13 résultats trouvés pour Mevan

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Sujet: Irremplaçables
Ryad Assad

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Rechercher dans: Osgiliath   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Irremplaçables    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 12 Nov 2020 - 16:32

Namarien avait pris soin de se présenter comme étant une guérisseuse, un élément qui pourrait se révéler particulièrement utile pour la suite s’ils souhaitaient convaincre le commandant Mevan de les assister. Felian appréciait grandement l’inventivité de l’Elda, sa capacité à s’adapter aux situations de manière fluide, sans mettre en péril la mission d’importance qu’il devait accomplir. Il lui jeta un bref regard, comme pour lui faire comprendre que c’était là une excellente initiative. Il fallait dire que la renommée des guérisseurs elfiques n’était plus à faire, et qu’elle pouvait sans le moindre doute tromper des gardes qui n’y connaissaient rien, et qui seraient étonnés par ses qualités médicales. Tromper la redoutable Dalia de Ronce, qui dirigeait les Maisons de Guérison, serait une autre histoire, mais n’y étaient pas encore. S’ils avaient la chance d’en arriver là, parfaire leur couverture serait le dernier de leurs soucis.

Cependant, malgré l’habileté du chevalier et de l’Elfe, malgré leur détermination sans faille, malgré l’appui du capitaine Osenhorn, ils durent se rendre à l’évidence : entrer à Minas Tirith ne serait pas une mince affaire…

La sécurité dans la capitale du Gondor était une affaire de la plus haute importance, bien avant les tristes événements de la prise de Cair Andros, et les récents développements avaient poussé les autorités à accroître encore leur vigilance et leur surveillance. Il était difficile de savoir s’il s’agissait là d’une réaction à la menace orientale qui était arrivée d’Outre-Anduin, ou s’ils entrevoyaient déjà les ramifications d’un traître positionné au sommet de la hiérarchie militaire du Gondor, prêt à utiliser toutes les ressources à sa disposition pour se maintenir au pouvoir.

Dans un cas comme dans l’autre, ils devaient garder à l’esprit que Minas Tirith n’était plus telle qu’ils avaient pu la connaître. Ce lieu de paix et de détente, où se côtoyaient artistes, intellectuels, nobles et gens du commun, militaires et civils, avait retrouvé sa fonction première de forteresse, dernier bastion d’un royaume menacé sur ses frontières. La peur habitait les murs, se répandait dans les ruelles, se cachait sous chaque pavé, apparaissait furtivement dans le regard des sages comme des plus jeunes. Il y avait encore du bon dans le cœur des Hommes, à condition de faire abstraction de leurs sentiments les moins honorables, mais les plus compréhensibles.

Felian savait ce qui l’attendait.

Il l’avait déjà vu à Pelargir. Il avait conscience qu’avant la fin de cette affaire, l’épée risquait d’être tirée, et le sang risquait de couler. On ne tranchait pas la tête du serpent sans prendre le risque de s’exposer à ses crochets. Ce fut avec cette idée bien sombre en tête que Felian quitta la tente du commandant, lui adressant une nouvelle fois ses remerciements chaleureux pour son aide. La politesse de cet homme était même à l’épreuve de sa déception la plus terrible.


Le commandant Mevan avait néanmoins choisi de retenir Namarien pour l’interroger plus avant, à propos de sujets qui semblaient s’éloigner des préoccupations de la petite compagnie de chevaliers, mais qui en réalité y étaient liés étroitement. La réponse négative de l’Elfe parut peser sur les épaules de l’officier, qui s’affaissèrent légèrement, tandis que son regard se troublait, voilé par le doute et l’inquiétude.

- Ce n’est rien, fit-il sombrement, avant de revenir sur ses paroles. Enfin, si… Mais…

Il n’hésita pas longtemps. Namarien était une Elfe elle aussi, et il trouvait curieusement réconfortant de se confier à une immortelle, en particulier à propos de ce sujet qui lui tenait beaucoup à cœur.

- Vous êtes la deuxième représentante des Premiers Nés que je rencontre, Dame Namarien. La deuxième en très peu de temps, à vrai dire… exactement là où vous vous trouvez vous-même. Dame Lithildren…

Une pause. Comment le formuler ?

- … est une personne qui m’est chère. J’ai eu l’occasion de la rencontrer il y a peu, et elle aussi souhaitait entrer à Minas Tirith. Je n’ose pas supposer des motifs qui ont pu l’amener à vouloir pénétrer dans la plus grande cité des Hommes, mais je soupçonne que vous poursuivez une quête parallèle, sinon similaire. Elle avait dans le regard la même flamme qui brûle dans le vôtre.

Il s’appuya sur le bureau qui était le sien, rompant involontairement avec l’image très disciplinée et rigoureuse qu’il s’était efforcé d’afficher devant le capitaine Osenhorn et Felian. Il présentait un visage de lui beaucoup plus humain, plus jeune, et résolument moins « noble » que celui des aristocrates qui s’exerçaient dès leur plus jeune âge à maintenir l’illusion du contrôle en permanence.

- Elle est entrée à Minas Tirith, et malgré toutes mes sollicitations – discrètes, cela va de soi – je n’ai pas eu la moindre information à son sujet. J’ignore si elle va bien, j’ignore si elle est encore en vie, et si elle a réussi à retrouver l’homme qu’elle cherchait. Un certain Nallus, membre de la Société des Chercheurs, de l’Université de Minas Tirith…

Tous ces indices qu’il lui confiait pourraient peut-être l’aider à trouver des réponses plus tard, et à localiser Lithildren.

- Je suis préoccupé à son sujet… Si vous parvenez à trouver un moyen d’entrer à Minas Tirith, si vous parvenez à la trouver… faites en sorte qu’elle s’en sorte… Dites-lui que je ne lui en veux pas, et que je comprends…

Ces paroles étaient sibyllines, mais de toute évidence elles devaient avoir du sens pour l’intéressée. Le commandant remercia Namarien en lui serrant les deux mains, dans un geste assez familier, avant de l’enjoindre à retrouver ses compagnons pour monter le camp et passer la nuit.


~ ~ ~ ~


L’Elfe finit par localiser ses compagnons, après avoir erré quelque peu dans le camp des troupes de Pelargir. Il fallait dire que des hommes en armes, ce n’était pas ce qui manquait ici. Ils étaient des centaines, tous uniques, et pourtant si uniformes. Des hommes à peu près du même âge, souvent haut de taille, le bras fort, les cheveux longs et bruns, comme ceux de Felian. Rares, cependant, étaient ceux qui dégageaient la même noblesse, la même force, et la même gentillesse. Pour beaucoup, leurs regards dévoilaient une profonde lassitude, une sorte d’incompréhension permanente, et un désir bien naturel que quelque chose advînt. N’importe quoi, pourvu que cela leur permît de rompre la monotonie d’un quotidien par trop rébarbatif.

Elle trouva ses chevaliers légèrement à l’écart du gros de la troupe, rassemblés autour d’un feu de bois crépitant autour duquel ils tendaient leurs mains pour profiter de la chaleur réconfortante des flammes. Il faisait encore assez doux à cette heure, la chaleur diurne peinant à se dissiper, mais quand viendraient la nuit et le vent, le froid risquait de s’installer rapidement. Ils Karl et Hallbrecht étaient affairés à monter une seconde tente, plus petite que la première, et le premier ne put s’empêcher de sourire fièrement à Namarien en la voyant arriver :

- Nous vous avons installée confortablement, noble dame. Votre tente ne partira pas avec le vent, je vous le garantis.

Hallbrecht eut un sourire amusé, et ajouta :

- Heureusement que j’étais là pour vérifier tes nœuds.

Ils se taquinèrent ainsi sans malice, davantage pour dissiper la tension qui régnait dans leur groupe à la suite de l’annonce de la terrible nouvelle selon laquelle l’entrée dans la forteresse leur était interdite. C’était un moyen comme un autre de parler d’un sujet plus léger, de rire un peu à la veille de ce qui pouvait peut-être devenir leur dernier jour. Cependant, leurs rires forcés ne cachaient pas aussi bien qu’ils l’auraient voulu leurs mines attristées et peinées.

Felian était pour le moment introuvable sur le camp, et on signala à Namarien qu’il était parti avec le capitaine Osenhorn pour régler une affaire urgente dont ils n’avaient rien dit. Personne ne savait exactement quand ils allaient revenir, ce qui laissait un peu de temps à l’Elfe pour veiller sur Thédeor. Le vétéran serrait les dents, mais la souffrance qu’il ressentait était bien réelle, à mesure que les effets des produits administrés à l’Elfe se dissipaient. Fort heureusement, l’aide-de-camp du commandant Mevan avait pris soin de leur faire amener de quoi s’occuper du blessé : bandages, plantes et simples en tout genre, décoctions destinées à calmer la douleur, de même que de l’eau claire pour nettoyer le tout.

- Je vous donne beaucoup de souci, Dame Namarien, fit Thédeor en essayant de faire abstraction de ce que l’Elfe faisait à sa jambe. J’aurais voulu que vous puissiez me voir debout… vous auriez eu une bien meilleure image de moi.

Ses ongles étaient enfoncés dans ses paumes à s’en faire saigner, mais il s’efforçait de présenter un visage aussi neutre que possible, même s’il était pâle comme un linge. Sa voix, entrecoupée de hoquets de douleur mal contenue, se voulait aussi claire que possible :

- Vous savez… Je comprendrais que Felian me laisse en arrière…

Faisait-il référence à la conversation entre Namarien et Felian à Osgiliath, quand elle l’avait sévèrement rabroué à propos de son plan ? Ou était-il seulement en train de dire ce qui lui passait par la tête pour combattre la douleur ?

- Je ne pourrais pas lui en vouloir, vous savez… Nous sommes des Chevaliers du Cor Brisé… Nous avons… aïe ! Nous avons voué nos vies à défendre celles des autres et… et… Blessé, je ne suis qu’un fardeau… Je le sais… Tout le monde le pense…

Il respirait de plus en plus vite, regardant l’Elfe droit dans les yeux pour ne pas voir l’état déplorable de sa jambe.

- Peu importe qu’il m’abandonne ici… ou à Osgiliath… Je m’en sortirai… Vous savez, j’en ai vu d’autres, hein ? Il eut un rire sec : Et Felian aussi. Il sait ce que c’est que d’emmener des hommes dans une mission périlleuse, et de les voir mourir les uns après les autres, sans rien pouvoir faire… Beaucoup des nôtres sont tombés à Pelargir… Felian s’en est sorti, de peu. Je crois qu’il préférerait me laisser derrière avec une chance de survivre, plutôt qu… que… Plutôt que de conduire un homme blessé à une mort certaine…

Il rejeta la tête en arrière, essayant de contenir les ondes de souffrance qui irradiaient dans sa jambe alors que Namarien arrivait au terme de l’opération. Rien de ce qu’elle lui donnait contre la douleur ne semblait avoir d’effet, mais il se refusait à se laisser endormir : c’était comme si, dans un accès de lucidité, il voulait lui confier des paroles d’une extrême importance. Il lui saisit le poignet par réflexe, le serrant de toutes ses forces, sans s’en rendre compte :

- C’est un homme bien… Et je suis sûr qu’il n’est pas responsable, pour Pelargir… Même si lui croit le contraire… Et vous aussi vous êtes quelqu’un de bien… Vous aussi…

Il y eut soudain un profond relâchement dans le corps de Thédeor, qui s’affaissa en arrière. La douleur avait eu raison de lui, et sa conscience s’était repliée au plus profond de son esprit pour y échapper un temps. Il retomba mollement sur le sol, mais sa respiration d’abord saccadée devint progressivement plus profonde et plus régulière. Il était épuisé, à en juger par la sueur qui coulait sur son front… comme s’il avait couru toute la distance entre Osgiliath et Minas Tirith. Et dans un ultime effort, il avait tenu à lui dire qu’elle était une bonne personne.

Namarien eut le temps de terminer de s’occuper de son patient dans le calme, car chaque membre de la compagnie souhaitait se reposer après une journée aussi éreintante. Ils avaient pris la route très tôt, et il leur semblait avoir commencé leur voyage depuis une semaine, tant leur traversée de l’Anorien avait été mouvementée. Une tentative d’assassinat qui avait pris l’un d’entre eux, une course poursuite dans les rues d’Osgiliath, puis une longue traversée jusqu’au Rammas Echor, et désormais la nouvelle que leur entrée dans la Cité Blanche était compromise… C’était beaucoup, émotionnellement, et tous piquaient du nez, soucieux de récupérer après tout ça. L’Elfe avait tout le loisir de vaquer à ses différentes occupations sur le camp, profitant des rations généreusement distribuées par la garnison de Pelargir, et du confort de la tente qui avait été montée pour elle, dans laquelle elle pouvait s’isoler si elle le souhaitait. Il restait encore le feu, fascinant et apaisant, autour duquel les hommes se rassemblaient pour bavarder quelque peu.

Il fallut encore un moment avant qu’ils vissent enfin revenir Felian et Nuril. Le premier allait également à cheval, probablement un qu’il avait emprunté, car il était harnaché comme ceux des soldats, et ressemblait à s’y méprendre à un destrier taillé pour la guerre. La nuit était tombée, mais ils pouvaient les voir serpenter entre les feux allumés sur la plaine. Felian, noble et fier comme un véritable Chevalier du Cor Brisé, avait de l’allure sur ce beau cheval qui le supportait. Ces deux hommes, la fine fleur du Gondor, portaient avec eux l’espoir. Ce fut Namarien la première qui devina, dans la pénombre qui ne semblait pas la gêner autant que ses compagnons, que le capitaine du Gondor n’était pas seul sur sa monture. Quelqu’un se tenait en croupe, une femme dont la beauté le disputait à la grâce.

Elle mit pied à terre avec élégance, lissant les plis de sa robe, avant de prendre place aux côtés de Nuril. Ce dernier, qui semblait particulièrement rasséréné en sa présence, la présenta aux hommes de Felian et à Namarien :

- Chevaliers, noble dame, laissez-moi vous présenter mon épouse, Blanche Humblétoile… Je vous avais promis une personne de confiance, la voici.

Elle s’inclina légèrement, et les chevaliers lui rendirent un salut plein de déférence.

- Je suis honorée de vous rencontrer, fit-elle d’une voix douce, tous et chacun d’entre vous. J’aurais aimé faire votre connaissance dans d’autres circonstances, mais enfants du Gondor nous sommes, et nous répondons tous à l’appel du devoir quand il nous convoque.

Les chevaliers hochèrent la tête avec vigueur, inspirés par ces paroles pleines de courage et de force. Blanche n’avait pas pour elle le bras capable de manier une épée, mais son âme semblait forgée dans le même acier que celui des héros. Nuril l’observait avec une admiration sans limite, soudainement très effacé derrière cette femme qui pourtant paraissait discrète. Elle s’approcha de Namarien, et s’inclina devant elle plus bas qu’elle ne s’était inclinée devant les autres.

- Enchantée, Dame Namarien. J’ai eu le loisir d’entendre le récit de vos exploits, dans la bouche de Maître Felian qui vous tient en très haute estime.

Elle eut un petit sourire énigmatique, et Felian parut tout à coup très mal à l’aise.

- Il a aussi dit que sans vous, ses hommes ne seraient peut-être pas parvenus jusqu’ici. Peut-être trouverez-vous également une idée nous permettant d’entrer à Minas Tirith.

- Je n’en doute pas le moins du monde, ajouta Felian plein de confiance. Dame Namarien a pour elle l’expérience des Eldar, et cela nous confère un grand avantage.

Le soutien du chevalier était précieux dans ces circonstances, mais aussi une grande responsabilité. Felian était un homme de guerre, un soldat, qui pouvait faire face au danger, mais il ne sentait plus à la hauteur de la mission de commandement qui lui avait été confiée. Il ne souhaitait rien d’autre que de pouvoir transmettre le flambeau à Eradan, pour mettre son épée et son destin à son service. La perspective de pouvoir se reposer sur Namarien l’apaisait inconsciemment, mais était-ce la bonne décision ? Une Elfe, parce qu’elle était une immortelle, pouvait-elle résoudre tous les problèmes qu’ils allaient rencontrer ? Ne valait-il mieux pas l’expérience et les connaissances d’un homme du Gondor, qui comprenait les hommes et femmes qui allaient se dresser sur leur chemin ?

Seul l’avenir le leur dirait.

#Blanche
Sujet: Irremplaçables
Ryad Assad

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Rechercher dans: Osgiliath   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Irremplaçables    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 2 Nov 2020 - 14:43

Felian était heureux de voir que le capitaine Nuril semblait être un homme digne de confiance. Il avait foi dans le courage des gens de Gondor, mais il devait admettre que récemment, de nombreux doutes avaient été jetés sur la probité des hommes de son peuple qui semblaient particulièrement enclins à sombrer dans la corruption et à se laisser tenter par les propositions séditieuses. Il y avait d’abord eu la sinistre affaire de Pelargir, et désormais voilà qu’on faisait appel à lui pour lutter contre un mal insidieux qui se serait emparé de Minas Tirith elle-même. Rencontrer des âmes honorables dans ces circonstances était un réconfort : il restait encore quelque chose à sauver de leur royaume.

Le chevalier ne pouvait s’empêcher, cependant, de ruminer de sombres idées. Il ne se souvenait que trop bien comment s’était terminée sa dernière mission, et à en juger par la tournure que prenait celle-ci, il envisageait le pire. Combien de braves devraient mourir pour qu’enfin la paix revînt sur le vieux royaume ? Beaucoup trop, sans doute. Cependant, si la vie d’un chevalier pouvait sauver celle d’un innocent, alors il se ferait une joie d’offrir son existence en sacrifice, et de prouver à tous ceux qui en doutaient que la bravoure et la noblesse d’âme du Gondor ne s’était pas éteinte aux temps d’Elessar. D’aucuns vivaient encore en suivant son exemple, et en honorant son courage légendaire.

Il était difficile de juger Nuril après si peu de temps, mais il semblait être de ceux-là. Un serviteur de la cause, qui aurait pu de mille manières les conduire à la mort, mais qui pourtant semblait déterminé à les assister. Cependant, pour lui faire confiance totalement, Felian avait besoin de le connaître davantage, de lui parler pour éprouver sa personnalité, et ne pas se laisser abuser. Il laissa Namarien poser la première question, et guetta soigneusement la réponse du capitaine, qui se fendit d’un sourire amusé :

- Il est certain que la famille Osenhorn d’Imloth a fourni de braves lames dans les guerres des temps passés, mais ce n’est pas par ce biais que je connais vos méthodes, Dame Elfe. J’ai eu la chance de voyager dans les royaumes elfiques, et de m’entretenir avec certains représentants éminents de votre race.

- Vous avez voyagé jusqu’à Vertbois ? Demanda Felian, partagé entre une curiosité sincère et son désir d’enquêter.

- Jusqu’en Lórien, répondit l’intéressé, auprès de maître Hyaril. Peut-être le connaissez-vous, noble dame, ou peut-être vous Sire Felian ?

Ce dernier fit « non » de la tête. Hyaril n’était effectivement pas un nom particulièrement connu en-dehors de la Lórien, sauf de quelques initiés avec qui il entretenait une correspondance régulière et particulièrement riche. Des Hommes, des Elfes, tous nobles de sang et de cœur, qui partageaient ses idéaux et sa vision du monde. Nuril ne jugea pas utile de révéler toutes ces informations à ses interlocuteurs, préférant revenir au sujet qui les intéressait présentement, la question de leur mission périlleuse au sein de Minas Tirith. Cependant qu’il négociait le passage du Rammas Echor, Felian et Namarien prirent le parti de discuter du paiement de celle-ci, au cours d’une conversation qui ne tourna pas exactement comme l’avait pensé le jeune chevalier.

Pris de court par la personnalité impétueuse de l’Elfe, et son tempérament prompt à l’action plutôt qu’à la discussion, il ne put s’empêcher de lâcher un sourire sitôt qu’elle eût le dos tourné et qu’elle prit la direction de Minas Tirith. Même au regard des standards de son peuple, elle n’était pas banale, et sa détermination à les aider était aussi louable que l’était sa volonté de protéger la santé de Thédeor. Une telle alliée était une bénédiction dans ces circonstances, et il ne cacha pas le sourire de satisfaction qui vint égayer son visage jusqu’alors soucieux. Cette guerrière lui plaisait.

Ils franchirent donc sans difficulté le Rammas Echor, pénétrant dans le Pelennor, un des endroits les plus sacrés du Gondor, où régnait toujours une agitation fébrile entre sérénité et inquiétude, selon les périodes. D’ordinaire, les fermes et les hameaux étaient peuplés de travailleurs acharnés qui donnaient leur temps et leur sueur à la terre en échange de ses fruits, indispensables à la survie de Minas Tirith et d’Osgiliath. Les fermiers saluaient volontiers les passants, négociaient quelques bibelots contre des produits de l’artisanat local, et offraient le gîte et le couvert à ceux qui n’avaient pas les moyens de résider dans la capitale. Aujourd’hui, tout était différent. Les fermes étaient désertes, pour la plupart abandonnées depuis les premiers jours de l’offensive orientale. Le peuple d’Anorien avait trouvé refuge dans les grandes forteresses de pierre blanche, et n’était plus ressorti depuis. Il faudrait du temps pour désherber les champs livrés à la nature, et en faire de nouveau des terres cultivables dont le Gondor pouvait être fier.

- C’est désormais la garnison de Pelargir qui occupe le Pelennor, expliqua Nuril. Je vais vous conduire auprès du commandant Mevan, qui dirige ces hommes. Grâce à lui, je ne doute pas que vous parviendrez à entrer sans mal dans la cité.

Ils prirent la direction d’une tente un peu à l’écart du reste, gardée par deux soldats en faction. Nuril salua, expliqua leur situation brièvement, et finalement la petite compagnie fut autorisée à déranger l’officier supérieur qui dirigeait les opérations ici. Felian connaissait Mevan de réputation, mais il s’était attendu à rencontrer un homme plus âgé et plus mûr. Le commandant des troupes de Pelargir semblait encore jeune, même si l’expérience se lisait sur ses traits.


- Bonjour Capitaine Osenhorn, bonjour à tous. Que puis-je faire pour vous ? Fit-il en se levant de son siège.

Il était installé de manière assez rudimentaire, ce qui convenait de toute évidence à son caractère. Il avait l’air simple et franc, et bien qu’il eût pris sur lui pour acquérir les codes et les us que son rang exigeait, il était évident à un œil avisé qu’il n’était pas noble. Felian et Nuril, tout deux de haute extraction, ne s’y trompaient guère. Cependant, cela rehaussait quelque part le prestige de cet homme issu du commun, qui avait su s’élever à la force de son bras et par sa valeur morale. Choisi personnellement par le Premier Conseiller de Pelargir pour occuper cette fonction cruciale, il semblait avoir encore un peu de mal à endosser les responsabilités qui étaient les siennes.

- Bonjour, mon commandant, répondit Nuril poliment. Je vous présente le chevalier Felian Valdoré d’Anfalas, ainsi que ses compagnons et Dame…

Il ne connaissait pas le prénom de l’Elfe, et il choisit de la laisser se présenter elle-même. Il était préférable dans ce cas de laisser les gens révéler ce qu’ils souhaitaient révéler d’eux-mêmes, et de leurs motivations. Ayant achevé de donner la parole à l’Elfe, il reprit :

- Ces braves hommes cherchent à entrer à Minas Tirith, pour une affaire de la plus haute importance. De sinistres rumeurs circulent, et l’armée est impuissante à enquêter au sein de la capitale. Ni vous ni moi ne savons rien de ce qui se trame derrière les remparts de Minas Tirith. Maître Felian et sa compagnie se proposent de tirer les choses au clair.

Nuril avait choisi de ne point trop en dire au sujet des véritables intentions des chevaliers, ce qui n’échappa aucunement à Felian. Ce dernier choisit de ne rien ajouter pour appuyer le propos du capitaine, laissant le commandant leur répondre sur un ton désolé :

- J’ai bien peur de ne pouvoir accéder à votre requête, capitaine. Il est certain que vous n’entrerez jamais ainsi armés à Minas Tirith : les directives du Général Cartogan étaient strictes avant la crise, elles sont draconiennes désormais. Tous ceux qui entrent à Minas Tirith doivent le faire sans armes.

Felian ne cilla pas le moins du monde. Il était parfaitement au courant de la situation, et il n’avait pas prévu de pouvoir emporter son épée et sa dague à Minas Tirith. Toutefois, ce n’était pas la seule nouvelle désagréable que le commandant leur réservait, et il reprit :

- En outre, j’ai reçu de nouvelles directives ce matin-même. En raison de troubles dans la cité, les entrées – qui étaient déjà strictement contrôlées auparavant – sont désormais interdites à l’exception des fonctions essentielles. Maître Felian, pardonnez-moi de vous le dire, mais vous et vos compagnons ne ressemblez guère à des guérisseurs… Je peux bien formuler une requête spéciale auprès du Général pour vous donner accès à la Cité Blanche, mais vous connaissez la lenteur proverbiale des autorités militaires de Minas Tirith…

Un brin de découragement passa chez les Chevaliers du Cor Brisé. Ils avaient pensé affronter des difficultés, naturellement, mais les perspectives que leur offrait le commandant Mevan n’étaient pas réjouissantes. Ils n’avaient aucun moyen crédible de faire croire qu’ils étaient des guérisseurs, une des rares professions que l’on acceptait encore en grand nombre à Minas Tirith, ce qui alimentait les rumeurs les plus folles. Une compagnie entière de guerriers, bien bâtis et athlétiques, ne tromperait certainement pas la vigilance des gardes de la Grande Porte, qui se montraient particulièrement zélés ces derniers temps. Même Nuril paraissait ne pas savoir comment réagir à une telle nouvelle. Devant le silence général, il finit par couper court à cette entrevue :

- C’est une triste nouvelle, mon commandant, mais nous allons réfléchir à une solution pour ces hommes. La sécurité du Gondor en dépend. Nous ne souhaitons pas vous retenir plus longtemps, vous devez être très occupé.

- En effet, capitaine. Je suis à votre disposition, et si vous trouvez une idée pour faire entrer ces hommes à Minas Tirith, n’hésitez pas à revenir me voir. Je suis au moins aussi inquiet que vous. En attendant, vous pouvez profiter de l’hospitalité des Otharrimion de Pelargir. Mon aide-de-camp vous fera distribuer tentes et rations pour la nuit.

Felian s’inclina bien bas. C’était bien tout ce que pouvait leur offrir le commandant Mevan pour l’heure, et ils se devaient de l’accepter gracieusement, car chaque bouchée de pain qu’il prendraient serait directement prélevée sur les quantités prévues pour ses propres hommes. La générosité de l’officier paraissait limitée, mais c’était en réalité un véritable geste d’amitié. Alors qu’ils s’apprêtaient à s’éclipser, cependant, Mevan lança :

- Ma Dame, puis-je avoir un mot en privé, s’il-vous-plaît ?

Les Chevaliers se regardèrent, interloqués, mais ils n’avaient pas le pouvoir de s’opposer à un commandant de l’armée du Gondor, et bien malgré eux ils furent contraints de laisser Namarien derrière. Felian lui lança un regard de soutien, celui d’un homme qui serait prêt à se jeter face au danger pour la protéger si nécessaire. Il savait qu’elle ne courait aucun danger ici, en présence de cet homme que Nuril lui avait présenté comme un ami, mais l’idée de la savoir seule le mettait tout à coup mal à l’aise. Mevan ne sembla pas remarquer cet échange silencieux, et remercia d’un signe de tête l’Elfe d’avoir accepté :

- Pardonnez mes manières, mais je souhaitais vous poser une question personnelle avant que vous partiez, et je n’ai pas trouvé d’autre moyen.

Il haussa les épaules. Il avait l’air las, soucieux, préoccupé par la pile de documents qui s’amoncelait sur son bureau de fortune et qu’il devait traiter. Des ordres, des contre-ordres, des plaintes, des rapports, des doléances, les siennes, celles de ses hommes qui voulaient savoir combien de temps ils resteraient ainsi loin de chez eux, et pourquoi on ne les autorisait pas à prendre leurs quartiers dans Minas Tirith… Tant de choses qui pesaient sur ses épaules, et pourtant il ne savait rien de tout ça, et des décisions qui étaient prises au sommet de la hiérarchie.

Sa question, toutefois, n’avait aucun rapport avec ces préoccupations bien légitimes.

- Le nom de « Lithildren » vous dit-il quelque chose ?

Il n’ajouta rien, se contentant de guetter les réactions de l’Elfe avec attention.
Sujet: Pour un laissez-passer
Learamn

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Pour un laissez-passer    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 7 Oct 2020 - 19:53
Suite de : In Vino Veritas


Crrrrrrrrrack!


L’échafaudage s’écrasa au sol avec grand fracas. Encore un autre. A ce rythme là, les réparations du mur de protection entamées par des soldats épuisés et à court d’équipement risquaient de coûter plus cher en hommes valides que le bénéfice dont la garnison pouvait tirer de la piètre défense qu’offrait la barrière du Rammas Echor qui tombait en ruines.

Les “secours” arrivèrent rapidement, armés de bandages et de brancards de fortune. Les véritables médecins étaient devenus impossible à trouver au sein de la garnison depuis que leur dernier guérisseur avait été rapatrié dans la Cité Blanche sans aucune explication; les hommes de la troupe n’avaient d’autre choix que de s’improviser infirmiers pour venir en aide à leurs frères d’armes. Le cris des blessés bloqués au milieu des débris se faisaient entendre dans tout le camp mais ne surprenaient plus grand monde par ici. L’atmosphère générale était délétère et certains hommes se demandaient même s’ils ne préféraient pas voir leur ennemi débarquer devant leurs lances plutôt que la routine infernale dans laquelle ils étaient plongés depuis de trop longs mois. Face à la menace imminente de l’armée mystérieuse qui avait pris possession de Cair Andros, le pouvoir en place avait dépêché d’urgence une garnison entière au pied du Rammas Echor à la fois pour faire office de première ligne de défense sur le Pelennor mais aussi pour rénover les vieilles fortifications qui n’en avaient plus que le nom. Les hommes en mission étaient d’abord partis avec enthousiasme, fiers de représenter le fer de lance de leur royaume face à un ennemi qui faisait frémir toutes les chaumières. Pourtant, en arrivant sur place, ils avaient rapidement déchanté. La canicule frappait de plein fouet la région et l’air y était suffocant. En plein milieu de ce paysage si plat et peu boisé, il n’y avait nulle ombre naturelle à des lieues à la ronde et le vent se faisait rare; et quand il venait enfin, son souffle était chaud. En plus des conditions infernales, l’ennui avait gagné la troupe. Leurs ennemis n’avaient pas montré le bout de leurs  nez; ni éclaireurs, ni avant-garde et les loisirs se faisaient rare. Les officiers, conscients qu’il n’y avait pas plus vulnérables que des soldats oisifs, avaient bien tenté de garder leurs hommes actifs en établissant une routine stricte mais celle-ci avait fini par lasser. Quant aux réparations entreprises, le tableau n’était pas non plus reluisant; en l’absence d’architectes compétents, d’ouvriers qualifiés et de matériel suffisant, les soldats désespéraient de faire des progrès significatifs sur ce mur qui leur semblait s’étendre jusqu’au bout du monde. Au sein de la troupe on disait même fréquemment que tout cela revenait à construire sur des sables mouvants.

Mais le pire était sans aucun doute l’isolement inexplicable dans lequel ils se trouvaient. Au début de leur mission, vivres et matériaux étaient régulièrement envoyés depuis Minas Tirith et les hommes avaient même parfois le droit de rallier la Cité Blanche pour s’y reposer ou s’amuser lors de permissions épisodiques. Mais tout ceci avait bien subitement depuis longtemps. Tout déplacement en direction de la ville était désormais prohibée; il se murmurait même que la peine capitale avait été instaurée pour ceux qui comptaient braver cet interdit. Les vivres n’arrivaient presque plus et les soldats se retrouvaient souvent forcés de chasser ce qu’il pouvait trouver dans les alentours pour se sustenter. La relève qui avait été pourtant annoncée n’était jamais venue et les hommes, épuisés, étaient laissés dans l’incompréhension la plus totale face au manque d’informations transmises par le général Cartogan.

Cependant, si la garnison toute entière n’avait pas complètement sombréé=; cela était en grande partie dûe à la détermination du Commandant Chance Mevan qui se démenait sans relâche pour entretenir les derniers sursauts de la flamme qui brillait encore dans les âmes des Gondoriens. L’officier, qui n’avait guère plus d’explications sur la situation actuelle, passait ses journées auprès de ses hommes, mettait la main à la pâte au sommet des échafaudages, patrouillait le long du mur et , le soir tombé, passait de longues minutes à écouter et réconforter ses subordonnés. Là-encore, quelques minutes à peine après l’accident, il était l’un des premiers sur les lieux, prêt à panser les blessures et bander les fractures. Heureusement, cette fois-ci, aucune blessure grave n’était à signaler mais cela s’était joué à peu de choses à en juger par le clou qui s’était fiché dans l’épaule d’un pauvre bougre. Mevan se précipita au milieu des débris pour en extirper ceux qui y étaient coincés avant de distribuer rapidement ses ordres pour reprendre au plus vite les travaux de construction. Un de ses plus fidèles sergents le regarda d’un air désabusé:

“Mon Commandant; avec tout mon respect, est-ce vraiment utile?
-Nous avons reçu des ordres et ils sont toujours valables. Nous irons au bout de ces travaux”.

L’officier supérieur posa une main rassurante sur l’épaule de son interlocuteur.

“Algast; je comprends ta frustration. Je la partage même. Mais nous devons montrer l’exemple à nos frères et continuer à avancer avec la tête haute. Si nous abandonnons maintenant alors qui pourra les guider?”

Le dénommé Algast acquiesça silencieusement. Ce sous-officier faisait partie des plus dévoués mais, ces derniers jours, le désespoir commençait lentement à gagner son noble coeur.

Mevan s’épongea le front et passa une main dans ses cheveux soyeux. Combien de temps pourrait-il tenir ainsi? A motiver les siens pour une mission à laquelle il croyait de moins en moins alors que tous semblaient les avoir oubliés, ou pire, abandonnés délibérément à leur sort. Il était un officier exceptionnel; brave, modeste, apprécié de ses hommes, juste et empathique; pourtant il restait un homme et aussi exemplaire qu’il était; il lui arrivait, la nuit de se retourner dans sa couche et de se dire “ A quoi bon?”

Epuisé, Mevan se dirigea vers sa tente pour se reposer quelque peu avant la patrouille du soir. Il avait à peine dormi la nuit précédente et il sentait que s’il ne prenait pas un peu de sommeil maintenant, alors il tomberait de selle. Il poussa la tenture qui masquait l’entrée de sa chambre.

Mais sa tente n’était pas vide.

Une silhouette encapuchonnée se tenait,stoïque, devant son lit. Sous le capuchon, deux iris d’un gris scintillant semblait sonder l’âme du jeune officier.  En alerte, le Gondorien mit sa main sur le pommeau de son épée et cria d’un ton autoritaire.

“Ceci est la tente d’un officier supérieur du Gondor, Soldat! Je vous ordonne de dévoiler votre identité et de quitter immédiatement les lieux si vous ne voulez pas en subir les conséquences.”

Mais au fond de lui, son instinct lui hurlait qu’il ne s’agissait pas simplement d’un homme de la troupe en quête d’un matelas plus confortable pour sa sieste quotidienne. La voix cristalline avec laquelle l’inconnu lui répondit confirma son pressentiment.

“Pourquoi tant de colère? Je crois pourtant savoir que je ne suis pas le premier étranger à me retrouver près de votre couche d’officier.”


A ces mots, la douce et rassurante image de Lithildren lui monta à l’esprit et son coeur s’arrêta l’espace d’un instant. Pendant un instant, il ne pensa plus qu’à elle… Comment allait-elle au sein d’une Cité Blanche en troubles? Avait-elle trouvé cet érudit de la Société des Chercheurs et par la même les réponses à ses questions? Quid du sorcier et de la machination qu’elle avait évoquée? Le souvenir de sa chevelure sombre et du goût de ses lèvres le firent frissonner alors que son parfum envoûtant hantait encore sa mémoire. Pensait-elle encore à lui chaque nuit de la même manière qu’il chérissait ses moments passés avec elle?

Chance se reprit rapidement face à la silhouette qui n’avait toujours pas bougé d’un iota. Comment savait-il ? Tout cela était trop suspect. Après un temps de réaction relativement long, Mevan dégaina sa lame et la pointa vers l’intrus. Il crut alors apercevoir un léger rictus amusé sur le visage dissimulé. Sans crier gare, avec une rapidité et une grâce surhumaine, le mystérieux personnage dégaina à son tour son épée et la fit tournoyer. Sans qu’il ne comprenne vraiment comment, le Gondorien regarda, impuissant, son arme voler à l’autre bout de la pièce.

Cette fois il était franchement effrayé et ainsi désarmé craignait pour sa vie. Fier officier, il essaya tant bien que mal de rester droit et d’adopter une expression impassible

Il demanda d’un ton défiant:

“Que voulez-vous bon sang?
- La Cité Blanche… Je cherche à y entrer. Je sais que je ne suis pas le premier de mon espèce à vous adresser cette requête.”

Mevan jeta un coup d’oeil à la lame de son opposant qui se trouvait désormais sous son menton mal rasé. Elle était de facture elfique.


#Serambeür
La suite : Qui sauve une criminelle se charge de son crime
Sujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 22 Sep 2018 - 13:32

Même s'il avait très envie de croire aux paroles de l'Elfe, le commandant de Pelargir se montra relativement méfiant vis-à-vis de la version qu'elle lui offrit. Il aurait aimé être mis au courant de son plan avant qu'elle se lançât dans un double jeu qui lui donnait le sentiment d'avoir été mis à l'écart. Sa mine peu rassurée ne trompait pas, mais il préféra ne faire aucun commentaire, trop curieux de savoir quelle avait été la teneur de l'échange avec Erelas. Ou tout du moins, ce qu'elle lui rapporterait de cet échange. Il ne savait plus très bien à quel point elle était sincère avec lui, et il avait l'impression qu'elle le manipulait sans la moindre difficulté pour arriver à ses fins. Et les paroles que l'Elfe prononça ne firent que confirmer son impression. Elle avait l'intention d'entrer à Minas Tirith, mais de le laisser derrière. Et elle osait lui demander de garder son sang-froid ? Il répondit sur un ton sec :

- Je pensais que nous étions ensemble dans cette affaire…

Il y avait de la déception chez lui, mais il ne laissa pas vraiment à Lithildren le temps de réagir à ce sentiment qui s'effaça de ses yeux rapidement, remplacé par un profond désarroi. Il y avait beaucoup de secrets et de mystères, des négociations et des mensonges… tant de choses que le commandant ne maîtrisait pas. Il était un homme d'action, connu et reconnu pour sa franchise. Il ne savait pas comment évoluer dans cet univers complexe et politique… il n'avait même pas envie d'apprendre les règles d'un jeu qu'il trouvait aussi méprisable que futile. C'était peut-être cela qu'il avait dans son regard quand il observait Lithildren désormais. Il était persuadé qu'elle lui avait dit la vérité au sujet de cette fraternité, de cet homme qui l'avait violentée… Toutefois il n'approuvait pas ses méthodes, et il lui semblait qu'en s'engageant sur la voie de la tromperie et du mensonge elle s'éloignait des valeurs qu'elle disait défendre, et se rapprochait de l'homme qu'elle traquait.

- Soit, je ferai comme tu veux. Je ne protesterai pas et je te laisserai mener ton enquête sans moi. Je peux même jouer la comédie, si cela peut t'aider à convaincre Erelas.

C'était un renoncement pour le commandant. Un renoncement à beaucoup de choses. Il tournait le dos à sa cité et à ses principes, d'abord. Mais aussi à Lithildren dans une certaine mesure, et à la quête de cette dernière. Elle avait ses combats à mener, et il le comprenait fort bien, mais lui aussi avait des responsabilités. Il devait veiller sur près de deux mille pères de famille, frères, fils ou cousins, qui attendaient avec impatience et anxiété le moment où la guerre déferlerait sur eux. Il devait s'assurer qu'ils seraient bien traités, et qu'il en ramènerait autant que possible à la maison. Ce n'était peut-être pas aussi noble que de sauver la Terre du Milieu d'un grand danger, mais c'était son devoir, et il le prenait à cœur. Lithildren comprit peut-être que quelque chose s'était cassé chez Mevan, car elle enchaîna immédiatement sur la question de Minas Tirith et de son étrange fermeture, regagnant instantanément son intérêt :

- Erelas t'a dit de ne rien me dire ? Je ne comprends pas… Tu as raison, ce n'est pas normal. Mais je ne peux rien faire en tant que simple officier.

Plusieurs hypothèses défilèrent dans son esprit, mais il préférait ne pas y accorder de crédit. Elles étaient trop folles pour être considérées à la légère, et il n'était pas homme à se laisser aller à la paranoïa. Cependant, toute cette situation semblait avoir pris des proportions gigantesques, qui les dépassaient tous les deux. Et cela l'effrayait. Le royaume qu'il avait toujours servi fidèlement, et pour lequel il avait une admiration sans bornes, s'était-il transformé en un repaire de conspirateurs et de manipulateurs ? La confiance et l'amitié étaient-elles des valeurs devenues obsolètes à Minas Tirith ? Il commençait à le croire, et à se méfier de cette noblesse qui se plaisait à garder la roture dans l'ignorance. Lithildren semblait craindre également, et tout à coup elle redevint l'Elfe perdue et fragile qu'il avait vue la veille au soir.

Soudainement, tombant les masques maintenant qu'Erelas était au loin, elle lui parla à cœur ouvert de ses craintes, de ses appréhensions, et de son désir de ne pas affronter cette situation toute seule. Pendant un instant, Mevan se demanda si elle ne faisait pas cela juste pour l'amadouer, mais il devina la sincérité derrière ses paroles, et il la comprenait. La glorieuse forteresse des descendants d'Elessar était devenue un nid à serpents, et elle devait abandonner la seule personne prête à la soutenir pour s'engouffrer dans ce qui ressemblait à s'y méprendre à un piège. Il soupira profondément lorsqu'elle lui confia qu'elle ne lui mentirait jamais, et qu'elle méritait sa confiance. Il aurait voulu pouvoir le croire absolument, mais une part de lui demeurait sur le qui-vive. Elle n'avait pas su le rassurer entièrement, et il s'en voulait de ne pas pouvoir lui accorder le même crédit que quelques heures plus tôt. Il avait été blessé, meurtri, et elle l'avait utilisé comme un pion pour ses desseins plus grands. Même s'il acceptait d'être une modeste pièce sur l'échiquier – n'était-il pas soldat après tout ? –, il avait pensé qu'elle montrerait davantage de considération pour lui.

Peu désireux de lui infliger ce qu'elle lui avait infligé, il s'appliqua à lui montrer qu'il restait encore de l'honneur chez les Hommes, et répondit :

- Tu vas y arriver, Lithildren. Si ce que tu m'as dit est vrai, alors tu n'as pas le choix. La peur ne doit pas t'arrêter. Mais pour ne plus être seule, tu devras simplement apprendre à te reposer sur les gens. J'étais prêt à t'aider, Lithildren…

Il aurait voulu poser une main sur la sienne, mais il savait qu'il devait entretenir l'illusion. L'Elfe lui avait bien dit qu'il devait faire comme s'il se sentait trahi, et les démonstrations d'affection n'étaient plus de mise. Il inspira profondément, et souffla :

- C'est l'heure pour nous de nous séparer. Puisses-tu réussir dans ton entreprise, et sauver ce monde qui nous est cher. Quant à moi, je m'en retourne auprès de mes hommes. Ils ont besoin de moi.

Son regard était au moins aussi déterminé que celui de la guerrière. Il n'était peut-être qu'un grain de sable dans le vaste monde, mais il était résolu à faire ce qu'il croyait juste, et à vivre son existence éphémère en restant fidèle à ses valeurs et à ses principes. C'était peut-être stupide du point de vue d'une créature immortelle, mais il s'accrochait à cela pour donner un sens aux années qu'il avait à passer en Arda.

- Peut-être que nous reverrons-nous quand tout ceci sera terminé. Si la guerre ne m'emporte pas avant.

Sans laisser le temps à Lithildren de répondre, il fit faire volte-face à sa monture, et l'éloigna au galop vers Rammas Echor. Il ne se retourna pas, feignant de se désintéresser totalement de l'Elfe. Il eut l'impression qu'elle lui lança quelque chose, mais les mots furent balayés par le vent qui lui fouettait le visage. Digne et fier, incarnation du modèle gondorien, il disparut bientôt de la vision de l'Elfe, fondu dans la masse grouillante des soldats, caché derrière les tentes innombrables qui parcouraient le Pelennor.

La guerrière était désormais face à son destin, avec pour seul horizon les immenses portes de mithril de Minas Tirith, et pour seul guide le capitaine Erelas : un homme dont elle ignorait à peu près tout. Il avait assisté à la scène de loin, et avait vu Mevan disparaître sans se retourner, vexé croyait-il d'avoir été tenu à l'écart de la situation à l'intérieur des murs. Il était désormais prêt à faire entrer l'Elfe, et attendait qu'elle le rejoignît. Pour Lithildren, c'était un nouveau cap à franchir, un nouveau défi, une nouvelle mission. Mais était-elle vraiment prête et armée ? Pourrait-elle faire face aux intrigues et aux faux-semblants ?

Que découvrirait-elle dans l'ombre de la Cité Blanche ?
Sujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 18 Sep 2018 - 18:50

Mevan regarda successivement Lithildren puis Erelas. Elle avait semblé hésitante au moment de donner le nom de l'homme qui l'avait envoyée ici, à Minas Tirith, ce qui pouvait paraître suspect. Le commandant de Pelargir ne savait pas si la mémoire lui faisait sincèrement défaut, ou si elle essayait de dissimuler l'identité de l'intéressé. Erelas fixa l'Elfe pendant un instant sans rien répondre, comme s'il la jaugeait. Il était difficile de savoir ce qu'il pensait de sa réponse, mais il se fendit d'un commentaire aussi laconique que frustrant :

- Je vois.

Et il n'ajouta rien, passant immédiatement au sujet qui les intéressait. Mevan espérait que cela ne poserait aucun problème, car il avait le sentiment qu'Erelas en savait davantage qu'il ne voulait bien l'admettre. Ils jouaient tous les trois un jeu de dupes, et se cachaient des choses les uns aux autres au lieu de parler franchement. En étaient-ils réduits à cela ? A ne plus savoir accorder leur confiance à quelqu'un qui se présentait pourtant comme un allié ? Les épaules du Commandant s'affaissèrent. Il trouvait cette situation désolante.

Alors qu'il était plongé dans ses réflexions, il vit Lithildren s'approcher d'Erelas pour lui glisser quelques mots à l'oreille. Quelques mots qui, de toute évidence, ne lui étaient pas destinés. Il fronça les sourcils malgré lui, surpris et quelque peu outré d'être traité ainsi. N'avait-il pas tendu la main à l'Elfe quand elle en avait eu besoin ? Il avait offert de l'aider dans la quête qu'elle s'était fixée, et elle avait paru rassurée d'avoir trouvé quelqu'un comme lui… quelqu'un d'honnête et de courageux. Mais désormais qu'elle avait en face d'elle Erelas, elle le tenait à l'écart plutôt que de parler franchement. Il fut bien incapable de cacher son désarroi, qui n'était pas de la colère mais simplement l'expression de sa profonde confusion. Lithildren lui avait paru si sincère, si perdue, si vulnérable… et aujourd'hui elle se comportait comme s'il ne valait pas mieux qu'un vulgaire brigand. Insaisissable et difficile à cerner, elle lui parut tout à coup tellement éloignée de lui-même. Cette Elfe le percevait sans doute comme un insecte à la vie éphémère qui n'était pas digne de son attention. Que valaient ses sentiments personnels et ses états d'âme face aux impératifs du monde. Elle existait dans un autre univers que le sien, et il avait été stupide d'imaginer… de croire que…

Il n'avait jamais eu aucune chance.


Erelas s'était étonné de la réaction de Lithildren. Pendant un instant, il avait cru qu'elle et Mevan allaient essayer de le convaincre de les laisser entrer au sein de la Cité Blanche, mais il semblait que les deux ne s'entendaient pas si bien que ça. Tout du moins, l'Elfe paraissait animée d'une volonté inébranlable, et elle ne s'arrêterait pour personne. Mevan, derrière elle, paraissait mal à l'aise d'être ainsi laissé de côté sans le moindre ménagement. Mais ce qu'elle lui glissa à l'oreille avait de quoi faire peur, et expliquer sa réaction empressée.

Une organisation pire que l'Ordre de la Couronne de Fer ? Un meurtrier en liberté ?

Voilà des mots qui agitaient forcément un militaire, et qui poussèrent Erelas à accorder une attention toute particulière à Lithildren. Aurait-elle été une simple humaine, une vagabonde sans nom et sans histoire qu'il ne lui aurait pas accordé la moindre attention et serait retourné derrière les épais murs de la cité sans tarder. Mais elle était une Elfe, et il accordait un certain crédit aux paroles du beau peuple. Il lui répondit sur le même ton de conspirateur :

- Tout ceci est très inquiétant, j'en ai peur… Vos intentions semblent pures, mais je n'ai pas le pouvoir de vous permettre d'accéder à Nallus. Il faudra que vous trouviez des raisons plus solides pour convaincre le général Cartogan. Des preuves tangibles. Nallus avait peut-être laissé quelque chose derrière lui qui pourrait vous aider.

Il marqua une pause lourde de sens. Ce n'était qu'une hypothèse, mais c'était bien leur meilleure chance car ils ne pouvaient pas défier frontalement l'autorité de Cartogan. Pas sans avoir derrière eux la force du droit et de la justice. Erelas ajouta :

- J'ai entendu des choses troublantes au sujet d'une organisation qui pourrait correspondre à celle dont vous m'entretenez. Une fraternité… Je pensais qu'il ne s'agissait que d'une lubie… Si c'est cela dont vous parlez, il est peut-être nécessaire que vous enquêtiez sur l'affaire sans tarder, d'ici à ce que vous puissiez entrer en contact avec monsieur Nallus.

Nouvelle pause. Cette fois, il jeta un regard à Mevan qui se trouvait derrière l'Elfe. Le commandant avait les mâchoires serrées, crispées, mais il s'efforçait de maintenir une attitude respectueuse. Il était théoriquement supérieur en grade à Erelas, mais les officiers de Minas Tirith jouissaient d'un grand prestige, et Erelas était un noble de haute lignée alors qu'il était de notoriété publique que Mevan n'était qu'un roturier.

- Ce n'est pas dans mes consignes, mais je peux négocier pour vous faire entrer à Minas Tirith si vous le souhaitez. A partir de là, je pourrai vous orienter vers l'université, où travaillait monsieur Nallus. Mais le commandant Mevan devra rester derrière, je n'ai pas l'autorisation de le faire entrer au sein de la cité. Vous devez aussi vous engager à ne pas parler de ce que vous verrez derrière les murs. Pas même au commandant.

Il examina soigneusement Lithildren, comme s'il voulait voir si sa résolution était si grande qu'elle était prête à entrer dans la ville en laissant derrière elle son meilleur allié :

- Si cela vous convient, je vous laisse expliquer la situation au commandant. Prenez le temps de réfléchir.

Sans attendre, il fit tourner sa monture et l'éloigna de quelques mètres, suffisamment pour laisser à Mevan et Lithildren l'espace de parler tranquillement. Le commandant s'approcha de l'Elfe, la curiosité ayant tout à coup remplacé la déception dans ses yeux innocents. Il fit mine de ne pas avoir été blessé par ces paroles murmurées loin de son oreille, et demanda avec un sourire de circonstance :

- Alors ? Qu'a-t-il dit ?
Sujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche
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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 17 Sep 2018 - 1:26

Mevan ne pipa mot en voyant l'Elfe s'adoucir subitement.

Il trouvait son comportement étrange, à la fois proche de ce qu'il imaginait d'une représentante du beau peuple, mais également très éloigné de l'image qu'il avait pu s'en faire. Il la trouvait curieusement fébrile, prompte à s'emporter et à se calmer dans l'instant, sujette à ses émotions comme si le mal pernicieux dont elle disait vouloir tous les protéger se trouvait juste là, juste à côté. L'imminence de la situation ne lui avait pas sauté aux yeux, et bien qu'il voulût aider Lithildren de son mieux, le Commandant avait beaucoup de mal à comprendre ses sautes d'humeur, qu'il aurait trouvées curieuses même chez une femme de son propre peuple. Mais il ne connaissait pas suffisamment les coutumes des Elfes pour se faire un jugement définitif, et il préféra en rester là, acceptant les excuses de la guerrière avec un haussement d'épaules, et la maigre sagesse qu'il avait acquise au cours de ses années dans la garde de Pelargir :

- Les problèmes difficiles ne peuvent pas se résoudre rapidement, en règle générale. L'empressement est la promesse de l'échec.

La promesse de l'échec.

S'il se fiait à ce que lui disait Lithildren au sujet de ce Gier, ils n'avaient pas le droit d'échouer dans leur mission. Pourtant, alors que leur ennemi semblait perdu dans la nature, ils en étaient rendus à attendre patiemment devant une porte close pour obtenir des informations. Remonter la trace de cet homme demanderait de la patience et de la persévérance, car à moins que l'Elfe lui eût caché des choses – ce qui était fort possible, après tout – elle semblait n'avoir aucune idée de l'endroit où le trouver, ni de comment le vaincre. Peut-être aurait-elle un jour besoin de bras vaillants pour l'emporter dans une bataille contre lui. Peut-être se souviendrait-elle alors du Commandant de Pelargir, qui avait proposé de lui offrir son assistance. L'amertume de Chance reflua légèrement, alors qu'il voyait approcher le vétéran Erelas.

Paradoxalement, alors que le militaire se détendait, Lithildren semblait gagner en nervosité. Elle avait l'air curieusement mal à l'aise, comme si tout à coup elle quittait ses habits d'aventurière désireuse de sauver le monde pour devenir une vulgaire vagabonde soucieuse d'être rossée par un représentant de l'armée royale. Mevan lui jeta un regard en coin, sans cacher sa surprise, pour ne pas dire son inquiétude.

Était-ce Erelas qui l'effrayait ainsi ? Ou bien ce qu'il représentait ? Savait-elle des choses qu'il ignorait ?

Il n'eut pas le temps de pousser ses questionnements plus avant, car déjà le Capitaine du Premier Cercle approchait.

Il écouta attentivement l'Elfe, essayant de réorganiser les éléments dans son esprit pour se faire un tableau fiable et précis de la situation. Il y avait beaucoup de paramètres à considérer de toute évidence, notamment le fait que Lithildren, malgré son éloquente présentation, s'était soigneusement abstenue de préciser l'identité de qui l'envoyait. Mevan nota également, mais il fut bien le seul dans ce cas, que la guerrière avait largement modifié son histoire pour adopter un récit qui mettait de côté les ambitions de sauver le monde et les ennemis des Peuples Libres. Pendant une seconde il se demanda pourquoi elle avait décidé de lui confier la vérité à lui, mais pas au Capitaine Erelas. Puis il prolongea son raisonnement, et se demanda finalement si la « vérité » qu'il croyait détenir n'était pas en définitive un autre mensonge destiné à lui garantir l'accès à la Cité Blanche… Était-elle fine au point de pouvoir le manipuler de la sorte, jouer sur sa bienveillance et son désir de protéger la Terre du Milieu pour le mettre dans sa poche ?

Il n'en croyait pas l'Elfe capable, mais que connaissait-il d'elle, finalement ?

Erelas ne sembla pas remarquer le trouble de Mevan, tout occupé qu'il était à faire le point, et il finit par répondre :

- Le fameux ami dont vous parlez… de qui s'agit-il ?

La question pouvait paraître innocente, mais elle ne l'était pas du tout en réalité. Erelas n'était pas un novice de la rhétorique et de la politique. Il connaissait beaucoup de monde dans la Cité Blanche, et ses connexions familiales faisaient de lui un personnage relativement influent à Minas Tirith, même s'il était affecté à l'heure actuelle à la défense du Premier Cercle – loin des affaires du palais, donc. Connaissait-il suffisamment bien Nallus et les gens qui fréquentaient l'Université de Minas Tirith pour distinguer un vrai nom d'un faux ? Difficile à dire, mais il avait des yeux de renard qu'il gardait braqués sur Lithildren, comme s'il attendait un faux-pas de sa part. Il laissa l'Elfe répondre dans un premier temps, avant d'enchaîner :

- Voyez-vous, monsieur Nallus a été inculpé pour des faits particulièrement graves, bien que je ne connaisse pas le détail de la procédure d'enquête à son encontre. J'ai bien peur qu'il faille d'excellentes raisons pour obtenir de pouvoir le voir. Pour l'heure, il n'a vu que ses gardes et son avocat, lequel a démissionné hier d'ailleurs. A part cela, toute visite est interdite. Vous comprendrez qu'on ne peut voir facilement un homme accusé de conspiration et de trahison… qui sait ce qu'il pourrait dire à un éventuel complice ? A moins qu'on ne vienne pour le faire taire définitivement s'il en savait davantage au sujet d'une quelconque conjuration.

Les accusations implicites d'Erelas étaient cinglantes, mais elles ne visaient pas spécifiquement Lithildren. Il ne connaissait pas l'Elfe, et il n'avait aucun grief personnel contre elle. Il se contentait de lui exposer les faits, et de lui rappeler que son insistance pouvait être mal perçue dans un contexte assez tendu au sein de la Cité Blanche.

- Le Général Cartogan tient l'armée sous son contrôle, et veille avec un zèle que je qualifierais d'excessif à ce que la sécurité et l'ordre règnent dans la cité. Comprenez bien qu'après tout ce que nous avons vécu, le Gondor ne puisse pas prendre à légère des accusations de complot.

Il faisait bien entendu référence à l'assassinat du prince en plein cœur du palais royal à Minas Tirith. L'affaire avait bouleversé le royaume de Gondor, et avait eu des conséquences politiques considérables sur toute la Terre du Milieu par la suite. Personne ne souhaitait revivre un tel événement… Erelas, qui s'en tenait à la même ligne que Mevan, essaya toutefois de se montrer conciliant :

- Si vous me disiez quel était le motif précis de votre visite, je pourrais faire remonter votre demande auprès de mes supérieurs, et essayer d'obtenir de leur part une autorisation de visite… Je ne peux rien vous garantir, cependant.

Le Capitaine ne lâchait pas Lithildren du regard, comme s'il se demandait si elle allait lui révéler les secrets qu'elle cachait à l'évidence. Il avait l'air de vouloir en savoir davantage au sujet des raisons qui l'amenaient dans la Cité Blanche, et qui la poussaient à voir Nallus. Était-il bien prudent pour l'Elfe de se confier à un homme dont elle ignorait tout ?
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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 8 Sep 2018 - 12:55

La réaction de Lithildren fut à la fois inattendue et parfaitement compréhensible. La colère. Un sentiment qui semblait animer toutes les créatures d'Arda, même les Elfes immortels qui se targuaient d'avoir dompté leurs émotions. Mevan cligna des yeux, laissant son étonnement de côté pour se concentrer pleinement sur ce qu'il avait à faire. Dans un premier temps, cela consistait à calmer la guerrière qui paraissait prête à mettre Minas Tirith sens dessus dessous pour retrouver l'homme de la Société des Chercheurs. Elle paraissait ne pas se rappeler qu'elle parlait à un officier de l'armée du Gondor, un homme qui avait prêté serment de défendre ses lois et son suzerain. Un homme qui ne pourrait pas la laisser devenir la « pire des criminelles » de la Cité Blanche. S'il se parjurait pour elle, il en viendrait à renier tout ce qu'il était pour une personne qu'il ne connaissait que depuis quelques heures. Son désir de l'aider était grand, mais il ne dépassait pas ses engagements auprès de sa famille, de ses hommes et de ses supérieurs. D'une voix où perçaient des accents de fermeté, sans méchanceté aucune, il rappela Lithildren à l'ordre :

- Peu importe ce que ce Nallus détient comme informations, cela ne peut justifier de s'écarter de la loi. Tu ferais beaucoup de vagues, et cela ne servirait ni ton ami, ni ta cause. Et puis on n'entre pas facilement dans les prisons de Minas Tirith…

C'était vrai. Avec toutes les menaces qui planaient sur le Gondor et la main ferme du Général Cartogan, il n'était pas aisé de s'introduire dans les prisons. Il faudrait être fou pour essayer de s'y introduire par la force, et à la connaissance de Chance il n'existait pas de moyen de s'y infiltrer par la ruse. Il n'était pas originaire de Minas Tirith, cela dit, mais à elle seule Lithildren ne pouvait pas venir à bout de la garnison de la capitale des Hommes. La bonne volonté ne bloquait pas les lames et les flèches.

Elle se reprit bientôt, et lui parla sur un ton un peu plus apaisé, où on devinait tout de même son désir d'agir vite et avec efficacité. Nallus représentait pour elle un élément important de son voyage, un individu crucial dans sa lutte contre l'homme qui l'avait torturée, blessée, et qui lui avait pris son meilleur ami. Elle ne pouvait pas simplement passer à côté, et Mevan le comprenait bien. Lithildren lui demanda dans détour de l'aider à rencontrer Nallus, ce qui fit froncer les sourcils du Commandant alors qu'il réfléchissait à la meilleure manière d'y parvenir. Mais ce furent les mots qu'elle prononça ensuite qui le clouèrent sur place, le laissant à la fois blessé et désabusé.

Le « laisser derrière » ? Une mission « trop dangereuse » ?

Les mots se fichèrent en lui comme des poignards, et il détourna le regard un instant, prenant appui sur la table pour ne pas flancher. Malgré toute l'aide qu'il pouvait vouloir lui apporter, malgré tout le soutien qu'il se proposait de lui offrir, elle n'envisageait pas de se reposer sur lui, et de lui faire confiance. Elle lui demandait de s'opposer à sa hiérarchie, de lutter contre les ordres, mais en retour elle ne voulait pas l'impliquer plus avant. Il dévisagea Lithildren un instant, perplexe. Puis, jugeant que le combat qu'elle menait primait sur ses sentiments personnels, il répondit avec un professionnalisme qui cachait mal sa meurtrissure :

- J'ai bien peur qu'atteindre Nallus soit impossible, et que mon rang n'y change rien… Cartogan est le Général de Minas Tirith, le représentant militaire du Haut-Roy Mephisto auprès de l'armée de Gondor. Il est au sommet de la hiérarchie, et j'ai bien peur que seul Sa Majesté puisse contourner son autorité. Mais ce n'est pas une chose envisageable : le Haut-Roy s'est retiré des affaires du royaume, et les imbroglios administratifs pour obtenir une audience auprès de lui seraient trop complexes.

Il essaya d'apporter un peu de réconfort à l'Elfe en lui proposant une solution alternative :

- Le Capitaine Erelas me touchait quelques mots de cette Société des Chercheurs dans son courrier. Apparemment elle siégerait à l'Université de Minas Tirith, et Nallus y avait ses quartiers avant d'y être arrêté par la garde. Je présume que nous pouvons commencer par là, et essayer de rassembler des informations auprès des gens qui le côtoyaient. Si ton ami a bel et bien été convaincu de trahison, alors il n'y aura rien à faire d'autre qu'attendre son jugement. En revanche, si nous pouvons montrer qu'il n'existe pas de preuves sérieuses, j'essaierai de peser de tout mon poids pour qu'il soit remis en liberté… ou au moins que tu puisses avoir une entrevue avec lui.

C'était ce qu'il pouvait proposer de mieux à Lithildren. User des voies légales, et essayer de faire fléchir le Général Cartogan grâce à des éléments tangibles et factuels qu'il ne pourrait pas contester. Mais cela impliquait au préalable de comprendre la nature exacte de ce qui était reproché à Nallus, afin de mieux le défendre. L'Elfe parut accepter, mais pendant un instant Chance se demanda si elle se rangeait derrière son idée parce qu'elle la trouvait sincèrement bonne, ou seulement parce qu'elle envisageait de le doubler plus tard, quand il lui aurait permis de s'introduire à Minas Tirith. Il espérait qu'elle ne tenterait rien de la sorte, car si le châtiment pour les criminels était exemplaire depuis que Cartogan avait été nommé, la punition pour leurs complices n'était pas moins douloureuse. En tant que membre de l'armée, cela signifierait dans le meilleur des cas la dégradation au rang de simple soldat, l'humiliation publique, et s'il était mis au rang des traîtres : un procès auprès des plus hautes instances de l'armée, et une exécution devant son régiment, afin de rappeler le sort des traîtres. Il avait beaucoup plus à perdre dans cette affaire que l'Elfe, mais il choisit de ne pas le lui révéler, et de garder un œil sur elle à la place.

Chance et Lithildren terminèrent de manger, puis le Commandant invita la guerrière à le suivre. Ils se mirent en selle, et prirent la direction de Minas Tirith. La cité semblait gonfler à mesure qu'ils en approchaient, les écrasant de toute sa hauteur. Les remparts du premier cercle, qui semblaient si petits avec la distance, étaient en réalité gigantesques, plusieurs fois la taille d'un homme. Ils étaient noirs, faits d'une pierre que l'on disait indestructible, surmontés de tours de garde où l'on voyait circuler des silhouettes menaçantes. Il y eut quelques cris au sommet de la Grande Porte quand les deux cavaliers arrivèrent, probablement des ordres braillés ici et là pour entretenir la discipline et répéter les manœuvres. Chance ne s'inquiétait pas particulièrement de recevoir une flèche mortelle – même si un incident récent avec entaché la réputation des hommes d'Osgiliath précisément dans cette situation –, mais il s'agaça de voir qu'aucun émissaire ne venait à leur rencontre. Il finit par s'exclamer d'une voix puissante :

- Hommes de la garde, je suis le Commandant Mevan de Pelargir. Je demande à parler à votre supérieur, et à entrer à Minas Tirith en compagnie de Dame Lithildren, une noble Elfe en visite au Gondor.

Il jeta un regard à l'Elfe. Révéler son identité n'était peut-être pas à son goût, mais il avait décidé de faire les choses honnêtement. Si elle n'avait rien à cacher, elle ne verrait aucun inconvénient à se voir nommée. Avant d'avoir pu capter sa réaction, il tourna la tête vers le haut mur pour écouter ce que lui lançait un soldat :

- Commandant, toutes mes excuses. Nos ordres sont stricts, nous ne devons laisser entrer personne, pas même les plus hauts dignitaires de l'armée. Le Capitaine de la Grande Porte est… il est absent pour le moment.

- Soldat, je viens ici pour une affaire d'importance. Votre officier supérieur étant absent, je vous charge d'aller trouver le Capitaine Erelas, et de le faire venir séance tenante.

L'homme accepta la directive, et s'éloigna d'un pas leste. La porte de Minas Tirith, quant à elle, demeurait close devant les deux visiteurs. Mevan fit signe à Lithildren de s'éloigner quelque peu : il n'aimait pas se trouver ainsi dans l'ombre d'un tel édifice, il se sentait à la merci des hommes qui les observaient depuis le haut des remparts, avec l'impression désagréable d'être considéré comme un étranger dans son propre pays.

- La guerre est une chose, mais pourquoi nous refuser l'accès à la Cité Blanche ? Lança Mevan à haute voix. C'est comme s'ils voulaient nous cacher quelque chose.

Il n'était pas complotiste, mais il avait entendu ses hommes souscrire à plusieurs théories, et il commençait lui-même à leur donner un certain crédit. La volonté affichée de la garde de Minas Tirith de les conserver à l'extérieur des murs n'était pas normale… Chance n'ajouta rien, laissant ses doutes se dissoudre dans les airs, emportés par la petite brise qui apportait une fraîcheur bienvenue face aux rayons du soleil. Il allait encore faire très chaud aujourd'hui. Ils attendirent ainsi pendant un moment, bavardant de choses et d'autres, avant qu'une poterne ne s'ouvrît doucement, laissant passer un cavalier solitaire. Alors qu'il approchait, Mevan reconnut Erelas, et il fit aller sa monture à sa rencontre, suivi de près par l'Elfe.


Erelas était un officier plus âgé que Chance, qui avait l'air de disposer d'une solide expérience acquise dans un bureau. Il était propre sur lui, bien habillé, et il faisait partie de cette aristocratie militaire qui acquérait ses lettres de noblesse loin des champs de bataille. Cela ne changeait rien au fait qu'il avait l'air assez sympathique, malgré sa mine sérieuse et fatiguée. Epuisée, même. On aurait dit qu'il n'avait dormi de la nuit.

- Commandant Mevan, fit-il d'une voix lasse, heureux de vous voir. Je pensais bien que vous viendriez après avoir reçu mon message. Madame… Je suppose que vous êtes l'amie de monsieur Nallus, n'est-ce pas ?

Il s'était tourné vers Lithildren, et lui avait adressé un signe courtois de la tête. Les politesses laissées de côté, Chance entra immédiatement dans le vif du sujet :

- Capitaine, Dame Lithildren souhaiterait entrer en contact avec monsieur Nallus. J'ai bien peur que ce soit impossible à l'heure actuelle, mais peut-être pourrez-vous répondre à ses autres questions. Lithildren ?

Laissant la parole à l'Elfe, il choisit de lui permettre de parler directement à Erelas. Elle seule pouvait choisir quelles étaient ses priorités à cet instant précis.
Sujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 8 Sep 2018 - 0:14

Les larmes de Lithildren étaient sincères.

D'une sincérité désarmante pour le Commandant, qui ne savait plus que dire. La tenir dans ses bras ainsi, l'écouter sangloter, tout celui lui brisait le cœur. Il aurait tant voulu pouvoir combler le vide qu'il sentait dans la poitrine de la guerrière, mais il se savait incapable d'y parvenir. Et en retour, il avait l'impression qu'elle venait de lui enlever quelque chose, de capturer une partie de ses espoirs et de les emporter avec elle. Il ne pleurerait pas. Ses dernières larmes avaient été pour son père, et depuis la source s'était tarie. Pourtant il se sentit secoué par une vague de tristesse, et pendant un temps ils restèrent là tous les deux, conscients de la présence de l'autre… Conscients de leur absence l'un pour l'autre également. Un drôle de sentiment. Doux amer.

Terrassé par la fatigue, Mevan sombra dans un sommeil bien mérité après sa longue journée. Il était las, et fatigué, mais il avait réussi à tenir jusqu'à sentir la respiration de l'Elfe s'apaiser, devenir plus régulière, plus profonde. Il avait cru naïvement qu'elle s'était assoupie, et bientôt il avait basculé lui aussi. Ses rêveries furent peuplées de visions fantomatiques trop familières. Des visages déformés par la rage, des couleurs psychédéliques qui jaillissaient dans toutes les directions en lui soufflant au visage des odeurs âcres et putrides. Il entendit des voix moqueuses lui crier des choses qu'il ne comprenait pas. Des mots hachés, saccadés, martyrisés. Et toujours elles s'éloignaient en riant quand il tentait de s'en approcher, d'en comprendre le sens.

Il s'éveilla malgré lui au cours de la nuit, comme bien souvent ces derniers temps. Ses cauchemars ne le quittaient pas, et tiraient sur son sommeil déjà naturellement agité par toutes les contrariétés qu'il devait gérer au quotidien. Pendant un temps, il resta à fixer le plafond, derrière lequel il distinguait le halo pâle de la lune et des étoiles. Puis il se rendit compte que Lithildren n'était pas là. Elle s'était évanouie aussi rapidement qu'elle était entrée dans son existence, disparaissant grâce à la magie des Elfes. Un rêve, sans aucun doute, et demain matin personne dans le camp ne se souviendrait qu'elle avait jamais existé. Une création de son esprit, une chimère envoyée pour le perturber, le distraire de sa tâche.

Vraiment ?

Il sentait encore l'odeur de ses cheveux sur l'oreille, et voyait la trace de son corps svelte dans les draps. Pendant un instant, il se sentit bête. Bête de n'avoir pas cédé à la tentation, bête d'avoir cru dans ses principes et d'avoir défendu l'honneur de cette femme alors qu'elle était prête à s'ouvrir à lui. Bête également car il savait que ses désirs ne trouveraient jamais leur accomplissement auprès d'une femme qui continuerait à exister bien après qu'il eût disparu sous la terre. Il se sentit tout à coup faible et inutile, ridicule presque. Que faisait-il là, à Minas Tirith, à attendre un ennemi qui demeurait sagement tapi dans l'ombre de Cair Andros ? Chaque seconde qui passait était une goutte de son existence qui se perdait dans l'infini… A quoi bon ?

Il se rendormit malgré lui avec ces pensées tourbillonnant dans son esprit, et cette question qui ne voulait plus le quitter : « à quoi bon ? ». Son sommeil fut interrompu une nouvelle fois cette nuit-là pas le froissement des draps alors qu'une silhouette familière prenait place près de lui. Lithildren était revenue. De manière inexplicable, cela lui procura un sentiment de réconfort, et il ne parvint même pas à cacher qu'il s'était réveillé, se contentant d'ouvrir des yeux ensommeillés et de murmurer :

- Vous êtes là…

Un simple constat, dans lequel on sentait poindre des accents soulagés. Il l'avait pensée perdue à jamais, galopant vers l'horizon sans se retourner. Pour une raison qui lui échappait, elle avait choisi de faire demi-tour, et de revenir auprès de lui. La nuit portait conseil, disait-on, et Lithildren semblait avoir puisé dans l'air nocturne les réponses qu'elle cherchait. Elle avait l'air… différente. En quoi ? Il n'aurait su le dire, car après tout il ne la connaissait que depuis très peu de temps. Mais l'abattement qu'il avait lu son visage s'en était allé, remplacé par quelque chose d'autre. Était-ce de la détermination ? Ou bien de la résignation ? Avait-elle trouvé une nouvelle foi pour affronter les ténèbres qui s'abattaient sur la Terre du Milieu, ou bien acceptait-elle avec plus de sérénité la nature d'un combat inéluctable ? Elle ressemblait à ces guerriers avant une grande bataille. Mevan en avait déjà vu beaucoup, et il savait reconnaître ces yeux. Ces yeux qui disaient « peu importe la fin », comme un défi à la vie, un renoncement aussi.

Les Elfes fonctionnaient-ils ainsi également ?

Lithildren vint se blottir contre lui, et ils s'endormirent bientôt l'un contre l'autre. Deux âmes si différentes, ballottées par les tempêtes de l'existence, et qui puisaient dans leur présence réciproque un semblant d'espoir. Un pieux mensonge qui s'évanouirait avec les premiers rayons du soleil, quand la chaleur de l'été remplacerait cette de leurs corps enlacés. Mevan se laissa engloutir par les dernières heures de la nuit, conscient que le matin arriverait bien trop vite. Comme toujours.


~ ~ ~ ~


Probablement épuisée après avoir chevauché longtemps, Lithildren avait besoin de refaire ses forces. Le Commandant s'éveilla avant elle, et profita de ce qu'elle dormait pour l'observer un instant. Elle avait les traits apaisés, innocents. Pour une fois, il ne voyait plus le souci barrer son front d'un pli anxieux, ni ses iris traduire la profonde lassitude qui gagnait son cœur. Il n'y avait qu'elle, et sa respiration profonde, régulière. Ses yeux légèrement entrouverts le surprirent de prime abord, mais il comprit bien rapidement qu'elle ne le voyait pas plus qu'elle ne l'entendait. Elle était plongée dans une forme de méditation profonde, mais puisque le danger était loin, elle n'avait aucune raison de s'agiter. Il ne la dérangea pas davantage, et se leva tranquillement pour faire une toilette rapide, et s'habiller.

Mevan était un homme matinal, qui s'éveillait souvent aux premières lueurs du jour pour accomplir toutes les tâches qu'il se fixait pour la journée. Ce n'était pas un bureaucrate, et il ne supportait pas de passer ses journées dans un bureau. Au lieu de quoi, il s'attachait à garder les pieds sur le terrain, auprès de ses hommes. Certains, en le voyant passer, lui adressèrent des signes chaleureux de la main. D'autres, qui le connaissaient un peu mieux, quelques sourires entendus. La présence d'une Elfe au sein du camp n'avait pas tardé à circuler, et avec elle les rumeurs sur l'endroit où elle avait passé la nuit. Il capta même un soldat qui lâcha « le chanceux » sur son passage. Ce n'était guère méchant, et cela ne nuisait pas vraiment à sa réputation, pas davantage qu'à celle de Lithildren d'ailleurs. Les racontars de soldats étaient ce qu'ils étaient, et les hommes se fichaient en définitive de savoir qui partageait la couche de qui. Tout ce qui leur importait était d'avoir un sujet léger dont ils pouvaient discuter avant d'affronter les difficiles réalités de leur quotidien.

Le Commandant s'attela donc à ses obligations qui, comme tous les matins, consistaient à aller saluer les hommes qui assuraient la garde de nuit du mur, pour leur demander des nouvelles. Et comme d'habitude, leurs réponses furent désespérantes. Ils n'avaient pas vu trace de mouvement ennemi, et ils s'étaient ennuyés à mourir. Mevan essaya de les garder alertes en leur disant qu'ils n'avaient pas encore reçu l'ordre de baisser leur vigilance, et qu'ils devaient se montrer prudents. « C'est toujours quand on s'y attend le moins que l'ennemi frappe », leur avait-il dit, en espérant les convaincre. Cela faisait des jours et des jours qu'il leur servait le même discours, et il commençait à être à court d'arguments. Ayant vérifié que tout le monde était à son poste, qu'il n'y avait pas eu de brèche dans leurs défenses, et qu'aucun espion ennemi n'avait été pris, le militaire prit la direction des cuisines où il récupéra un petit déjeuner préparé spécialement par des cuisiniers venus de Minas Tirith. C'étaient pour la plupart des volontaires qui venaient prêter main-forte aux soldats en leur préparant des repas un peu plus élaborés que ceux dont ils se nourrissaient ordinairement en campagne. C'était une véritable aubaine que de pouvoir avoir du pain frais et des légumes à se mettre sous la dent, au lieu des biscuits secs auxquels ils étaient habitués. Mevan se fit servir deux généreuses portions, auxquelles il ajouta – privilège lié à son grade – deux pièces de jambon qui lui permettraient de commencer la journée du bon pied. Deux assiettes pour lui et Lithildren, naturellement, qu'il ramena donc dans sa tente.

Il ne prit pas la peine de s'annoncer, pensant que l'Elfe dormirait encore, mais en réalité elle était déjà réveillée et il la trouva en train de s'habiller. Rosissant jusqu'aux oreilles, il s'excusa maladroitement avant de se souvenir que les courbes élégantes des hanches qu'il essayait de ne pas voir aujourd'hui s'étaient retrouvées sous ses doigts la veille. Sa pudibonderie le quitta alors qu'il endossait de nouveau son rôle de Commandant. Posant l'assiette de Lithildren sur la table, invitant cette dernière à s'asseoir, il sortit de sa poche un courrier qu'il n'avait encore montré à personne, et qu'il n'avait pas décacheté :

- J'ai reçu la réponse du Capitaine Erelas, il a dû prendre en compte l'urgence de votre demande, et faire parvenir sa missive dans les plus brefs délais. Mais je vous en prie, commencez, je vais voir ce qu'il dit.

Le caractère potentiellement confidentiel de cette lettre impliquait qu'il ne pouvait pas laisser l'Elfe en prendre connaissance avant lui. Il parcourut le pli soigneusement, mais à mi-chemin ses sourcils se froncèrent, et il afficha une moue d'abord perplexe, avant d'être totalement décontenancé. Levant les yeux vers Lithildren, il souffla :

- Votre contact… Nallus c'est bien ça ? Nallus de la Société des Chercheurs ?

L'approbation de l'Elfe était bien inutile : il n'y en avait pas deux dans la Cité Blanche. Ce fut peut-être pourquoi les mots de Mevan parurent aussi solennels :

- Il a été emprisonné il y a quelques jours, sur ordre direct du Général Cartogan… Apparemment, ils auraient retenu des charges de trahison et de complot contre lui…

Le Commandant ne trouva rien à ajouter, et son regard désemparé plongea dans celui de Lithildren.
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 4 Sep 2018 - 15:57

Dans l'obscurité, chaque son autour d'eux était décuplé. Leurs sens tendus à l'extrême percevaient le moindre souffle s'échappant de leurs lèvres entrouvertes, le bruit de leurs corps glissant dans les draps, le battement de leurs cœurs qui tambourinaient dans leurs poitrines. Mevan regretta d'avoir posé sa question à l'instant où Lithildren commença à lui en donner la réponse.

« Prisonnière ».

Ce mot le fit frémir. Qu'y avait-il de plus horrible que de retenir quelqu'un contre sa volonté, l'enfermer dans un endroit sombre et sans lumière où il perdrait peu à peu tout espoir de vivre et de se battre ? C'était la raison pour laquelle on réservait ce châtiment uniquement aux ennemis du royaume, aux criminels… Lithildren n'était ni l'une ni l'autre, et l'imaginer captive aux mains d'un homme aussi ignoble et dangereux lui glaçait le sang. Il entendait dans son récit tout ce qu'elle ne lui disait pas. Quelques mots ne pouvaient pas dissimuler les heures d'angoisse et de peine, la crainte terrible qui saisissait le cœur même des plus vaillants, et qui faisait trembler mêmes les plus braves. Elle ne lui raconta pas par quels sévices elle était probablement passée. Une torture aussi bien psychique que physique, qui laissait des plaies béantes qui mettaient des années à se refermer.

Les Elfes étaient endurants, mais même eux connaissaient la souffrance…

Elle lui parla en quelques mots de son geôlier, esquissant en phrases concises et terrifiantes le portrait de ce monstre à l'âme noircie par le vice. Un meurtrier qui avait commis des crimes innombrables, et qui courait aujourd'hui en liberté, seulement pourchassé par une Elfe solitaire et cette Société des Chercheurs. Les armées du Gondor auraient dû se mobiliser, et prêter assistance à Lithildren, pour lui permettre de retrouver l'homme en question. Au lieu de quoi, ils étaient cantonnés ici, à attendre un ennemi qui ne venait pas. Mevan aurait tant voulu faire quelque chose. N'importe quoi. Mais il ne pouvait pas quitter son poste, ni son commandement, ni ses hommes qui comptaient sur lui. Un soupir s'échappa de sa poitrine, et il souffla à voix basse :

- L'avarice… Voilà bien une chose méprisable, et vile. Vos tourments ignobles, endurés pour une chose aussi futile que la richesse… Je suis désolé…

Désolé il l'était, pour beaucoup choses. Désolé pour la perte subie par l'Elfe : son ami d'enfance, probablement mort à l'heure actuelle. Et tous ces innocents qu'elle avait vu mourir dans les souterrains où elle avait été retenue prisonnière. Désolé aussi de ne pas avoir pu être là, même si c'était une pensée bien enfantine. Il n'aurait jamais pu savoir, il n'aurait jamais pu se trouver sur place, mais il s'en voulait néanmoins de savoir que la femme avait affronté tous ces tourments seule. Seule face à la cruauté du monde et des Hommes. Il en connaissait quelque chose, et compatissait à sa souffrance.

En retour de la confession qu'elle lui avait glissé à l'oreille, elle l'interrogea sur les marques qu'il avait dans le dos. Des cicatrices qui remontaient à loin, désormais, mais dont le souvenir ne s'effacerait probablement jamais. Il lâcha un second soupir, plus profond encore, et garda le silence un moment, comme s'il cherchait ses mots. Puis il finit par lâcher :

- Parce que je n'ai pas voulu trahir quelqu'un…

Il prit une grande inspiration, comme si cette révélation était un poids dont il venait de se décharger brusquement. A dire vrai, peu de monde connaissait son histoire, et ceux qui avaient vu ses cicatrices – principalement des hommes du régiment – avaient cru qu'il s'agissait de la marque d'une insubordination passée. En réalité, c'était un peu le cas. Il s'était rebellé. Il avait refusé d'obéir aux ordres pour défendre quelqu'un qu'il aimait, et parce qu'il croyait dur comme fer dans les valeurs du Gondor. Les mots s'échappèrent de sa bouche un à un, comme s'il faisait un effort physique pour se libérer de ce fardeau. C'était bien la moindre des choses, sachant que Lithildren venait de lui confier sa propre histoire :

- Un jour… il y a un peu plus de dix ans… les Haradrim ont attaqué le Gondor. Ils sont surgis de nulle part. Ils étaient des centaines.

Il les revoyait encore. Leurs hautes voiles noires glissant sur les fleuves, tandis que les navires vomissaient des combattants assoiffés de sang et de carnage, qui couraient dans les champs en tuant tout sur leur passage. Les hommes qui résistaient étaient massacrés, les femmes et les enfants étaient violés, torturés, et réduits en esclavage. Il avait vu de ses yeux les exactions des pirates. Il avait vu leur sauvagerie, leur violence…

- Les gens de mon village ont réussi à se cacher. Mon père et moi, nous sommes restés derrière. Ils nous ont pris. Ils nous ont torturés. Encore. Et encore. Et encore.

Son corps avait fait disparaître une partie des sévices subis, que beaucoup n'imaginaient pas. Les Pirates avaient pris soin de ne pas toucher à son visage, comme une vengeance moqueuse pour ses traits déjà charmeurs à l'époque. « Belle gueule », qu'ils l'appelaient pendant qu'ils le tabassaient à coups de bâtons.

- Nous n'avons rien dit. Ils m'ont menacé de tuer mon père devant moi si je ne leur révélais pas l'endroit où se cachait le reste du village. Mais je n'ai rien dit.

Il n'eut pas besoin d'en dire davantage. Ils l'avaient forcé à garder les yeux ouverts, alors qu'ils mettaient leur menace à exécution. Ils avaient pris leur temps. Ils ne l'avaient pas tué d'un coup sec, non. Ils l'avaient taillé en pièces, l'avaient fait souffrir horriblement, jusqu'à ce qu'il rendît enfin son dernier soupir. Et quand enfin il avait expiré, Chance avait compris que son tour était venu. Ils allaient le punir de son outrecuidance, de ne pas avoir voulu révéler quoi que ce fût. Mais ils n'en avaient rien fait.

Ils s'étaient contentés de le jeter par-dessus bord avant de lever l'ancre.

Il n'avait jamais compris pourquoi ils l'avaient épargné. Il ne comprendrait sans doute jamais. Aujourd'hui encore, il en éprouvait une honte indicible. Une culpabilité sans nom. Celle d'avoir survécu alors que tant d'autres étaient morts. Son prénom, dont on lui rappelait souvent le sens sur un ton moqueur, l'avait poussé à se questionner. Était-il réellement né sous une bonne étoile ? Les Valar veillaient-ils sur lui ? Avait-il un noble objectif à atteindre dans la vie ?

Ou bien était-il simplement… chanceux ?

La réponse lui échappa lorsqu'il sentit Lithildren bouger à ses côtés. Elle se pencha vers lui, et avec une douceur incroyable lui déposa une marque de son affection sur les lèvres. Il demeura un instant pétrifié, comme s'il n'arrivait pas à décider s'il s'agissait d'un rêve ou de la réalité. Il sentait le parfum de ses cheveux propres, et la pointe de ceux-ci qui caressaient son torse et son épaule. Cela ne pouvait pas être un rêve. Hésitant tout d'abord, il réagit peu à peu, entrouvrant ses lèvres et répondant à l'ardeur de l'Elfe. Leur baiser timide devint de plus en plus profond, alors qu'il refermait ses mains sur les hanches de sa compagne d'un soir pour la serrer contre lui.

Il l'invita à se presser contre son corps, et leurs respirations mêlées s'accélérèrent tandis qu'il lui caressait le visage, la joue, le menton. Il posa son front contre le sien, mettant un terme à leur folie en gardant le goût sucré de ces lèvres pulpeuses sur sa langue. Il n'avait pas lâché Lithildren pour autant, comme si une partie de son être avait envie de la garder toute proche. Ses doigts couraient négligemment sur la peau de la guerrière, jouant avec ses cheveux. Il souffla :

- Vous aimez quelqu'un d'autre…

Il l'avait ressenti. Ce baiser à la fois tendre et désespéré, plein d'affection et de solitude. Elle y avait mis toute sa sincérité, répondant à un élan du cœur, mais elle ne pouvait pas lui mentir sur la nature des sentiments qui l'animaient. Il referma des bras protecteurs autour de l'Elfe, lui permettant de nicher sa tête au creux de son épaule qui semblait faite pour elle. Il la sentit tout contre lui, alors que d'une main aussi douce que pouvait l'être celle d'un guerrier, il lui caressait le bras.

Il ne pouvait pas aller plus loin. Il aurait eu l'impression d'abuser de la situation, d'exploiter sa tristesse… On lui avait raconté un jour une légende, comme quoi les Elfes ne pouvaient aimer qu'une seule et unique personne au cours de toute leur existence. Un amour si fort et si solide que si l'un des deux venait à quitter la Terre du Milieu, l'autre perdrait toute volonté d'exister ici, et souhaiterait rejoindre son compagnon dans les terres immortelles de Valinor. C'était ce qu'il ressentait chez Lithildren. Une partie d'elle-même était ailleurs, auprès de cet être aimé.

Elle était comme perdue, en manque d'amour, et elle cherchait en lui quelque chose qu'il ne pouvait pas lui donner.

Il n'était pas un Elfe. Il n'était pas un être immortel traversant les âges et oubliant grâce à la magie du temps les souffrances de la jeunesse. Lithildren, peu importe l'âge qu'elle pouvait avoir aujourd'hui, continuerait d'exister jusqu'à la fin des temps. Lui, simple soldat, disparaîtrait bientôt dans l'oubli. Sa vie était un battement de cil à l'échelle de celle de l'Elfe, et elle cherchait dans ce battement de cil à remplacer un amour éternel et inébranlable… Mevan savait ne pas être à la hauteur de la tâche, et s'il avait cédé à la tentation, au désir qu'il ressentait, il serait devenu une épine de plus dans la chair de l'Elfe qu'il entendait protéger. En lui donnant un amour d'Homme, il aurait blessé son cœur elfique, et il ne le souhaitait pour rien au monde.

Cependant, s'il ne pouvait pas lui donner l'amour dont l'absence lui pesait, il pouvait au moins partager la chaleur de son corps et de son âme. Il la serrait contre lui comme pour la protéger de tous les tourmenteurs du monde, et lui faire oublier l'espace d'une nuit la guerre, la mort, la violence et la vengeance.

- Demain viendra bien assez tôt, murmura-t-il à son oreille. Dormez, ayez confiance. Je veille.

Et, comme pour appuyez ses propos, il alla déposer un ultime baiser sur les lèvres de la guerrière.

Une promesse.
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 4 Sep 2018 - 12:57

Nallus.

Mevan ne connaissait pas ce nom, mais il ne doutait pas qu'Erelas saurait trouver de qui il s'agissait. L'homme avait de nombreuses connexions dans la Cité Blanche, et si cette Société des Chercheurs avait pignon sur rue, il les localiserait rapidement et leur ferait parvenir la missive. Le Commandant consigna soigneusement ce que lui dit l'Elfe, non sans marquer sa surprise lorsque Lithildren lui parla d'un « atout » qui venait d'arriver. Un atout. Cela pouvait désigner tout et n'importe quoi, à dire vrai. Un objet, une information cruciale, ou encore l'Elfe elle-même… Mais le mot en lui-même n'était pas anodin, et si elle avait vraiment en sa possession de quoi prendre l'avantage contre les ennemis des Peuples Libres, alors sa protection était capitale. Il signa et cacheta la lettre avant de la confier à son messager, pour revenir à son invitée et lui offrir la meilleure preuve de son hospitalité.

Alors qu'il cherchait dans ses affaires, il sentit soudainement une main délicate se poser sur son épaule. Il n'avait pas entendu l'Elfe se déplacer, et il se raidit brusquement, avant de se retourner vers la femme qui se trouvait affreusement proche de lui. Son visage trahit son immense surprise et sa gêne presque adolescente devant une représentante du beau peuple. La plus belle des races d'Arda, lui avait confié sa mère. Elle ne s'était pas trompée. Totalement subjugué par la présence de Lithildren, Mevan mit un moment à réaliser ce qu'elle venait de lui dire, et encore quelques secondes pour trouver comment formuler une réponse adéquate :

- Mad… Lithildren… Je… Vous…

Ses bafouillements étaient le signe de son trouble intense, car il n'avait pas imaginé qu'elle lui ferait une telle contre-proposition. Lui et elle, partager la même couche cette nuit ? Il se serait menti à lui-même s'il avait affirmé que l'idée ne le tentait pas… Mais en même temps, était-ce bien correct ? Était-ce bien raisonnable ? Il ne s'était jamais tenu si proche d'une Elda auparavant, alors l'idée de passer la nuit à quelques centimètres seulement de l'une d'entre elle lui donnait l'impression de rêver. Il s'emmêla encore dans ses mots, avant de finir par lui répondre :

- F-Faisons comme ça alors… Mais appelez-moi Chance, je vous en prie.

Il s'empourpra soudainement, comme si cet excès de familiarité entre eux deux le mettait mal à l'aise. Changeant brutalement de sujet, il lança :

- Laissez-moi appeler quelques pages, ils s'occuperont de vous.

Eu égard à son grade, Mevan avait à sa disposition toute une armée de serviteurs qui s'occupaient de ses moindres désirs. La plupart du temps, il les envoyait à travers le camp pour veiller sur les près de deux mille hommes qui assuraient la protection du mur de Rammas Echor. Un contingent immense qui honorait la cité de Pelargir, mais qui impliquait aussi une grande logistique. Le Commandant fit venir les jeunes hommes un instant, et leur expliqua :

- Trouvez-moi un baquet et de l'eau chaude et propre pour notre invitée, qu'elle se délasse de son long voyage. Faites le nécessaire pour qu'elle se sente traitée à la hauteur de son rang.

Les deux garçons posèrent les yeux sur Lithildren, et notèrent immédiatement ses oreilles elfiques, si différentes de celles des humains. Ils comprirent immédiatement qu'ils devraient faire de leur mieux, et s'en allèrent prestement, soucieux d'obéir du mieux possible aux ordres du soldat. Fort heureusement, ils étaient équipés pour ce genre de choses, et ils revinrent moins de cinq minutes après en portant un lourd baquet qu'ils remplirent d'eau bouillante, puis l'adoucirent avec de l'eau glacée puisée dans les rivières qui serpentaient non loin. Ils déposèrent un pain de savon parfumé sur un tabouret qu'ils disposèrent tout à côté, ainsi qu'un peigne, et deux serviettes épaisses.

- Nous avons envoyé quelqu'un chercher des vêtements propres, fit un des deux. Il arrive bientôt, mais en attendant n'hésitez pas à déposer vos effets au-dehors. Nous les laverons et vous les rendrons propres dès demain matin.

La diligence de ces adolescents était louable, et Mevan les remercia sincèrement, non sans leur donner la permission de se reposer après cela. Le Commandant sentit la gêne de Lithildren, mais il ne s'imaginait pas traiter une femme avec moins de courtoisie et de bienveillance. Encore moins une Elfe qui s'était précipitée pour aider ses hommes. Il s'inclina légèrement, et la rassura :

- Je vous laisse vous départir de la poussière du voyage, et vous relaxer. Je donnerai des ordres très précis pour que personne ne vienne vous importuner, et je reviendrai dans une petite heure. J'ai quelques affaires à régler entre temps.

Il s'inclina de nouveau, puis quitta la tente, non sans avoir veillé à bien en refermer les pans pour préserver la pudeur de Lithildren. Sitôt sorti, Mevan s'élança vers sa nouvelle tâche. Il avait délaissé ses obligations quotidiennes, pour une bonne raison certes, mais cela ne le dispensait pas de vérifier si tous ses hommes allaient bien. Courir d'un détachement à l'autre était également une bonne façon de ne pas penser à l'Elfe qui s'était frayé un chemin dans ses pensées. Toute en simplicité et en grâce, elle n'en demeurait pas moins une créature venue d'ailleurs, trop parfaite même dans ses imperfections pour appartenir au même peuple que lui. Il se sentait grossier et maladroit en sa présence, avec l'impression perturbante qu'elle parvenait à lire en lui comme dans un livre ouvert. Il se sentait stupide, car elle était sans doute bien plus âgée qu'il le serait jamais, et elle avait dû voir des attitudes similaires à la sienne des milliers de fois.

Il écarta ces pensées qui le distrayaient de sa mission, et intercepta un messager qui filait en toute hâte vers sa tente, porteur d'un message important. Le rapport des hommes d'Erelas, enfin ! Mevan déplia la missive, bien trop courte à son goût, espérant y trouver des informations fraîches au sujet de l'ennemi. Leurs déplacements, leurs manœuvres, peut-être même des indications sur la nature, le moment ou le lieu de leur prochain assaut. Il avait disposé ses hommes principalement sur les sections nord et est du mur, avec un fort contingent de cavaliers prêt à partir au contact des envahisseurs s'ils essayaient de contourner Rammas Echor entre Minas Tirith et Pelargir. Il comptait sur la garnison d'Osgiliath pour prendre l'ennemi en tenaille le cas échéant, et pour les alerter de tout mouvement suspect sur l'autre rive de l'Anduin. Pour l'heure, Osgiliath continuait d'envoyer des rapports rassurants, et toute son attention était donc focalisée sur Cair Andros. Mais le rapport était particulièrement décevant. Toujours aucune trace de l'ennemi, qui ne semblait pas enclin à attaquer.

Que cherchaient-ils en occupant le fort si longtemps ? Attendaient-ils des renforts venus des grands royaumes orientaux ? La guerre était-elle vraiment aux portes du Gondor ?

Mevan essaya de chasser son inquiétude. On parlait de plusieurs dizaines de milliers de combattants qui avaient submergé la cité fluviale. Le contingent de Pelargir comptait moins de deux mille hommes, ce qui représentait une force considérable en soi, mais ils ne seraient qu'une épine dans le pied de leurs ennemis. Même si chacun d'entre eux tuait dix ennemis, ils succomberaient tout de même face au nombre et laisseraient Minas Tirith vulnérable, sans protection… Ces sombres pensées gravitaient dans son esprit, mais puisqu'il ne pouvait rien y changer pour l'heure, il décida de se concentrer sur ce qu'il pouvait faire. Avec le soir qui tombait doucement sur le camp, la chaleur baissait, et les hommes retrouvaient une certaine vigueur. Mais c'était aussi à cette heure que les gardes étaient doublées, et des bataillons en armure lourde venaient prendre place aux points stratégiques, tandis que les guetteurs tendaient l'oreille et ouvraient l'œil pour essayer de surprendre l'approche d'espions éventuels. De gros nuages noirs s'amoncelaient loin à l'ouest, mais ici au Gondor la nuit serait claire, et les étoiles seraient leur meilleur allié. Ce n'était certainement pas cette nuit que choisiraient les Orientaux pour attaquer.

Une heure ayant passé, et l'obscurité commençant à gagner les lieux, Mevan retourna à sa tente espérant ne pas surprendre Lithildren dans une situation inconvenante. Il s'annonça poliment :

- Mad… euh… Lithildren ? C'est… euh… C'est Chance… Puis-je entrer ?

Il attendit sa réponse avant de pénétrer à l'intérieur de la tente, où il fut frappé par la vision qu'il eut d'elle. Elle avait pris la liberté de s'allonger déjà, sans doute gagnée par la fatigue, et lorsqu'il la vit ainsi il se figura une épouse aimante l'accueillant à son retour de campagne. Il se figea un instant, alors qu'elle le dévisageait. Elle avait chassé les traces du voyage sur sa peau et ses cheveux, qui avaient retrouvé une partie de leur lustre et de leur douceur. L'air sentait bon les fleurs d'été, et la lueur faiblarde dispensée par la bougie vacillante jetait des ombres exotiques et mystérieuses sur son regard, faisant jaillir des reflets étonnants dans les yeux tout à fait exceptionnels de l'Elfe.

Mevan baissa la tête subitement, s'arrachant à cette contemplation.

Au moins la pénombre lui donnait la possibilité de cacher son trouble. Il défit les nœuds de son surcot, et retira le précieux vêtement qu'il plia soigneusement, avant de le déposer sur le bureau. Il glissa ensuite hors de sa cotte de mailles, avant de s'asseoir sur le lit pour retirer sa chemise. Alors qu'il se retrouvait torse nu, Lithildren put voir les stigmates douloureux d'un passé brutal sur le dos du soldat. Des marques fines et régulières, pareilles à des coups de bâton ou de fouet, s'alignaient sur sa peau. Il finit par s'allonger aux côtés de l'Elfe, glissant sous la couverture en s'arrangeant pour maintenir une distance respectueuse entre lui et son invitée. Croisant les mains derrière sa tête, fixant le plafond de peur de croiser de nouveau le regard de Lithildren alors qu'ils se trouvaient si proches, il essaya de dissiper le malaise en lançant un sujet de conversation qui lui tenait à cœur :

- Vous… Vous avez parlé d'un homme que vous traquiez. Un homme doté de pouvoirs terribles… Est-ce que c'est lui qui vous a infligé ces marques ?

Il n'avait pas pu s'empêcher de noter que les mains délicates de l'Elfe avaient été soumises à rude épreuve. Une multitude de petites coupures, lacérations et hématomes qui s'atténueraient avec le temps, mais qui indiquaient que Lithildren s'était battue pour sa vie. Il n'avait aucun mal à l'imaginer maniant l'épée qu'elle avait déposé non loin du lit, mais son cœur se serrait à la seule pensée qu'elle eût été maltraitée à ce point par un ennemi des Peuples Libres. Il avait toujours été comme ça, soucieux de protéger ceux qui se trouvaient autour de lui. Être impuissant à empêcher le malheur le rongeait de l'intérieur.

- Désolé, je manque cruellement de tact. Ma mère me le reproche toujours.

Son sourire nostalgique s'évanouit dans la nuit au moment où la bougie achevait de se consumer, cessant de dispenser sa chaude lumière.

Il n'y avait plus qu'eux, et le silence d'une nuit tranquille.
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 4 Sep 2018 - 0:12

L'Elfe était pour le moins singulière. Outre son équipement de voyage, qui rappelait davantage les tenues des marchands coutumiers des longs périples que celles des femmes de bonne vie, il y avait quelque chose chez elle que le Commandant ne parvenait pas à expliquer. Une forme de simplicité sincère qui se doublait d'une étrange mélancolie comme on n'en croisait que chez les Premiers Nés. Ces gens qui vivaient si longtemps qu'ils en oubliaient parfois quelle était la raison de leur présence en Arda, et qui sombraient dans la contemplation passive du monde. A l'inverse, Lithildren avait dans ses veines le sang bouillonnant de ceux qui veulent changer les choses, et qui se battent pour ça. Elle avait pris le brancard à pleines mains, sans hésiter, et s'était montrée aussi dévouée que n'importe quel soldat du régiment.

Et pourtant elle se tenait là, hésitante, devant des simples.

Mevan l'observait sans dire un mot, légèrement perplexe. Elle avait paru hésiter quand il lui avait demandé de quoi elle avait besoin, comme si tout à coup il l'avait chargée d'une tâche insoluble. Les doutes dont elle semblait envahie se dissipèrent bien vite, alors qu'elle cueillait les plantes, les examinant parfois une seconde avant de décider si oui ou non elle avait besoin d'elles pour le remède qu'elle entendait préparer.

Le Commandant avait déjà vu des Elfes. Il en avait croisés plusieurs à Pelargir quand il était jeune, à l'époque où l'on pouvait encore voir les nobles Eldar de par le monde. Avant qu'ils ne se repliassent dans leurs forêts pour n'en plus sortir qu'en de très rares occasions. Il avait toujours nourri une fascination naïve pour ce peuple, allant jusqu'à rêver parfois d'avoir en lui le sang des Premiers Nés. Les années lui avaient confirmé que non, il était bien de la race des Hommes, et ce rêve s'était étiolé en laissant derrière lui l'écho lointain d'une curiosité inassouvie. C'était donc avec curiosité qu'il observait Lithildren, représentante tout à fait non représentative des siens, qui se tenait à moins d'un mètre de lui. Les oreilles de la femme lui rappelaient celles des chats, et il se demandait si, à la manière des félins, elle pouvait les orienter à volonté pour capter les sons.

Il sursauta quand elle se tourna vers lui avec en main les plantes qu'elle avait sélectionnées. Levant les yeux au ciel comme un gamin des rues pris sur le fait, il retrouva une contenance et trouva à s'occuper en ajustant son surcot comme si de rien n'était. Lithildren avait peut-être remarqué son regard insistant, mais elle eut la délicatesse de ne pas relever, et s'installa tranquillement pour commencer ses préparations. Tout en s'appliquant et en s'affairant à ses mélanges, elle lui répondit d'une voix calme, posée et mélodieuse, qu'elle préférait se concentrer sur les blessés. C'était tout à son honneur, et Mevan répondit :

- Naturellement, nous ferons comme vous le souhaitez.

Mais elle changea d'avis peu après, comprenant peut-être que l'occasion était bien choisie pour elle de lui confier la raison de sa venue. Elle s'y consacra en essayant de se montrer convaincante, mais Mevan n'était pas véritablement un homme à convaincre. La Société des Chercheurs ? Il n'en avait jamais entendu parler, et cela ne lui disait rien. Par contre, dès lors qu'elle évoqua les dangers qui pouvaient peser sur le Gondor, et plus largement sur le monde, elle obtint son attention et son soutien. S'il n'avait pas eu pour mission principale de veiller à la défense du vieux mur, il lui aurait demandé de quelle manière il pouvait l'aider, et se serait volontiers embarqué dans une croisade vengeresse contre l'homme qu'elle disait traquer au nom de cette « Société des Chercheurs ». Cependant, elle trouva les mots pour mettre le Commandant légèrement mal à l'aise en évoquant toutes les qualités qu'elle semblait voir en lui. Il rougit s'empourpra légèrement, comme un jeune homme encore impressionnable, et fit un effort perceptible pour ne pas l'interrompre à la seule fin de rejeter ces compliments qu'il n'estimait pas mériter.

Là où elle voyait du dévouement, il voyait l'attitude normale d'un soldat envers ses compagnons et son royaume. Là où elle voyait de la bonté, il voyait de la simplicité. Là où elle voyait de la force, il ne voyait qu'une simple volonté de sa part de faire de son mieux dans un monde qui ne lui avait pas souvent donné sa chance. Chance. Un prénom qu'il portait bien, d'après sa mère, même s'il ne s'estimait pas toujours chanceux. Mais il savait parfois créer la chance, et la saisir quand elle se présentait à lui. Le militaire hocha la tête avec sérieux en entendant le récit de Lithildren, pressentant qu'elle lui disait vrai, et qu'il avait là l'opportunité de faire quelque chose de bien pour son royaume. Il ignorait pourquoi, mais il avait envie de lui faire confiance et de la suivre.

- Je vous crois, madame. Je n'estime pas mériter tous les bons mots que vous m'adressez, mais si vous cherchez un homme prêt à vous aider à affronter les ennemis des Peuples Libres, vous pouvez compter sur ma lame.

Ses engagements auprès du Gondor passaient naturellement au premier plan, mais il s'agissait pour lui d'une promesse. Une Elfe ne pouvait pas lui mentir sciemment au sujet d'une menace pesant sur l'ensemble de la Terre du Milieu, et si elle venait à Minas Tirith pour affronter un tel ennemi, elle trouverait en lui un allié sûr. C'était le sens de son engagement auprès de l'armée de Pelargir.

- Je vais rédiger une lettre au Capitaine Erelas. Il connaît vraisemblablement cette « Société des Chercheurs », et il saura vous mettre en relation avec elle. Donnez-moi simplement le nom de la personne que vous souhaitez contacter dans cette Société.

Lithildren ayant terminé de préparer ses remèdes, Mevan l'emmena auprès des blessés pour le leur administrer. Elle avait su confectionner de quoi apaiser leurs souffrances pendant un temps, et les guérisseurs lui surent gré d'avoir préparé de puissants calmants qui aideraient ces hommes à dormir. Malheureusement, seul le temps pouvait guérir les fractures, et de longues semaines attendaient les patients qui ne passeraient pas un jour sans gémir. Leur rééducation serait encore plus longue, et il leur faudrait plus d'un an pour retrouver leur mobilité complète. Mevan s'en voulait terriblement de cet accident, comme s'il était personnellement responsable de celui-ci. Il n'avait objectivement rien à se reprocher, mais savoir que des hommes sous son commandement étaient blessés le rendait malade.

Ils passèrent un long moment auprès des blessés, notamment « Petit Veinard » comme l'appelaient ses compagnons d'armes qui avaient entendu les mots prononcés par l'Elfe. Mevan le rassura quant à la suite, en lui donnant le verdict des guérisseurs :

- Vous allez retrouver vos jambes, ne vous inquiétez pas. Le plus dur sera de retrouver le muscle que vous perdrez inévitablement, mais nous en rediscuterons quand nous vous aurons ramené à la maison, à Pelargir.

- Ma femme me manque, Commandant, fit l'homme au bord des larmes.

Mevan lui prit la main et la serra entre les siennes :

- Je sais, Jon. Si je ne m'abuse elle était enceinte quand nous sommes partis… Vous aurez une belle surprise à votre retour.

Un nouveau sourire empli de douleur. Il n'était pas facile pour ces hommes de se trouver loin de chez eux, même s'ils savaient pour quoi ils se battaient. Pour leur noble royaume, pour leur souverain, et à travers ce combat ils défendaient tout le Gondor, et tous les Peuples Libres. Ils étaient le premier rempart entre les femmes et les enfants de ce monde et une horde de sauvages venus de l'est qui mangeaient les cœurs de ceux qu'ils tuaient.

Lithildren et le Commandant finirent par quitter l'infirmerie, non sans s'être assurés que les blessés seraient bien traités. Mevan lâcha un soupir, comme si la fait de savoir qu'ils allaient s'en tirer lui enlevait un lourd fardeau des épaules. Mais il avait toujours au fond du regard une lueur de culpabilité qui ne voulait pas disparaître. Essayant de la cacher derrière une nouvelle chose à faire, il se tourna vers l'Elfe et l'invita à le suivre pour aller rédiger la fameuse lettre. Le Commandant dormait non loin, dans une tente fournie par l'état-major, et qui se distinguait des autres uniquement car deux bannières avaient été plantées devant. Elle était à peine plus grande que la tente réglementaire où dormaient les soldats, mais puisqu'elle était réservée à lui seul, il y avait fait installer une table afin de pouvoir travailler dans la soirée à la lueur d'une bougie déjà largement entamée. Il s'assit, s'empara d'une plume et d'un papier vierge, avant de commencer à écrire une brève lettre qui détaillait les informations dont lui avait fait part Lithildren. Il sortit la confier à un messager qui se trouvait toujours dans les parages, et revint vers l'Elfe.

- Madame, votre missive est en route vers Minas Tirith à l'heure actuelle. Elle est entre les mains de mon messager, Aetheling, qui s'assurera de l'amener à bon port. Cependant, j'ai bien peur que vous n'obteniez pas la réponse avant demain au plus tôt, même si j'ai spécifié qu'il s'agissait d'une missive urgente.

Il haussa les épaules. Il n'était pas responsable de la lenteur de l'administration du Gondor, même si depuis le temps qu'ils correspondaient, les messagers avaient davantage de facilité à accéder au Capitaine Erelas. La première fois que le jeune soldat s'était présenté, il avait été fouillé une première fois aux portes, puis une seconde fois au bureau d'Erelas. On l'avait fait patienter longuement sans lui donner d'indications précises, et il avait finalement obtenu le droit de déposer sa missive en main propre une demi-journée après que Mevan l'eût envoyé. Ce dernier avait rédigé un courrier très contrarié au Capitaine de la Porte, pour lui dire qu'en cas d'attaque ennemie il espérait que les ordres seraient transmis un peu plus rapidement. Depuis, les choses s'étaient améliorées, mais pas de beaucoup. Sachant que Lithildren allait devoir attendre, le Commandant enchaîna :

- En remerciement de votre service auprès de mes hommes, je vous propose d'utiliser mes quartiers pour la nuit. C'est le lit le plus grand et le plus confortable que vous trouverez à des lieues à la ronde.

A en juger par l'aspect dudit lit, c'était tristement vrai. On avait fait venir au Commandant un véritable lit sur pied, que celui-ci avait d'abord refusé en bloc avant d'accepter de mauvaise grâce sous prétexte que « la hiérarchie était maintenue par des éléments symboliques ». On lui avait fait comprendre qu'un officier supérieur ne pouvait pas dormir dans le même lit que la troupe : une réalité avec laquelle il n'était pas encore réconcilié. Ce n'était pas un lit de luxe, mais on y dormait nettement mieux que sur les paillasses réglementaires dont se contentaient les hommes du rang. Le lit était grand, et il occupait un espace considérable dans une tente qui pouvait en théorie accueillir entre quatre et six soldats. Un gâchis de ressources selon Mevan, mais les ordres étaient clairs.

Sentant que Lithildren risquait de refuser son offre, il leva la main et la coupa :

- J'insiste, madame. Prenez cela pour un remerciement au nom de tout le régiment de Pelargir.

Malheureusement, dans son empressement à vouloir la remercier, Mevan avait oublié de penser à la façon dont il allait passer sa nuit. Il s'approcha de son paquetage, et l'ouvrit en expliquant :

- Je dois avoir une couverture là-dedans, et les hommes du rang me feront bien une place cette nuit. Ne vous en faites pas pour moi, mettez-vous à votre aise.

Il lui restait seulement à trouver cette fichue couverture.
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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 3 Sep 2018 - 19:52

- Merci, madame.

Le regard appuyé que lança Mevan à Lithildren en disait long sur sa sincérité. Voir que cette femme acceptait de prendre soin de ses hommes lui faisait sincèrement chaud au cœur. Il considérait chaque homme portant l'uniforme du Gondor comme un véritable frère d'armes, et l'Elfe acceptait symboliquement de soigner un membre de sa famille étendue. Il lui était reconnaissant au-delà de ce qu'elle pouvait imaginer. Il détourna le regard, et posa sa main sur l'épaule du blessé dont il s'occupait, lequel continuait de gémir de douleur.

- Ça va aller, Jon. Ça va aller… Les guérisseurs sont en route, et ils vont bien s'occuper de vous, j'y veillerai personnellement. Je suis désolé de vous avoir demandé de travailler par une telle chaleur, et dans ces conditions.

Le Commandant essayait de rassurer son soldat, le regardant droit dans les yeux avec force et confiance. Il faisait abstraction de tout ceux qui se trouvaient autour de lui en cet instant, et focalisait toute son attention sur le guerrier qu'il essayait d'encourager à tenir bon. A défaut de pouvoir prendre sa douleur en lui, Mevan s'efforçait d'aider l'homme à l'endiguer, en lui insufflant le courage dont il semblait déborder. Ce fut Lithildren qui le ramena à la réalité. Sa voix toute elfique aux accents mélodieux se fraya un chemin jusqu'à son esprit, et il tourna les yeux vers elle, écoutant avec attention ce qu'elle avait à lui dire. Il ressemblait moins à un officier sûr de lui et imbu de sa personne qu'à un jeune soldat soucieux d'apprendre d'une personne qui, il le savait, avait beaucoup plus d'expérience que lui. L'humilité faisait partie de ses qualités, même si au poste qu'il occupait elle pouvait parfois constituer un défaut.

- Des cordes et des planches, que quelqu'un aille nous en chercher ! Cria le militaire à l'attention de ses hommes. Puis à Lithildren : Quand nous aurons déplacé ces malheureux, je vous montrerai où trouver les plantes dont vous aurez besoin. Merci encore de votre aide.

Il se tourna vers le soldat blessé, et lui dit avec un sourire qu'il voulait rassurant :

- Tu entends ça, Jon ? C'est une Elfe qui va prendre soin de toi… Tu es le plus chanceux des hommes du régiment aujourd'hui.

L'intéressé eut un sourire derrière lequel on devinait sa souffrance, et il répondit faiblement :

- Oui mon Commandant… J'ai fait exprès de tomber rien que pour ça.

Il y eut quelques rires timides en réponse à cette boutade. Mevan était parvenu à détendre l'atmosphère quelque peu, ce qui aiderait la troupe à surmonter cette nouvelle déconvenue. Bientôt, les guérisseurs arrivèrent, et aidèrent Lithildren à prendre en charge les blessés. Le Commandant était un homme de guerre, plus habitué à donner la mort qu'à sauver des vies. Il savait stabiliser un blessé dans des circonstances critiques, mais face à des blessures qui ne saignaient pas et qui relevaient des mystères du corps, il était bien impuissant. Il participa tout de même comme il le put à l'évacuation, se portant volontaire pour porter un des brancards sur lesquels on chargea les blessés. Les guérisseurs avaient suivi les consignes de Lithildren, et ils avaient immobilisé les membres blessés, procédant avec beaucoup de précaution pour évacuer les hommes du chantier. Il leur avait fallu une bonne demi-heure pour cela, malgré tous les bras volontaires qu'ils avaient pu réunir, mais finalement ils parvinrent à les rapatrier vers l'infirmerie, sous les encouragements des soldats qui leur adressaient des mots pleins d'espoir.

L'infirmerie…

Elle n'en avait que le nom. Les hommes avaient dressé une grande tente légèrement à l'écart, où les soldats se reposaient. Plusieurs hommes étaient étendus là, sur des paillasses ou des lits de fortune selon les plus chanceux. Quelques femmes tout de noir vêtues passaient entre eux pour leur donner à manger, de sinistres figures que Mevan trouvait effrayantes pour sa part. Il avait l'impression qu'elles étaient des envoyées de la Mort venues chercher les âmes des défunts. Elles étaient moins aimées que les précieuses guérisseuses de la Cité Blanche, mais celles-ci ne descendaient que rarement dans les Champs du Pelennor, désormais. Elles étaient apparemment très occupées dans la cité. C'était du moins ce qu'on leur avait dit, mais personne n'avait jugé utile de leur donner des détails.

- Par ici, fit le Commandant à l'attention de Lithildren en s'éloignant de la pièce principale pour entrer dans une seconde tente quelques pas plus loin. C'est là que nous entreposons nos réserves de simples.

La réserve en question était plutôt fournie. On y trouvait de tout, de la sauge à la mélisse, en passant par la verveine et l'aneth. L'apothicaire était absent pour le moment – occupé sans doute à récolter les plantes dont il aurait besoin pour ses futures décoctions – mais son matériel était bel et bien là, à la disposition de l'Elfe. Mevan fit de la place sur la table en repoussant les papiers et les bocaux vides, pour laisser à Lithildren la place de travailler, allant même jusqu'à lui tenir la chaise pour lui permettre de s'asseoir.

- De quoi avez-vous besoin ? Lui lança-t-il en allant chercher les plantes qu'elle lui commandait.

Cependant qu'il ramenait le nécessaire aux préparations de l'Elfe sur la table, le Commandant et cette dernière étaient seuls et pouvaient facilement parler des affaires qui amenaient la voyageuse à Minas Tirith. Il l'invita d'ailleurs à le faire en lui déclarant avec simplicité :

- Je n'ai pas vraiment de bureau ici, sauf si on considère que la tente où je dors est un endroit approprié pour recevoir une noble représentante des Eldar… Nous serons aussi bien ici pour discuter.

Son sourire las en disait long sur l'état d'épuisement moral dans lequel il se trouvait. On le chargeait de la mission la plus noble qui fût : défendre le cœur du Gondor, le phare de la liberté et de la résistance aux ennemis des Peuples Libres, la plus belle cité des Hommes… Et avec quoi ? Avec un régiment de volontaires zélés qui avaient répondu à l'appel avec enthousiasme, un contingent exemplaire qui avait traversé le Lebennin à marche forcée en portant haut les couleurs de l'Arbre Blanc, mais qui n'avait pas même eu le droit d'entrer triomphalement dans la cité d'Anárion pour s'y rassembler derrière les épais murs de Minas Tirith. Ils étaient reçus comme des invités de seconde zone, et bien que Mevan comprît quelle importance il y avait à défendre le vieux mur de Rammas Echor, il trouvait dommage que ses soldats dussent dormir dans des tentes, alors que si proche se trouvait le souverain pour lequel ils étaient tous prêts à mourir.

Chassant ces pensées qui l'affaiblissaient et le détournaient de ses préoccupations principales, Mevan se concentra exclusivement sur Lithildren et sur son récit. Cette femme Elfe avait eu la bonté d'aider ses hommes, et de tendre la main à des blessés qu'elle ne connaissait même pas. Il s'efforcerait de l'aider à entrer à Minas Tirith. Peut-être que les grandes portes s'ouvriraient pour une Elfe de noble rang, à défaut de s'ouvrir devant les enfants du Gondor qui tombaient sous le soleil.
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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag mevan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 3 Sep 2018 - 13:00
L'intendance.

Un bien grand mot pour une petite tente de fortune installée non loin du mur, où se trouvaient un officier rabougri qui parcourait de ses yeux fatigués les dossiers qu'on lui transmettait. Il réceptionnait les ordres provenant de Minas Tirith, les informations venant des soldats, et il s'arrangeait pour faire circuler tout cela de manière harmonieuse afin que le lien entre la troupe et l'état-major ne fût jamais rompu. Une tâche écrasante pour un seul homme. L'arrivée de Lithildren était une distraction dans tout ce qu'il avait à faire, mais il reconnut là une Elfe, et il choisit qu'il n'allait pas la renvoyer immédiatement, même si elle avait davantage l'air d'une vagabonde que d'une noble.

- Le Commandant Mevan ? Il se trouve…

Un bruissement de tissu indiqua à la femme que l'on venait de rentrer à sa suite, et une voix chaleureuse compléta les paroles de l'intendant :

- … juste derrière vous, ma chère. Commandant Chance Mevan, pour vous servir. Que puis-je faire pour vous ?


Mevan était un homme de haute taille et de noble stature. Son profil élancé et dynamique donnait l'impression qu'il était sur le point de se mettre à courir vers la prochaine tâche à accomplir. Il avait le visage doux, le sourire franc, et des yeux qui paraissaient incapables de mentir. Un esprit chevaleresque dans un corps de guerrier, qui tranchaient nettement avec l'image que l'on pouvait se faire d'un grand officier de l'armée du Gondor. Ceux-ci étaient souvent issus de familles aristocratiques, des bien-nés qui n'avaient jamais fréquenté les champs de bataille, et qui acquéraient leur position pour des raisons politiques, des jeux d'alliances complexes entre familles. Mevan s'était de toute évidence taillé un chemin jusqu'à ce grade à la force de son bras, et il n'avait rien perdu en chemin de ses bonnes manières et de sa simplicité. Il s'inclina légèrement, et en relevant le buste il put voir que Lithildren était une Elfe, ce qui l'incita à s'incliner de nouveau. Plus bas cette fois. Se redressant finalement, il écouta brièvement la réponse de la nouvelle venue, avant de l'inviter à sortir de la tente :

- Laissons Artur continuer dans le calme, si vous le voulez bien. Sa mission est de la plus haute importance ici. (Puis, à l'attention de l'intendant : ) Artur, si vous voulez bien me faire transmettre le rapport des hommes du Capitaine Erelas dès qu'il vous parviendra.

- Bien, mon commandant. Je l'enverrai à votre tente.

- Parfait Artur, merci à vous !

Ils quittèrent les lieux sur ces mots, abandonnant par la même occasion l'ombre bienvenue qui les protégeait du soleil écrasant. Mevan ne portait pas son armure complète, probablement à cause de l'inconfort que cela occasionnait. Il allait en portant le pourpoint noir brodé de fils d'argent que les hommes du rang revêtaient également. En réalité, il n'y avait aucun signe distinctif sur lui qui permît de le différencier du plus humble soldat. Pourtant, nul ne semblait ignorer qui il était. En chemin, ils furent salués respectueusement par tous les fantassins qu'ils croisèrent, et le Commandant leur répondit avec chaleur à chaque fois, se rappelant très souvent les noms des hommes, leur adressant quelques mots d'encouragement au passage. Cela ne rendait pas la conversation avec Lithildren particulièrement facile, mais Mevan avait en tête d'inspecter le mur de Rammas Echor, et il ne dérogerait pas à sa tâche pour rien au monde :

- Vous souhaitez donc rejoindre Minas Tirith, finit-il par lâcher. J'ai bien peur que cela soit plus compliqué que vous le pensiez, madame.

Il s'arrêta un instant pour s'approcher d'une sentinelle qui paraissait malade, et fit venir un porteur d'eau. Le pauvre hère faisait une insolation. Par cette chaleur, les gardes en poste sur le mur devaient tout de même porter leur armure de combat dans l'éventualité où les Orientaux auraient attaqué. Beaucoup d'hommes souffraient de la chaleur, bien qu'ils fussent pour la plupart originaires du sud. C'était déjà le troisième malaise aujourd'hui…

- Excusez-moi, madame. Nous avons hélas assez peu de moyens pour arranger nos hommes… Je vous disais donc qu'il serait difficile d'entrer à Minas Tirith. La cité est bouclée, et lourdement gardée. J'ai bien peur que les étrangers ne soient pas les bienvenus. Les marchands sont acceptés, et ceux qui disposent d'un laisser-passer royal ou d'une résidence personnelle en Anórien peuvent entrer librement, mais pour le reste le Haut-Roy encourage le peuple à se réfugier plus loin en Gondor, dans les terres.

Il marqua une pause, observant des hommes qui essayaient de consolider un pont de fortune pour relier par le chemin de ronde deux sections du mur. Celui-ci s'était effondré sur trois ou quatre mètres, et ils cherchaient à faire une véritable passerelle qui aurait permis aux hommes de circuler sereinement et efficacement, sans avoir à descendre et contourner l'obstacle. Il revint à Lithildren :

- Si je savais quelle était la raison exacte de votre venue, je pourrais envoyer un courrier au Capitaine Erelas, à l'intérieur de la cité. Si votre demande est justifiée, il peut peut-être vous obtenir un laisser-passer pour entrer à Minas Tirith. Dans tous les cas…

Mevan s'interrompit à nouveau. Il vit venir l'accident avant même les ouvriers qui se trouvaient sur le chantier. Une planche usée se plia de manière inhabituelle sous le poids d'un homme, qui bascula malgré lui. Dans sa tentative désespérée pour se raccrocher à quelque chose, il emporta tout le travail des deux derniers jours. Les planches dégringolèrent, et avec elles les quatre soldats qui se trouvaient dessus. Le cri du Commandant fut repris en écho par celui des hommes qui assistèrent à la scène. La chute avait été très rude, car trois mètres les séparaient du sol.

Lithildren et le Commandant s'élancèrent vers les blessés qui gémissaient misérablement. Autour d'eux, les hommes essayaient de les prendre en charge et de les déplacer :

- Ne les touchez pas, malheureux ! Cria Mevan. Vous risqueriez d'aggraver leurs blessures. Que quelqu'un aille chercher des guérisseurs, de toute urgence !

On obéit sans discuter, mais l'inquiétude du Commandant était ailleurs. Les ouvriers étaient mal en point, souffrant de plusieurs fractures, et l'un d'entre eux était inconscient. Quatre hommes de plus sur le carreau. Quatre valeureux soldats à qui il faudrait des mois pour retrouver la forme. Et pendant ce temps, leur ennemi continuait de rassembler ses forces à Cair Andros… Quand viendrait l'heure de l'assaut, ils ne pourraient rien faire. Un sous-officier s'approcha du Commandant, et lui demanda :

- Mon Commandant, devons-nous les transférer aux Maisons de Guérison ?

- Non, répondit l'intéressé d'une voix tout à coup très sombre. Ils ont bien assez à faire à l'heure actuelle… Madame, je suis désolé de vous mettre à contribution ainsi alors que vous avez fait une longue route, mais sauriez-vous m'aider avec ces malheureux le temps que les guérisseurs arrivent ? Ils n'y en a que pour quelques minutes, et ensuite nous pourrons discuter de vos affaires.

Le Commandant était un homme véritablement débordé. Il surveillait un mur vétuste, avec une armée qui succombait davantage au soleil et aux accidents que sous les coups de l'ennemi. La Cité Blanche, qui se dressait fièrement derrière eux, leur rappelait à tous pourquoi ils consentaient à se tenir en première ligne et à souffrir dans la chaleur étouffante qui régnait dans les Champs du Pelennor. Mais il n'en demeurait pas moins que la dévotion de ces hommes était louable et tragique, et que les plus hautes instances de Minas Tirith auraient au moins pu se pencher sur leur cas, leur donner de l'eau et les moyens de consolider cette ligne de défense bien fragile.

Il était étrange de voir que ce n'était pas le cas…

#Lithildren
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