11 résultats trouvés pour Erelas

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Sujet: À tout rompre
Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Ruelles du Premier Cercle   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: À tout rompre    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 8 Fév 2021 - 13:42
Minas Tirith…

Enfin.

La place principale du Premier Cercle s’ouvrait devant les yeux de Namarien, qui ne put que constater à quel point le Gondor était prêt à la guerre. D’ordinaire, ces lieux étaient traversés par des voyageurs venus de tous les royaumes libres de la Terre du Milieu. Il y régnait une atmosphère joyeuse, alors qu’on s’échangeait des nouvelles, qu’on se souhaitait la bienvenue ou au contraire bon voyage. Les gens se prenaient dans les bras, se tapaient dans le dos, se saluaient chaleureusement, et se bousculaient pour se frayer un chemin vers les quartiers où ils résidaient. Les nobles, vers le haut de la ville, et les plus pauvres dans les ruelles innombrables des niveaux inférieurs. Mais aujourd’hui, il n’y avait nulle trace de cette effervescence populaire.

Deux douzaines d’hommes patrouillaient à travers la place, qui avait été renforcée de barricades pour l’occasion. Des soldats en armes et en armure, le visage fermé et sévère, marqué par un pli soucieux. Même les superbes statues équestres semblaient tristes, et leur mutisme ne faisait qu’accroître le sentiment oppressant, alors que les lieux étaient paradoxalement déserts.

Quelques soldats s’approchèrent des nouveaux venus pour contrôler qu’ils n’avaient pas d’armes sur eux, ce qui était la procédure habituelle quand on pénétrait à Minas Tirith ces jours-ci. Namarien et Blanche furent contraintes de descendre de cheval, et leur statut de femme ne leur épargna pas le déplaisir d’avoir à sentir des mains étrangères parcourir leur corps à la recherche de lames cachées. Toutefois, le professionnalisme de ces hommes était appréciable, et ils n’eurent pas le moindre geste déplacé, se montrant respectueux de leurs visiteurs tout autant que de Felian, Thédeor et Karl.


Diligemment, Erelas les conduisit vers ce qui ressemblait à un petit dispensaire de fortune, où quelques blessés étaient étendus.

- Vos blessés peuvent se reposer ici, le temps que l’autorisation de pénétrer vers les niveaux supérieurs ne vous parvienne. Il y a fort à parier que cela prenne un peu de temps, mais des guérisseurs passent fréquemment ici, et ils vous apporteront le matériel nécessaire. D’ici là, n’hésitez pas à vous reposer… Je ne peux que vous recommander l’auberge du Nez Creux. Vous continuez tout droit dans cette direction, et vous tournez à gauche à la huitième rue. La plupart des habitants se sont réfugiés un peu plus haut dans la ville, mais il reste encore quelques crasseux des bas-fonds, alors soyez prudentes.

A la manière d’un guide leur présentant les différentes facettes de la ville, le capitaine leur désigna les différentes sections de ce niveau :

- La place centrale est réservée aux militaires, et vous aurez besoin d’un motif valable pour vous déplacer de l’autre côté du Premier Cercle, ou pour monter au deuxième niveau. Des contrôles stricts ont été mis en place à chaque échelon, et vous devrez vous justifier à chaque fois que vous voudrez grimper.

Il aurait pu se dispenser de ce dernier conseil, mais ce fut plus fort que lui :

- Essayez de ne pas trop attirer l’attention sur vous, dans la mesure du possible. La situation est tendue, à Minas Tirith, et personne ne souhaite qu’elle s’envenime encore.

C’était un avertissement à peine voilé, qui pourtant ne prenait pas la forme d’une menace. C’était comme si le capitaine devinait la raison véritable de leur présence ici, ou en tout cas qu’il percevait quelles pouvaient être les conséquences d’une mission menée à l’insu des autorités. Elles avaient cherché à mentir pour entrer à Minas Tirith, ce qui signifiait qu’elles ne faisaient pas confiance à la hiérarchie militaire… un mal bien commun ces derniers temps. Il en ignorait peut-être la raison profonde, mais il savait que les troupes royales ne prendraient pas à la légère ce qu’elles verraient comme des actions séditieuses.

- Mesdames, avez-vous d’autres questions, avant que je m’en retourne à mes obligations ?






#Felian #Blanche
Sujet: Irremplaçables
Ryad Assad

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Rechercher dans: Osgiliath   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Irremplaçables    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 8 Fév 2021 - 13:41

Minas Tirith n’avait sans jamais paru aussi menaçante à une fille du Gondor, et pour la première fois de son existence, Blanche éprouvait une crainte sincère à se trouver ainsi devant cet immense édifice de pierre. Elle se sentit écrasée par le gigantisme des lieux, et ne put s’empêcher d’imaginer ce qu’avaient dû penser les ennemis du Gondor qui, à travers les âges, avaient systématiquement échoué à enlever la plus belle cité des Hommes. Elle se représentait très bien leur terreur profonde, alors même que flèches et rochers ne volaient pas dans sa direction avec l’intention de lui ôter la vie.

- Rester calme… répéta-t-elle en écho aux paroles de l’Elfe. Rester calme…

Elle savait que beaucoup dépendait d’elle, et elle ne voulait pas être la responsable de l’échec de leur mission. Tout à coup, elle avait l’impression que le sort de tout le royaume pesait sur ses épaules, et la perspective de devoir porter le poids de cette culpabilité pour le restant de ses jours ne lui donnait que plus de courage pour affronter l’avenir.

- Rester calme…

Inspirant profondément, elle fit le vide dans son esprit, comme elle avait appris à le faire avant d’accomplir quelque tâche difficile qui requérait la plus parfaite concentration. Jusqu’à présent, il ne s’était agi que de guérir quelques blessures, recoudre quelques plaies, et veiller sur des hommes qui se montraient toujours d’une extrême courtoisie avec elle. Aujourd’hui, elle entrait dans une toute autre dimension. Ses pensées allèrent à son royaume, à sa famille… aux enfants qu’elle n’avait pas encore… C’était pour eux qu’elle était là. C’était en leur nom qu’elle transgressait les lois du Gondor, et qu’elle acceptait de mettre en péril sa propre existence.

Elle espérait seulement que Nuril ne s’en ferait pas trop pour elle.

Tandis que Blanche s’avançait pour aller à la rencontre de leur interlocuteur, le capitaine Erelas, Felian s’efforça de jeter un coup d’œil discret pour voir comment évoluait la situation. Homme d’action, habitué à manier l’épée plutôt qu’à rester – littéralement – allongé en retrait, il avait beaucoup de mal à accepter de ne pas savoir, ne pas contrôler, ne pas être en mesure d’intervenir si nécessaire. Il devait se reposer sur deux femmes dont il ignorait à peu près tout, sinon qu’elles avaient en elle autant de courage que les plus vaillants des chevaliers. Mais cela suffirait-il ? Sauraient-elles trouver les mots pour convaincre l’officier venu à leur rencontre de les laisser pénétrer dans Minas Tirith ?


Il vit Namarien s’approcher, juchée sur sa monture.

Pendant un instant, il se demanda si elle venait pour lui parler, pour lui adresser quelques mots après leur drôle de rencontre quelques heures plus tôt, quand il l’avait surprise à danser au milieu des hommes du régiment de Pelargir. Elle lui avait jeté un regard tellement…

Froid ?

Il n’avait pas pu s’empêcher de se sentir mis à l’écart, pour ne pas dire rejeté. Ce n’était pas exactement le genre de sentiments qu’il aurait voulu emporter avec lui à la veille d’un épisode aussi crucial que celui qu’ils allaient vivre, mais il fallait croire que les Elfes et les Hommes étaient trop différents pour se comprendre. Il réalisait douloureusement à quel point l’immortalité la coupait de ce qui faisait battre son cœur à lui. La peur de mourir, la peur de voir ses compagnons mourir et disparaître dans l’inconnu… là où il ne pourrait peut-être jamais les rejoindre. Namarien, quant à elle, sembler flotter au-dessus de tout ça, sans doute rassérénée par la certitude de rejoindre les plaines de Valinor quand viendrait l’heure pour elle de quitter la Terre du Milieu. Quel besoin y avait-il de paroles d’adieu ou de réconfort quand l’idée même de « fin » n’avait pas de sens à ses yeux ?

La froideur de leur dernier échange silencieux lui pesait, et il s’en voulait maintenant de ne pas lui avoir dit ce qu’il avait eu envie de lui exprimer à ce moment-là… Lui dire qu’il avait adoré la voir danser ainsi, et que même si c’était la solitude qu’elle recherchait, il n’y avait rien de plus beau que d’avoir des compagnons fidèles, des amis, des alliés, et gens sur qui compter, a fortiori avant de plonger dans la bataille. Il aurait voulu lui dire que tous ces hommes du régiment de Pelargir auraient volontiers donné leur vie pour défendre leur royaume, et qu’avant l’heure fatidique, leur compagnie était parmi les plus nobles qui fût. Et peut-être aurait-il voulu lui dire aussi qu’il était heureux, à quelques heures d’une mort quasi-certaine, d’avoir pu la voir enfin telle qu’elle était vraiment…

Mais cela, elle ne le saurait probablement jamais.

Il détourna le regard, de honte ou de crainte, et s’efforça de ne pas croiser son regard alors qu’elle se penchait vers Karl pour essayer de le rassurer quelque peu. Le jeune chevalier, démuni sans ses armes et son savoir-faire martial, redevenait l’enfant qu’il n’avait jamais cessé d’être. Son regard naïf, qui constituait l’une de leurs meilleures armes pour tromper les gardes, révélait la profondeur de son désarroi, alors qu’il s’apprêtait à partir sauver le Gondor sans arme et sans armure.

S’ils survivaient à cela, on écrirait sans doute des ballades à leur sujet.

La complainte de Karl, le chevalier sans armure.

Namarien se retourna bientôt pour faire face à l’officier, dont la voix porta finalement jusqu’aux oreilles de Felian. Celui-ci se figea instantanément sur place en l’entendant, et son cœur manqua un battement quand il l’entendit se présenter. « Capitaine Erelas ». Il étouffa un juron qui sinon aurait probablement condamné leur petite expédition, et se tourna vers Thédeor, qui adressa le même regard à son chef. Erelas ? Le capitaine de la Grande Porte en personne ?

Il se tendit, écoutant la réponse de l’officier :

- Dame Namarien Lasgalen de Vertbois, vous avez fait un long voyage jusqu’au Gondor, et je vous remercie d’accorder vos bons soins à ceux de mon peuple qui sont dans le besoin. Si plus d’âmes charitables comme la vôtre et celle de Dame Osenhorn foulaient la Terre du Milieu, les militaires comme moi auraient la vie beaucoup plus douce.

Erelas était attentionné, pour ne pas dire charmant, mais il ne fallait pas oublier qu’il était à même de décider ou non si les portes de la cité s’ouvriraient sur leur passage. Sa décision en la matière était presque incontournable, à moins d’en appeler directement au général Cartogan – ce qui était naturellement hors de question – ou bien de faire un recours devant le Haut-Roy Mephisto lui-même. Or, le souverain de ces terres s’était notoirement retiré de la vie publique depuis quelques temps, et il n’aurait certainement pas quitté sa retraite pour une affaire aussi triviale. Il fut un temps, cependant, où les souffrances de son peuple ne lui étaient pas totalement indifférentes, mais la perte d’un enfant pouvait changer l’homme le plus honorable.

Le capitaine, quant à lui, semblait partagé. Il appartenait à cette catégorie d’hommes droits et justes pour qui la vie d’un individu, qu’il fût prince ou roturier, méritait qu’on tentât de la sauver. S’il avait été seul à décider, les portes de Minas Tirith auraient été ouvertes à tous les fils du Gondor qui demandaient asile derrière les remparts de la forteresse… Cependant, il avait reçu des directives très précises de la part du général Cartogan, et à plusieurs reprises il avait dû éconduire des infirmes, des blessés et des indigents qui venaient avec des requêtes similaires. Aucun, cependant, ne s’était présenté accompagné d’une guérisseuse elfe qui offrait ses services aux Maisons de Guérison. Cela méritait d’être pris en considération.

Il s’approcha du chariot, pour jeter un œil sur la blessure de Thédeor, simplement pour la forme, mais la première chose qu’il vit fut le regard de l’autre blessé. Un regard qui ne ressemblait aucunement à celui d’un paysan ou d’un ouvrier d’Osgiliath… Felian était sans doute un grand chevalier, un guerrier d’exception, mais c’était un bien piètre acteur, et un très mauvais menteur. En voyant apparaître le visage du capitaine Erelas, il n’eut pas le réflexe de baisser la tête ou de faire même semblant de dormir… Au lieu de quoi, il le fixa dans les yeux, le défiant involontairement du regard, et attirant immédiatement l’attention sur lui.

Le silence se fit.

Un silence glaçant.

Blanche ne tarda pas à comprendre de quoi il retournait… De toute évidence, Erelas et Felian se connaissaient, ou du moins s’étaient déjà vus par le passé. Peut-être à l’occasion d’un contrôle de routine, peut-être au cours d’un des dîners mondains auxquels les Chevaliers du Cor Brisé assistaient parfois… Quoi qu’il en fût, ils n’étaient pas des inconnus l’un pour l’autre.

- Capitaine Erelas, je…

Il leva la main, coupant la jeune aristocrate dans son élan, sans quitter Felian du regard. A cet instant précis, le chevalier regretta de ne pas avoir pris son épée avec lui. Il ignorait ce qu’il aurait bien pu en faire, car il ne se voyait pas tuer Erelas sur-le-champ, et ensuite forcer le passage jusqu’au Septième Niveau de Minas Tirith à la seule force de son bras, mais au moins il aurait été rassuré de pouvoir tenir de quoi se défendre si on venait l’arrêter.

- Capitaine… insista Blanche.

- Vous voulez entrer dans la Cité Blanche, c’est bien ça ? Accompagnées de votre assistant et de ces deux blessés ?

Les deux femmes échangèrent un regard, sans trop comprendre. Erelas lui-même ne savait pas exactement ce qui se jouait ici. Il savait parfaitement les risques qu’il prenait… qu’il prenait encore… Mais l’intime conviction l’emportait sur toute forme de prudence, et il souffla :

- Je crois que votre requête est fondée… Minas Tirith ne saurait tourner le dos à deux guérisseuses, et j’ai le sentiment que ces blessés ne seront pas une charge trop importante pour les Maisons de Guérison.

Sans rien ajouter, il fit volte-face, et cria à l’attention de ses hommes derrière les créneaux :

- Ouvrez la porte !




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A suivre par ici !


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#Erelas
Sujet: Qui sauve une criminelle se charge de son crime
Learamn

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Rechercher dans: Les Champs du Pelennor   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Qui sauve une criminelle se charge de son crime    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 10 Jan 2021 - 12:46
Suite de : Pour un laissez passer

En poussant un profond soupir d’exaspération Jekal épongea son front humide à l’aide de son brassard. Posté ainsi sur les murailles de Minas Tirith, le soleil frappait avec vigueur et chauffait inévitablement le métal de leurs lourdes armures. Lui et ses camaraes avaient parfois l’impression de se trouver dans un four, ainsi piégés dans ses carapaces brûlantes. Quel enfer! Dire que c’était d’abord l’excitation qui l’avait gagné quand il avait été affecté à la protection de la capitale. Il avait rapidement déchanté. A peine deux mois plus tard, il regrettait la tranquillité de sa contrée natale. Il aurait tant donné pour revenir à Calembel, près de sa famille.  Il y serait sûrement beaucoup plus utile qu’à rester planté ici comme un plot des heures durant. On avait parlé de cette mystérieuse armée qui menaçait Minas Tirith mais cela faisait si longtemps qu’il était là et il n’en avait pas vu la moindre trace. Ces chiens assez fous pour défier la puissance du Gondor  avaient peut-être finalement décidé de faire demi-tour.

Il jeta un regard en biais à un autre garde posté un peu plus loin: un archer de Morthond qui se tenait droit, le regard fixé vers le Pelennor. Comment faisait-il pour rester aussi figé pendant des heures? On disait des gens de la vallée de la Racine Noire qu’ils étaient fait d’un autre bois, mais rester ainsi si droit, sous la chaleur, à regarder l’horizon était proprement inhumain. Finalement ce que l’on racontait au Lamedon sur les gens de Morthond était peut-être vrai: ces types là étaient fous à lier. Ils avaient même la coutume d’organiser chaque année une grande fête, où ils pénétraient dans le Chemin des Morts pour le “purifier”. Rien que cette idée faisait frisonner Jekal. Quelle idée?  Tous à Calembel craignaient de revoir un jour des spectres hanter les rues de la cité, et ces sauvages de la vallée  allaient risquer de réveiller la malédiction au nom de sombres traditions.

Les jours se succédaient avec une monotonie affligeante. Les nouvelles de l’extérieur étaient quasiment absentes, quant aux ordres venues de l’intérieur de la Cité Blanche, ils n’étaient pas vraiment plus clairs. Ils avaient pour ordre de ne laisser entrer ni sortir personne, à l’exception de quelques convois mystérieux. Pourquoi? Ils n’en savaient fichtrement rien. Les rumeurs parlaient d’une épidémie qui accablerait les habitants de Minas Tirith; d’autres avançaient que Cartogan voulaient ainsi piéger tous les criminels qui se cacheraient dans les bas-fonds de la ville en les empêchant de fuir avant la purge qu’il préparait.  Le soldat ignorait ce qui pouvait bien se tramer et n’était pas véritablement interessé à en savoir plus. Il n’était pas de nature curieuse. Ses ordres étaient simples, c’était déjà une bonne chose. Lui se contentait de garder les portes et d’attendre la relève.

Il fut arraché de sa torpeur par la voix d’un de ses frères d’armes:

“Eh! Jekal regarde ça! Encore un autre voyageur.”


Le soldat leva les yeux au ciel en se redressant. Combien de fois fallait-il répéter que les portes de la ville resteraient closes à tout voyageur? Cela faisait déjà plusieurs mois que la quarantaine avait été proclamée mais le nombres d’imprudents venant tenter leur chance ne semblait pas faiblir. Jekal avisa le nouvel arrivant; ses traits étaient dissimulés sous un capuchon mais une certaine grâce se dégageait de lui. Sa monture était tout à fait exceptionnelle, sa robe blanche était d’une pureté qu’il n’avait encore jamais vu.

Passé ce court moment d’observation, Jekal s’exclama:

“Hola voyageur! Passez votre chemin! Les portes de Minas Tirith sont closes.”

De son côté, l’archer de Morthond avait déjà bandé son arc qu’il pointait en direction de l’inconnu. L’excès de zèle dans toute sa splendeur…

L’étranger leva les yeux, fusillant du regard l’homme qui s’était ainsi adressé à lui. Jekal ne pouvait clairement voir son visage, mais les deux yeux gris qui scintillaient sous l’ombre de la capuche suffirent à lui faire comprendre qu’il n’avait pas à faire à un simple errant cherchant le gîte et le couvert. L’inconnu  parla à son tour, d’une vois à la fois douce mais assez puissante pour se faire clairement entendre sur les murs de la ville.

“Guerriers d'Elessar, Héritiers de Numenor! Les majestueuses portes de la Cité Blanche ne sauraient rester fermées devant un émissaire du Conseil Elfique.”

Jekal et son ami échangèrent un regard incrédule. Cela dépassait clairement leurs fonctions.

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“Capitaine! Capitaine!”
Criait Jekal en frappant à la porte en bois du bureau de l’officier.

Celle-ci s’ouvrit, révélant les traits tirés de l’occupant des lieux, visiblement mécontent d’avoir ainsi été importuné au milieu de l’un de ses rares moments de détente.

“Je croyais avoir donné l’ordre de ne pas me déranger!”
Grogna Erelas.

Le visage du jeune Jekal vira au rouge vif, Il balbutia honteusement quelques excuses avant de se faire rapidement couper par l’officier.

“Allez-en au fait Soldat!
-Eh bien… c’est que on a un voyageur qui veut rentrer dans la ville…
-Et vous me dérangez pour ça ? Vous connaissez les ordres, non? On ne laisse rentrer personne.
-Oui oui mon capitaine mais il s’est présenté comme une sorte d’ambassadeur ou je ne sais quoi…
-D’ambassadeur?”

Erelas leva un sourcil. Il n’avait pas été informé de l’arrivée d’une délégation, ni même de quelque diplomate. Soit l’homme avait simplement essayé de ruser en se jouant du garde; soit il y avait quelque chose dont le capitaine n’avait pas été prévenu. Et dans les deux cas, il y aurait des mises au points. Il détestait être ainsi prit de court mais il valait mieux jeter un coup d’oeil à ce qu’il se passait aux portes pour éviter toute mauvaise surprise. L’officier enfila son ceinturon et se saisit de son épée, puis se dirigea d’un pas leste vers les murailles; Jekal le suivant en se faisant le plus petit possible.

Le Capitaine des Portes de Minas Tirith salua les hommes en poste qui se trouvaient sur son chemin. Ceux-ci pouvaient bien voir la mine fatiguée, les cernes de plus en plus profonds qui entouraient les yeux sombres de leur supérieur qui n’avait pas eu beaucoup de répit ces dernières semaines. Pris dans la tourmente, Erelas était de moins en moins serein au quotidien. Et la peste n’en était pas la seule raison.

Le Gondorien se faufila à l’extérieur de la ville par une petite porte dérobée et se dirigea vers le voyageur.

“Quel genre d’ambassadeur arrive dans une capitale en dissimulant ses traits?”

Pour toute réponse, l’inconnu rabattit son capuchon dévoilant ses longs cheveux cendrés et ses oreilles pointues. Un Premier Né. Un autre..

“Mae Govannen, Capitaine. J’aimerais parler à vos supérieurs.”


Malgré la surprise, Erelas ne se laissa pas démonter. Gonflant le torse, il répondit au tac- au-tac.

“Je suis en charge ici. Je décide qui rentre dans la cité! Vous n’aurez affaire qu’à moi!”

L’efle esquissa un léger sourire et prit quelques secondes avant de répondre. Il tira de ses amples vêtements un parchemin, roulé sur lui même. Mais Erelas n’avait pas besoin d’ouvrir le document marqué du sceau du Conseil Elfique pour comprendre qu’il n’avait pas affaire à un imposteur.

“Seriez-vous donc le reponsable?
-Le responsable?
- Aider ainsi une meurtrière. Certains jugeraient de tels actes bien impertinents
-Je ne vous suis pas...
- Une meutrière, rendue coupable d’odieux crimes envers la Dernière Maison Simple, se cache derrière les murs immaculés de Minas Anor. Capitaine… Pourquoi refuser de répondre simplement quand la vérité se lit dans vos yeux?  Mortel... avez-vous fait entrer Lithildren Valbeön d’Imladris à Minas Tirith?”

Réalisant son erreur, Erelas sentit lentement la pression monter en lui.

Serambeür répéta:

“Capitaine… J’aimerais parler à vos supérieurs.”
#Jekal #Serambeür
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
Ryad Assad

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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 13 Avr 2019 - 20:17
L'éclair de peur qui passa dans les yeux de Reinil fit peut-être regretter à Lithildren de s'être montrée trop franche. Après tout, elle manifestait une certaine froideur face à la mort physique et aux perspectives de la prison, mais le jeune garçon qui lui faisait face semblait avoir été catapulté dans un univers qui n'était pas le sien. La violence, l'illégalité, le danger… autant de concepts qui le dépassaient et qu'il n'arrivait pas à bien se représenter. Il s'était toujours vu comme un fervent défenseur de la vérité et de la connaissance, mais avec l'arrestation de Nallus, la quarantaine dans la Cité Blanche, et toutes ces choses qui se passaient, il avait l'impression que ses certitudes s'effondraient.

La vérité ne protégeait pas contre l'arbitraire, la force et la cruauté.

Il était bel et bien en danger.

- J'ai très peur, Dame Lithildren.

Cette confession lui avait échappé, et il baissa la tête plein de honte. Il aurait voulu être plus courageux, avoir le cœur brave de ces chevaliers qui partaient à l'aventure sans craindre ni l'adversité ni les épreuves. Mais il n'était qu'un jeune érudit perdu dans ses livres. Il n'avait pas ces qualités.

- Je vous aiderai de mon mieux, cependant. Pour monsieur Nallus.

Cette pensée réconfortante lui tira un sourire difficile. Il songeait souvent au vieil homme, qui devait se morfondre entre quatre murs glacés, dans une pénombre épuisante. C'était du moins ainsi que le garçon se représentait une cellule, et il espérait bien pouvoir en tirer son mentor. Malgré ses doutes et ses hésitations, il éprouvait au fond de lui-même une forme d'excitation incontrôlable à l'idée de mener enfin un combat qui en valait la peine. Il était là pour aider Lithildren, et il lui semblait tout à coup que tous ses efforts passés avaient désormais un sens. Il n'apprenait plus simplement pour impressionner ses professeurs ou éprouver la satisfaction discrète du travail accompli, mais pour une cause noble et juste qui méritait d'être défendue. C'était sans doute ce qui lui permettait de rester là, fermement ancré sur ses pieds, plutôt que de fuir en courant pour oublier toute cette histoire.

Il en était là de ses réflexions quand le cri de Lithildren le ramena brutalement à la réalité. Il sursauta comme si on l'avait piqué avec un aiguillon, et mit un moment à comprendre ce qu'elle voulait lui dire. Trouvé ? Trouvé quoi ? Son impatience était à la hauteur de sa découverte, cependant, car quand elle lui montra la clé de lecture du texte mystérieux qu'il avait retrouvé dans les documents de Nallus, ses yeux s'agrandirent de surprise.

- Un code… Astucieux !

Son enthousiasme de jeune garçon adepte de petits jeux d'esprit s'éveilla, et il adressa de sincères félicitations à l'Elfe. Elle venait de les faire avancer d'un grand bond dans cette histoire et, peut-être, de les mettre sur une piste intéressante qui leur permettrait de libérer Nallus.

- Nous avons là une indice très précieux, mais cela ne nous donne pas encore l'identité des coupables. Il serait plus prudent de garder cette lettre en sûreté.

Il invita Lithildren à le suivre un peu plus loin dans la pièce, et lui indiqua l'emplacement d'un petit coffre secret, habilement dissimulé derrière un pan de mur amovible sur simple pression. Le tout était invisible de l'extérieur, mais recelait assez d'espace pour enfermer en sûreté leurs documents et éviter une fouille. Le jeune étudiant s'en expliqua :

- La Société des Chercheurs est une institution ouverte et neutre, mais nous savons quels risques peuvent peser sur nous en raison de nos activités. L'université recèle de nombreux secrets, et nous avons pris l'habitude de mettre en sécurité le fruit des recherches les plus sensibles.

Il referma la cache soigneusement, et se tourna vers Lithildren, qui semblait au moins aussi épuisée qu'il pouvait l'être. D'une voix douce il lui indiqua :

- On ne voit guère le temps passer ici, car les fenêtres sont hautes, mais le soir tombe déjà. Que diriez-vous de prendre un repos bien mérité, et de nous restaurer ?

Reinil avait raison. Ils avaient travaillé d'arrache-pied toute la journée, sans même voir les heures défiler, et ce n'était que maintenant qu'ils se rendaient compte qu'ils n'avaient rien avalé depuis le matin. L'heure était venue de prendre un repas chaud, et de se relaxer afin d'être en mesure de percer les autres secrets de la Fraternité dès le lendemain. Ils pouvaient déjà se satisfaire de leurs progrès, car ils semblaient désormais être sur une piste brûlante qui mériterait d'être creusée plus avant. Le jeune garçon conduisit Lithildren hors de la salle de recherche, vers un grand hall désespérément vide, où se rassemblait à peine une demi-douzaine d'érudits. Ils mangeaient en bavardant de choses et d'autres, mais interrompirent leurs conversations en voyant approcher Lithildren.

Leurs sourires sincères et francs offrirent un accueil aussi chaleureux que possible à ces hommes de science et de savoir qui se réjouissaient de dîner en illustre compagnie. Ils lui firent signe d'approcher, et l'un d'entre eux s'appliqua à lui servir une large portion de légumes variés, accompagnée d'une pièce de jambon de toute évidence savoureuse. C'était un repas de qualité si on le comparait à ce que mangeaient les gens du peuple en-dehors des murs de l'imposante Minas Tirith, mais à l'échelle de la cité ce repas semblait modeste et frugal. Les professeurs cultivaient une forme de modestie qui les honorait, même s'ils vivaient dans le confort de la plus prestigieuse forteresse de la Terre du Milieu, et que leurs frais étaient couverts par le trésor royal et par les généreuses donations des aristocrates soucieux de se comporter en mécènes avisés.

Les convives se montrèrent curieux au sujet de la présence de Lithildren entre ces murs, ce qui les incita à lui poser quelques questions polies, mais ils étaient suffisamment sages pour savoir qu'il n'était pas utile de tout connaître, et que les motifs de la jeune femme n'appartenaient qu'à elle. En ce monde, la connaissance était autant une arme qu'un danger, et ils ne souhaitaient pas faire planer une quelconque menace sur eux-mêmes, surtout que l'arrestation de Nallus était encore fraîche dans leurs esprits. Ils se mirent donc rapidement à parler d'autre chose, laissant la conversation dériver au gré du hasard. Pour Reinil, ce moment de détente était tout simplement magique, et il avait toujours adoré entendre les professeurs échanger et débattre entre eux, leurs esprits vifs s'engageant dans des duels de logique et de vivacité au moins aussi impressionnants que les passes d'armes des bretteurs les plus talentueux.

Ils mangèrent, ils burent, ils rirent même aux plaisanteries acérées que les vénérables se lançaient parfois. Pour la première fois depuis fort longtemps, il sembla qu'un cocon de paix et d'harmonie venait de se constituer, loin des tourments de la guerre, de la maladie et de la Fraternité de Yavannamirë…

#Reinil

~ ~ ~ ~


Le soir entrait par la fenêtre du petit bureau, qui donnait directement sur l'ensemble de la cité. Depuis le septième niveau, les torches que portaient les gardes ressemblaient à de petites perles lumineuses, comme si sous leurs pieds s'était étendu un ciel étoilé dans lequel le vertigineux promontoire l'incitait à plonger. Quelqu'un frappa soudainement à la porte :

- Entrez, fit-il en se détachant de sa contemplation.

Un homme d'âge mûr fit son apparition dans l'entrebâillement, lissant les plis de sa tunique en essayant de cacher une pointe de nervosité. Ou d'agacement ?


- Lord Rhydon, vous vouliez me voir ?

L'intéressé hocha la tête, et prit place dans son épais fauteuil.

- Tout à fait, capitaine Erelas. Je voulais entendre de votre bouche quelles étaient les nouvelles.

Erelas s'éclaircit la gorge, se redressant imperceptiblement comme s'il s'apprêtait à faire un rapport. Il commença d'ailleurs son récit de manière méthodique, en énonçant clairement les principaux points à retenir, à savoir que la situation des civils et de l'armée était toujours sous contrôle malgré les rumeurs qui se faisaient de plus en plus insistantes, et que la garnison en place à Rammas Echor n'avait toujours repéré aucun signe menaçant de la part des Orientaux de Cair Andros. Ils attendaient, stationnés aux points stratégiques, sans savoir quand ils seraient relevés de leurs fonctions et enfin autorisés à stationner à l'intérieur de la Cité Blanche. Rhydon l'écoutait très attentivement, fixant sur lui des yeux sombres.

- Est-ce tout ? Fit-il bientôt quand Erelas eut achevé son récit.

- Euh… Oui, sire, je crois que je n'oublie rien.

- Et moi je crois au contraire que vous oubliez quelque chose de très important. On m'a rapporté que vous aviez admis quelqu'un au sein de Minas Tirith, ce matin. Une femme elfe.

Le capitaine s'efforça de rester impassible, mais il ne put s'empêcher de tiquer intérieurement. Rhydon ne l'avait pas fait venir pour un simple rapport. Il avait essayé de gagner du temps en lui parlant de choses et d'autres, mais Lithildren semblait être la principale raison pour laquelle il avait été convoqué ici. Car après tout, il n'était pas dans les habitudes de cet homme sec et pédant de prendre ses informations directement auprès des hommes de la troupe qui se trouvaient sur le terrain. De son point de vue, Erelas n'était qu'un des très nombreux maillons de la cotte de mailles humaine qui défendait Minas Tirith. Un maillon paré du titre de capitaine, mais un maillon parfaitement remplaçable néanmoins. Son ascendance noble lui conférait peut-être un certain prestige au sein de l'armée régulière, mais pas ici. Pas dans ce bureau.

- C'est exact, sire. J'ignorais cependant que vous étiez intéressé par cette affaire.

- Il n'est pas d'affaire qui n'intéresse pas le Service, capitaine. Dites-moi, pourquoi avez-vous fait entrer cette femme dans Minas Tirith ?

L'officier prit une seconde de réflexion. S'il mentait, il se pouvait fort que la situation se retournât contre lui dans le futur, et Rhydon n'était pas du genre à plaisanter avec l'insubordination. Même s'ils n'appartenaient pas officiellement à la même branche, il se débrouillerait pour briser sa carrière, voire le faire passer pour un traître au royaume. A l'heure actuelle, cette accusation pouvait suffire à l'envoyer à la potence… Il répondit sur un ton qu'il espérait convaincant :

- Elle cherchait à rencontrer les érudits de l'université de Minas Tirith, et c'est là que je l'ai conduite. J'ai aussi pensé qu'elle pourrait nous apporter son aide, car on dit que la médecine elfique est capable de faire des miracles.

La réponse était suffisamment évasive pour lui permettre de mettre Rhydon sur une fausse piste, mais l'homme était malin, et il demanda :

- Vous a-t-elle dit qui elle cherchait à rencontrer en particulier ?

- Je ne crois pas, mentit Erelas. Voulez-vous que je me charge de lui poser la question ?

Rhydon leva la main pour l'interrompre :

- Ce ne sera pas nécessaire, capitaine. Mes hommes s'en occuperont. Je ne vous retiens pas davantage, vous pouvez disposer.

Erelas inclina légèrement la tête, mais alors qu'il allait partir, Rhydon l'interpella d'une voix où ne transparaissait nulle compassion :

- Une dernière chose, capitaine… Rappelez-vous que vos ordres consistent à assurer la défense du Premier Cercle, pas de décider qui peut entrer ou sortir de Minas Tirith. Souvenez-vous en, car le général Cartogan aime peu ce genre d'initiatives. Compte-tenu du contexte, je suis sûr que vous comprenez.

- Oui sire, toutes mes excuses.

La porte se referma doucement derrière Erelas, et Rhydon lâcha un soupir. Son regard se perdit de nouveau vers l'horizon, alors qu'il se grattait le menton sans y penser. Il pressentait que quelque chose se tramait, mais il lui faudrait attendre d'obtenir un rapport à la fois fiable et précis pour se faire une idée de la situation. Le capitaine ne lui avait pas tout dit, et il y avait comme un vent de sédition dans les bas-fonds de Minas Tirith. Il se leva pour regarder de nouveau par la fenêtre, conscient que les ennemis du Gondor ne se trouvaient pas tous à l'extérieur de ces murs…


~ ~ ~ ~


Au petit matin, les jardins de l'université avaient ce petit quelque chose de féerique. Baignés d'une douce lumière, les lieux s'illuminaient de manière somptueuse, alors que plantes et murs se confondaient l'un avec l'autre, mariage curieux de la pierre et des végétaux le long d'ensembles architecturaux construits par des artistes de grand talent. Leur nom était peut-être oublié aujourd'hui, mais la beauté de leur création continuait de transparaître. On reconnaissait les traits númenoréens, à la fois lourds et imposants, mais s'y ajoutait la finesse et le goût du détail des Eldar. Le résultat était magnifique, et il fait bon se promener à l'ombre des grands arbres aux feuilles légèrement agitées par la brise en profitant de cette vue à nulle autre pareille dans la Cité Blanche. Cependant, quelque chose vint troubler le cadre idyllique et apaisant du jardin. Le bruit distinct de bruits de pas nombreux, accompagné des échos d'une vive discussion.

- Mais vous n'avez pas le droit ! Nous avons déjà déposé une plainte à Sa Majesté, et nous ne manquerons pas de dénoncer vos abus de pouvoir !

L'homme qui essayait vainement de défendre sa cause était un des professeurs que Lithildren avait rencontrés la veille. Il s'appelait Horas, et elle n'avait pas pu ne pas remarquer son regard malicieux. Il était un véritable bout en train d'ordinaire, mais en la circonstance il paraissait plutôt courroucé par la présence incongrue de deux soldats de l'armée royale en uniforme, qui escortaient un troisième homme, de toute évidence le chef de la troupe. Celui-ci, enveloppé dans une cape légère, pressait le pas pour ne pas avoir à écouter les plaintes du professeur. Les deux soldats qui le suivaient essayaient quant à eux de calmer leur interlocuteur qui n'en démordait pas et exigeait d'eux qu'ils attendissent aux portes de l'université.

Reinil était réveillé depuis quelques temps, et il avait déjà eu le loisir de se toiletter et de s'apprêter. Il se préparait en réalité à aller prendre le premier repas de la journée dans le hall commun, quand il entendit des éclats de voix. Il ne mit pas longtemps à comprendre que des hommes du Haut-Roy se trouvaient sur les terres de l'université, et que cette nouvelle violation de leurs droits ne pouvait avoir pour cause que la présence de Lithildren, arrivée la veille. Abandonnant ses affaires sur place, il se précipita jusqu'à la chambre de la guerrière, qui se reposait encore. Toquant précipitamment, il souffa :

- Dame Lithildren, c'est Reinil. Je… Faites vite, je crois que des hommes viennent pour vous !

Il entendit de l'agitation à l'intérieur, comme quelqu'un qui s'habillait prestement, et en retour il décida de monter la garde à l'entrée, prêt à accueillir le trio qui tournait déjà au bout du couloir et marchait vers lui d'un pas décidé.

- Garçon ! Cria le chef de la compagnie. Où se trouve l'Elfe ? Réponds rapidement, nous sommes pressés.

- Elle est à l'intérieur, mais elle n'est pas encore disposée à vous recevoir.

L'homme semblait ne pas se soucier de cet état de fait, mais Reinil s'interposa entre lui et la porte, la bloquant de sa frêle personne. Cette micro-résistance parut surprendre le militaire, qui rapprocha instinctivement la main de son épée. De toute évidence, ils étaient à cran, et ils n'avaient pas envie de perdre du temps. Pour autant, un meurtre de sang froid au beau milieu de l'un des lieux les plus révérés de la Cité Blanche serait considéré comme impardonnable. Il lui fallait trouver une autre solution.

- Nous avons des questions à lui poser, c'est tout.

- Une dame ne saurait voir quiconque avant d'être habillée, monsieur.

L'intéressé fit claquer sa langue, agacé. Il n'était pas payé pour qu'un gamin lui tînt tête. Au moment où il se trouvait sur le point de s'emparer de Reinil pour l'écarter sans ménagement de sa route, il vit toutefois la porte s'ouvrir. Lithildren fit son apparition, une expression indéchiffrable sur le visage. Mentalement, l'homme la compara au portrait sommaire qu'on lui en avait dressé, et jugea qu'il s'agissait probablement de celle qu'il recherchait. Elle avait des oreilles pointues, ce qui était assez rare dans la capitale du Gondor à l'heure actuelle. Pas de doute, c'était bien elle.

- Bonjour madame, je m'appelle Cereis. Au nom de Sa Majesté Mephisto, j'aimerais éclaircir les raisons de votre présence ici. Voudriez-vous nous expliquer ce qui vous amène à Minas Tirith ? Plus précisément à l'université ?

Un silence s'installa entre tous ceux qui étaient présents, y compris Horas qui venait d'arriver, le souffle court. Chacun regardait Lithildren dans l'attente de sa réponse. Cereis, qui paraissait très sûr de lui, se permit d'ajouter :

- J'ai des ordres très stricts, et je préférerais vous voir collaborer avec nous.

La menace était à peine voilée. Reinil, qui s'était légèrement écarté, ne put s'empêcher de noter que le pourpoint du dénommé Cereis ne portait pas les armes traditionnelles du Gondor. Il ressemblait peut-être à un militaire, mais il n'en avait certainement pas l'uniforme, contrairement aux deux gardes qui l'accompagnaient. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?

#Cereis #Horas
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
Ryad Assad

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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 22 Sep 2018 - 23:16

Un bruit sec, puis un grincement. Devant les yeux de Lithildren, les immenses portes demeurèrent closes. Elle n'aurait pas le plaisir de les voir s'ouvrir péniblement, tirées par une douzaine d'hommes qui avaient la noble tâche de veiller sur ce merveilleux ouvrage. C'était un présent des Nains qui datait de la fin du Troisième Âge, une création à la fois superbe et majestueuse, et on disait que rien ne pouvait détruire ce premier rempart. Pas même la furie d'un dragon. Les murailles de la cité s'effondreraient avant cette porte, racontait-on parfois, ce qui remplissait d'orgueil ceux qui se trouvaient chargés de sa défense. Personne n'était pressé de vérifier cette légende, cela dit. En temps de paix, on idéalisait la guerre, et en temps de guerre on se prenait à trouver ce type de fables ridicules et à rêver à la paix. C'était ainsi. Toute Elfe qu'elle fût, Lithildren n'avait ni l'aura ni le rang pour que l'on ouvrît tout grand pour elle seule les portes de Minas Tirith. Elle devrait se contenter d'une poterne étroite, à peine assez étroite pour lui permettre d'entrer avec son cheval. Erelas, qui se tenait à côté d'elle, et qui n'avait pas manqué de noter son trouble, lui glissa de nouveau :

- Ne vous inquiétez pas pour le commandant Mevan. C'est un homme intelligent, et il sait que vous ne faites qu'obéir aux ordres.

Il essayait de se montrer rassurant, mais il n'y avait rien de rassurant dans son attitude crispée et ses traits tirés, pas davantage que dans le discret soupir de résignation qu'il poussa en faisant aller sa monture. Il aurait dû être heureux de retrouver le calme de la Cité Blanche et la protection des épais murs de pierre sombre qui entouraient le premier cercle. Au lieu de quoi, il paraissait las, peu pressé d'entrer de nouveau dans la gueule du loup. Il précéda Lithildren, non pas qu'il manquât de courtoisie, mais il était préférable qu'il parlât aux hommes pour éviter un bête incident diplomatique. Alors qu'il pénétrait à l'intérieur de la cité, plusieurs gardes se massèrent près de lui et l'aidèrent à descendre, prenant soin de son cheval et le pressant de questions. Il les apaisa d'un geste et leur expliqua :

- Je viens accompagné de Dame Lithildren, et son entrée dans la cité est une décision que j'assume personnellement. Occupez-vous de son cheval, et traitez-le bien.

Les hommes obtempérèrent, habitués à obéir. Dans ces circonstances, avec l'inquiétude qui se lisait sur leurs visages, ils ne souhaitaient pas défier l'autorité d'un gradé. Ils avaient besoin d'être guidés, et pour beaucoup la présence d'une représentante des Eldar était inspirante, voire réconfortante. L'un d'eux s'avança même vers Lithildren en lui soufflant :

- Merci d'être venue nous aider…

Il n'en dit pas davantage, et elle n'eut pas le temps de le questionner. Erelas régla quelques affaires administratives auprès des hommes, mais sa seule présence empêcha les questions trop gênantes, et l'Elfe fut autorisée à garder ses armes : un privilège exceptionnel au sein de la Cité Blanche. L'officier jugea tout de même utile de préciser à la guerrière :

- La politique du général Cartogan est extrêmement stricte : seuls les hommes du roi peuvent porter les armes au sein de la cité. Je ne vous forcerai pas à laisser vos effets en consigne auprès de la garde, mais peu importe où vous dormirez, arrangez-vous pour y laisser votre équipement. Je ne pourrai pas intercéder en votre faveur si vous êtes prise par une patrouille.

Ils s'éloignèrent des portes, et prirent la direction de la grande avenue qui serpentait à travers Minas Tirith en s'élevant entre les différents niveaux. La ville tout autour d'eux était superbe, et son architecture ne pouvait que rendre admiratif l'esprit ouvert et curieux. Tout semblait avoir été sculpté à même le roc par un artiste insensé, qui se serait donné pour objectif de créer une véritable fourmilière gigantesque. Partout on retrouvait le style typique des núménoréens : des bâtiments de d'une pierre taillée belle et blanche, de grandes et nobles arches aux courbes voluptueuses qui s'ouvraient sur des cours pavées où chantait l'eau d'une fontaine, des chapiteaux historiés figurant des motifs lissés par les éléments, et dont le sens originel s'était perdu avec les âges. Il y avait dans la cité quelque chose de majestueux, d'imposant, pour ne pas dire d'écrasant. Il était difficile de ne pas être charmé par la splendeur de la capitale du grand royaume des Hommes, mais comment ne pas se sentir tout petit face à tant de majesté ?

Ce qui frappait sur le chemin de Lithildren était peut-être l'absence quasi totale de civils, à quelques rares exceptions près. Il y avait bien des serviteurs qui allaient ici ou là, des pages qui s'occupaient des chevaux et qui entretenaient les armes, des messagers qui couraient porteurs de nouvelles d'importance, mais c'était bien tout. On ne voyait ni femmes, ni enfants, ni vieillards, ni marchands… rien de ce qui composait ordinairement le premier cercle de Minas Tirith. Ce peuple grouillant et plein de vie qui s'activait chaque jour, et donnait son caractère à la ville. Ces vieilles rombières qui scrutaient d'un œil malin les marchandises venues de loin, ces gamins des rues qui couraient et délestaient les moins prudents d'une bourse trop bien remplie, et ces crieurs publics qui amenaient les nouvelles d'un bout à l'autre de la cité, chantant parfois quelques chansons dans une atmosphère souvent guillerette, parfois même franchement joviale.

Où étaient-ils tous passés ?

Il n'y avait là que des soldats, qui semblaient venir de tous les horizons. Ils s'étaient rassemblés par lieu d'origine, et en passant Erelas salua personnellement deux ou trois hommes qui venaient de la Vallée du Morthond. Des hommes assez austères, pour ne pas dire sinistres, qui ressemblaient davantage à des forestiers qu'à de beaux bourgeois. Ils portaient tous l'arc, et beaucoup d'entre eux avaient la barbe fournie. Il y avait également des contingents du Lamedon, envoyés au nom du seigneur Lodewik. Ces hommes paraissaient nombreux, et ils portaient fièrement les couleurs de leur suzerain, mais ils semblaient jeunes et assez peu expérimentés. Des recrues vaillantes, mais dont l'enthousiasme s'était mué en une morosité presque affligeante. Ils erraient comme des âmes en peine, et semblaient attendre le moment de rentrer chez eux. Ils regardèrent passer Lithildren avec une pointe d'intérêt dans le regard, se demandant si cette Elfe était là pour leur apporter des nouvelles réjouissantes, la fin du conflit peut-être… Mais puisqu'elle ne s'arrêta pas devant eux, ils retombèrent dans l'ennui.

Erelas conduisit Lithildren à travers la foule de soldats, et il l'emmena à la conquête de la Cité Blanche. L'Université de Minas Tirith ne se trouvait pas dans le premier cercle, et ils devaient monter pour la rejoindre. En passant, l'Elfe eut un aperçu du dispositif de défense impressionnant déployé par le Gondor. Des archers se massaient à chaque croisement, bloquant les artères principales de la ville, prêts à canaliser le flot d'assaillants dans un piège mortel. Entrer à Minas Tirith était déjà un véritable exploit, mais comment ensuite se frayer un chemin à travers ces rues surplombées par des tireurs aguerris prêts à décocher leurs flèches. Les portes intermédiaires étaient ouvertes pour permettre une circulation fluide, mais au moindre signe de danger elles seraient fermées pour de bon, et défendues bec et ongles par des dizaines d'hommes armés jusqu'aux dents. La forteresse paraissait véritablement imprenable… alors pourquoi cette agitation fébrile ? Elle était palpable, et on pouvait sentir chez tous les hommes du rang une forme d'angoisse latente. Ils attendaient, économisaient leurs forces, sans se laisser aller à se détendre tout à fait. Lithildren n'aurait pas la réponse à sa question, car déjà ils arrivaient devant l'Université.

Ils y rencontrèrent un serviteur, un jeune garçon qui ne devait pas avoir plus de quinze ou seize ans. Il était habillé d'une belle toge bien lisse, et portait sous le bras des livres qu'il devait probablement étudier pour une classe. Quand Erelas et Lithildren s'approchèrent de lui, il s'efforça de dissimuler sa surprise, et lança d'une voix où perçait l'assurance de ceux qui ont appris depuis tout jeune les règles pour se tenir en société :

- Madame, monsieur, je m'appelle Reinil. Que puis-je faire pour vous aider ?

Erelas, qui avait lui-même reçu une très bonne éducation, savait comment mettre leur jeune ami à l'aise tout en obtenant ce qu'il voulait. Il répondit simplement :

- Enchanté Reinil, je suis le capitaine Erelas, et voici Dame Lithildren. J'aurais besoin que vous apportiez quelques renseignements à cette dernière, et que vous veilliez personnellement à répondre à tous ses besoins. Il s'agit d'une affaire d'État.

Cette dernière phrase poussa immédiatement le jeune étudiant à se redresser, et ses yeux s'agrandirent de surprise. Une affaire d'État ? C'était une chose à ne pas prendre à la légère, et il ne voulait pas se déshonorer en manquant à son devoir. Sa réponse fut de circonstance :

- Je veillerai sur elle, capitaine. Comment puis-je vous aider ?

Ce fut Erelas qui répondit encore une fois :

- Trouvez-lui un lit, et montrez-lui les appartements de monsieur Nallus. Puis, se tournant vers Lithildren, il ajouta : Je vous laisse en compagnie de Reinil. Demandez après moi quand vous aurez du nouveau.

Reinil inclina la tête respectueusement en voyant Erelas s'éclipser, avant de revenir à Lithildren. Il lui adressa un sourire avenant, avant de lui déclarer :

- J'ai bien peur d'être plus doué pour lire le sindarin que pour le parler. Cela vous dérange-t-il si je m'adresse à vous en annúnaid ?

Il s'agissait d'une marque de politesse, car bien que les Elfes fussent très fiers de leur noble et belle langue, il n'était pas rare de les voir grincer des dents en entendant les Hommes écorcher les sonorités mélodieuses de leur superbe idiome. Reinil ne manquait pas absolument de talent en la matière, mais il aurait détesté se montrer inconvenant avec une invitée de qualité comme pouvait l'être Lithildren. Il conduisit cette dernière à travers l'Université, qui se trouvait être un endroit tranquille et reposant parsemé de petits jardins intérieurs. Quelques érudits discutaient entre eux, ici ou là, mais ils ne croisèrent pratiquement personne. Reinil s'en expliqua :

- D'ordinaire, il y a davantage de professeurs et d'étudiants, mais depuis que la cité est fermée, il n'y a pratiquement plus personne. J'espère que tout cela se terminera bien vite, et que vous pourrez voir Minas Tirith telle qu'elle est vraiment, quand tout ira mieux. Étiez-vous déjà venue dans la Cité Blanche auparavant ?

Sa question était innocente, mais il avait vu Lithildren observer autour d'elle avec une pointe de curiosité, et il n'avait pas pu s'en empêcher. Il était curieux, il aimait faire la conversation, et il y avait une forme de douceur tranquille et rassurante dans son attitude. Il semblait parfaitement déconnecté du monde, et on devinait déjà chez lui l'attitude contemplative de ses aînés, absorbés dans la connaissance au point d'en oublier parfois les réalités du monde. Leurs pas les emmenèrent bientôt vers une aile pratiquement déserte, où s'alignaient un grand nombre de portes. Reinil, qui semblait connaître les lieux parfaitement, toqua à une porte, et demanda à un homme s'il pouvait avoir une chambre pour Lithildren. Il expliqua brièvement la situation, mentionnant Erelas et sa mission, ce qui suffit à convaincre l'intendant de lui donner une clé. Il revint vers l'Elfe en lui tendant ladite clé, et lui expliqua :

- Votre chambre est juste ici, je vous en prie. Tandis qu'elle s'y introduisait et faisait quelques pas à l'intérieur, il ajouta : Le confort y est rudimentaire, mais invités et étudiants sont tous logés ainsi. Nous n'avons pas de bains pour femmes, mais je viendrai vous apporter un baquet d'eau chaque matin si vous le souhaitez. Quant aux repas, nous les prenons en commun dans la grande salle, là-bas. Si vous préférez vous isoler pour manger, je peux toutefois vous les apporter afin que vous mangiez au calme.

Il lui expliquait les règles avec une simplicité et une amabilité sincère, comme s'il lui ouvrait les portes de sa propre maison. Il fallait dire que pour Reinil, cet endroit était comme une seconde demeure, et c'était la raison pour laquelle il était encore là alors que bien d'autres avaient quitté l'Université en ces temps troublés. Il ne pouvait pas les blâmer, mais il n'avait pas pu se résoudre à partir. Alors que Lithildren enregistrait ces informations et déposait ses affaires, le jeune homme intervint de nouveau :

- Le capitaine Erelas m'a indiqué que vous souhaitiez voir monsieur Nallus… Je… Vous devez savoir qu'il a été arrêté il y peu. Une affaire terrible, qui a beaucoup choqué notre communauté. Je n'avais encore jamais vu les hommes du roi pénétrer ainsi dans ces lieux. En son absence, peut-être souhaitez-vous parler à quelqu'un d'autre ? Ou moi-même, bien sûr, si je peux répondre à vos questions.
Sujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 18 Sep 2018 - 18:50

Mevan regarda successivement Lithildren puis Erelas. Elle avait semblé hésitante au moment de donner le nom de l'homme qui l'avait envoyée ici, à Minas Tirith, ce qui pouvait paraître suspect. Le commandant de Pelargir ne savait pas si la mémoire lui faisait sincèrement défaut, ou si elle essayait de dissimuler l'identité de l'intéressé. Erelas fixa l'Elfe pendant un instant sans rien répondre, comme s'il la jaugeait. Il était difficile de savoir ce qu'il pensait de sa réponse, mais il se fendit d'un commentaire aussi laconique que frustrant :

- Je vois.

Et il n'ajouta rien, passant immédiatement au sujet qui les intéressait. Mevan espérait que cela ne poserait aucun problème, car il avait le sentiment qu'Erelas en savait davantage qu'il ne voulait bien l'admettre. Ils jouaient tous les trois un jeu de dupes, et se cachaient des choses les uns aux autres au lieu de parler franchement. En étaient-ils réduits à cela ? A ne plus savoir accorder leur confiance à quelqu'un qui se présentait pourtant comme un allié ? Les épaules du Commandant s'affaissèrent. Il trouvait cette situation désolante.

Alors qu'il était plongé dans ses réflexions, il vit Lithildren s'approcher d'Erelas pour lui glisser quelques mots à l'oreille. Quelques mots qui, de toute évidence, ne lui étaient pas destinés. Il fronça les sourcils malgré lui, surpris et quelque peu outré d'être traité ainsi. N'avait-il pas tendu la main à l'Elfe quand elle en avait eu besoin ? Il avait offert de l'aider dans la quête qu'elle s'était fixée, et elle avait paru rassurée d'avoir trouvé quelqu'un comme lui… quelqu'un d'honnête et de courageux. Mais désormais qu'elle avait en face d'elle Erelas, elle le tenait à l'écart plutôt que de parler franchement. Il fut bien incapable de cacher son désarroi, qui n'était pas de la colère mais simplement l'expression de sa profonde confusion. Lithildren lui avait paru si sincère, si perdue, si vulnérable… et aujourd'hui elle se comportait comme s'il ne valait pas mieux qu'un vulgaire brigand. Insaisissable et difficile à cerner, elle lui parut tout à coup tellement éloignée de lui-même. Cette Elfe le percevait sans doute comme un insecte à la vie éphémère qui n'était pas digne de son attention. Que valaient ses sentiments personnels et ses états d'âme face aux impératifs du monde. Elle existait dans un autre univers que le sien, et il avait été stupide d'imaginer… de croire que…

Il n'avait jamais eu aucune chance.


Erelas s'était étonné de la réaction de Lithildren. Pendant un instant, il avait cru qu'elle et Mevan allaient essayer de le convaincre de les laisser entrer au sein de la Cité Blanche, mais il semblait que les deux ne s'entendaient pas si bien que ça. Tout du moins, l'Elfe paraissait animée d'une volonté inébranlable, et elle ne s'arrêterait pour personne. Mevan, derrière elle, paraissait mal à l'aise d'être ainsi laissé de côté sans le moindre ménagement. Mais ce qu'elle lui glissa à l'oreille avait de quoi faire peur, et expliquer sa réaction empressée.

Une organisation pire que l'Ordre de la Couronne de Fer ? Un meurtrier en liberté ?

Voilà des mots qui agitaient forcément un militaire, et qui poussèrent Erelas à accorder une attention toute particulière à Lithildren. Aurait-elle été une simple humaine, une vagabonde sans nom et sans histoire qu'il ne lui aurait pas accordé la moindre attention et serait retourné derrière les épais murs de la cité sans tarder. Mais elle était une Elfe, et il accordait un certain crédit aux paroles du beau peuple. Il lui répondit sur le même ton de conspirateur :

- Tout ceci est très inquiétant, j'en ai peur… Vos intentions semblent pures, mais je n'ai pas le pouvoir de vous permettre d'accéder à Nallus. Il faudra que vous trouviez des raisons plus solides pour convaincre le général Cartogan. Des preuves tangibles. Nallus avait peut-être laissé quelque chose derrière lui qui pourrait vous aider.

Il marqua une pause lourde de sens. Ce n'était qu'une hypothèse, mais c'était bien leur meilleure chance car ils ne pouvaient pas défier frontalement l'autorité de Cartogan. Pas sans avoir derrière eux la force du droit et de la justice. Erelas ajouta :

- J'ai entendu des choses troublantes au sujet d'une organisation qui pourrait correspondre à celle dont vous m'entretenez. Une fraternité… Je pensais qu'il ne s'agissait que d'une lubie… Si c'est cela dont vous parlez, il est peut-être nécessaire que vous enquêtiez sur l'affaire sans tarder, d'ici à ce que vous puissiez entrer en contact avec monsieur Nallus.

Nouvelle pause. Cette fois, il jeta un regard à Mevan qui se trouvait derrière l'Elfe. Le commandant avait les mâchoires serrées, crispées, mais il s'efforçait de maintenir une attitude respectueuse. Il était théoriquement supérieur en grade à Erelas, mais les officiers de Minas Tirith jouissaient d'un grand prestige, et Erelas était un noble de haute lignée alors qu'il était de notoriété publique que Mevan n'était qu'un roturier.

- Ce n'est pas dans mes consignes, mais je peux négocier pour vous faire entrer à Minas Tirith si vous le souhaitez. A partir de là, je pourrai vous orienter vers l'université, où travaillait monsieur Nallus. Mais le commandant Mevan devra rester derrière, je n'ai pas l'autorisation de le faire entrer au sein de la cité. Vous devez aussi vous engager à ne pas parler de ce que vous verrez derrière les murs. Pas même au commandant.

Il examina soigneusement Lithildren, comme s'il voulait voir si sa résolution était si grande qu'elle était prête à entrer dans la ville en laissant derrière elle son meilleur allié :

- Si cela vous convient, je vous laisse expliquer la situation au commandant. Prenez le temps de réfléchir.

Sans attendre, il fit tourner sa monture et l'éloigna de quelques mètres, suffisamment pour laisser à Mevan et Lithildren l'espace de parler tranquillement. Le commandant s'approcha de l'Elfe, la curiosité ayant tout à coup remplacé la déception dans ses yeux innocents. Il fit mine de ne pas avoir été blessé par ces paroles murmurées loin de son oreille, et demanda avec un sourire de circonstance :

- Alors ? Qu'a-t-il dit ?
Sujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le mur de Rammas Echor   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans l'Ombre de la Cité Blanche    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 8 Sep 2018 - 12:55

La réaction de Lithildren fut à la fois inattendue et parfaitement compréhensible. La colère. Un sentiment qui semblait animer toutes les créatures d'Arda, même les Elfes immortels qui se targuaient d'avoir dompté leurs émotions. Mevan cligna des yeux, laissant son étonnement de côté pour se concentrer pleinement sur ce qu'il avait à faire. Dans un premier temps, cela consistait à calmer la guerrière qui paraissait prête à mettre Minas Tirith sens dessus dessous pour retrouver l'homme de la Société des Chercheurs. Elle paraissait ne pas se rappeler qu'elle parlait à un officier de l'armée du Gondor, un homme qui avait prêté serment de défendre ses lois et son suzerain. Un homme qui ne pourrait pas la laisser devenir la « pire des criminelles » de la Cité Blanche. S'il se parjurait pour elle, il en viendrait à renier tout ce qu'il était pour une personne qu'il ne connaissait que depuis quelques heures. Son désir de l'aider était grand, mais il ne dépassait pas ses engagements auprès de sa famille, de ses hommes et de ses supérieurs. D'une voix où perçaient des accents de fermeté, sans méchanceté aucune, il rappela Lithildren à l'ordre :

- Peu importe ce que ce Nallus détient comme informations, cela ne peut justifier de s'écarter de la loi. Tu ferais beaucoup de vagues, et cela ne servirait ni ton ami, ni ta cause. Et puis on n'entre pas facilement dans les prisons de Minas Tirith…

C'était vrai. Avec toutes les menaces qui planaient sur le Gondor et la main ferme du Général Cartogan, il n'était pas aisé de s'introduire dans les prisons. Il faudrait être fou pour essayer de s'y introduire par la force, et à la connaissance de Chance il n'existait pas de moyen de s'y infiltrer par la ruse. Il n'était pas originaire de Minas Tirith, cela dit, mais à elle seule Lithildren ne pouvait pas venir à bout de la garnison de la capitale des Hommes. La bonne volonté ne bloquait pas les lames et les flèches.

Elle se reprit bientôt, et lui parla sur un ton un peu plus apaisé, où on devinait tout de même son désir d'agir vite et avec efficacité. Nallus représentait pour elle un élément important de son voyage, un individu crucial dans sa lutte contre l'homme qui l'avait torturée, blessée, et qui lui avait pris son meilleur ami. Elle ne pouvait pas simplement passer à côté, et Mevan le comprenait bien. Lithildren lui demanda dans détour de l'aider à rencontrer Nallus, ce qui fit froncer les sourcils du Commandant alors qu'il réfléchissait à la meilleure manière d'y parvenir. Mais ce furent les mots qu'elle prononça ensuite qui le clouèrent sur place, le laissant à la fois blessé et désabusé.

Le « laisser derrière » ? Une mission « trop dangereuse » ?

Les mots se fichèrent en lui comme des poignards, et il détourna le regard un instant, prenant appui sur la table pour ne pas flancher. Malgré toute l'aide qu'il pouvait vouloir lui apporter, malgré tout le soutien qu'il se proposait de lui offrir, elle n'envisageait pas de se reposer sur lui, et de lui faire confiance. Elle lui demandait de s'opposer à sa hiérarchie, de lutter contre les ordres, mais en retour elle ne voulait pas l'impliquer plus avant. Il dévisagea Lithildren un instant, perplexe. Puis, jugeant que le combat qu'elle menait primait sur ses sentiments personnels, il répondit avec un professionnalisme qui cachait mal sa meurtrissure :

- J'ai bien peur qu'atteindre Nallus soit impossible, et que mon rang n'y change rien… Cartogan est le Général de Minas Tirith, le représentant militaire du Haut-Roy Mephisto auprès de l'armée de Gondor. Il est au sommet de la hiérarchie, et j'ai bien peur que seul Sa Majesté puisse contourner son autorité. Mais ce n'est pas une chose envisageable : le Haut-Roy s'est retiré des affaires du royaume, et les imbroglios administratifs pour obtenir une audience auprès de lui seraient trop complexes.

Il essaya d'apporter un peu de réconfort à l'Elfe en lui proposant une solution alternative :

- Le Capitaine Erelas me touchait quelques mots de cette Société des Chercheurs dans son courrier. Apparemment elle siégerait à l'Université de Minas Tirith, et Nallus y avait ses quartiers avant d'y être arrêté par la garde. Je présume que nous pouvons commencer par là, et essayer de rassembler des informations auprès des gens qui le côtoyaient. Si ton ami a bel et bien été convaincu de trahison, alors il n'y aura rien à faire d'autre qu'attendre son jugement. En revanche, si nous pouvons montrer qu'il n'existe pas de preuves sérieuses, j'essaierai de peser de tout mon poids pour qu'il soit remis en liberté… ou au moins que tu puisses avoir une entrevue avec lui.

C'était ce qu'il pouvait proposer de mieux à Lithildren. User des voies légales, et essayer de faire fléchir le Général Cartogan grâce à des éléments tangibles et factuels qu'il ne pourrait pas contester. Mais cela impliquait au préalable de comprendre la nature exacte de ce qui était reproché à Nallus, afin de mieux le défendre. L'Elfe parut accepter, mais pendant un instant Chance se demanda si elle se rangeait derrière son idée parce qu'elle la trouvait sincèrement bonne, ou seulement parce qu'elle envisageait de le doubler plus tard, quand il lui aurait permis de s'introduire à Minas Tirith. Il espérait qu'elle ne tenterait rien de la sorte, car si le châtiment pour les criminels était exemplaire depuis que Cartogan avait été nommé, la punition pour leurs complices n'était pas moins douloureuse. En tant que membre de l'armée, cela signifierait dans le meilleur des cas la dégradation au rang de simple soldat, l'humiliation publique, et s'il était mis au rang des traîtres : un procès auprès des plus hautes instances de l'armée, et une exécution devant son régiment, afin de rappeler le sort des traîtres. Il avait beaucoup plus à perdre dans cette affaire que l'Elfe, mais il choisit de ne pas le lui révéler, et de garder un œil sur elle à la place.

Chance et Lithildren terminèrent de manger, puis le Commandant invita la guerrière à le suivre. Ils se mirent en selle, et prirent la direction de Minas Tirith. La cité semblait gonfler à mesure qu'ils en approchaient, les écrasant de toute sa hauteur. Les remparts du premier cercle, qui semblaient si petits avec la distance, étaient en réalité gigantesques, plusieurs fois la taille d'un homme. Ils étaient noirs, faits d'une pierre que l'on disait indestructible, surmontés de tours de garde où l'on voyait circuler des silhouettes menaçantes. Il y eut quelques cris au sommet de la Grande Porte quand les deux cavaliers arrivèrent, probablement des ordres braillés ici et là pour entretenir la discipline et répéter les manœuvres. Chance ne s'inquiétait pas particulièrement de recevoir une flèche mortelle – même si un incident récent avec entaché la réputation des hommes d'Osgiliath précisément dans cette situation –, mais il s'agaça de voir qu'aucun émissaire ne venait à leur rencontre. Il finit par s'exclamer d'une voix puissante :

- Hommes de la garde, je suis le Commandant Mevan de Pelargir. Je demande à parler à votre supérieur, et à entrer à Minas Tirith en compagnie de Dame Lithildren, une noble Elfe en visite au Gondor.

Il jeta un regard à l'Elfe. Révéler son identité n'était peut-être pas à son goût, mais il avait décidé de faire les choses honnêtement. Si elle n'avait rien à cacher, elle ne verrait aucun inconvénient à se voir nommée. Avant d'avoir pu capter sa réaction, il tourna la tête vers le haut mur pour écouter ce que lui lançait un soldat :

- Commandant, toutes mes excuses. Nos ordres sont stricts, nous ne devons laisser entrer personne, pas même les plus hauts dignitaires de l'armée. Le Capitaine de la Grande Porte est… il est absent pour le moment.

- Soldat, je viens ici pour une affaire d'importance. Votre officier supérieur étant absent, je vous charge d'aller trouver le Capitaine Erelas, et de le faire venir séance tenante.

L'homme accepta la directive, et s'éloigna d'un pas leste. La porte de Minas Tirith, quant à elle, demeurait close devant les deux visiteurs. Mevan fit signe à Lithildren de s'éloigner quelque peu : il n'aimait pas se trouver ainsi dans l'ombre d'un tel édifice, il se sentait à la merci des hommes qui les observaient depuis le haut des remparts, avec l'impression désagréable d'être considéré comme un étranger dans son propre pays.

- La guerre est une chose, mais pourquoi nous refuser l'accès à la Cité Blanche ? Lança Mevan à haute voix. C'est comme s'ils voulaient nous cacher quelque chose.

Il n'était pas complotiste, mais il avait entendu ses hommes souscrire à plusieurs théories, et il commençait lui-même à leur donner un certain crédit. La volonté affichée de la garde de Minas Tirith de les conserver à l'extérieur des murs n'était pas normale… Chance n'ajouta rien, laissant ses doutes se dissoudre dans les airs, emportés par la petite brise qui apportait une fraîcheur bienvenue face aux rayons du soleil. Il allait encore faire très chaud aujourd'hui. Ils attendirent ainsi pendant un moment, bavardant de choses et d'autres, avant qu'une poterne ne s'ouvrît doucement, laissant passer un cavalier solitaire. Alors qu'il approchait, Mevan reconnut Erelas, et il fit aller sa monture à sa rencontre, suivi de près par l'Elfe.


Erelas était un officier plus âgé que Chance, qui avait l'air de disposer d'une solide expérience acquise dans un bureau. Il était propre sur lui, bien habillé, et il faisait partie de cette aristocratie militaire qui acquérait ses lettres de noblesse loin des champs de bataille. Cela ne changeait rien au fait qu'il avait l'air assez sympathique, malgré sa mine sérieuse et fatiguée. Epuisée, même. On aurait dit qu'il n'avait dormi de la nuit.

- Commandant Mevan, fit-il d'une voix lasse, heureux de vous voir. Je pensais bien que vous viendriez après avoir reçu mon message. Madame… Je suppose que vous êtes l'amie de monsieur Nallus, n'est-ce pas ?

Il s'était tourné vers Lithildren, et lui avait adressé un signe courtois de la tête. Les politesses laissées de côté, Chance entra immédiatement dans le vif du sujet :

- Capitaine, Dame Lithildren souhaiterait entrer en contact avec monsieur Nallus. J'ai bien peur que ce soit impossible à l'heure actuelle, mais peut-être pourrez-vous répondre à ses autres questions. Lithildren ?

Laissant la parole à l'Elfe, il choisit de lui permettre de parler directement à Erelas. Elle seule pouvait choisir quelles étaient ses priorités à cet instant précis.
Sujet: De bonne guerre
Nathanael

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: De bonne guerre    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 30 Avr 2018 - 20:36

Sur les hautes murailles du Premier Cercle de la Cité Blanche, le soleil s’obstinait à éblouir les soldats qui effectuaient leur tour de garde. Des hommes, debout, scrutaient péniblement l’horizon, la main en visière pour se protéger de la lumière excessive à l’heure du zénith. La chaleur excitait les mouches et les taons. Les bestioles quittaient la fraîcheur des écuries au petit matin et suivaient les Gondoriens à chacun de leur pas jusqu’à la tombée de la nuit. Les moustiques prenaient alors le relais. Trois jours ! Trois jours que cela durait. Et aucun ennemi aux portes de Minas Tirith. Le capitaine Erelas effectuait lui-même quelques rondes pour soutenir ses hommes. Il espérait de plus en plus voir surgir une armée gigantesque. Les soldats perdaient patience. L’un d’entre eux avait quitté son poste suite à une fièvre fulgurante. On l’avait mené jusqu’aux Maisons de Guérison. Erelas n’avait plus eu de nouvelle depuis. Mais il savait de quoi il retournait. Il le savait même trop bien. Que mon tour vienne le plus tard, se répétait-il.

— Mon capitaine ?

Un archer de Morthond fit un pas en arrière pour laisser passer un soldat aussi grand qu’il était maigre. Il portait les symboles de la cité sur son armure.

— Mon capitaine, toujours aucune nouvelle de notre côté. Rien ! Personne n’est revenu, que ce soit à pied ou à cheval. Si le général Cartogan a fait libérer les prisonniers de Cair Andros, aucun d’eux n’a regagné Minas Tirith pour l’instant.

Depuis quand avait-il eu cette conversation avec le général. Deux ou trois jours ? N’avait-il pas dit qu’il ferait ce qui était en son possible pour ramener vivants ceux qui avaient été capturés par les guerriers du Mordor ? Des mots, sans doute, pour calmer les capitaines, les lieutenants et les soldats. Des mots pour les rassurer et leur faire garder espoir. Des mots pour éviter que la peur ne se répande parmi les troupes. Pour éviter la peur, ou la haine ? Qui ? Qui était parti négocier le retour des troupes captives ? Erelas n’en avait rien su. Personne à vrai dire n’en savait rien. Dans les hauts étages de la cité, peut-être y avait-il quelqu’un qui était au courant. Mais Erelas n’y avait pas remis les pieds depuis que Cartogan avait proféré ses menaces. Il n’était pas assez stupide pour prendre le risque de compromettre sa carrière.

Le capitaine Erelas fit un signe de tête et permit au soldat de reprendre son poste au-dessus des portes de la Cité. Il continua sa marche derrière les fortifications grises et blanches qui renvoyaient trop fort les rayons du soleil et lui faisaient plisser les yeux. Combien de temps faudrait-il pour que les hommes commencent à s’inquiéter ? Certains semblaient déjà se poser des questions. Trois jours et on n’avait toujours vu aucun Gondorien de retour de Cair Andros. Certains parlaient de « bastion maudit », « d’île de la Mort » et d’une « armée de spectres ». Les guetteurs ne rapportaient jamais la même chose. Les éclaireurs se contredisaient tous. Ils étaient peut-être des milliers, peut-être quelques centaines capables d’être à plusieurs endroits à la fois. Il y avait avec eux des femmes et des enfants, des orcs aussi, et peut-être bien d’autres choses encore pires. On racontait aussi qu’ils montaient des monstres noirs au cuir si dur que les flèches rebondissaient sur leur peau, que des guerrières monstrueuses s’abreuvaient du sang des cadavres et se gavaient du cœur des vaincus. On racontait tant de choses qu’Erelas espérait qu’ils viennent se battre aux pieds des remparts pour en avoir le cœur net. L’incertitude l’agaçait et les superstitions de ses hommes encore plus. Et si on continue à attendre, ce sera de pire en pire.

En le nommant Capitaine de la Grande Porte, Cartogan avait fait d’une pierre deux coups. Erelas savait très bien quels honneurs le général espérait qu’il obtienne. Des honneurs mortels. Mais des honneurs quand même. Et personne ne soupçonnerait le général d’avoir désiré sa perte. Il sait. Erelas, lui, savait ses jours comptés, en quelque sorte. Que la guerre éclate ou non, le sort finirait par s’en prendre à lui. Les premiers morts ne s’étaient-ils pas manifestés dans les écuries du Premier Cercle ?

— Mon capitaine ?

Cette fois, le soldat n’était qu’un jeune jouvenceau à la barbe naissante. Il fit claquer ses bottes devant Erelas, les épaules droites et le regard empreint d’un grand sérieux. Un futur lieutenant, s’il survivait au siège et conservait cette attitude si zélée. Le capitaine lui fit un signe de tête pour l’autoriser à poursuivre.

— Les soldats Saelon et Berelach sont revenus. Ils sont encore aux écuries, mais ils ne devraient pas tarder à vous retrouver. Dois-je leur dire de vous rejoindre sur les murailles ?
— Oui et le plus vite possible.


Les cavaliers étaient partis la veille au soir avec d’autres hommes pour surveiller les alentours des champs du Pelennor jusqu’au mur de Rammas Echor. Un leurre, pour leur permettre de pousser plus loin et d’avoir des nouvelles de Cair Andros. Des nouvelles fraîches, qui ne sentent pas le cadavre pourri et la mort à plein nez.

Les hommes le rejoignirent, fourbus et las. De la poussière soulignait les cernes qu’ils avaient sous les yeux.

— Mon capitaine, nous avons…
— Pas ici,
coupa le capitaine Erelas. Les murs ont parfois des oreilles.

Certains des hommes qu’il commandait seraient ravis de chercher une position plus sûre, à tout point de vue, en apportant quelques rumeurs fumeuses aux oreilles de Cartogan. Il fit signe aux hommes de le suivre jusqu’à un poste de tir qui dominait les murailles de plusieurs pieds. Il congédia Farmric, le commandant des archers de Morthond.

— J’espère que vous savez ce que vous faites, capitaine, souffla le vieux soldat en descendant les marches.

Erelas laissa le temps à l’archer de quitter les lieux et permit alors à ses hommes de parler. Ils avaient le visage exsangue malgré les fortes chaleurs et le soleil brûlant.

— La nuit ne nous a pas permis de distinguer autant de choses que nous l’aurions souhaité.
— L’essentiel, Saelon, l’essentiel,
gronda Erelas.
— Peu de feux sur l’île. De la marmaille, des femmes, quelques hommes.
— Leurs guerriers sont en marche ?
— Ca non, on n’a croisé personne en route,
dit Berelach.
— Personne ?
— Non mon capitaine, pas âme qui vive entre le mur et l’île. Enfin, pas une âme à eux en tout cas.
— Et nos hommes ?


Les deux soldats échangèrent un regard lourd de sous-entendus.

— Capitaine…
— L’essentiel, Saelon.
— Les Gondoriens sont toujours là-bas. Enfin, ceux qui ne sont pas morts ma foi.
— Ils les tuent ?
— Eux ? Non, mon capitaine. Eux ils mangent, ils s’occupent des gamins, ils…
— L’essentiel !
— On les a vus pousser des cadavres dans le fleuve, lestés avec de grosses pierres. L’un d’eux est remonté à la surface et des gars ont pu récupérer le corps.
— Pas une plaie,
dit Saelon. Rien ! Mais bien mort. Ils étaient blancs comme du lait.
— Vous pensez qu’il les saigne ?
— Non, nos hommes se sont vidés tout seuls je dirai. Malades, ou quelque chose dans ce goût-là. Mais parmi les corps, il n’y avait que des Gondoriens. Pas un seul homme noir. Eux, ils mangent, ils s’occupent des gamins…


Saelon continua de parler, mais Erelas ne l’écoutait plus. Un frisson glacé lui parcourut l’échine. Il n’y aurait jamais de siège, jamais de guerre, jamais de sang versé. Les Nurniens n’avaient que faire des Gondoriens. Ils s’étaient condamnés seuls à mourir, emprisonnés par l’orgueil du général, contenus par de hautes murailles d’arrogance et de fatuité.
Sujet: De bonne guerre
Nathanael

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: De bonne guerre    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 9 Oct 2017 - 21:37

- On n’en sait pas plus capitaine, mais la situation devient préoccupante.

La robe de son interlocutrice se froissa sous ses doigts nerveux quand elle la souleva pour faire demi-tour. Ses épaules étaient plus raides que dans son souvenir, sa démarche moins gracile. Elle avait fait le déplacement depuis ses appartements pour le prévenir.

La veille, Cartogan n’avait pas voulu l’écouter, une fois de plus. «Nous resterons derrière les murs. Qu’ils avancent ! Et qu’ils voient ! Qu’ils goûtent aux délices de nos catapultes et de nos flèches enflammées. Qu’ils savourent nos offrandes de pierre et d’acier». Erelas ne savait plus si le général faisait preuve de grande sagesse ou de folie pure. Se pouvait-il qu’il ait peur ? Malgré la situation dramatique, cette pensée lui arracha un sourire. Il salua dans les couloirs les supérieurs de l’armée qui attendaient de recevoir leurs ordres. Certains d’entre eux étaient des vétérans aguerris. Certains d’entre eux ne partageaient pas le point de vue de leur Général. Mais tous se taisaient. Affronter Cartogan revenait à frapper un mur avec une épée de bois. C’était proprement inutile et on  finissait forcément par se mettre des échardes plein les mains. Erelas venait d’en faire les frais. «S’il vous plaît tant de combattre et de secouer votre épée pour montrer à tous votre bravoure, je vous accorde le droit de protéger le Premier Cercle de la Cité. Je vous laisse la joie de voir notre ennemi le premier. Embrassez-les de ma part lorsque vous les verrez». La familiarité du Général et le ton condescendant qu’il avait employé avaient fini de porter Erelas au bord de la colère. «Votre oncle a combattu auprès de notre Roi et sa lame et ses hommes vinrent au secours du royaume. Seuls son dévouement et l’amitié de notre souverain lui permettent de parler avec franchise. Il n’en est rien de vous. Vous n’avez emporté aucune victoire, vous n’avez de capitaine que le titre et les honneurs. Et rien ici ne vous protège de vos bravades». Il fallait être stupide pour ne pas entendre la menace.

Mais c’était une autre menace qui agitait l’esprit d’Erelas tandis qu’il quittait le Palais pour retrouver l’un des capitaines de son oncle. Formric avait parcouru les huit cents kilomètres qui séparaient la Vallée de Morthond de Minas Tirith avec une centaine d’archers. Ils avaient mis moins d’une dizaine de jours pour arriver aux ports de la Cité Blanche. Leurs chevaux étaient couverts d’écumes et l’effort de la course en avait tué deux pendant le trajet. Eon Ludgar n’avait pas émis l’ombre d’un doute sur l’urgence de la situation et ses hommes s’étaient dépêchés tout du long pour soutenir l’armée du Roi face aux envahisseurs. Erelas se faisait un plaisir de retrouver des compagnons, des gens qui lui ressemblaient davantage que les nobles babillards qui pullulaient entre les hautes murailles de la capitale. Ses entrevues avec Cartogan l’avaient laissé amer et une pinte de bière partagée avec un ami lui ferait le plus grand bien. Ami n’était peut être pas le terme approprié. Farmric avait à peu près le même âge que lui, mais ils n’avaient que peu de choses en commun. Le maître archer de la Vallée de la Racine Noire était issu de parents sans terre, il n’avait jamais appris à lire ou à écrire et ne connaissait que son arc et ses flèches. Mais il les connaissait bien, il était sincère et loyal à Eon. Suffisamment de qualités pour plaire à Erelas en cette morne soirée.

- Capitaine Erelas !

Des hommes se levèrent pour l’accueillir parmi les plus vieux archers. Des mines fatiguées, mais affables. Et tandis qu’il serrait des poignets et recevait les signes de tête de ceux qu’il avait connus en Morthond, il se demanda combien d’entre eux mourraient ces prochaines semaines, ces prochains mois. Le siège l’obsédait. Pas les combats, non, le siège. Mourir au combat en servant son royaume était un honneur pour tous les hommes d’armes.

- Capitaine Erelas, quel plaisir de vous voir, dit Farmric.

Ses traits étaient tirés par la lassitude d’un voyage rapide et mouvementé. De la poussière couvrait encore ses bottes et il sentait la sueur et le cheval. Arcs et carquois étaient posés contre les murs de la salle des gardes. Les hommes en tenues sombres, alignés autour des tables, formaient comme les troncs d’une forêt broussailleuse enveloppée par les brumes de lard bouilli et de grumeau.

- J’aurais souhaité vous retrouver en d’autres circonstances, répondit Erelas. Mais je ne peux que me réjouir de vous avoir à nos côtés pour la bataille.
- Quand aura-t-elle lieu ?
demanda Formric. En sait-on un peu plus à propos de ceux qui veulent attaquer Minas Tirith ? Nous n’avons eu que peu d’informations au sujet des envahisseurs.
- Et je ne peux malheureusement pas vous en dire beaucoup plus.


Erelas parlait le plus bas possible. Les rumeurs courraient déjà bon train à propos de ceux qui avaient pris Cair Andros. Il ne souhaitait pas affoler les esprits superstitieux des gens de Morthond.

- Ils sont venus de l’est et ils ont pris la garnison de Cair Andros. Ils se font appeler le Peuple des Quatre Fleuves.
- Le Mordor ?


Erelas aurait peut-être dû s’abstenir sur ce détail. L’évocation des terres maudites n’était pas sans rappeler bien d’autres mauvais souvenirs à ceux qui vivaient au pied du Dwimorberg.

- Ont-ils traversé l’Anduin ?
- Quelques un oui. Ils ont voulu négocier.
- Qu’ont-ils demandé que le royaume ne pût leur accorder ? Ne pouvait-on éviter cette guerre ?
- Ils voulaient des terres.
- Des terres ? N’en avaient-ils pas au-delà à l’est. Quelle force peut pousser tout un peuple à partir ?


Erelas ne souhaitait pas y penser. La question qu’il se posait était tout autre : quand les gens de la cité apprendraient la vérité, quelle force les pousserait à rester ?
Sujet: De bonne guerre
Nathanael

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: De bonne guerre    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 4 Avr 2017 - 7:45

Ce n’était que des soupçons … Le Capitaine Erelas soupira tandis qu’il regardait les Champs du Pelennor somnoler au soleil. Il sentait la pierre froide des remparts sous ses paumes rugueuses. Du haut des derniers cercles de la Cité Blanche, la vue était saisissante. Il ne se lassait jamais d’observer les petites gens s’affairer au milieu des blés, petites fourmis noires à peine distinctes au milieu des rainures d’or qui griffaient les étendues autour de Minas Tirith. Combien de temps ? Au-delà de la ligne de Rammas Echor, une menace sans nom risquait de s’abattre sur la Cité Blanche. Les quatre hommes qu’il avait envoyé étaient revenus, livides et tremblant. Leur rapport s’était transformé en propos sans queue ni tête à propos de spectres mangeurs d’hommes et de cannibales qui arrachaient le coeur des soldats en leur ouvrant la poitrine avec leurs serres. Erelas avait eu bien du mal à leur faire reprendre leurs esprits. Mais il avait finalement réussi à obtenir la réponse qu’il voulait. Cair Andros était toujours occupée et il faudrait envoyer un contingent de soldats pour repousser l’ennemi. 

Il s’était opposé farouchement à l’attitude attentiste du Général Cartogan. La grand défenseur de la cité était plus habile à mettre quelques voleurs sous les écrous qu’à mener une campagne digne de ce nom. Des troupes arrivaient encore ici et là des contrées occidentales du royaume. Erelas était partisan d’une attaque massive, pour repousser les envahisseurs et les maintenir au-delà de l’Anduin. Cartogan quant à lui exprimait des réserves sur une telle tentative. Il espérait un siège en bonne et due forme. “Croyez-vous que ces bouseux sans épée ni baliste pourront passer le haut mur ? Croyez-vous qu’ils oseront nous attaquer en terrain découvert ? Laissez-les donc venir s’écraser contre les murailles de notre cité. Qu’ils goûtent à la puissance du Gondor et se rendent compte quelle tentative futile fût leur assaut contre notre royaume !”. Erelas était plus perplexe. Si ce n’était que bouseux et vandales, comment donc avaient-il réussi à s’emparer de Cair Andros ? La chance ? Il n’y croyait pas. Soit l’ennemi était mieux organisé et plus fort. Soit les rumeurs colportées par les blessés et les fuyards avaient un fond de vérité. Ces hommes à la peau sombre cachaient peut-être quelques magies obscures.

Erelas passa une main dans sa barbe. Depuis l’année passée, ici et là des nuances argentées pigmentaient le poil dru qui lui poussait sur les joues et le menton. Une quarantaine d’été à peine et le temps se jouait déjà de lui. Un sujet de plus à ruminer quand il n’était pas affairé à traiter les affaires militaires des différents Thangions. Le lendemain, des troupes envoyées par son oncle et d’autres petits seigneurs de Morthond arriveraient. Les archers de la Vallée de la Racine Noire ! Bien peu d’hommes, en vérité, mais il savait parmi eux d’anciennes connaissances, des visages familiers, des souvenirs d’enfance. De quoi lui faire oublier un moment les soucis quotidiens et cette fichue guerre qui menaçait à l’horizon, comme un orage qui se refuse à éclater. 

- Capitaine Erelas, le Général est prêt à vous recevoir.

Il se retourna et fit claquer ses bottes sur la pierre blanche. Aussi proche fût-il du Général, il avait mis plusieurs jours à voir son audience privée acceptée. Il tenait impérativement à rediscuter des prochains mouvements de troupes, si jamais il y en avait. Et d’autres choses aussi. Mais ce n’était que des soupçons …
Sujet: [Tales] - Les chroniques de la Cité Blanche
Hadhod Croix-de-Fer

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [Tales] - Les chroniques de la Cité Blanche    Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 19 Juil 2016 - 21:17
Les chroniques de la Cité Blanche


Tag erelas sur Bienvenue à Minas Tirith ! Chroni12



- Vous dites que cette femme, cette...

- Adaira, Intendant.

Le Général n'avait répété ce nom qu'à contrecœur. Il avait déjà mal digéré le fait qu'elle ait été présentée devant lui pour parlementer comme si elle était son égale. Qu'un haut placé comme l'était l'Intendant d'Illicis redemande son nom ne faisait que lui accorder encore davantage d'importance. Cela lui donnait un crédit et une légitimité que Cartogan, lui, ne reconnaîtrait jamais à cette sauvageonne.

- Oui. Vous dites qu'elle aurait été prête à négocier davantage ?

Cartogan regrettait presque de lui avoir livré autant de détails. Pourtant c'était la meilleure chose à faire, car s'il n'apprenait pas les détails de sa bouche, l'Intendant d'Illicis les obtiendrait par le truchement des officiers ou par le bouche à oreille, ce qui serait bien pire. Même maintenant qu'il se trouvait à l'abri dans la fraîcheur bienfaisante des appartements du palais, le souvenir de ces négociations revenait s'emparer de son esprit comme un mauvais rêve qui réapparaissait sans cesse. Il s'était vu chargé de plusieurs missions aussi délicates par le passé, contre des ennemis bien définis, des ennemis héréditaires du Gondor. Là, les choses avaient été bien différentes. Tout lui paraissait si irréel, si bizarre : la peau crasseuse de ses interlocuteurs qu'on aurait cru sortis tout droit de quelque sombre mine ou caverne de sous la terre, leur organisation hiérarchique si déconcertante, leur stratégie de faire passer leur peuple pour la victime et le Gondor comme un fautif, l'obscur mystère de leurs origines... on aurait presque dit des spectres vengeurs et morbides venus les hanter.

- C'est exact oui, si elle en avait eu l'autorité, ce qui n'est pas le cas. Je vois maintenant clairement leur petit jeu : ils ont convié autant de grandes figures de leur peuple qu'il leur était possible pour impressionner le Général de Minas Tirith. Cinq. Cinq ! Comme si de cette manière ils avaient pu me forcer la main... Mais ça ne changera pas grand chose : les renforts de nos provinces écraserons ces envahisseurs... – sans crier gare il frappa de façon fulgurante de la paume de la main sur le bureau verni de l'Intendant. Ce geste soudain et le bruit qui s'ensuivit provoquèrent un léger sursaut chez ce dernier, mais le Général continua sa phrase comme si de rien n'était – ... avec la même facilité que je viens d'écraser cette mouche sur votre bureau.

- Oh, nous aurons la victoire, Général Cartogan, cela ne fait aucun doute... fit une voix.

Les yeux de Cartogan lancèrent des éclairs. La porte s'ouvrait lentement pour dévoiler celui qui venait de s’immiscer de façon intempestive dans la discussion. La longue robe bleue ne laissait déjà que peu de doute quant à son identité, mais lorsque se dessinèrent la barbe soigneusement peignée et les longs cheveux grisonnants, le Général de Minas Tirith se demanda comment le vieux conseiller avait pu passer outre le corps robuste de l'officier en faction.

- Erelas, aboya-t-il, est-ce ainsi que vous protégez notre confidentialité !?

L'homme incriminé se présenta au seuil de la pièce. Il portait une armure de très bonne façon, une cape noire impeccable qui lui pendait dans le dos, et sur le visage une expression qui trahissait sa gêne. Il n'eut toutefois pas le temps de se justifier devant son supérieur.

- Laissez, Général ! fit la voix claire de l'Intendant. Le sieur Alatar m'avait demandé une audience durant cette matinée, j'ai donc signifié à votre capitaine de le laisser entrer sans protocole, lui et lui seul. Je n'ai pas vu le temps passer. – puis se tournant vers le nouvel arrivant – J'avais à m'entretenir de nombreuses choses pressantes avec le Général, tant et si bien que son entrevue avec moi a légèrement empiété sur la vôtre, vous m'en voyez navré.

- Sa présence ne m'importune point, mon bon Intendant. Mais je ne suis pas venu critiquer la manière dont ont été menées les négociations avec ces gens, encore que je pourrai avoir quelques mots à dire si j'en avais le loisir. Elles ont eu une fin prématurée, et c'est bien regrettable. Mais ce sont des choses encore plus importantes que je veux aborder avec vous.

Le dos bien calé contre le rembourrage de son grand fauteuil, Alcide ne bougea pas le corps d'un pouce, se contentant de hocher légèrement la tête pour l'inviter à poursuivre. Objectivement, il n'avait pas à craindre ce que le vieil homme allait dire. Il était l'Intendant de Gondor, personne la plus haut placée après le Haut Roy, et n'avait pas à avoir peur de quiconque, encore moins lorsque ce quiconque n'avait aucune fonction officielle dans la hiérarchie. Et pourtant... pourtant... peut-être était-ce justement parce que le vieux sage n'était pas son subordonné qu'une once de culpabilité s'insinua en lui. Il savait quel sujet l'autre était sur le point d'aborder, et il savait aussi qu'en l'occurrence lui, Alcide d'Illicis, était pris en faute, un peu comme un petit garçon doucement réprimandé par sa gouvernante pour n'être pas à jour dans ses devoirs d'école.

- Je suis venu vous parler de la Missive qui vous a été apportée par le sieur Makiaveel, et que j'ai co-signée. Je sais pertinemment que je n'ai pas le pouvoir de vous dicter une marche à suivre, et l'aurais-je que je ne m'en servirais pas pour vous forcer à agir contre votre volonté, ou forcer le roy Méphisto à agir contre sa volonté. Mais j'ai le souci du devenir des peuples de cette terre, et du peuple gondorien en particulier. C'est pourquoi me voici à nouveau devant vous, mon bon Intendant. – Il marqua une courte pause, juste le temps de passer la main dans sa longue barbe – L'envoi d'expéditions pour rechercher ces « artéfacts des temps anciens » ne devrait pas être ajourné d'avantage, si vous voulez mon avis...

- Ah oui, vraiment ?

Et l'Intendant et le vieux conseiller se tournèrent vers Cartogan, de la bouche duquel s'étaient échappés ces trois mots au ton plein de dédain.

- Pour quelqu'un qui dit ne pas vouloir nous dicter la marche à suivre, c'est un peu fort ! Je n'ai jamais eu confiance en vous, vieille barbe, toujours à vous mêler de ce qui ne vous regarde pas, à arpenter les couloirs et à écouter aux portes, à disparaître pendant un temps puis à réapparaître quand la situation vous semble la plus profitable... et à nous annoncer sans cesse le malheur. A nous l'annoncer, ou à nous l'apporter, on ne sait pas trop au juste. Je vous le dit bien en face, ce n'est que parce qu'elle est signée de huit autres noms, dont la plupart sont réputés et dignes de confiance, que nous voulons bien croire tant soit peu à la véracité de votre lettre. Mais nous agirons selon notre bon vouloir et quand nous le déciderons. Pourquoi ? Parce que quelle que soit l'importance de ces mises en garde, des événements bien plus préoccupants se déroulent à seulement quelques lieues d'ici !

- Messieurs !


Alcide s'était levé de son siège, la main droite en l'air pour empêcher les choses de dégénérer. Son visage était grave, mais on n'y voyait nulle trace de courroux.

- Je vous en prie, rappelez-vous que nous sommes tous dans le même camp. Alatar, je vous l'assure, les mises en garde contenues dans cette missive ne sont pas restées lettres mortes. Mais nous partions presque de zéro : il nous a fallu récupérer des renseignements, choisir les personnes de confiances qui pouvaient être mises dans la confidence et qui avaient le profil adéquat à ce type de mission au long cours. Les équipes se forment, croyez-moi ; il ne s'agit que d'une histoire de jours, ou tout au plus de semaines, pour qu'elles soient fin prête. Soyez bien conscient des efforts de notre Général ici présent pour que tout puisse être préparé dans le plus grand secret. Cela prend du temps.

- Justement,
rétorqua doucement Alatar avec un sourire à la fois bienveillant et empli de tristesse. Cette affaire concerne le Gondor dans son ensemble, et pas seulement les soit-disant hautes sphères d'initiés. C'est toujours la même chose, ce sont ceux qui sont les plus concernés par ce danger qui en savent toujours le moins : les petites gens, les habitants de Minas Tirith, le peuple gondorien dans son ensemble. Oui, le peuple ! Mais je me doute bien que le Général tienne à ce que nul autre que lui ne soit au courant de ces choses...

Le vieil homme salua respectueusement l'Intendant d'Illicis avant de se tourner vers Cartogan. Il le regarda droit dans les yeux tout en levant l'index en signe d'avertissement.

- Si vous continuez à agir de la sorte, Général, cela va vous retomber dessus. Ce ne sera pas faute de vous avoir mis en garde.

Après quoi il tourna les talons et marcha d'un pas déterminé en direction de la porte, les pans bleus de sa robe voletant derrière lui tout comme les longues mèches de sa chevelure.
#Cartogan #Erelas
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