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Sujet: L'éducation du Riddermark
Learamn

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Rechercher dans: Les Prairies   Tag heldamn sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éducation du Riddermark    Tag heldamn sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 26 Avr 2024 - 20:15



Le dilemme qui déchirait le vieux maître était palpable. Celui-ci avait patiemment construit ce havre de sagesse, cet îlot de savoir, au milieu des vertes prairies du Riddermark, là même où la survie d’un troupeau et la quantité de la récolte de la veille représentaient des enjeux bien plus importants que l’apprentissage de la lecture ou l’études des sciences. Certains, jadis, avaient pu le prendre pour un fou. Un excentrique s’étant lancé dans un projet aussi ridicule qu’impossible, armé de quelques livres et d’une volonté de fer. Partager son savoir auprès de la noblesse d’Edoras ou auprès de l’entourage du Roi en Isengard aurait pu représenter une perspective intéressante pour un universitaire. Mais Maître Ovadiah n’était pas comme les autres et il avait fait le choix des gens d’en bas, si souvent dénigrés et raillés pour leur inculture présumée. Pour cela, le vieil homme avait gagné le respect et l’admiration d’Eolkar et des siens. Avoir confié l’éducation de ses enfants à cet étranger n’avait pas été chose aisée pour ce fermier bourru et méfiant, mais témoignait surtout de la confiance aveugle que son père avait immédiatement placé en cet homme.  

Par pudeur, Heldamn ne chercha pas à insister pour tenter de convaincre son ancien professeur. Il avait exposé son offre et ses arguments et comptait laisser son hôte prendre sa décision en mesurant le pour et le contre. D’un côté il se sentait mal de chercher à convaincre l’érudit d’abandonner tout ce qu’il avait bâti. De l’autre, il ne se serait pas permis d’agir ainsi si la sécurité de l’homme ne lui était pas si chère.

Il fut toutefois satisfait qu’Archibald n’hésita pas une seule seconde à annoncer sa venue pour les funérailles de sa mère ; la vue d’un vieil ami réchaufferait sans nul doute le cœur éprouvé de son paternel.  L’évocation de son frère cadet, cependant, lui arracha une grimace et il détourna le regard.

“Malheureusement, nous n’avons pas eu la moindre nouvelle de Learamn depuis son départ pour l’Orient lointain ; il y a de cela de longs mois.  Même si je tentais de le mettre au courant, je n’ai aucune idée de comment lui faire parvenir un message, ni même où l’envoyer.”


Le souvenir de l’ancien capitaine rouvrait une plaie que l’aîné avait voulu refermer depuis plusieurs semaines. Le périple entamé par Learamn était périlleux et face à l’absence d’informations, Heldamn avait fini par accepter l’éventualité que son frère n’y avait pas survécu. Au lieu de vivre de l’attente de la certitude d’une morte qui ne viendrait sans doute jamais, il avait jugé préférable de ne pas attendre pour faire son deuil.

Finalement, Maître Ovadiah semblait progressivement prendre la mesure de la gravité de la situation. Le précepteur avait bien entendu parler des Dwimmen qui avaient franchi leurs frontières mais, peut-être, qu’ainsi isolé dans sa tour d’ivoire il n’avait pas senti la menace au-dessus de lui. Pourtant, le danger était bien réel et plus proche que certains voulaient bien le croire. Toutefois, le vieil homme ne se laissait pas abattre par cette décision ; comme ravivé par une énergie nouvelle et juvénile, il réfléchissait désormais sur l’ordre à suivre pour planifier le voyage. Tout en souciant des siens.

La présence de Swan, discrète depuis l’arrivée du berger, avait quelque peu intriguée ce dernier. Les descendants d’Eolkar n’étaient pas les seuls à avoir séjourné dans cette maison et des générations d’élèves s’étaient succédé, toutefois cette jeune fille était entourée d’un certain voile de mystère. Elle ne semblait pas venir du Rohan et ne se comportait pas comme une étudiante régulière du vieux professeur, mais bien comme une partie intégrante de son foyer. Là encore, Heldamn, ne désirait pas empiéter sur les frontières de l’intimité d’Archibald et ne posa pas de questions plus précises. L’adolescente était de toute évidence importante pour lui, et cela suffisait au jeune homme pour s’engager sur ce point. S’il avait disposé d’une épée, il l’aurait présenté en s’agenouillant à la manière d’un chevalier qui prêtait allégeance à son souverain. Le rohirrim n’était armé que d’un simple bâton de berger -son père lui avait bien offert une vieille lame qui rouillait dans un coin de son atelier sans qu’il ne l’ait manié depuis des années- mais cela ne l’empêchait pas de parler avec autant d’aplomb qu’un cavalier du Rohan. Leurs destins différaient mais la même noblesse habitait les âmes d’Heldamn et de son petit frère.

“Maître Ovadiah. Je vous fais le serment de protéger Swan comme si elle était mienne. Je vous jure aujourd’hui que si jamais le destin vous sépare d’elle, alors je l’accueillerai sous mon toit et l’élèverai selon les valeurs de notre famille.”

Sur ces mots, il se redressa et prit la direction de l’escalier pour rejoindre ses enfants, afin de leur apprendre la terrible nouvelle.

“Prenez le temps de votre décision. Nous devons cependant partir d’ici deux jours au plus tard afin d’arriver à temps pour la cérémonie. Je suis là pour vous aider dans n’importe quelle tâche qui vous semble importante.”




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  Tag heldamn sur Bienvenue à Minas Tirith ! Dernio12
    #Dernion

Les larmes de Dernion avaient séché mais le visage du jeune garçon affichait encore un masque d’immense tristesse. Toutefois, plein d’abnégation, il n’avait pas velu se refermer sur lui-même et s’était empressé de rejoindre son père quand il avait vu ce dernier s’affairer à remplir plusieurs caisses d’ouvrages que Maître Ovadiah désirait prendre avec lui pour son voyage.  

Heldamn s’appliquait à la tâche tout en gardant un oeil sur son benjamin. Maître Ovadiah l’avait informé de la crise dont le garçon avait été victime quelques semaines plus tôt, louant au passage la réaction d’Enaël qui lui avait sans doute sauvé la vie. Le berger avait amené avec lui plusieurs autres fioles du remède pour éviter que ce genre de scénario ne se reproduise.

L’annonce du décès de leur grand-mère avait logiquement été accompagnée de larmes et d’un grand chagrin chez les enfants mais, même si le choc émotionnel était bel et bien présent, cela n’était pas venu comme une vraie surprise. La santé de Céoda avait toujours été fragile mais ils avaient pu voir son état décliner dangereusement au cours des derniers mois. Cette fois-ci les relations que Learamn avaient su tisser auprès des guérisseurs Meduseld n’avait rien pu changer. Maître Rihils avait quitté la capitale et Dame Aelyn ne pouvait plus se déplacer. De surcroît, le poids de l’affiliation à l’ancien capitaine de la garde royale, banni de l’armée, n’était plus un atout pour obtenir des faveurs mais bien un fardeau que leur famille devait désormais porter. Ainsi, en quittant le foyer de leur grand-père, pour suivre leur précepteur ; les enfants étaient conscients qu’ils ne reverraient peut-être plus leur grand-mère.

Toutefois, en plus du deuil, quelque chose d’autre semblait perturber Dernion. Celui-ci observait la couverture d’un ouvrage portant sur l’histoire d’une lointaine contrée curieusement nommé “La Comté”. Heldamn posa sa large main sur l’épaule de son fils.

“Tu veux prendre ce livre avec toi ? Maître Ovadiah a loué tes progrès en lecture et en écriture.”

L’adolescent acquiesça d’un signe de la tête et releva la tête vers son père.

“On doit vraiment partir ? Pour tout le temps ?”


Heldamn eut un sourire triste.

“La région n’est plus sûre, nous serons plus en sécurité dans la ferme de papy. Mais ne t’inquiète pas, Maître Ovadiah va nous accompagner et tu pourras continuer à suivre tes leçons pendant un temps. Et quand tout sera fini, tu pourras revenir finir ton éducation ici.”


Dernion eut une moue dubitative. Il n’était pas dupe.

“Quand tout sera fini ? Tu es certain que ça finira un jour ?
-Tout ira bien pour nous, Dernion. Je te le promets.”  

Il se pencha pour déposer le livre dans la boîte en bois ; quand il se redressa, ses petits yeux étaient embués de larmes.

“Papa…toi aussi tu es venu ici pour apprendre à lire, écrire. Pourquoi tu n’as pas suivi cette voie ?”

La question de son fils le prit au dépourvu. À vrai dire, il ne s’était jamais vraiment posé la question de manière aussi directe. Son éducation auprès de Maître Ovadiah faisait partie de son enfance mais jamais n’avait-il réellement envisagé d’imiter son frère en choisissant de voler vers d’autres horizons ? Pour lui, reprendre des troupeaux, aider ses parents, se marier et établir un foyer dans une ferme avaient toujours représenté des évidences. Heldamn n’avait pas fait tout cela pour satisfaire son père même s’il avait toujours pensé que celui-ci désirait voir ses fils reprendre le flambeau de cette façon. Mais alors pourquoi les envoyer apprendre auprès d’un érudit ? Au fond ne désirait-il pas les voir s’émanciper ? Dans ce cas pourquoi reprocher à Learamn son départ pour l’armée ? Eolkar avait toujours été un homme cryptique et ses intentions étaient parfois difficiles à déchiffrer.

“Car être berger, guider mon bétail, cultiver ma terre. C’est ce que je suis, au plus profond de mon être je ne pouvais faire autrement.
-Et si ce n’est pas ce que je suis, au plus profond de mon être ?”

Heldamn prit une longue inspiration, il comprenait finalement où son enfant voulait en venir. L’assiduité de Dernion dans ses études n’était pas anodine et ainsi fasciné par le monde du savoir et des ouvrages, il rêvait sans doute d’une autre vie que celle qu’avait mené ses ancêtres. Une vie faite de récits et d’aventures. Une longue et haletante quête du savoir qui avait animé les jeunes années de Maître Ovadiah.

Learamn avait fait le choix d’une autre voix des années auparavant. Son père lui avait tourné le dos pour cela. Mais Heldamn n’était pas Eolkar.

Doucement, il caressa la joue de son fils.

“Quel que soit le choix que tu fasses, tu resteras tout ce que tu dois jamais être : mon fils. Et je serai fier de toi et de tes choix. Tu te souviens de ce que ta grand-mère disait toujours ? Quand la vie ne t’offre aucune lumière…
-...alors allume ta propre flamme.

Cette fois-ci l’enfant ne put retenir ses larmes et se jeta contre le torse de son père, secoué par les sanglots.

“Elle me manque déjà tellement.”


Heldamn sentait également les larmes lui monter aux yeux. Une boule étrange lui serrait la gorge.

“Et à moi donc…et à moi donc.”





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L’annonce du départ avait certainement pris Swan au dépourvu, elle qui espérait encore voir le retour inespéré d’un proche perdu. Si la décision d’Archibald au sujet d’un départ temporaire ou plus long n’était pas complètement arrêtée, il fallait toutefois finir les derniers préparatifs au plus vite afin de se rendre à temps à la cérémonie prévue pour rendre un dernier hommage à Céoda. Cet après-midi-là, elle était partie aux étables pour brosser et changer les fers de Canaille. La pauvre bête allait devoir être harnachée au grand chariot fraîchement réparé du maître des lieux. Et celui-ci comptait bien le charger au maximum.

Mais alors que la jeune fille s’attendait à passer quelques heures au calme, seule face à son labeur ; le son de pleurs prolongés vint briser le silence. Quelques pas en direction du fond de la bâtisse lui permirent d’identifier la source des sanglots.

Une petite tête blonde aux jolies boucles qui s’était retranchée loin des autres, là où elle pensait ne pas être trouvée, pour y déverser son chagrin.

De toute évidence, Enaël n’avait pas remarqué la présence de sa partenaire de chambrée.

Cette dernière pouvait tranquillement rebrousser chemin, évitant ainsi une conversation qu’elle pouvait imaginer embarrassante.

Ou alors offrir un soutien maladroit à celle qu’elle ne voyait pas encore comme une amie.
Sujet: L'heure des renoncements
Learamn

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Rechercher dans: Le Temple Sharaman   Tag heldamn sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'heure des renoncements    Tag heldamn sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 8 Avr 2024 - 22:48


Quatre jours.

Un temps bien trop court pour assembler toutes les pièces de ce mystérieux puzzle qui s’offrait au Rohirrim. Comment approcher la loge du Grand Prêtre durant la cérémonie ? Que s’était-il réellement passé durant sa première captivité au Temple ? L’enfant que portrait Kryv était-il vraiment le sien ? Si tel était le cas, sa conception avait-t-elle été faite à l’insu de leur tortionnaire ; ou alors avec son aval ? Qu’était-il advenu de Khalmeh ? D’Ava ? Huru avait-il bien reçu son message ? Quelle serrure pouvait bien ouvrir cette clé étrange que la devineresse lui avait confiée ?

Les minutes lui filaient entre les doigts et chaque heure qui passait sans apporter de réponses à ces questions le rapprochait d’un échec inéluctable.


Quatre jours.


Un temps infiniment long qui le séparait de la date fatidique du Jour du Dieu Sombre. Au détour de chaque couloir, la menace d’un garde trop zélé ou de mauvais sang. Sous chaque arcade du Temple, l’ombre menaçante de l’Ogdâr écrasant la volonté des âmes asservies. Si proche du but, de simples données aléatoires pouvait mettre un terme à son entreprise.

L’attente en devenait insoutenable.

Nomi lui avait révélé des informations importantes sur son passé. Ainsi n’avait-il pas été un esclave, mais un prisonnier et pas des moindres : le prisonnier personnel du Grand Prêtre. Rien que ça. En d’autres circonstances, cela aurait pu lui paraître flatteur. Jawaharlal désirait lui soutirer des informations. Avait-il révélé quoi que ce soit sous le coup de la torture ? Les méthodes des Melkorites étaient bien parvenues à lui faire oublier trois semaines de sa vie…De quels autres sortilèges disposaient le serviteur de Melkor pour briser ses opposants. L’ancien capitaine avait immédiatement supposé que l’interrogatoire avait porté sur la cargaison qu’il avait découvert à Lâm-Su. Mais cela tenait-il la route ? Seuls Kryv et lui avaient vu ce qui se cachait dans cette cale, et ils avaient été l’un comme l’autre emmenés au Temple. Nul n’aurait pu faire son rapport à Lyra. De toute façon, Jawaharlal avait révélé sa nouvelle armée au grand jour quelques semaines plus tard seulement. Quelle différence cela aurait fait que la Reine soit mise au courant quelques jours seulement avant cette démonstration de force du nouveau maître d’Albyor? L’évasion spectaculaire de Learamn l’avait-elle forcé à revoir son calendrier ? Ou alors cherchait-il à lui soutirer autre chose ? Quelque chose en lien avec les visions de l’enchanteresse ?  

L’esclave avait beau se creuser la tête, toute hypothèse cohérente semblait lui échapper et, poussé dans un état d’épuisement avancé, chaque réflexion trop poussée finissait par lui donner une terrible migraine. Finalement, pour survivre le plus longtemps, valait-il mieux ne pas perdre trop d’énergie avec ce genre de considérations et se contenter de se laisser vivre comme certains de ses camarades ? Ne devenir plus qu’un outil fonctionnel et aussi efficace que possible afin de préserver une certaine valeur ?

La veille de la cérémonie fut particulièrement pénible à vivre. La tâche de travail avait doublé, leurs contremaîtres devant s’assurer que tous les préparatifs soient parfaitement achevés avant l’arrivée des premiers invités. Le sol dallé fut lustré plus de trois fois, le métal de l’estrade poli jusqu’à en éliminer la moindre imperfection; la moindre excuse était utilisée pour épuiser inutilement les serviteurs. En frottant avec son torchon le rebord d’un escalier, Learamn ne put s’empêcher d’afficher un petit sourire ironique. Quel Dieu tout-puissant pouvait ainsi craindre la vue d’un brin de poussière dans son sanctuaire ?

Depuis son escapade nocturne, le jeune homme avait fait le choix de faire plutôt profil bas. Déjà, plusieurs gardes avaient été “impliqués” dans sa discussion avec Kryv ce soir-là et il ne tenait pas à ce que se propage la rumeur d’un esclave se baladant dans les couloirs à la nuit tombée, qui plus est dans des ailes du palais lui étant normalement interdites. Se fondre dans le groupe, ne pas montrer qu’il ne parlait pas parfaitement la langue, raser les murs au passage des soldats. Agir précisément comme on pouvait l’attendre d’un esclave comme lui. Malgré sa discrétion, il avait tout de même tenté de percer quelques mystères, notamment la question de la clé. Sans succès. Nomi lui avait été précieuse mais ne disposait pas de plus amples informations et Learamn avait tenté une fois de s’aventurer à travers le Temple à une heure tardive mais avait fini par renoncer au vu de la présence de trop nombreux hommes armés.

Le dernier soir avant la cérémonie, il s’était forcé à finir sa gamelle de soupe. Cette fois-ci le potage avait une teinte grise peu ragoûtante et dégageait une odeur de brûlé qui couvrait certainement quelque chose de plus repoussant encore. Le goût, cependant, n’était pas totalement répugnant ; ou alors l’estomac du rohirrim était tellement vide que le plus immonde des dîners devenait relativement agréable. Il laissa cependant de côté les quelques morceaux de viandes au fond de son bol. Ce n’était pas leur sinistre origine qui l’empêchait d’en manger mais l’indigestion que cette chair lui avait provoquée quelques jours plus tôt, quand il s’était enfin décidé à avaler quelque chose d’un peu plus nourrissant que le liquide de la soupe.

Learamn prit ensuite la direction de sa couchette. Il la partageait avec deux autres esclaves dont la maigreur lui assurait un peu de place pour pouvoir se rouler en boule sur le côté. Une étrange sérénité se saisit de lui quand il s’allongea sur la planche de bois. Les dés étaient jetés. Son plan était bancal et ses chances de réussites infimes. Cependant, pour la première fois depuis de longues semaines, il avait enfin une certitude : quel qu’en soit l’issue, cette folie prendrait bientôt fin pour lui.



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Le ciel de ce début de printemps était d’un bleu éclatant, illuminé par un soleil flamboyant dont les rayons venaient langoureusement caresser les épis de blés qui se dressaient à travers champs. Une très légère brise venait les agiter un peu, créant un envoûtant mouvement d’ondulation à travers les prairies. Les parfums d’avoine et de crocus venaient agréablement titiller les narines parfois importunées par quelques grains de pollens virevoltant au gré des vents. Les cris d’une nuée de tourterelles s’évanouissaient au loin. La rosée encore fraîche du matin venait humecter ses bottes qui s’enfonçaient légèrement dans le sol encore meuble.

Quand les beaux jours arrivaient, le Riddermark n’avait pas son pareil.

Il s’arrêta et prit quelques secondes pour admirer le panorama qui s’offrait à lui. Cherchant à y trouver la confirmation que le choix qu’il avait fait était le bon. Que renoncer à cette vie pour mieux protéger ceux qui s’en réclamait était la voie qu’il devait suivre. Pour toute réponse, il eut droit aux éclats de rire d’une enfant à quelques dizaines de mètres de là. Un sourire illumina le visage encore juvénile de la recrue et il accéléra le pas en direction de la ferme. Ils lui avaient tous tant manqué.

Bientôt il reconnut une petite tête blonde qui dépassait à peine des hautes herbes, cherchant à se faufiler entre les broussailles pour échapper à la silhouette bien plus imposante de l’homme qui la pourchassait en riant de bon cœur. Il fut bientôt sur elle mais feignit de trébucher et s’étala sur le ventre, laissant la gamine sauter sur son dos et lui donner des petits coups pour le soumettre.

“Fais-attention Enaël, tu risquerais de blesser ton vieux père en frappant aussi fort !”


L’enfant leva les yeux en direction du nouvel arrivant et ses beaux yeux s’illuminèrent d’une joie pure. Elle se mit à courir vers lui, les bras écartés, et s’écria :

“Oncle Learamn !”


Ce dernier la souleva du sol pour l’étreindre et put remarquer qu’une telle manœuvre n’était plus aussi simple à réaliser. La petite avait bien grandie depuis sa dernière visite. Son père s’était aussi relevé et s’approcha d’eux, un air ravi sur son visage.

“Ah revoilà le glorieux cavalier ! Je ne pouvais pas te reconnaître si rapidement, ton armure si propre m’a trop ébloui.”
Se moqua l’aîné.

“Et toi tu ne devrais pas t’occuper de tes champs au lieu de les saccager en jouant avec ta fille ?”
Lui rétorqua le cadet.

Les deux hommes s'observèrent silencieusement un moment d'un air sévère, puis éclatèrent de rire avant de se donner une franche accolade.

“C’est bon de te revoir petit frère. Viens à l’intérieur pour que tu me racontes tous tes exploits.
-Oh tu sais…la région est bien calme ces derniers temps. Le Roi a rétabli une vraie paix ici…
-On en dit du bien de ce nouveau Roi, t’as pu le rencontrer ?”


Learamn eut un petit rire amusé.

Heldamn…Je m’entraîne pour intégrer une éored ; je ne suis pas Capitaine de la Garde Royale.”


Le Rohan portait encore le deuil de ses centaines d’enfants qui avaient péri dans le Nord Lointain mais cela faisait de longues années que le Riddermark n’avait pas connu une telle période de calme. Les orcs avaient quitté la région depuis bien longtemps, les Dunlendings n’osaient plus s’aventurer à l’intérieur des terres et les rares brigands étaient désormais pourchassés par les fiers éoreds de la Marche. De plus l’hiver avait été doux et l’été s’annonçait radieux pour les récoltes.
Le règne du nouveau roi Thénéor démarrait sous les meilleurs auspices.

Heldamn poussa la porte de la maison et invita son frère à y entrer, l’intérieur était relativement modeste mais parfaitement fonctionnel. Deana était installée dans un fauteuil près de la fenêtre, berçant un enfant en bas âge entre ses bras. Learamn la salua et déposa un baiser sur le front du nourrisson.

Heldamn s’installa près de sa femme et commenta :

“ll a grandi, bientôt il faudra lui aménager un véritable lit. On pense à changer d’endroit…
-Ah bon ? “
S’enquit Learamn. “Je pensais que vous adoriez ces champs et les gens du village…
-J’ai aussi passé toute mon enfance ici Lea’, et j’y suis tout autant attaché. Mais parfois il faut savoir se détacher de notre passé pour avancer…comme tu l’as fait.”


Le jeune homme voulut répliquer mais il s’arrêta dans son élan en lisant la détermination qui habitait le regard de son frère. En quittant le foyer familial pour rejoindre les rangs de l’armée à Edoras, il s’était imaginé que la maison resterait tel quelle. Que son père et sa mère ne vieilliraient pas et continueraient à entretenir la ferme. Que Heldamn et sa famille restent installés tout près avec leur enfant encore jeune. Mais rien ne pouvait rester figé à jamais. Eolena avait quitté le village pour y épouser le fils d’un capitaine qui résidait à l’Ouest. Leurs parents avaient dû progressivement revendre une partie de leurs terres à mesure que les années avançaient.

“Tu te souviens du Seigneur Elkfbrand ? Cet ami de Maître Ovadiah ? Il recherche quelqu’un de qualifié pour s’occuper de ses cheptels, c’est une opportunité intéressante pour nous. Il est même prêt à nous offrir une ferme et des terres dans l’Estenmet.
-Dans l’Estenmet…”
Répéta Learamn qui tentait de digérait l’information.

Pour le rassurer, Heldamn posa sa main sur l’épaule de son benjamin.

“Ce n’est qu’à deux ou trois jours de voyage d’ici. Avec ton nouvel étalon tu pourras être chez nous en un rien de temps.”


Learamn acquiesça d’un signe de la tête.

“Cela sera sans doute mieux pour vous. Comment le prend Papa ?”


L’aîné soupira légèrement, puis eut un sourire mélancolique.

“Pas forcément très bien au début, tu le connais. Mais je pense qu’il a fini par comprendre et il veut notre bien donc bon…C’est juste que ça fait beaucoup pour eux : d’abord toi, puis Eoleda et ensuite nous qui partons si loin…Essaie d’être un peu indulgent avec lui pour le dîner ce soir, ce serait dommage que ta visite tourne mal…”

Cette fois ce fut au tour de Learamn de soupirer.

“Je vais faire de mon mieux.”


#Heldamn #Enaël #Deana #Dernion


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Le dîner s’était jusque-là révélé moins pénible que ce que Learamn avait craint. Vers la fin de l’après-midi, il avait suivi la famille de son frère pour une marche d’une vingtaine de minutes jusqu’à leur maison d’enfance. Eolkar, leur père, les avaient accueillis avec un grand sourire qui ne s’était pas effacé en voyant son benjamin en armure. Ce dernier crut même percevoir une once de fierté dans le regard de son paternel. Leur mère, Céoda, les avaient, un à un, embrassé avec amour et ils avaient tous pu prendre place autour de la grande table de bois qui trônait au centre de la principale pièce de vie.

Bercé par la douce voix de sa mère et les rires de sa nièce, Learamn laissa son regard errer à travers la maison. Chaque détail, le moindre ustensile, renvoyait à une multitude de souvenirs, si bien, qu’il pouvait aisément repérer les quelques éléments qui en avaient remplacés d’autres, car ceux-ci ne lui évoquaient rien. Il pensa qu’après dîner, il devrait faire un tour dans son ancienne chambre, y respirer une autre bouffée bienvenue de nostalgie.

Céoda avait préparé un dessert, un luxe bien rare pour des gens de leur rang, mais elle avait voulu mettre les petits plats dans les grands pour accueillir sa famille. Un grand gâteau circulaire parfumé au miel et aux épices accompagné d’une marmelade de prunes ; la friandise que le jeune cavalier affectionnait particulièrement durant son enfance. Learamn sourit à sa mère et lui formula un “merci” silencieux. Elle cligna subrepticement des yeux, comme pour lui dire que cela était naturel.

Tout en tranchant une large part de pain d’épice, Eolkar détaillait les dernières du hameau et de ses habitants.

“Wildhulm a du mal à gérer ses bêtes. Il a longtemps compté sur ses fils pour l’aider dans son travail mais depuis que deux d’entre eux ne sont pas revenus de cette maudite bataille au Nord, c’est la galère.
-Ils sont mort en héros pour tous nous protéger.”


Un silence de plomb s’installa alors suvitement autour de toute la tablée, tous les regards tournés vers un Learamn qui regretta presque instantanément d’avoir ouvert la bouche. Cela avait été plus fort que lui, les mots étaient sortis sans qu’il ne puisse les retenir. Les traits de son père se durcirent. La mâchoire crispée, il se contenait pour ne pas s’emporter.

“Ne parle pas de ce que tu ne peux comprendre Learamn.
-Je pense que je comprends très bien.”
Rétorqua le jeune soldat qui sentait également la colère monter en lui.

Son père se crispa de plus en plus. On aurait dit que de la fumée était sur le point de s’échapper de ses narines.

“Je les ai vus. Tous ces jeunes enfants, fièrement fagotés dans leurs armures rutilantes, galopant bannière au vent comme si rien ne pouvait les arrêter. Je les ai vus ! Tu sais combien sont revenus de cet enfer ? Tu sais combien ? Moins de la moitié, et la plupart des survivants avaient un morceau en moins. Tout ça pour des histoires de souverains lointains et d’alliances ridicules.
-Ils sont morts pour sauver le monde !
-NON ! C’est ce qu’ils vous disent là-bas pour satisfaire votre orgueil ! Pour vous rendre docile ! MENSONGES !
-Et toi c’est ce que tu te dis pour excuser ta lâcheté! ”


Cette fois-ci, le maître de maison explosa et asséna une gifle monumentale à son fils assis en face de lui. La douleur intense fit monter les larmes aux yeux de Learamn, mais celui-ci ne courba pas l’échine et soutint le regard de son père d’un air défiant.  Ce dernier s’était rassis, plus calme, une profonde déception visible dans ses yeux.


“Sors de chez moi…”


Sans un mot supplémentaire, et malgré les protestations de sa mère, Learamn se leva de table et se dirigea vers la sortie, tournant une nouvelle fois dos à sa famille.


#Eolkar #Céoda



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Pour la deuxième fois en l’espace de quelques jours, la nuit de Learamn fut écourtée par un visiteur venu le réveiller. Cette-fois il reconnut le visage de l’esclave penchée sur lui, les fins traits de Nomi. Le rohirrim souffla légèrement, soulagé de voir un visage familier. Mais la jeune femme ne semblait pas sereine du tout, et pour cause, elle était porteuse de bien mauvaises nouvelles. En panique, elle lui rapporta que les gardes du Temple étaient désormais à sa recherche et passait dans chaque alcôve pour lui mettre la main dessus. L’ancien capitaine s’accorda une fraction de seconde pour pousser un juron. Le dénommé Vago avait-il fini par le reconnaître ? Son escapade nocturne lui avait-elle coûté son anonymité ? Kryv l’avait-elle trahi ?

Inutile de s’importuner avec toutes ces questions pour le moment, pour le moment il devait s’assurer de pouvoir vivre assez longtemps pour pouvoir y réfléchir à nouveau un jour. Le sort des serviteurs ainsi saisis juste avant une cérémonie religieuse ne lui était pas inconnu.

Il écouta attentivement les options que lui proposaient Nomi qui se démenait tant bien que mal pour communiquer avec lui dans un Westron simple et imparfait. Le jeune homme pouvait ressentir à quel point cela demandait des efforts pour son alliée et lui posa une main qui se voulait rassurant sur son épaule frêle et tremblante, l’incitant ainsi à poursuivre. La contremaîtresse risquait gros en aidant un fugitif à s’enfuir. Qu’avait-elle à y gagner ? Learamn ne lui avait rien promis et elle ignorait même que l’homme qu’elle tentait de sauver était en réalité un soldat accompli et un "agent" infiltré de la Reine. Pour elle, il n’était qu’un misérable venu du Nord lointain avant d’être vendu en esclave. Son geste relevait-il de la pure bonté ? Cela y ressemblait fortement.

Une fois qu’elle eut fini de parler et poussé vers la sortie, Learamn lui adressa un dernier regard et lui souffla :

“Merci Nomi…Merci pour tout. Vous êtes une belle personne et votre âme est pure. Cela ils n’ont pas pu vous l’enlever…”

Il aurait voulu lui promettre qu’il reviendrait pour lui rendre cette liberté qu’elle méritait tant, comme il avait pu le faire avec la devineresse. Mais il ne put se résoudre à donner cet espoir là à la jeune femme. Combien de promesses impossibles pouvaient-il se permettre de faire avant qu’on ne le rende responsable de ses échecs ?

La porte se ferma et à nouveau il se retrouva seul, dans le couloir sombre de l’aile des esclaves. Au loin il entendit des bruits de bottes et des cris. Il devait faire son choix rapidement.

Le rohirrim avait d’abord songé à s’intégrer au groupe d’esclaves qui accompagneraient le Grand Prêtre. L’occasion pour l’atteindre en était presque trop belle. Mais il se ravisa. Les informations que lui avaient donné Nomi sur les conditions de sa première captivité avaient changé certaines choses. Pour une raison qui lui échappait, il avait été le prisonnier personnel de Jawaharlal. Son apparence avait drastiquement changé, certes, mais le Grand Prêtre avait certainement plus de jugeote que Vago et risquait de le reconnaitre parmi la poignée de serviteurs autorisés à le suivre dans sa loge. Le gouverneur Hagan serait également présent et lui aussi connaissait son visage.

Se fondre parmi les dignitaires d’Albyor présentait des avantages certains, mais si certains opposants isolés se trouvaient parmi cette foule, alors les gardes risquaient d’intervenir. Auquel cas, la sécurité des esclaves se trouvant sur leur chemin serait le cadet de leur souci.

Non, son choix était fait.

Sa dernière cérémonie en l'honneur du Dieu Sombre méritait bien qu’il la vive tel un véritable zélote.

Alors qu’il se mêlait au groupe des fanatiques, il murmura dans la langue locale :

+++Loué Soit-il. +++
Sujet: L'éducation du Riddermark
Learamn

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#Enaël         #Dernion




Enaël refoulait ses larmes du mieux qu’elle le pouvait. La scène pouvait paraître risible, trois enfants se recueillant ainsi en silence devant un petit cercueil de bois, long de seulement quelques centimètres. Pourtant, le chagrin qui emplissait son cœur était bien réel. Brise avait subitement fait irruption dans leur quotidien quelques semaines plutôt, alors qu’une colonie d’oiseaux migrateurs avait laissé un des leurs, blessé, près du jardin de la ferme. Dernion avait été le premier à remarquer l’animal meurtri et s’était empressé de prendre la tourterelle entre ses petites mains avant d’accourir auprès de Maître Ovadiah. Ce dernier, au grand bonheur de son élève, avait accepté de recueillir l’oiseau pour le soigner ; à la condition qu’il soit relâché dans la nature une fois guéri. De guérison complète toutefois, il n’y eut jamais. Brise avait repris des forces au sein du foyer mais pas assez pour reprendre son envol et reprendre sa route vers le Nord. L’arrivée soudaine de ce nouveau résident avait été l’occasion pour le vieux tuteur de former ces jeunes étudiants à divers sujets touchant de près ou de loin à leur compagnon. L’anatomie des oiseaux, leur comportement mais aussi le phénomène bien curieux des migrations. Jamais Enaël n’avait imaginé qu’autant d’ouvrages aient pu être écrit sur ce seul sujet ; selon les dires de Maître Ovadiah, dans certaines universités du Gondor, des scientifiques consacraient leur vie entière à l’étude de ces espèces. Le monde des érudits pouvait parfois paraître bien incongru.

Après avoir fui la froideur de l’hiver nordique, les nuées de colombe remontaient vers le Rhovanion afin d’y passer un été plus doux, propice à la reproduction. Quand Enaël avait demandé comment ces animaux pouvait se repérer sans carte ni boussole, leur professeur leur avait répondu par un simple mot : “l’instinct”. Une forme presque métaphysique du savoir permettant à ces animaux de connaître précisément le chemin à emprunter sans avoir à y réfléchir. L’adolescente avait eu bien du mal à saisir ce concept. Étaient-ils eux aussi détenteurs de ce pouvoir de l’instinct ? Elle en doutait, elle qui était incapable de savoir quelle route prendre pour se diriger vers la grande cité blanche du Gondor qu’elle rêvait de visiter.

“Brise…”

Elle hésita encore un moment. Trouver les mots justes dans ce genre de circonstances n’était pas chose aisée, surtout quand c’était la première fois qu’elle se retrouvait directement confrontée au deuil. Swan s’approcha d’elle et lui prit la main ; Enaël lui sourit. Le lien entre les deux jeunes filles s’était renforcé au cours des dernières semaines. Sur certains aspects, l’étrangère gardait une part de mystère ce qui était source de curiosité mais aussi d’appréhension pour la rohirrim. Toutefois, sa carapace s’était progressivement entrouverte au gré de leurs discussions nocturnes. Des bribes d’informations qu’elle laissait fuiter çà et là, permettait à sa partenaire de chambrée de disposer de quelques rares pièces d’un grand puzzle concernant le passé de Swan. Toutefois, malgré leurs différences, elle lui faisait désormais confiance depuis la dernière crise dont Dernion avait été victime. Sans elle, le pauvre garçon n’aurait peut-être pas survécu.

Enaël reprit d’une petite voix.

“Brise…
Tu as été un compagnon fidèle et un ami de confiance. Je suis désolé de ne pas avoir pu te permettre de retrouver ta famille.
Ton dernier voyage t’a mené jusqu’à nous. Nous avons donc le devoir de ne pas t’oublier.”


Elle entendit Dernion sangloter. Les larmes lui montèrent instantanément aux yeux mais elle ne les laissa pas couler et enroula un bras protecteur autour du torse de son petit frère. Peut-être avait-elle échoué à sauver Brise, mais rien dans ce monde ne l’empêcherait de protéger Dernion. Le petit cercueil fut placé au centre de la fosse creusée à cet effet. Enaël s’accroupit et prit une poignée de terre entre ses doigts, qu’elle relâcha au-dessus de Brise.

La jeune fille murmura la phrase traditionnelle en rohanais que répétait les anciens du village à chaque cérémonie funéraire.

“O'n duslach thàinig thu, 'S gu duslach pillidh tu."
1

D’un revers de la manche, elle essuya ses yeux embués et se saisit de la pelle. Quelques coups simplement furent suffisants pour former la tombe. Une fois sa tâche achevée, elle s’assit près de la sépulture et, cette fois-ci, ne retint pas ses larmes. L’aspirante cavalière, ambitieuse et parfois effrontée avait cédé sa place à une jeune enfant, sûrement éloignée de sa famille depuis bien trop longtemps, pleurant à chaudes larmes la disparition d’un être cher, aussi petit soit-il.

Au bout de quelques longues minutes, elle prit une longue inspiration. Pleurer lui avait fait du bien. Son regard se porta sur l’horizon. La silhouette d’un cavalier se détachait au loin, l’homme était trop éloigné pour qu’on puisse le distinguer mais la robe tachetée de sa monture était reconnaissable entre mille.

Aussitôt le chagrin d’Enaël se mua en une grande excitation. Elle bondit sur ses jambes et se mit à courir en direction de l’inconnu :

“Papa !”


1: "De la poussière tu es venu, à la poussière tu retourneras."



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Heldamn avait voyagé pendant de longues semaines depuis les conforts des Monts Brumeux, au Nord de la cité Naine de Khâzâd-Dûm. Les Nains l’avait accueilli comme un grand seigneur tout au long de la Grande Estive. Une surprise des plus agréables, en quittant son pays avec ses troupeaux, il ne s’était pas forcément attendu à ce que des étrangers, représentants d’une race souvent décriée pour son appât du gain, le reçoivent avec tant de générosité. S’il avait préféré passer la plupart de son temps en surface des montagnes, à dormir à la belle étoile près de ses moutons ; les Nains lui avaient offert un lit confortable dans leur glorieuse cité. Il s’y était rendu plus d’une fois pour y partager de grands banquets en compagnie de leurs hôtes et d’autres bergers rohirrim ayant quitté le Riddermark ravagé par la sécheresse.

Avant son départ, on l’avait mis en garde contre les dangers des Montagnes. Des gobelins qui menaçaient disait-on. Des conditions météorologiques déplorables. Heldamn n’avait vécu rien de cela. Seul un sentiment de quiétude l’avait gagné et ses bêtes semblaient du même avis, ayant pris goût à l’herbe qui poussait sur les versants. Durant ces longs mois, il n’avait manqué de rien, sauf d’une chose. Jamais encore n’avait-il été séparé de sa famille pendant si longtemps. Le berger plaçait une confiance aveugle en son épouse et son père pour s’occuper des enfants ; mais ne pas les embrasser chaque soir avant le coucher devenait de plus en plus compliqué chaque jour qui passait.

Alors dès qu’il avait eu vent que les prairies du Rohan reverdissaient, il n’avait pas hésité une seconde et avait fait ses bagages pour retourner à la maison. Avec une poignée de compagnons de voyage, ils étaient redescendus vers l’Ouestfolde où il avait regagné son village natal où résidait encore ses parents. Comme cela avait été convenu, les enfants avaient été envoyés auprès de Maître Ovadiah pour y parfaire leur éducation. Le plan initial avait consisté à les retrouver pour retourner dans la ferme familiale, plus à l’Est, le temps de quelques semaines en famille avant qu’ils ne retournent finir leur formation.

Mais, à l’Est, les nouvelles n’étaient pas bonnes. Et les plans avaient donc quelque peu changés.


Il aperçut d’abord les boucles blondes d’Enaël qui courait vers lui. Heldamn mit pied à terre, un large sourire sur son visage mal rasé. Bientôt, le père et sa fille se retrouvèrent dans une longue étreinte. Rien ne pouvait rattraper le temps perdu mais en la serrant ainsi, l’homme se demanda comment il avait pu survivre aussi loin d’eux pendant de si longs mois. De choix, il n’en avait pas vraiment eu à l’époque de la sécheresse. Une question de survie.

“Papa tu m’as tellement manqué.”


Il prit sa tête entre ses deux mains et l’embrassa sur le front.

“Et à moi donc mon ange ? Et à moi donc ?”

Dernion ne tarda pas à les rejoindre. Le garçon avait d’abord vu sa sœur partir d’un coup sans trop en comprendre la raison. Puis, lui aussi, avait vu les tâches grises et noires de Pinceau, le grand cheval de son père.

Quelques embrassades plus tard, ils marchèrent en direction de la demeure d’Archibald. Dernion s’était empressé de raconter à son père tout ce qu’il avait déjà appris auprès de leur maître tandis qu’Enaël l’assaillait de questions sur ses aventures auprès des Nains de la Moria.

Un sentiment de complétude monta en lui. Il était bien de retour chez lui.


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Heldamn s’installa sur le fauteuil réservé aux invités en poussant un soupir de soulagement. Ses articulations avaient souffert après ces longues semaines passées sur les routes sinueuses et le confort familier de la maison d’Archibald était des plus agréables. Son ancien maître ressemblait toujours à la figure de l’érudit qui résidait dans ses souvenirs. Quelques cheveux en moins et quelques rides en plus, mais toujours cette vivacité d’esprit et cette lueur d’intelligence dans le regard derrière ces curieux deux verres de correction. Son regard se porta sur l’impressionante bibliothèque qui se trouvait dans le bureau. La collection s’était bien agrandie en vingt ans ; quand le jeune Heldamn était venu passer une année de formation entre ces murs, seul le pan d’un mur était occupé de quelques dizaines d’ouvrages. Jadis, Maître Ovadiah avait accepté de repousser la date d’un long voyage prévu de longue date pour finir son éducation ; il était ensuite parti explorer le monde dans cette avide et infinie quête de connaissances.

Le jeune homme n’avait finalement pas grandi pour devenir un grand personnage du royaume ou un haut érudit ; se contentant d’une vie simple de berger au plus près des valeurs transmises par son père. Toutefois ses connaissances en mathématiques et sa capacité à lire en avait fait un négociant agricole des plus efficace et, ainsi, il avait pu assurer un avenir confortable pour sa famille et une retraite méritée pour ses parents vieillissants. Le pouvoir de déchiffrer quelques signes étranges sur un bout de parchemin était des plus fascinant.

Il prit une gorgée de la tisane que Swan leur avait fait porter jusqu’à l’étude de son maître avant de refermer soigneusement la porte derrière elle, laissant les adultes discuter entre eux. Après le dîner, les enfants étaient restés près du feu, plongés dans une partie de galets. Heldamn avait demandé à s’entretenir en privé avec leur précepteur.

“Vos talents de pédagogues m’impressionnent toujours autant Maître Ovadiah.”
Lui dit-il. “Les enfants ont l’air ravi et Dernion sait déjà lire aussi bien que moi !”

Il regarda le vieil homme d’un air reconnaissant.

“Merci Maître Ovadiah. Pour tout ce que vous avez fait pour notre famille. Merci.”

Le berger reposa sa tasse, et se pinça les lèvres. Malheureusement, il n’avait pas que de bonnes nouvelles à porter.

“Quand je suis revenu à la ferme de mon père, après la Grande Estive, ma première envie, après avoir embrassé Deana fut de galoper sans cesser jusqu’ici pour y retrouver les petits. Mais…mon père avait besoin de moi pour quelques jours encore…”

Son ton jovial avait changé, un sanglot pointait dans sa voix grave.

“Ma mère…ma mère nous a quittée il y a cinq jours.”


Le destin était parfois cruel, mais dans son malheur, Heldamn s’estimait heureux d’avoir pu se trouver auprès d’elle auprès de ses dernières heures. Le combat contre la maladie avait été long et éprouvant, pour elle et toute sa famille, et le dernier souvenir qu’il garderait de ce visage maternel resterait celui qu’il avait toujours été depuis sa tendre enfance : un sourire aimant.

“Je..je ne l’ai pas encore annoncé aux enfants. Je ne sais pas encore vraiment comment le faire…Mais mon père tient à ce que tout le monde soit là pour la cérémonie au village…Ls enfants…Vous aussi… Vous le connaissez, il tient à ce genre de choses.”

Eolkar avait toujours été un homme attaché aux traditions, son fils avait d’abord plaidé pour des funérailles discrètes, en famille, mais lui voulait honorer sa défunte épouse selon les coutumes ancestrales. Céoda était une femme appréciée au sein de la communauté et nul doute que tous viendraient pour lui rendre un dernier hommage. Heldamn n’avait pas eu le cœur d’argumenter avec son père.

“Il y a autre chose…Après l’enterrement, nous aimerions que vous restiez avec nous…”

Le regard du jeune homme se porta vers la fenêtre, d’où il pouvait voir le jardin patiemment cultivé par le vieil homme. Des décennies de travail minutieux, ode à la persévérance et la science. Ce qu’il lui demandait n’était pas chose aisée.

“Vous avez dû entendre parler des Charbonneux. Ces Dwimmen ? Ces spectres qui menacent nos frontières. On pensait la menace contenue à l’Est au début de l’hiver mais ce n’était qu’un leurre. Les rumeurs disent qu’ils ont traversé l’Entalluve dès le retour de beaux jours. Pour assurer la sécurité des miens, j’ai pris la décision de ne pas retourner vers mon domaine à l’Est pour rester avec mon père, non loin d’Edoras. En chemin, j’ai moi-même vu les éoreds de la Marche Est se mobiliser à travers les plaines. La région n’est plus sûre Maître Ovadiah ; je sais tout ce que cet endroit représente pour voir mais le Rohan a besoin de votre esprit, plus que de ces murs.”


Il était conscient de qu’il offrait. Une sécurité relative en l’échange de l’abandon de toute une vie de travail mais il faisait confiance au jugement de son ancien maître pour faire le bon choix.
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