[Le Galet du Gwathlo] Au bout de la route

Ce rp fait suite au rp suivant :  [Dun Caradach] Le Raton et les trois nains


Boréac était arrivé le premier au relais suivi de peu par Talion. Ils avaient attendu une paire d'heures attablés dans un coin de la salle commune. Ils avaient pu observer les quelques autochtones qui allaient et venaient, savant mélange de dunlending, d’arnorien, de rohirrims et de batards. La proximité avec Tharbad se faisait sentir.

Cela faisait plus d’une semaine que le trio suivait le même mode opératoire. La journée, chacun explorait une partie du secteur longeant les alentours de la Grand Route. Le soir, ils se retrouvaient au relais suivant pour partager leurs découvertes.

Malheureusement, ces découvertes n’avaient rien d’extraordinaires. Les villageois et voyageurs paraissaient méfiants et pressés. Tout le monde paraissait s’accorder sur la présence de groupes de maraudeurs dunlendings mais ils paraissaient s'être calmés ces derniers jours. D'aucuns parlaient vaguement d’un rassemblement ou d’une assemblée.

Princesse paraissait de plus en plus maussade au fil des jours. Là où, en début de voyage, elle saisissait chaque occasion pour s'isoler dans une chambre privée avec Talion, elle se montrait désormais distante et dormait seule.

Ils arrivaient désormais au bout de la portion de la grand route qui traversait l’Enedwaith mais également au bout de leur logique. C’était au Galet du Gwathlo, dernier grand relais avant Tharbad qu’ils attendaient désormais. La salle commune, dont certains disaient qu’elle était souvent bondée au cœur de l’été, était étonnamment calme et presque vide.

La porte du relais s’ouvrit soudain sur Princesse. Elle avait le regard sombre et sa lèvre supérieure paraissait légèrement gonflée. Un regard sur ses mains permettait de constater que ses gants de cuir étaient tachés de sang. Surprenant le regard de ses compagnons elle les foudroya du regard.


“Un paysan a tenté de me voler un baiser. Il est dans le caniveau et sa mère ne le reconnaîtrait pas… Il y a encore de la place pour vous si vous osez en reparler.”

D'un geste elle commanda une bière avant de s'asseoir lourdement.

“Alors ?”

Elle hocha la tête sans même attendre de réponse tant l'expression de ses compagnons était limpide.

“Ça ne sert à rien d'avancer plus loin. Nous devons accepter notre échec ou trouver une autre approche.”

La gardienne du relais s’approcha d’elle une lourde chope à la main. Elle la posa devant la mercenaire avant de retourner derrière son comptoir.

“Si nous revenons bredouille auprès de Gobelin, je doute que celui-ci vous libère de vos obligations.”

Elle ne le disait pas ouvertement, mais il était clair pour tout le monde que sa propre ascension au sein de la Meute risquait de pâtir d’un tel échec. Gobelin l’appréciait beaucoup mais il se devait d’être juste entre ses différents lieutenants.

“Nous n’avons pas grand-chose, en dehors du nom de Talam et des Terres d’Orage. Des idées ?”

Cela faisait plusieurs heures que les deux compères attendaient attablé. Une énième taverne, remplit de pochetrons et d’arriérés. Plusieurs grands lustres surmontés de bougies éclairaient la taverne d’une lumière tamisée qui ne parvenait que peu jusqu’au coin où il était installé. La porte de relais s’ouvrit enfin, malheureusement l’arrivée de princesse n’était pas bon signe.

L’ambiance au sein de la petite troupe se dégradait de jour en jour. Princesse était à cran ce qui n’arrangeait pas les choses. Serait-ce elle qui craquerait la première ?

Sous ses airs de femme forte, la jeune femme ne supportait pas de perdre le contrôle. Elle avait complétement changé depuis le début de la mission. La peur s’emparait peu à peu d’elle ; son ascension allait prochainement se transformer en chute si rien ne change.

La situation était aussi préoccupante pour maitre nain qui allait voir ses espoirs de liberté partir en fumée.

Talion se tourna en direction de Princesse et prit la parole.

Nous avons été le loup, devenons l’agneau.

Nous n’avons récolté que très peu d’information durant tout ce temps. Nous ne pourrons pas les trouver, mais eux sont sur leurs terrains, nous ne sommes pas discrets… Il y a longtemps qu’ils ont dû entendre parler de notre petite troupe.
Ne les cherchons pas, mais attendant qu’ils viennent à nous.

Laissons-les prendre l’avantage du moins penser qu’ils l’ont.

Boréac était lui aussi maussade. Voila plusieurs jours qu'il avait quitté Dun Caradach en laissant derrière lui ses compagnons d'infortune. Leur avenir était omniprésent dans ses préoccupations et il espérait ne pas les avoir destiné à la mort en les laissant aux mains de la Meute. Mais bon, ils étaient grands plus ou moins sur pieds. Nul doute qu'ils sauraient se défendre.

Boréac était assis dans un fauteuil défoncé au fond de la taverne, une chope à la main il buvait bon gré mal gré la fade bière des hommes grimaçant à chaque gorgée. Comment avait on pu donner le nom de bière à ce liquide grossier ? Il soupira longuement ses pensées errantes vers les tavernes des Cavernes Scintillantes.

Il fut seulement sorti de sa torpeur lorsque la Tornade Princesse arriva dans la taverne. Il ne dit rien, l'écouta en silence exposer les récents évènements. La peur semblait habiter son visage, la peur de rentrer bredouille, la peur de l'humiliation, la peur de l'échec et c'était bien compréhensible. L'échec n'avait pas l'air d'avoir sa place dans la Meute. Il hocha la tête aux propos de Talion. Il était d'accord avec lui. Il finit par prendre la parole:

- Nous devrions attendre que la poussière retombe derrière nos pas, nous glanerons bien une ou deux informations en voyant des types louches entrer dans ce cloaque. Je sais que l'inaction n'est pas ce que vous préférez Princesse mais nous n'allons pas fouiller chaque masure du coin...

Il but une gorgée de bière, s'essuya la barbe et renchérit:

- Talion a raison...

Princesse soupira légèrement. Même si les réponses de Boréac et Talion ne manquaient pas d'une certaine logique, elles n'apportaient pas grand chose de neuf. Dans les faits, il était sans doute sage de laisser venir l'ennemi et de cesser de lui courir après.

Elle se leva d'un bond et se dirigea vers la tenancière du Galet, une femme imposante à la voix forte. Elle échangea quelques mots à voix basse avant que la femme ne pointe du doigt un nain assit seul dans un coin de la pièce et un couple à l'accoutrement particulier assis dans l'autre coin. La tenancière lui tendit deux petits parchemin roulés qu'elle sortit de sous son comptoir en bois usé par les années.

Princesse revint s'attabler près de ses deux compagnons, l'air décidée.

“Quitte à errer pour tenter de se faire repérer, faisons-le de façon utile.”

Elle déroula le premier parchemin et le lu rapidement. Elle pointa le nain d'un hochement de tête.

“Il vient des montagnes bleues, une sacré trotte… de ce que j’en comprends, il est plus ou moins exilé à Lond Daer. Il voudrait faire commerce avec les Dunlendings, on lui a parlé du Roi Neven des Champs Dorés et il a besoin d'une escorte jusqu'à là. De ce que j’en sais, Neven est plutôt indépendant et n’aime pas la Compagnie du Sud. Si le nain veut traiter avec lui, c’est qu’il a sans doute envie d’explorer un réseau parallèle.”

Elle déroula le deuxième parchemin et designa le couple.

“Eux, ce sont des artistes. Des saltimbanques qui veulent rejoindre la cour du Roi Amagein. C'est un roi dunlending qui se fait appeller “le roi poète”. Tout un programme. Ils cherchent une escorte aussi.”

Princesse reposa les parchemins.

“Accepter une de ces deux missions nous permettrait de nous enfoncer en territoire dunlending. Sans doute un bon moyen d'en savoir plus. Un avis sur la mission à accepter ?”

Cela faisait maintenant plusieurs jours qu’il n’y avait pas eu de pistes tangibles. De longs jours d’errance, d’incertitude et de doutes. Des jours à se sentir libre mais prisonnier d’un serment auquel il ne pouvait se soustraire. Ses pensées étaient lointaines, lointaines de cette taverne d’homme qui n’avait de taverne que de nom. La tenancière était aimable comme un naugrim sobre. L’endroit puait l’orge fermentée, les tabourets de bois grossiers piquaient. Non, cela n’avait rien à voir avec une taverne. Une taverne ? Et ils appellent ça une taverne ? Les tavernes naines étaient incomparables, un lieu de fraternité ou tout le monde était admis à la table, du mineur au Roi. C’était un endroit où tous étaient égaux, unis face à une seule Justice, impartiale, physionomique. La Justice de l’Alcool, tu tenais ou tu tombais, il n’y avait pas demie mesure.

Ses compagnons eux commençaient à s’impatienter, Princesse avait l’air d’un lion en cage alors qu’elle retrouvait parfois Talion dans sa chambre, il n’était pas dupe, il l’avait vu.

Boréac tirait sur sa pipe tout en écoutant Princesse. Deux choix se posaient face à eux. Il tapota sur la table avec sa pipe pour remuer l'herbe s'y trouvant et aspira la fumée longuement avant de lui répondre:

- Je pense que ça vaut le coup d'aller voir les deux. Qui sait ce qu'on pourrait apprendre ? Je vais aller voir le Naugrim, je laisse Talion aller voir les intermittents. Princesse, je ne vais pas vous dire quoi faire...

Sans attendre plus de confirmation de la part de ses acolytes d'infortune. Il se leva, se dirigea vers le comptoir pour s'adresser à la tenancière. Bientôt il saisit les deux chopes qu'elle lui tendait et s'approcha du nain. En silence il posa la chope devant lui et s'assit face à lui. Il détailla un temps les vêtements afin d'identifier d'où il pouvait venir. La mode en disait long sur les origines géographiques. Il prit bientôt la parole en langue naine:

- Salut l'ami. Je suis Boréac d'Aglarond. Garde des Compagnies d'Argent Que fais tu ici ? On m'a dit que tu cherchais une escorte.

La colonie d'Aglarond n'était pas éminemment connue et importante dans les Royaumes nains, ils étaient une localité du Peuple Durin et donc vassaux du Seigneur de Khazad Dûm. Il ne restait plus qu'à espérer que le naugrim inconnu n'était pas un de ceux qui ne portent pas son peuple dans leur cœur. Il tira une longue taffe de sa pipe attendant sa réponse.