Rencontre à Upbourn

Le soleil était haut dans le ciel de Rohan quand les deux Rohirrims virent enfin, après trois longues journées de voyage depuis Minas Tirith, leur destination : le village d’Upbourn.  Fendor s’était endormi sur le dos de Niran, le cheval d’Eoseld. Le voyage avait été éprouvant pour le jeune garçon. Il avait bien demandé à son oncle de ralentir mais ce dernier avait refusé car ils avaient rendez-vous au troisième jour en Rohan et ils n’étaient pas en avance. Eoseld réveilla doucement son neveu qui émergea du sommeil tandis qu’ils franchirent les premiers bâtiments. Fendor sentait la légère brise qui soufflait sur son visage le revigorer quelque peu.

Il vit pour la première fois de sa vie des Rohirrims, sur leurs terres. Ils étaient grands et blonds pour la plupart, vêtus pauvrement. Le Rohan n’avait pas les richesses du Gondor et le contraste était saisissant. Mais ils vivaient avec ce qu’ils avaient et s’en contentaient. Les gens de la Marche étaient de grands travailleurs, agriculteurs et fermiers pour la plupart, ils disposaient d’abondantes ressources, fruits de leur labeur. Les Hommes du Riddermark étaient satisfaits de leur vie et fiers de leur royaume, de loyaux sujets qui ne désiraient pour rien au monde quitter leurs terres. C’était en tout cas ce que répétait tout le temps Eoseld.

Un Cavalier vint à leur rencontre. Protégé par une côte de maille, un casque et un bouclier et armé d’une épée à la ceinture et d’une lance dans sa main droite, il avait un quelque chose de menaçant. Mais il sourit à Eoseld qui le lui rendit. Puis il haussa un sourcil, surpris de voir un enfant devant lui. Eoseld fit un geste de la tête en retour pour lui signifier qu’il répondrait plus tard. Le Rohirrim leur fit alors signe de le suivre, ce qu’Eoseld ordonna à son cheval de faire. Tout leur échange s’était fait sans aucune parole, les deux hommes devaient bien se connaître. Ils sortirent du village au trot et s’en écartèrent de moins d’un mille. Ils retrouvèrent bientôt cinq autres Cavaliers qui avaient l’air de les attendre, debout au côté de leur cheval. Leur guide rejoignit les autres et mit pied à terre. Eoseld arriva à son tour et descendit aussi de cheval. Il souleva Fendor et le redéposa au sol. Il alla saluer chacun des hommes puis revint les lui présenter, un à un en partant de celui de gauche.

-Voici Mesald, ancien Seigneur de Helm, dit-il en désignant un homme d’une taille respectable, corpulent, aux cheveux blonds grisonnants.

Il avait une posture noble et fière et devait être un homme respecté. C’était le Rohirrim qui les avait accueillis.

-Là, c’est Felarel, continua Eoseld. Il était Capitaine de la Garde.

De même taille que Mesald, une cicatrice lui barrait le visage du haut du nez au bas droit du menton, lui donnant un air sévère, ajouté à son sérieux apparent.

-Lui, c’est Beleth, le coursier de feu Firion Roi.

Cet homme était plus petit et plus fin que les deux autres, il devait compenser son manque de force par sa rapidité et son agilité, pensa Fendor.

-Le suivant, Rihils, est guérisseur, ce qui ne l’empêche pas d’être un bon cavalier.

Rihils n’était pas quelqu’un d’impressionnant en soi, de taille moyenne, plutôt svelte,  il dégageait pourtant une aura particulière qui faisait se méfier de lui.

-Moi c’est Mereorn, petit. Je suis le plus grand guerrier que le Rohan n’ait jamais connu, ah ah ! s’exclama le Rohirrim à droite du guérisseur, tout sourire. J’ai battu ton oncle en duel de nombreuses fois si bien que maintenant il me craint, plaisanta-t-il.

Sa légèreté et sa joie de vivre n’allait pas avec son physique. De bonne taille et d’une musculature développée, il était né pour combattre. Fendor avait confiance en cet homme, il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il pourrait lui confier sa vie sans hésiter.

-Merci pour cette présentation Mereorn, présentation quelque peu fantaisiste, ajouta Eoseld. Fendor, tu dois apprendre à ne pas croire tout ce que te dis ce bougre d’imbécile.
-Comment ça ? Ne suis-je pas le meilleur ?
-Tu n’es certes pas mauvais, mais je ne me souviens pas m’être déjà battu contre toi, et encore moins avoir perdu...
-Le poids de l’âge est un poison pour la mémoire, je le crains, déplora Mereorn, toujours le sourire aux lèvres.
-Plus sérieusement, Fendor, Mereorn était Chevalier de la Maison du Roi, informa Eoseld. Et enfin, le plus Rohirrim des hommes de Gondor, l’ancien capitaine de garnison Martelong, termina-t-il tandis que l’homme s’inclina.

Le Gondorien à la longue chevelure brune n’était pas aussi grand que Mereorn, Mesald ou même Felarel mais il était trapu et devait se battre avec rage, il avait l’air d’avoir soif de combats.

-Et ce garçon, maintenant, Eoseld, peux-tu nous dire qui il est et ce qu’il fait ici avec toi ? Et pourquoi tu m’as demandé de rassembler nos anciens compagnons ? demanda Mesald.
-Naturellement. Nous sommes réunis ici tout simplement parce que nous avons une nouvelle mission à accomplir. Une mission de la plus haute importance. Une mission, je dirais... princière ! lança soudain l’ancien Maréchal de la Marche.

#Fendor #Eoseld #Felarel #Mesald #Beleth #Mereorn #Martelong #Rihils

Les six compagnons restèrent sans voix. Comment cela pouvait-il être ? S’il avait existé la moindre possibilité, ils l’auraient su, ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait cacher facilement. Non, ils ne comprenaient pas.

Fendor pouvait lire toute la mécanique intellectuelle qui s’était mise en marche dans la tête des hommes devant lui. Cela l’amusait beaucoup et à voir la tête de son oncle, Eoseld y prenait autant de plaisir. Il faut dire qu’il avait désiré cet effet de surprise et avait bien réussi son coup.

Mesald fut le premier à pouvoir prendre la parole, bien qu’il ne sache pas vraiment pourquoi.

-Comment... ? Hum... Serait-il possible que..., bafouilla l’ancien seigneur sans pouvoir rien ajouter de plus.

Le jeune garçon s’était assez amusé comme ça et décida de venir à la rescousse du Rohirrim embarassé.

-Je me présente : Fendor, fils de Firion, prince héritier du royaume de Rohan, annonça-t-il.

Après un moment de stupeur, les six hommes, comme un seul, mirent un genou à terre et baissèrent la tête. Fendor, qui ne s’y attendait pas, se tourna vers son oncle ne sachant pas que faire ou répondre. Eoseld lui fit un signe de la tête comme acceptation de la charge du pouvoir.

-Relevez-vous, mes amis. Je sais que cela vous surprend, et cette nouvelle surprendra bien du monde... ajouta Eoseld, soudain pensif.
-Pourquoi personne n’est au courant ? Quel âge a-t-il ? questionna Mesald.
-Le petit a maintenant dix ans. Oui, cela fait dix ans que l’on cache son existence. Nous n’étions que peu dans le secret, ses parents, son frère, le Chef de la Maison du Roi Ceorl et moi-même.
-Pour quelle raison l’avoir caché ? Quel plan se dissimulait derrière cet acte ? demanda encore l’ancien seigneur.
-Vous savez tous, peut-être pas toi Martelong, précisa Eoseld, que Theneor a été enlevé petit. Si lui a été retrouvé, ce n’est pas le cas de ses ravisseurs. Quand Fendor est né, Firion a craint qu’il soit visé aussi. Nous pensions que les ravisseurs voulaient avoir un jeune prince pour avoir plus tard un roi qui ne soit que leur pantin. Ils auraient ainsi mis la main sur le royaume. Pour cela, Firion roi a décidé de cacher la naissance de son second fils et de l’envoyer secrètement à Minas Tirith. Cella a alors annoncé qu’elle avait accouché d’un mort-né. Ceorl s’est occupé du petit jusqu’à sa mort où j’ai pris la relève. On pensait le faire revenir au Rohan à ses quinze ans, il aurait alors été trop vieux pour pouvoir être l’instrument de ceux qui auraient voulu l’enlever.
-Eh bien ! s’exclama Mesald. Ce n’est pas rien cette histoire. Cela va en changer des choses. Cependant, il y a une chose que je ne comprends pas. Pourquoi ne pas être revenu à la mort du seigneur Theneor ? Car désormais, il va falloir prendre la place du roi Hogorwen, et ce ne va pas être une partie de plaisir.
-Je le sais bien. Le petit n’a que dix ans, il n’a pas l’âge de prétendre au trône. Nous pensions qu’il était le dernier héritier et nous avons donc envoyé un message à dame Cella pour lui demander d’assurer l’interim en attendant ses quinze ans. Je ne pensais alors pas que Hogorwen pourrait demander la couronne. C’est le cousin du roi Firion mais il a été écarté de la famille il y a bien longtemps. À vrai dire, je ne suis même pas sûr que son accession au trône soit légitime. Je ne suis pas vraiment au courant de ce qui s’est passé au moment de la scission familiale, mais je me demande s’il n’avait pas été déshérité. Hélas, je ne crois pas qu’il y ait encore des traces de cet acte, donc pas moyen de prouver quoi que ce soit. Enfin bref, tout ça pour dire qu’il est arrivé sur le trône sans que je m’y attende et quand j’ai décidé d’aller à Edoras annoncer Fendor en tant que légitime prince héritier, dame cella, notre dernier témoin, est morte. Si elle avait le pouvoir d’authentifier l’héritier, moi je ne l’ai pas.
-D’accord, je comprends mieux la situation. Comment allez-vous faire pour prétendre au trône maintenant ?
-J’ai prévu d’aller demander l’appui de Tar-Aldarion en personne. Nous avons combattu à ses côtés quand la menace pesait sur son royaume, j’espère qu’il acceptera de nous aider en retour.
-Et après ? Si tant est qu’il accepte, penses-tu que cela suffira ? Le roi d’Arnor, aussi puissant soit-il, n’a pas le pouvoir de mettre quelqu’un de son choix sur le trône du Rohan.
-Je n’espère pas cela, mais qu’il déclare que Fendor est bien l’héritier du Rohan. Je ne sais pas si cela suffira, mais il faut essayer et mettre le plus d’atouts de son côté. Je n’ai pas prévu la suite, je verrai sur place.
-Et quel rôle a-t-on à jouer là-dedans, interrogea Mesald.
-À partir du moment où Fendor prétendra au trône, sa vie sera menacée. Les ravisseurs, d’une part, voudrons peut-être encore l’enlever, et d’autre part, je n’ai pas confiance en Hogorwen. Pour ces raisons, le jeune Fendor va avoir besoin d’être protéger, et je ne puis le faire tout seul. Vous avez autrefois été les compagnons de son père, j’espérais que vous le soyez aujourd’hui de son fils.

Mesald se tourna vers ses amis et tous acceptèrent par une signe de tête.

-J’espère que tu n’as pas cru un instant qu’il pourrait en être autrement, car ce serait nous offenser, plaisanta Mesald, souriant.
-Non, ça ne m’a pas traversé l’esprit, d’autant que vous avez déjà tous répondu à mon appel après cinq ans sans nouvelles. Bon. Eoseld se tourna vers son neveu. Pour officialiser tout ça, je propose de recréer la Maison du Roi, disparue à la mort de ton frère. Acceptes-tu que nous devenions les Chevaliers de ta Maison ? demanda Eoseld, mettant un genou à terre, suivit par ses amis.
-Moi, Fendor, en tant que prince héritier de Rohan, je te nomme, toi, Eoseld, Chef de la Maison du Roi, et vous, Mesald, Felarel, Beleth, Rihils, Mereorn, Martelong, Chevaliers de la Maison du Roi. Vous pouvez vous relever.

Tandis que les hommes se remettaient debout, Fendor demanda discrètement à son oncle :

-Ai-je dis ce qu’il fallait mon oncle ?
-C’était très bien, tu as bien appris le protocole, dit-il impressionné. Conduis-toi comme cela tout le temps et personne ne doutera de ta légitimité en temps qu’héritier, approuva le nouveau chef.

Eoseld se tourna vers les autres et annonça qu’ils partiraient le lendemain à l’aube. Ils dormiraient en dehors du village, moins ils étaient vus en Rohan, mieux se serait. Puis direction l’Arnor, où leur destin les attendait.