitter la pièce; malgré les paroles réconfortantes , cette invitation à sortir était bien un ordre formel.

“Une enquête est en cours  et justice sera faite Sergent. Si vous n’avez rien à vous reprocher alors n’ayez aucune crainte. Je vous demande simplement d’avoir foi en votre royaume.”


Ansgar se retourna alors pour observer la jeune femme, toujours au sol et en état de choc. Rihils s’était lui relevé mais n’avait pas  prononcé un mot depuis l’intervention du sergent. Il  y avait bien une chose de certaine: tant que Dairine se trouverait dans sa tente sa sécurité et celles des autres était nullement assurée.

“Relève-toi!”
Aboya la Lice à l’encontre de l’étrangère.

Il se chargea ensuite de l’envelopper à nouveau de la cape en tissu qui dissimulait ses traits lors de son arrivée. L’officier ne faisait pas dans la douceur, contrairement à son ami, et il se disait qu’elle pouvait bien le maudire autant qu’elle le voulait si cela lui faisait plaisir.

Il la força à avancer en lui tenant la nuque, serrant juste assez fort pour l’empêcher de fuir tout en faisant attention de ne pas lui faire trop mal. Ils sortirent tous de la tente du capitaine.

Dehors, la journée semblait bien normale; chacun vaquait à ses occupations sous un soleil de plomb sans se douter de tout ce qui avait bien pu se passer dans les quartiers de la Lice. Osgarsson ordonna à Lofren, son aide de camp, de l’accompagner et ils prirent la direction d’Orthanc, loin des regards et des inquiétudes de la troupe. Ils progressèrent ainsi à pied, à travers la garnison. De nombreuses personnes se retournaient sur leur passage, intrigués par ce prisonnier masqué, mais aucun ne se risqua  à les interpeller ou les arrêter. Quand la Lice affichait une mine aussi préoccupée, tous avaient qu’ils valaient mieux ne pas le déranger.

Bientôt ils atteignirent l’entrée colossale et quelque peu lugubre de la forteresse de la tour de l’Esprit Rusé. Ils s’arrêtèrent un instant durant lequel l’officier prit une longue inspiration, puis ils gravirent les vingt-sept marches de  pierre noire. Il n’aimait pas vraiment cet endroit et ne s’y rendait que lorsqu’il n’avait pas d’autres choix. Son architecture austère et ses couloirs sinistres ne lui avaient jamais inspiré confiance. Et bien que d’ordinaire il rejetait toute croyance supersitieuse, dans ce cas là l’histoire sulfureuse de cet endroit qui avait abrité autrefois l’Istar Saroumane lui conférait une dimension menaçante. Comme si quelque sortilège avait pu rester entre ces murs, prêt à frapper ses résidents à tout moment.

La Lice se demandait encore ce qui avait bien pu pousser le Roi et son entourage à quitter le confort du Château d’Or de Meduseld pour ce lieu peu avenant. Il devait sûrement y avoir une quelconque raison politique à cela mais ce genre de considérations n’était pas le fort d’Osgarsson, homme d’action par excellence. En haut de l’escalier, les Gardes de la Maison du Roi s’écartèrent pour laisser passer le Capitaine de la Porte d’Isengard et Rihils, invité d’honneur de sa Majesté.  Ainsi ils pénétrèrent dans la pénombre de la tour des maléfices.

L’idée était de placer Dairine dans une des cellules du domaines royales, qui étaient probablement  presques toutes vides. Le confort n’y était pas vraiment présent mais au moins elle n’y risquait pas de se faire étrangler par un homme de la troupe et garderait ses malédictions pour elle. Les seules personnes autorisées à entrer dans les cachots d’Orthanc étaient les soldats de la Maison du Roi, les officiers ainsi que l’entourage de Sa Majesté Fendor.

Le bruit de leurs pas résonnaient à travers les galeries vides et peu décorée de la tour d’Orthanc. Il aperçut alors au loin une silhouette qu’il ne parvint pas à reconnaître à la lumière des torches installées à la va-vite dans cette aile délaissée. L’homme, ou la femme, passa à côté d’eux sans faire le moindre bruit et ne leur jetant qu’un regard furtif. Son visage était masqué et son allégeance ne faisait aucun doute aux yeux de la Lice: un membre de l’Ordre des Lames. Une organisation secrète créé par le Roi et ne recevant ses ordres que de sa Maison, seuls les plus hauts dignitaires d’Isengard et la Garde Verte connaissaient leur existence sans toutefois avoir aucun détail sur leur mode de fonctionnement, ordres de missions ou système interne. Osgarsson, pourtant Capitaine de la Porte d’Isengard, en savait très peu à leur sujet au-delà de leur existence, de leur juridiction et de leur zone d’opération. Il avait même entendu dire que même le Vice-Roi et le gouvernment d’Edoras ignorait quasiment tout de cette ordre bien opaque. Ces Lames étaient des espions et grand combattant chargé de repérer et détruire les menaces naissantes au sein du royaume avant qu’elle ne déstabilise l’ordre en place. Des gens qui agissaient dans l’ombre et le secret, tout ce que la Lice refusait de faire. Il conservait cette vision traditionnelle du guerrier du Rohan comme celle d’un cavalier en armure chargeant l’ennemi au son des cors et à la gloire d’Eorlingas. Ce genre d’agence de surveillance n’était pas en accord avec sa vision du Rohan; mais s’il n’y avait que cela pour arrêter les dangers qui progressent dans l’ombre..
Il y avait donc fort à parier que l’Ordre des Lames et ses chefs seraient bientôt au courant de leur présence.

Ils descendirent dans les cachots qui réalisaient l’exploit d’être encore plus macabre que le reste du bâtiment. Il y faisait aussi étrangement froid et humide malgré la chaleur extérieur comme si Orthanc était son propre monde détaché du reste. La Lice fit entrer sa prisonnière dans la première cellule qu’il trouva et la libéra de la cape qui la dissimulait.

“Ansgar,
murmura alors Rihils qui était resté silencieux depuis son altercation avec Eadric, je sais que tu as tes raisons de penser qu’elle ment.
-Une enquête sera menée, mais oui son récit fait bien peu de sens. Pourquoi mes hommes seraient allés piller ces endroits désolés? Et si on imagine que cela est vrai, pourquoi diable l’auraient-ils ramené elle qui risque de tout dévoiler? Croyez-moi, mes hommes ne sont peut-être pas des enfants de chœur mais ce ne sont pas des idiots.
-Je l’entends mon ami. Pourtant, je pense qu’elle nous a dit la vérité.
-Qu…”

La surprise qui apparut sur le visage de la Lice fut de courte durée; car un bruit de portes et bottes se fit entendre un peu plus haut; à l’entrée des cachots.

“Dame! Ils ont fait vite!”


L’Ordre des Lames était déjà là.


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Dervenn avait finalement réussi  à identifier et trouver trois des hommes de la patrouille commandée par Eadric. A leur retour, tous les cavaliers s’étaient dispersés à travers la garnison pour se reposer, se laver ou manger quelque chose et retrouver leurs traces avaient été moins aisé que prévu. Il avait cependant fini par localiser la tente où dormaient trois d’entre eux. Un des cavaliers étaient d’ailleurs assis à l’entrée, tirant nonchalamment sur sa pipe.

“Je peux vous aider Sergent?
-Est-ce bien la tente d’Holmo, Eotrain et Ameno?
-Ouais, vous cherchez lequel d’entre nous?
-Les trois.
-Holà, vous en demandez beaucoup Sergent, vous êtes sûr que ça peut pas attendre un peu. C’est pas contre vous mais on vient de rentrer de mission et les gars sont juste exténués.”

Dervenn fronça les sourcils; visiblement le manque de respect hiérarchique de Eadric dépeignait dangereusement sur ses hommes.

“Je ne serai pas long. Et inutile de préciser que c’est un ordre.
-Bon, bon entrons alors.”


L’intérieur était exigüe et il y régnait une odeur désagréable de sueur. Le fumeur, qui indiqua être Holmo, secoua l’un de ses frères d’armes allongé sur sa couche.

“Allez Eotrain réveille toi, un sous-officier vert veut nous causer apparement.”

Il eut pour toute réponse un grognement et insista donc jusqu’à ce que son ami daigne enfin se redresser d’un air mécontent. Le troisième larron était assis sur son lit, le regard perdu dans le vide. Il était certes présent physiquement mais son esprit semblait complètement absent. Intrigué, Dervenn demanda :

“C’est quoi son souci à lui?”


Holmo se gratta la barbe d’un air à la fois soucieux et embarrassé.

“Eh bien pour être franc on sait pas trop. Il est comme ça depuis qu’on est revenu de patrouille. D’habitude il parle tellement qu’on est forcé de le frapper pour le faire taire mais là depuis qu’on est rentrée il a pas dit un mot.
-Et vous ne l’avez pas amené à l’infirmerie?
-Bah il est pas blessé, juste un peu bizarre mais ça lui passer je pense. Il a sûrement juste besoin d’une bonne nuit de sommeil.”


Pas vraiment convaincu par les arguments de Holmo, le sergent décida ne pas s’attarder sur le sujet et reprit.

“A propos de votre mission d’ailleurs, j’aimerais que vous me donniez quelques informations. On a perdu quelques dossiers et rapports  sur les récentes patrouilles à l’administration  et on essaie juste de réorganiser ce qui peut l’être. Dîtes moi simplement où vous êtes allé, pour quel motif et sur l’ordre de qui?”


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Redditions Dairin11

L'agression subie par Dairine, aussi subite que violente, avait laissé des traces sur son visage. L'empreinte brûlante du coup tranchait de manière spectaculaire avec son regard toujours aussi glacé. La gifle s'était abattue sur sa joue, y imprimant une marque aussi visible que si elle avait été appliquée par un fer chauffé au rouge. Elle commençait déjà à tourner au violacé, tandis que sur la peau fine et claire de son cou apparaissaient clairement les signes d'une strangulation impitoyable. Eadric ne s'était pas retenu, comme s'il était possédé par ses propres émotions et qu'il n'était plus en mesure de se contrôler. La terreur dans ses yeux et dans son ton faisait curieusement écho à celle que la prisonnière semblait ressentir en cet instant. Elle était restée prostrée sur le sol, tétanisée, terrifiée, à peine capable de lever les yeux vers ces trois hommes qui la dominaient et qui vociféraient dans toutes les directions. Elle se trouvait entourée d'individus qu'elle avait appris à craindre durant toute sa vie, dont elle comprenait à peine la langue, et qui semblaient rejeter viscéralement sa présence. Elle était une menace pour eux, et bien qu'elle ne fût ni armée ni agressive, elle représentait une source de préoccupation constante pour l'officier supérieur en charge de son cas. Il était évident qu'il ne la tolérerait pas longtemps.

Une partie d'elle-même se demanda s'ils n'allaient pas tout simplement essayer de se débarrasser d'elle, pour s'épargner le tracas d'avoir à ramener l'ordre dans le camp. C'était bien possible, après tout. Rien n'empêchait ces soldats de lui trancher la gorge purement et simplement, puis de jeter son cadavre dans une fosse commune… Elle mourrait ainsi, anonyme, oubliée, comme des centaines de Dunlendings tout au long de l'histoire qui s'en étaient retournés vers les ancêtres. Les Forgoil ne faisaient jamais preuve de pitié envers leurs voisins des collines, et elle n'attendait rien de la part de ceux-ci sinon une fin rapide et – si possible – sans douleur.

Si les Puissances pouvaient au moins lui accorder cela, elle leur en serait reconnaissante, consciente que bien des siens avaient souffert mille morts avant d'enfin pouvoir trouver la paix. On disait que les hommes blonds des grandes plaines du Riddermark s'amusaient à torturer leurs prisonniers, qu'ils les enfermaient dans de sombres cages et que chaque jour ils venaient leur faire endurer des tourments d'une cruauté inimaginable. On racontait bien des choses à leur sujet, toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Dairine y croyait dur comme fer, consciente qu'elle se trouvait dans la gueule du Warg, attendant simplement qu'il refermât ses sinistres mâchoires pour abréger sa vie.

Elle sursauta involontairement quand l'officier lui ordonna de se relever.

Sa grosse voix qui ressemblait aux grognements d'une bête l'inquiétait, et elle avait toujours l'impression qu'il allait se retourner contre elle et lui arracher les bras à la seule force des siens. Cette attitude n'était pas prête de la convaincre de se détendre, mais paradoxalement elle la rendait docile et obéissante. Qui aurait voulu résister face à une telle force de la nature, de toute façon ? Péniblement, tout en prenant appui sur le bras que lui proposait le guérisseur, elle se remit sur ses pieds. Elle semblait à peine tenir debout, encore étourdie par l'assaut, mais la Lice ne voulait rien entendre. Il lui enveloppa le visage dans la cape qui l'empêchait d'être reconnue, et la poussa à avancer en lui serrant la nuque.

Où l'emmenait-il ? Et pourquoi ?

Ces questions devraient demeurer sans réponse pour le moment, car il était évident que l'homme ne parlerait pas si elle l'interrogeait. Il ne servait à rien d'épuiser sa salive à essayer de convaincre un rocher de se déplacer pour faire de l'ombre, et c'était à elle de s'adapter à la tête de pierre qui la guidait de sa main puissante. Pour Dairine, commençait alors un exercice difficile mais néanmoins vital. Mentalement, elle se mit à compter ses propres pas, pour estimer la distance entre son point actuel et sa destination. C'était une méthode qu'elle avait développée il y avait fort longtemps, en d'autres circonstances, mais qui lui servirait bien ici aussi. Si d'aventure elle voulait s'échapper, elle aurait besoin de pouvoir retrouver son chemin dans ce camp dont elle ignorait tout. Elle ferma les yeux et s'absorba entièrement à cette tâche, pour toute la durée du trajet qui lui était imposé.

Il était prodigieusement difficile de maintenir un compte clair et simple quand elle devait avancer au rythme de quelqu'un d'autre, mais elle s'y employa avec beaucoup d'adresse. Elle comptait ses pas par douzaines, qu'elle additionnait ensuite en les retenant sous forme de chanson. Dans sa tête, la mélodie était déjà présente, et elle se répétait :

- Et deux douzaines pour l'ami dompteur,
Et cinq de plus pour le gouverneur,
On s'arrête de bon cœur,
Et vingt-sept pas, on reprend en chœur,
Et deux douzaines pour l'ami dompteur,
Et cinq de plus pour le gouverneur,
On s'arrête de bon cœur,
Et vingt-sept pas pour l'explorateur,
Et trois douzaines pour l'ami tailleur…


Son esprit agile parvenait à la fois à compter les pas qu'elle faisait, et à retenir la chanson improvisée qui était bien davantage qu'une comptine enfantine. Le « d » de dompteur signifiait deux douzaines de pas vers la droite, et le « g » de gouverneur signifiait cinq douzaines vers la gauche. Elle se repérait ainsi dans l'espace sans voir autour d'elle, jugeant du changement de lieu par les changements de direction les plus radicaux, et par l'évolution brusque de la température. Ainsi, après avoir gravi les vingt-sept marches qu'elle avait soigneusement pris le temps de mémoriser, elle sentit qu'ils quittaient la chaleur presque étouffante du camp, pour pénétrer dans un bâtiment très frais, qui lui donna un frisson le long de l'échine. Sans doute une bâtisse de pierre dure, qui conservait des températures basses même quand le monde extérieur ressemblait à une fournaise.

Pour elle qui avait l'habitude de vivre dans des bâtisses simples et austères, l'idée même d'entrer dans un temple – comment sinon appeler une demeure de pierre ? – était inquiétante. La nécessité de bien compter ses pas devint impérieuse, et elle s'appliqua du mieux qu'elle le pouvait, consciente que son sort dépendrait peut-être de sa capacité à mémoriser cette chanson simple.

Cependant, même si Dairine était prodigieusement douée, elle perdit rapidement le compte dans le dédale de couloirs qu'on lui fit traverser. Quelques pas à gauche, puis d'autres à droite, et ensuite une volée de marches qui s'enfonçaient dans les entrailles du monde. Ils bifurquaient tant et tant qu'elle n'avait même plus le temps de composer sa chanson mnémotechnique, et quand ils s'immobilisèrent enfin, elle n'avait aucune idée d'où elle se trouvait, ni de comment elle pourrait faire pour retrouver la sortie.

La main qui était refermée sur sa nuque s'ouvrit finalement, comme les griffes d'un aigle abandonnant sa proie après l'avoir transportée jusqu'à son nid. La femme savait pourtant qu'en général, cela signifiait que la proie allait être dévorée par les petits aiglons qui n'étaient pas moins voraces. Aussi, quand elle recouvra la vue après que la Lice lui eût enlevé la cape qui obstruait son champ de vision, elle s'attendait presque à voir une nuée de créatures prêtes à la dévorer.

Il n'en était rien.

Il n'y avait qu'une cellule aux murs nus et froids, recouverts d'un léger linceul d'humidité. Un maigre rai de lumière semblait surgir de nulle part, éclairant à peine le centre de la pièce, tandis que le reste était plongé dans une pénombre angoissante. Dairine se tourna vers les deux hommes qui l'avaient accompagnée, sans que son regard trahît le moindre sentiment de crainte. Elle était dans une posture critique, et pourtant elle continuait à leur opposer une forme d'assurance tranquille qui contrastait avec la mine effrayée qu'elle avait pu afficher par moments sous la tente du capitaine.

Tout cela était fort troublant.

- Je rien fait, déclara-t-elle sans supplier.

C'était davantage un constat, celui de son innocence qu'elle continuait de clamer haut et fort, et de l'injustice profonde de la situation. Ramenée contre son gré en Isengard, enfermée sans preuve de sa culpabilité, elle subissait de plein fouet l'arbitraire des hommes du roi, et cette réalité n'échappait ni à Rihils ni à la Lice. Si encore ils avaient été en guerre contre les Dunlendings… mais à l'heure actuelle, le peuple des collines se tenait tranquille, probablement occupé à ourdir quelque complot.

Ils n'eurent pas le temps de répondre que des bruits de pas se firent entendre à l'extérieur, leur indiquant effectivement que les Lames de Fendor venaient de rentrer dans la danse.

Les deux silhouettes qui approchèrent étaient masquées, comme la plupart des hommes de ce corps d'élite que le roi essayait de mettre sur pied. On les surnommait les Lames Grises, en raison de la cape de la même couleur qu'ils portaient en signe de reconnaissance. Entre cela et leur masque, il n'était pas difficile de les reconnaître, ce qui du point de vue de la plupart des soldats n'était pas très logique. Pourquoi entraîner des hommes dans le plus grand secret, alors que tout le monde pouvait voir qu'ils appartenaient aux Lames ? Les mystères du pouvoir passaient souvent au-dessus de la troupe. Le premier des deux s'avança, et tendit la main à la Lice, puis à Rihils :

- Bonjour capitaine Osgarsson, bonjour maître Rihils. J'ai entendu dire que vous nous apportiez une prisonnière intéressante.

L'homme avait une voix chaleureuse, presque bonhomme, qui tranchait avec son allure patibulaire. Il se comportait comme s'ils étaient de vieilles connaissances, sans pour autant faire preuve de la moindre familiarité. Il aurait été peine perdue de lui demander son nom en retour, et l'homme poursuivit donc sans se formaliser du silence de ses interlocuteurs :

- J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles il s'agirait d'une femme du pays de Dun capturée par vos hommes. Je dois dire qu'elle est loin d'être banale avec sa drôle de coiffe.

Dairine ne comprenait pas un traître mot de ce qui se disait, ne maîtrisant guère que le westron et trop peu de la langue du Rohan pour véritablement suivre la conversation. Elle sentit toutefois que l'on parlait d'elle quand les regards se tournèrent dans sa direction, et elle ne put s'empêcher de serrer ses bras contre son corps, comme pour se protéger de leurs pensées. Le Gris reprit :

- Avez-vous pu évaluer sa dangerosité, capitaine ? Êtes-vous certain que sa présence ici ne constitue pas un danger pour la sécurité du roi Fendor ?

Le ton avec lequel était posé cette question était légèrement différent. La bonhomie du personnage s'était évanouie derrière une personnalité plus dure, plus cassante. De toute évidence, le Gris n'était pas prêt à voir la moindre menace pénétrer dans le cercle proche de son suzerain. Ce fut peut-être à ce moment que Rihils et la Lice comprirent pourquoi les Lames étaient venus à deux. Il fallait rarement plus d'un combattant expérimenté pour venir à bout d'une prisonnière aussi chétive, mais il en fallait bien deux pour transporter un cadavre.

L'apparente décontraction du Gris cachait à peine la réalité, qui était que la vie de Dairine reposait désormais entre les mains des deux Rohirrim.


~ ~ ~ ~


Dervenn n'avait pas mis longtemps à comprendre que les hommes d'Eadric n'étaient pas des champions de la discipline, et la plupart des officiers devaient faire de gros efforts pour ne pas les sanctionner à la moindre occasion. La raison principale de cette tolérance était leur grande efficacité, et on considérait ces cavaliers comme fiables, courageux, et disposés à accomplir le sale boulot. Ils osaient sans peine s'aventurer hors des frontières, là où d'autres ne se sentaient pas à l'aise à chevaucher loin du soutien des éored. Ils galopaient de jour comme de nuit, par tous les temps, et faisaient de merveilleux informateurs. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle ils patrouillaient fort loin dans les territoires extérieurs, et qu'ils entraient fréquemment en contact avec les Dunlendings, quand bien d'autres préféraient demander une mutation plus tranquille dans l'intérieur des terres..

Dervenn devrait faire comme les autres, et supporter leur manque d'éducation et de tact pour obtenir ce qu'il voulait de ces cavaliers. Il repéra immédiatement Ameno, qui comme le lui avait dit Holmo n'était pas revenu comme d'habitude de sa dernière mission. Ses compagnons le trouvaient anormalement silencieux, mais puisque cela n'était pas pour leur déplaire, ils ne souhaitaient pas s'en inquiéter outre mesure. Et puis il fallait dire que les missions extérieures n'étaient pas toujours drôles, et qu'ils rencontraient parfois quelques situations qui avaient tendance à faire disparaître leurs éternels sourires. Quand ils avaient vu, pendant le Rude Hiver, une femme Dunlending dévorer son propre enfant, ils n'avaient pratiquement pas prononcé une parole pendant une dizaine de jours.

Même leurs esprits endurcis arrivaient encore à être révulsés.

A la question de Dervenn, ce fut encore Holmo qui répondit :

- C'est bien pour ça que j'y crois pas à cette lubie du roi de noter des rapports, ça sert à rien. Il suffit qu'on perde le papier, et tout est oublié. Alors que la bonne vieille mémoire, elle, elle ne fait jamais défaut, elle ne manque jamais d'encre ou de papier.

Il partit d'un rire gras, fier de sa blague qui en révélait bien davantage sur le décalage entre le roi et ses hommes. Les gens du Rohan n'étaient pas nombreux à savoir écrire, et la troupe peinait parfois à comprendre cet acharnement à voir les seuls lettrés accéder aux plus hautes fonctions militaires. Aujourd'hui, la bravoure sur le champ de bataille n'était plus récompensée comme avant, et il suffisait de savoir lire et écrire convenablement pour devenir capitaine. C'était du moins ce que l'on racontait parmi les hommes du rang, qui étaient friands de ce genre de ragots. Holmo pensait que Dervenn allait abonder dans son sens, mais devant l'insistance du sous-officier, il se reprit et répondit sur un ton un peu plus sérieux :

- Bon, vous voulez savoir où on est allés lors de nos dernières patrouilles ? Eh bien, euh… on a suivi la grande route de Tharbad pendant quelques temps pour protéger un peu les marchands, avant de nous rapprocher des collines pour escorter les éleveurs qui partent vers le royaume des Nains. En général on les escorte sur un bout du trajet, puis on se sépare et on fait quelques incursions dans les collines.

Il se creusait la tête pour se souvenir des détails des dernières semaines, preuve que la mémoire n'était pas totalement infaillible :

- Comme d'habitude, Eotrain et moi sommes partis plus vers l'ouest, et les deux autres sont partis vers l'est. De notre côté, on n'a pas vu grand-chose. Quelques petits cavaliers isolés, et surtout des fermiers. Les deux autres ont dû voir la même chose, je pense, ils n'ont rien rapporté de spécial ces derniers temps. Sauf la prisonnière, évidemment.

Il semblait s'être souvenu de ce détail au dernier moment, et il prit sur lui de rajouter :

- On a eu de la chance de s'en sortir. On est tombés sur une bande de… maraudeurs. Oui, des maraudeurs. Les autres se sont enfuis, je crois. Mais il y a deux nuits de ça, j'ai cru voir quelques silhouettes bouger dans la nuit. Les autres m'ont dit que j'avais dû rêver, et le fait est qu'on n'a pas vu la trace d'aucun de ces bougres des collines. De toute façon, ils seraient pas assez dingues pour s'attaquer à Isengard, hein ? Pas pour une simple gonzesse, vous pensez. Voilà pour notre rapport. Autre chose, sergent ?


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Il y avait bien peu de choses que la Lice répugnait plus en ce monde que les esprits retors et insidieux. Le capitaine s’était toujours méfié de ces hommes trop courtois pour être honnête qui dissimulaient leurs pensées et leurs projets sous des phrases bien faites visant à embrouiller leur interlocuteur. Au sein de la garnison d’Isengard, Osgarsson avait veillé à ce que droiture et honnêteté règnent en maître. Il aurait assurément fait un piètre politicien mais ces valeurs faisaient de lui l’un des officiers les plus respectables et respectés du royaume.

Les deux hommes masqués qui lui faisaient face représentaient en quelque sorte son antithèse; les Lames n’étaient que secret et ruse, la Lice était honneur et franchise. Le ton, jugé condescendant, employé par les Lames ne lui plaisait guère et il était décidé à ne pas se laisser marcher dessus par des espions trop frileux pour dévoiler leur visage.

“Je vois que les rumeurs se répandent vite par ici.”
répondit Osgarsson qui avait bien du mal à dissimuler son animosité.

Pourtant il devait bien avouer que ces agents étaient d’une efficacité diabolique. Leur nombre était très restreint et pourtant ils semblaient avoir des yeux et des oreilles partout; moins d’une heure avait dû s’écouler depuis le retour de patrouille d’Eadric amenant la captive avec lui et déjà l’information était arrivée jusqu’à leurs chefs. La Lice était d’ailleurs quasiment certaine que la Lame qu’il avait croisé dans les couloirs du donjon quelques minutes auparavant était déjà bien au courant de qui se cachait sous la cape.

“Sa Majesté est en parfaite sécurité auprès de la Maison du Roi  et la prisonnière ne représente aucun danger tant qu’elle sera gardée entre ces murs.”


Rihils savait surtout que ce cachot servait avant tout à la protéger aux réactions épidermiques que pourraient avoir les  hommes de la troupe en entendant la rumeur sur la présence d’une sorcière dans le périmètre.
Osgarsson, poursuivant sa démonstration de force, se plaça entre la jeune femme et les deux Lames; faisant bloc avec son corps massif. Les espions étaient sûrement plus intelligents que la Lice mais il n’y avait aucun chance qu’ils puissent physiquement l’écarter pour accéder à leur but.

“Une enquête est en cours et la prisonnière sera gardée ici jusqu’à ce que nous obtenions des réponses claires. Sauf ordre contraire du Roi ou du Maréchal, elle est placée sous la charge de la garnison de la Porte d’Isengard et nul ne pourra l’approcher sans mon accord.”

L’Ordre des Lames étaient les hommes de confiance de la famille royale et leur influence au sein de celle-ci était très grande. Néanmoins leur statut officiel au sein de la hiérarchie militaire était ambigüe et les espions ne disposaient, à priori pas d’un grade supérieur à celui du Capitaine de la Porte d’Isengard. Evoluer dans l’ombre avait aussi sa part d’inconvénient.   Les hommes d’Osgarsson avaient trouvé la prisonnière et c’étaient, selon les règles, à eux de s’occuper de cette affaire.

“Est-ce bien clair Messieurs?”
interrogea le colosse d’une voix cinglante.

Désireux de désamorcer une situation quelque peu tendue, Rihils se décida d’intervenir pour calmer les esprits.

“Après examen, je peux vous assurer Messieurs qu’elle ne représente pas une menace en l’état pour Sa Majesté.”

Mais Osgarsson, toujours dans cette optique de confrontation, se sentit obligé de rajouter.

“Vous êtes des hommes éduqués, vous n’allez tout de même pas croire ces fables sur la sorcellerie!”

Le guérisseur tenta alors de croiser le regard de son ami mais ce dernier était tout concentré sur les deux silhouettes masquées qui le défiaient en face de lui. Rihils jugea alors plus sage de reculer dans l’ombre de quelques pas et de garder pour lui ce qu’il avait pu voir concernant la sorcellerie durant ses nombreux voyages.


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Dervenn fronça les sourcils en écoutant le récit de Holmo; le sous-officier était venu dans cette tente pour collecter des réponses mais pour l’instant il risquait d’en sortir avec encore plus de questions. Ainsi le groupe s’était séparé et les deux hommes qui avaient les détails de la rencontre avec la prisonnière ne semblait pas en mesure de parler. Le sergent Eadric qui ne cessait de répéter avoir été victime d’une attaque et de quelque sort magique et ce pauvre Ameno qui semblait avoir tout bonnement oublié l’usage de la parole. Il n’était même pas certain qu’il ait entendu le moindre mot de leur conversation tant son esprit semblait absent.  Mais il y avait quelque chose d’autre qui inquiétait le sergent:

“Ces maraudeurs. Jusque où vous-ont ils suivi? Combien étaient-ils? Avez vous une quelconque interaction avec eux? “

Prudent de nature, le sous-officier se demandait comment ces hommes avait pu écarter dans leur rapport un “tel détail”. Des ennemis potentiels rôdaient  peut-être dans les environs et eux s’en lavaient impunément les mains. Il se  tourna alors vers Ameno et le secoua par les épaules en prenant soin de ne pas le brusquer de trop:

“Bon sang Soldat reprenez-vous! Qu’avez vous donc vu ? Qui est cette femme et de quelle crime s’est elle rendue coupable? Répondez! C’est un ordre!”

Il espérait pouvoir réveiller ainsi l’esprit de ce pauvre bougre. Son intention n’était nullement de le heurter ou de le traumatiser mais la Lice avait urgemment besoin de réponse et Dervenn avait le sentiment que le temps ne jouait pas en leur faveur. Si Ameno demeurait silencieux, il n’aurait alors d’autre choix que de trouver Eadric, son égal hiérarchique, pour le confronter et avoir enfin les détails de cette histoire.


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Redditions EmptyVen 8 Nov 2019 - 10:07
La réputation du capitaine Osgarsson le précédait, et de loin. On le disait courageux et loyal, mais aussi inflexible et tempétueux par moments. Un véritable Rohirrim, pour les hommes du rang qui le regardaient avec admiration en espérant un jour pouvoir faire preuve de la même force de caractère. Pour les Lames Grises, il représentait au contraire l'anti-thèse du soldat parfait : il était trop bruyant et trop rigide pour accomplir les plus viles besognes, celles qui avaient besoin d'être réalisées dans le plus grand silence. Peu le savaient, mais le nouveau corps d'armée créé par le roi Fendor pour assurer sa protection personnelle puisait largement son inspiration dans les façons de faire des gens d'Arnor et du Gondor, qui vénéraient le secret et la trahison davantage que la bravoure et l'honneur. Il y avait chez eux des hommes de valeur, mais le pouvoir du roi reposait largement sur des réseaux d'espions et d'informateurs aguerris. Deux termes qui, pour les Rohirrim, étaient synonymes de couardise et de traîtrise annoncée.

Le Gris savait que les soldats ne le portaient pas dans leur cœur, et il s'attendait à pareille réaction de la part de la Lice, l'archétype du combattant de l'ancien monde… Ce monde que l'Ordre de la Couronne de Fer avait mis à feu et à sang, simplement car les cris de guerre et les déclarations grandiloquentes ne pouvaient rien face aux ombres dans lesquelles se déplaçaient leurs ennemis désormais. Menaces voilées et lames cachées, voilà quelles étaient les armes de leurs adversaires qui se déplaçaient silencieusement pour frapper leur royaume au cœur. L'Ordre avait rallié Hogorwen l'Usurpateur, et était allé jusqu'à frapper Dame Farma la grande guérisseuse du royaume. Un prince du Gondor avait trouvé la mort, et les trois enfants de Tar-Aldarion d'Arnor avaient péri dans cette sinistre confrontation… Mille bataillons de valeureux Arnoriens auraient pu être fauchés au champ d'honneur que le traumatisme n'aurait pas été plus grand.

Aujourd'hui, les Lames Grises devaient s'assurer que nulle menace ne souhaitait porter atteinte au roi Fendor, et la Lice semblait prendre les choses étonnamment à la légère, ce qui n'était pas pour plaire au chef de l'étrange duo masqué. Celui-ci ne pouvait cependant pas nier la validité des arguments du capitaine. La jeune femme avait été capturée par ses hommes, et il était légitimement en droit de mener son enquête pour déterminer ce qu'elle pouvait leur apprendre de son peuple. Cependant, ce privilège allait de pair avec des responsabilités que le Gris se plut à souligner sur un ton sardonique :

- Sous votre charge, vous l'avez bien dit. Nous n'interviendrons pas pour l'instant, puisque vous semblez prêt à assumer la responsabilité de tout ce qui pourrait arriver, capitaine Osgarsson. Si cette prisonnière venait à commettre le moindre acte répréhensible au sein de cette forteresse, il est évident que cette responsabilité pèsera sur vos épaules.

Derrière le masque, un sourire léger s'étira. Personne ne pouvait reprocher à l'espion de souligner ce qui était davantage un fait qu'une menace, mais il était évident que le zèle de la Lice venait de le mettre dans la ligne de mire des Lames Grises qui surveilleraient attentivement ses moindres faits et gestes. Au premier faux-pas, ils s'empresseraient de lui retirer la garde de la prisonnière et de salir son nom auprès du roi. Vivre si proche du souverain avait des inconvénients, et l'un d'entre eux était qu'il suffisait de quelques heures pour se voir déchu de ses fonctions officielles. Le capitaine n'avait pas le droit à l'erreur.

Rihils s'interposa afin d'apporter son expertise médicale. Un avis qui contribua à apaiser un peu la tension entre le Gris et la Lice. Le premier répondit calmement et avec la même politesse dont il avait fait preuve en arrivant :

- Votre avis expert est très rassurant, maître Rihils, soyez-en assuré. On dit cependant des gens du Dunland qu'ils maîtrisent les arcanes de magies très anciennes, qui dépassent parfois l'entendement. Je souhaite simplement m'assurer que cette femme n'est pas en mesure de nuire de quelque manière que ce soit à notre roi.

Il allait s'arrêter là, mais la réflexion incisive de la Lice au sujet de la sorcellerie le poussa à répondre. Il n'avait pas haussé la voix, mais il était clair que l'opposition entre les deux hommes risquait d'être féroce, chacun refusant de céder du terrain à l'autre :

- Je n'y crois pas, évidemment… seulement la prudence exige de mettre de côté nos convictions, et de parer à toute éventualité. Même celles qui nous semblent impossible. Vous croyez cette prisonnière inoffensive… l'avez-vous interrogée de manière poussée pour vérifier cette théorie ? L'avez-vous même fouillée pour vous assurer qu'elle ne transporte aucun objet dangereux, aucune fiole de poison mortel, aucun sortilège parcheminé ? Une telle négligence de votre part remontera assurément aux oreilles du roi, soyez-en assuré. J'espère pour vous que rien de suspect ne se produira tant qu'elle sera entre ces murs.

Sans rien ajouter, le Gris tourna les talons et s'en alla à grandes enjambées flanqué de son compagnon qui n'avait pas ouvert la bouche de tout l'échange. Même s'il était désagréable et menaçant, il agissait dans l'intérêt de la protection du roi Fendor, et certaines de ses observations n'étaient pas dénuées de sens. Avaient-ils véritablement vérifié que la femme n'était pas une ensorceleuse avant de la conduire au cœur de la forteresse ? Avaient-ils pris toutes les précautions nécessaires pour garantir la sécurité d'Isengard ?

Dairine était si frêle et si chétive, à tel point que lorsque la Lice se trouvait à côté d'elle, elle lui arrivait à peine au torse. Il aurait pu la briser en deux d'une seule de ses grandes mains, qui pouvaient enserrer la tête de la prisonnière sans la moindre difficulté. Cependant, si la force brute avait suffi à tenir à l'écart l'Ordre de la Couronne de Fer, le monde n'aurait jamais connu ces années sombres…

Redditions Dairin11

La femme, qui n'avait toujours pas saisi la nature de l'échange mais qui avait bel et bien senti l'agressivité dans le ton des deux hommes, attendait timidement. Elle se tenait involontairement au centre du rai de lumière, qui provenait d'une petite ouverture percée dans la roche un peu plus haut, comme une petite lucarne inaccessible. Sa silhouette baignée de lumière semblait scintiller, et ses tatouages entrelacés resplendissaient avec davantage de force, comme s'ils étaient animés d'une vie propre. En voyant Rihils et la Lice l'observer ainsi, elle prit peur et recula d'un pas.

Son corps quitta la lumière, se réfugiant dans les ombres pour échapper à ces regards dominateurs. La dernière lueur qui l'anima brilla dans ses yeux écarquillés. Une étincelle de terreur si fugace qu'elle pouvait n'avoir jamais existé. La femme s'était retranchée derrière son masque impassible. Serein.

Le menton fièrement dressé en signe de défi, elle attendait.


~ ~ ~ ~


Sous la tente, l'atmosphère semblait s'être glacée subitement. Les révélations du dénommé Holmo n'étaient pas pour plaire à Dervenn, qui les interrogea plus avant sur les maraudeurs qui les avaient peut-être suivis. Une telle information pouvait s'avérer capitale mais les hommes du rang n'aimaient pas colporter des rumeurs, car ils savaient que les officiers préféraient les faits et les preuves. On risquait de les traiter de fabulateurs, ou bien de se moquer de leurs « visions ». Les rumeurs étaient tenaces, et il valait mieux ne pas être considéré comme un pleutre au risque de subir le harcèlement quotidien de la part de compagnons d'armes qui cherchaient le moindre prétexte pour se défouler.

Dervenn était conscient de ces rapports de force dans la troupe, il savait que tous les hommes défendaient aussi bien le Rohan que leur statut social au sein de leur éored, et il ne pouvait pas en tenir rigueur à Holmo. S'il y avait bien quelqu'un à sanctionner ici, c'était Eadric, car il aurait dû mentionner l'incident immédiatement. Décidé à obtenir des réponses, le sergent pressa Holmo de questions, et ce dernier répondit :

- La première fois qu'on les a croisés, ils étaient que cinq… six, peut-être. Ils nous ont attaqués, euh… sans raison. Oui, sans raison. Juste comme ça, en dévalant les collines avec des pieux et des cailloux. Le sergent a dit qu'on devait pas les affronter, qu'il valait mieux partir. Ils étaient à pied, donc on avait l'avantage.

- C'est à cette occasion, intervint Eotrain, qu'on a capturé la prisonnière.

Holmo, qui parut se souvenir de ce détail qui n'en était pas un, abonda dans le sens de son compagnon :

- Oui, oui c'est vrai. C'est là qu'on a capturé la fille, évidemment. Ensuite on a filé vers la frontière, et c'est tout. Pas d'autre accrochage avec les maraudeurs, sauf ces formes que j'ai cru voir bouger dans la nuit. Mais ça devait être un quelconque animal. Vous savez, sous les étoiles parfois on croit voir des trucs qui n'existent pas. Pas vrai, sergent ?

Dervenn ne semblait pas particulièrement enclin à rire avec les trois hommes, et son visage affichait une mine préoccupée. Holmo haussa les épaules, trop épuisé pour relever et pour s'offusquer d'une telle réaction. Les officiers étaient parfois bizarres, il ne s'en étonnait plus outre mesure aujourd'hui. Ce qui l'intéressait principalement, c'était de pouvoir dormir, et d'oublier ce long périple pour préparer le suivant. Le sergent décida cependant de tourner son attention vers Ameno, qui n'avait rien dit depuis le début de la conversation, toujours muré dans son étonnant silence. Il fixait la toile de tente avec obstination, les sourcils froncés, comme s'il espérait pouvoir faire un trou à l'intérieur par la seule force de sa pensée. Holmo, voyant que le sergent essayait de le réveiller, tenta d'intervenir :

- Sergent, je ne pense pas que ce soit une bonne idée… Il est fatigué, vous devriez le laisser se reposer d'abord.

Mais Dervenn n'écoutait pas. Il tenait à obtenir ses réponses, et il les voulait sur-le-champ, quitte à brusquer un peu Ameno qui commença à réagir quand l'officier l'empoigna physiquement pour le forcer à revenir dans le monde des vivants. Le soldat grogna quelque chose, qui ne ressemblait à rien de connu. C'était comme s'il parlait une langue étrangère, ou bien qu'il avait essayé de dire quelque chose avec du gruau plein la bouche. Dans tous les cas, personne ne comprit de quoi il retournait, surtout pas le pauvre sergent qui ne perçut pas le changement d'attitude aussi soudain que violent du soldat.

Alors que l'officier de la Garde Verte l'interrogeait au sujet de la femme, Ameno quitta son état d'apathie inquiétant pour basculer vers une agressivité à peine contrôlée. Il sortit le poignard qui était attaché à sa ceinture, et se retourna sans réfléchir pour le planter dans la gorge de Dervenn. Un flot de sang jaillit en même temps que les hurlements de ses deux compagnons, sidérés et effrayés par ce qu'ils voyaient. La lame quitta la chair sans merci, et Ameno demeura là, tremblant, réalisant à peine son geste.

Il venait de tuer son officier supérieur, qui gisait là baignant dans une mare de sang, la gorge ouverte et les yeux clos.

Alertés par les cris, d'autres soldats investirent bientôt la tente, et leur regard n'exprimait que terreur et confusion. Leurs questions fusèrent comme un millier de flèches d'airain jetées en l'air, ce à quoi Holmo ne put que répondre d'une voix tremblante :

- C'est le sergent Dervenn… Il est devenu fou… Il a commencé à poser des questions à la prisonnière, et il s'en est pris à Ameno, en lui criant dessus… comme s'il voulait le tuer… C'était de la légitime défense… Il n'a pas eu le choix…

Eotrain jeta un regard en coin à Holmo, qui venait de donner le cap à suivre. Quand les autres soldats le regardèrent pour confirmation, il ne put que hocher la tête pesamment, et ajouter d'une voix éteinte :

- Oui… C'est exactement ce qui s'est déroulé…

Au plus profond de son âme, il adressa une prière silencieuse à l'âme de Dervenn, qui n'était pas un mauvais bougre. Il pria également pour le salut de la sienne, espérant que ses ancêtres comprendraient pourquoi il avait choisi de mentir…


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Redditions EmptyJeu 23 Jan 2020 - 20:43


Ce fut bientôt une vraie petite foule qui s’était amassée autour de la tente où le sergent Dervenn gisait mort. Chaque nouvel arrivant, intrigué par une telle activité et horrifié en voyant la scène, posait des questions pour en savoir un peu plus sur ce qu’il s’était réellement passé. De leur côté, Holmo et Eotrain continuaient de couvrir leur frère d’arme en prônant la légitime défense; les hommes du sergent Eadric étaient plutôt populaires au sein de la troupe et n’eurent finalement que peu de mal à convaincre les autres guerriers de leur version des faits. Toutefois, il y avait une personne qui n’était pas prête à accepter ceci.

“Laissez passer ! Laissez passer par les Valars!”
Vociférait la Lice.

Le Capitaine Osgarsson jouait des coudes pour se frayer un chemin jusqu’à l’intérieur, Rihils sur ses talons. Ils étaient remontés des cachots d’Orthanc quelques minutes plus tôt afin d’arriver à temps pour le rapport détaillé du sergent Eadric, jugeant inutile de poursuivre l’interrogatoire de la captive dans l’immédiat. Sur le chemin il avait repéré l’agitation inhabituelle et avait fait un détour pour voir de lui-même ce qu’il se passait.

La scène qui se présenta à ses yeux le laissa interdit pendant une fraction de seconde. Dervenn, l’un de ses soldats en lequel il faisait le plus confiance, gisait sous ses yeux, égorgé par un de ses frère d’armes. Il échangea un regard avec le guérisseur, ce dernier n’avait même pas besoin de se pencher sur le corps pour comprendre qu’il n’y avait plus aucun espoir pour sauver le pauvre hère. La tristesse accabla le cœur du capitaine pendant un court moment; ce bon Dervenn ne méritait définitivement pas de mourir ainsi. Mais l’heure n’était pas au chagrin et il se devait de prendre les décisions qui s’imposait.

Osgarsson demanda des explications au trois hommes occupant la tante et Holmo se contenta de répéter la version qu’il avait donné à tous les témoins de la scène de crime.
Mais il ne pouvait s’enlever cette idée que quelque chose ne tournait pas rond. Dervenn était un sous-officier calme et réfléchi d’ordinaire, s’emporter de la sorte ne lui ressemblait absolument pas. Quoiqu’il en était, le meurtre d’un supérieur hiérarchique, peu importe la raison,  représentait un grave crime qui risquait d’avoir de sérieuses conséquences pour l’agresseur.

La situation devenait de plus en plus hors de contrôle depuis l’arrivée de la prisonnière quelques heures plus tôt. Eadric avec pété les plombs, la rumeur qu’une sorcière avait infiltré le camp se propageait, l’Ordre des Lames s’en était mêlé, et Dervenn venait de se faire assassiner par un frère d’armes. Quelque chose ne tournait pas rond et La Lice frissonna un instant à l’idée que la prisonnière avait bien appelé à quelque force surnaturelle pour les maudire. Mais il balaya vite ces pensées néfastes de son esprit. Non! Ce genre de choses n’existaient plus, tout du moins pas ici.  Il aboya des ordres, comme pour l’aider à reprendre ses esprits

“Alors qu’est ce que vous attendez comme des légumes de la sorte? Recueillez son corps et amenez le à la morgue et que ça saute!. Quant à lui…”


Le capitaine de la Porte d’Isengard fixa alors celui qu’il n’avait eu aucun mal à identifier comme le meurtrier. Ce dernier avait toujours le regard étrangement vide et le visage sans expression; il ne semblait ni particulièrement horrifié par son acte ni effrayé des conséquence, juste un peu choqué. Osgarsson s’approcha, intrigué par son comportement inhabituel. Pourquoi n’avait-il pas même cherché à fuir au vu de la gravité de son geste? Comptait-il vraiment sur les justifications bancales de ses amis pour lui sauver la mise? Mais l’officier connaissait Dervenn, c’était un homme droit qui n’aurait su se rendre responsable d’un tel crime, c’était aussi un ami. Ce qui expliqua la prodigieuse torgnole qu’il asséna à Ameno; sous la violence de l’impact ce dernier tituba et tomba sur sa couche. Mais il n’eut aucune réaction.

“Tu vas parler vermine!
Gronda la Lice. Par la barbe du Vieux de la Montagne tu vas répondre de tes actes!”

C’est ce moment que Rihils choisi pour intervenir, craignant sûrement que son ami subisse le même sort que le sergent.

“Sois prudent Ansgar, il ne semble pas très stable. Regarde son attitude. Et je ne pense pas que cela soit judicieux de faire avancer l’enquête avec ce public.”


L’officier desserra les poings et observa un instant l’accusé, son air hagard et hébété était en effet bien curieux pour un soldat qui cavalait encore dans le Riddermark quelques heures plus tôt.


“Mettez le aux arrêts! Fouillez le et attacher ses mains! Puis amenez le moi dans mes quartiers!”

Les soldats les plus réactifs s’empressèrent d’obéir à leur supérieur et Ameno fut rapidement maîtrisé, sans autre incident majeur.

“Quant à vous!
fit-il en désignant Holmo et Eotrain. Suivez moi sans un mot!”

Il traversa à nouveau le camp d’un pas leste et furieux pour retourner vers son lieu de travail; le sergent Eadric qu’il avait convoqué un peu plus temps pour faire son rapport complet et visiblement remis de ses émotions l’y attendait.

“Ah vous voilà ! Très bien, vous pouvez tous faire votre rapport et m’expliquer tout ce qu’il cloche chez vous. Un homme qui égorge froidement son supérieur, voilà quelque chose que je n’avais pas encore vu dans l’armée du Rohan. Sergent vous entrerez le premier sous ma tente pour me faire le récit détaillé de votre patrouille et de vos activités depuis votre retour; quand à vous deux, Rihils recueillera vos témoignages individuellement sur votre mission et sur l’incident qui vient de se produire. Si vos versions venaient à différer, alors j’agirai en conséquences. Quant au quatrième larron, il ne devrait pas tarder.”


Effectivement, les soldats qui s’étaient chargé de mettre Ameno aux arrêts firent bientôt leur apparition, le coupable  avec eux.  Il affichait toujours cet air interdit, comme s’il n’était pas dans leur monde.  La Lice s’enquit alors de l’avis expert de Rihils sur son état. Le guérisseur s’approcha et examina le jeune soldat mais ne put arriver à une conclusion très clair.

“Il semble complètement ailleurs. Je dirai qu’il a subi un traumatisme d’une nature encore à déterminer, ou alors qu’il est sous l’influence d’une quelconque drogue. J’aurais besoin d’un examen plus poussé mais pour le moment il serait mieux de le tenir à l’écart des regards de la troupe.”

Ansgar avait sa petite idée du lieu où il voulait l’enfermer pour le sortir de sa torpeur , mais cela devrait attendre la fin du rapport des hommes d’Eadric. Les autres hommes se contentèrent d’amener le pauvre bougre un peu plus loin, en attendant qu’on l’envoie en cellule. Le capitaine entra alors dans sa tente, accompagné de son aide de camp et de deux gardes personnels en qui il faisait toute confiance. Au vu de la situation, mieux valait-il prendre ses précautions et la Lice était un homme prudent. Les mêmes mesures furent prisent pour Rihils, flanqué de deux soldats protecteurs et à qui on avait amené un siège en dehors de la tente. Le guérisseur sortit sa plume et une feuille de papier. On fouilla les deux hommes et retira leurs armes, puis Eotrain fut amené plus loin.

Rihils commença alors à poser ses questions d’une voix calme et posée.

“Holmo c’est cela? Je vous en prie, faites moi le récit de ce que vous avez fait et vu en patrouille. Qui est cette prisonnière? Pourquoi avez vous croisé des hommes du Pays de Dun? Et surtout que diable s’est-il passé dans votre tente?”

A l’intérieur de la tente, le ton du capitaine de la Porte d’Isengard envers son subordonné était moins diplomatique.

“Eadric! Vous savez que je vous ai toujours considéré comme un de mes hommes les plus valeureux et précieux. Il serait dommage que toute cette histoire remette  en question ce statut. Alors par les Valars, dites moi tout ce qui s’est passé là-bas, je veux tout savoir!”.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


“Bon on ne peut plus rien faire pour lui. Débarrassez moi ce corps à la morgue avant que l’odeur ne contamine la pièce.”

Dame Méronne, affectueusement surnommée Mère Torture, était l’infirmière en chef du domaine royal de l’Isengard.  Une femme d’une soixantaine d’année, robuste et expérimentée; elle ne se distinguait pas vraiment par sa tendresse et faisait finalement assez peu dans le sentiment. Elle avait depuis longtemps appris à approcher sa profession de manière la plus détachée possible sur le plan émotionnel, en particulier depuis qu’elle officiait ici où le manque criant de moyens et de médecins compétents impliquait un taux important de décès. L’arrivée du Roi et de son entourage avait un peu amélioré la situation mais ils étaient encore loin d’atteindre le niveau de l’hôpital de Meduseld par exemple.
La matronne s’épongea son front ruisselant de sueur, malgré l’antipathie qu’elle suscitait auprès des soldats, il fallait avouer qu’elle ne comptait pas ses heures et donner toute sa personne pour sauver ceux qu’il pouvait l’être. La manière avec laquelle elle faisait cela n’était peut être pas des plus agréables pour les guerriers qui espéraient généralement être pris en charge par une jeune et attirante infirmière sans expérience. Mais Méronne était là pour sauver leurs vie, non satisfaire leur ego et leurs ardeurs masculines. D'aucuns pourraient dire qu’elle n’était pas une brave dame.

Elle se dirigea d’une allure très masculine  vers le fond de l’infirmerie où des rideaux dissimulaient le patient qui s’y trouvait. De telles mesures était parfois prises quand un homme de stature importante était blessé et devait être séparé du reste. Dans ce cas précis, quand celui-ci était arrivé elle n’avait pas donné cher de ses chances de survie. Mais le guérisseur Rihils qui avait été pendant un moment le seul autorisé à l’approcher, dépêché depuis Edoras avait fait de vrais miracles pour le sauver malgré de grave séquelle que le pauvre hère garderait à vie.

“Très bien mon Capitaine! Il est l’heure de changer vos pansements.”
fit elle d’un ton monotone en traversant les rideaux.

Mais elle s’arrêta dans son élan, surprise.  Le lit était vide. Le masque immaculé qui reposait sur le chevet du lit avait lui aussi disparu.


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Dernière édition par Learamn le Lun 6 Avr 2020 - 11:35, édité 2 fois
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Redditions EmptyMer 29 Jan 2020 - 12:06
La mort de Dervenn avait jeté un froid sur l'Isengard, comme si de gros nuages noirs s'étaient soudain amoncelés dans le ciel de la garnison, qui pleurait un homme apprécié de tous, et respecté par ses subalternes. Une vague de fébrilité s'emparait de la troupe à mesure que la nouvelle se répandait, et que les hommes venaient constater la perte d'un des leurs dans des circonstances tout à fait inhabituelles.

Depuis l'installation des troupes en Isengard, la vie des soldats avaient été relativement tranquille, seulement rythmée par les patrouilles extérieures qui pouvaient se révéler dangereuses. Cependant, derrière les grands murs de pierre, ils se sentaient à l'abri, protégés de tout mal. Ils n'avaient jamais eu à déplorer la moindre alerte, la moindre attaque, ou le moindre danger de quelque nature qu'il fût. Les sentinelles s'évertuaient à rester attentives, mais Isengard était un lieu calme et apaisé, où les cavaliers de la Marche se sentaient protégés.

Voir un des leurs mourir entre ces murs était aussi incongru que de voir le soleil se lever à l'ouest.

La Lice avait donné des ordres brefs et efficaces afin qu'on s'occupât rapidement de Dervenn, et les officiers de second rang avaient pris le relais pour mettre leurs hommes au travail. Dans ces circonstances, il était important de garder les soldats occupés, pour leur éviter de penser. Missions de surveillance, exercices d'entraînement ou bien corvées de bois… tout était bon pour disperser les badauds et éviter que la panique ne se répandît.

Cependant, il était déjà trop tard.

La rumeur enflait comme les voiles d'un bateau par fort vent, et poussait le navire de leur conscience vers les eaux troubles de l'inquiétude. On murmurait, on s'interrogeait, et on commençait à poser des questions sur la prisonnière bien étrange ramenée par la compagnie de Eadric. La tension était palpable, et devait être dissipée rapidement sous peine de se transformer en un poison mortel face auquel la raison se rendait sans combattre. L'esprit humain était une chose merveilleuse, capable d'être aussi inflexible que l'acier quand la situation semblait désespérée, mais aussi fragile que la dernière feuille d'un arbre en plein hiver quand il n'arrivait pas à identifier la nature du danger.

Ces hommes, des adultes accomplis au bras fort et au courage sans pareil en Terre du Milieu, tremblaient dans leurs bottes comme des enfants par une nuit orageuse. Cette fébrilité était une faille béante dans la défense de l'Isengard, et plus largement du roi Fendor, qui pouvait rapidement profiter à ses ennemis. Malgré leur caractère exécrable, il fallait bien admettre que les Lames avaient raison de se montrer vigilantes.

Osgarsson espérait bien régler cette affaire rapidement pour remettre de l'ordre dans le régiment, et éviter une nouvelle forme d'ingérence de la part de ces hommes masqués. Cependant, il n'était pas facile de gérer une telle affaire, et il devait procéder avec méthode. Il sermonna d'abord Eadric, le chef de la compagnie, qui semblait sincèrement choqué par la nouvelle de la mort de Dervenn. Plus que choqué, même…

Il paraissait pétrifié.

Il mit un moment à répondre, d'une voix qui semblait éteinte :

- Je… Je ne sais pas quoi vous dire, capitaine… Je…

Une hésitation.

- Je vous en prie, je vais vous faire mon rapport complet.

Son regard glissa vers ses deux compagnons, Eotrain et Holmo. Ils n'échangèrent pas le moindre signe visible, mais il y avait des choses qui ne trompaient pas. Ces trois hommes étaient des frères d'armes, qui se connaissaient depuis longtemps désormais, et qui avaient traversé l'enfer de la guerre civile ensemble. Avaient-ils tant de choses à cacher qu'ils seraient prêts à mentir à leur officier supérieur ? Ou bien fallait-il croire sur parole ces hommes exemplaires, dont le comportement parfois irrévérencieux n'était somme toute pas si anormal dans l'armée du Rohan ? La décision reviendrait à Osgarsson, dont l'attention s'était pour le moment tournée vers Ameno. Son arrivée fut accompagnée d'un silence pesant, alors que ses compagnons le dévisageaient avec stupeur. Eadric, notamment, paraissait ne pas reconnaître son ami, mais il se garda bien de rien dire en présence de La Lice, laissant le capitaine écouter le rapport expert du guérisseur Rihils.

L'idée d'un « traumatisme d'une nature encore à déterminer » fit tiquer les soldats présents, et Eadric qui se voulait de bonne volonté dans cette affaire se permit d'intervenir sans y avoir été invité :

- Pardonnez-moi, maître guérisseur… Ameno s'est plaint de douleurs à la tête il y a peu. Il nous a dit s'être cogné, peut-être en allant pisser. Il avait effectivement un bleu à l'arrière du crâne, mais ce n'était pas ouvert, on n'a pas vu de sang. Je sais pas si ça peut vous aider…

Eadric regarda La Lice comme un enfant regardant son père. Il était évident qu'il était préoccupé par cette situation chaotique, et qu'il voulait apporter son concours. Un bon point pour un homme qui était sur le point d'être interrogé sans ménagement sur ses activités. Rihils sembla enregistrer cette information, mais ne fit aucun commentaire définitif. Il avait sans doute besoin d'étudier plus précisément son patient, ce qu'il ferait en temps utile, une fois qu'il aurait procédé à l'interrogatoire.

Il fut donc entendu qu'Eadric serait interrogé dans la tente du capitaine, endroit où il pénétra pour la deuxième fois en quelques heures, beaucoup moins à l'aise que la première fois. Son regard glissa involontairement vers l'endroit où avait eu lieu l'altercation avec la sorcière, et ses paroles lui revinrent en mémoire comme un coup de poing en plein visage.

« Tu es maudit ».

Il y avait tant de colère et de gravité dans cette voix qu'il ne pouvait pas s'empêcher de sentir qu'un mauvais sort lui avait été jeté. Ameno pouvait-il avoir été touché par la même malédiction ? Une femme du pays de Dun était-elle capable de tels enchantements ?

- Hm ?

Il n'avait pas vraiment écouté la question de La Lice, mais il n'eut pas besoin de demander à ce qu'il la répétât. Il devinait l'idée générale rien qu'à voir le regard à la fois agacé et inquiet du grand guerrier. Après s'être éclairci la gorge, il souffla :

- Nous nous sommes aventurés en territoire Dunlending, comme d'habitude, pour y effectuer quelques patrouilles. Des observations de routine, pour vérifier qu'ils ne préparent pas de mauvais coup. Parfois, on croise quelques marchands qui veulent bien troquer avec nous, mais la plupart du temps ils nous évitent. Je suis parti avec Ameno, on a bifurqué vers l'Est pour contourner des collines dangereuses, infestées d'animaux sauvages, de moustiques et de gens pas très nets. On le fait très souvent, ça nous permet de couvrir davantage de terrain, et on se retrouve en général quelques jours plus tard à un point fixé, après avoir fait quelques repérages en profondeur dans le territoire dunlending. C'est là qu'Ameno s'est cogné la tête, capitaine…

Nouvelle hésitation.

- Je… J'étais pas là quand c'est arrivé, je l'ai juste vu marcher en titubant et en se tenant le crâne. Il avait l'air mal en point, mais on ne s'est pas attardés dans les parages, car on n'était pas vraiment en lieu sûr… Vous comprenez, avec tous les Dunlendings qui traînent dans le coin, on évite toujours de rester trop longtemps au même endroit. On a décampé rapidement, et on a rejoint les autres comme prévu, sans rien rapporter de suspect.

Il parlait vite, comme s'il était nerveux. Il approchait du point de son histoire où intervenait la prisonnière, et son regard glissait de plus en plus souvent vers sa droite, là où il s'était jeté furieusement sur elle.

- Après avoir rejoint les autres, on est tombés sur des maraudeurs qui nous ont attaqué sans raison. Vous savez comment sont les Dunlendings, on ne peut jamais trop les comprendre. On a réussi à les repousser, et la prisonnière est restée sur le carreau, alors on l'a prise avec nous. Je me suis dit qu'elle avait peut-être des choses à révéler, mais on n'avait pas vraiment les moyens de l'interroger sur place, alors c'était mieux de la ramener ici. Voilà, vous savez tout…

Il avait achevé son rapport dans la précipitation, comme s'il avait besoin d'aller très vite pour trouver le courage de tout raconter. Cependant, après avoir repris son souffle, il ajouta :

- Capitaine… Désolé de vous demander ça, mais la prisonnière… est-ce qu'elle a dit quelque chose ? Sur la malédiction ? Je sais que j'ai dépassé les bornes tout à l'heure, je suis désolé. J'ai mal réagi, mais je vaux mieux que ça… Si je pouvais lui parler, juste pour discuter, pour qu'elle retire son mauvais sort…

Le regard de La Lice le poussa à s'interrompre. Le capitaine n'était de toute évidence pas d'humeur pour ce genre de choses.


~ ~ ~ ~


Rihils le guérisseur était probablement, dans l'enceinte d'Isengard, l'homme qui s'éloignait le plus de la Lice. Il était posé, calme, mesuré, réfléchi, et tous les soldats du régiment reconnaissaient ses mérites et sa qualité. Ceux qui donnaient la mort contre une solde ne pouvaient qu'admirer ceux qui vouaient leur existence à sauver des vies. Combien ici marchaient grâce à l'intervention presque miraculeuse de cet érudit ? Certes, il ne payait pas de mine, il n'avait pas la musculature d'un bûcheron, mais son talent résidait ailleurs, et il était éminemment plus précieux.

Le voir entouré de deux gardes était presque saugrenu, car qui aurait voulu faire du mal à un tel bienfaiteur ? Cependant, la prudence était de mise compte tenu des circonstances, et Holmo comprenait les précautions prises par son capitaine. Il ne voulait pas d'un autre incident, qui aurait pu avoir des conséquences à une toute autre échelle. Dervenn était un officier important, un homme apprécié, mais Rihils était un des meilleurs guérisseurs du royaume… un homme qui pouvait sauver la vie des rois et des princes. Sa mort serait une catastrophe sans nom pour le Rohan, surtout depuis la disparition de Dame Farma…

Holmo se sentait tout à coup insignifiant face à ce guérisseur qui pourtant posait sur lui un regard bienveillant. Il voulait seulement la vérité, non pas le condamner à la potence. C'était déjà encourageant.

- Maître Rihils, vraiment je sais pas quoi vous dire… Je…

Il était évident que l'homme était encore choqué par le meurtre de Dervenn. Il avait déjà vu des combats, traversé la guerre civile… mais de toute évidence, quelque chose dans le geste de son compagnon l'horrifiait.

- C'était vraiment une patrouille comme les autres… Des collines, des prés, rien de spécial. On a exploré les territoires du Pays de Dun comme d'habitude, en essayant de faire attention à ne pas déranger les locaux pour éviter tout conflit. Mais parfois, vous savez comment ils sont… Quand le sergent est revenu avec les Dunlendings aux trousses, on n'a pas eu d'autre choix que de se défendre, et c'est là qu'on a capturé la prisonnière.

Le bref silence qu'il observa était aussi éloquent que le ton presque effrayé qu'il adopta quand il reprit :

- Vous pensez que c'est elle qui est responsable de tout ça ? Vous pensez que c'est de sa faute ?

Ses questions ne trouveraient pas de réponse ici. Pas qui apaiseraient son esprit impressionnable, en tout cas. Il devait rester concentré sur les faits, et rien que les faits. Il n'était pas facile de penser clairement quand on était soumis à toutes ces émotions :

- J'aimerais bien vous expliquer comment les choses en sont arrivées là, avec Ameno… Mais je vous assure, tout est allé trop vite. Le sergent… il a commencé à poser des questions, il avait l'air drôlement contrarié, vous voyez. Et Ameno, je pense qu'il allait pas bien. Vous l'avez vu, hein ? Vous avez vu qu'il était pas dans son état normal… A-Alors le sergent l'a attaqué… j-je vous jure, il l'a attrapé comme ça, sans raison. C'est comme s'il était devenu… fou… totalement fou. Je vous en prie, Maître Rihils… dites-moi qu'il sera pas pendu… Ameno est un de mes amis, et jamais il n'aurait fait de mal à un officier. S'il-vous-plaît Maître, dites-moi qu'ils vont pas le pendre.

L'inquiétude de Holmo était sincère, et fondée. Le châtiment pour ce genre de comportements était en général exemplaire, et il n'était pas exclus de voir Ameno être exécuté très solennellement pour faire passer le mot à tout le reste de la troupe.

Il avait besoin d'obtenir une réponse à cette question cruciale, avant de poursuivre…


~ ~ ~ ~

Redditions Dairin11

Le cliquetis de serres sur la pierre réveilla doucement la jeune femme. Elle ouvrit les yeux, et déplia ses jambes recroquevillées en prenant garde de ne pas faire trop de bruit. Dans la pénombre de ce réduit, elle avait beaucoup de mal à estimer le passage du temps. Il lui semblait avoir été enfermée ici depuis des jours, alors que cela faisait sans doute à peine plus de quelques heures. Les Rohirrim étaient repartis, la laissant dans des geôles qui ne ressemblaient à rien de ce que l'on trouvait dans les terres du Pays de Dun.

Mais au moins, elle était seule.

Veillant à ce que personne ne se trouvât aux alentours pour l'observer, elle se dirigea subrepticement vers le rai de lumière qui descendait d'une petite ouverture percée dans le plafond de sa cellule. Il lui fallut s'appuyer sur les parois inégales pour se hisser au niveau de la grille rouillée. Le passage était trop étroit pour qu'un humain pût s'y glisser tout entier, mais elle trouva aisé d'y passer la main et d'accueillir son plus précieux allié.

Lorsque ses pieds touchèrent le sol, elle n'était plus seule.

Bientôt assise en tailleur, elle se mit à parler dans sa rude langue natale, que les gens d'ici ne comprenaient guère. Une façon pour elle de se protéger, mais aussi de se faire mieux comprendre. Chaque mot serait important.

- Dis-leur que je suis dans la place… commença-t-elle. Dis-leur…

Sa voix devint un murmure à peine audible, alors que ses mains continuaient de caresser lentement le plumage nocturne sous ses doigts fins. Elle parlait vite, comme pour en dire autant que possible avant que quelqu'un ne survînt par inadvertance. Sitôt qu'elle eût terminé, elle libéra le messager, qui s'envola sans un bruit dans le ciel diurne d'Isengard.

Ce n'était qu'une question de temps, désormais.


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Redditions EmptyMer 5 Fév 2020 - 19:20


Le capitaine Osgarsson connaissait le sergent Eadric depuis bien longtemps, ce dernier servant sous ses ordres depuis de longues années. Il n’était pas le subordonné le plus discipliné mais un guerrier hors pair et meneur d’homme précieux. Son côté un peu maraudeur de lui et ses hommes, qui contrastait avec la rigide organisation du reste du contingent d’Isengard sous les ordres de la Lice, en faisait un atout précieux surtout en patrouille, ou phase de repérage en qualité d’éclaireur. Mais cette fois-ci était-il allé trop loin en allant provoquer les Dunlendings au cœur de leurs terres?  L’officier en doutait grandement, ce genre de patrouille préventive en terres hostiles était effectivement monnaie courante et il ne croyait pas son subordonné assez stupide pour attaquer frontalement. De plus, le sergent avait l’air sincèrement retourné par la nouvelle de la mort de Dervenn et semblait réellement vouloir aider l’enquête de son supérieur. Eadric était doué dans de nombreux domaines mais c’était un piètre menteur, en occurrence la Lice savait qu’il était bien sincère. Sa longue expérience au sein de la troupe avait permis au capitaine de savoir comment ses hommes fonctionnaient; contrairement à de nombreux autres officiers supérieurs issus de la noblesse et  n’ayant jamais fréquenté la troupe, lui savait comment elle fonctionnait de l’intérieur et connaissait toutes les combines habituels et mensonges que certains pouvaient pondre à leur hiérarchie. Lui aussi était passé par là.

Le témoignage était intéressant et permettre de combler certains trous dans le récit mais de nombreuses questions restaient sans réponses et pas des moindres. Qu’est ce qui avait pu donc provoquer l’état léthargique d’Ameno depuis son retour de mission? Un bénin choc sur la tête ne pouvait l’expliquer. Pourquoi les Dunlendings avaient agi de la sorte? Qui était ces maraudeurs? Et que diable faisait Dairine au milieu de tout cela à ce moment là? Autant d’interrogations dont le sergent n’avait vraisemblablement pas les réponses.  La justification de la prise de la jeune captive n’était pas des plus convaincante mais était sans doute vraie, il n’était pas rare que des soldats décident de garder des prisonniers pour les  amener auprès de leur supérieur face à une situation incertaine. Il n’avait d’ailleurs pas attendu pour la livrer au capitaine de la Porte d’Isengard dès son retour.  

Eadric revint alors sur la malédiction prétendument jetée sur lui par la prisonnière et, après s’être excusé de son comportement violent, demanda à la voir pour qu’elle révoque le sortilège. Face à cette audacieuse requête, la Lice haussa un sourcil. Ces histoires de malédiction et de magie le laissait toujours de marbre; il y avait certes des phénomènes troublants à commencer par le comportement d’Ameno mais rien qui ne soit pas naturellement explicable. La situation était déjà assez compliquée comme cela, nul besoin de rajouter des calembredaines de sorciers dans l’équation. Mais de toute évidence, nombre de soldats ici n’étaient pas aussi pragmatiques et croyaient bien en ces menaces surnaturelles.

“La captive a été placée en quarantaine jusqu’à nouvel ordre, nul n’est autorisé à rentrer en contact avec elle. Je ne peux pas faire d’exception sergent. De toute façon si mauvais sort il y a, et vous savez bien ce que je pense de ces foutaises, je ne vois pas pour quelle raison elle retirerait celui qui plane au-dessus de votre tête.”

Il prit une gorgée de vin, boisson qui l’aiderait sûrement à gérer cette journée bien délicate.

“ Vous pouvez disposer Sergent, allez vous reposer et reprendre des forces. Quelque chose me dit que nous aurons bientôt besoin de vous en pleine forme. Très bientôt même.”

Il n’y avait peut-être pas de malédiction, mais il avait le pressentiment qu’il  y avait  bien quelque chose de menaçant à l’oeuvre ici.


De son côté Rihils menait lui aussi son interrogatoire mais d’une différente manière, l’idée n’étant pas de brusquer son interlocuteur afin que celui-ci se montre le plus coopératif possible. Le guérisseur savait la confiance qu’il inspirait chez les autres et comptait bien en profiter; il avait de nombreuses qualités mais l’humilité  n’en faisait pas partie. Il écouta attentivement le récit de Holmo sans l’interrompre, se contentant de prendre des notes sur son carnet tout en hochant la tête de temps à autre. Quand le soldat l’interrogea sur la responsabilité de la captive, Rihils lui réserva la plus diplomatique des réponses.

“ L’enquête est en cours mais pour l’instant absolument rien ne nous permet d’établir un lien  direct entre la prisonnière et la situation présente.  Nous cherchons des réponses et des causes et croyez-en mon expérience, elles ne seront sans doute pas aussi simple que cela. Rien n’est jamais blanc ou noir en ce monde.”

L’interrogé s’enquit alors du sort de son ami Ameno, visiblement inquiet par ce que l’éta-major comptait lui réserver. Mais cette décision n’était pas du ressort du guérisseur qui malgré son prestige et sa place de choix dans l’organigramme depuis son arrivée n’aurait pas voix au chapitre dans ce procès purement militaire. Seuls les officiers et l’entourage du Roi pouvaient décider de ce qu’il adviendrait de lui. Mais en général le sort des meurtriers au sein de la troupe était quasiment scellé d’avance: l’échafaud. Justice serait rendue, mais Rihils comptait néanmoins peser de tout son poids pour repousser la sentence jusqu’à la fin de l’enquête  Il avait besoin d’examiner le coupable pour lever le voile sur ce soudain accès de violence.

“La décision finale concernant votre ami ne me revient pas. Pourtant je vous assure que nul mal ne sera fait tant que sa totale responsabilité ne sera pas prouvée.”


Rien n’était moins sûr, en particulier au vu de la justice sévère et  parfois expéditive en vigueur au sein de l’armée du Rohan.

“Je vous remercie Holmo, votre aide nous sera très précieuse et considérée comme il se doit.”

Le guérisseur libéra alors Holmo et appela Eotrain au rapport. Celui-ci lui donna peu ou prou la même version de l’histoire et ne lui apprit rien de neuf; Rihils décida donc de ne point éterniser l’échange et rejoignit la Lice dans ses quartiers pour planifier la suite des événements.

L’officier était assez devant son large bureau, l’air circonspect.  Pour la première fois depuis de longues années,  il voyait son vieil ami en grande difficulté et être quelque peu dépassé sans vouloir l’admettre. Depuis l’arrivée de la captive et l’enchaînement de mauvaises nouvelles, le capitaine de la Porte d’Isengard subissait le cours des choses, étant dans la réaction plutôt que de la prévention. Il était un homme d’action, officier hors pair sur un champ de bataille, combattant exemplaire à la tête d’une charge de cavalerie. Depuis son arrivée ici, il rongeait son frein face à l’inaction auquel il faisait face et ce genre de soucis n’étaient pas de ceux avec lesquels il aimait avoir affaire.  

Sur l’invitation du maître des lieux, Rihils s’installa sur le fauteuil réservé aux visiteurs de marque et les deux hommes échangèrent les informations qu’ils venaient de récolter.

“Et donc les différentes versions du témoignage correspondent plus ou moins.
constata la Lice.
- Presque totalement à vrai dire. Toujours cette histoire de patrouille et d’incursion dans les terres des Dunlendings, une brève séparation du groupe durant laquelle Ameno a subi un choc puis leur réunion suivi de l’affrontement avec des maraudeurs et la capture de la jeune femme. Ils ne nous ont pas mentis mais plusieurs zones d’ombres subsistent à commencer par le rôle de cette jeune femme et l’état psychologique d’Ameno. Il me faudrait pouvoir l’examiner plus longuement.
- Il est à l’infirmerie, en isolement et sous haute garde. Je t’y accompagnerai dans quelques minutes; je dois d’abord distribuer quelques ordres. Attends-moi ici.”


Le Capitaine sortit en vitesse de sa tente, son aide de camp le suivant comme son ombre, et commença à distribuer des ordres d’un ton autoritaire en parcourant le campement. Le prestigieux commandant en chef de la Porte d’Isengard, malmené depuis le début, était bien de retour. Se montrant à nouveau dans l’action plutôt que dans la réaction. Était-ce là une manière artificielle de restaurer sa prestance? Peut-être bien mais ce fut efficace, tant les soldats étaient rassurés de voir ainsi leur chef si sûr de lui. Il donna des directives concernant les funérailles de Dervenn, renforça la présence aux entrées du domaine et envoya sur le champ de nombreuses patrouilles pour sécuriser les alentours les plus proches et guetter tout activité inhabituelle près des frontières. Quelque chose de mauvais planait au dessus d’Orthanc et le capitaine ne comptait pas attendre d’en savoir plus pour prendre ses précautions, jamais son instinct ne l’avait pas trompé et s’il était inquiet c’était pour une raison.

Sa tournée achevée, il retrouva le guérisseur et ensemble ils prirent la route de l’infirmerie. Ils y furent accueillis par Dame Méronne, maîtresse des lieux qui les conduisit jusqu’au coin isolé où l’on avait amené Ameno. Quatre hommes lourdement armés l’encadrait pour éloigner les regards de tous les curieux.

“Le voici mon Capitaine. Il a l’air complètement dans un autre monde celui là, les concombres servis ce midi semblaient encore plus réactifs et je peux vous dire qu’ils étaient pas bien frais.
-Je vous remerci Ma Dame, vous pouvez disposer.
-Oh oui dernière chose, le Capitaine au masque a disparu du bâtiment il y a quelques heures. Je voulais vous l’annoncer plus tôt mais vous étiez introuvable.”


La Lice retint de justesse un profond soupir d’exaspération, il ne manquait plus que lui…

“Son état s’était grandement amélioré ces dernière semaines mais de là à quitter seul cet endroit, je dois admettre que je suis surpris.
commenta Rihils.
-Ah! Peu importe! Chaque chose en son temps.”

Retrouver ce capitaine n’était pas vraiment la priorité, d’autant plus que vu son état il ne risquait pas d’aller bien loin et d’être signalé par des hommes du campement. Pour l’instant, ils se devaient de concentrer leur attention sur l’enquête principale.

“Laissez-nous!
ordonna-t-il aux gardes
-Mais mon capitaine votre sécu…
-S’il bouge d’un pouce je lui briserai la nuque d’une main. Laissez nous à présent!”


Les soldats partirent sans poursuivre leurs protestations.

Rihils ouvrit sa sacoche à ustensiles et remèdes et s’agenouilla auprès d’Ameno, auquel on avait lié les mains aux barreaux du lit. Pas de réaction, il était toujours aussi apathique. Le médecin l’examina consciencieusement en silence pendant de longue minutes.

“J’ai déjà vu certains hommes dans un état similaire au lendemain de batailles particulièrement violentes. Instables et comme hors de ce monde. Mais au vu de nos informations je vois mal ce qui a pu provoquer un tel changement. Et puis…”


Il s’arrêta un moment, comme s’il hésitait  à alarmer son impulsif ami avec quelque chose dont il n’était pas certain. Mais ce dernier insista.

“Et puis?
-Et puis il y a quelque chose dans son regard que je ne saisis pas.  Il est complètement vide, je n’ai presque jamais vu ça.
-Comment ça presque?”

Rihils hésita à nouveau un court instant, il appréhendait la réaction de la Lice à une opinion qui ne risquait pas de lui plaire.

“Eh bien lors de mes voyages en Terres Elfiques, j’avais croisé un homme au comportement semblable à l’hôpital de Fondcombe. Les Eldars m’ont expliqué qu’ils le traitaient pour le conjurer du malheur qui sommeillait en lui.”

Comme prévu, l’officier n’apprécia pas la remarque et vociféra:

”Ah ces maudits elfes et leurs balivernes! Moi je vais le réveiller cet abruti !”

A mains nues, le colosse défit les liens du meurtrier et le força à se lever puis à avancer devant lui.

“Ansgar! Ce n’est pas la solution!
-Oh que si! J’en ai assez qu’il se moque de nous. Choc psychologique! C’’est bien la meilleure celle-là.”

Comme il l’avait fait avec Dairine quelques heures plus tôt, la Lice conduisit son “prisonnier” à travers le campement en le maintenant fermement par le coup. Celui-ci ne se débattait pas. Ils marchèrent ainsi quelques minutes,suscitant la curiosité de la troupe sans que cela n’affecte le capitaine, jusqu’à faire à nouveau face au grand escalier et aux portes colossales de la tour d’Orthanc. Les trois hommes pénétrérent dans le gigantesque édifice et prirent le chemin des sous-sols. Leur destination était évidente.

Ils furent bientôt devant la cellule où se trouvait Dairine,  assoupie dans un coin sombre et humide. Sans aucune forme de ménagement, Osgarsson poussa violemment Ameno à l’intérieur avant de refermer la porte derrière lui.

“Peut-être qu’elle lui rappelera des souvenirs agréables et qu’on aura enfin une réaction.
-Ansgar…. ce n’est pas une bonne idée…”

Mais l’officier supérieur était sourd aux conseils avisés de son ami et n’attendait plus que de voir ce qui se passerait dans les minutes suivantes.


---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

“Moi je vous dis,  quelque chose de bizarre se passe ici. D’abord cette prisonnière étrange, puis ce meurtre incompréhensible. Je suis pas très rassuré les gars.”


Les quatre gardes qui partageaient ensemble une tente venaient de revenir de la corvée de bois à laquelle ils avaient été assignés suite au meurtre de Dervenn. Ils en étaient revenus éreintés alors que le soleil commençait à décliner à l’horizon et que l’air se rafraîchissait. Leur travail fini, ils avaient à présent tout loisir d’échanger sur les rumeurs qui courraient.

“Allez tais-toi! Les histoires de sorciers c’est pour faire peur aux gosses!
-Pourtant il se passe vraiment des choses; comment tu expliques le comportement de Ameno? Tu le connaissais, c’est un type bien d’ordinaire, le moins violent de son groupe même. Et puis trop jovial pour avoir des envies suicidaires en s’exposant à la cour martiale.
-Sorcière ou pas, ça m’est égal. Moi tout ce que je sais c’est que j’ai juste besoin d’un bon dîner et d’un peu de sommeil.”


La discussion durait depuis de longues minutes et commençait sérieusement à tourner rond, au fond peut-être valait-il mieux laisser ces problèmes au commandement et ne pas se mêler de tout cela.

“Tu veux dormir ? Avec ce grabuge dehors? “


Des cris de foule et autres exclamations montaient en effet depuis l’extérieur et gagnaient en intensité minutes après minutes. Intrigué, les quatre hommes sortirent de leurs quartiers pour voir ce qui pouvait bien se passer. Dehors la nuit était tombé rapidement et avec elle était venu un vent frais qui rafraîchissait les cœurs et les esprits. Des dizaines d’hommes s’étaient regroupés au loin, écoutant un homme en train de les haranguer. Ils s’approchèrent pour voir de qui il s’agissait.

L’homme était de grande taille, revêtant fièrement une armure reluisante d’officier de la Marche ainsi qu’une longue cape richement décorée. Il parlait d’une voix rauque et profonde qui semblait venir d’un autre monde. Mais le plus intrigant était le masque immaculé qui dissimulait son visage et lui donnait une allure mystérieux et menaçant. L’homme leva une main qui aurait pu appartenir à un mort, pour demander le silence à son audience.

“Mes frères, voilà des mois voire des années pour certains que vous acceptez de servir votre royaume dans des conditions exécrables. Vous dormez encore dans des tentes ouvertes aux éléments quand on vous avait promit la construction de baraques il y a bien longtemps déjà, vous vous faîtes soigner dans un hôpital à court de guérisseurs et d’équipement, vous subissaient la canicule sans avoir d’ombre pour vous protéger.. Vous acceptez toutes les souffrances que vous endurez quand ceux qui se terrent dans cette tour ne daignent même pas se soucier de votre existence. Mais vous n’avez rien dit. Vous avez acceptez tout ceci au nom de vos valeurs, de votre pays, de votre peuple. Mais voilà aujourd’hui, alors que notre vie à tous est en danger, nous nous devons de demander des comptes.”


L’homme haranguait une foule grandissante et qui se ralliait lentement à sa cause et qui acclamait bruyamment chacune de ses phrases.

“Une sorcière amenée au cœur de notre campement et voilà que déjà ses mauvais sortilèges accablent les nôtres. Et quelle réponse avons-nous lorsque nous faisons part de nos inquiétudes au commandement? Aucune! Le silence total! N’avons nous pas le droit de savoir? De connaitre la malédiction qui pèse sur nous? S’ils ne veulent pas nous donner les réponses alors nous les obtiendrons nous mêmes! Marchons vers Orthanc car c’est là qu’ils doivent la tenir enfermer! Car quels autres murs que celle de la Tour Malicieuse pourraient bien la retenir! Allons réclamer ce qui nous est dû et briser le sortilège!”


Ce fut alors bientôt près d’une centaine de cavaliers qui suivirent leur mystérieux et charismatique nouveau leader sorti de l’inconnu. Une procession armée de torches enflammées déchirant l’atmosphère nocturne de l’Isengard, avançait bientôt en direction de la place-forte du domaine, gagnant sans cesse de nouveaux éléments en route.

La troupe et l’homme au masque réclamaient des réponses à un gouvernement bien ombrageux jusque là.


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Redditions EmptySam 8 Fév 2020 - 14:29
Redditions Dairin11

Dairine s'était endormie profondément. Dans les geôles d'Isengard, malgré la nuit étouffante et la présence de ces pierres au-dessus de sa tête, elle se sentait assez en sécurité pour fermer les yeux et se reposer. Elle aurait besoin de toutes ses forces pour affronter ce qui allait suivre. Alors, plongée dans un sommeil réparateur, elle n'entendit pas les bruits de pas des trois hommes qui descendaient à sa rencontre, pas plus qu'elle ne capta le bruit des clés dans la serrure rouillée de cette grille ancienne. Elle ne commença à s'éveiller que lorsqu'Ameno fut précipité dans la cellule par le capitaine.

Percevant immédiatement la menace, elle ouvrit les yeux brusquement, et essaya de donner du sens à ce qu'elle vit en se levant.

A contre-jour, elle était incapable d'identifier les trois hommes qui se tenaient devant elle. Elle ne voyait que leurs silhouettes se découper sur le halo grisâtre de l'extérieur. L'un des trois était tout proche, légèrement voûté, le souffle rauque et l'air patibulaire. Les deux autres attendaient plus loin, comme s'ils voulaient profiter du spectacle.

La femme comprit immédiatement que sa dernière heure était arrivée.

Elle savait qu'à l'instant où elle franchirait le cercle de pierre d'Isengard, son sort serait scellé, et elle acceptait sereinement son sort, malgré la crainte qui lui tenaillait les entrailles. Elle y était préparée, désormais, et elle avait une idée très précise de la façon dont cet homme entendait la faire passer de vie à trépas. Elle l'avait déjà vu faire plusieurs fois. Une partie d'elle-même s'éteignit comme on souffle une bougie, et toute peur quitta brusquement son regard, qui devint glacé comme la mort elle-même. Dans ses yeux qui semblaient ne même plus ciller, des siècles d'expérience lui commandaient la marche à suivre. Elle percevait d'ores et déjà la musique des Ancêtres qui l'appelaient à elle.

Ce n'était pas la première fois.

Au fond de son cœur, la jeune fille terrorisée fermait les yeux. Elle aurait voulu crier, se débattre, chercher à supplier, ou bien à s'enfuir. N'importe quoi plutôt que de rester froidement à contempler la fin du chemin. Immobile. Fière. La sinistre personnalité qui s'était emparée de son corps réagissait différemment, et semblait faire preuve d'un contrôle à toute épreuve. Elle observait l'ennemi droit dans les yeux, attendant simplement le coup mortel.

De ce qui semblait être un simple mouvement d'épaule, elle glissa hors de ses robes qui cascadèrent le long de sa peau comme l'eau de pluie le long des pierres d'albâtre. Elles chutèrent au sol, à ses pieds, la laissant parfaitement nue, frissonnant à peine malgré l'atmosphère glaciale qui avait de quoi donner la chaire de poule. Son corps était une fresque spectaculaire, couverte de motifs complexes et entrelacés qui s'enroulaient autour de ses bras, glissaient autour de ses seins, et descendaient en volutes d'encre sombre le long de ses hanches, griffant ses jambes jusqu'aux mollets.

Cette féminité exposée était peut-être plus troublante encore que toute autre réaction de panique. Elle acceptait sereinement son sort, et paraissait donner librement ce qui serait de toute façon pris.

Ce fut la seconde fois depuis le début de cette sordide affaire qu'Ameno sembla avoir une réaction. La nudité de Dairine aurait suscité le désir chez n'importe quel homme de la troupe, à n'en pas douter, mais il semblait y avoir autre chose. Ameno n'était pas comme à son habitude, et il gronda d'une voix caverneuse :

- Je t'avais dit que tu finirais par te rendre…

Un sourire s'étira sur son visage buriné, alors qu'il sentait le vent des plaines du Dunland caresser son visage.


~ ~ ~ ~


Holmo faisait les cent pas, jetant de fréquents regards à l'extérieur pour s'assurer que personne n'approchait. Il finit par voir la silhouette du sergent Eadric se dessiner, suivie de près par celle d'Eotrain. Un soupir de soulagement lui échappa, et il se précipita vers son compagnon pour le prendre dans ses bras. Une démonstration d'affection tout à fait inhabituelle chez lui.

- Par les Valar, Eadric, tu aurais pu venir nous rejoindre plus tôt, qu'est-ce que tu fichais ?

Le sergent vérifia que personne n'était à portée d'oreille :

- Il y a un attroupement bizarre, les hommes se rassemblent et discutent. Ils ont l'air de vouloir que La Lice leur rende des comptes, par rapport à ce qui se passe en ce moment. Mais ce n'est pas le plus important, nous devons parler.

- Oui en effet, répondit Holmo sur un ton assez cassant. Bon sang Eadric, qu'est-ce que vous avez foutu avec Ameno ? Depuis que vous avez ramené cette sorcière c'est la merde ici !

Il jura pour lui-même. Il avait besoin d'explications, car s'il devait mentir une nouvelle fois à ses officiers supérieurs, à Osgarsson qu'il estimait beaucoup, et à Rihils qui travaillait dur pour leur sauver la vie, il voulait savoir pour quoi. Protéger un compagnon d'armes, oui, toujours. Mais protéger un meurtrier… Il avait vu Ameno enfoncer une lame dans la gorge de Dervenn, et ce geste resterait probablement gravé dans sa mémoire pour l'éternité. Eadric lui posa une main sur l'épaule, et s'efforça de le calmer :

- Je vais tout te raconter, Holmo, ne t'inquiète pas… Mais tu dois me promettre que ça restera entre nous, d'accord ? Eotrain est déjà au courant, et il est d'accord pour dire que nous n'avons rien fait de grave. Je te dois bien la vérité, vieux frère.

Holmo eut un sourire rassuré, son regard passant de l'un à l'autre de ses amis.

- Merci les gars, vous me rassurez. Je sais que vous n'avez rien fait de mal, et je suis avec vous jusqu'au bout. Je veux juste savoir, tu comprends.

- C'est normal, Holmo. C'est tout à fait normal…


~ ~ ~ ~


Combien de temps avait-il fallu à La Lice et à Rihils pour se rendre compte que les choses avaient totalement échappé à leur contrôle ?

Longtemps.

Trop longtemps.

Quand les premiers bruits de pas avaient retenti dans l'escalier, accompagnés par des éclats de voix colériques, ils avaient compris que quelque chose ne tournait pas rond. Orthanc était toujours si calme d'ordinaire, et la circulation des hommes y était réglementée. Seuls les gardes royaux, les Lames Grises, les officiers et quelques soldats spécialement commissionnés étaient habilités à circuler librement. Or il semblait que toute la garnison d'Isengard s'était ruée à l'intérieur des geôles, criant bruyamment et de manière incompréhensible. Les murs reprenaient en écho leur vacarme, au point de rendre le tout assourdissant.

Le temps qu'ils comprissent de quoi il retournait, Rihils et le capitaine Osgarsson entendirent soudainement des cris stridents qui provenaient de la cellule de la prisonnière. Ils se muèrent bientôt en sanglots, et en appels à l'aide déchirants. On aurait dit un petit animal que l'on envoyait à l'abattoir, et qui implorait ses bourreaux et ses dieux pour obtenir la vie sauve. Lorsqu'ils observèrent la scène qui se jouait derrière les barreaux, ils virent avec horreur la jeune femme étendue par terre dans le plus simple appareil, et Ameno qui se penchait sur elle avec la ferme intention de souiller son corps et son âme, sans la moindre considération pour la présence de deux témoins. Dairine, qui était restée immobile jusqu'à présent, se débattait désormais comme une furie, en hurlant à s'en déchirer la gorge.

Et au milieu de ce chaos, Rihils tenait toujours les clés de la porte.

Avant qu'il eût trouvé le temps de bouger, ou de réagir d'une manière ou d'une autre, les soldats étaient déjà là. Ils envahirent la pièce comme une nuée de sauterelles, criant qu'ils avaient trouvé le capitaine, et lui posant mille questions. Les premiers repérèrent bientôt que quelque chose n'allait pas, quand ils perçurent les cris féminins qui se détachaient nettement des grognements virils venus d'au-dessus. L'un d'entre eux repéra la cellule derrière leurs deux hommes, et ses yeux accoutumés à l'obscurité devinèrent le spectacle qui se jouait.

L'horreur qui se peignit sur son visage répondait à l'impuissance de La Lice dont le visage trahissait des émotions contradictoires.

Que dire ?

Comment expliquer ?

Face à la vindicte populaire, et dans ces circonstances accablantes, pouvait-il réellement essayer de raisonner ses soldats ? Peut-être valait mieux ne pas se dresser sur leur chemin, et les laisser faire ce que leur honneur commandait. Le temps de réponses viendrait plus tard. Peut-être.

- Il va la violer ! Les gars arrêtez-le, il est en train de la violer !

Ces hommes entraînés à défendre la veuve et l'orphelin, mus par le désir de servir la justice, le bien et la morale, n'auraient jamais pu supporter de voir un tel crime être commis devant leurs yeux. Ils avaient les cœurs les plus purs de tout le Rohan, l'âme la plus noble… mais aussi, parfois, le cerveau le plus étroit.

En entendant l'appel de leur compagnon, il y eut une seconde d'un profond silence. Le choc, sans doute. Puis la réalisation. Et enfin, la décision d'agir, alors que les sanglots parvenaient à leurs oreilles, sollicitant la réaction la plus naturelle chez ces combattants formés à épargner aux femmes du royaume et d'ailleurs d'affronter les tourments de la bataille.

Et la seconde d'après ce fut le chaos.


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Redditions EmptyVen 21 Fév 2020 - 16:18

Ce fut le chaos.

Rihils s’était bien douté que d’enfermer Ameno dans la même cellule que la captive soupçonnée de sorcellerie n’était pas la meilleure des  idées  mais jamais il n’avait imaginé que la situation pouvait prendre une tournure aussi catastrophique. Ils avaient perdu tout contrôle et chaque élément qui aurait pu dégénérer l’avait fait de la pire des manières.

Tout d’abord, le soldat qu’ils avaient amené jusqu’ici avait bien eu une réaction à la vue de la jeune femme. C’était l’idée de la Lice qui n’avait trouvé que cette solution pour sortir le bougre de son état de mutisme et de léthargie profonde.  Cela avait d’ailleurs certes marché mais pas vraiment de la manière qu’il avait imaginé.  Sans qu’ils ne sachent trop comment - les deux hommes distinguaient peu de choses au milieu de l’obscurité ambiante - Dairine se retrouva bientôt allongée  au sol, sur le dos et toalement nue; tandis que Ameno se ruait sur elle, un sourire avide et glaçant animant son visage jusque là si inexpressif.  Un meurtrier et un violeur de surcroît, qu’était-il donc arrivé à ce brave cavalier du Rohan?  Les deux témoins mirent quelques secondes à réaliser l’horreur de la scène qui se déroulait sous leurs yeux, une horreur qu’ils avaient eux-même provoquée. Ces quelques instants d’hésitation leur furent hautement préjudiciables puisque pendant ce laps de temps, le bruit diffus qui se faisait entendre au-dessus de leurs têtes depuis plusieurs minutes  sans qu'ils n'y prêtent attention se faisait de plus en plus intense et surtout se rapprochait. Le temps qu’ils comprennent de quoi il en retournait qu’il était trop tard.  Bientôt ce fut des dizaines de soldats en furie qui déférlèrent à leur rencontre. Ces hommes avaient bravé le couvre-feu ainsi que l’interdiction formelle d’entrer au sein de la tour d’Orthanc sans autorisation spéciale, mais la puissance du nombre avait prévalu sur la crainte de la punition.  Pris de court, Osgarsson fut partagé entre le désir d’intervenir à l’intérieur du cachot  pour protéger les prisonnières des vils desseins du soldat fou et rattrapper son erreur de jugement, et la necessité de calmer les ardeurs des protestataires en allant à leur rencontre tout en les empêchant d’atteindre la cellule et de découvrir ce qui s’y jouait. Une nouvelle hésitation qui lui coûta très cher,  il n’eut le temps de faire ni l’un ni l’autre  et se retrouva submergé sans qu’il n’ait préalablement bougé du moindre mètre. Depuis le début de cette affaire, il n’avait jamais vraiment eu le contrôle de la situation ce qui l’avait hautement frustré, mais il avait toujours su garder une façade sereine de maîtrise devant la troupe. Là il se trouvait complètement dépassé; pour la première fois depuis bien des années.  

Plusieurs hommes le prirent à parti, réclamant des explications et des clarifications sur le “sortilège qui pesait sur eux” ou sur l’opacité de l’enquête qu’il menait. Le tout était très confus et ne faisait pas vraiment de sens; même la voix tonitruante de la Lice ordonnant à tout le monde de retourner dans ses quartiers  ne parvenait à couvrir le vacarme ambiant. De plus, ils ne tardèrent pas à comprendre ce qu’Ameno tentait de faire à la femme du pays de Dûn.  Un cria l’alerte, tous accoururent pour stopper le malfaiteur. Un geste noble, qui en d’autres cironstances aurraient réchauffé le coeur du Capitaine de la Porte d’Isengard, mais là c’en était trop pour lui, d’autant plus que sa présence sur les lieux étaient pour le moins suspecte aux yeux de la troupe. Sa réputation d’officier modèle, droit et exemplaire,  issu du peuple risquait d’en prendre un sacré coup.  Il allait devoir fournir des explications.

De son côté, Rihils était parvenu tant bien que mal à s’extirper du coeur de l’émeute. Le guérisseur avait encore du mal à comprendre comment tout cela avait pu dégénerer en si peu de temps. La réaction innatendue et choquante d’Ameno à la vue de la jeune femme ainsi que la phrase qu’il avait prononcé en se ruant sur elle. Il n’avait visiblement pas tous les éléments concernant cette famouse patrouille et capture.  Et puis ce déférlement incompréhensible de soldats en colère; il avait déjà vu du mécontentement dans une armée mais une telle opération bravant les condamnations de morts qui menaçaient ses acteurs était une première pour lui.  Il devait y avoir  quelqu’un, ou quelque chose qui avait provoqué tout cela et allumé le feu qui brûlait dans le coeur des cavaliers du Rohan.  Mais dans une telle confusion il était impossible d’identifier un hypothétique meneur.

Pour le moment il devait trouver le moyen de rétablir l’ordre et aider son ami en bien mauvaise posture. Il craignait le pire pour la Lice et courut donc à toute haleine dans le dédale de couloirs pour trouver de l’aide. Une aide qui était déjà en route.  La Maison du Roi, corps d’élite dédié à la protection du Roi, avait été rapidement alerté -probablement par les lame. Le Capitaine  Felarel avait regroupé ses hommes en un temps record et se dirigeait au pas de course en direction  des géôles d’Isengard.  Ces hommes qui ne se mélangeaient jamais à la troupe au contraire de la Garde Verte avait pour seule mission de protéger la vie du jeune souverain et de ses proches; une telle incursion au sein de la demeure où ils résidaient était un affront qu’ils prenaient très au sérieux.  Les Gardes Royaux croisèrent la route d’un Rihils essouflé, inquiet et affolé mas visiblement soulagé de les voir. Le maître guérisseur leur expliqua rapidement la situation et la direction à suivre et suivit l’arrière du petit groupe lourdement armé qui accéléra le pas.  

L’arrivée de la Maison du Roi, tous vêtus d’armures reluisantes et de capes royales, calma quelque peu les ardeurs des protestataires mais le calme ne revint pas instantanément. Quelques coups furent distribués pour calmer les plus réfractaires.  Felarel et ses hommes - considérés par beacoup comme les meilleurs guerriers du royaume ( bien que la Garde Royale d’Edoras puisse être en désaccord sur ce point) , ne fonctionnaient pas au sentiment et si un des fauteurs de troubles se montrait trop stupide pour les défier, ils l’abattraient sans ambages.  Ils identifièrent également la Lice au milieu de la cohue et se chargèrent de le protéger; ils eurent également la présence d’esprit de verrouiller la cellule après en avoir évacué tout le monde sauf Dairine, Ameno ayant été assommé au passage.

La mission de la Maison du Roi était de protéger Fendor et se résumait donc à faire sortir tout ce beau monde d’Orthanc. Elle s’arrêtait là ; le pourquoi de l’émeute, l’enquête sur Ameno ou les spéculations sur Dairine ne les intéressaient absolument pas. Ils étaient venus ici  pour remettre un peu d’ordre dans la maison. Le reste des questions retombaient sur Ansgar Osgarsson… ou l’ordre des Lames...


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- Dehors ! Tout le monde dehors !

Felarel botta l'arrière-train d'un soldat un peu récalcitrant, qui s'empressa de filer par la grande porte d'Orthanc. Il dévala maladroitement les marches, et fut retenu par ses compagnons qui ne demandèrent par leur reste et déguerpirent précipitamment, alors que quelques silhouettes aux armures rutilantes et au regard ténébreux descendaient vers eux pour les rosser. C'était le dernier du lot, et il s'en sortait bien. Beaucoup avaient subi les foudres des Chevaliers du Roi, qui n'avaient pas ménagé leurs efforts pour ramener l'ordre dans la grande tour d'Isengard. On dénombrait un certain nombre de nez cassés, et quelques uns parmi la troupe boitaient sérieusement après avoir été bousculés par les redoutables gardes du corps de Fendor. Leur arrivée avait suffi à calmer les ardeurs des plus zélés, qui savaient que leur présence ne signifiait rien de bon.

Ces hommes avaient la charge de protéger le souverain du Rohan, et tuer un de leurs compatriotes ne les gênait pas le moins du monde s'ils estimaient que c'était nécessaire.

La foule en colère avait battu précipitamment en retraite, et s'était dispersée dans le camp. Une enquête plus précise serait menée pour savoir qui étaient les meneurs de cette petite rébellion, et leur cas serait porté devant le roi lui-même qui déciderait de leur sort. Il y avait fort à parier que la punition serait exemplaire. Le capitaine Felarel, cependant, ne se préoccupait guère de ces choses. Tout ce qui lui importait, c'était la sécurité de son suzerain, et de s'assurer qu'une telle incursion dans Orthanc ne se reproduisît plus.

Il poussa un soupir de lassitude, et s'en retourna vers le couloir principal, où l'attendait une bien étrange compagnie qu'il eut tout le loisir d'observer alors que ses grands pas décidés le menaient vers eux.

La Lice se tenait là, encadré par deux soldats de la Maison du Roi qui s'enquéraient de son état. L'homme n'avait heureusement pas été blessé dans l'altercation, mais il avait fallu jouer des coudes pour le protéger, car la piétaille semblait vouloir obtenir des réponses de sa part. Du moins, c'était le sens des invectives que Felarel avait pu entendre, sans trop se préoccuper des détails. Il ne savait pas encore à quel sujet ils voulaient l'interroger, mais il escomptait bien le découvrir afin de s'assurer que personne ne remettrait plus le pied de manière chaotique au sein d'Orthanc. Rihils se trouvait là également, lui qui avait rapidement informé le capitaine de la situation et lui avait permis d'intervenir avant qu'un drame eût lieu. Le guérisseur était en grande conversation avec La Lice, et ses sourcils froncés marquaient bien sa désapprobation… ou sa perplexité. Était-il en train de faire des reproches à son voisin, ou bien s'inquiétait-il seulement de voir comment la situation avait dégénéré ?

Difficile à dire.

Le troisième larron n'avait pas la chance d'être conscient, et il s'agissait d'un soldat dépenaillé qui gisait là, couché sur le sol. Un homme du rang qui pour des raisons obscures ne portait pas son équipement habituel. Il avait dû recevoir un sacré coup à la mâchoire, à en juger par le bel hématome qui gonflait sur sa joue droite. Pour l'heure il était calme, mais si La Lice avait jugé bon de le garder ici, c'était qu'il avait quelque chose à voir avec toute cette histoire, d'une manière ou d'une autre.

Felarel n'était pas un homme loquace, et il se contenta donc de porter son regard froid sur les deux hommes en lâchant d'une voix caverneuse :

- Expliquez-vous immédiatement.

La colère perçait dans son ton, et même La Lice comprit que l'affaire était sérieuse et qu'il ne pourrait pas faire jouer sa réputation ou son grade. La hiérarchie de l'armée du Rohan était claire, et fondée sur le prestige. Ils avaient théoriquement le même rang, mais Felarel était chargé de la protection de Fendor en personne, c'était un des proches conseillers du roi, et un des meilleurs combattants du royaume. Sa parole était souveraine, encore plus au sein d'Orthanc.

Il s'adressait à eux avec toute la puissance de la monarchie rohirrim derrière lui.

Son regard acéré passait de La Lice à Rihils chaque fois qu'ils se passaient la parole, l'un essayant de compléter les dires de l'autre, ou d'apporter davantage de précisions. C'était de toute évidence une histoire fort compliquée, qui impliquait un nombre important de protagonistes. Felarel aurait voulu un récit simple, clair et limpide, qui lui aurait permis de retourner rapidement à ses occupations, tout en laissant à d'autres le soin de s'occuper de trouver et de punir les auteurs de ce mouvement de foule.

Alors que La Lice était pris dans son récit, il fut soudainement interrompu par l'arrivée de deux personnages sortis de l'ombre. Deux silhouettes masquées qui firent lever les sourcils au ciel à Felarel.

« Pas eux... » se dit-il intérieurement.

La Lice les connaissait également, pour en avoir fait la connaissance quelques temps plus tôt. Leur cape grise et leur masque suffisait à renseigner sur leur fonction. Les Lames du roi. Ironie du sort ou habileté de ces espions d'élite, il s'agissait du même duo qui avait interpellé Osgarsson et Rihils quand ils étaient venus enfermer Dairine. Le Gris marchait en tête, toujours flanqué de son acolyte silencieux. Ce qui était peut-être plus surprenant, c'était qu'ils étaient accompagnés de la frêle Dairine qu'ils traînaient comme un animal. Ils avaient passé une corde autour de son cou, et ils la menaient sans ménagement, insensibles à ses larmes, à ses plaintes et à ses jambes flageolantes qui semblaient vouloir se dérober sous elle.

Redditions Dairin11

En voyant La Lice et Felarel, ils marquèrent involontairement un temps d'arrêt. Dairine s'écroula sur le sol, visiblement éreintée. Tête basse, elle respirait bruyamment, comme une bête affolée que l'on conduisait à l'abattoir. Le Gris n'y prêta pas la moindre attention, et lança sur un ton désinvolte :

- Bonsoir messieurs, bonsoir capitaine Felarel, capitaine Osgarsson, maître Rihils. Quelle affaire, n'est-ce pas ?

Felarel n'aimait guère les Lames. Il comprenait mal leur utilité, confiant dans la capacité de la Maison du Roi à assurer la sécurité de leur suzerain. Il avait été formé à l'ancienne école, et bien qu'il suivît aveuglément les consignes de ce dernier, il ne voyait pas en quoi ces hommes – et ces femmes, quelle horreur ! – étaient plus efficaces que ses propres soldats. Lui-même ne craignait pas la plus redoutable de ces Lames, et il était persuadé qu'elles prouveraient leur inutilité bien rapidement. Cependant, elles l'agaçaient aussi et surtout car elles ne répondaient que devant le roi Fendor en personne, et qu'elles échappaient ainsi au contrôle de toute autre autorité.

Une récompense pour leur loyauté, que la plupart de ces Lames n'avaient pas méritée aux yeux de Felarel, fidèle parmi les fidèles. Il était blessé de voir que ces hommes pouvaient faire ce qui leur chantait à Orthanc, alors que lui-même s'estimait en charge de la sécurité du roi. Que ferait-il si un assassin s'emparait un jour d'un de ces masques ? Comment discerner l'ami de l'ennemi en avançant ainsi à visage couvert ?

Le capitaine des Chevaliers du Roi était peut-être en train de juger sévèrement le cas de La Lice, qu'il traitait comme son subalterne, mais il était taillé dans le même bois. La même noblesse habitait leurs traits, le même esprit rohirrim, la même bravoure face au danger. Felarel posa un regard sur la jeune femme, et il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que sa présence n'enchantait pas véritablement Osgarsson. Ni Rihils, d'ailleurs.

- C'est la prisonnière ?

La question était presque une affirmation, et elle portait des accents menaçants qui ne plurent guère au Gris. Les Lames observaient ces soldats réguliers avec méfiance, mais ils n'étaient que deux. Deux contre quatre soldats d'élite, dont Felarel, une des plus fines lames de tout le royaume. Un des rares hommes, disait-on, qui aurait pu s'emparer du titre de Champion du Rohan s'il l'avait désiré. L'homme masqué répondit simplement, sur un ton qu'il voulait détendu :

- Nous l'emmenons ailleurs. C'était une grosse erreur de la part du capitaine Osgarsson que d'emmener cette femme ici, si près du roi. Vous avez affirmé assumer toutes les conséquences, et je vous tiendrai à votre parole, capitaine. Dès que nous aurons réglé le cas de la prisonnière, nous nous occuperons de vous.

La menace était à peine voilée, et déplut fortement à Felarel. Cependant, il se refusait à prendre la parole au nom d'Osgarsson. Le capitaine était effectivement responsable de ses actes, mais surtout il était en droit de répondre des accusations qui pesaient sur lui. En outre, une pointe de curiosité agitait le proche de Fendor, qui voulait voir dans quelle direction cette affaire allait évoluer. La Lice et Rihils semblaient avoir des raisons de vouloir garder cette femme en vie et en sécurité, tandis que les Lames paraissaient vouloir régler la question de manière expéditive.

D'ordinaire, Felarel se fichait bien de ce genre d'histoires, mais il lui semblait que celle-ci était importante. Importante pour la sécurité du roi, d'abord, mais aussi importante pour la vie des soldats dans l'enceinte d'Isengard.

A chaque instant, sa curiosité grandissait, en même temps que son intérêt pour cette toute jeune femme, qui semblait concentrer autant d'attentions.


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Redditions EmptyDim 22 Mar 2020 - 1:51

Ils avaient officiellement le même grade. Mais c’était bien Felarel qui tenait le haut du pavé face au Capitaine de la Porte d’Isengard.  Il commandait la Maison du Roi, l’unité la plus prestigieuse du royaume formée de combattants d’exception. Même la Garde Royale d’Edoras, qui avait perdu de sa superbe depuis la mort de feu Capitaine Foldar lors de la Grande Bataille du Nord et la décimation de ses effectifs.  On disait de Felarel qu’il était le meilleur duelliste au sein de l’armée, le seul qui aurait été en mesure de tenir la dragée haute à Mortensen, champion du Rohan. La Lice était sensiblement plus âgé que son frère d’armes mais il éprouvant pourtant un grand respect envers cet officier charismatique et souffrait même parfois d’un léger complexe d’infériorité. Les deux hommes partageaient les mêmes nobles valeurs et loyauté indéfectible envers leur souverain; ils ne connaissaient pas forcément personnellement très bien mais leurs campagnes communes durant la guerre civile au sein des fidèles de Fendor leur avaient permis de tisser ce lien de confiance. Cependant Felarel représentait tout ce que Ansgar ne serait jamais : un homme issu de l’élite, éduqué par les meilleurs maîtres et dont les relations avec le pouvoir faisait toute la différence avec un autre capitaine de la troupe.  

Le protecteur du Roi réclama logiquement des explications à son pair, encore sérieusement secoué par les évènements qui l’avait pris par surprise. A ses côtés, Rihils fit un rapide examen pour vérifier l’état de santé de son ami; à part quelques hématomes superficiels il n’y avait rien à déplorer. Ansgar prit quelques secondes pour reprendre ses esprits et répondre à la question.

“Une incursion inopportune alors que j’interrogeais des prisonniers Capitaine.  J’ignore encore tout des motivations qui ont poussé les émeutiers à agir de la sorte et entrer par infraction dans la forteresse.  Mais cela semble bien être liée à la nature des prisonniers.”

Felarel fronça les sourcils, les explications de la Lice était pour le moins confuse. Rihils prit alors le relais pour préciser les choses.

“Le Capitaine Osgarsson a reçu la charge d’une captive venant du Pays de Dûn, capturée par une patrouille suite à une escarmouche. Peu après des rumeurs portant sur le fait qu’elle serait une sorcière pratiquant toutes sortes de sortilèges maléfiques se sont répandus au sein de la troupe. Vous savez sûrement comment ce genre de choses peuvent aller vite.
-Oui, j’ai donc pris la décision de l’enfermer ici, loin des regards, en attendant qu’une enquête clarifie les choses. “
v

Reprit Osgarsson qui décida également de jouer la carte de la transparence. Felarel n’était pas son ennemi, il avait simplement comme mission de protéger son suzerain, une mission que la Lice avait également à coeur.  La Lice pointa alors du doigt Ameno, qui avait été sérieusement rossé.

“En parallèle, cet homme qui faisait partie de la patrouille s’est rendu coupable d’un meurtre. Par prudence, nous avons également décidé de le mettre aux arrêts et c’est là que les choses ont dégénéré. Soyez certain que nous mettrons tout en oeuvre pour trouver les instigateurs et les punir comme il se doit.”


Alors des bruits de pas dans le couloir sombre attirèrent leur attention. Deux hommes masqués, les mêmes qui avaient déjà croisé la route de la Lice un peu plus tôt, avançaient dans leur direction. Ils traînaient également Dairine derrière eux. Les Lames lui avait passé une corde autour de cou et paraissaient bien insensibles aux sanglots et suppliques de la pauvre femme.  

Frustré, Ansgar serra les poings. Ces satanés espions se sentaient décidément obligés de mettre leur nez partout. Evidemment qu’ils s’étaient probablement délectés du chaos qui venaient de faire trembler les murs d’Orthanc; chaos qu’ils pourraient mettre sur le dos de l’incompétence de l’officier.  Felarel ne semblait pas particulièrement enchantée de cette arrivée impromptue mais il resta de marbre, ne laissant rien transparaître de son mécontentement.

Le plus petit des deux hommes, reconnaissable à ses vêtements grisâtres, prit la parole, avec ce ton flegmatique et faussement détaché qui irritait Ansgar au plus haut point. L’espion ne tarda d’ailleurs pas à incriminer le capitaine qui aurait mis la vie du Roi en danger en amenant la prisonnière ici. Depuis leur premier échange tendu, la Lice savait que les Lames profiteraient du premier accroc pour l’attaquer sur ce point; il ne s’attendait pas à ce que cela se produise aussi vite mais il s’était préparé à cette éventualité et ne comptait pas se laisser faire par ces lâches n’osant montrer leurs visages.

Le capitaine, qui fulminait intérieurement, s’approcha lourdement du Gris; le dominant de son imposante stature. L’informateur avait beau avoir plus d’influence et de pouvoir que son vis-à-vis, sur le moment il ne devait pas se sentir très à l’aise, dans l’ombre du géant.

“Vous ne réglerez rien du tout. Cette prisonnière a été capturée par mes hommes, durant une des missions de patrouille répondant à mon commandement. Tant qu’un supérieur hiérarchique établi ne donnera pas de directives contraires, alors elle restera sous ma responsabilité.”

La Lice lança un regard à Felarel, cherchant du soutien. Mais ce dernier ne semblait pas décidé à se mêler au débat et se contentait d’observer silencieusement la scène, curieux de qui allait se passer. Un peu plus loin Rihils faisait profil bas, ce genre de dispute militaire ne faisait clairement pas partie de ses compétences et il était bien inutile de chercher à canaliser son ami lorsqu’il se sentait offensé de la sorte.

“Vous mentez comme vous respirez. Et les menaces ne me font pas frémir quand elles sont prononcés par des hommes de votre sorte. Comment osez vous remettre en question mon engagement? Cela fait des décennies que je sers ce royaume; depuis le début j’ai défendu la cause de sa Majesté alors que le Rohan étaient en proie à la division. J’ai servi vaillament et fidèlement et ai gagné chacun de ses galons au prix du sang et du sacrifice. Mais vous? Mais vous qui êtes vous? Ôtez ce masque derrière lequel vous vous sentez en sécurité; il vous donne de l’importance, mais qu’êtes vous sans lui? Où étiez vos espions lorsque nous devions abattre nos frères rohirrim dans les plaines du Riddermark? Je n’ai aucun ordre à recevoir de poltrons de votre espèce.”

Le capitaine y était allé un peu fort mais il ne s’en souciait guère. Rihils se décida alors à intervenir pour justifier les choix stratégiques de son ami de longue date; des précisions que le commandant de la Porte d’Isengard n’avait pas pris la peine de donner dans sa colère.

“La captive n’était pas en sécurité au sein du camp. Il fallait la tenir à l’écart des yeux et des esprits de la troupe car déjà des rumeurs fantasmagoriques se répandait à son sujet. Il n’y a pas d’autre prison en Isengard que les cachots de la tour. J’ai également jugé que la jeune femme ne représentait aucun danger pour les résidents de la forteresse et les faits me donnent raison jusqu’ici. Elle n’a pas cherché à s’évader et n’a agressé personne depuis son arrivée. Regardez-là donc; vous semble-t-elle une menace immédiate? Ce sont les hommes de la troupe qui sont à l’origine des troubles, pas elle.”

Rihils n’avait pas vraiment dit la vérité; la décision avait été celle de la Lice seule et jamais il n’avait été consulté pour évaluer le risque de menaces. Mais le guérisseur qui jouissait d’un statut particulier externe à la structure militaire avait pris la décision de prendre une part de responsabilité au côté d’Ansgar. Ce dernier ne put d’ailleurs se retenir de faire une dernière remarque acerbe:

“Et vous ? Où étaient donc vos espions quand la folie a gagné la foule? Auraient-il échoué à empêcher cela en amont et à protéger Sa Majesté? A quoi servez vous donc?”


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Redditions EmptyLun 23 Mar 2020 - 17:14
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Felarel avait écouté l'échange sans cacher son agacement. Il n'aimait pas ces joutes verbales entre hommes animés d'une seule et même volonté : obéir à leur suzerain. Son esprit rigide ne comprenait guère pourquoi Fendor, son roi, s'échinait à diviser ses hommes alors qu'il aurait été plus simple dans son esprit de tous les réunir au sein d'une seule et même armée. Le Rohan était un peuple de frères guerriers qui se battaient côte à côte, pas les uns contre les autres.

Les arguments de La Lice étaient recevables, et il comprenait particulièrement son désir de mener cette affaire à son terme. La femme avait été capturée par ses hommes, et il y avait cette sombre affaire de meurtre qui devait être éclaircie. Le problème était plus vaste qu'il y paraissait, et il était important pour Osgarsson de mener l'enquête lui-même : il était évident que tout ceci revêtait pour lui une dimension personnelle, et Felarel savait qu'un homme motivé et déterminé ne reculerait devant rien.

Tel était l'esprit des gens du Rohan, et il convenait de ne pas aller contre cette fougue.

Cependant, il comprenait aussi la posture de les Lames. Bien qu'il n'appréciât guère ces hommes, il était conscient que la sécurité du souverain avait été mise en grand danger. A l'heure actuelle, une douzaine de soldats d'élite montaient la garde devant les appartements royaux, car n'importe qui aurait pu se glisser parmi les émeutiers et essayer d'attenter à la vie de Fendor. Felarel aimait profondément son roi, mais surtout il s'était attaché à l'enfant, et il n'aurait pas supporté de le voir souffrir aux mains d'un assassin.

Une telle perspective le rendait malade, et lui donnait envie de boucler l'entièreté de l'Isengard pour procéder à une purge méthodique des éléments les plus radicaux parmi la troupe.

Il savait, fort heureusement, qu'il ne pouvait rien en faire. Le moral des troupes était fragile et ne supporterait pas une mesure aussi radicale. Des sanctions seraient prises, mais seuls les meneurs subiraient le châtiment royal. Les autres s'en tireraient avec un sévère avertissement.

Pour l'heure, ses préoccupations étaient ailleurs, et il essayait de résoudre le problème le plus urgent : la dispute entre deux frères d'armes qui semblaient avoir des intérêts contradictoires. Le ton était monté rapidement, à l'initiative de la Lice qui avait laissé parler ses émotions avec virulence, mais non sans un fond de bon sens. Felarel lui-même comprenait son sentiment : ils s'étaient battus l'arme à la main pour défendre le Rohan, et ils se sentaient peu à peu remplacés dans le cœur et l'esprit du souverain par ces hommes masqués qui n'incarnaient en rien les valeurs d'honneur et de courage du Riddermark. Ces louvoyants assassins rappelaient davantage les sinistres sicaires du Gondor et de l'Arnor, qui intriguaient au moins autant en faveur de la couronne du Royaume Réunifié que contre elle.

Pourtant, l'agressivité du capitaine était contre-productive, et risquait au mieux de fâcher les Lames, et au pire de créer un incident irréparable entre les différents régiments qui se partageaient Edoras. Toute division devait être évitée.

- Cela suffit, capitaine, lâcha Felarel en lui posant une main sur l'épaule. Gardons nos esprits dans la mesure du possible.

Il n'avait jamais été doué pour réconforter son prochain, le rassurer, et lui faire comprendre que tout irait bien. C'était un meneur d'hommes, pas une nourrice. Les deux Lames paraissaient remontés, prêts à se battre s'il le fallait, et Felarel se tourna vers eux également :

- Cela vaut pour vous aussi. Ne croyez pas que vous ayez mérité un centième du respect que j'ai pour la Lice.

Cinglant. Le Gris recula perceptiblement, comme s'il avait été frappé en pleine poitrine. Felarel parlait peu, mais il parlait juste, et ses mots étaient aussi durs que l'acier à son côté. Il venait de remettre à sa place ces hommes proches du Fendor et ils savaient ne rien pouvoir faire contre lui. Le capitaine de la Maison du Roi était tout simplement intouchable. Fort de son autorité naturelle et statutaire, ce dernier reprit :

- Le cas de cette prisonnière doit être réglé dans les plus brefs délais. Ces histoires de sorcellerie ne sont que des fadaises, et l'ordre doit être ramené immédiatement dans la troupe. Capitaine Osgarsson, c'est votre devoir. Le roi ne saurait tolérer que ses hommes se comportent ainsi. Prenez toutes les mesures nécessaires.

Il posa les yeux sur les Lames.

- Quant à vous, vos intentions concernant cette prisonnière sont troubles, et je ne tolérerais pas qu'une femme soit malmenée ou exécutée par des hommes de notre roi Fendor. Nous ne sommes pas des monstres, et je traquerai personnellement celui qui, trahissant la justice royale, donnera la mort à une prisonnière sans défense. Est-ce clair ?

Ils hochèrent la tête, réduits à l'état d'obéissance. Ils n'étaient techniquement pas soumis à Felarel, mais son aura était si grande qu'il parlait presque pour le roi. Lui tenir tête aurait été difficile, surtout que les Lames étaient encore un corps nouveau qui avait besoin d'asseoir sa légitimité.

- Puisque vous êtes préoccupés par cette affaire, vous accompagnerez le capitaine Osgarsson et vous vous assurerez que la prisonnière ne s'échappe pas. Rendez-vous utile par la même occasion, et aidez-le à discipliner les rangs. A moins que vous ayez besoin d'être deux pour veiller sur une femme démunie.

Son regard avait glissé vers Dairine, agenouillée et totalement à la merci des hommes qui se disputaient le droit de statuer sur son sort. Elle ne représentait pas une menace, de toute évidence. Il revint finalement vers Rihils, le guérisseur. Étonnamment, ce fut pour lui qu'il eut le plus de respect, et il s'adressa au savant avec une déférence singulière :

- Maître Rihils, je n'ai pas le pouvoir de vous commander quoi que ce soit, mais je vous saurais gré de prendre soin de cette prisonnière au nom du roi. Son arrivée a suscité de grands troubles, et mon intuition me pousse à croire qu'elle pourrait avoir des choses à nous révéler. Je vois comme elle vous regarde, elle semble se méfier de vous moins que de nos hommes en armes. Parlez-lui, gagnez sa confiance, et faites la lumière sur cette histoire.

Il inclina légèrement la tête devant son interlocuteur, comme s'il l'implorait de rendre ce service à la garnison d'Isengard. Enfin, Felarel se tourna vers le prisonnier encore insconscient, celui que l'on accusait du meurtre d'un officier, et qui avait vraisemblablement déchaîné les passions des émeutiers. Ce qu'il convenait de faire le concernant était tout à fait clair.

- La justice royale sera rendue le concernant, vous pouvez l'enfermer en Isengard pour l'heure. Préparez une corde, cela dit : la sentence ne fait déjà aucun doute.

Il haussa les épaules, et prit congé sans attendre, occupé ailleurs par des obligations de la plus haute importance. Un silence pesant s'installa entre les hommes qui demeuraient seuls au milieu d'Orthanc. La Lice, Rihils, et Ameno d'un côté, les deux Lames et Dairine de l'autre. Résignés, ils devaient accepter de déposer les armes mutuellement et de travailler ensemble. Un exercice périlleux quand on savait que personne ne voulait rendre à l'autre la gestion de cette crise.

- Je sais que vous ne nous portez pas votre cœur capitaine, lâcha finalement le Gris qui essayait d'apaiser un peu la situation. Je vous rassure, c'est réciproque. Puisque nous devons travailler ensemble, soyons efficaces et ne faisons pas durer plus que de raison cette collaboration contre-nature. Par où suggérez-vous de commencer ?

Il n'y aurait pas d'amitié entre les deux hommes, mais peut-être pouvaient-ils s'entendre sur une trêve, qu'aucun d'entre eux ne voulait voir prendre la forme d'une reddition sans conditions.


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Learamn
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Redditions EmptyMer 25 Mar 2020 - 22:33

L’autorité de Felarel ne souffrait d’aucune contestation possible, y compris de la part des Lames qui restèrent parfaitement silencieuses malgré les sévères réprimandes de l’Officier. La Lice sourit intérieurement, la situation n’était clairement prétexte à rire mais il éprouvait une satisfaction certaine de voir ces espions être remis en place par un officier de l’armée du Rohan. Finalement, la vieille école n’avait peut-être pas encore dit son dernier mot. Avec assurance, le capitaine de la Maison du Roi distribua ses ordres pour rétablir la sécurité du domaine et poursuivre l’enquête. La protection du Roi et de ses proches était de son ressort, le reste était le souci de la Garde Verte et de l’Ordre des Lames. La perspective de devoir coopérer avec ces derniers m'enchantait guère Ansgar mais il comprenait ce choix et même s’ils méprisait leurs méthodes il les savait terriblement efficace dans leurs missions. Le cas de Dairine fut confié à Rihils, une bonne nouvelle pour l’officier qui craignait de la voir finir aux mains des Lames; il avait toute confiance en son ami pour gérer la captive. Une fois ces directives données, Felarel et ses hommes tournèrent les talons pour remonter aux niveaux supérieurs de la forteresse, laissant les autres en plans et avec du pain sur la planche.

Un silence pesant suivit alors et se prolongea pendant plusieurs secondes. La Lice était bien trop fière pour faire le premier pas en s’adressant à ses nouveaux collaborateurs, le Gris finit d’ailleurs bien par le comprendre et tenta prudemment d’entamer le mur de glace qui les séparait.  Le capitaine écouta ce qu’il avait à dire sans réagir aucunement. Il dut pourtant admettre que l’espion avait bien raison: ils ne s'apprécient guère mais servaient la même cause; et plus vite ils remplissaient leur devoir pour le Rohan, plus vite ils pourraient se séparer.

“Je suis d’accord. La prisonnière restera enfermée ici, à Orthanc. C’est le seul endroit où elle à l’écart des yeux de tous et que nous pouvons protéger efficacement. La garde sera renforcée et un périmètre de sécurité sera mis en place tout autour de la forteresse, sur un rayon de plusieurs centaines de mètres. Nul ne sera autorisé à y pénétrer sans autorisation ou affectation spéciale et aucun attroupement à proximité ne sera tolérée.”


La flamme du commandement commençait à brûler de nouveau dans le coeur de La Lice. Il avait connu de grandes difficultés depuis la veille et l’arrivée de l’intrigante prisonnière mais il avait assez d’expérience et de ressources pour savoir prendre les décisions qui s'imposaient pour assurer la pérennité de sa patrie.

Alors que l’on bouclait Ameno dans une cellule bien éloignée de celle occupée par la femme du pays de Dûn, la Lice se mit à remonter les marches qui le reconduisaient à la surface, les deux Lames sur ses talons, comme des ombres  diffuses. Un vent nocturne bienvenu vint rafraîchir leurs visages à leur sortie de la forteresse. Là encore il donna ses consignes aux hommes en poste et fit quérir plusieurs officiers de la Garde Verte se trouvant dans le campement, des hommes compétents à même d’appliquer et transmettre les ordres donnés par leur supérieur hiérarchique. Alors qu’ils attendaient leur arrivée devant l’entrée de la tour de l’Esprit Rusé, la Lice se tourna vers les deux Lames qui l’épaulaient.

“Vous avez des noms par lesquels je peux vous appeler? Un pseudonyme ou autre sobriquet d’espion? Déjà que je ne vois pas vos visages, j’aimerais bien pouvoir me rattacher à quelque chose des hommes avec qui je travaille.”


Quelques minutes plus tard, une dizaine d’officiers et sous-officiers de prestige étaient rassemblés en arc-de-cercle autour du capitaine de la porte d’Isengard. Les temps étaient troubles. La menace, si elle existait, n’était pas précisément identifiée mais la prudence devait rester de mise. Il était prêt à prendre toutes les dispositions nécessaires pour éviter que le Rohan ne tremble ne serait-ce qu’une seule seconde. Cela pouvait apparaître exagéré ou comme un excès de zèle mais lui savait qu’il ne pourrait jamais se pardonner si la vie  d’un de ses soldats étaient perdu à cause de sa négligence.

“ Une éored partira sur le champ pour épauler le capitaine Irül à nos frontières. Je veux que la trouée du Rohan soit entièrement bouclée à tout passage. Je veux que chaque voyageur, chaque cavalier, chaque chariot soit contrôlé avant d’être autorisé à traverser la frontière.
Des rumeurs sont également nées au sein de la troupe à propos de sorcellerie et autres malédictions; j’entends la peur des hommes mais nous ne tolérerons aucun écart comme celui de ce soir. Rassemblez les hommes de la garnison, je leur parlerai et rassurerai leurs coeurs.
- A vos ordres mon capitaine!”
scandèrent en choeur les subordonnés.

Alors que ces derniers commencèrent à se disperser. Le colosse se tourna alors vers l’un de ses hommes de confiance, en charge des communications avec le reste du royaume.

“Filhelm! Des nouvelles d’Edoras?
-Oui mon capitaine. On rapporte que des incendies d’origine criminelle auraient détruit un village aux abords de la capitale, les hommes du Vice-Roi ont déclaré que la situation était parfaitement sous contrôle et n’ont pas voulu communiquer sur les détails. On raconte aussi que Dame Aelyn a subi une nouvelle tentative d’enlèvement qui aurait réussie cette fois-ci avant qu’on ne la retrouve vivante, mais là encore les détails sont flous.
- Ah les sbires de Mortensen.”
Pesta la Lice en crachant au sol.

Il n’avait que bien peu de respect pour le parjure qu’il était et il se méfiait des ambitions de cet homme qui siégeait sur le trône de Meduseld. Il avait reconnu Fendor comme souverain légitime au lendemain de la guerre civile; mais c’était le même homme qui avait autrefois juré allégeance à Hogorwen l’Usurpateur. Combien de temps cette alliance fragile allait-elle bien pouvoir tenir.

“Il y a aussi eu un changement dans la Garde Royale; le capitaine Learamn ayant été banni pour haute insubordination, le capitaine Wald le remplace désormais.
-Quelle mascarade, jusqu’à quand allons-nous nous ridiculiser aux yeux du monde…”

La décision était somme toute logique pour la Lice. Wald était un homme de renom et d’expérience et l’un des seuls avec encore un peu d’honneur au sein de cette clique mais la Garde Royale avait depuis bien longtemps perdu de sa superbe. La nomination d’un jeune bleu, marionnette de Mortensen, à sa tête en avait été le coup de grâce. Que les jours glorieux du capitaine Foldar étaient loin.

“Bien, si Edoras vous demande des informations sur la situation ici; alors dites leurs que tout est aussi calme et ennuyeux que d’ordinaire. Et que nous en sommes heureux.”


Filhelm acquiesca et prit à son tour congé, laissant à nouveau son supérieur en compagnie des espions.

“Suivez-moi.”


La Lice les mena au sein du campement très peu animé en cette heure tardive. Alors qu’ils marchaient d’un pas soutenu, il leur expliqua:

“Nous devons encore identifier la source des émeutes qui ont brièvement éclatées. La foule est un brasier mais il faut toujours quelqu’un pour y mettre le feu. Quelqu’un d’assez intelligent pour utiliser ces rumeurs et faire monter la colère. Pensez-vous que vos hommes peuvent s’infiltrer dans la troupe et tenter d’identifier les responsables en écoutant les conversations?”

Il détestait procéder de la sorte, c’était d’ailleurs une première pour lui. Il avait le sentiment de trahir la confiance de ses propres hommes en agissant ainsi. Ce pacte officieux et indispensable qui liait tout soldat avec son officier. Cependant, il n’avait pas vraiment d’autres choix, la situation était trop préoccupante pour laisser passer cela. Felarel et les Lames avaient raison de s’inquiéter de voir la demeure du Roi être ainsi envahie et il fallait donc mener l’enquête même au prix de moyens qui ne lui plaisaient pas.

Au bout de quelques dizaines de minutes de marches, Ansgar s’arrêta devant l’entrée du tente. Il la regarda quelques secondes, s’assurant qu’il s’agissait bien de la bonne et y entra sans prévenir. A l’intérieur Eadric, surpris de voir entrer le capitaine, était assis sur son lit.
L’endroit était petit mais en tant que sous-officier le sergent avait la chance de pouvoir y vivre seul. Ses affaires étaient en désordre mais il avait eu l’occasion de voir pire au cours de sa longue carrière.

“Nous devons parler Sergent.”


Les deux Lames entrèrent à leur tour, derrière le Capitaine, silencieuses mais prête à frapper si la situation l’exigeait. Un éclair d’inquiétude passa dans les yeux d’Eadric. La Lice s’accroupit légèrement pour être à sa hauteur.

“Les émeutes qui ont secoué la troupe ne peuvent rester sans conséquences. Les autorités vous ont à l’oeil depuis la capture de la femme et il va falloir me donner de solides raisons pour que je vous défendes. Dites moi la vérité, toute la vérité…”

Il repensa alors à la scène à laquelle il avait assister impuissant dans les cachots quand Ameno avait tenté de violer l’étrangère sous ses yeux, une offense qu’il avait lui-même provoqué sans le vouloir.

“Cette femme… Cette belle captive… Que lui avez-vous fait? Pour la maîtriser, pour l’amener jusqu’ici. Les Hommes et les Femmes de ce pays ne se laissent pas faire aisément. Combien de fois l’avez vous agressé?”


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Redditions Rihils11
#Rihils

L’hospitalité d’Orthanc était bien relative, en particulier en comparaison avec le reste du royaume. Si l’entourage de sa Majesté Fendor profitait du confort qu’il désirait en Isengard, celui-ci n’avait rien à voir avec l’atmosphère feutré, chaleureuse et rassurante du Château d’Or. Ici tout était froid, austère, comme hanté par une magie sombre et millénaire. Il est donc inutile de préciser ici que les cachots de cette même tour étaient très certainement ce qui se faisait de pire dans tout le Rohan. L’atmosphère y était pesante, la chaleur estivale ne gagnait jamais les tréfonds glaciales de la bâtisse, et l’humidité crasse portait en son sein bactéries et maladies prête à terrasser les malheureux qui y croupissaient.
C’était donc dans l’une de ces cellules sombres que l’on avait à nouveau placé Dairine. De l’eau suintait  du plafond à rythme lent et régulier, chaque goutte s’éclatant au sol avec bruit qui résonnait contre les parois de pierre grises. Le genre de mélodie qui avaient dû en rendre plus d’un fou à lier après de longues années passées ici.

Maître Rihils pourtant ne semblait pas le moins du monde dérangé par ses conditions précaires. Il était occupé à appliquer un onguent de sa fabrication sur la nuque de la jeune femme, meurtrie par la corde que les Lames avaient passé autour de son cou. L’étrangère se laissait faire, sans bouger. Le guérisseur avait également fait venir un matelas plutôt confortable et une couverture pour qu’elle puisse se reposer dignement ainsi qu’une longue tunique en laine pour la garder au chaud.  Une fois qu’il eut terminé de masser sa plaie, il s’assit en face d’elle et la dévisagea un long moment. Quels secrets refermaient donc cette femme? Quels étaient les mystères derrière ces tatouages, derrière cette coiffe si étrange et derrière les réactions épidermiques qu’elle provoquait au sein de la troupe.

“Dairine c’est cela?”
demanda-t-il avec tendresse.

Il devait à tout prix éviter d’effrayer cette âme qui lui apparaissait bien fragile s’il voulait en tenir quelque chose. Rihils, fort de sa longue expérience à soigner et rassurer des blessés aux portes de la mort, avait développé une abilité rare à manier le verbe, voire à manipuler les blessés. Pour leur propre bien se disait-il.

“Vous savez...Dairine,
-utiliser son nom autant que possible était très important pour établir un lien avec la patiente-j’ai beaucoup voyagé. J’ai vu les merveilles et les horreurs de ce monde; j’ai côtoyé des races et des monstres dont on peine à imaginer l’existence. Mais rarement, très rarement, ai-je vu une personne, en apparence aussi simple, provoquer tant de réaction, tant de désirs.”

Le guérisseur posa alors délicatement sa main sur la joue de sa prisonnière. Le contact de sa main chaude et douce contrastant avec la rigueur et la violence des éléments qui l’entouraient depuis son arrivée en Isengard. Il reprit d'une voix langoureuse:

“Dites moi Dairine...Pourquoi cela? Qui êtes vous Dairine?”


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Redditions EmptyDim 19 Avr 2020 - 0:42
Les deux espions du roi furent heureux de voir que la Lice acceptait la main tendue. Malgré son orgueil, il savait faire passer l'intérêt du royaume avant leurs petites querelles intestines. Des événements graves se passaient en Isengard, et il était important d'éclaircir ces mystères, même si cela impliquait de se soumettre à des désagréments. Les deux Lames étaient avant tout des travailleurs de l'ombre, qui n'aimaient guère la lumière, et qui n'étaient pas là pour assumer le fardeau du commandement. Il leur parut donc très confortable de voir le capitaine Osgarsson distribuer ses ordres avec précision, notamment en ce qui concernait la sécurité de la prisonnière et d'Orthanc.

- Je m'assurerai, fit le Gris, que ces dispositions soient connues des Lames, afin que la coopération entre vos hommes et les miens se passe sans difficulté.

Un geste appréciable dans ces circonstances, qui se voulait de nouveau un pas dans la bonne direction. Les Lames se révéleraient une force d'appui, ce qui correspondait sans nul doute mieux à leurs compétences spécifiques, et qui donnait toute sa place à la troupe chargée de missions moins délicates mais tout aussi importantes. La Lice finit par se tourner vers eux, en les interrogeant quant à leur nom. C'était une question amusante pour les deux silhouettes masquées, qui n'avaient pas l'habitude de travailler avec d'autres régiments, et qui ne s'étaient sincèrement jamais interrogés sur des détails aussi futiles.

Que valait un nom, finalement, face à l'impérieuse mission qui était la leur ? Ils rejetaient leur identité pour devenir les armes du roi, les Lames qui veillaient sur lui nuit et jour, sans faillir. Mais pour un homme comme Osgarsson, le nom était tout. Il était le symbole de l'honneur familial, l'ancrage dans une terre, dans une histoire. La question était peut-être ridicule pour le Gris, mais elle avait beaucoup de sens pour tout Rohirrim, et il lui parut nécessaire de trouver une façon de contenter le capitaine qui fonctionnait sur des valeurs plus anciennes. D'une voix où perçait un sourire indéchiffrable, il répondit :

- Un nom ? Voyons voir… Hm… Vous pouvez m'appeler Forma, si vous voulez. Et voici donc Other…

Forma. Other. Premier, deuxième. Une façon commode de se souvenir d'eux, et de ne pas se méprendre sur qui commandait dans leur petit duo. Forma était le seul qui avait parlé jusqu'à présent, et il était de doute évidence le chef, ou en tout cas la tête pensante. Other se murait en revanche dans un silence qui n'avait rien d'hostile ou de gênant, mais qui demeurait tout de même singulier. A croire que toutes les Lames n'étaient pas fournies avec une langue.

Mais un nom était un nom, et bien qu'il s'agît évidemment d'un pseudonyme de circonstance, cela donnait un peu plus de densité à ces ombres qui suivaient le capitaine dans un silence absolu, pendant qu'il distribuait ses ordres à ses officiers. Forma ne fit aucun commentaire sur l'envoi d'une éored vers la frontière. Il comprenait la décision de protéger le Rohan, même si son entraînement de Lame le poussait parfois à privilégier la protection de son suzerain au détriment des terres qu'il administrait. Il lui importait bien peu de voir une armée piétiner le Riddermark, tant que la sécurité de Fendor était garantie. L'idée de voir une si large compagnie quitter Isengard en ces temps troublés le mettait relativement mal à l'aise. Il avait l'impression de fragiliser la sinistre forteresse face à une menace qu'il n'identifiait pas encore clairement.

Le Rohan était vulnérable, comme en attestaient les nouvelles venant d'Edoras, mais il est précisément important de ne pas exposer le roi au moindre danger. Si des ennemis s'en étaient pris à Dame Aelyn en plein cœur de la capitale, qui pouvait dire que les mêmes adversaires ne viendraient pas s'en prendre au roi légitime du royaume des dresseurs de chevaux ? Des ennemis qui se trouvaient peut-être déjà dans leurs rangs, d'ailleurs.

Forma fut ravi de voir que la Lice parvenait à la même conclusion, et malgré ses réticences à mettre ses propres hommes sous surveillance, il avait conscience du danger que pouvait représenter un individu capable d'agiter les foules ainsi, et de les retourner contre les intérêts du roi. L'homme masqué claqua des doigts, et Other s'avança d'un pas :

- Suis l'ordre du capitaine Osgarsson. Nous devons identifier rapidement les meneurs, et faire toute la lumière sur cette histoire. Je veux un rapport au plus vite.

Other s'inclina sans mot dire, et fila prestement dans la nuit distribuer ses ordres, laissant les deux hommes seuls avec leurs inquiétudes. Elle se reflétaient curieusement sur le masque de Forma, qui renvoyait bien plus d'émotions qu'il était possible de l'imaginer. Son attitude trahissait sa perplexité face à la situation, et son désir de résoudre cette affaire sans trop savoir par où commencer. En attendant le retour de la Lame silencieuse, les deux hommes avaient le temps de faire la conversation. Une discussion qui était au mieux cordiale, mais qui permettrait peut-être d'éclaircir certains points :

- Vous savez capitaine… après des mois de calme, il est étonnant de voir autant de fébrilité en Isengard. L'inquiétude des hommes, les rumeurs de sorcellerie, le meurtre d'un officier… Depuis combien de temps cette prisonnière est-elle arrivée ? Elle n'est peut-être pas une sorcière au sens où nous l'entendons, mais elle a certainement une influence négative sur le moral des hommes et, par conséquent, sur la sécurité de tous ceux qui se trouvent ici.

Les implications de ses paroles étaient claires, et correspondaient à l'opinion qu'il avait de leur prisonnière, mais curieusement Forma ne semblait pas vouloir insister outre mesure sur ce point, préférant se concentrer sur leur mission qui consistait à retrouver les auteurs de ces troubles.

- Peut-être devrions-nous focaliser notre attention sur ceux qui ont montré le plus d'inconfort face à ces rumeurs, les hommes nerveux, susceptibles d'entraîner leurs camarades avec eux dans une entreprise motivée par la peur. Pour l'heure, cette motivation ne me semble pas moins concevable qu'un acte véritablement malveillant. Connaissez-vous quelques soldats qui pourraient correspondre à ce profil ?

Involontairement, Forma avait mis le doigt sur une idée à laquelle la Lice songeait de toute évidence. Ils attendirent donc le retour de Other pour se diriger vers la tente d'un des soldats de la compagnie qui avait ramené Dairine. Un dénommé Eadric, que le capitaine semblait vouloir interroger en premier dans le cadre de son enquête. Était-il le premier suspect, ou simplement un homme susceptible de détenir des informations précieuses ? Les deux Lames n'avaient pas osé poser la question directement au capitaine, qui paraissait suffisamment contrarié de devoir infliger ça à des hommes qu'il estimait lui-même.

Osgarsson n'avait d'ailleurs pas pris de gants avec l'intéressé, reportant une partie de sa frustration sur lui au mépris de ses droits. Il avait pénétré dans la tente du cavalier sans se faire annoncer, et l'avait sommé de dévoiler toute la vérité. Pour faire bonne mesure, Forma ajouta sur un ton solennel :

- Il s'agit d'une affaire sérieuse, sergent. La sécurité du roi Fendor est en jeu dans cette affaire.

Eadric semblait ne plus savoir où se mettre. Debout dans une simple chemise de lin, il avait l'air particulièrement vulnérable, et il jeta un regard qui en disait long à Osgarsson, comme pour lui signifier qu'il voyait dans son geste une trahison et une insulte. La hiérarchie lui commandait cependant de répondre, et il s'exécuta avec une froideur qui ne lui ressemblait pas, lui qui avait le tempérament flamboyant des gens du Riddermark :

- Capitaine, je vous assure que je ne suis pour rien dans ces émeutes, je ne vois même pas comment j'aurais pu organiser quelque chose de cette ampleur. C'est à peine si mes gars m'écoutent… Mais vous devriez demander à vos amis ce qu'ils pensent de tout ça : paraît-il que l'instigateur de tout ça serait un type avec un drôle de masque…

Le regard d'Eadric glissa sur Forma sans la moindre once de gentillesse. Les hommes de la troupe se méfiaient beaucoup de ces guerriers masqués au service du roi, et la présence de deux d'entre eux aux côtés de la Lice n'était pas pour plaire à un homme déjà sur la défensive, et qui avait l'impression d'être le coupable idéal. Cependant, les questions du capitaine étaient étonnamment précises, et la question sur l'agression de la prisonnière fit bondir le sergent :

- Capitaine ! Je… Je vous dis que j'ai rien fait !

Il était fébrile. Agité.

Nerveux.

Il s'efforçait de rester calme, mais ses poings serrés trahissaient la colère et l'indignation qui le saisissaient en cet instant. Était-ce parce qu'il trouvait que l'accusation était profondément injuste et incompréhensible, ou bien parce que la Lice se rapprochait de la vérité ? Difficile à dire. Eadric n'était pas un intellectuel, il ne savait exprimer ses pensées avec l'aisance d'un érudit, mais il n'était pas bête pour autant. Ses émotions le submergeaient peut-être, mais son regard n'était pas fou, loin de là.

- Capitaine je vous jure que…

Il vit dans le regard de son supérieur qu'il n'obtiendrait aucune clémence de cette manière, et il se résigna à parler sur un ton las :

- Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? On est tombés sur ces salauds de Dunlendings et… et voilà, on est tombés sur eux, je sais pas… je… on a dû l'assommer… Oui, on l'a assommée, et après on l'a chargée sur mon cheval pour la ramener avec les autres… enfin pour la ramener ici. On voulait juste qu'elle nous donne des explications, je vous jure.

Eadric semblait sur le point de s'effondrer, il devenait blême à mesure qu'il parlait. Son débit s'accélérait, et il paraissait sur le point de s'étouffer dans ses propres explications. Il n'était même plus capable de s'arrêter, et parlait presque autant pour lui-même que pour le capitaine :

- On n'est pas des monstres, Capitaine, on n'a rien fait de mal… Et puis ce sont des sauvages… Ce sont des sauvages putain, vous avez pas vu ce qu'ils sont capables de faire ! Rien ne les arrête, vous comprenez ? Ils ne comprennent rien, ils n'obéissent qu'à la violence, et ils nous détestent… Ils nous détestent au plus profond de leur âme de sales chiens, de pourritures de basse fosse… C'est eux les monstres, c'est eux, et c'est pas de notre faute si on doit les traiter comme des monstres, vous comprenez ? On n'a rien fait de mal, Capitaine, on n'a rien fait de mal, mais il faut que vous compreniez. Il faut que vous compreniez… Je suis pas un monstre, je veux pas être maudit. Je veux pas être maudit, je veux juste que tout ça se termine, j'en peux plus…

Après s'être enflammé dans son discours, il sembla vaciller comme s'il perdait soudainement l'équilibre. Les Lames tendirent les bras pour l'empêcher de basculer vers l'avant, mais Eadric se reprit bientôt, et s'assit lourdement sa couche. Il transpirait abondamment, et il respirait rapidement, comme s'il manquait d'air. A son chevet, trois silhouettes l'observaient avec inquiétude, essayant de le ramener à lui. Eadric bascula en position allongée, le souffle court.

- C'est la malédiction… Répétait-il d'une voix si faible qu'elle n'était qu'un murmure. C'est la malédiction…


~ ~ ~ ~


Redditions Dairin11

Silencieuse, Dairine observait le mur de pierre qui se trouvait devant elle, avalé par l'obscurité ambiante qui semblait l'appeler à s'abandonner aux ténèbres les plus sombres. Elle s'efforçait de résister à la tentation, et de demeurer parfaitement immobile entre les mains expertes du guérisseur. L'homme s'était investi pour elle, et avait fait de son mieux pour aménager un espace relativement confortable dans cette cellule crasseuse, hideuse et effrayante.

Tout la répugnait, ici.

A commencer par l'absence de lumière.

Elle n'avait aucune idée de combien de temps elle resterait ici, mais elle avait le sentiment effrayant que son avenir se résumerait bientôt à ce réduit sombre et froid. Reverrait-elle un jour le soleil baigner les douces collines de sa terre natale ? Reverrait-elle les contreforts des montagnes qu'elle affectionnait tant ? Caresserait-elle de nouveau le plumage élégant des oiseaux qui venaient parfois lui rendre visite, et lui apporter les nouvelles heureuses de sa famille ?

L'envie de fuir était forte, le désir de liberté l'appelait comme un chant venu des profondeurs de son être, des profondeurs du temps lui-même, à l'époque où elle était vieille et sage, coiffée de cheveux blancs et appuyée sur un long bâton. Elle ferma les yeux, comme pour congédier cette vision étrange, qui se superposait à la réalité douloureuse de son emprisonnement. Rêver au ciel et au soleil ne l'aiderait pas à combattre son instinct, qui lui commandait de tout tenter dans une vaine évasion, de courir à en perdre haleine le long de ces marches escarpées, de dévaler les escaliers de la grande tour du magicien, et de s'élancer vers un futur meilleur.

Elle ne le pouvait pas.

Elle ne devait pas.

Elle était en Isengard, et elle ne s'y était pas rendue sans raison.

Le guérisseur, qui répondait au nom de Rihils, continuait d'appliquer avec patience et bienveillance ses onguents. Il était étrange pour Dairine de sentir un homme la toucher ainsi, avec délicatesse mais sans désir. Il ne la voyait pas comme une femme, pas davantage qu'il ne la voyait comme un objet. Elle était vivante, humaine et précieuse, mais pour autant il ne cherchait pas à la faire sienne, à la posséder… Ses doigts n'étaient pas des griffes, et elle se demanda pendant un bref instant combien des Forgoil étaient comme lui.

Tous ceux qu'elle avait croisés jusqu'à ce jour étaient des guerriers, des brutes épaisses, des tueurs sans merci. Existait-il beaucoup de gens de ce peuple comme ce Rihils, ou était-il une exception venant souligner la brutalité de ces cavaliers malveillants ? Une pensée fugace lui traversa l'esprit. Si elle devait tuer tous les hommes de ce peuple, elle l'épargnerait peut-être.

Peut-être.

- Dairine, oui, répondit-elle timidement à sa question. Dairine.

Rihils s'efforçait de créer un lien avec elle, et curieusement il y parvenait dans une certaine mesure. La très jeune femme, prisonnière de son propre esprit, n'était pas insensible à cette gentillesse… à cette tendresse… Après avoir passé tant de jours captive, prisonnière de quatre soldats aux manières indélicates, elle ne pouvait nier qu'elle appréciait la douceur de cette main chaude posée sur sa joue. Elle ne se dégagea nullement, semblant au contraire épouser la caresse délicate du guérisseur. Ses longs cheveux de jais effleuraient la peau de ce dernier, avant de retomber sur sa poitrine qui se soulevait à un rythme lent et régulier.

Elle invita le guérisseur à plonger dans son regard millénaire, et tout à coup l'enfant sembla s'effacer devant une femme. Une femme à la fois belle et distante, qui pour la première fois semblait entrouvrir la porte de son âme complexe et merveilleuse. Elle qui d'ordinaire demeurait de glace, insensible à tout ce que ses bourreaux utilisaient pour la faire souffrir, cette même femme que Rihils et la Lice avaient vu s'offrir en sacrifice face aux assauts immondes d'Ameno se laissa aller à une esquisse de sourire. Une vision fugitive, à peine plus qu'un rêve au milieu de cette pénombre qui les enveloppait tous les deux.

Ils étaient étonnamment proches, elle était étonnamment vulnérable, et pour une raison qui n'était pas très claire elle se rapprocha encore du guérisseur. Une main fraîche vint se poser sur la joue de ce dernier. Des doigts d'une rare finesse vinrent caresser ce visage presque imberbe. Les minuscules sillons dans cette peau d'une absolue perfection se perdaient sur les minuscules pousses de cette barbe que Rihils ne s'autorisait pas à laisser pousser. Elle se perdit dans la contemplation de ses lèvres charnues, entrouvertes, desquelles sortait une mélodie apaisante aux accents aussi étrangers qu'étranges.

A une exception près.

Quand il prononçait son nom…

Pendant un instant, elle fut tentée de franchir le gouffre invisible qui les séparait. De s'abandonner à la nuit, à l'oubli, et à la fougue de la jeunesse qui tambourinait à la porte de son esprit en appelant à ce qu'on la libérât. Ses yeux, toutefois, vinrent de nouveau se perdre dans ceux du guérisseur. Il était un homme du Rohan. Elle était une femme du Dunland. Leurs sangs s'étaient longtemps affrontés, et elle n'avait pas le droit de déposer les armes aussi facilement face à lui. Elle ne pouvait pas se parjurer vis-à-vis du premier homme qui avait posé sur elle un regard qui la faisait se sentir femme de nouveau.

Elle baissa la tête, rompit le contact en retirant sa main.

Le charme fut comme rompu, et elle s'éloigna quelque peu avant de répondre :

- Je être Dairine… Les Forgoil prennent moi. Pas expliquer. Je… je vouloir rentrer. Chez moi.

Depuis combien de temps cette femme était-elle dans cette situation infortunée ? Capturée par des hommes dont elle ne comprenait ni les motivations ni la langue. D'après ses propres dires, ils n'avaient pas hésité à la forcer, et l'attitude d'Ameno dans les geôles ne plaidait pas en la faveur des quatre hommes qui l'avaient ramenée en Isengard. Dairine détourna le regard, comme pour cacher des larmes qui ne voulaient pas couler. Son foyer lui manquait, de toute évidence.

Ils restèrent de longues secondes ainsi, avant que des bruits de pas ne vinssent les déranger. Un homme de la garde descendit précautionneusement les rejoindre, une main sur le fourreau de son arme, l'autre tenant son casque sous le coude. Il paraissait contrit. En voyant Dairine et Rihils si proches, il marqua un temps d'arrêt, mais chassa la surprise de son visage pour se concentrer sur sa mission. Ce que le guérisseur faisait avec la prisonnière n'était pas son affaire… même si des rumeurs circulaient de plus en plus dans le camp.

- Maître Rihils, puis-je avoir un mot s'il-vous-plaît ?

Il attendit que le guérisseur fût sorti de la cellule et se fut éloigné de quelques pas pour lui glisser à voix basse :

- Maître, deux hommes sont venus me voir en me demandant expressément de vous avertir. Ils ont retrouvé un soldat mort dans le camp, près du mur d'enceinte Est… Je leur ai demandé de ne pas ébruiter l'affaire, bien entendu, et je crois qu'ils n'ont trop rien dit de peur d'être accusés eux-mêmes de l'avoir tué. Ils connaissaient la victime, un certain Holmo. Apparemment il aurait été étranglé, on a retrouvé des traces sur son cou…

Le soldat se fit grave un instant, son regard glissa involontairement vers Dairine, qui semblait perdue dans ses pensées. Il revint à Rihils, presque désolé de cette œillade coupable :

- J'ai envoyé des hommes chercher le capitaine Osgarsson, j'ai cru comprendre qu'il gérait l'affaire… Deux morts en si peu de temps… j'espère que tout ça va s'arrêter rapidement.

Cette réflexion tout à fait personnelle trahissait l'inquiétude de la garde face à ces événements. L'arrivée de la prisonnière semblait avoir mis tous les hommes à cran, et avait révélé un état de fait qui était déjà bien présent : les Rohirrim d'Isengard n'étaient pas à l'aise dans leur rôle. Défendre la Trouée du Rohan n'était pas une tâche simple, mais ils préféraient l'accomplir à cheval, l'arme à la main, plutôt que d'attendre entassés les uns sur les autres à l'abri de solides remparts de pierre. Ces lieux dégageaient une atmosphère sinistre, et Orthanc ne leur inspirait guère confiance, même si elle était officiellement sous leur contrôle. Les maléfices pouvaient-ils vraiment être effacés, même après si longtemps ?

Les superstitions et les rumeurs pouvaient être contrôlées par les officiers, qui tenaient leurs hommes en les poussant à rester actifs et à s'entraîner quotidiennement. Cependant, quand les histoires qu'on se racontait au coin du feu devenaient soudainement réalité de la manière la plus sanglante et la plus sinistre, comment blâmer ces hommes simples, illettrés pour beaucoup, et bercés aux contes les plus fous dans leur enfance, de croire dans la malédiction qu'avait jetée Dairine à Eadric ?

- Je vais affecter deux hommes à votre sécurité, maître Rihils, en attendant l'arrivée du capitaine. Je vous prierais de ne pas vous aventurer à l'extérieur d'ici là : je préfère être prudent.

La prudence.

Que valait-elle, face à la force de leurs convictions ? Face à leurs craintes les plus profondes ? Leur jugement était obscurci par le doute, l'arme la plus puissante dans ce monde, celle qui pouvait venir à bout d'une armée entière et mettre à terre un royaume sans la moindre difficulté.

Le soleil, ironiquement, ne s'était pas encore levé pour éclairer toute cette affaire d'un jour nouveau.

Se lèverait-il jamais ?


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Redditions EmptyLun 4 Mai 2020 - 16:25

“Bon sang! Reprenez-vous Soldat de la Marche!” vociféra le Capitaine Osgarsson face au triste spectacle qui se déroulait sous ses yeux.

Pétrifié par la “malédiction” dont il pensait être victime, le Sergent Eadric bascula en avant, se recroquevillant sur lui-même dans un état de transe proche de l’inconscience. La Lice eut un léger pincement au coeur en le voyant ainsi; le sous-officier était l’un de ses hommes les plus braves et farouches, il n’était certes pas le plus discipliné, mais son dévouement pour son royaume avait toujours été irréprochable. Le voir dans cet état était un sacré choc et correspondait bien peu à l’image que  le capitaine avait de son subordonné. Il jeta un regard un biais à Forma, le nom que lui avait donné celui qui semblait être le chef des Lames. Eadric avait décrit l’instigateur des troubles comme un “homme masqué” tout en jetant un regard méfiant en direction des deux espions; mais malgré le peu d’estime que la Lice avait pour eux, il savait bien qu’il était tout bonnement impossible que l’un deux soit à l’origine de l’émeute ayant investi Orthanc. Son grade lui avait permis de connaître les grandes lignes du recrutement et de la formation des Lames et il y avait bien peu de chances qu’un traître ayant un quelconque intérêt à mettre en danger le Roi se trouve parmi eux. Cependant, il avait été assez malin de la part du coupable de dissimuler ses traits ainsi devant la troupe qui exécrait déjà les mystérieux membres de cette unité spéciale. Les hommes auraient ainsi bien peu de scrupules à diriger les accusations envers ces espions.

Osgarsson tenta de ramener Eadric à la raison par le biais de quelques petites claques sur le visage qui se voulaient plutôt douce mais qui devaient en réalité être bien plus douloureuse que voulu. Bien qu’il parvenait à le dissimuler efficacement, la nervosité commençait également à gagner l’officier de la Porte d’Isengard, qui nageaient dans l’inconnu et la frustration depuis le début de cette histoire. Dans ces conditions, il était parfois compliqué de maîtriser totalement sa force. Ils furent alors interrompu par l’arrivée de quelques grades porteurs de mauvaises nouvelles.

“Mon Capitaine!”
fit l’un d’eux.

Agacé, Osgarsson se redressa et fit volte-face.

“Qu’y a-t-il ? Pourquoi cette interruption?
-Nous nous devons de vous informer que lors de notre patrouille près du Mur Est, nous avons retrouvé la dépouille d’un soldat. Nous l’avons identifié comme un certain Holmo. Il aurait été étranglé.”

Holmo… Un des compagnons d’Eadric .

Face à cette annonce, le capitaine ferma les yeux pendant de longues secondes. Il nageait en plein cauchemar. Il se tourna vers le sergent, curieux de voir sa réaction à l’écoute de la mort de son ami mais celui-ci ne semblait avoir rien entendu, toujours pris dans son état d’inconscience active.  La Lice n’avait toujours pas la moindre idée de ce à quoi tout cela pouvait bien rimer. Bien évidemment, le lien entre l’arrivée de la prisonnière et le début des troubles était évident à faire mais la nature de sa causalité demeurait bien mystérieuse. Dairine était restée pour le moins passive depuis son arrivée, enchaînée et sous surveillance; et ce n’était assurément depuis sa geôle dans la forteresse qu’elle pouvait directement causé quelque tort. Mais, de toute évidence elle avait , de façon intentionnelle ou non, déclenchée quelque chose au sein des résidents de l’Isengard. Une peur irrationnelle, une folie collective qui semait sûrement le chaos au sein de la garnison. Et s’il y avait bien une chose qu’il détestait, c’était bien le chaos.

“Bien. Informez le capitaine Felarel qu’un danger encore non identifié sème la mort et qu’il pourrait déjà se trouver au sein du camp. Les hommes de la Maison du Roi se chargeront de la protection de sa Majesté. Trouvez aussi Rihils, placez le sous protection constante au sein d’Orthanc. Renforcez le nombre de gardes autour de la cellule d’Ameno et trouvez moi où se terre le dernier larron, Eotrain, placez le sous protection et surveillance constante au sein de sa tente.”

Ils n’avaient déjà pas beaucoup d’éléments mais si en plus les seuls témoins qui pouvaient faire un peu de lumière sur la situation commençaient à disparaître alors il serait impossible d’obtenir des réponses.
Il continua à donner ses ordres.

“Resserrez le périmètre de sécurité autour de l’Isengard. Ne rappelez pas l’’Eored envoyé pour épauler le capitaine Irül dans la Trouée mais que toutes les unités se consacrent à présent à la sécurité du territoire proche. Que nul ne sorte et ne rentre de l’enceinte des murs sans mon autorisation. Ah et amenez moi un seau d’eau.”

Ces mesures avaient le mérite de renforcer la sécurité du camp face à des menaces extérieures mais si un meurtrier sévissait déjà en son sein, c’était un autre problème. Orthanc était désormais lourdement protégé mais l’inquiétude était toujours de mise.

Les gardes acquiescèrent et se mirent en branle. La Lice s’adressa alors aux Lames:

“Vous avez peut-être raison. La prisonnière est arrivée cet après-midi et depuis le chaos règne. Il n’y a aucun moyen pour qu’elle ait provoquée cela directement mais quelque chose s’est réveillé au sein de la troupe suite à son entrée dans le camp. Vous savez ce que je pense de ces histoires de sorcellerie. Le souci c’est que nombres des hommes de la troupe y croient dur comme fer.”


Il s’empara du seau d’eau qu’un des gardes venait de lui apporter et sans crier gare, aspergea violemment le visage d’Eadric dans une énième tentative pour lui faire reprendre ses esprits.

L’officier sortit ensuite de la tente, tenant sans ménagement par la nuque Eadric qui marchait devant lui. Les deux Lames, le suivant comme son ombre.

“Rassemblez la troupe au centre du camp. Que tout le monde y soit dans une demi-heure, je leur parlerai!”

Suite à cet ordre pour le moins inattendu, la Lice répondit aux interrogations silencieuses des deux Lames.

“Je ne crois pas en ces histoires de sorcellerie. Le souci c’est que la troupe y croit bien; et il va falloir en tenir fonction pour stopper le chaos qui nous guette.”




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Redditions Rihils11
#Rihils
L’annonce du décès d’un soldat supplémentaire surprit également Rihils, d’autant plus qu’il se trouvait à présent enfermé au sein de la Tour d’Orthanc. Par souci de sécurité, lui avait-on dit. Un second meurtre au sein de la troupe en l’espace de quelques heures, le phénomène commençait à devenir inquiétant. La mention de l’étranglement était aussi intrigante, là n’était pas vraiment la manière d’agir des gens du Rohan. Le Mal était bien à l’oeuvre. Restait encore à en déterminer sa nature.

De plus, il ne pouvait à présent plus se trouver à l’intérieur de la cellule de Dairine. Là encore, pour des raisons de sécurité évoqués par les gardes du Rohan.

La belle captive était hors de danger et grâce aux  soins prodigués par le légendaire guérisseur, la plupart des blessures ne la faisaient plus grandement souffrir et resteraient superficielles. Cependant, avec les barreaux qui les séparaient, il serait beaucoup plus complexe d’établir cette proximité qu’ils avaient eu quelques minutes plus tôt et qu’il avait tenté d’exploiter pour obtenir des réponses. L’espace d’une fraction de seconde elle avait baissé sa garde, il avait pu le sentir, mais avait fini par se reprendre et lui sa version des faits qu’elle répétait depuis son arrivée en Isengard.

Il s’approcha de la porte du cachot où elle était assise dans un coin, les jambes ramenées vers son buste. Rihils observa pendant de longues minutes les entrelacs fins et envoûtants de tatouages qui parcouraient sa frêle silhouette; ce genre de pratiques était souvent considérés comme barbares par les Rohirrim mais il devait bien reconnaître la beauté du travail réalisé sur Dairine. C’était de l’art. Un art qui s'apparentait sur certains points à la symbolique mystique que l’on pouvait trouver en Orient. Le médecin n’était pas un expert sur le sujet mais il avait beaucoup lu et voyagé et son instinct le trompait rarement sur ce genre de considérations. Il était toutefois très étonnant de voir ce genre de choses sur la prisonnière, les Dunlendings étaient peut-être moins sauvages qu’on le disait par ici mais ce genre d’ouvrage raffiné ne faisait pas , à sa connaissance, partie de leur culture.

“Vous savez... je pourrai m’arranger pour que vous puissiez retourner chez vous…”

Il avait lâché cette phrase d’un ton qui se voulait détaché, la laissant ainsi en suspens dans les airs pendant plusieurs secondes. Aucune réponse n'était attendu, le but étant simplement que l’affirmation rentre dans son esprit et y fasse son chemin.

“Dites moi Dairine… Connaissez-vous la magie?”


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Redditions 8bf32c10



Les hommes de la Garde Verte avaient été efficace. En l’espace de quelques dizaines de minutes et alors que l’aube n’avait pas encore commencée , ils étaient parvenus à rassembler le gros de la troupe. Les soldats étaient disposés en rectangle, sur plusieurs lignes; le capitaine Osgarsson se dressait au centre.

D’un pas assuré et rapide, il faisait des va-et-vients constants afin d’investir tout l’espace qui lui était alloué.

Il parlait d’une voix claire et décidée. De cette voix de capitaine. De cette voix qui parlait au coeur des guerriers avant la bataille.

“Soldats de la Marche! Hommes du Rohan! Mes frères!”


Il avait commencé avec force avant d’adoucir son intonation sur les derniers mots, cassant momentanément la barrière hiérarchique qui le séparait du reste des hommes.

“ Depuis combien de temps sacrifions nous notre vie pour celle du Rohan? Depuis combien de temps avons nous tous prêté serment pour protéger notre royaume des dangers qui le guette? Depuis combien de temps avons nous juré de charger au son du cor de la Marche sans peur ni hésitation pour notre Roi?

Je vous observe et je vois parmi vous des hommes braves. Des soldats héroïques qui ont déjà tant donné pour leur pays. Ce pays qui a tant souffert à travers son histoire, qui aura maintes fois été menacé par des ennemis plus nombreux et plus puissants. Nous avons plié parfois mais jamais nous n’avons flanché. Au cours des années le sang de nos ennemis s’est mêlé au nôtre sur les plaines du Riddermark afin que nos chaumières soient préservés. Ensemble, nous avons repoussé les terribles  invasions Orcs. Ensemble nous nous sommes portés au secours de nos alliés. Ensemble nous avons fait face au Dragon lors de la Bataille du Nord. Nous en avons parfois payé le prix fort. Que d’épreuves avons-nous traversé ensemble! Qui ne se souvient pas de la guerre civile et du déchirement de notre coeur lorsque nous avons dû prendre la vie d’un frère pour le salut de notre nation. Le chagrin et les regrets pèsent justement sur vos coeurs. Mais jamais la peur n’aura aveuglé votre devoir.

Cependant voilà qu’aujourd’hui, quand je passe dans les rangs et que je plonge mon regard dans le vôtre; que vois-je? De la terreur? Vraiment? Après tout ce que nous avons vécu ensemble, il suffit de l’arrivée d’un oiseau de mauvaise augure pour étouffer vos âmes? Il suffit de rumeurs sur une sorcière pour faire taire votre force et vous pousser à la mutinerie?

Non! Je dis non!

Je ne vous mentirai pas! Comme je l’ai toujours fait avec mes hommes, je ne dissimulerai rien de ce qui vous concerne. Et ce car je vous fais confiance, car je sais quelle genre d’hommes chacun d’entre vous est. L’incertitude et le danger guettent nos rangs et menacent notre souverain. On vous a parlé d’une sorcière? Et alors? Suffit-il donc d’une pauvre malédiction pour faire des valeureux cavaliers de la Marche des pleutres sans honneur?

Non! Je dis non!

Quelque soit le danger, quelque soit l’épreuve auquelle nous devons faire face; jamais notre coeur ne doit faillir. “


Il marqua une pause pour reprendre sa respiration après ce discours enflammé ponctué par de larges gestes et une attitude très expressive dont la Lice avait le secret. Ses paroles étaient celles d’un réel meneur d’homme. Le genre d’officier qu’il était, qui l’avait amené aussi haut dans la hiérarchie, qui lui avait fait gagné la confiance de ses hommes, qui avait fait de lui la Lice.
Il dégaina alors théâtralement son épée et la brandit au-dessus de sa tête.  Sur sa dernière phrase, il s’époumonna:

“Quelque soit la menace, nous irons au front pour la détruire. POUR LE ROHAN! POUR EORLINGAS!”


De l’obscurité du camp s’éleva une formidable clameur. La bête rugissait encore. Restait à savoir s’il s’agissait là de son dernier feulement ou de son réveil


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Redditions EmptyLun 15 Juin 2020 - 21:19
Le discours de la Lice avait fait mouche.

Il avait parlé au cœur des vrais Rohirrim, les enfants des plaines et des collines qui défendaient tous ardemment leur pays, leur terre. Ces cavaliers libres, dont les longs cheveux blonds flottaient sous la brise qui amenait avec elle les doux effluves des champs et des bêtes. Ils étaient de fiers combattants, redoutés par leurs ennemis, et admirés par leurs alliés. Ils n'étaient ni des pleutres, ni des lâches, et encore moins des couards. Le monde s'effondrerait avant que les enfants d'Eorl ne cédassent à la crainte et à la terreur.

Le discours de la Lice avait fait mouche, oui.

Pourtant, même alors que les hommes semblaient gonflés d'orgueil et qu'ils se défiaient mutuellement de céder à une quelconque panique, quelques uns gardaient de l'inquiétude au fond de leur cœur.

C'était le cas d'Eotrain.

Les gardes envoyés par le capitaine l'avaient trouvés moins d'une heure après le rassemblement, et n'avaient pas montré la plus petite once de compassion envers lui quand ils lui avaient annoncé froidement que Holmo avait été retrouvé mort. Le soupçonnaient-ils d'être responsable de ce crime ? Le croyaient-ils vraiment capable de tuer son propre compagnon d'armes ? Pour quelle raison aurait-il fait un tel geste ?

Il aurait voulu pouvoir discuter de tout ceci avec ses frères d'armes, mais à quoi bon ? Ils n'étaient pas plus maîtres de leur destin que du sien, et ce n'était pas leur jugement qu'il craignait. Il y avait en Isengard des pouvoirs bien plus terribles que ceux des hommes de la garde de la Maison du Roi. Des pouvoirs qui auraient rendu un homme fou de terreur et de désespoir. Au moment d'entrer dans sa tente où on lui avait ordonné de rester isolé, il n'avait pas pu s'empêcher de se retourner pour jeter un dernier regard à la grande tour d'Orthanc, flèche sombre dressée comme un doigt d'honneur aux portes du Rohan.

De terreur et de désespoir.


~ ~ ~ ~


Trois jours avaient passé, sans qu'aucun incident particulier ne vînt émailler le quotidien de la troupe. Trois longues journées, durant lesquelles une activité inhabituelle s'était emparée de la forteresse qui gardait la Trouée du Rohan. Trois jours tiraillés entre la routine extrême imposée aux soldats, et la fébrilité d'un état-major confronté à une situation inédite. Par la force des choses, le capitaine Osgarsson s'était retrouvé au milieu de tout cela, et il occupait une position particulière. Chargé à la fois de l'enquête concernant la prisonnière, il devait en plus résoudre le double-meurtre commis par l'unité qui venait de rentrer de patrouille, et faire respecter la discipline dans les rangs.

La prisonnière, Dairine, s'était murée dans un silence curieusement apaisé. Elle semblait méditer quotidiennement, installée en tailleur, les mains délicatement posées sur les genoux, comme si elle attendait quelque chose. Elle ne parlait qu'à Rihils, mais insistait toujours pour que leurs conversations demeurassent secrètes. Chaque fois qu'un autre individu faisait son apparition dans les quartiers où elle était enfermée, elle retrouvait sa posture distante et froide, et on n'entendait plus sa voix pendant de longues heures.

La confiance était difficile à bâtir, mais Rihils s'y employait avec application.

A l'inverse, les choses allaient très vite du côté d'Ameno. Le malheureux semblait ne pas avoir recouvré ses esprits, et il demeurait plongé dans une torpeur malsaine qui contrastait avec la lueur de folie que son regard avait soudainement réactivée quand il avait vu la jeune femme du Pays de Dun. Il avait vaguement réagi quand le nom de cette dernière avait été prononcé lors de son procès, mais c'était bien tout. Il n'avait pas émis le moindre commentaire quand la sentence avait été prononcée par l'état-major. Le capitaine Felarel avait présidé la séance, et s'était montré aussi inflexible qu'il pouvait l'être. « Pour le bien de toute l'Éoherë », avait-il expliqué.

Pendaison publique, jusqu'à ce que mort s'en suivît.

Pour le bien de l'Éoherë…


~ ~ ~ ~

Redditions Dairin11

Rihils n'avait pas manqué de venir rendre visite à Dairine, même en ce jour particulier. Il était très affairé sur le camp, mais ses allées et venues quotidiennes étaient désormais habituelles, si bien que les gardes le laissaient entrer sans lui faire trop de souci. Son visage bien connu en Isengard aidait bien de ce point de vue. C'était désormais un rituel : il s'installait d'un côté des barreaux, et la laissait approcher de l'autre côté. Il lui donnait une écuelle remplie de gruau, la laissait manger tranquillement, avant qu'elle ne prît la parole plus ou moins spontanément.

Comme la veille, et l'avant-veille, et le jour d'avant, elle lui demanda :

- Vouloir parler de magie ?

Il l'avait interrogée longuement à ce sujet. Le terme n'était pas familier pour Dairine, qui ne semblait pas percevoir la « magie » de la même manière que le guérisseur. Il avait bien tenté de lui en donner une définition, mais tout ce qu'elle avait compris, c'était qu'il souhaitait qu'elle évoquât les mystères de la nature. Elle ne cessait de s'étonner des coutumes des hommes du Rohan, qui semblaient si éloignés des forces vives, de l'eau, des plantes et des animaux, qu'ils paraissaient s'émerveiller devant le bourgeonnement d'une fleur, et se laisser effrayer par l'eau devenue glacée. Elle n'aurait su dire s'il fallait en rire ou en pleurer… A travers Rihils, elle découvrait une facette des gens d'au-delà des Montagnes qu'elle ne connaissait pas, et qu'elle apprenait à comprendre. Des êtres soucieux, comme chez elle. Des êtres méfiants, qui s'étaient éloignés des vraies pratiques pour se livrer à la guerre permanente. Rihils lui avait parlé du dernier conflit qui avait agité le royaume des cavaliers. Elle avait pris peur devant tant de violence.

Les Forgoil lui avaient toujours paru sauvages et dangereux, mais surtout remplis de haine envers les Dunlendings. Elle n'aurait jamais pensé qu'ils pourraient se tuer entre eux avec tant de haine dans leur cœur. Rihils semblait avoir honte de ce passé encore trop récent. Il semblait touché par la décadence de son peuple, par la dissolution des vraies valeurs dans l'océan tumultueux de la vie. Quand Dairine lui avait demandé qui gardait, chez eux, les traditions ancestrales, il n'avait pas su répondre. Quand elle lui avait demandé qui veillait à ce que la morale fût préservée, il n'avait pas su répondre. Quand elle lui avait demandé qui protégeait les rois et les guerriers contre la folie qui pouvait parfois s'emparer du cœur des Hommes, il n'avait pas su répondre.

Alors elle avait cru comprendre pourquoi il venait la voir, et l'interrogeait sur la magie. La curiosité, certes. Une pointe de scepticisme, peut-être. Et sans doute, bien cachée au fond de lui, l'espoir que dans les mystères de la nature se trouveraient des réponses à toutes ses questions. Dairine l'observait de ses yeux perçants, et voyait en lui le trouble qui l'agitait, quand elle lui parlait des esprits, des ancêtres, des forces naturelles qui glissaient entre ses doigts comme le flot d'une rivière.

« Attraper la rivière être pas possible. Main, trop petite. Mais main attraper eau. Un peu. Et boire. Oui. »

Voilà comment elle lui avait décrit la source de ce qu'on appelait ici « pouvoir », de ce qu'elle appelait volontiers une « sensibilité », ou un « dialogue » avec le monde naturel. Il ne s'agissait pas de contrôle, pas davantage qu'il était possible de contrôler le feu ou le vent. Cependant, par la pratique, il lui était possible d'embrasser ces forces naturelles. Le feu pouvait éclairer, réchauffer, et rendre la nuit moins sombre. Le vent pouvait souffler en tempête pour renverser les murs et les habitations, ou bien gonfler les voiles d'un de ces navires de Grandport, ou bien donner vie à un moulin. Dairine était le moulin. Dairine était la voiles. Et tout ce qu'elle accomplissait dans son existence était lié à des forces qui lui échappaient, qui la traversaient et qui la dirigeaient totalement.

C'était beaucoup de choses à comprendre pour Rihils.

Hélas, la barrière de la langue ne favorisait pas l'échange.

Elle essayait de lui expliquer le monde à sa façon, pourtant, et l'explication était simple. Rihils semblait être en résonance avec ce qu'elle disait, comme tous ceux qui avaient une affinité particulière avec le monde sensible, le monde d'ici et celui d'ailleurs. Il n'avait jamais été entretenu de ces choses, mais s'il était né dans les Collines, il aurait sans doute suivi un chemin différent. Il serait devenu bien davantage qu'un guérisseur mû par le désir de réparer les corps blessés. Il aurait embrassé le monde différemment, et aurait trouvé sa place dans un ensemble beaucoup plus vaste. Une place qui l'appelait, comme en témoignait son désir permanent d'acquérir de nouvelles connaissances.

Cette fois encore, Dairine essaya de répondre à ses questions. Il raisonnait comme les gens du Vieux Royaume, par-delà Tharbad. Il voulait des preuves, des démonstrations, il souhaitait être convaincu. Il ne comprenait pas les mots « ressenti », « certitude »… Tout cela lui paraissait sans doute bien éloigné de ses propres convictions. Trop, peut-être.

- Vous avoir amené tout ?

Elle avait changé de sujet brusquement. La dernière fois, elle lui avait parlé un peu de certaines pratiques, et notamment de la divination, un sujet qui avait semblé l'intéresser. Ou le contrarier ? Elle avait proposé de lire dans les entrailles d'un bœuf, s'il pouvait lui en ramener, ainsi que quelques ingrédients qui n'étaient pas difficiles à trouver. Quelques plantes aromatiques assez communes, une pincée de sel, deux ou trois grosses pierres, et une écuelle.

Dairine n'avait plus qu'à s'affairer. Elle insista pour que Rihils se retournât, afin de ne rien voir de ce qu'elle faisait, ni des mots qu'elle prononçait. Cependant, quand elle lui indiqua qu'il pouvait de nouveau regarder, il fut surpris de voir que tout avait été disposé avec précision. Les entrailles de bœuf dégageaient une odeur désagréable, et à en juger par le tout, Dairine avait dû utiliser les pierres pour écraser ces boyaux.

S'il avait prêté attention à la jeune femme, le guérisseur aurait noté qu'elle n'était plus vraiment elle-même. La Dairine douce et calme avec qui il s'était entretenu ces jours derniers avait cédé la place à une femme plus sèche et plus maîtrisée, dont le regard ancien donnait presque le vertige. Elle respirait calmement, mais ses gestes étaient vifs et précis. Du sang coulait de ses doigts, mais elle s'en fichait. Au contraire, elle les plongea dans la préparation, et dessina une série de motifs complexes sur le sol. Elle fit signe à Rihils d'approcher, et entreprit de dessiner sur son visage sans avoir véritablement demandé son avis. Bientôt, le plus grand guérisseur du royaume se retrouva peinturluré de sang de bœuf, de même que Dairine qui semblait baigner dedans avec une aisance malsaine.

Elle se leva brusquement en lâchant une exclamation de surprise, et referma les mains sur les barreaux, avant de lâcher à voix très basse :

- Ne craignez pas le serpent, ne craignez pas sa morsure. Il veille.

A bout de forces, elle retomba brutalement sur le sol en position assise. Le souffle court, c'était de nouveau la jeune Dairine, qui observait Rihils comme si elle le voyait pour la première fois. De grosses larmes se mirent à couler sur ses joues, alors qu'elle poursuivait :

- Vous être homme bon. Mais bientôt, mourir. Pas une épée… Pas un couteau… un homme masqué… Être proche. Tout proche. Et vous, mourir. Mourir seul… Seul devant beaucoup.

Elle prit une profonde inspiration.

- Mais pas demain. Demain… nous dire adieu.

Avant que Rihils eût le temps de vraiment se remettre, un garde entra dans la pièce. Aurait-il pris la peine de frapper que cela n'aurait rien changé. Le guérisseur n'aurait jamais pu enlever tout le sang qu'il avait sur le visage. Le regard que le militaire posa sur le savant était éloquent, mais il ne fit aucun commentaire particulier, et se contenta d'annoncer :

- Maître Rihils, nous… nous avons reçu l'ordre de vous faire venir auprès du capitaine Osgarsson, pour l'exécution. Il veut que vous vous assuriez que tout se passe bien. Je… je vais lui dire que vous en avez pour une minute. Je vous fait porter une bassine d'eau.

Il y avait de la réprobation dans le ton du soldat. Personne n'aimait l'idée de savoir que Rihils passait du temps avec la prisonnière, mais le voir ainsi peint comme un sauvage n'était pour rassurer personne. Il faudrait encore une fois faire face aux regards d'incompréhension des hommes de la troupe, mais cela n'était pas nouveau.

Quand Rihils se retourna vers Dairine, celle-ci s'était réfugiée plus loin dans sa cellule, murée dans le silence. Elle observait par un petit trou percé dans la roche par où s'écoulait un faible rai de lumière qui cascadait sur son visage.

Ses larmes avaient disparu.


~ ~ ~ ~


Durant les trois derniers jours, Forma avait accompagné le capitaine Osgarsson à peu près partout, et même si les deux hommes éprouvaient toujours une méfiance réciproque, ils s'étaient rendu compte qu'ils pouvaient travailler efficacement ensemble. La situation particulière de l'Isengard en ce moment ne pouvait pas les laisser indifférents, et ils avaient su laisser de côté leur orgueil pour se mettre au service de leur roi. Voilà ce qui faisait d'eux, chacun à leur manière, d'excellents soldats.

- Les préparatifs pour l'exécution sont terminés. Je ne pense pas que ce soit la meilleure chose à faire pour le moment, mais je suis encore allé voir le capitaine Felarel ce matin, et il n'a rien voulu entendre. Il considère qu'une démonstration de force est nécessaire pour ramener l'ordre en Isengard. Un soldat qui tue un de ses supérieurs ne peut s'en tirer à si bon compte, selon lui.

Forma était parfois obtus, obnubilé par la protection du souverain, mais il n'en oubliait pas pour autant que le Rohan était un royaume unique en son genre, peuplé par les hommes les plus braves et les plus nobles de la Terre du Milieu. Le discours de la Lice avait eu beaucoup d'effet sur tous ceux qui l'avaient écouté, et il ne doutait pas que cela serait suffisant pour remobiliser les troupes. L'exécution publique de l'un d'entre eux était un coup de bâton bien inutile qui ne ferait que rouvrir des cicatrices qui commençaient à se refermer.

Felarel avait pourtant ses raisons, et il était difficile d'aller contre.

« Si Ameno s'en sort vivant, et que l'on accepte qu'il plaide la folie ou je ne sais quoi, alors qu'est-ce qui empêchera le prochain soldat de faire pareil ? Poignarder un officier qu'il n'aime pas, jouer la carte de la folie, et s'en sortir sans la moindre réprimande ? J'ai connu des soldats qui auraient tout donné pour égorger leur sergent ou leur capitaine, et qui tenaient leur rang simplement à cause de la crainte de finir au bout d'une corde. Notre armée n'est pas parfaite, nos hommes ont leur faiblesse, et il est de notre devoir de les tenir dans le droit chemin. La mort d'Ameno est peut-être évitable pour vous, mais si sa mort peut empêcher que l'on perdre un autre Dervenn, alors je n'hésiterai pas à lui passer moi-même la corde au cou si nécessaire ».

Une pendaison pour éviter dix mutineries. Une équation difficile à digérer, mais impossible à nier. Felarel n'était pas connu pour être un homme tendre, mais il n'était pas non plus sadique ou sanguinaire. S'il estimait qu'Ameno devait mourir, c'était qu'il ne voyait pas de meilleure option pour se sortir de cette crise. Forma était d'avis que, si la décision de l'exécution avait été véritablement inévitable, la question de la pendaison publique était une autre affaire. Il avait plaidé pour une élimination propre et discrète, mais Felarel s'y était opposé fermement :

« Nous ne sommes pas des assassins ! Rien ni personne sur cette terre ne saurait me juger si mon souverain me confie la tâche de rétablir l'ordre et la justice en son nom. La garnison entière d'Isengard sera témoin de cela, afin que nul ne puisse dire que nous avons craint son courroux. Un homme qui n'a rien à se reprocher n'a pas besoin de se dissimuler ».

La critique était acerbe, et Forma l'avait assez mal prise. Cependant, il était vrai qu'il n'était pas prudent d'éliminer Ameno en privé, au risque de susciter davantage de questions et d'interrogations. Les chefs d'accusation seraient lus publiquement avant la pendaison, et chaque soldat retournerait dans sa tente en ayant appris une dure leçon sur la discipline militaire, et en ayant tous les éléments pour se faire son avis. Point de secrets : les officiers devaient aussi rendre des comptes de leurs décisions en les exposant publiquement.

- Le capitaine Felarel a demandé à ce que vous soyez présent sur l'estrade lors de l'exécution. Il dit que cela montrera à tous que nous sommes unis sur la décision à prendre. Il a d'ailleurs ordonné que vous lisiez les chefs d'accusation contre Ameno, car le roi a décidé de ne pas se présenter, et Felarel entend rester avec lui.

Le geste était une marque de confiance remarquable, mais il ressemblait à une dérobade. Confier ce genre de responsabilité à la Lice, c'était comme demander à un père de passer la corde au cou d'un de ses enfants. Mais le capitaine Osgarsson aurait-il vraiment pu supporter que quelqu'un d'autre se chargeât de cette responsabilité ?

Forma inclina légèrement la tête, conscient que cela représentait une épreuve formidable pour un homme d'honneur, et que la Lice avait sans doute besoin d'être seul pour s'y préparer. Il s'éclipsa discrètement, et partit rejoindre ses compagnons qui occupaient quelques postes stratégies pour renforcer la protection d'Orthanc pendant que tous les hommes étaient rassemblés. En chemin, il croisa Rihils, et lui indiqua la tente où se trouvait le capitaine.

- Dépêchez-vous, il ne va pas tarder à monter sur l'estrade.


~ ~ ~ ~


Hulfgarsen observait de loin le gibet que l'on avait installé pour l'occasion. Les exécutions étaient rares au Rohan, encore plus depuis la guerre civile. Mortensen et le roi Fendor avaient fait en sorte de ne pas déchaîner une violence bien méritée contre les traîtres à la couronne, les défenseurs de l'Usurpateur et ceux qui avaient rejoint les rangs de l'Ordre de la Couronne de Fer. On aurait dû voir des centaines de pendaisons à travers tout le pays, mais la main du roi avait été clémente.

Faible, pour certains.

Alors pour beaucoup d'hommes, c'était un spectacle nouveau, différent, qui rompait avec la monotonie du quotidien. La mort n'était pas belle, mais elle changeait de la routine. Hulfgarsen était dépité de ne pas pouvoir y assister. Quel manque de chance ! Il était de corvée de garde sur les remparts d'Isengard, alors qu'il pensait avoir sa journée de libre pour vaquer à ses occupations. Les consignes étaient tombées quelques jours auparavant : la Lice voulait renforcer la présence sur les murs et assurer la surveillance de la Trouée. Une éored était partie récemment, celle du capitaine Irül, mais de toute évidence cela ne suffisait pas pour calmer la paranoïa de l'état-major.

La crainte n'était de toute évidence pas uniquement dans le cœur des soldats.

- Tu penses que sa nuque va se rompre du premier coup ? Demanda Hulf.

- J'espère pour le pauvre type, rétorqua son voisin. Je préférerais que ce soit fini rapidement, plutôt que de me débattre au bout de cette maudite corde.

Hulfgarsen était un soldat assez jeune, encore peu expérimenté, qui faisait preuve d'autant de naïveté que de bonne volonté. Son voisin et compagnon de tente, Eorhe, était un vieux briscard, vétéran de pas mal de batailles, qui avait trouvé un poste confortable en Isengard et qui s'était fait un devoir de maintenir son jeune camarade en vie. Hulf l'exaspérait parfois, le faisait rire souvent, mais surtout il lui rappelait le fils qu'il n'avait jamais eu.

- Allez, tête de pioche, va donc jeter un œil à cette foutue Trouée pendant que j'essaie de voir ce qui se passe.

Hulf eut un sourire amusé :

- À vos ordres m'sieur, je vais aller surveiller cette foutue Trouée.

Ah, foutue Trouée. Il commençait à s'en lasser. Quand le roi s'était installé ici, il avait cru qu'il vivrait de grandes aventures, qu'il se battrait pour défendre les frontières du Rohan, qu'il accomplirait de hauts-faits dignes d'être relatés dans les contes et les chants. Au lieu de quoi, il avait découvert la dureté de la vie de soldat : entraînement, repas, repos. Patrouille, repas, repos. Et ainsi de suite, à n'en plus finir. A en donner envie de vomir. Il avait les pieds usés à force de faire les cent pas, et comme beaucoup ici, ses armes prenaient la poussière. Il s'entraînait régulièrement, mais le cœur n'y était pas, et seule la perspective d'être réprimandé par le sergent le poussait à faire des efforts.

« Avoir l'air d'avoir l'air », lui avait dit son père quand il s'était engagé. « C'est la clé pour être soldat ».

Ces mots tournaient en boucle dans sa tête, en lui tirant tantôt un sourire amusé, tantôt une moue contrariée. Hulfgar, son père, avait fait une carrière honorable dans l'armée. Dix-huit années de bons et loyaux service, et un rang de sergent. Il s'était retiré pour se consacrer à sa ferme, et son dernier fils avait été bercé par les histoires et les récits fantastiques. Avoir un père soldat, quel rêve ! Comment ne pas vouloir s'engager dans l'armée royale à son tour ?

Hulf avait rapidement déchanté, et il ne savait pas s'il devait en vouloir à son père qui avait enjolivé la situation, ou à son roi qui le maintenait volontairement loin de toute action digne d'intérêt.

Alors qu'il en était là de ses réflexions, il aperçut un mouvement inhabituel en provenance de l'Ouest. De la Trouée. Quelques silhouettes lointaines, déformées par la distance et la chaleur. Il n'arrivait pas à en identifier le nombre et la nature, mais bientôt un cor puissant résonna et tira un grand sourire à Hulfgarsen.

- Qu'est-ce que c'est ? Demanda Eorhe.

- C'est l'éored du capitaine Irül, ils se dirigent par ici.

Eorhe hocha la tête pesamment.

- Ah, bonne nouvelle. Ils vont manquer l'exécution de peu.

Hulfgarsen sonna puissamment dans le cor qu'il portait attaché à la ceinture, en signe de bienvenue pour ses compagnons de retour. Même si l'Isengard était une forteresse, et que les hommes étaient loin de chez eux, il faisait bon de retrouver des compagnons et la sécurité de ces grands murs de pierre. Les hommes d'Irül seraient contents de pouvoir manger un repas chaud, et de reposer leur séant abîmé par une si longue chevauchée. Les deux sentinelles, rassurées, portèrent brièvement leur attention sur le gibet. Un homme fit son apparition sur l'estrade, encadré par plusieurs silhouettes. Ce devaient être les officiers chargés de présenter les chefs d'accusation à tous les soldats rassemblés là. Le condamné n'avait pas encore fait son apparition cependant. Eorhe, pensif, rappela tout de même à Hulfgarsen de penser à sa mission. Ce dernier tourna la tête vers le lointain, et observa les silhouettes qui se rapprochaient. Il plissa les yeux, découvrant chaque détail un à un, comme si à chaque pas les cavaliers se dévoilaient à lui un peu plus, révélant leur identité.

Il lui fallut un moment pour voir qu'ils allaient à pied.

Et ce ne fut qu'à ce moment-là qu'il comprit qu'ils étaient beaucoup plus nombreux qu'il l'avait d'abord anticipé. Il fit signe précipitamment à Eorhe, et le vétéran afficha une moue surprise alors qu'il mettait la main en visière pour observer le lointain. Sa vue était perçante, mais surtout il connaissait l'allure de ces drôles d'hommes qui s'avançaient, lourdement armés de piques et d'épieux.

- Des Dunlendings… Une foutue horde de Dunlendings, sous notre nez ! Bon sang mais comment ont-ils pu échapper à la surveillance d'une éored et se faufiler sous notre nez comme ça ?

- Les salauds, gronda Hulf.

Le cor résonna une seconde fois dans les plaines, jetant un message sinistre aux défenseurs de l'Isengard. Ce cor, en effet, appartenait bien à la compagnie du capitaine Irül. Ce fut alors que Eorhe comprit.

- Nom de… Ils les ont fait prisonniers.

- Qui ça ?

- Toute l'éored, répondit le vétéran d'une voix si grave et si sombre qu'elle semblait surgie d'un spectre. Ils ne sont pas si nombreux, mais ils tiennent nos hommes prisonniers. Bon sang, mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Donne l'alarme, et cours prévenir les chefs. Cette affaire nous dépasse, et de loin.

Hulfgarsen comprit que cette affaire était plus sérieuse que tout ce qu'ils avaient eu à traiter depuis qu'il avait été stationné ici. Peut-être même depuis la Guerre des Trois Rois. Il sonna à son tour dans son cor, mais cette fois ce n'était pas la longue note de bienvenue qu'il avait adressée plus tôt à ces étrangers. Ce furent une série de notes brèves et cinglantes qui jetèrent un froid sur l'assistance. Une mélodie que chaque soldat du Rohan connaissait par cœur. L'appel aux armes.

Le signe du danger immédiat.


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Dernière édition par Ryad Assad le Mar 7 Juil 2020 - 12:11, édité 1 fois
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Redditions EmptyVen 26 Juin 2020 - 12:26

Les rayons étouffants du  soleil frappaient de plein fouet la foule amassée au centre du camp. Il était à son zénith et accablait la troupe d’Isengard, cuvette suffocante de chaleur qui consumait lentement le courage et la bravoure qui habitaient le coeur des hommes. Trois jours avaient passés depuis les récents événements qui avaient secoué le fief du Roi Fendor: de l’arrivée de la captive jusqu’aux émeutes au sein de la forteresse d’Orthanc. Trois jour qui s’étaient révélés bien plus calmes, bien trop calmes. Le temps et la chaleur se chargeant de tuer à petit feu la volonté des soldats alors qu’une mystérieuse menace planait toujours au dessus du sommet de leurs casques de bronze.

La Lice, juché sur l’estrade en bois installée pour l’occasion, déroula le parchemin qu’il avait en main d’une main bien tremblante. Un geste bien inutile vu qu’il était incapable de déchiffrer les lettres et inscriptions inscrites par la main savante et délicate du capitaine Felarel à l’issue du procès. Il avait passé des heures avec Rihils à mémoriser par coeur les chefs d’accusations contre Ameno; ne lui restait plus qu’à réciter sa poésie devant son audience en espérant que sa langue ne fourcherait pas. Un exercice que le Capitaine n’appréciait guère; il était un orateur respecté et charismatique au sein de la troupe mais ses mots ne portaient quand quand il s’exprimait avec son coeur pour motiver les siens en déclarant son amour à la patrie. Dans ce contexte, il était talentueux. Mais déclamer, tout en feignant de lire,  les raisons d’une exécution  à laquelle il s’était personnellement opposée était une tout autre chose et là il était beaucoup moins à l’aise. Mais en l’absence de Felarel, restée auprès du Roi pour assurer sa protection, la charge revenait au Capitaine de la Porte d’Isengard et ce dernier ne comptait la déléguer à aucun autre. Il était le lien. Le lien entre cette troupe valeureuse mais se sentant parfois abusée, et les élites qui siégeaient au sein de la tour d’Orthanc. Il était cet officier venu du monde d’en bas et qui s’était hissé, par la force de ses bras et la résilience de son âme, dans les hautes sphères de la hiérarchie. Osgarsson était sûrement le seul ici qui bénéficiait de l’oreille des hommes de la troupe et qui pouvait les convaincre du bien-fondé de cette pendaison publique. Certes les officiers de noble lignée , ou même les Lames, n’avaient pas moins de pouvoir que lui mais cette relation particulière avec la garnison leur faisait défaut.

On avait placé ce pauvre Ameno, une cagoule sur la tête, au centre de l’échafaud, face à la corde, face à son funeste destin. La Lice avait ordonné que l’on retire son masque, nul cavalier de Rohan ne méritait de mourir sans visage. Le pauvre hère avait le regard toujours aussi vide, son esprit déjà dans un autre monde. En quelque sorte, il était déjà mort quelques jours plus tôt, ne pouvant supporter ce qu’il avait vu là-bas, son âme valeureuse laissant derrière elle son enveloppe charnelle et animale revenue hanter le campement. Au fond, le commandement lui accordait une faveur avec cette pendaison.

La Lice prit une profonde inspiration et gonfla le torse, prêt à parler de sa voix puissante. Le coeur lourd et anxieux.

Mais il fut sauvé par le gong. Du moins c’est qu’il aurait pu penser si lesdits gongs n’avaient pas le même son que les cors d’alarmes d’Isengard.

La confusion gagna alors instantanément la troupe, à mesure que ce chant menaçant qu’ils connaissaient tous sans pourtant  l’avoir jamais entendu résonnait entre les murs de bois du domaine.

Le Rohan était menacé.

Sous le choc, Osgarsson laissa tomber le parchemin mais il reprit vite ses esprits; il était préparé à ce genre de scénario, tel était son rôle.

“Aux armes! Que chacun prenne poste sur les murs, que les cavaliers sellent leurs chevaux! Que nul trait ne soit tiré, nulle épée dégainée sans mon ordre direct! Pour le Rohan! Pour Eorlingas! “

Un des gardes ayant donné l’alerte, un jeune recrue du nom d’Hulfgarssen, ne tarda pas à faire son rapport à ses supérieurs  et celui-ci était particulièrement inquiétant. Un groupe, à priori limité et désorganisé de Dunlendings, venait de pénétrer dans les frontières du Rohan, tenant prisonnier une éored entière commandée par l’un de officiers les plus capables de l’armée. Cela ne rimait à rien. Les escarmouches et provocations aux frontières étaient monnaie courante avec ces peuplades sauvages mais jamais il n’aurait cru qu’ils oserait s’aventurer aussi loin. Quelles chances avaient-ils face aux cavaliers du Roi?

Il eut alors une intuition. Dairine. Il ne savait pas pourquoi mais elle était la clef de tout cela. Et un simple regard échangé avec Rihils suffit.


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Redditions Rihils11
#Rihils
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Le guérisseur courait à en perdre haleine; le souffle coupé par l’effort et la peur qui régnait dans ses entrailles. Sa dernière rencontre avec Dairine, quelques heures plus tôt, l’avait profondément troublé. Et pour cause, la belle captive ne lui avait annoncé rien de moins que sa mort imminente. Il n’en avait rien montré sur le moment mais cette révélation avait réveillé en lui une émotion aussi pure que cruellement humaine: la peur. L’ironie de la situation était palpable: lui le légendaire guérisseur qui avait dédié sa vie à éloigner la Mort des victimes qu’elle avait choisie, se retrouvait à présent en plein dans sa ligne de mire. Juste punition pour lui dans une certaine mesure.  Un homme comme la Lice aurait sûrement réagi différemment à de telles révélations, en particulier au vu de la manière dont Dairine avait tiré ces conclusions. Le Capitaine aurait sûrement lâché un commentaire sur l’inanité de telles pratiques avant de passer à autre chose. Mais Rihils savait qu’il y avait quelque chose de bien réel derrière tout cela. Il le sentait. Et les cors d’alarmes en avaient été l’ultime rappel.  Au cours sa carrière et voyages, Rihils avait appris à sonder les coeurs des gens et ils voyaient bien que les larmes de la captive était bien réel, sa tristesse sincère. Elle ne cherchait pas à l’intimider mais lui traduisait simplement ce qu’elle avait vu.
Il pénétra en trombe au sein de la tour d’Orthanc sans prendre le temps de saluer les gardes en poste comme à son habitude. L’heure n’était plus aux politesses. L’homme se rua littéralement dans les escaliers qui descendaient jusque dans les cachots. En quête de réponses. En besoin de réponses.

Dairine était toujours là, couverte de sang face aux entrailles éparpillés de manière étrange sur le sol humide. Elle avait à peine bougé depuis leur dernière rencontre. Comme à chaque fois, Rihils annonça sa présence en se raclant légèrement la gorge avant de s’approcher lentement. Elle leva les yeux, d’abord apeurée puis rassurée de voir la silhouette du médecin et non d’un des gardes. Mais il y avait aussi de la tristesse dans son regard, ainsi qu’une pointe d’espoir. Avait-elle entendu le souffle de l’alarme? Savait-elle que son peuple était désormais aux portes de l’Isengard? Avait-elle quelque chose à voir avec cela?

Rihils tendit une main tremblante à travers les barreaux de la cellule, invitant son interlocutrice à la saisir.

“Dairine...votre peuple est là aux portes du Rohan. Ils sont venus pour vous, n’est-ce pas? Vous êtes vraiment un être si précieux.”


Rihils frémit au contact de la jeune femme. Sa voix était anormalement fébrile.

“Mais ils font face aux unités les mieux entraînées du royaume. Ce sera un carnage mais nous pouvons encore hésiter ce bain de sang. Dairine… Je peux vous faire sortir d’ici, bientôt vous pourrez regagner les vôtres.”

L’offre était alléchante bien qu’en réalité le guérisseur ignorait totalement quelles ficelles il pourrait tirer pour arriver à ses fins auprès des autorités. Il avait certes beaucoup d’influence ici mais les gardes ne désobéiraient certainement pas aux ordres sur sa simple demande. Il désirait sincèrement aider la jeune femme, mais il avait aussi besoin de réponses.

“Sont-ce là les adieux dont vous me parliez? Est-ce ainsi que je vais mourir? Où est cet homme masqué? Je vous en prie Dairine, il n’est pas encore trop tard. Apprenez-moi!”

Les questions s’étaient mués en supplications, le Rohirrim semblant complètement désespéré.

“Apprenez moi votre magie! Que je puisse empêcher tout cela! Apprenez moi et vous serez libre…”

L’homme qui avait toujours sacrifié son confort pour le salut de son peuple était curieusement devenu beaucoup plus égocentrique; les troubles pesant sur l’Isengard l’effrayant moins que l’annonce imminente de sa mort.

Il était Rihils, guérisseur légendaire du Rohan et praticien reconnu dans toutes les terres de l’Ouest. I ne voulait pas mourir. Il ne pouvait pas mourir.  Le destin avait besoin de son Hubris.


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La Lice chevauchait en tête du petit groupe qu’il avait rapidement dépêché. Derrière lui, le suivaient une trentaine de cavaliers d’élite, des soldats d’élites en qui la Lice vouait une confiance aveugle.  Juste à sa droite, le fidèle Filhelm portait haut la bannière du Rohan.
Plus loin se dressait les remparts de l’Isengard sur lesquels se massaient les troupes sur le pied de guerre.

Au moment où l’alarme avait retenti, Osgarsson avait immédiatement pris la décision de suspendre l’exécution, laissant ainsi Ameno et son bourreau en plan. L’officier avait rapidement distribué des ordres, s’affirmant comme le véritable homme en charge de la défense de la première ligne du Royaume. Des hommes comme Felarel ou les deux Lames le dépassaient sûrement dans la hiérarchie mais leur missions étaient limitées à la protection du Roi ou le recueil d’informations. Mais lui portait le titre de Capitaine de la Porte d’Isengard, et en l’absence d’un maréchal désigné pour cette région, la responsabilité des éoreds voués à la défense du domaine royal lui revenait. Et cela tombait bien, car il était un homme d’action.

Sans qu’il ne veuille l’admettre, cette intrusion inattendue représentait une véritable bouffée d’air frais  pour l’officier. Cela faisait des semaines qu’il était plongé dans du travail administratif aussi harassant que inintéressant, et plusieurs jours qu’il était mêlé à une enquête secrète  dans laquelle les luttes d’influence et de pouvoir s’exprimaient. La politique, tout ce qu’il détestait. Au moins avec un ennemi clairement identifié face à eux, Ansgar était à même de remplir son devoir de militaire. Il avait donc écouté son courage en choisissant de partir à la rencontre des Dunlendings, à la fois pour parlementer et pour avoir une meilleure idée des forces en présence ainsi que du nombre de prisonniers.

Fougueux mais pas imprudent , la Lice s’était entouré d’une trentaine d’hommes talentueux. Trop peu pour représenter une menace face au groupe ennemi et engager la bataille, mais bien assez pour pouvoir le protéger en cas de retraite précipitée si la situation venait à dégénérer.

A mesure qu’ils s’approchaient, les cavaliers du Rohan constatèrent que les intrus étaient en réalité relativement peu nombreux. Et que le gros du groupe était composé des prisonniers de l’éored de Irül.  Mais là était bien ce qui inquiétait le Capitaine. Comment une poignée de Dunlendings pouvaient maîtriser ainsi les troupes de l’un des meilleurs officiers de l’Ehoerë?

La Lice arrêta sa monture à plusieurs mètres de l’avant-garde du groupe de Dunlendings, gardant ainsi une distance de sécurité loin d’être futile.

“Hola gens du Pays de Dûn! Vous venez de pénétrer sur les terres du roi Fendor du Rohan en tenant des Cavaliers de la Marche captifs. Nous exigeons des explications sur cet affront! Expliquez vous et libérez nos hommes sans conditions ou alors vous serez piétinés sous les sabots des Méaras! “


Malgré l’anxiété croissant qui gagnait progressivement son coeur depuis l’arrivée de Dairine, l’officier était confiant. Les troupes de l’Isengard ne feraient qu’une bouchée de cette poignée de sauvages.


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Redditions EmptyMar 7 Juil 2020 - 14:14
A l’horizon, la silhouette des cavaliers se détachait nettement sur le rempart de ténèbres que représentait l’anneau de l’Isengard. La sinistre forteresse, qui gardait la Trouée du Rohan, fourmillait d’une activité intense, et l’on voyait même à cette distance les hommes qui s’affairaient sur les remparts, sortant leurs arcs et affûtant leurs épées pour une éventuelle bataille. L’avant-garde, envoyée pour éclaircir la situation, représentait pourtant la principale source d’inquiétude. Les Rohirrim étaient sortis en nombre, une trentaine d’hommes qui galopaient fièrement en brandissant l’oriflamme de leur royaume. Le puissant destrier sur fond de sinople tremblait dans le vent des plaines, car des collines voisines et trop souvent méprisées descendait un murmure inquiétant. Celui de la colère des Dunlendings. Ces derniers étaient clairement équipés pour la guerre, mais ils n’étaient pas venus en si grand nombre qu’ils représentaient une réelle menace pour la vieille citadelle de l’Isengard.

Ils n’étaient après tout qu’une vingtaine de fantassins tout au plus, qui escortaient plusieurs douzaines de prisonniers, à la pointe de l’épée et de la lance. C’étaient pour la plupart de bons combattants, des hommes aguerris qui s’étaient portés volontaires pour cette mission extrêmement dangereuse. Ils avaient la mine sombre de ceux qui ont vu passer trop d’hivers rigoureux, et trop peu d’été cléments. Leurs longues barbes hirsutes, parfois tressées, dépassaient de sous leurs casques de bronze ou de fer. De haute taille, tout en muscles, ils étaient couverts d’armures légères, de cottes de mailles ou de solides cuirasses de cuir avec lesquelles ils semblaient faire corps. Ils se tenaient là, austères, focalisés sur l’approche des cavaliers, dans l’attente des ordres du chef de leur petite troupe.

Bien qu’ils fussent peu nombreux, et dans une situation qui semblait particulièrement défavorable, ils ne paraissaient pas éprouver la moindre once de crainte – ce qui était peut-être le plus effrayant dans leur attitude. Ils attendaient sereinement au milieu de la vaste plaine, sans même esquisser le moindre mouvement pour se regrouper ou se placer dans une position défensive leur permettant de briser une charge de cavalerie. Ils avaient eu pour consigne de ne pas se montrer inutilement agressifs, et ils étaient prêts à obéir sans discuter. Il fallait dire que celui qui les menait était capable de leur inspirer confiance. Nuall, puisque c’était son nom, était un guerrier d’exception parmi les siens, et cela n’était pas seulement dû à son apparence terrifiante. L’homme avait vu de nombreuses batailles, et il avait accumulé son lot de cicatrices, dont une qui lui barrait le torse et qui semblait avoir été infligée par une hache. Un tel coup aurait dû le tuer sur place, mais Nuall marchait encore parmi les vivants, et inspirait aux Dunlendings qui l’entouraient une ferveur peu commune. Il avait cette capacité sidérante à fédérer autour de lui, et à inspirer les hauts-faits. Les combattants qui l’entouraient se sentaient habités par une force surnaturelle, et se jetaient à corps perdu dans la bataille. Quand il avait été manifeste qu’il prendrait la direction des opérations, on s’était bousculés pour l’accompagner. Mourir à ses côtés était un honneur que beaucoup recherchaient, parmi les gens des Basses-terres.

- Comme prévu, les voilà… Fit son second, qui répondait au nom de Kell.

C’était un ami d’enfance de Nuall, et son protecteur le plus fidèle. Si Nuall était impressionnant et terrifiant, Kell paraissait littéralement fou. Son casque complet ne laissait entrevoir que ses yeux habités d’une lueur malsaine, et donnait à sa voix des accents métalliques et caverneux qui donnaient des frissons. Il incarnait la furie dans sa forme la plus pure, et c’était d’ailleurs ainsi qu’il était connu parmi les siens. Kell la Furie. Le surnom n’était pas usurpé, et devait beaucoup à ses actes de bravoure insensés. Il avait fait le serment de protéger la vie de son ami Nuall alors qu’ils n’étaient encore que de jeunes idiots se battant avec des épées de bois, et depuis ce jour ne le quittait jamais. Même au cœur de la bataille, il s’arrangeait toujours pour veiller sur lui, et le protéger d’une flèche mortelle ou d’un adversaire sournois. Une telle dévotion était rare en ce monde, et Nuall savait apprécier le sens du sacrifice de celui qu’il appelait son frère. Il le consultait fréquemment sur des questions de stratégie, et se fiait beaucoup à son avis. Si Nuall était le plus célèbre des deux, il était évident que sans Kell, il n’aurait probablement pas acquis une telle stature.

- Comme prévu, oui. Une trentaine d’hommes, cela signifie qu’ils viennent pour négocier.

La Furie hocha la tête, et reprit :

- Ils n’avaient pas d’autre choix. Je vais dire aux hommes de se tenir tranquilles, je ne voudrais pas qu’ils provoquent un bain de sang par erreur.

Nuall hocha la tête avec gravité, et força les prisonniers devant lui à se tenir droits. Il voulait montrer au chef des cavaliers qu’ils avaient été bien traités, et qu’il était possible de négocier sans violence. Entre les deux peuples, c’était déjà un exploit que de pouvoir se tenir à quelques pieds l’un de l’autre sans s’étriper joyeusement. Les Rohirrim finirent par arriver à portée de javelot, et ils s’arrêtèrent, leurs montures piaffant et renâclant, sentant la tension palpable qui flottait dans l’air. Ces bêtes connaissaient la guerre pour l’avoir vécue plusieurs fois, et elles savaient reconnaître les signes annonciateurs d’une bataille. Les Dunlendings levèrent le menton, en raffermissant leur prise sur leurs armes. Les cavaliers les dominaient de taille, mais ils étaient conscients qu’ils devaient apparaître déterminés et menaçants, pour persuader leurs interlocuteurs de les prendre au sérieux.

Le capitaine de la petite compagnie prit la parole. C’était un colosse à l’air renfrogné, qui leur aboya dessus sans la moindre courtoisie. Évidemment, il considérait que les gens du Pays de Dun s’étaient aventurés imprudemment sur les terres du Rohan, en menaçant les soldats de son roi. Les apparences pouvaient être trompeuses. Nuall, fort heureusement, savait faire la part des choses, et il leva une main amicale vers le capitaine :

- Salut à vous, Rohirrim. J’attendais davantage de la part d’un émissaire du roi Fendor, je dois dire.

L’éloquence de Nuall était certaine, même en Westron. Contrairement à la plupart des Dunlendings, il maîtrisait bien la langue des Hommes de l’Ouest, ce qui avait été un facteur décisif dans la décision de l’envoyer lui, pour cette mission. Il toisa un instant le chef des cavaliers, avant de reprendre :

- Si vous souhaitez nous écraser, soyez assurés que nous ne tomberons pas sans combattre. Nous aurons le temps de tuer vos prisonniers avant que vous ayez fait un geste, et lorsque nous aurons terminé, nous vendrons chèrement notre vie. Et même si vous étiez en mesure de sauver tous vos hommes ici présents, sachez que nous avons gardé une vingtaine des vôtres à quelques lieues d’ici, en sûreté. Si nous ne revenons pas, ils seront exécutés. Une vie prise en échange de chacune des nôtres.

Et une menace pour une menace.

Ils étaient quittes, et il était évident qu’aucune des deux parties ne plaisantait. En observant attentivement les prisonniers rassemblés là, dépossédés de leurs armes et de leurs montures, La Lice pouvait noter qu’il manquait effectivement une partie de la compagnie. Plus précisément, il manquait les soldats les plus expérimentés, notamment Irül lui-même. Il devait appartenir à ces vingt soldats gardés en réserve, l’assurance de Nuall qu’il pourrait rentrer en sécurité. Assurément, les gens du Pays de Dun avaient parfaitement calculé leur coup, et ils avaient séparé les hommes les plus valeureux du reste, afin de mettre une pression supplémentaire sur le capitaine du Rohan. Cependant, même si le Dunlending jouait avec des cartes très intéressantes dans sa manche, il savait être en position de faiblesse, et il n’était pas venu ici en si petit nombre pour déclencher une guerre. Le Rohan disposait d’une armée entraînée et disciplinée, quand les clans du Pays de Dun étaient divisés et minés par des conflits internes. Une guerre entre les deux peuples n’aurait conduit qu’à la ruine des hommes des collines. Alors pourquoi en arriver à de telles extrémités ? Dans un geste d’apaisement, il offrit d’enlever son casque, et poursuivit :

- Capitaine, je ne suis pas ici pour faire la guerre, et je sais que vous le savez. Nos exigences sont simples. Nous demandons le respect de nos frontières, trop souvent violées par vos troupes, qui dévastent nos villages, ravagent nos habitations, et mettent à mort notre bétail. En outre, et j’insiste particulièrement sur ce point, nous demandons à ce que nous soit rendue la prisonnière que vous avez capturée. Elle n’est ni une guerrière, ni une criminelle, et vos hommes l’ont enlevée illégalement sur nos terres. Nous sommes disposés à repartir sans violence, mais pas sans elle.

Nuall cala son casque sous son bras, plongeant son regard sombre dans celui du capitaine, en signe de défi. Il savait qu’aucune de ses demandes n’était fondamentalement déraisonnables. Cependant, il avait conscience que négocier ainsi ne mettait pas les Rohirrim dans les meilleures dispositions. C’était d’ailleurs tout l’intérêt de la manœuvre.

Sûr de lui, pour ne pas dire confiant malgré sa posture, le vétéran dunlending conserva le silence, attendant patiemment la réponse de l’officier du Rohan, qui semblait réfléchir. Juché sur sa monture, il n’était en position de force que dans les chiffres. Dans les faits, il risquait la vie d’une éored entière pour celle d’une femme qu’il ne connaissait pas, mais qui semblait avoir une importance considérable.


~ ~ ~ ~

Redditions Dairin11

La venue de Rihils n’était pas une surprise pour Dairine, du moins pas totalement. Durant les quelques jours qu’elle avait pu passer au sein de la forteresse de l’Isengard, elle avait noué un lien particulier avec le guérisseur, qui était pour ainsi dire la seule personne à lui rendre visite et à s’intéresser à elle au-delà des rumeurs de sorcellerie. Elle ne pouvait pas dire qu’elle l’appréciait – après tout, c’était un habitant du Riddermark – mais elle devait reconnaître qu’il avait beaucoup fait pour rendre son séjour le moins désagréable possible. Quelques petites attentions, même insignifiantes, pouvaient paraître beaucoup quand les circonstances étaient aussi défavorables. Pour autant, elle n’aurait pas imaginé rencontrer un homme qui fût à ce point intéressé par les coutumes des Druwidan. Sa curiosité, d’abord sceptique, puis de plus en plus sincère, n’avait cessé de la surprendre depuis qu’elle avait croisé son chemin, et bien qu’elle fût ici pour une raison, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si sa rencontre avec le guérisseur était fortuite ou bien le fruit d’un dessein plus grand.

Elle avait interrogé les ancêtres à ce sujet, mais la réponse lui avait paru peu claire.

Rihils l’avait tirée de ses pensées peu de temps après qu’il fût parti pour assister à l’exécution programmée ce jour-là, l’air soucieux sur le visage. Il ne savait pas bien cacher son trouble et ses préoccupations, qui se lisaient sur lui comme les entrelacs stylisés se voyaient sur la peau de la prisonnière. Elle l’avait implicitement invité à approcher, et il avait fait les derniers mètres jusqu’à elle, se penchant tout près des barreaux pour lui expliquer la situation. Ses paroles redonnèrent courage à Dairine. Ainsi, les Dunlendings étaient finalement venus, bravant tous les dangers pour la retrouver. Leur force de caractère et leur loyauté méritaient d’être célébrés, et elle ne put empêcher un mince sourire d’étirer ses lèvres. Ses yeux, pourtant, ne riaient pas le moins du monde.

- Précieux ? Moi ?

Elle haussa les épaules, rejetant le compliment comme à la fois trop et trop peu. Comment lui expliquer qui elle était, et ce qu’elle représentait aux yeux de son peuple ? Comment lui ouvrir les yeux sur sa véritable nature, et sur le pourquoi les gens des collines étaient prêts à descendre jusque dans les terres du Rohan aujourd’hui ? Tout cela faisait partie d’un tout plus grand, dont elle était à la fois une pièce maîtresse et un rouage parmi tant d’autres. Elle ne put s’empêcher de hausser les épaules de nouveau, incapable de trouver les mots dans cette langue étrangère qu’elle était obligée d’employer pour se faire entendre de lui. Elle savait que leurs deux mondes étaient différents, et elle devait accepter que certaines choses demeureraient cachées aux yeux du guérisseur. Cachées jusqu’à ce qu’elles lui fussent révélées.

- Ils pas devoir venir. Grand danger, oui.

Ce fut tout ce qu’elle ajouta, mystérieuse à souhait. La présence des Dunlendings n’était-elle pas une bonne nouvelle ? Craignait-elle davantage pour leur vie, ou que leur venue altérât la paix toute relative qui existait de part et d’autre de l’Isen ? Ses paroles sibyllines ne furent accompagnées d’aucune explication, laissant le guérisseur du Riddermark se faire sa propre opinion sur la question. Dairine ne semblait pas déborder de compassion pour son prochain, ni de chaleur humaine, mais comment lui reprocher d’être ainsi au milieu d’un peuple qu’elle considérait comme hostile et menaçant, qui l’avait faite prisonnière et la retenait contre sa volonté. Finalement, qui pouvait se targuer ici de connaître la véritable Dairine ? Qui pouvait dire connaître cette jeune – jeune ? – femme, ou même avoir la plus petite idée de ce que recelaient ses pensées les plus secrètes ? Le fossé, Rihils avait bien tenté de le combler de toutes ses forces, mais il n’avait jamais pu faire disparaître ces barreaux qui les séparaient, et tant qu’ils existeraient, il pourrait se bercer d’illusions s’il le souhaitait, cela ne changerait rien à la dynamique inégale entre les deux. Lui pouvait sortir à sa guise, elle non. La réalité était triste, mais implacable.

Cependant, Rihils lui offrit une opportunité étonnante et unique, qu’elle ne put que prendre en considération. Il se proposait ni plus ni moins que de la faire sortir des geôles et, si elle le comprenait bien, de la rendre à son peuple. L’audace de son offre était à la hauteur de la difficulté de la tâche… Il était évident que le guérisseur ne commandait à personne ici, et il dépendait très largement du bon vouloir des militaires qui avaient le véritable pouvoir, ici. Son autorité informelle, acquise par le savoir et l’expérience, lui garantissait néanmoins une certaine aura, qu’il pouvait utiliser comme bon lui semblait. Mais de là à faire libérer une prisonnière dans ces circonstances ?

Elle en doutait sincèrement.

Elle en doutait tellement qu’elle ne put s’empêcher de rire quand il lui annonça qu’il voulait qu’elle lui apprît la magie. Un rire sec, froid, cassant. Un rire qui voulait dire « croyez-vous que ce sera si facile ? ». Un rire blessant, qui fit mouche, mais qui n’était pas pour autant l’épilogue de leur conversation. Le rire de Dairine était rare, et il fallait se féliciter d’avoir réussi à franchir la carapace qu’elle affichait en permanence… ou s’inquiéter d’en révéler un peu plus sur cette personnalité mystérieuse et complexe ? La femme darda sur lui un regard empreint d’une profonde sagesse, comme si elle le jugeait depuis le fin fond des âges, et qu’elle observait son âme à travers sa chair. Le guérisseur semblait intrigué par ce qu’il appelait « magie », mais au point de vouloir l’apprendre lui-même ? En était-il digne ? En était-il même seulement capable ?

- Vous pas mourir demain. Pas demain.

Elle voulait d’ores et déjà le rassurer. Sa vision était claire. Elle avait vu sa mort, mais pas dès le lendemain, ce qui lui donnait un bref répit, dont il pouvait user à sa guise pour essayer d’aller contre le destin qui lui était promis… ou pour l’embrasser et le vivre pleinement.

- Je pouvoir apprendre… basiques… hm… bases… Mais pas ici. Vous libérer moi, et moi apprendre. Demain, nous parler. Puis… nous dire adieu. Oui. Si être d’accord, alors… allez.

Elle lui fit signe qu’elle n’avait plus rien à lui dire, et se leva souplement pour l’inciter à en faire de même. Le sang qui coulait sur son visage et ses bras commençait à sécher, et lui donnait un air lugubre qui tranchait avec la candeur apparente de ses traits.

Dans son regard brûlait la flamme d’une détermination nouvelle.

Et dans l’air, un parfum de liberté.


~ ~ ~ ~


« Un type avec un drôle de masque ». C’était ainsi qu’Eadric avait décrit l’instigateur des troubles qui avaient eu lieu en Isengard. Une description étonnante, quand on savait que les seuls individus dissimulant leur identité au sein de la forteresse étaient les Lames, les protecteurs du Roi et les gardiens du royaume. L’accusation voilée avait beaucoup touché Forma, qui s’était fait un devoir de faire toute la lumière sur cette affaire : il ne souhaitait pas laisser quelqu’un ternir la réputation des hommes les plus fidèles de Fendor, et mettre en danger la sécurité du principal point défensif de l’Ouest du royaume. Alors, confiant dans ses subordonnés, il avait chargé Other de mener l’enquête.

Other.

Un nom d’emprunt qui convenait aussi bien qu’un autre pour désigner la silhouette taciturne qui se promenait depuis quelques jours désormais, et qui interrogeait les soldats de manière laconique. Les questions étaient simples, et cherchaient officiellement à faire toute la lumière sur l’émeute. En réalité, il s’agissait de trouver les meneurs, et de les condamner. Les hommes étaient solidaires entre eux, hélas, et ils n’étaient pas enclins à révéler l’identité d’un des leurs, en sachant pertinemment que pour ce genre de tentatives, la sanction pouvait être expéditive. La mort n’était pas à exclure, et l’ambiance pesante autour de la pendaison annoncée n’avait pas rendu les hommes plus coopératifs.

Other ne s’était pas démonté, cependant, mais bientôt on avait entendu parler de sa petite enquête, et il était tombé face à des visages fermés, peu disposés à lui faire confiance, et à lui parler. Les Lames n’étaient pas appréciées, il le savait, mais il découvrait quotidiennement à quel point la division entre les corps pouvait être un obstacle. Ces soldats du Rohan n’étaient pas de mauvais bougres, loin de là, mais face à un étranger sans visage, de vieux réflexes subsistaient.

Ce jour-là commençait comme les autres. Other savait que l’exécution était programmée, mais il n’était guère intéressé à l’idée d’y assister. Si la troupe méprisait les Lames, ces dernières n’avaient que peu d’affection pour la piétaille. Other ne connaissait pas vraiment les soldats, il n’avait pas fait ses armes à leurs côtés, ni n’avait partagé leurs joies, leurs peines, leurs rêves et leurs espoirs. Ils évoluaient sur deux sentiers parallèles, et n’étaient de fait jamais amenés à se croiser. Il avait donc décidé de laisser les soldats assister au funeste spectacle, et de se concentrer sur sa mission, qui occupait présentement toutes ses pensées.

De ce qu’il avait pu rassembler jusqu’à présent, bribes éparses qui n’avaient pas beaucoup de sens, un homme masqué avait effectivement parlé aux éored d’Isengard en les incitant à aller réclamer des réponses à leur hiérarchie. Un individu que personne ne semblait connaître ou reconnaître, mais qui, disait-on, « parlait bien ». Un homme éduqué, donc, peut-être un savant ou un érudit. Il n’y en avait pas véritablement dans la forteresse, à l’exception de Rihils, de quelques guérisseurs et des précepteurs des Lames, ce qui réduisait considérablement les suspects. Un détail troublant avait attiré l’attention de Other récemment, quand un des jeunes soldats du rang avait involontairement laissé échapper un des surnoms que les hommes lui avaient affublés : Hertog. Une déformation de heretoga, que l’on traduisait en Westron par « commandant ». Cet indice avait beaucoup troublé Other, qui connaissait la loyauté de la troupe, et qui savait que les hommes ne pouvaient pas suivre un inconnu spontanément. Le meneur de cette action d’éclat à Orthanc appartenait sans doute à l’armée. Peut-être un officier rebelle qui souhaitait fragiliser le pouvoir du roi ?

Tout était possible.

Afin de faire la lumière sur toute cette histoire, il avait décidé de poursuivre son enquête, et il avait été contacté de manière très discrète par un soldat qui de toute évidence avait des choses à dire, mais ne souhaitait pas ébruiter ses confidences.

« Je ne veux pas qu’on me prenne pour un traître » avait-il dit. « Je veux bien vous révéler des choses, mais dans un endroit sûr, loin des oreilles indiscrètes ».

Enfin une piste concrète. Other avait accepté, certain qu’il touchait au but. Il s’était rendu à l’endroit qu’on lui avait indiqué, dans un espace peu fréquenté de la forteresse, où on entreposait du bois de chauffage, et quelques objets utiles qui n’avaient pas la même importance stratégique que les vivres, les armes et les munitions. Personne n’allait jamais là-bas au risque de vraiment avoir l’air suspect, mais puisque tout le monde était affairé ailleurs, c’était sans doute le meilleur endroit de tout Isengard pour discuter sans attirer l’attention. L’homme l’attendait comme convenu, entre deux maisons de bois, dont une semblait presque abandonnée.

- Nous voilà seuls, fit Other. Que savez-vous ?

Laconique et direct, comme à son habitude. Il ne s’embarrassait pas de détails, et allait droit au but. Son interlocuteur paraissait moins à l’aise. Il regardait derrière la Lame avec inquiétude, comme s’il craignait qu’on vînt. Quand Other fit un geste pour regarder derrière lui, l’homme répondit :

- Avant de parler, je veux savoir… Il arrivera quoi à cet homme masqué que vous recherchez ? Vous allez le pendre, comme le malheureux à qui on passe la corde au cou ?

- Je n’en sais rien, fit Other. Ce n’est pas mon problème, je suis juste là pour le trouver.

L’homme acquiesça. Il comprenait, mais il ne semblait pas rassuré pour autant :

- D’accord, d’accord. Mais qui vous a demandé d’enquêter ? C’est le roi Fendor, qui veut sa tête ? C’est la Lice ?

- Ce n’est pas mon problème, soldat. Ni le vôtre. Que savez-vous, qu’on en finisse ?

De nouveau, le soldat hocha la tête. Il s’était mis à marmonner quelque chose, incertain, mal à l’aise. Les seuls mots qui parvinrent aux oreilles d’Other furent « qu’on en finisse ». Hélas, elles ne venaient pas de devant lui.

Il n’eut pas le temps de se retourner qu’une vive douleur lui cisailla la gorge, au point qu’il crut qu’on la lui avait tranchée. Ce n’était évidemment pas le cas, sinon il n’aurait pas senti la morsure douloureuse d’une corde fine mais solide que l’on tirait en arrière pour l’étouffer. L’oxygène quitta ses poumons d’un seul coup, et il se retrouva à haleter pour de l’air, tandis que ses bras s’agitaient nerveusement en cherchant une solution. Sa main gauche se plaqua sur la corde pour en desserrer l’étreinte, tandis que de la droite il allait vers le poignard à sa cuisse, dans un dernier effort pour vendre chèrement sa vie. Ce seul geste suffit à déconcentrer l’homme qui essayait de le tuer. Il réussit à retrouver un peu de souffle, et à ruer tandis que son agresseur et l’homme qui l’avait emmené dans ce traquenard luttaient pour l’empêcher de sortir son arme.

Ils se retrouvèrent au sol sans comprendre.

Other luttait comme un beau diable, donnant du pied et du coude pour se débarrasser des sicaires qui essayaient de mettre un terme à sa vie. Il résista héroïquement, courageusement, mais fut bientôt à bout de forces. Ses ruades avaient de moins en moins d’effet, ses coups ne portaient plus. L’un après l’autre, ses bras furent maîtrisés et plaqués au sol. Il se retrouva aussi impuissant qu’un agneau, essoufflé au point qu’il ne pouvait même pas appeler à l’aide. Ce fut alors qu’une troisième silhouette fit son apparition. Un homme dont le visage était entièrement dissimulé par un masque, qui ne ressemblait en rien à celui des Lames. De manière frappante, l’homme portait une tenue d’officier, et sans ce détail sur son visage, il aurait pu passer pour n’importe quel gradé de l’Eoherë.

D’une voix glaciale, il gronda :

- Apportez-moi son masque. Et ses vêtements. Ensuite, enterrez-le.

Pour la première fois, Other sembla pris par la peur, alors que le masque glissait hors de son visage, révélant des traits bien plus jeunes qu’on aurait pu l’imaginer. Il devait avoir seize ans à peine, et ses traits juvéniles contrastaient avec la rigidité de son attitude quelques temps plus tôt. Il essaya bien de se débattre, mais un solide coup à la tempe le neutralisa assez longtemps pour que ses agresseurs eussent le temps de faire glisser ses vêtements sur sa peau encore lisse. Il se retrouva bientôt démuni, désarmé, déshabillé et démasqué.

Déshonoré.

Il ne réalisa tout ça que lorsque son corps atterrit lourdement dans un trou profond, que l’on avait creusé pour lui. Encore à demi sonné, il vit le fameux Hertog apparaître. Il avait troqué son masque contre celui de la Lame, ce qui le faisait paraître encore plus impressionnant. L’usurpation était parfaite, et la force des Lames – leur anonymat – était aussi leur plus grande faiblesse. Personne ne pouvait dire de qui il s’agissait, vêtu ainsi. Other comprit avec retard qu’en périssant, il mettait en danger le roi Fendor, et l’équilibre de tout le Rohan. Il avait pensé traquer ce criminel, imaginant qu’il se rendrait. Il comprenait désormais que cet homme était résolu, déterminé, et qu’il irait jusqu’au bout, peu importe son objectif.

Un nouveau coup de pied atteignit Other au visage, l’envoyant au fond de la fosse crasseuse qui deviendrait son tombeau. Incapable de se relever, mais toujours vaguement conscient, il sentit des monceaux de terre tomber sur lui, par grosses pelletées. La poussière collait aux larmes qui coulaient de ses yeux mi-clos, et au sang qui perlait de ses multiples plaies.

Il aurait voulu que ses dernières allassent à sa famille, à ses parents.

Orphelin, il n’en avait pas.


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Face à l’aplomb du chef des Dunlendings, Ansgar fronça les sourcils d’un air circonspect. Son interlocuteur avait un sacré culot pour venir ici, aux portes du domaine du Roi de la Marche, avec une poignée d’hommes pour défier l’armée du Rohan toute entière. Certes il ne manquait pas d’atouts, en particulier les otages que sa horde tenait en respect, mais son plan d’action demeurait incroyablement risqué, voire téméraire. Les allures hirsutes et féroces des hommes du Pays de Dun n’impressionnèrent nullement le capitaine qui en avait vi bien d’autres en trente ans de carrière, et des belles. L’image du dragon de la bataille du Nord et des hordes de pies fondant sur Aldburg lui revinrent furtivement en mémoire. Pourtant il y avait bien une chose qui troublait l’officier: l’assurance de ces hommes qui étaient inexplicablement parvenus à faire prisonnier des cavaliers d’élite du royaume. De plus, les Dunlendings s’était révélés bien plus malins que beaucoup de Rohirrim pouvaient l’admettre; en gardant ainsi cachés leurs meilleurs prises, ils assuraient leurs arrières et une porte de sortie au cas où la situation venait à dégénérer; et surtout ils forçaient les Rohirrims à négocier avec eux.  Pendant si longtemps, les hommes du Rohan méprisaient leurs voisins de l’Enedwaith, considérés comme de vils barbares sanguinaires ne connaissant que le pillage et la violence. Désorganisés comme ils l’étaient, ils ne représentaient pas vraiment une menace pour la survie du Rohan mais terrorisaient régulièrement les habitants des villages frontaliers, victimes de raids aussi violents que fréquents. Pour ces raisons, la région avait petit à petit était désertée par ses civils alors que la protection au niveau de la Trouée se retrouvait renforcée par les souverains successifs. Même Hogorwen l’Usurpateur avait compris l’importance stratégique de la présence d’une garnison forte et nombreuse en ces terres.  Mais, depuis de bien nombreuses années, la Lice craignait qu’un jour les peuples de l’Enedwaith ne s’unissent derrière un chef charismatique et ne déferlent en nombre sur le Rohan, en quête de vengeance pour les persécutions subies. Si de simples petites hordes mettaient déjà à l’épreuve les éoreds du Rohan, il était évident qu’une armée unifiée de Dunlendings représenterait une menace majeure pour sa patrie. Des siècles plus tôt, Saroumane le Blanc y était parvenu et il n’était pas à exclure qu’une figure aussi charismatique n’apparaisse un jour pour rallier leurs tribus. Alors, la vague qui déferlerait par la Trouée serait inarrêtable.

La Lice fit avancer sa monture de plusieurs mètres, il se trouvait à présent très proche du leader Dunlending, le dominant du haut de sa selle. Le noble cavalier face au sauvage. Comme dans les récits contés au sein des chaumières du Riddermark. Il foudroya son vis-à-vis du regard mais ne fit pas le moindre geste et attendit plusieurs secondes pour lui répondre. Pris par surprise, la Lice semblait vouloir analyser cette  situation inédite, il était connu comme un homme prévoyant et voulait à tout prix éviter de tomber dans le piège tendu par ses ennemis. Les menaces du Dunlending le fit bouillir intérieurement. Comment osait-il ainsi se présenter sur leurs terres, avec des otages, pour leur proférer de telles paroles alors même que d’un simple mouvement de la main la Lice pouvait ordonner leur destruction? L’homme ne manquait pas de panache, il devait le reconnaître, ou alors de stupidité. Parfois ces deux notions étaient bien difficiles à discerner l’une de l’autre.

Cependant, ils n’étaient pas venus pour guerroyer. Une déclaration qui provoqua un discret soupir de soulagement au sein des rangs rohirrim. Ces derniers ne doutaient pas de leur capacité à venir à bout de leurs adversaires, mais avec les troubles récents et les rumeurs de sorcellerie, peu d’entre eux ne désiraient réellement un affrontement ouvert; y compris les plus belliqueux d’entre eux qui craignaient au fond d’avoir été victimes d’une quelconque malédiction pouvant être fatale en cas de bataille.

Le chef des Dunlendings n’avait pas menti sur une chose: leur exigences étaient simples. Le respect de leurs frontières et la libération de la captive. L’intuition de la Lice avait donc été la bonne, Dairine était bien la clef de toute cette histoire. La prétendue sorcière devait bien être une personnalité très importante au sein de son peuple pour que ceux-ci prennent autant de risques pour la récupérer. Les hommes du Roi bénéficiaient peut-être d’un atout dont ils avaient totalement sous-estimés la valeur jusque là. Et la Lice comptait bien en jouer. Toutefois, il devait bien admettre que certains aspects de cette négociation dépassait le cadre de la protection de l’Isengard, et donc ses fonctions. Les conditions formulées par les étrangers portaient avec elles de grandes implications politiques, bien au-delà des compétences du guerrier illettré. Il fit donc signe à Filhelm de s’approcher et lui murmura quelque chose à l’oreille. Ce dernier opina du chef, tendit la bannière dont il avait charge à un de ses frères d’armes avant de faire volte-face et de galoper à toute vitesse en direction d’Orthanc. Ansgar avait l’humilité de reconnaître les situations qu’il ne pouvait résoudre seul mais cela ne voulait pas dire qu’il n’avait aucun rôle à jouer.

“Ainsi vous venez sur nos terres, prenez les nôtres comme otages et décidez de nous faire chanter. Pensez vous réellement que le Rohan se pliera aux exigences des premiers barbares venus à leur porte? Vous vous trompez lourdement et vous pouvez vous estimer heureux d’être toujours en vie…”

Il laissa sa dernière phrase en suspens, décidé à répondre à la menace par la menace. La Lice n’était pas réputé pour ses qualités de diplomate pacifiste, mais bien plus pour son goût de la négociation musclée. Cependant, il n’était pas complètement inconscient et décida d’adresser les demandes formulées sur un ton un peu plus amène.

“Vous me parlez de respect des frontières mais ne venez-vous pas violer les nôtres? Le Royaume du Rohan n’effectue aucune opération au-delà de la Trouée, à moins qu’une menace imminente ne soit repérée. Pillages et massacres ne font pas partie de nos valeurs et toutes pratiques de ce genre sont implacablement punis. Il y a sûrement eu des cas isolés par le passé mais ne faîtes pas d’exceptions un motif d’accusation viable pour vos conditions. Toutefois, sachez que si c’est un accord sur le respect des frontières que vous désirez contracter, alors le Rohan est ouvert à la négociation. Mais avant toute discussion, nous exigeons la preuve que le capitaine Irül et le reste des prisonniers sont en vie. Amenez les ici, tous sans exception, et nul mal ne vous sera fait par mes hommes. Je vous en donne ma parole. Faites venir le capitaine et les négociations pourront débuter.”

Irül était l’un des meilleurs officier de la garnison et avant tout un ami; il avait craint le pire en constatant son absence parmi les prisonniers. Le mystère de sa capture par une poignée d’adversaires restait tout entier mais la Lice devait avant tout s’assurer que Nuall ne le faisait pas chanter sur du vent et que le reste de l’éored était bien en vie.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Filhelm traversa les murailles de bois à toute vitesse et ne fit pas ralentir son destrier jusqu’à qu’il ne se trouve devant un barrage de gardes royaux qui lui barraient la route d’Orthanc. Quelques mètres plus loin, se tenait le capitaine Felarel, les bras croisés et le regard dirigé vers l’horizon. L’officier était très certainement en train de ronger son frein alors que son confrère se trouvait au feu de l’action; ainsi cantonné à la protection du souverain, il ne pouvait quitter la forteresse et demeurait dans le flou complet concernant les sonneries d’alarmes qui avaient secoué tous les soldats de la garnison.  Agacé par les soldats qui refusaient de lui accorder le passage, l’émissaire d’Osgarsson cria à l’adresse du Capitaine de la Maison du Roi.

“Capitaine Felarel! Mon Capitaine! Les Dunlendings sont à nos portes ! Irül et ses hommes sont leurs otages. Ils exigent la libération immédiate de la prisonnière et le respect de leur frontière. La Lice considère ceci comme une crise politique et demande que l’affaire soit remise à l’entourage de Sa Majesté. Qu’un émissaire soit envoyé ou qu’une audience soit accordée à leur chef ou je ne sais quoi mais il faut faire quelque chose avant que la situation ne dégénère.”



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Redditions EmptyMar 21 Juil 2020 - 12:09
Lorsque Filhelm rejoignit l’anneau d’Orthanc, il fut accueillit par une troupe de soldats curieux, qui venaient aux nouvelles. Les murs de la forteresse étaient garnis d’hommes en armes, d’archers à l’œil vif, et de lanciers prêts à recevoir les envahisseurs avec le fer de leurs armes soigneusement aiguisées pour l’occasion. La présence de ces étrangers était sur toutes les lèvres, et la rumeur de l’enlèvement d’une éored s’était répandue comme une traînée de poudre. Isengard était en émoi, et le cavalier solitaire était l’unique source d’information fiable pour ces hommes désespérés d’en savoir plus. Son cheval s’arrêta au milieu de ses frères d’armes, qui le pressèrent bientôt de questions tout à fait légitimes.

Les Rohirrim étaient agités, même s’ils ne cédaient pas encore à la panique. Ils couraient d’un bout à l’autre des remparts, alimentant les différentes sections en munitions, renforçant soigneusement les grandes portes de la forteresse pour soutenir un assaut majeur si la situation évoluait négativement. Le peuple de la Marche n’était pas expert dans la guerre de siège, mais ils savaient tirer parti des avantages que leur conférait leur position, surtout face à des Dunlendings qui n’étaient certainement pas maîtres en poliorcétique. Ils avaient l’avantage, et le savaient.

Filhelm se refusa à répondre aux interrogations de ses compagnons, et focalisa son attention sur le capitaine Felarel, qui se tenait non loin. Il observait la situation, et entendit l’appel désespéré du cavalier qui souhaitait lui faire son rapport immédiatement. L’officier expérimenté avait déjà pris les devants, et avait dépêché un aide de camp pour aller chercher Filhelm et le ramener à lui. Surgissant devant la monture placide, un des membres de la Garde de la Maison du Roi fit son apparition, et l’invita à le suivre. Felarel se tenait un peu à l’écart, sur une section du mur garnie des soldats d’élite qui assuraient ordinairement la protection du souverain. Naturellement, leur rôle ne serait pas de combattre en première ligne si le danger se manifestait, mais ils tenaient à être présents pour se faire une idée de la situation.

Filhelm grimpa les marches de pierre, et salua brièvement Felarel, avant de lui faire son rapport, de manière un peu plus calme et concise que ses cris malheureux qui avaient contribué à alimenter l’inquiétude de la troupe. Le capitaine écouta ses paroles avec gravité, et lorsque le soldat eût terminé, il s’en fit le résumé pour lui-même :

- Ainsi donc, une trentaine de Dunlendings ont capturé toute une éored, et exigent la reddition de leur prisonnière, ainsi que le respect de leurs frontières. Est-ce là tout ? Tout ce déploiement de forces pour si peu ?

C’était aussi ce que pensaient les autres membres de la Garde. Pour la plupart, ils n’avaient jamais eu à mener de guerre directe contre les Dunlendings, mais ils les connaissaient bien, et savaient qu’ils étaient craintifs et désorganisés. Une telle incursion dans les terres du Riddermark était une action exceptionnellement brave de leur part. S’ils souhaitaient seulement obtenir qu’on leur restituât une femme sans valeur, il était peut-être possible d’éviter un bain de sang, et la perte de nombreux fils du Rohan dans une guerre vaine et évitable.

- Qu’a prévu de faire le capitaine Osgarsson ? J’espère qu’il essaiera de gagner du temps, pendant que nous organisons les choses ici…

Son esprit militaire s’était déjà mis à l’ouvrage. Felarel cherchait des solutions, pas des explications, ni des justifications. Il se fichait éperdument de savoir ce que la prisonnière pouvait bien représenter pour les sauvages du Dunland : si elle leur était si précieuse, et qu’ils étaient prêts à menacer la vie des fils du Rohan pour la récupérer, alors il ne voyait pas pourquoi il devait la garder prisonnière. Cette femme avait apporté trop de malheurs en Isengard, et il n’était que trop content de pouvoir s’en débarrasser.

- Qu’on aille me chercher la femme, immédiatement ! Filhelm, retournez voir le capitaine Osgarsson, et informez-le que je souhaite rencontrer le chef de la troupe dunlending pour parlementer avec lui, et organiser l’échange des prisonniers. Nous nous retrouverons aux portes d’Isengard : je refuse que ce sauvage pénètre au sein de nos défenses. Allez sans tarder !

Il congédia le soldat sans attendre, et se tourna vers l’horizon. La situation lui paraissait parfaitement sous contrôle pour le moment : les étrangers n’étaient qu’une poignée, et si leurs méthodes de négociation étaient inacceptables, leurs demandes n’outrepassaient pas le raisonnable. Une femme en échange de cent vies rohirrim. La question n’était même pas à discuter : l’échange aurait lieu.


~ ~ ~ ~


Les deux hommes choisis parmi la Garde de la Maison du Roi firent irruption dans les geôles d’Orthanc en courant, s’arrêtant à peine pour répondre aux interrogations des hommes qui assuraient la défense du cœur de la forteresse. Ces derniers étaient raisonnablement préoccupés, naturellement, et ils s’affairaient à organiser la défense du bastion où s’était retranché le souverain ainsi que sa garde rapprochée. Ils avaient conscience que la présence de la Maison du Roi signifiait que des affaires urgentes devaient être réglées, et en dépit de leur curiosité, ils ne les arrêtèrent pas pour leur poser la moindre question.

Les Lames n’étaient pas en reste, elles s’étaient déployées à tous les points stratégiques, et filtraient le passage vers les appartements royaux. D’autres pénétraient au sein d’Orthanc pour venir renforcer la défense autour du souverain, silencieux comme des ombres, mais aussi menaçants que pouvaient l’être des spectres surgis des tréfonds du monde. Les soldats envoyés par Felarel ne leur prêtèrent pas la moindre attention, et en retour ils n’en reçurent aucune. De par leur statut, ils n’eurent pas à justifier leur présence, et arrivèrent prestement devant la porte des geôles, qu’ils trouvèrent sans garde. Ce premier détail aurait probablement dû attirer leur attention, mais ils étaient si pressés qu’ils n’y prêtèrent pas attention. Ce ne fut que lorsqu’ils descendirent dans les cachots, et qu’ils purent constater que la cellule de Dairine était vide qu’ils se laissèrent aller à la panique.

- Bon sang, c’est pas possible ! Où est-elle !? Gardes ! Gardes !

Ils appelèrent ainsi, en courant vers la sortie, et ils furent rejoints en haut des escaliers par un groupe de soldats, sur qui ils se mirent à hurler :

- La prisonnière ! Où est la prisonnière !?

- Euh… Je ne sais pas, j’ai cru entendre qu’elle avait été libérée, mais il faudrait demander aux hommes qui étaient en poste tout à l’heure. Venez avec moi, je vais vous aider à les trouver.

La tâche fut plus ardue que prévue. Ils croisèrent des dizaines d’hommes qui couraient à leur poste, et il leur fallut un bon quart d’heure pour réussir à mettre la main sur les responsables de ce bazar. Les deux hommes, qui étaient postés devant la porte d’un dispensaire de fortune mis en place rapidement pour l’occasion, se mirent au garde-à-vous en voyant la délégation arriver.

- La prisonnière ? Fit le premier, un peu surpris par la véhémence des Gardes de la Maison du Roi. Elle a été libérée tout à l’heure : nous avons reçu des consignes claires de la part de Maître Rihils. Il avait des ordres signés de la main de la Lice, nous n’avons pas posé de questions.

Surtout, ils n’avaient pas pu vérifier la véracité dudit document, car ils ne savaient pas lire. Ce qu’ils ignoraient, c’était que la Lice non plus, et qu’il n’avait certainement pas pu rédiger un ordre écrit à l’attention de ses troupes. Les Gardes de la Maison du Roi se grattèrent la tête : Rihils ? Mais qu’est-ce qui avait bien pu lui prendre ?

- Vous savez où est parti le guérisseur ? Nous devons absolument mettre la main sur la prisonnière.

- Désolé monsieur, je ne sais pas. Il n’a rien dit de leur destination.


~ ~ ~ ~


Les négociations avec les Dunlendings avaient pris un tour étrange, qui mettait les troupes de la Lice mal à l’aise. L’idée même de parlementer avec des sauvages qui tenaient en otage une centaine de leurs frères d’armes n’était pas pour leur plaire, mais ils savaient aussi que le moindre faux-pas pouvait déclencher un véritable bain de sang. Leurs têtes casquées et austères se voulaient menaçantes mais pas agressives : un subtil équilibre qu’il n’était pas facile de maintenir, compte-tenu de la tension qui régnait dans les plaines du Riddermark.

Nuall percevait la crispation des hommes, dont les mains gantées étaient fermées en un poing vengeur autour des rênes de leurs chevaux. Ils avaient la mâchoire serrée, et étaient prêts à frapper de la lance, de la hache ou de l’épée si combat il devait y avoir. Pour autant, le malaise était partagé dans les deux camps, et le fier guerrier dunlending faisait confiance à Kell pour maintenir la discipline dans ses rangs. Les provocations fusaient, mais n’étaient qu’un exercice de style de la part de deux meneurs d’hommes qui se jaugeaient et se défiaient selon d’anciennes coutumes. Même si la situation semblait délicate, quiconque maîtrisait les codes de la guerre savait que la Lice comme Nuall cherchaient à tout prix à éviter le combat.

- Il faudra du temps pour amener vos prisonniers, mais je peux vous conduire à eux si vous le souhaitez.

Nuall ne pouvait guère proposer mieux. Les Dunlendings allaient à pied, et il aurait fallu une éternité à un messager pour faire l’aller-retour avec les prisonniers. Cependant, était-il bien prudent de suivre un chef de guerre dunlending dans l’inconnu, au risque de tomber dans un traquenard ?

- Vous pouvez emmener quelques gardes si vous n’avez pas confiance. J’irai seul, pour vous prouver ma bonne foi.

L’affaire fut rapidement entendue, et le guerrier hirsute prit la tête de leur petit groupe, équipé de ses lourdes armes. Malgré le soleil étouffant, il avançait d’un bon pas, ce qui témoignait de son endurance et de son excellente condition physique. Il n’y avait pas d’ombre sur les plaines du Rohan, et il s’arrêta bientôt pour boire à un petit ruisseau qui n’était pas encore tari.

- N’hésitez pas à boire, il doit faire chaud sous vos casques aussi.

La boutade cherchait à détendre légèrement l’atmosphère, mais elle n’eut pas un grand succès. Nuall connaissait assez les Rohirrim pour savoir qu’ils étaient de rudes guerriers, qui n’étaient pas enclins à discuter avec leurs ennemis, et à s’amuser comme savaient le faire des gens du Pays de Dun. Chaque fois qu’il avait vu les sinistres silhouettes des cavaliers de la Marche, il avait compris que les hommes du roi ne venaient pas en paix, ni pour commercer.

- Nous allons vers l’Ouest, vers les montagnes. Nous ne trouverons pas d’ombre là-bas avant la mi-journée.

Évidemment, les Rohirrim le savaient. Ils connaissaient par cœur leur pays, et n’avaient pas besoin d’un étranger pour leur en rappeler les spécificités. Nuall, cependant, s’efforçait de les mettre à l’aise, et de les convaincre qu’il ne souhaitait rien d’autre qu’une négociation en bonne intelligence. Au bout d’une longue heure de marche menée au rythme du Dunlending, ils atteignirent les contreforts du Sud des Monts Brumeux, qui s’élevaient comme des crocs pointus vers le ciel.

- La mâchoire de l’Isen. C’est ainsi que l’appelaient mes ancêtres, à cause de sa forme si particulière.

Il traça un arc-de-cercle avec sa main, lequel enveloppait virtuellement la forteresse d’Isengard. On aurait effectivement dit la forme d’une mâchoire. Il était étonnant de voir que les sauvages vivant au-delà des frontières en connaissaient tant sur le royaume des dresseurs des chevaux. L’histoire avait oublié que ces peuples habitaient le Rohan depuis des temps immémoriaux, et en avaient été chassés au profit des résidents actuels. Les Dunlendings entretenaient ces traditions et ces mythes, préservant dans un coin de leur cœur la haine de leurs voisins et le désir de retrouver leurs terres ancestrales.

Ils approchèrent d’un étroit passage entre les rochers, qui semblait idéal pour une embuscade. Nuall fit signe aux cavaliers de s’arrêter, et regarda autour de lui. Il n’y avait pas un son. Pas même le croassement des corbeaux qui volaient d’ordinaire dans les parages. Rester statique au milieu d’un espace dégagé, entouré de multiples cachettes d’où pouvaient surgir des assaillants, voilà qui n’était pas pour plaire à l’esprit des combattants Rohirrim, davantage habitués à combattre en plaine ouvertes, là où leurs chevaux faisaient merveille.

- Baissez vos armes, souffla Nuall. Vous êtes cernés.

La Lice sentit le piège se refermer autour de lui, alors que de toutes parts surgissaient des archers dunlendings. Ils n’étaient qu’une douzaine, mais suffisamment pour cribler de flèches le capitaine Osgarsson, et ainsi priver Isengard d’un de ses plus farouches défenseurs. Ils poussaient des grognements effrayants, mais n’osaient pas trop s’approcher, conscients que les chevaux voulaient ruer, se cabrer, et rapidement renverser ceux qui se trouvaient autour d’eux.

- Ne tirez pas ! Ne tirez pas ! Les Forgoil viennent pour négocier, et voir leurs prisonniers. Qu’on les amène.

Il ne fallut pas plus de deux minutes pour que, quittant l’abri d’une petite grotte naturelle, la vingtaine de prisonniers se présentât devant la Lice. Irül en queue semblait aveuglé par le soleil, mais lorsqu’il reconnut le capitaine de la porte d’Isengard, il baissa la tête plein de honte. Son unité avait été capturée, dépossédée de tous ses biens, et humiliée par les sauvages Dunlendings. C’était un affront qu’un guerrier ne pouvait supporter.

- Voilà vos hommes, en bonne santé comme vous pouvez le constater. J’espère qu’à présent, nous pourrons négocier.

Nuall fit un signe bref de la main, et Irül s’approcha. De plus près, il était évident qu’il avait été battu par ses geôliers. De toute évidence, l’officier ne s’était pas rendu sans combattre, et il avait dû poser quelques soucis aux Dunlendings, à en juger par ses jointures abîmées. L’esprit fier des combattants de la Marche.

- Et voilà l’homme qui commandait la compagnie. Je suppose que vous avez des choses à vous dire.


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