10 résultats trouvés pour Reinil

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Sujet: Sous l'œil d'Oromë
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Sanctuaire   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sous l'œil d'Oromë    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 27 Mar 2020 - 19:29
Lithildren s'était enfermée dans sa chambre, incapable de prononcer plus de quelques phrases. La guerrière immortelle paraissait abattue, épuisée, pour ne pas dire désespérée. La situation était critique, et elle se trouvait enfermée dans la noble cité de Minas Tirith alors qu'elle aurait très certainement préféré parcourir le monde et goûter à la liberté que son peuple méritait plus que tout autre. Ses compagnons n'avaient pas dit mot en la voyant faire, conscients que chacun devait affronter cette épreuve à son rythme, et que le silence et le calme étaient parfois des remèdes plus efficaces que tout ce que la médecine du monde avait à offrir.

Alors, l'Elfe s'endormit d'un sommeil agité mais néanmoins réparateur. Ses compagnons, quant à eux, restèrent parler jusqu'au petit matin. Le gardien du Sanctuaire, notamment, voulait entendre toute l'histoire, et Nallus lui en fit un résumé tout à fait exhaustif à partir de ce qu'il savait. Reinil intervint par touches pour apporter des éléments de réflexion supplémentaires, afin de mettre au courant leur nouvel allié.

- La situation est plus grave que nous le pensions, fit-il en guise de conclusion. Le monde court un grand danger, nous le pressentions, mais nous n'avions pas identifié la menace. Si le général est un traître, alors le Gondor est en péril, et plus largement l'ensemble des Peuples Libres. Nous devons agir.

- Oui, répondit Réland, mais comment ? Nous n'avons pas les ressources pour inquiéter Cartogan, ni d'ailleurs les hommes nécessaires. Aucun de nos anciens alliés n'est sûr, et quand les troupes du général comprendront que nous sommes retranchés ici, elles n'hésiteront pas à venir nous en déloger.

Le vieil homme leva la main pour rassurer son interlocuteur :

- Pour l'instant, le Sanctuaire est sûr. Le général réfléchira à deux fois avant de forcer l'entrée de la demeure des Valar, et cela nous offre la ressource la plus précieuse qui soit : le temps. Le temps pour vous de vous reposer, et pour nous de trouver quoi faire. Laissez-moi vous aider.


~ ~ ~ ~


Reinil n'avait pas voulu réveiller Lithildren, mais il avait bien involontairement fait un peu trop de bruit en circulant dans la pièce, et l'Elfe était sortie de son sommeil pour son plus grand malheur. Confus, il s'approcha d'elle en s'excusant platement :

- Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous déranger… J'apportais seulement un peu de bois pour entretenir le feu dans votre chambre. Il me semblait bien qu'il en manquait hier, et je ne voulais pas que vous preniez froid.

Il dévisagea celle qu'il pouvait désormais appeler son amie, et lui trouva meilleure mine que la veille. Elle s'était débarrassée du sang et de la crasse, qu'elle avait remplacée par un air fatigué qui semblait ne pas vouloir la quitter. Reinil, comprenant qu'elle avait besoin qu'on prît soin d'elle, lui fit signe de rester allongée :

- Je m'occupe de tout.

Il lui adressa un sourire plus brillant que le soleil qui pointait derrière les rideaux, et s'éclipsa avec la diligence du plus zélé des servants, laissant Lithildren seule avec ses pensées pendant quelques temps. Par la fenêtre, elle voyait le jour se lever tranquillement sur la Cité Blanche, elle entendait les oiseaux qui chantaient, et tout cela semblait particulièrement idyllique si l'on faisait abstraction des événements de la veille. La chasse, la course effrénée, le combat, le sang versé… Tant de violence qui semblait disparaître sitôt que le jour revenait, comme si la lumière nettoyait leurs crimes pendant quelques heures, leur offrant un répit qu'ils n'osaient même pas demander.

Reinil refit son apparition, portant un repas simple mais chaud. Du pain moelleux, un potage, un morceau de fromage et quelques fruits. De quoi requinquer l'Elfe, à défaut de transcender ses papilles qui s'étaient depuis longtemps habituées à la frugalité. Le Sanctuaire n'était de toute façon pas un lieu dans lequel on trouvait le luxe et le faste des grandes demeures seigneuriales. Il s'agissait d'une maison simple, ouverte et accueillante où chacun pouvait trouver refuge s'il le souhaitait.

- Allez-y, mangez. Mais ne vous brûlez pas.

Le petit ange qui virevoltait autour de Lithildren en veillant à ce qu'elle ne manquât de rien était adorable, et désormais qu'il avait quitté son rôle d'élève modèle, il se révélait tel qu'il était vraiment : un trop jeune garçon qui s'efforçait de faire plaisir à ses modèles. Au professeur Nallus, tout d'abord, qui incarnait la toute-puissance de la connaissance. A Lithildren, ensuite, qui représentait les valeurs de courage et de loyauté desquelles il se sentait proche. Elle l'inspirait plus qu'elle ne pouvait le concevoir, et il voyait dans sa fragilité une preuve supplémentaire de sa force. Après tout, n'était-ce pas en affrontant l'adversité même alors que la vie vous mettait un genou au sol que l'on trouvait en soi-même une résilience insoupçonnée ?

Même à terre, il savait que Lithildren n'abandonnerait jamais.

Il laissa patiemment l'Elfe se sustenter, et en profita pour aérer la chambre, laissant pénétrer la lumière à l'intérieur de celle-ci. Le garçon s'affairait efficacement, et en silence, donnant tout l'espace nécessaire à son héroïne pour se préparer.

Quand elle fut prête, il la conduisit auprès de leur hôte.


Le vieil homme les attendait dans sa tenue habituelle, assis dans un épais fauteuil, son bâton de marche posé nonchalamment en travers de ses jambes. En voyant arriver Lithildren, il se leva péniblement, et lui tendit la main pour la saluer :

- Bon jour, très chère. J'espère que vous avez pu apprécier votre nuit au sein du Sanctuaire. Vous êtes sous la protection des Valar, et ici nul mal ne peut vous atteindre. Vous êtes Lithildren, c'est cela ? Je suis ravi de vous rencontrer.

Sa voix était étonnamment claire pour un homme de son âge, dont le corps semblait désormais fatigué. Il était affecté par ce mal très humain que l'on appelait la vieillesse, mais son esprit demeurait vif et il avait un certain charisme qui ne laissait pas indifférent.

- Vos amis m'ont raconté beaucoup de choses hier soir. Des choses tout à fait étonnantes. D'autres, je dois l'admettre, beaucoup plus inquiétantes. Vous avez traversé les flammes de la guerre, et vous en êtes revenue pour nous apporter votre aide précieuse. Ceci, en revanche, me semble être un motif d'espoir. Qui peut dire où nous serions sans votre arrivée ?

Il marquait un point. Si Lithildren était encore largement affectée par les combats, les fuites et les morts qu'elle avait dû abandonner tout au long du chemin, il était difficile de ne pas voir sa venue comme une bénédiction. C'était elle qui avait survécu à Ost-in-Edhil, c'était elle encore qui avait retrouvé Gilgamesh, qui s'était rendue à Minas Tirith et qui avait délivré Nallus d'un sort incertain, pour lui permettre de lutter aux côtés de toutes les âmes de bonne volonté contre l'influence du général Cartogan.

Pour terrible que fussent ses expériences les plus récentes, que se serait-il passé si elle était morte dans les souterrains de la cité elfique ? Le monde aurait-il été meilleur pour autant ? Le gardien du Sanctuaire semblait avoir sa réponse, et il voulait la communiquer à Lithidren : grâce à sa présence, ils avaient une chance de changer les choses.

- Je devine que vous vous blâmez, fit-il en repensant à sa réaction auprès de Neige, toujours convalescente. Ne soyez pas trop dure avec vous-même, souvenez-vous que même les princes, les rois et les immortels peuvent être dans l'erreur. Même les Valar, dans leur grande sagesse, sont imparfaits.

Il eut un sourire songeur, indéchiffrable, et revint à des choses plus pressantes.

- Il ne m'appartient pas de me mêler des affaires des hommes au pouvoir, Lithildren, mais ce Cartogan est une menace bien trop grande pour être ignorée. Vous même, Elfe de votre état, avez choisi de vous engager pour défendre la cause des Hommes. Vous savez donc de quoi je parle. Nous avons tous une responsabilité individuelle de nous dresser face à l'adversité, si nous voulons chasser le mal qui nous corrompt.

Il emmena Lithildren marcher quelques pas, et fit signe discrètement à Reinil de ne pas les suivre. Jusqu'à présent, le garçon avait écouté en silence, légèrement en retrait, attentif aux paroles échangées comme s'il écoutait une leçon. Il hocha la tête avec obéissance, mais un brin de déception le saisit alors qu'il jetait un regard désespéré à l'Elfe. Il aurait voulu être à ses côtés. Le gardien du Sanctuaire l'emmena plus loin, sous la voûte impressionnante du Sanctuaire. Les lieux étaient raffinés, d'une beauté simple et pure qui semblait traverser les âges. Le vieil homme allait lentement, prenant appui sur son bâton pour économiser ses forces, sans pour autant renvoyer une impression de faiblesse. Ce paradoxe était curieux. Il observait les fresques sur les murs, qui renvoyaient à des épisodes de l'histoire depuis longtemps oubliés.

- Je vous devine égarée, Lithildren. Il en est ainsi quand on passe trop de temps à arpenter cette terre, sans savoir où est notre destin. Parfois, ce sont les petits riens qui nous maintiennent en vie, qui nous donnent de l'espoir. L'amour, notamment, est une force contre laquelle on ne peut rien. Je l'ai appris d'un vieil ami…

Une pensée fugace passa dans son esprit, lui tirant un petit sourire amusé.

- Souffrir d'amour est incroyablement douloureux, mais l'amour a plusieurs formes. Il s'incarne dans des êtres que nous n'aurions pas cru rêver d'aimer un jour, et parfois nous surprend. Reinil, par exemple…

Il marqua une pause, laissant le temps à l'Elfe de comprendre où il voulait en venir.

- Ce garçon vous aime, c'est évident. Pas de cet amour adulte, qu'il ne connaîtra que plus tard, quand il aura tiré le nez de ses livres et de ses plumes. Mais il vous aime, comme un fils aimerait sa mère. Par amour, il se trouve ici, risquant sa vie pour défendre le Gondor… Il ne connaît ni l'épée ni la lance, et pourtant il tiendrait tête à dix chevaliers pour défendre votre vie. Voyez Réland, il faudrait être aveugle pour dire qu'il n'aime pas Neige. Avec un bras valide, il est prêt à défier Cartogan en personne et à mourir pour cette noble cause.

L'espion avait révélé toute sa fragilité la veille au soir devant le corps inanimé de Neige, et il avait fendu le cœur de ses compagnons, qui l'avaient entendu sangloter doucement la nuit dernière. Personne n'en dirait mot, respectant pudiquement son chagrin, mais une telle dévotion était admirable. Le gardien revint à Lithildren :

- Ce Reinil, je crois que vous l'aimez aussi, au fond. Un jour, nous pourrons parler de stratégie, nous pourrons parler de comment défaire Cartogan, comment échapper à ses sbires et protéger le Gondor. Aujourd'hui, cependant, nous parlerons du pourquoi. Du sens à donner à tout ceci. Si vous aimez ce garçon, dites-le lui, et servez-vous de cet amour pour chasser les nuages qui pèsent sur votre vie. Vous aurez besoin d'avoir l'esprit clair pour affronter les dangers qui se dressent devant nous.

Il leva la tête vers le plafond, et resta un moment à le contempler. Ce qu'il n'osait pas dire à Lithildren, c'était qu'il ignorait de quoi l'avenir serait fait. La mort pouvait les frapper à tout moment, et même s'il était convaincu de l'inviolabilité du Sanctuaire, il ne pouvait pas imaginer que Cartogan resterait passif. Les Eldar étaient destinés à voir leurs esprits perdurer dans les Terres Immortelles, mais s'il advenait quelque chose à Reinil… Si par malheur la mort venait le cueillir, alors Lithildren le perdrait à jamais.

#Nallus #Reinil #Réland #Neige
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
Ryad Assad

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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 18 Juin 2019 - 0:08
Dans sa précipitation à sortir de l'Université, Reinil avait oublié de fermer la porte de sa chambre, et de ranger ses effets personnels. Son nécessaire d'écriture était resté dispersé sur le bureau austère, et la bougie allumée se consumerait jusqu'à ce qu'il ne restât plus de mèche. Si un des professeurs passait par là, il ne manquerait pas de le réprimander pour ce manque de rigueur, mais le jeune garçon ne s'en souciait pas le moins du monde. En recevant le signal de Lithildren, il avait tout abandonné sur-le-champ, et s'était précipité par l'issue secrète, en espérant retrouver l'Elfe en vie. Il n'avait pratiquement rien pris avec lui, sinon une vieille cape de voyage, et un poignard.

Une arme dérisoire s'il devait affronter ce Cereis ou les hommes qui se trouvaient à son service, mais dans l'esprit chevaleresque du novice, il ne pouvait pas voler au secours d'une demoiselle en détresse sans avoir au côté de quoi au moins blesser le premier malandrin venu. Il n'était pas un bretteur, il ne l'avait jamais été, et il ne le deviendrait probablement jamais sinon par la force d'un destin capricieux. Toutefois, il était courageux malgré sa peur, et il était prêt à enfreindre la loi du Haut-Roy pour sauver cette femme qu'il ne connaissait presque pas.

Traversant les rues comme une ombre, habitué qu'il était de circuler dans ce quartier, il esquiva sans la moindre difficulté les gardes qui se trouvaient dans les parages, et qui d'ailleurs ne lui auraient guère prêté attention, tout occupés qu'ils étaient à guetter les environs en espérant découvrir Lithildren cachée quelque part. A chaque pas, son inquiétude grandissait, et il se demandait s'il allait retrouver l'Elfe, et surtout dans quel état. Elle lui avait expressément fait comprendre qu'elle n'avait pas besoin de lui, que le danger de sa mission était trop grand pour qu'il pût l'accompagner. Alors la seule raison pour laquelle elle le faisait sortir de l'Université était probablement parce qu'elle faisait face à un danger imminent. Était-elle blessée ? Avait-elle été capturée ? Était-il déjà trop tard ? Reinil savait que l'esprit des Eldar s'envolait vers les Terres Immortelles si leur corps venait à être frappé de ce que les Edain appelaient la mort, mais il espérait de tout cœur ne pas tomber sur le corps inanimé de la guerrière. Dans son égoïsme, il ne pourrait que pleurer son départ brutal, et non se réjouir de la savoir désormais auprès des Valar et des siens.

Tout à ses pensées, il ne vit pas venir Lithildren qui se déplaçait avec la discrétion d'un félin. Elle l'intercepta sans la moindre difficulté au détour d'une ruelle, surgissant dans son champ de vision sans lui laisser la moindre chance de s'échapper. Si elle avait voulu lui faire du mal, elle aurait pu lui briser le cou avant même qu'il eût découvert son identité, mais fort heureusement pour le novice, il était en compagnie d'une alliée qui n'avait à son égard aucune intention malveillante. Elle se contenta de lui poser un doigt sur les lèvres en lui intimant de se taire.

Se taire, il le fit, mais la réaction de sa jeune âme fut si naturelle et spontanée qu'elle les prit tous les deux au dépourvu. Il la serra dans ses bras sans réfléchir, pour la deuxième fois en quelques jours seulement. Il éprouvait à l'égard de l'Elfe une tendresse toute filiale, probablement exacerbée par le fait qu'il vivait entouré d'hommes qui s'apparentaient à ses pères, mais qu'il ne côtoyait pas de femmes qui auraient pu tenir le rôle d'une mère pour lui. Il ne prolongea pas son étreinte outre mesure, et leva les yeux vers ceux de la guerrière, à la fois soulagé de la savoir en vie et indemne, mais également inquiet des raisons pour lesquelles elle avait pu le faire venir. Sans dire un mot, conformément à ce qu'elle lui avait ordonné, il écouta toutes ses explications jusqu'au bout, mémorisant le moindre détail dans son cerveau entraîné à retenir les informations.

Elle lui avait détaillé la situation avec une concision et une précision toutes militaires qui lui convenaient fort bien, mais qui ne rendait pas la tâche plus aisée pour autant. Ce que lui demandait l'Elfe était prodigieusement difficile, et compte-tenu de son état de nervosité, il n'était pas facile pour lui de construire un itinéraire mental sûr pour rejoindre l'extérieur de Minas Tirith. Cependant, il s'agissait d'une question de vie ou de mort de toute évidence, et il n'avait pas le choix que d'essayer. Résumant la situation à voix haute, il essaya de faire le bilan :

- Nous devons franchir deux portes lourdement gardées, et traverser un périmètre occupé presque exclusivement par des soldats. Puis nous devons trouver un moyen de franchir la grande porte de la cité, et de nous retrouver à l'extérieur…

A l'heure actuelle, rejoindre le premier cercle était déjà un défi en soi, mais quitter la forteresse semblait totalement hors de portée. Les lourdes portes de mithril demeuraient closes à quelques exceptions près, que le novice essaya de passer en revue. Ils ne pourraient jamais se faire passer pour des gardes et justifier d'une raison assez importante pour quitter la cité, ce qui excluait d'emblée l'option de se déguiser en serviteurs du Haut Roy. Ils ne pouvaient pas non plus passer pour des dignitaires quelconques, car la cité était verrouillée et tous les ambassadeurs s'étaient abrités avec la haute aristocratie du Gondor, tout en haut de la capitale. Cependant, il y avait un groupe qui avait régulièrement accès à l'extérieur, et qu'ils pouvaient imiter sans trop de peine.

- Je… Je crois que j'ai une idée ! Je vous expliquerai tout plus tard, ne perdons pas de temps.

Il emboîta le pas à l'Elfe, trottant presque pour essayer de tenir la cadence tant elle semblait pressée. Il n'avait pas compris tous les détails de son récit, mais ce qui semblait certain, c'était que la vie d'un officier de l'armée était en danger, et qu'ils devaient tout faire pour le sauver. La vitesse était essentielle ici, mais à l'évidence ils étaient en retard, en témoignaient les petits signes d'agacement que Lithildren ne parvenait pas à cacher. Quand il lui signalait un détour, elle se renfrognait, et quand il hésitait elle l'exhortait à réfléchir, à la fois bienveillante et impitoyable. Elle lui faisait penser à ses professeurs, qui le poussaient toujours à donner le meilleur de lui-même à base de compliments savamment dosés et de remontrances camouflées. Il faisait de son mieux, mais elle en voulait davantage, et ce défi stimulant poussait son intellect dans ses derniers retranchements.

Reinil avait trouvé comment franchir la première porte sans trop de difficulté. Il avait offert son manteau de voyage à Lithildren et lui avait conseillé de baisser la tête humblement, comme une servante. Il y avait de nombreuses femmes qui circulaient dans ces sections de la cité, et les gardes n'étaient pas particulièrement regardants à ce niveau. Ils se laissèrent aisément duper, et n'adressèrent pas même un regard aux deux passants. Un gamin et une servante, cela n'était que trop banal ici.

Pour autant, le jeune garçon savait que son stratagème ne fonctionnerait pas aussi bien pour descendre dans les ruelles du premier cercle, où les contrôles étaient plus sérieux. En effet, ce niveau tout entier constituait la première ligne de défense de la capitale, et les civils y étaient bien plus rares. Les allées et venues étaient surveillées avec grand soin, et personne ne s'aventurait dans les parages sans une raison bien précise.

- Pour la plupart, les femmes qui traversent les ruelles aujourd'hui sont des servantes qui transportent des vivres et des simples depuis et vers l'extérieur. Je pensais que nous en verrions, et que vous pourriez vous fondre dans la masse, mais j'ai bien peur que nous soyons contraints d'attendre. J'ignore quand est leur prochaine commission… c'est peut-être une affaire d'heures.

En disant cela, Reinil se rendit compte que son plan était trop aléatoire et risqué pour être véritablement acceptable. Ils n'avaient pas des heures devant eux, de toute évidence, et ils devaient trouver une solution immédiatement. Il se mit à réfléchir, essayant de contenir l'impatience de Lithildren qui était de plus en plus palpable, quand soudainement la solution s'imposa à lui :

- Là ! Regardez !

Un chariot approchait, tiré par un âne qui s'efforçait de ne pas déraper sur le sol légèrement en pente de la Cité Blanche. Le conducteur de l'attelage, encourageait sa bête à coups de bâton, mais ne prêtait pas attention à grand-chose d'autre, et surtout pas à son chargement. Reinil essaya d'expliquer son idée le plus rapidement possible :

- Je suis presque sûr que c'est un chargement de munitions. On forge des flèches plus haut dans la cité, et elles sont régulièrement livrées aux troupes à l'extérieur pour les approvisionner en cas d'assaut. C'est peut-être notre chance !

Se cacher à bord du chariot était une véritable prise de risque. Si les gardes vérifiaient la cargaison, ils seraient démasqués immédiatement et n'auraient rien à dire pour leur défense. Mais paradoxalement, c'était peut-être le moyen le plus rapide de rejoindre le niveau inférieur, et s'ils devaient attendre une prochaine opportunité, il risquait d'être trop tard pour le commandant Mevan.

- Faites-moi confiance, fit Reinil, convaincu que son plan allait marcher.

Et il fonctionna.

La guerrière et la novice s'allongèrent sous le drap tendu sans éveiller l'attention de quiconque, et demeurèrent immobiles, en espérant ne pas se faire remarquer. Ils se placèrent immédiatement à côté de ce qui semblait être un gros sac de toile d'où se dégageait une forte odeur qui les convainquit d'en rester à bonne distance. Ce n'étaient pas des munitions, de toute évidence, et Reinil se demanda ce dont il s'agissait, mais cette question s'évanouit dans son esprit aussitôt qu'ils approchèrent de la porte du premier cercle. Ils entendirent le chariot tressautant s'arrêter soudainement, et les gardes poser quelques questions au conducteur. Celui-ci, qui avait un fort accent de Morthond ou du Lamedon, répondit sur un ton aigri :

- Je trimballe la même chose que tout à l'heure, alors me mettez pas en retard, j'ai du boulot.

De nouvelles paroles furent échangées, probablement un assentiment de pure forme, et leur véhicule fut autorisé à poursuivre sans que quiconque prît la peine d'en vérifier le contenu. Reinil s'efforça de dissimuler son enthousiasme, mais il ne put s'empêcher de se tourner vers Lithildren en lui lançant un sourire ravi. Ils avaient réussi ! Ce n'était peut-être pas le moyen de transport le plus confortable – ni le plus propre d'ailleurs, le chariot empestait l'âne mort !  – mais pour l'heure il leur avait permis de franchir le second obstacle. Il leur restait à prier pour la suite, car s'ils franchissaient les grandes portes de Minas Tirith du même coup, ils auraient comblé une partie de leur retard. A travers le tissu, ils pouvaient voir la silhouette menaçante du soleil qui les observait de son grand œil unique, mais c'était bien tout ce qu'ils pouvaient apercevoir du monde extérieur, craignant d'être découverts s'ils se risquaient à jeter un œil sous le drap. Parfaitement immobiles, ils se préparaient à réagir dès qu'ils arriveraient à destination, peu importe laquelle.

L'attelage finit par s'immobiliser, et les deux passagers clandestins en profitèrent pour descendre rapidement, avant que le conducteur eût la mauvaise idée d'aller vérifier son chargement. Ils sortirent furtivement du chariot, mais constatèrent à leur grand désarroi qu'ils se trouvaient toujours à l'intérieur de Minas Tirith. Dans le premier cercle, certes, ce qui était une victoire, mais il leur restait encore à trouver comment quitter une ville sur le pied de guerre. Pour l'heure, cependant, ils devaient échapper aux patrouilles qui circulaient dans le périmètre, et au conducteur qui menaçait de les débusquer à tout moment. Reinil désigna le bâtiment immédiatement en face de lui, dont la porte était mal fermée. C'était de toute évidence une sorte de réserve, un endroit où ils n'avaient aucune chance de croiser des gardes.

- Vite, vite, fit Reinil à voix très basse, craignant d'être découvert.

Il pénétra à l'intérieur, et immédiatement mit sa manche sur son nez. L'odeur qui régnait ici était atroce, et elle le saisit à la gorge, lui donnant la nausée. Il se contint à grand peine, et chuchota d'un ton dégoûté :

- Par les Valar, mais quelle est cette puanteur ?

Lithildren connaissait la réponse, évidemment. Elle n'eut pas le temps de la formuler que les yeux du novice s'habituèrent à la pénombre ambiante, et découvrirent les formes sombres entassées les unes sur les autres contre le mur. Il n'avait pas vu immédiatement ce que les yeux de l'Elfe n'avaient pas manqué de remarquer dès qu'elle avait posé le pied dans ce hangar. Des pieds, des mains, des doigts raidis par la mort.

Des cadavres.

Beaucoup plus qu'il en avait jamais vu dans toute son existence.

- Qu'est-ce que…

Cette fois le dégoût franchit le seuil de ses lèvres, et il rendit le contenu de son estomac par terre, incapable de se contenir. Le choc de la réalité l'avait laissé abasourdi, et il ne pouvait rien faire d'autre que tousser et cracher pour purger son système de cette vision d'horreur. Ces corps figés dans une posture non naturelle, ces visages déformés par la douleur, ces yeux parfois encore ouverts qui le dévisageaient d'un air accusateur. C'était trop pour un jeune garçon dont le monde se percevait d'ordinaire à travers les lignes d'un manuscrit, ou dans les paroles sages d'un érudit à la longue barbe blanche. Ici, tous ses sens étaient assaillis simultanément, et il lui semblait qu'une créature invisible le comprimait, arrachant l'air de ses poumons comme s'il se trouvait sous l'eau. Il se sentait fébrile, tremblant, incapable de rien faire d'autre que d'essayer d'effacer ces corps de son esprit.

Lithildren était la seule à même de prendre une décision, à même d'agir.

De toute évidence la « cargaison » du conducteur était un ou plusieurs autres corps, ce qui expliquait l'odeur qu'ils avaient déjà pu sentir à bord du chariot. Cela signifiait surtout que le conducteur allait faire irruption dans la pièce dans quelques secondes afin d'accomplir au plus vite sa mission. Lithildren pouvait soit faire demi-tour, au risque de croiser la route de cet homme, ou bien forcer Reinil à se cacher dans cet endroit de cauchemar le temps qu'il repartît. Le jeune garçon était terrorisé, et peu importe l'option choisie elle devrait veiller sur lui comme l'enfant qu'il était.

Le rassurer.

Le protéger.

A moins qu'il ne fût déjà trop tard pour lui ?

#Reinil
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
Ryad Assad

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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 29 Avr 2019 - 12:40
Reinil avait mis un moment à trouver ce qu'il cherchait, mais il avait finalement réussi à mettre la main sur un plan convenable de la cité de Minas Tirith, qu'il déposa à même la table, prenant soin de caler les coins du document avec de gros livres qu'il avait pu trouver. La carte se déployait en cinq plans successifs, représentant les cinq premiers niveaux de la ville, les deux derniers n'étant pas représentés pour des raisons évidentes de sécurité. Cela offrait toutefois une aide précieuse à Lithildren, même si malheureusement il lui était impossible de se déplacer avec ces documents encombrants et relativement fragiles. Reinil lui jeta un regard en coin, alors qu'elle se penchait sur les représentations de la Cité Blanche. Il avait dû se plier à ses directives de demeurer au sein de l'Université la majeure partie du temps, mais au fond de lui-même il était triste de devoir abandonner l'Elfe à son sort, et de la laisser affronter seule les dangers qui rampaient derrière les grands murs d'enceinte. Son savoir aurait pu lui être fort précieux pour survivre en ville, mais elle préférait affronter cette épreuve seule.

Peut-être parce qu'elle en connaissait parfaitement les dangers, et qu'elle savait que ce n'était pas la place d'une jeune homme inexpérimenté, aussi courageux fût-il.

Ravalant sa déception, le garçon lui pointa du doigt les éléments sur lesquels il essayait de la renseigner le mieux possible.

- A l'heure actuelle, les deux premiers niveaux sont principalement réservés à l'entretien de l'armée, ce qui signifie que les civils y sont assez rares. Je ne vous conseillerais pas de vous y déplacer, et si Cereis s'y trouve, vous devrez probablement attendre qu'il remonte avant d'essayer de le suivre. Avec une autorisation en bonne et due forme, ou un document officiel, vous parviendrez peut-être à y accéder, mais j'ignore où vous pourrez trouver un tel laissez-passer.

En disant cela, il se rendait compte que leur mission serait très difficile. Cereis ne serait pas facile à localiser au sein de la cité, surtout s'il était important de rester discret. Pourtant, Neige ne leur avait pas donné cette piste par hasard, et elle savait que l'homme ne s'éloignerait pas trop de l'Université. Son objectif était d'appréhender Lithildren ou, à défaut, de la surveiller et de rapporter à ses supérieurs ses moindres mouvements. Il y avait donc fort à parier qu'il se trouvait encore dans les parages, caché nul ne savait où. Il fallait le trouver, et le prendre en filature dans la mesure du possible pour essayer de découvrir à qui il rendait des comptes. Une tâche qui impliquait du doigté et de la discrétion.

Reinil avait conscience qu'il n'excellait pas dans ce domaine, et qu'il risquait de les faire repérer rapidement. Il reprit son étude, essayant de renseigner l'Elfe du mieux possible.

- Les toits de Minas Tirith ne sont pas tous accessibles, mais certains ont en effet été aménagés pour permettre la défense des ruelles. Cependant, vous risquez d'être visible par les gardes du niveau supérieur, donc vous devrez faire preuve de prudence.

Son doigt glissa vers le dessin complexe d'une série de ruelles qui s'éloignaient vers l'intérieur de la montagne, comme un dédale de couloirs creusés à même le sein du Mindolluin. Il expliqua avec force détail comment ces espaces qui ne connaissaient pas la lumière du jour étaient abandonnés, souvent dévolus au stockage de denrées qui ne craignaient pas l'humidité et la fraîcheur. Les mendiants les évitaient pour leur inconfort et pour l'incapacité à trouver quiconque désireux de leur donner une pièce dans les environs. On racontait que les hommes qui cherchaient à éviter aux autorités s'y réfugiaient parfois, en désespoir de cause, mais ils en sortaient bien vite, chassés par les conditions difficiles, et les rats qui y pullulaient librement. Un endroit parfait pour se cacher, à condition d'avoir les nerfs assez solides.

Reinil bascula ensuite vers une autre carte, et essaya de présenter à Lithildren les différents lieux importants de la ville. Il s'attarda sur plusieurs d'entre eux, en essayant de se montrer le plus précis et le plus succinct possible :

- Ici, fit-il, vous trouverez le quartier marchand. Il n'est pas déserté, mais l'activité y est très réduite. C'est probablement là que vous trouverez la plupart des gardes qui ne sont pas affectés à la défense des murs. Les gens ont besoin de se nourrir, vous comprenez, et le Haut-Roy veut éviter que la famine pousse le peuple à se déchirer. Ici se trouve la caserne, donc ne vous en approchez pas. Si vous voulez trouver refuge quelque part, en cas d'urgence par exemple, je peux vous recommander le Sanctuaire. Il est tenu par un homme proche de la reine Dinaelin, qui en a repris la tête récemment. Il a redonné à l'institution un certain lustre, et on raconte qu'il accepte de protéger ceux qui sont injustement victimes de la répression militaire. Pour le reste, j'ignore où se trouve la « Bâtisse Close » dont parlait Dame Neige. Je suppose qu'il vous faudra poser les bonnes questions aux bonnes personnes pour cela.

Le jeune garçon était efficace et de toute évidence il connaissait bien la ville, même si comme il l'avait lui-même affirmé à demi-mot, il n'était pas forcément au courant des repaires secrets et des lieux où les brigands se réunissaient. Ce qui l'inquiétait le plus était de savoir à quel niveau se trouvait cette fameuse bâtisse, car si Lithildren devait s'y rendre en franchissant une ou plusieurs des portes intérieures de la cité, elle risquait gros. En même temps, Neige semblait lui faire confiance pour y parvenir, et les informations de la femme aux cheveux blancs étaient trop précieuses pour se laisser abattre par si peu.

Ayant pris conscience de ces éléments, et quelques notes pour agrémenter le tout, Lithildren et Reinil quittèrent la grande salle de travail, non sans avoir rangé soigneusement tous les documents qu'ils avaient pris soin de montrer à Neige. Il n'était pas question que quiconque tombât dessus par erreur, au risque de prendre connaissance des travaux de la Société des Chercheurs pour mieux les empêcher d'arriver aux conclusions qui s'imposaient. Reinil conduisit l'Elfe vers la salle commune, car la journée était bien avancée, et il était déjà l'heure du déjeuner. Ils mangèrent en silence, chacun acceptant à sa manière que leurs séparations allaient impliquer de grands dangers pour l'autre. Lithildren se retrouverait seule face à l'ensemble de l'armée de Minas Tirith, et Reinil demeurerait prisonnier d'une Université qui serait prise pour cible par des hommes comme Cereis. Leur repas terminé, ils entreprirent de définir quelques modes de communication, des codes simples qui leur permettraient de se reconnaître et, si Lithildren venait à frapper à la porte de l'Université, d'être admise à l'intérieur de l'institution. Reinil essaya également de définir un lieu où se retrouver en cas d'urgence, si le jeune garçon avait un message à faire passer à la l'Elfe. Il ne pouvait décemment se mettre à errer dans les rues de Minas Tirith sans savoir où la trouver. Établir un plan d'action de cette ampleur nécessitait du temps, et avant qu'ils s'en rendissent compte, le soleil s'était déjà mis à décliner derrière les montagnes, enveloppant la ville d'un linceul opaque. L'heure du départ était proche…

Alors que Lithildren achevait de préparer son paquetage, Horas toqua à la porte de sa chambre. Le vieil homme, qui avait troqué son air rieur pour une mine grave de circonstance, lui glissa :

- C'est fait, nous avons fermé les portes de l'Université. C'est une page qui se tourne dans l'histoire de notre institution, et peut-être dans l'histoire de Minas Tirith.

Puis, constatant que la jeune femme semblait vouloir partir chargée, il ajouta :

- Vous pouvez laisser ce que vous voulez ici, vos effets seront en sécurité. Prenez le strict nécessaire, ne vous laissez pas ralentir par quoi que ce soit.

Ayant achevé de s'équiper et de s'habiller, Lithildren fut conduite par Horas et Reinil le long d'un chemin secret qu'ils arpentèrent en conversant à voix basse, comme des conspirateurs. Ils discutaient des meilleurs moyens de trouver Cereis, mais aussi de lui échapper si besoin. Ils ne connaissaient rien de l'homme, de ses méthodes ou de ses capacités, ce qui les incitait à faire preuve d'une grande méfiance. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle ils ne passaient pas par la porte principale pour faire sortir l'Elfe, et qu'ils s'étaient décidés à emprunter un chemin beaucoup moins connu.

- J'ignore s'il figure sur les cartes, fit Horas. C'est une vieille issue dont je ne connais pas l'origine ni la fonction, mais qui sera très pratique. Elle est difficile d'accès car elle se trouve à quelques mètres au-dessus du sol, ce qui explique pourquoi nous avons amené une corde. Je suppose que ce genre d'exercices ne vous posera aucun problème, vous qui avez l'air si jeune !

Le sourire malicieux du sociétaire était revenu pendant l'espace d'un instant, avant de disparaître de nouveau, sitôt qu'ils avaient plongé dans une aile obscure du bâtiment. Ils s'étaient élevés légèrement en avalant deux volées de marches, puis avaient bifurqué, et avaient usé d'un passage secret caché dans un mur. Une alvéole s'y détachait dès lors qu'on faisait coulisser un pan amovible d'une légèreté surprenante. Ils s'y étaient coulés discrètement, puis avaient refermé soigneusement le mécanisme derrière eux. Après s'être emmurés, ils avaient longé un corridor étroit et couvert de toiles d'araignées, puis avaient débouché sur une alcôve à taille humaine, où il faisait particulièrement frais. Sous les doigts experts de Horas, le mur se mit à pivoter légèrement, et il laissa glisser une corde qui toucha le sol environ cinq mètres plus bas.

- Voilà, nous y sommes, chuchota-t-il. Soyez brave, Lithildren. Nous comptons tous sur vous.

Il serra la main de la jeune femme, incapable de bouger pour la rejoindre. Reinil, qui était plus proche, serra Lithildren dans ses bras, conscient que c'était peut-être la dernière fois qu'il la voyait. Il n'avait pas envie de pleurer, mais il ressentait une vive émotion pour cette guerrière, alors qu'il ne la connaissait pas depuis longtemps. Peut-être parce que son arrivée au sein de la capitale du Gondor avait signé une transformation profonde de son univers. La vie au sein de Minas Tirith risquait d'être bouleversée, et le cocon de paix et d'harmonie dans lequel il avait toujours vécu venait d'être fissuré.

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas. L'Université est avec vous.

Il n'ajouta rien, laissant l'Elfe se couler doucement le long du mur avec une grâce surhumaine. Lorsque ses pieds touchèrent le sol, la corde se mit à remonter délicatement avec la discrétion d'un serpent glissant sur le sol. Le pan de mur glissa pour retrouver sa place, masquant parfaitement l'ouverture. Pour la première fois, Lithildren se retrouva seule au sein de la Cité Blanche, plongée dans les ténèbres et le silence. Pour la première fois, elle ressentit le poids du danger qui pesait sur ses épaules. Les ruelles sombres qui menaçaient à chaque instant de voir surgir des ennemis assoiffés de sang.

Mais elle retrouvait aussi une certaine forme de liberté, le droit d'aller où elle voulait, et d'employer tous les moyens qu'elle jugerait nécessaire pour retrouver Cereis…

#Reinil
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 25 Avr 2019 - 19:27

Neige avait déjà entendu des histoires étonnantes et effrayantes dans sa vie, mais celle-ci faisait sans aucun doute partie des plus extraordinaires. Des hommes capables de retrouver la jeunesse, des anneaux de pouvoir, des cités mystérieuses oubliées depuis des âges… Il y avait là assez d'éléments pour préoccuper n'importe quel individu ayant un minimum de jugement, et pour une raison qu'elle n'arrivait pas à s'expliquer, le Gondor ne s'était pas encore emparé de cette affaire. Au lieu de quoi, on essayait de faire taire Lithildren, Nallus, et tous ceux qui avaient connaissance de ces choses, comme si leur présence dérangeait. Comme si quelqu'un essayait de couvrir les agissements de ces chasseurs d'anneaux… Mais qui pouvait bien avoir un tel pouvoir ? Et pourquoi ?

Le regard de Neige s'égara un instant dans le lointain, alors qu'un silence pesant s'abattait sur tous ceux qui se tenaient présent. Ils avaient tous besoin de digérer les informations communiquées par l'Elfe, et de faire le bilan sur ce qu'ils venaient juste d'entendre. Chacun, guerrier ou érudit, essayait de confronter ces données nouvelles à ce qu'il ou elle connaissait pour dégager des amorces de solution.

Hélas, ils se trouvaient bien impuissants face à l'ampleur prise par leur enquête.

- Je veux bien voir les documents, oui, fit la guerrière encore un peu sonnée par ces révélations.

Elle laissa Reinil récupérer les précieux extraits du journal de Gier, ainsi que la lettre adressée à Nallus, et d'autres feuillets collectés par la Société des Chercheurs au fil des mois. Il y avait beaucoup d'éléments à assimiler, dont certains étaient codés, et elle eut besoin des conseils de Lithildren pour tout comprendre. Son attention se focalisa naturellement sur la lettre à Nallus, qu'elle lut et relut, comprenant vraisemblablement quelque chose qui avait échappé aux yeux de l'Elfe.

- Je suis presque certaine de connaître l'auteur de cette lettre, fit-elle tout à coup. Cette écriture, ce style, et ce qui est dit dans la lettre… Je pense qu'il s'agit d'Haimar, un de mes hommes les plus fidèles.

La guerrière paraissait partagée entre le soulagement et l'inquiétude. Elle poursuivit :

- Il est en mission au Sud, et il a probablement pu récupérer des informations compromettantes sur quelqu'un, au sommet de la hiérarchie militaire, qui veut nuire au pouvoir du Haut-Roy. S'il n'a pas envoyé ce courrier directement vers moi, c'est qu'il craignait qu'il soit intercepté… Il avait de toute évidence raison.

Neige assemblait les pièces du casse-tête dans son esprit, et dessinait un portrait nouveau de la situation, incapable de se détourner de ce qui l'effrayait le plus… la perspective que ses propres rangs fussent compromis. Eux qui étaient censés défendre le Gondor n'auraient jamais dû être les premiers à tomber, et elle avait le sentiment que le malaise qu'elle ressentait aujourd'hui était dû au sentiment inconscient d'avoir été trahie, manipulée. Son instinct ne la trompait jamais. Cette Fraternité était-elle assez puissante pour avoir refermé son emprise aussi facilement sur le Gondor ? Était-il déjà trop tard pour faire quelque chose ?

- Lithildren, reprit-elle, j'ignore exactement quel est le sens de votre quête, mais j'ai le sentiment que nos intérêts convergent aujourd'hui. Vous souhaitez retrouver Nallus pour obtenir des informations au sujet de ce Gier, et je suis persuadée que la clé pour le libérer est de résoudre le mystère qui entoure son emprisonnement. Si nous faisons tomber celui qui se cache derrière ces manigances, Nallus sera remis en liberté, et vous serez libre de l'interroger. C'est de toute évidence le seul moyen.

Au regard de la politique particulièrement rigide de Cartogan, il n'était pas possible d'envisager autre chose, et la moindre demande de rencontrer l'érudit en prison risquait d'alerter ceux qui essayaient de le faire taire. Non, ils devaient contourner le problème, et abattre les racines du mal pour libérer tous ceux qui étaient menacés par leur expansion. Pour Neige, les deux combats étaient liés, et la survie de la Terre du Milieu était indissociable de la protection du Gondor, le grand royaume des Hommes. Elle ignorait si Lithildren voyait les choses ainsi, car elle savait que la longévité des Elfes les incitait à voir les choses sous un angle très différent, et ils étaient parfois prêts à consentir à certains sacrifices pour atteindre un objectif plus élevé. C'était un marché que Neige ne saurait accepter.

Gardant ses préoccupations pour elle-même, elle s'efforça de définir un cap pour la suite, et de faire ce qu'elle faisait le mieux : agir. Elle n'était pas une femme de science et de savoir, sa principale qualité résidant dans sa capacité à prendre les décisions qui s'imposaient et à mener à bien les missions les plus difficiles. En l'occurrence, il lui fallait établir un plan fiable, qui leur permettrait de gagner un peu de temps. Celui-ci leur faisait cruellement défaut, car ils se trouvaient dans la gueule du loup, au cœur d'une cité frappée par tant de malheurs que personne ne songerait à prendre leur défense. Ils devraient s'en sortir seuls, comptant sur leur ruse et leurs quelques relations au sein de la Cité Blanche.

- L'Université n'est plus un lieu aussi sûr qu'auparavant, je le crains. Cependant, elle reste encore respectée, et vos portes ne seront pas forcées sans une raison valable.

- Vous songez à ce que nous fermions les grandes portes de notre institution ? Rétorqua Horas, sincèrement surpris. Celles-ci sont restées symboliquement ouvertes depuis des décennies !

Neige acquiesça, consciente qu'une telle décision ne passerait pas inaperçu.

- Vous l'avez dit, il s'agit d'un geste symbolique. Avec de la chance, cela pourra nous aider à rassembler des soutiens, mais surtout il vous sera possible de maintenir les gardes à l'écart, le temps que Lithildren et moi puissions mener l'enquête.

- Et moi, ajouta Reinil en s'avançant courageusement. Je ne resterai pas en retrait alors que le Gondor est menacé. Bien que je ne sois ni un sage ni un combattant émérite, je veux vous aider.

Dans d'autres circonstances, Neige aurait probablement refusé l'aide de ce jeune garçon manquant d'expérience. Cependant, elle savait qu'elle manquait d'alliés, et qu'elle aurait besoin de toute l'aide disponible pour parvenir à ses fins. Sauver le Gondor nécessiterait peut-être que Reinil sacrifiât sa vie, mais c'était un risque qu'elle était prête à prendre sans la moindre hésitation.

Pour son royaume.

- Très bien, fit la jeune femme. Lithildren, vous ne pouvez pas rester ici. Tout dépendra de votre capacité à échapper aux gens comme Cereis, et à leur faire croire que vous vous trouvez encore à l'Université. Plus longtemps ils croiront vous trouver ici, plus il sera facile pour vous de circuler dans la Cité Blanche. Mais ne sous-estimez pas ceux qui vous cherchent. Toute Elfe que vous soyez, ces hommes sont parfaitement entraînés, à la fois pour vous trouver et vous neutraliser.

Elle parlait en connaissance de cause, ayant supervisé la formation de la plupart d'entre eux. Elle savait qu'ils sauraient maîtriser une Elfe rebelle si besoin, et que Lithildren aurait fort à faire pour leur échapper. Il valait mieux essayer de les éviter, et ne pas croiser leur route tout simplement. L'objectif n'était pas de semer des cadavres, même si en cas de conflit Neige n'hésiterait pas à faire tout ce qui serait nécessaire tant qu'elle aurait la conviction d'agir dans l'intérêt commun. Reinil, qui écoutait attentivement, se permit d'intervenir de nouveau :

- Vous ne viendrez pas avec nous, Dame Neige ?

Cette dernière posa les yeux sur le jeune garçon, souriant devant la vivacité de son esprit :

- Non, en effet. J'ai moi-même des choses à faire, des questions à poser, des réponses à obtenir. Vous accompagnerez Lithildren, et vous la guiderez à travers Minas Tirith pour échapper aux gardes qui ne manqueront pas de vous chercher. Si vous voulez débuter votre enquête, commencez par localiser puis suivre Cereis : il pourrait vous conduire vers ses maîtres. Mais prenez garde, je ne saurais trop vous conseiller de vous méfier de lui. Je reviendrai vers vous dans deux jours, je vous retrouverai dans la Bâtisse Close. A ce moment-là, si tout va bien, nous aurons déjà une vision plus claire des mesures à prendre.

Neige plongea son regard dans celui de Lithildren, attendant d'éventuelles questions. Si d'aventure les choses étaient claires pour l'Elfe, elle quitterait immédiatement les lieux avant le retour des gardes. L'ombre était son alliée, et le soleil qui nimbait la Cité Blanche d'une douce lueur matinale la mettait déjà mal à l'aise.

#Reinil
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 23 Avr 2019 - 16:50

Croyant avoir entendu un bruit suspect, Neige tourna brusquement la tête vers la grande porte de l'université, craignant déjà de voir des hommes d'armes envoyés par Cereis arriver. Elle se demandait s'il l'avait suivie jusqu'ici ou s'il s'était empressé d'aller faire son rapport pour expliquer à quel point elle lui avait mis des bâtons dans les roues. Quoi qu'il en fut, elle savait qu'elle n'avait pas beaucoup de temps, et qu'elle avait pris un gros risque en s'opposant de manière si nette aux directives du Service. Ses supérieurs l'avaient déjà en ligne de mire, et ils n'hésiteraient pas à la réprimander à la moindre occasion. En l'occurrence, elle avait pris soin de conserver l'ordre de mission sur elle, espérant pouvoir se couvrir si quelqu'un venait lui demander des explications. Elle pourrait toujours prétendre avoir voulu mener l'enquête personnellement…

Pressant le pas derrière Lithildren, elle suivit cette dernière dans la salle de travail, accompagnée du jeune Reinil et de Horas. Les deux érudits paraissaient vouloir les protéger, observant autour d'eux pour s'assurer que personne ne venait, mais il était évident pour la jeune femme qu'ils ne pourraient rien faire si de nouveaux gardes arrivaient. Le premier était trop jeune, trop inexpérimenté, et franchement trop timide pour se débrouiller dans une bagarre, même s'il avait affaire à un simple chapardeur. Alors un soldat entraîné ? Le second était quant à lui trop vieux et trop fragile pour tenir tête à un garde de la cité. C'était bien le beau sexe qui se chargerait d'affronter les potentielles menaces qui chercheraient à les détourner de leur objectif, si d'aventure elles se présentaient. La guerrière espérait que non, car elle n'avait pas envie de faire couler le sang de son propre peuple. Cependant, quelque chose lui disait qu'elle ne sortirait pas de cette affaire les mains propres.

Mais enfin, elle avait l'habitude.

A son grand étonnement, Neige se rendait compte qu'elle n'avait que très rarement mis les pieds au sein de l'université, et qu'elle n'avait jamais pénétré dans le moindre bâtiment de l'institution. Elle avait pourtant ses entrées un peu partout dans la Cité Blanche, et elle avait elle-même exploré des lieux dont le commun des mortels ignorait l'existence. Il fallait croire que ses obligations et ses missions l'avaient tenue éloignée des merveilles de Minas Tirith, et une partie d'elle-même se réjouissait de pouvoir encore découvrir des endroits de toute beauté, qui n'avaient pas été corrompus par la cupidité, la vénalité et la violence. Pas encore. Les lieux étaient étrangement apaisants, et elle se perdit quelques secondes à les contempler, égarée dans ses pensées comme lorsqu'elle était plus jeune, et qu'elle essayait de résoudre un problème particulièrement complexe.

Elle avait toujours eu l'esprit affûté.

Aujourd'hui, il y avait beaucoup de choses qu'elle essayait de comprendre, de digérer, et peut-être se trouvait-elle dans le meilleur endroit pour cela. Un endroit de paix et de calme, où l'esprit primait sur le corps. Après avoir gagné la salle de travail, elle s'appuya sur une table avec un soupir de lassitude, prête à écouter les paroles de Lithildren.

L'Elfe semblait toujours tendue, légèrement méfiante, et elle s'en ouvrit à Neige qui comprenait parfaitement son sentiment. Il n'était pas facile de se confier à une parfaite inconnue, surtout dans de telles circonstances. Les allégeances étaient floues, les alliés d'hier pouvaient devenir les ennemis d'aujourd'hui, et la parole donnée semblait ne plus avoir la même valeur. Même au sein de la Cité Blanche, la confiance était rare et précieuse.

- Pourquoi j'ai décidé de vous aider ? Demanda Neige presque pour elle-même.

La vérité était qu'elle n'en avait aucune idée. Elle avait suivi son instinct, comme le lui avait enseigné son mentor, car elle pressentait que quelque chose n'allait pas, que quelque chose clochait au sein de la cité. Suivre les ordres aurait été une option, mais elle ne s'était pas hissée si haut dans la hiérarchie en se contentant de faire ce qu'on lui disait sans réfléchir. Elle regarda les deux érudits et Lithildren, qui semblaient attendre la réponse, avant de lâcher un nouveau soupir :

- Peut-être parce que j'ai le sentiment que ce que l'on vous reproche n'est pas justifié. Peut-être parce que cet ordre de mission (elle sortit de sa poche le document qu'elle avait récupéré auprès de Cereis) vous désigne comme une menace potentielle, alors que je tiens de source sûre que vous souhaitez seulement apporter votre aide à cette cité. Peut-être parce que je suis fatiguée des mensonges et des complots…

Neige se redressa et se mit à faire les cent pas, trahissant involontairement son angoisse :

- J'ai l'impression d'avoir été trompée, et j'ai le sentiment que vous seule détenez les réponses à mes questions. C'est la raison de votre présence ici. C'est la raison pour laquelle j'ai besoin que vous me parliez à cœur ouvert.

Elle jeta un regard appuyé à Reinil et Horas, et leur lança :

- Si vous choisissez de rester, alors vous devez accepter les risques qui pèseront sur vous. Certaines informations ont plus de valeur que votre vie…

- Reinil et moi-même comprenons les enjeux, mais nous savons aussi que vous aurez besoin de toute l'aide disponible. C'est notre mission, en tant que membres de la Société des Chercheurs. Vous pouvez parler.

En disant cela, il avait posé ses mains sur les épaules du jeune garçon, conscient qu'il s'engageait en son nom dans une entreprise potentiellement dangereuse, voire mortelle. C'était une grande responsabilité, mais il avait l'impression qu'en associant Reinil à cette affaire, il formait la jeunesse et la relève de cette association libre d'érudits dont le point faible principal était l'âge. Ils ne seraient bientôt plus en mesure de mener le combat intellectuel, et seule la présence de jeunes âmes comme celle de Reinil pouvait garantir l'avenir de leur cause. Neige acquiesça de manière solennelle, sans chercher à les dissuader davantage. Elle espérait qu'il ne périraient pas à cause d'elle, mais elle savait également que les morts faisaient partie du chemin, et elle ne s'attarderait pas inutilement sur leur sort. Son engagement les dépassait tous. D'une voix maîtrisée, elle reprit :

- Bien, pour commencer vous devez savoir que je suis au service du Gondor, même si je n'appartiens pas à l'armée régulière. Cereis, que vous avez eu le déplaisir de croiser, travaille sous mes ordres, mais son allégeance semble avoir fluctué ces derniers temps. J'ai encore le pouvoir de le contraindre, mais qui sait combien de temps il m'obéira encore ? J'ai bien peur que mes jours ne soient comptés, et que bientôt lui et ceux qui partagent ses idéaux m'évincent pour faire valoir leurs vues. J'ai encore quelques alliés, mais je crains que nous ne soyons pas assez nombreux pour faire pencher la balance.

Elle parlait de plus en plus vite, comme si la perspective d'une guerre civile était imminente au sein de la Cité Blanche. Son regard se braqua sur Lithildren, et elle ajouta :

- J'ai parlé à Erelas. C'est lui qui m'a envoyé vers vous. Il m'a dit que je pouvais vous faire confiance, et que vous aviez des soupçons concernant l'arrestation de Nallus… Je ne le connais pas personnellement, mais je devine que son emprisonnement n'a rien à voir avec ce dont on l'accuse.

Reinil et Horas, qui écoutaient attentivement, hochèrent la tête comme un seul homme, confortant Neige dans ses convictions. La jeune femme fronça les sourcils, comprenant que ses craintes semblaient fondées. Elle n'aimait pas ça.

- Je crois que des forces hostiles essaient de nous miner de l'intérieur, et j'ai peine à croire que l'attaque de ces Orientaux sur Cair Andros soit une simple coïncidence. Si tel est le cas, c'est une aubaine pour ces forces cachées, qui profitent de la terreur pour avancer. J'ai besoin de savoir ce que vous savez, Lithildren, car l'équilibre de ce royaume est fragile et il m'appartient de tout faire pour le protéger. J'espère simplement qu'il n'est pas déjà trop tard…

#Reinil
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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 17 Avr 2019 - 11:17
Cereis devait bien l'admettre, l'attitude de l'Elfe le laissait perplexe. Il devinait son caractère impétueux, indomptable, et pour autant elle ne semblait pas encline à s'opposer à lui. Pour protéger le gamin et le vieil homme ? Il savait que les Eldar se pensaient comme les défenseurs d'un idéal de paix et d'harmonie, mais il avait toujours cru que ce peuple mystérieux préférait se soucier de ses propres problèmes que de ceux des simples mortels. Les créatures telles que lui n'étaient que poussière à leurs yeux.

Il ne comprenait tout simplement pas.

Pourtant, un élément décisif le poussa à se méfier davantage que de raison. Elle avait évoqué le nom de Nallus. Elle avait eu beau feindre de ne pas le connaître, elle avait spontanément abordé le sujet, et c'était déjà bien assez pour éveiller la suspicion à son endroit. Ses ordres, comme il l'avait indiqué à l'Elfe, étaient particulièrement stricts. On ne lui avait donné que très peu d'informations, mais il se souvenait encore très bien des mots de son supérieur : « elle est peut-être liée dans le complot de Nallus ». Ces paroles étaient gravées dans sa mémoire, et il n'avait pas le sentiment qu'il s'agissait d'une simple coïncidence. Il avait vu trop d'espions ennemis au cours de sa carrière pour encore croire à ce genre de choses. L'Elfe, quelles que fussent ses intentions, n'était pas aussi innocente qu'elle voulait bien le faire croire.

En la voyant essayer de négocier pour défendre les deux érudits, il comprit qu'il avait là une opportunité à exploiter, une faille dans sa garde qu'elle laissait délibérément ouverte, en espérant qu'il allait faire preuve de clémence envers les innocents. Cereis n'était pas un homme fondamentalement mauvais, et il ne prenait aucun plaisir à ce genre de choses, même s'il accomplissait son devoir avec un zèle louable. Lorsque l'occasion lui fut présentée de mettre un terme à cette affaire sans trop de vagues, il s'en empara sans la moindre hésitation.

- Très bien, madame, nous ferons ainsi. Relâchez-le.

Horas retrouva sa liberté, mais il était encore sous le choc, et il mit un moment à reprendre ses esprits. La scène qui se jouait ici était par trop inhabituelle entre ces murs pour que quiconque y fût préparé. A part Lithildren, naturellement. Cereis la dévisagea, lui faisant comprendre que son geste de bonne volonté exigeait une contrepartie de la part de l'Elfe, et qu'elle devait se soumettre au protocole.

- Si vous nous aviez suivi sagement dans un premier temps, nous n'aurions pas eu besoin de telles entraves. Cependant je serais plus rassuré en vous sachant attachée. Rassurez-vous, à cette heure Minas Tirith dort encore, et vous éviterez l'humiliation publique.

Maigre consolation, mais il s'agissait néanmoins d'un privilège rare. Elle aurait pu être arrêtée avec fracas par les autorités de la cité, conduite sans merci au milieu d'une foule ébahie qui l'aurait prise pour cible avec cruauté. Dans le contexte tendu de ces derniers temps, les espions et les traîtres suscitaient une rage populaire à nulle autre pareille. Le peuple de Minas Tirith cherchait les potentiels rebelles, et se méfiait comme de la peste des nouveaux venus en ville, dont l'allégeance n'était pas claire. La confiance était devenue rare, et les individus comme Mevan ou Erelas – qui accordaient du crédit aux propos d'une inconnue – avaient été marginalisés par la politique du général Cartogan. Cet homme exigeait une loyauté sans faille de la part de ses troupes, afin de maintenir l'ordre.

Toujours l'ordre.

Il n'y avait pas de place pour la sympathie, pour les sentiments ou pour les initiatives personnelles. L'obéissance était la clé de voûte de son armée, et il avait instauré une politique sécuritaire nouvelle et brutale à Minas Tirith qui, il fallait bien l'avouer, avait produit des résultats inespérés. La paix était revenue au sein des sept cercles, on ne parlait plus de sombres complots contre la personne du roi, et même les bandes criminelles qui avaient fait des premiers cercles leurs terrains de jeu avaient été repoussées et se dissolvaient comme des ombres à midi.

Lithildren fut donc attachée, mais de sorte à ce qu'elle ne sentît pas trop durement la morsure de la corde sur ses poignets. Une attention discrète que Cereis avait envers elle afin de lui montrer qu'il n'était pas là pour la faire souffrir inutilement. Il souhaitait simplement lui poser des questions. Ils s'éloignèrent donc rapidement de l'université, et prirent la direction de la caserne, qui se trouvait plus haut dans la cité, les obligeant à remonter progressivement le long du chemin unique qui serpentait à travers la capitale comme un serpent gigantesque enroulé autour de la montagne. Les rues étaient effectivement désertes à cette heure, et ils ne croisèrent ni commerçants, ni artisans, ni même les nobles les plus matinaux qui dormaient encore. Si quelque chose devait se dérouler, il n'y aurait aucun témoin.

Le malaise des soldats était perceptible, et Lithildren pouvait sentir leur tension qui s'exprimait par des contractions nerveuses qui se répercutaient jusque dans leurs doigts, et à travers le tissu sur les bras de la guerrière. Ils étaient concentrés, mais quelque chose les agitait, sans qu'il fût possible de dire quoi avec certitude. Tout à coup, Cereis bifurqua de la rue principale, et s'engouffra dans une artère moins exposée. Cela ne ressemblait pas au chemin de la caserne, à n'en pas douter, mais personne ne jugea utile de faire le moindre commentaire.

Cependant, alors qu'ils continuaient à progresser tranquillement vers des ruelles de plus en plus étroites, ils s'arrêtèrent. Leur route était barrée par une silhouette encapuchonnée qui se tenait trop loin pour pouvoir être identifiée avec certitude.

- Qui va là ? Fit Cereis en portant instinctivement la main à son arme, un réflexe qu'il avait conservé de ses nombreuses missions à l'étranger.

La silhouette s'avança légèrement, et rabattit le capuchon qui dissimulait son visage. Une pluie de cheveux blancs cascada autour d'un visage glacial. Des yeux pénétrants plongèrent dans celui du chef de troupe, et une voix résonna, pure comme le cristal et tranchante comme l'acier :

- C'est moi, Cereis. J'ai l'impression que tu t'es trompé de chemin.


- Neige, feula-t-il. Que veux-tu ?

La femme s'approcha de nouveau, de toute évidence insensible à la présence des deux hommes derrière Cereis. Ce dernier semblait agité… de la peur ? Oui, il avait l'air de craindre cette femme, et ce qu'elle pouvait lui faire. Leur faire. Il fallait s'en méfier, assurément.

- Ton ordre de mission, Cereis. Que dit-il, précisément ?

- Cela ne te concer…

Le regard de Neige s'agrandit légèrement, et ce simple geste suffit à faire regretter au guerrier ses velléités de résistance. Il tira de sa poche un document soigneusement plié et cacheté, qu'il tendit à la femme aux cheveux blancs. Celle-ci s'en empara sans un mot, et le lut attentivement, indifférente à la nervosité presque palpable de tous les autres. Elle agrémenta sa lecture de nombreux « hm » pensifs, avant de reprendre :

- Je vais prendre en charge cette dame à partir de maintenant. Tu peux disposer, Cereis.

- M-Mais…

Un nouveau regard le figea sur place. Neige n'était pas d'humeur à plaisanter, ou à tolérer le moindre signe d'insubordination. Car oui, Cereis était bien son subalterne, et même s'il tenait ses ordres de tout en haut, il n'en demeurait pas moins sous sa direction. Il fit signe aux deux hommes, et ils firent demi-tour sans mot dire, s'éloignant d'un pas pressé pour cacher leur humiliation. Neige les observa s'éloigner au loin, avant de revenir à l'Elfe. Elle tira un poignard, et d'un geste sec fit tomber les liens qui l'entravaient.

- Je suis désolée pour tout ça. Vous arrivez à Minas Tirith dans une situation très particulière, je le crains. Vous êtes Lithildren, c'est bien ça ?

La question pouvait paraître anodine, mais elle en soulevait bien d'autres. Ce n'était pourtant pas le lieu pour en discuter. Neige était énergique, et elle savait rentabiliser son temps. Elle entraîna l'Elfe dans la direction inverse de celle où elle allait, pressant le pas pour éviter de croiser une patrouille par inadvertance. Son pas rapide ne favorisait pas la conversation, mais elle trouva néanmoins le temps de donner de brèves explications.

- Nous retournons à l'université. Je crains que vos amis ne fassent une bêtise si nous les laissons sans nouvelles trop longtemps.

Elle marqua une pause, avant d'ajouter :

- Il est curieux qu'ils aient pris fait et cause pour vous si rapidement, mais s'ils vous ont fait confiance, c'est que vous méritez sans doute que l'on vous écoute.

En arrivant dans les lieux qui avaient accueilli Lithildren, Neige et elle furent accueillies par le rire communicatif de Horas qui semblait immensément heureux de retrouver leur visiteuse. Son sourire s'étendait d'une oreille à l'autre, et il serra chaleureusement la main qui lui était tendue, manquant de danser sur place tant il trépignait d'impatience à l'idée de connaître le fin mot de cette affaire. Mais ce fut la réaction de Reinil qui fut la plus touchante. En voyant l'Elfe revenir, il s'était précipité vers elle et l'avait pris dans ses bras comme un fils retrouvant sa mère. Il la serra fort, avant de lâcher :

- Nous vous croyions perdue ! C'est un miracle !

Neige, qui se tenait tout à côté, afficha un sourire gêné. Elle ne savait jamais comment réagir quand les choses allaient bien… Peut-être parce qu'elle savait que tout allait basculer rapidement. D'une voix qu'elle voulait apaisante, elle demanda à Horas :

- Où pouvons-nous discuter tranquillement, monsieur ? Je souhaiterais m'entretenir avec cette femme.

#Reinil #Cereis #Horas
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
Ryad Assad

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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 16 Avr 2019 - 16:52
Il y eut un silence fort long et fort gênant sitôt que Lithildren eut terminé de prendre la parole. Horas, notamment, semblait estomaqué, comme s'il n'en revenait pas de voir la guerrière tenir tête ainsi à trois hommes armés. Il ignorait bien entendu les capacités de l'Elfe, mais même une fière représentante des Premiers Nés aurait eu fort à faire face à trois hommes d'armes de toute évidence expérimentés et déterminés. Sa bravoure tranchait avec la posture d'ordinaire complaisante et résignée des érudits de Minas Tirith, qui s'étaient toujours pliés aux directives des autorités sans jamais opposer rien de plus qu'une résistance morale. Ils ne se seraient jamais opposés de cette manière à des hommes du Haut-Roy, et à l'évidence les intéressés ne s'attendaient pas une telle réaction.

Cereis, en particulier, fronça les sourcils brusquement, contrarié de voir la tournure que prenaient les événements. Mais un sourire cynique ne tarda pas à revenir hanter son visage jusqu'alors fermé. Un « simple soldat » ? Cette Elfe était décidément très amusante.

- En pleine nuit, fit-il sur un ton acide ? Ne voyez-vous pas que déjà le soleil se lève derrière le Mordor ? Nous avons eu la politesse de vous accorder une nuit de sommeil avant de vous questionner, mais la courtoisie a assez duré. Emparez-vous d'elle, nous l'interrogerons à la caserne !

Les deux hommes firent un pas en avant pour se saisir de Lithildren, mais Horas et Reinil essayèrent de s'interposer, plaidant en la faveur de leur invitée qui n'avait, après tout, rien fait de mal sinon venir faire quelques recherches au sein de l'université.

- Attendez, cria notamment le jeune garçon en levant les mains. Vous ne pouvez pas arrêter quelqu'un de cette manière, sans motif valable.

Le chef du trio fit claquer sa langue, décidément très contrarié par l'attitude de Reinil et par son outrecuidance. Il répondit sèchement :

- Nous n'arrêtons pas madame, nous la conduisons simplement ailleurs pour procéder à son interrogatoire. Mais si elle résiste, alors nous serons contraints de procéder à son arrestation, ainsi qu'à celle de tous ses complices, en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés par le Haut-Roy.

En disant cela, il avait tapé du plat de la main sur l'armure du garde à sa droite, sur laquelle apparaissait un arbre stylisé. Le symbole du Gondor et de la lignée des rois qui gouvernaient cette cité depuis des âges. S'opposer à ceux qui arboraient cette tunique, cela revenait à s'opposer au royaume tout entier, mais plus largement aux Peuples Libres et, dans l'esprit de Cereis, à la notion même de « Bien ». Il croyait fermement dans la rectitude morale de son peuple, et il ne pouvait tolérer qu'on résistât aux directives qui venaient d'en haut. Cela contrevenait à sa conception très manichéenne des choses.

- Quant à toi gamin, c'est la dernière fois que tu te dresses entre moi et ma mission. Si tu veux continuer à vivre tranquillement ici, écarte-toi. A moins que tu ne préfères que je t'arrête sur-le-champ pour avoir cherché à défier mon autorité.

Reinil devint livide. Confronté à la perspective d'être emprisonné et jugé pour un acte séditieux, il se sentit soudainement faiblir. Dame Lithildren avait peut-être l'habitude de ce genre de situations, mais pas lui, et tout à coup la réalité venait le heurter de plein fouet. Cependant, avant d'avoir pu répondre, ce fut Horas qui prit la parole, aussi rusé que d'habitude :

- Monsieur Cereis, fit-il en feignant la politesse. Je crois que tout le monde ici veut que les choses se terminent bien. Si vous vouliez bien nous dire ce qui vous amène ici, nous pourrions essayer de régler cela pacifiquement.

- Cette femme, répondit l'intéressé en la pointant du doigt, est entrée à Minas Tirith pour des motifs qui apparaissent peu clairs à mes supérieurs, et sa présence ici soulève de nombreuses questions dans le contexte actuel.

Horas jeta un regard en coin à Lithildren, les yeux pétillants de malice :

- Je crois qu'elle vous a répondu, monsieur. Elle est ici pour faire de la recherche, rien de plus. Avez-vous une raison particulière de ne pas la croire ?

Pour la première fois, Cereis parut perdre de sa superbe. La façon dont la question était tournée donnait l'impression que quelque chose se tramait, et que les soldats en étaient responsables. D'ailleurs, les deux gardes se tournèrent vers leur chef, curieux d'entendre sa réponse. Ils n'étaient pas là pour parler, mais ils savaient écouter et leur jugement n'en serait pas moins décisif si des choses immorales étaient à l'œuvre. Même s'ils obéissaient fidèlement aux ordres, ils savaient encore distinguer le bien du mal. Cereis s'éclaircit la gorge, cherchant à écarter les accusations :

- Eh bien… je trouve seulement cela suspect. Je souhaite savoir quelles informations vous recherchez, et dans quel but. Vous n'êtes pas ici simplement pour lire quelques livres et bavasser avec les professeurs, n'est-ce pas ?

Il marqua une pause lourde de sens. Même si l'université de Minas Tirith était renommée dans toute la Terre du Milieu, les Elfes avaient dans leurs propres bibliothèques des textes infiniment plus précieux que ceux que l'on pouvait trouver ici, et leurs sages en connaissaient certainement bien davantage que les plus éminents enseignants. Pour Cereis, il y avait anguille sous roche, et il était déterminé à mettre la main dessus, quitte à déplaire à ceux qui se mettraient en travers de sa route. Ce fut Horas qui, le premier, fit les frais de ce caractère inflexible.

- Mais monsieur, s'exclama-t-il presque outré, pensez-vous que nous soyons des chercheurs de pacotille, et que nous ne pouvons pas converser avec une Elfe ? Croyez-vous qu'en nous injuriant après avoir manqué du respect le plus élémentaire envers notre communauté vous gagnera nos faveurs ? Je vous prierais de bien vouloir quitter les lieux, et de faire intervenir votre supérieur en personne ! Cela suffit, à présent !

La colère indignée de Horas était montée brusquement, mais la réaction de Cereis fut aussi vive que cinglante.

- Taisez-vous, vieil homme !

Horas, peu habitué à être ainsi repris, se tut brusquement, choqué.

- Je ne réponds que devant le Général Cartogan, tempêta le militaire, et ce n'est pas vous qui allez me dicter ma conduite. Vos prétendus droits ne sont rien face aux impératifs de la défense de cette cité, mais vous… vous entravez mon enquête. Gardes, arrêtez cet homme, et conduisez-le immédiatement en détention.

Un des deux soldats s'approcha de Horas qui, encore  abasourdi, n'opposa pas la moindre résistance. Une main ferme se posa sur son épaule et l'éloigna de la scène, sans lui laisser l'opportunité d'intervenir par ailleurs. Cereis se détourna de lui, et focalisa son attention sur Lithildren. Cependant, Reinil s'interposa de nouveau entre elle et lui, ce qui fit monter la colère dans le guerrier. Il ne comprenait pas que dans les circonstances, de simples civils trouvassent le cran de s'opposer aussi ouvertement à l'autorité royale. Ne comprenaient-ils pas que l'ennemi était aux portes, et qu'ils ne pouvaient pas simplement accueillir une étrangère au sein de leurs murs ? Des espions et des traîtres circulaient de toutes parts, et tous ne se présentaient pas sous les formes les plus désagréables.

- Écoutez, madame… Suivez-nous sans protester, et je m'arrangerai pour laisser votre jeune compagnon tranquille. Mais si vous faites du zèle, je serai obligé de tous vous appréhender, et les Valar seuls savent ce qu'il adviendra de vous par la suite. Tendez-moi vos mains.

En disant cela, il avait sorti une corde, qu'il tenait ostensiblement dans sa main ouverte. Un signe qu'il voulait bienveillant. L'autre n'était pas très loin de son épée pourtant, et il n'hésiterait pas à répondre à la force par la force si Lithildren tentait quoi que ce fût d'inconsidéré.

#Cereis #Horas #Reinil
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 13 Avr 2019 - 20:17
L'éclair de peur qui passa dans les yeux de Reinil fit peut-être regretter à Lithildren de s'être montrée trop franche. Après tout, elle manifestait une certaine froideur face à la mort physique et aux perspectives de la prison, mais le jeune garçon qui lui faisait face semblait avoir été catapulté dans un univers qui n'était pas le sien. La violence, l'illégalité, le danger… autant de concepts qui le dépassaient et qu'il n'arrivait pas à bien se représenter. Il s'était toujours vu comme un fervent défenseur de la vérité et de la connaissance, mais avec l'arrestation de Nallus, la quarantaine dans la Cité Blanche, et toutes ces choses qui se passaient, il avait l'impression que ses certitudes s'effondraient.

La vérité ne protégeait pas contre l'arbitraire, la force et la cruauté.

Il était bel et bien en danger.

- J'ai très peur, Dame Lithildren.

Cette confession lui avait échappé, et il baissa la tête plein de honte. Il aurait voulu être plus courageux, avoir le cœur brave de ces chevaliers qui partaient à l'aventure sans craindre ni l'adversité ni les épreuves. Mais il n'était qu'un jeune érudit perdu dans ses livres. Il n'avait pas ces qualités.

- Je vous aiderai de mon mieux, cependant. Pour monsieur Nallus.

Cette pensée réconfortante lui tira un sourire difficile. Il songeait souvent au vieil homme, qui devait se morfondre entre quatre murs glacés, dans une pénombre épuisante. C'était du moins ainsi que le garçon se représentait une cellule, et il espérait bien pouvoir en tirer son mentor. Malgré ses doutes et ses hésitations, il éprouvait au fond de lui-même une forme d'excitation incontrôlable à l'idée de mener enfin un combat qui en valait la peine. Il était là pour aider Lithildren, et il lui semblait tout à coup que tous ses efforts passés avaient désormais un sens. Il n'apprenait plus simplement pour impressionner ses professeurs ou éprouver la satisfaction discrète du travail accompli, mais pour une cause noble et juste qui méritait d'être défendue. C'était sans doute ce qui lui permettait de rester là, fermement ancré sur ses pieds, plutôt que de fuir en courant pour oublier toute cette histoire.

Il en était là de ses réflexions quand le cri de Lithildren le ramena brutalement à la réalité. Il sursauta comme si on l'avait piqué avec un aiguillon, et mit un moment à comprendre ce qu'elle voulait lui dire. Trouvé ? Trouvé quoi ? Son impatience était à la hauteur de sa découverte, cependant, car quand elle lui montra la clé de lecture du texte mystérieux qu'il avait retrouvé dans les documents de Nallus, ses yeux s'agrandirent de surprise.

- Un code… Astucieux !

Son enthousiasme de jeune garçon adepte de petits jeux d'esprit s'éveilla, et il adressa de sincères félicitations à l'Elfe. Elle venait de les faire avancer d'un grand bond dans cette histoire et, peut-être, de les mettre sur une piste intéressante qui leur permettrait de libérer Nallus.

- Nous avons là une indice très précieux, mais cela ne nous donne pas encore l'identité des coupables. Il serait plus prudent de garder cette lettre en sûreté.

Il invita Lithildren à le suivre un peu plus loin dans la pièce, et lui indiqua l'emplacement d'un petit coffre secret, habilement dissimulé derrière un pan de mur amovible sur simple pression. Le tout était invisible de l'extérieur, mais recelait assez d'espace pour enfermer en sûreté leurs documents et éviter une fouille. Le jeune étudiant s'en expliqua :

- La Société des Chercheurs est une institution ouverte et neutre, mais nous savons quels risques peuvent peser sur nous en raison de nos activités. L'université recèle de nombreux secrets, et nous avons pris l'habitude de mettre en sécurité le fruit des recherches les plus sensibles.

Il referma la cache soigneusement, et se tourna vers Lithildren, qui semblait au moins aussi épuisée qu'il pouvait l'être. D'une voix douce il lui indiqua :

- On ne voit guère le temps passer ici, car les fenêtres sont hautes, mais le soir tombe déjà. Que diriez-vous de prendre un repos bien mérité, et de nous restaurer ?

Reinil avait raison. Ils avaient travaillé d'arrache-pied toute la journée, sans même voir les heures défiler, et ce n'était que maintenant qu'ils se rendaient compte qu'ils n'avaient rien avalé depuis le matin. L'heure était venue de prendre un repas chaud, et de se relaxer afin d'être en mesure de percer les autres secrets de la Fraternité dès le lendemain. Ils pouvaient déjà se satisfaire de leurs progrès, car ils semblaient désormais être sur une piste brûlante qui mériterait d'être creusée plus avant. Le jeune garçon conduisit Lithildren hors de la salle de recherche, vers un grand hall désespérément vide, où se rassemblait à peine une demi-douzaine d'érudits. Ils mangeaient en bavardant de choses et d'autres, mais interrompirent leurs conversations en voyant approcher Lithildren.

Leurs sourires sincères et francs offrirent un accueil aussi chaleureux que possible à ces hommes de science et de savoir qui se réjouissaient de dîner en illustre compagnie. Ils lui firent signe d'approcher, et l'un d'entre eux s'appliqua à lui servir une large portion de légumes variés, accompagnée d'une pièce de jambon de toute évidence savoureuse. C'était un repas de qualité si on le comparait à ce que mangeaient les gens du peuple en-dehors des murs de l'imposante Minas Tirith, mais à l'échelle de la cité ce repas semblait modeste et frugal. Les professeurs cultivaient une forme de modestie qui les honorait, même s'ils vivaient dans le confort de la plus prestigieuse forteresse de la Terre du Milieu, et que leurs frais étaient couverts par le trésor royal et par les généreuses donations des aristocrates soucieux de se comporter en mécènes avisés.

Les convives se montrèrent curieux au sujet de la présence de Lithildren entre ces murs, ce qui les incita à lui poser quelques questions polies, mais ils étaient suffisamment sages pour savoir qu'il n'était pas utile de tout connaître, et que les motifs de la jeune femme n'appartenaient qu'à elle. En ce monde, la connaissance était autant une arme qu'un danger, et ils ne souhaitaient pas faire planer une quelconque menace sur eux-mêmes, surtout que l'arrestation de Nallus était encore fraîche dans leurs esprits. Ils se mirent donc rapidement à parler d'autre chose, laissant la conversation dériver au gré du hasard. Pour Reinil, ce moment de détente était tout simplement magique, et il avait toujours adoré entendre les professeurs échanger et débattre entre eux, leurs esprits vifs s'engageant dans des duels de logique et de vivacité au moins aussi impressionnants que les passes d'armes des bretteurs les plus talentueux.

Ils mangèrent, ils burent, ils rirent même aux plaisanteries acérées que les vénérables se lançaient parfois. Pour la première fois depuis fort longtemps, il sembla qu'un cocon de paix et d'harmonie venait de se constituer, loin des tourments de la guerre, de la maladie et de la Fraternité de Yavannamirë…

#Reinil

~ ~ ~ ~


Le soir entrait par la fenêtre du petit bureau, qui donnait directement sur l'ensemble de la cité. Depuis le septième niveau, les torches que portaient les gardes ressemblaient à de petites perles lumineuses, comme si sous leurs pieds s'était étendu un ciel étoilé dans lequel le vertigineux promontoire l'incitait à plonger. Quelqu'un frappa soudainement à la porte :

- Entrez, fit-il en se détachant de sa contemplation.

Un homme d'âge mûr fit son apparition dans l'entrebâillement, lissant les plis de sa tunique en essayant de cacher une pointe de nervosité. Ou d'agacement ?


- Lord Rhydon, vous vouliez me voir ?

L'intéressé hocha la tête, et prit place dans son épais fauteuil.

- Tout à fait, capitaine Erelas. Je voulais entendre de votre bouche quelles étaient les nouvelles.

Erelas s'éclaircit la gorge, se redressant imperceptiblement comme s'il s'apprêtait à faire un rapport. Il commença d'ailleurs son récit de manière méthodique, en énonçant clairement les principaux points à retenir, à savoir que la situation des civils et de l'armée était toujours sous contrôle malgré les rumeurs qui se faisaient de plus en plus insistantes, et que la garnison en place à Rammas Echor n'avait toujours repéré aucun signe menaçant de la part des Orientaux de Cair Andros. Ils attendaient, stationnés aux points stratégiques, sans savoir quand ils seraient relevés de leurs fonctions et enfin autorisés à stationner à l'intérieur de la Cité Blanche. Rhydon l'écoutait très attentivement, fixant sur lui des yeux sombres.

- Est-ce tout ? Fit-il bientôt quand Erelas eut achevé son récit.

- Euh… Oui, sire, je crois que je n'oublie rien.

- Et moi je crois au contraire que vous oubliez quelque chose de très important. On m'a rapporté que vous aviez admis quelqu'un au sein de Minas Tirith, ce matin. Une femme elfe.

Le capitaine s'efforça de rester impassible, mais il ne put s'empêcher de tiquer intérieurement. Rhydon ne l'avait pas fait venir pour un simple rapport. Il avait essayé de gagner du temps en lui parlant de choses et d'autres, mais Lithildren semblait être la principale raison pour laquelle il avait été convoqué ici. Car après tout, il n'était pas dans les habitudes de cet homme sec et pédant de prendre ses informations directement auprès des hommes de la troupe qui se trouvaient sur le terrain. De son point de vue, Erelas n'était qu'un des très nombreux maillons de la cotte de mailles humaine qui défendait Minas Tirith. Un maillon paré du titre de capitaine, mais un maillon parfaitement remplaçable néanmoins. Son ascendance noble lui conférait peut-être un certain prestige au sein de l'armée régulière, mais pas ici. Pas dans ce bureau.

- C'est exact, sire. J'ignorais cependant que vous étiez intéressé par cette affaire.

- Il n'est pas d'affaire qui n'intéresse pas le Service, capitaine. Dites-moi, pourquoi avez-vous fait entrer cette femme dans Minas Tirith ?

L'officier prit une seconde de réflexion. S'il mentait, il se pouvait fort que la situation se retournât contre lui dans le futur, et Rhydon n'était pas du genre à plaisanter avec l'insubordination. Même s'ils n'appartenaient pas officiellement à la même branche, il se débrouillerait pour briser sa carrière, voire le faire passer pour un traître au royaume. A l'heure actuelle, cette accusation pouvait suffire à l'envoyer à la potence… Il répondit sur un ton qu'il espérait convaincant :

- Elle cherchait à rencontrer les érudits de l'université de Minas Tirith, et c'est là que je l'ai conduite. J'ai aussi pensé qu'elle pourrait nous apporter son aide, car on dit que la médecine elfique est capable de faire des miracles.

La réponse était suffisamment évasive pour lui permettre de mettre Rhydon sur une fausse piste, mais l'homme était malin, et il demanda :

- Vous a-t-elle dit qui elle cherchait à rencontrer en particulier ?

- Je ne crois pas, mentit Erelas. Voulez-vous que je me charge de lui poser la question ?

Rhydon leva la main pour l'interrompre :

- Ce ne sera pas nécessaire, capitaine. Mes hommes s'en occuperont. Je ne vous retiens pas davantage, vous pouvez disposer.

Erelas inclina légèrement la tête, mais alors qu'il allait partir, Rhydon l'interpella d'une voix où ne transparaissait nulle compassion :

- Une dernière chose, capitaine… Rappelez-vous que vos ordres consistent à assurer la défense du Premier Cercle, pas de décider qui peut entrer ou sortir de Minas Tirith. Souvenez-vous en, car le général Cartogan aime peu ce genre d'initiatives. Compte-tenu du contexte, je suis sûr que vous comprenez.

- Oui sire, toutes mes excuses.

La porte se referma doucement derrière Erelas, et Rhydon lâcha un soupir. Son regard se perdit de nouveau vers l'horizon, alors qu'il se grattait le menton sans y penser. Il pressentait que quelque chose se tramait, mais il lui faudrait attendre d'obtenir un rapport à la fois fiable et précis pour se faire une idée de la situation. Le capitaine ne lui avait pas tout dit, et il y avait comme un vent de sédition dans les bas-fonds de Minas Tirith. Il se leva pour regarder de nouveau par la fenêtre, conscient que les ennemis du Gondor ne se trouvaient pas tous à l'extérieur de ces murs…


~ ~ ~ ~


Au petit matin, les jardins de l'université avaient ce petit quelque chose de féerique. Baignés d'une douce lumière, les lieux s'illuminaient de manière somptueuse, alors que plantes et murs se confondaient l'un avec l'autre, mariage curieux de la pierre et des végétaux le long d'ensembles architecturaux construits par des artistes de grand talent. Leur nom était peut-être oublié aujourd'hui, mais la beauté de leur création continuait de transparaître. On reconnaissait les traits númenoréens, à la fois lourds et imposants, mais s'y ajoutait la finesse et le goût du détail des Eldar. Le résultat était magnifique, et il fait bon se promener à l'ombre des grands arbres aux feuilles légèrement agitées par la brise en profitant de cette vue à nulle autre pareille dans la Cité Blanche. Cependant, quelque chose vint troubler le cadre idyllique et apaisant du jardin. Le bruit distinct de bruits de pas nombreux, accompagné des échos d'une vive discussion.

- Mais vous n'avez pas le droit ! Nous avons déjà déposé une plainte à Sa Majesté, et nous ne manquerons pas de dénoncer vos abus de pouvoir !

L'homme qui essayait vainement de défendre sa cause était un des professeurs que Lithildren avait rencontrés la veille. Il s'appelait Horas, et elle n'avait pas pu ne pas remarquer son regard malicieux. Il était un véritable bout en train d'ordinaire, mais en la circonstance il paraissait plutôt courroucé par la présence incongrue de deux soldats de l'armée royale en uniforme, qui escortaient un troisième homme, de toute évidence le chef de la troupe. Celui-ci, enveloppé dans une cape légère, pressait le pas pour ne pas avoir à écouter les plaintes du professeur. Les deux soldats qui le suivaient essayaient quant à eux de calmer leur interlocuteur qui n'en démordait pas et exigeait d'eux qu'ils attendissent aux portes de l'université.

Reinil était réveillé depuis quelques temps, et il avait déjà eu le loisir de se toiletter et de s'apprêter. Il se préparait en réalité à aller prendre le premier repas de la journée dans le hall commun, quand il entendit des éclats de voix. Il ne mit pas longtemps à comprendre que des hommes du Haut-Roy se trouvaient sur les terres de l'université, et que cette nouvelle violation de leurs droits ne pouvait avoir pour cause que la présence de Lithildren, arrivée la veille. Abandonnant ses affaires sur place, il se précipita jusqu'à la chambre de la guerrière, qui se reposait encore. Toquant précipitamment, il souffa :

- Dame Lithildren, c'est Reinil. Je… Faites vite, je crois que des hommes viennent pour vous !

Il entendit de l'agitation à l'intérieur, comme quelqu'un qui s'habillait prestement, et en retour il décida de monter la garde à l'entrée, prêt à accueillir le trio qui tournait déjà au bout du couloir et marchait vers lui d'un pas décidé.

- Garçon ! Cria le chef de la compagnie. Où se trouve l'Elfe ? Réponds rapidement, nous sommes pressés.

- Elle est à l'intérieur, mais elle n'est pas encore disposée à vous recevoir.

L'homme semblait ne pas se soucier de cet état de fait, mais Reinil s'interposa entre lui et la porte, la bloquant de sa frêle personne. Cette micro-résistance parut surprendre le militaire, qui rapprocha instinctivement la main de son épée. De toute évidence, ils étaient à cran, et ils n'avaient pas envie de perdre du temps. Pour autant, un meurtre de sang froid au beau milieu de l'un des lieux les plus révérés de la Cité Blanche serait considéré comme impardonnable. Il lui fallait trouver une autre solution.

- Nous avons des questions à lui poser, c'est tout.

- Une dame ne saurait voir quiconque avant d'être habillée, monsieur.

L'intéressé fit claquer sa langue, agacé. Il n'était pas payé pour qu'un gamin lui tînt tête. Au moment où il se trouvait sur le point de s'emparer de Reinil pour l'écarter sans ménagement de sa route, il vit toutefois la porte s'ouvrir. Lithildren fit son apparition, une expression indéchiffrable sur le visage. Mentalement, l'homme la compara au portrait sommaire qu'on lui en avait dressé, et jugea qu'il s'agissait probablement de celle qu'il recherchait. Elle avait des oreilles pointues, ce qui était assez rare dans la capitale du Gondor à l'heure actuelle. Pas de doute, c'était bien elle.

- Bonjour madame, je m'appelle Cereis. Au nom de Sa Majesté Mephisto, j'aimerais éclaircir les raisons de votre présence ici. Voudriez-vous nous expliquer ce qui vous amène à Minas Tirith ? Plus précisément à l'université ?

Un silence s'installa entre tous ceux qui étaient présents, y compris Horas qui venait d'arriver, le souffle court. Chacun regardait Lithildren dans l'attente de sa réponse. Cereis, qui paraissait très sûr de lui, se permit d'ajouter :

- J'ai des ordres très stricts, et je préférerais vous voir collaborer avec nous.

La menace était à peine voilée. Reinil, qui s'était légèrement écarté, ne put s'empêcher de noter que le pourpoint du dénommé Cereis ne portait pas les armes traditionnelles du Gondor. Il ressemblait peut-être à un militaire, mais il n'en avait certainement pas l'uniforme, contrairement aux deux gardes qui l'accompagnaient. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ?

#Cereis #Horas
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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 3 Oct 2018 - 21:42
- Bien sûr, Dame Lithildren.

Reinil s'était incliné doucement, contrevenant à la demande préalable de l'Elfe. Elle lui avait fait comprendre qu'elle préférait être appelée simplement par son prénom, mais le jeune homme ne pouvait tout simplement pas s'y résoudre. C'était un garçon de bonne famille, bien éduqué, qui se serait jamais permis une telle familiarité avec une vénérable Elda. Il avait trop de respect pour elle et pour son peuple pour s'y résoudre, et il était convaincu que si ses professeurs le surprenaient à converser trop familièrement avec une invitée, ils le puniraient sévèrement pour son manque de décence. Elle devrait s'habituer au titre de Dame tant qu'elle serait en sa compagnie. Il fallait dire que les choses amusaient légèrement Reinil, qui voyait dans le naturel et la simplicité de l'Elfe une forme d'humilité qui l'honorait. Toutefois, il décelait qu'elle ne souhaitait pas assumer le statut qui était le sien, et il se plaisait grandement à lui rappeler par de petites touches subtiles qu'elle appartenait au noble peuple des Premiers Nés, et qu'elle méritait par conséquent tout le respect qui était dû aux sages et vénérables gardiens de la mémoire du monde.

Ainsi, quand elle lui avait respectueusement demandé de recopier les passages du journal qu'elle gardait précieusement avec elle, Reinil avait accepté avec diligence, conscient qu'il s'agissait peut-être là d'une mission de la plus haute importance. Il ajouta, pour la rassurer :

- J'ai déjà eu l'occasion de recopier de nombreux textes pour mes maîtres, et ils n'ont jamais eu à se plaindre de mon travail. Je m'appliquerai à tout retranscrire avec exactitude.

Il était sur le point de s'installer sur un petit secrétaire qui se trouvait non loin, où se trouvait un nécessaire d'écriture et une bougie qui lui permettrait d'éclairer son travail, quand Lithildren le rappela pour lui poser une question tout à fait spécifique qui concernait les archives de la Cité Blanche. Le jeune garçon réfléchit un moment, avant de répondre :

- L'Université dispose bien de plans de Minas Tirith, mais j'ai bien peur qu'ils n'indiquent pas d'autres sorties que la Grande Porte… Cependant… peut-être qu'une telle information se trouve dans l'Antique Bibliothèque, qui se trouve au sixième niveau. C'est là que sont conservés les parchemins les plus anciens et les plus précieux. Mais j'imagine que pour y avoir accès, il faudrait obtenir l'aval du Bibliothécaire.

Lithildren parut se satisfaire de la réponse, et Reinil n'ajouta rien, se concentrant sur son travail de copiste. Ce n'était pas une tâche facile que de recopier un texte entièrement, surtout quand celui-ci était aussi abîmé et fragile que ce « journal de Gier van Reymerwaele ». Le jeune garçon n'avait jamais entendu ce nom, mais il lui évoqua quelque chose de dangereux… peut-être était-il également influencé par le récit de Lithildren qui lui avait expliqué qu'il s'agissait d'un homme à la fois fou et dangereux qui s'était lancé à la recherche des artefacts des Elfes. Une quête qui aurait pu être noble, mais qui semblait motivée par des raisons bien plus sombres que la seule connaissance.

Le garçon s'empara d'un calame et commença sa soigneuse recopie en essayant de reproduire fidèlement les mots, même quand ceux-ci paraissaient tronqués. De nombreuses pages avaient souffert, s'étaient collées les unes aux autres, ou bien avaient été irrémédiablement tâchées par ce qui semblait être du sang. Des secrets perdus pour toujours. Reinil était toutefois très discipliné, patient, et surtout il avait une connaissance des textes et des livres qui dépassait la simple théorie. Les ouvrages n'avaient pas de secrets pour lui, et il était tombé plus d'une fois sur un volume récalcitrant, dont les pages étaient jointes ou à moitié effacées. Il en avait conçu, comme tout étudiant malin, des techniques pour forcer l'accès au texte et découvrir ses secrets. Son goût pour la connaissance, doublé d'une résilience à toute épreuve, lui permirent d'accéder à un pan de texte auquel Lithildren n'avait probablement pas eu accès.

Il procéda avec précaution, veillant d'abord à ce que la page fût totalement sèche, avant de glisser une fine feuille de papier entre les deux pages collées. Le procédé risquait d'abîmer une partie de la page qu'il essayait de récupérer, mais c'était sans doute préférable à l'idée de ne jamais avoir connaissance de ce qu'elle contenait. Il essayait d'aller doucement et de se concentrer, changeant l'endroit où il appliquait sa feuille-outil pour essayer de libérer un peu d'espace ailleurs sur la page. C'était un travail de précision, qu'il ne pourrait probablement pas mener ailleurs dans le texte si rapidement, mais qui lui procurait une intense satisfaction. A chaque fois qu'il réalisait un progrès, si minuscule fût-il, il s'encourageait intérieurement à continuer avec patience, à ne pas céder aux sirènes de l'empressement qui auraient probablement ruiné tous ses efforts.

Alors qu'il continuait à s'employer, il entendit la voix de Lithildren s'élever. Elle lui lisait la note qu'elle venait de rédiger à la suite du premier document qu'elle venait de lire, celui consigné qui concernait les chats mystérieux du sud et qui appartenait aux désormais célèbres – du moins dans la Société des Chercheurs – Chroniques de la Fraternité de Yavannamirë. Il écouta attentivement son analyse, hochant la tête à mesure qu'il recueillait ses renseignements, les confrontant à ses propres connaissances :

- On trouve parfois des lynx dans les régions du nord, mais on parle dans les légendes de chats étranges venant du sud. J'ai d'ailleurs entendu dire que l'homme qui tenait la ménagerie pouvait s'en procurer, mais ce sont peut-être des racontars. Ces chats pourraient ressembler à des lynx, mais avoir des… caractéristiques… différentes. Mais vous en parlez comme s'il s'agissait d'Hommes… ou du moins de créatures pensantes… Ces « lynx » comme vous les appelez… ce serait une métaphore pour autre chose ? Des hommes utilisés comme espions par les Núménoréens Noirs ?

Sa question resta en suspens. En l'absence d'indices plus probants, ils ne pouvaient s'appuyer que sur des hypothèses. Toutefois, à mesure qu'ils progressaient dans leurs réflexions, il semblait à Reinil voir se dessiner les contours de ce que les érudits de la Société appelaient de plus en plus « la menace ». Une forme indistincte, aux intentions encore floues, mais qui mettait clairement en danger les fondements de leur monde. Ils avaient du mal à en estimer la portée, à en appréhender la nature, mais la « menace » était bien palpable. Une menace qui plongeait ses racines dans le passé, car l'extrait de cette chronique datait de près de soixante-dix ans. Quel lien existait-il entre la menace que les érudits percevaient, et ces textes anciens ?

Reinil renonça à essayer de comprendre. Les plus grands esprits de la Cité Blanche s'étaient cassés les dents, et avaient formulé bon nombre d'hypothèses sans véritablement avoir de fondement. Ils n'avaient pas, toutefois, les connaissances de Lithildren et son expérience auprès d'un homme qui, disait-elle, appartenait peut-être à cette mystérieuse fraternité. Était-elle capable de déceler quelque chose qu'ils auraient pu manquer ? Le garçon retourna à son travail, en observant l'Elfe du coin de l'œil. Elle s'appliquait, travaillait avec acharnement, lisait et relisait cette lettre, les notes éparses des sociétaires, en essayant de compiler ces données pour les intégrer et leur donner une allure cohérente. C'était un travail complexe, mais elle s'y attelait avec zèle.

Reinil, soucieux de ne pas se montrer oisif pendant ce temps, continua son entreprise. Il parvint finalement, après moult efforts, à séparer les deux pages qui étaient restées collées si longtemps. Désormais, le plus dur était de reconstituer le texte. Certaines lettres avaient disparu, d'autres étaient malencontreusement collées sur la mauvaise page, et il fallait essayer de retrouver une correspondance, de reconstituer le texte, et de combler les éventuels vides. Cela demandait de la minutie, beaucoup d'inventivité dans les procédés, mais Reinil était plein de ressources. Il continua ainsi sans voir le temps passer, jusqu'à être de nouveau sorti de son ouvrage par l'intervention de Lithildren, qui l'interrogeait sur le sens de Yavannamirë. Après avoir marqué un bref moment de surprise devant cette question, il lui répondit le plus naturellement du monde :

- La traduction la plus littérale de Yavannamírë serait « joyau de Yavanna », mais le terme désigne en réalité un arbre. Il est dit dans les livres que cet arbre aurait été offert par les Elfes aux gens de Númenor, et qu'il aurait été perdu à la chute de l'île. Si je me souviens bien de mes lectures, il donnait des fruits écarlates.

Lithildren parut enregistrer cette information, et retourna à son travail, seulement pour revenir peu après avec de nouvelles conclusions. Comme la première fois, elle décida de lire ses notes à haute voix, laissant Reinil y réagir :

- Le Mordor ? Fit-il en frémissant. Personne n'oserait aller chercher quoi que ce soit là-bas, en effet. Il n'y a que des Orcs et de la poussière dans les plaines de Gorgoroth. Quant aux autres régions de ce sombre pays, ma foi personne ne s'y est rendu depuis le Troisième Âge, et je ne pense pas que quelqu'un habiterait volontairement ces terres… Vous pensez que la Fraternité de Yavannamirë aurait pu trouver un moyen d'accéder au Mordor pour y entreposer des artefacts ? Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi cacher ces richesses du passé dans un endroit aussi inaccessible… S'ils comptaient les utiliser à des fins néfastes, ils avaient tout le temps de le faire, non ?

C'était une question rhétorique. Les documents dataient de 229 et 231, ce qui signifiait que Zimrathon était probablement décédé à l'heure actuelle – si du moins c'était bien d'un Homme dont il s'agissait. Personne ne pouvait vivre aussi longtemps, assurément. Alors pourquoi aurait-il pris le soin de cacher les trésors de la Terre du Milieu alors qu'il aurait pu les utiliser pour accomplir quelque chose de son vivant ? Cela n'avait pas de sens. Mais la réflexion de Lithildren concernant Gier n'était pas inintéressante, et Reinil lui lança :

- Vous pensez que Zimrathon a pu transmettre des informations à ce Gier ? Votre homme devait être particulièrement âgé, si tel est le cas.

Il avait lancé ça sans y penser vraiment, et était reparti à son travail tout comme Lithildren. Les deux âmes s'épuisaient sur leur tâche respective, s'efforçant de maintenir leur concentration alors même que la fatigue et la tension nerveuse jouaient contre eux. Ce n'était pas une mince affaire que de se pencher si longtemps sur des documents, et Reinil commença à s'étirer en un geste trop familier, tandis que Lithildren se levait pour marcher et délasser ses muscles endoloris, avant de revenir à son travail. Le jeune garçon progressait bien, et arrivait à la fin de son travail. Il avait recopié le texte en entier, et il lui restait désormais à achever la recopie du passage qu'il venait de déchiffrer presque entièrement. Cela lui avait demandé beaucoup de patience, et même si certains segments étaient manquants ou obscurs, il se félicitait d'avoir réussi à apporter une nouvelle pièce au casse-tête qui les occupait. Il était sur le point de terminer quand l'Elfe revint vers lui, ayant visiblement fait une découverte.

Ses mots glacèrent le sang de Reinil.

« Ils sont déjà là… »

Cela lui rappelait trop d'épisodes douloureux, les chasses aux traîtres dans les rues de Minas Tirith, la violence à toute heure du jour et de la nuit. Sans le général Cartogan, les brigands auraient probablement pris le contrôle de la cité à l'heure qu'il était. Mais ce que lui confia l'Elfe était peut-être plus effrayant encore. La Fraternité, responsable de l'arrestation de Nallus ? Avaient-ils un tel pouvoir ? Pouvaient-ils réellement agir en plein cœur de la Cité Blanche pour faire enfermer un des hommes les plus respectés de l'Université de Minas Tirith ? Si tel était le cas, il fallait craindre pour l'avenir… Mais les arguments de Lithildren semblaient logiques : Nallus avait été emprisonné pour une raison qui dépassait celles avancées par les gardes, et peut-être que quelqu'un avait voulu le faire tomber. S'il était sur le point de découvrir une vérité dérangeante, de faire sortir les cadavres du placard, c'était tout à fait plausible…

Les implications de cette hypothèse étaient terrifiantes !

Reinil essaya de garder son calme, et de faire preuve de mesure. Il voulait lui aussi croire que quelque chose clochait dans l'arrestation de Nallus, mais il préférait analyser les faits. Il s'approcha de Lithildren, et observa la lettre mystérieuse.

- Si ces individus veulent véritablement agir dans l'ombre, comment les démasquer ? Il pourrait s'agir de n'importe qui ! Et s'ils apprennent que vous et moi travaillons sur le même document que monsieur Nallus, qu'est-ce qui pourrait les empêcher de nous faire arrêter également ?

Sa question trahissait son inquiétude. Ils étaient tous deux piégés à Minas Tirith, et ils ne pouvaient pas s'échapper. Après avoir tant lutté pour entrer dans la Cité Blanche, Lithildren risquait de commencer à regretter l'extérieur de la ville, et la liberté qu'elle lui conférait. Mais pour comprendre, elle devait s'enfoncer encore plus loin dans les méandres de la capitale du Gondor, et traverser les murs de mensonge et de tromperie qui se dressaient sur son chemin. Reinil était peut-être son seul allié ici. Il observa le document, et pointa du doigt quelque chose qui l'avait interpellé :

- J'ai eu l'occasion de voir monsieur Nallus travailler sur ce document, avant son arrestation… A l'époque comme aujourd'hui, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a quelque chose de plus dans cette lettre. Regardez…

Il pointa le doigt sur le bord droit de la page, qui avait vraisemblablement été déchirée d'un carnet.

- La déchirure est très irrégulière, presque maladroite… Pourtant, regardez attentivement… aucun mot n'est coupé à droite. Aucun. Je n'arrive pas à me l'expliquer, mais je suis persuadé que ce n'est pas anodin…

Il haussa les épaules, conscient que son intime conviction était peut-être inutile si elle n'était pas fondée. Mais il était persuadé que la réponse se trouvait là, hors de leur portée pour le moment, mais pourtant si proche. Laissant Lithildren y songer, il ajouta :

- Pendant que vous réfléchissiez, j'ai trouvé quelque chose qui pourrait vous intéresser. Cela n'a pas été facile, mais j'ai réussi à décoder une nouvelle page du journal de Gier. Attendez, je vais vous la chercher.

Reinil récupéra le carnet qu'il tenait soigneusement, et la copie qu'il venait d'en faire de son écriture belle et régulière. Il montra l'original dans un premier temps, puis présenta sa recopie qu'il avait augmentée en reconstituant les mots qui avaient souffert. Le tout était cohérent sur la forme, mais le fond était tout aussi mystérieux que le reste.

Page 9 a écrit:
La cinquième n'a pas l'air incapable, mais elle a l'air de ne pas vouloir accomplir les […]. Pas facile de savoir ce qu'elle ressent, car elle n'enlève pas souvent son masque. A croire qu'elle a peur qu'on le lui vole… comme si un truc sans valeur comme ça pouvait m'intéresser ! Mais à part sa propension à […] oiseaux, je pense qu'elle offre plus de garanties que l'autre tarée et ses drôles de potions, ou que le soi-disant « prince » qui parle aux flammes. Elle a dit qu'elle s'arrangerait pour qu'on reste en contact, mais elle n'a pas dit comment. Je suppose qu'elle a son idée sur la question, et qu'ils ne l'ont pas recrutée par hasard.

Le sixième et dernier, je ne l'aime pas du tout… Ses petits yeux verts aux reflets vicieux, ses mains qui traînent partout, et cette drôle de manie de mettre ses pieds velus là où il ne devrait pas. J'ai l'impression qu'il cherche quelque chose à voler, une pièce d'or qui traîne, ou une opportunité de […]. Je n'aime pas l'idée de le savoir dans la même région que moi, mais si j'arrive en premier, je m'emparerai de […].


La suite se perdait sur l'autre page qui, quant à elle, était trop abîmée pour être déchiffrée. Reinil souligna son impuissance à obtenir la suite, mais se permit d'ajouter :

- Je sais que vous souhaitez garder le journal, mais je me demande si je ne pourrais pas déchiffrer d'autres pages avec davantage de temps. Il est très abîmé, et la plupart des mots n'ont aucun sens hors contexte, mais peut-être que certaines pages peuvent être sauvées. Qu'en pensez-vous ?

#Reinil #Zimrathon
Sujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire
Ryad Assad

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Rechercher dans: Université de Minas Tirith   Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Une page ne se tourne pas, elle se déchire    Tag reinil sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 24 Sep 2018 - 15:33
L'attitude de Lithildren ne laissait pas Reinil indifférent. Il avait déjà eu l'occasion d'apercevoir des représentants des Eldar, notamment lors du mariage royal, et bien qu'ils eussent toujours en eux cette mélancolie qui les saisissait parfois, ils savaient également se montrer rieurs et ouverts. L'Elfe que lui avait confiée le capitaine Erelas n'était rien de tout cela. Elle semblait transpercée par une peine incommensurable qui l'écrasait de tout son poids, et la tirait vers un passé auquel elle n'arrivait pas à s'arracher. Il l'entendait dans ses réponses à la fois froides et laconiques, qui auraient peut-être dû l'inciter à la laisser tranquille. Mais au fond, le jeune étudiant sentait qu'elle avait besoin de compagnie. Il n'imaginait pas pouvoir la faire sourire de nouveau, même s'il l'espérait secrètement, mais il devinait que la solitude serait pire pour elle. Il essaierait de l'aider de son mieux, et de faire une bonne action.

En lui présentant l'Université, il avait senti qu'il y avait une elle une pointe de curiosité étouffée sous une lassitude inquiétante. Il n'avait pas jugé utile de relever, et s'était contenté de lui expliquer le fonctionnement des lieux en espérant susciter chez elle une réaction. La perspective d'un bon bain chaud et d'un repas en compagnie d'éminents intellectuels n'avait pas semblé la transporter de joie, et elle avait répondu avec simplicité en se comportant comme une invitée modèle : soucieuse de ne pas déranger la vie de la communauté et de s'adapter autant que possible. Reinil ne pouvait qu'apprécier cet effort. Le jeune garçon commençait à désespérer de jamais réussir à lui changer les idées, mais ce fut en réalité lorsqu'il crut la décevoir en lui expliquant que Nallus ne se trouvait pas ici que l'Elfe sembla retrouver une énergie soudaine.

Il pensa d'abord qu'elle allait lui faire une remontrance, ce que suggérait son attitude décidée, mais lorsqu'il entendit les paroles qu'elle prononça il changea bien rapidement d'avis. Non seulement elle n'avait pas envie de le réprimander, mais en plus elle avait besoin de lui. Personnellement. Il haussa les sourcils jusqu'à la racine de ses cheveux, à la fois curieux et sincèrement effrayé par la nature de la situation que lui décrivait l'Elfe. Un complot, des individus qui voulaient faire porter le chapeau au professeur Nallus… C'était l'avis général dans la communauté universitaire, mais personne n'avait d'éléments tangibles pour étayer un tel propos. Que Lithildren fît preuve d'une telle conviction alors qu'elle venait seulement d'arriver dans la cité donnait soudainement un espoir à Reinil, qui souhaitait ardemment voir la situation rentrer dans l'ordre. Il balbutia, hébété :

- M-Mais… Qui pourrait faire une chose pareille ? Et pourquoi ?

Il observa Lithildren fermer la porte, non sans s'être assurée que personne ne les écouterait, et revenir vers lui avec l'air fermé qu'ont les adultes lorsqu'ils doivent régler des problèmes complexes. Reinil ne s'était jamais senti aussi jeune qu'en cet instant. La première chose qu'il devait faire était simple : tenir sa langue. Le jeune garçon avait appris depuis bien longtemps à se tenir et à respecter l'autorité, si bien qu'il se contenta de hocher la tête. Il ne dirait pas un mot des raisons réelles de la venue de l'Elfe au sein de la capitale du Gondor.

- Des informations… fit-il alors qu'elle l'invitait à s'asseoir. Que pourrais-je vous dire ?

L'Elfe savait de toute évidence ce qu'elle cherchait, car elle lui asséna des questions à la fois précises et suffisamment larges pour lui laisser le temps de développer ses réponses. Il s'efforçait de donner autant d'informations que possible, comme un élève récitant une leçon apprise par cœur auprès d'un professeur attentif. L'exercice n'était pas nouveau pour lui, et lorsqu'il eût digéré sa nervosité, les mots se mirent à glisser plus naturellement sur ses lèvres.

- J'ai vu le professeur Nallus quelques temps avant que les soldats entrent dans l'Université pour se saisir de lui. Il m'a salué naturellement, et nous avons échangé quelques mots sur mes cours. Il m'a paru très normal, et je crois qu'il était sincèrement surpris par l'arrivée des hommes du roi Mephisto.

Il essaya de se souvenir d'un détail particulier, mais rien ne l'avait marqué alors. Il connaissait bien Nallus pour avoir étudié sous son patronage pendant plusieurs années, et il était persuadé qu'il aurait remarqué si quelque chose avait changé chez lui. Il l'avait déjà vu soucieux, préoccupé par des questions importantes, mais quand il l'avait croisé aucun pli soucieux ne barrait son front. Il avait même l'air d'aller très bien. Sa surprise lors de son arrestation témoignait du fait qu'il ne s'y attendait pas davantage que ses collègues, et cela pouvait peut-être jouer en sa faveur lors d'un procès. Mais c'était bien maigre.

- La Fraternité de Yavannamirë ? Cherchez-vous aussi à savoir de qui il s'agit ?

Il marqua une brève pause, mais devant la réaction de Lithildren il jugea opportun de lui donner davantage de détails sur le champ :

- Le professeur Nallus appartient à un cercle que nous appelons communément la Société des Chercheurs. Je… J'apporte mon aide modestement pour certains de leurs travaux, surtout depuis que la plupart des étudiants ont déserté l'Université. La Fraternité de Yavannamirë occupait beaucoup le professeur, et il avait réussi à décoder certains de leurs documents. Voudriez-vous les voir ?

De toute évidence, cela intéressait particulièrement Lithildren, mais elle choisit d'abord de lui poser toutes ses questions avant de se presser vers la salle où rassemblait la Société des Chercheurs. Un endroit où travaillaient quelques érudits, mais qui avait été largement abandonné depuis les récents événements à Minas Tirith. La question suivante portait sur les circonstances de l'arrestation du professeur Nallus, et Reinil puisa dans sa mémoire pour essayer d'en dresser un portrait aussi fidèle que possible :

- Ils sont arrivés au beau milieu de la journée. Toute une compagnie de gardes en armures, qui ont bloqué toutes les issues et ont refusé de répondre à nos demandes. Nous voulions qu'ils quittent les lieux, naturellement, mais leur officier supérieur était déterminé à trouver le professeur Nallus. Ils se sont rendus jusque dans ses appartements privés, et ils lui ont intimé de sortir. Comme il tardait à obtempérer, ils ont enfoncé la porte, se sont saisis de lui, et l'ont emmené sans ménagement et devant toute la communauté. Nous avons bien entendu protesté, mais ils n'ont rien voulu savoir, en déclarant qu'ils agissaient « sur ordre du général Cartogan ». Je ne crois pas que le professeur Nallus ait dit ou fait quoi que ce soit de spécial, à part protester tout naturellement pour qu'on le relâche, et demander des explications aux gardes qui se sont refusés à lui en donner. Ce n'est que le lendemain, après que les professeurs émérites aient été porter l'affaire devant les plus hautes instances, qu'ils sont revenus pour nous dire que le professeur était accusé de trahison. Personne n'a cru à cela, évidemment, et depuis lors nous essayons d'obtenir l'oreille du général, mais il semble ne pas vouloir revenir sur sa décision.

Sa réponse laissa planer un silence pesant entre eux. Lithildren paraissait réfléchir, emmagasiner les informations pour se faire une représentation mentale de la situation. A chaque fois qu'elle intégrait un nouvel élément, elle devait le faire entrer en résonance avec ce qu'elle savait auparavant, confronter les données, et essayer de faire émerger une certaine logique de tout ce chaos. Son ultime question, quant à elle, semblait s'écarter de l'enquête qu'elle menait au sujet de Nallus, mais n'était-ce pas finalement l'élément le plus inquiétant et le plus surprenant ? Cette absence de gens dans la cité, ce mystère permanent au sujet de ce qu'il s'y passait ?

Reinil s'assombrit brusquement, et il se mit à serrer ses mains nerveusement. Tout à coup la pièce lui semblait oppressante et glaciale. Il avait besoin d'air.

- Puis-je vous répondre pendant que nous allons vers la Société des Chercheurs ?

Il était devenu blême.

Ils se levèrent tranquillement et quittèrent la chambre de Lithildren. Reinil semblait respirer de nouveau, et il leva les yeux vers le ciel d'un bleu immaculé, sans le moindre nuage. Il aurait voulu être un oiseau. Vérifiant que l'Elfe était bien sur ses talons, il la conduisit à travers les couloirs déserts de l'Université, lâchant au bout d'un moment :

- Si je vous le dis, promettez-moi de n'en rien dire à personne. Dame Lithildren, j'ai besoin de votre parole.

Il était sincèrement préoccupé, et il était évident qu'il se refuserait à dire un mot tant qu'elle n'aurait pas prêté serment. Il attendit qu'elle le fît avant de poursuivre :

- J'ai surpris une conversation que je n'aurais jamais dû entendre, et je connais une vérité que beaucoup supposent sans avoir de preuves… Si la ville est ainsi, c'est à cause de l'épidémie.

Il n'avait pas trouvé de meilleure formulation, d'euphémisme qui aurait pu atténuer le poids de ses paroles lourdes de sens et de conséquences. Il leva vers l'Elfe des yeux où perçait une lueur de désespoir, et où on lisait toute sa jeunesse et son innocence. En dépit de sa grande maturité, il était terrifié.

- Les bêtes et les hommes y succombent aussi bien, et les Maisons de Guérison seraient déjà débordées avec les patients. On dit que ceux qui sont touchés n'y survivent pas, que même Dalia Ronce n'aurait pas trouvé la solution à ce mystère. On murmure des choses ici ou là… qu'on aurait décidé d'abréger les souffrances des malades pour qu'ils ne contaminent personne d'autre. On brûlerait les corps, on ferait disparaître les preuves. Aucun ordre d'évacuer la cité n'a été donné, et l'armée contrôle toutes les allées et venues…

Il se rendit compte que sa voix tremblait, et essaya de retrouver la maîtrise de ses nerfs.

- Si le peuple l'apprend, ce sera la panique… On pourrait vouloir quitter Minas Tirith, et alors peut-être que le mal se répandrait dans tout le royaume. Et si l'armée l'apprenait… Ce serait le chaos. On raconte que c'est une malédiction des Orientaux de Cair Andros : un sortilège qu'ils auraient jeté sur la cité pour tuer tous ceux qui se trouveraient à l'intérieur, et ensuite s'emparer de la ville.

Reinil soupira profondément. Il savait que le portrait qu'il dressait était particulièrement sombre, et il choisit de le nuancer en donnant davantage de détails à l'Elfe. Le général Cartogan avait pris des mesures pour mettre la population en sécurité au troisième niveau, et il avait laissé carte blanche à Dalia Ronce pour organiser leur répartition. Cette dernière avait été particulièrement active, et elle avait divisé les habitants en petits groupes, qui se logeaient dans des édifices publics en attendant l'assaut. Il ne restait à Minas Tirith que ceux qui n'avaient pas fui la cité aux premières heures du conflit, soit qu'ils avaient été piégés dans la ville, soit qu'ils avaient souhaité rester et se battre au sein de la milice urbaine. Il y avait donc de la place pour tout le monde. Outre les mesures prises par Dalia Ronce, la maladie semblait ne pas se répandre comme le feu sur la paille, et elle progressait lentement quoique sûrement. Mais cela n'avait rien de rassurant, car tant que la menace orientale resterait présente à Cair Andros, ils resteraient confinés entre les murs de la cité à attendre d'être décimés.

Ils arrivèrent bientôt devant une porte modeste de bois sombre, qui s'ouvrait sur une salle de travail bien moins prestigieuse que d'autres. Un lieu de travail intimiste où, comme l'avait prédit Reinil, ils se trouvèrent être seuls.

- Bienvenue dans la Société des Chercheurs, fit-il sur un ton solennel.

Il invita Lithildren à entrer, et referma la porte derrière elle, avant de reprendre :

- C'est ici que nous entreposons le fruit de nos recherches. La Société a été créée par Sire Makiaveel il y a peu, mais nous avons déjà travaillé sur de nombreux documents, anciens ou récents. Notre objectif est de mettre en commun les ressources dont nous disposons, aussi n'hésitez pas à les consulter et à apporter votre contribution si vous-mêmes avez des éléments à fournir. Vous aiderez peut-être notre cause davantage que vous pouvez l'imaginer.

Il tendit une chaise à l'Elfe, l'invitant à s'asseoir devant un bureau élégant, tandis qu'il lui tirait plusieurs dossiers qui concernaient la Fraternité de Yavannamirë. Il y avait là des documents, des notes écrites par les chercheurs successifs… le fruit du travail acharné des érudits de Minas Tirith, qui travaillaient avec ardeur pour empêcher le monde de s'effondrer totalement. Ils étaient la preuve vivante qu'il y avait des victoires qu'on remportait davantage avec l'esprit qu'avec l'épée. Reinil alla chercher un autre dossier qui se trouvait plus loin dans la pièce, et revint en le tendant à Lithildren :

- Voilà ce sur quoi travaillait le professeur Nallus. Les gardes n'ont pas saisi ce dont ils ignoraient l'existence. Ce sont des documents personnels que nul n'a ouvert, et je ne suis sans doute pas autorisé à vous les montrer. Cependant, je tiens beaucoup à ce que le professeur soit innocenté, et si vous pouvez l'y aider en lisant ceci, alors cela justifiera bien que je sois puni pour mes actes.

Il ouvrit la chemise usée, et sortit quelques documents sans intérêt, avant de s'arrêter sur une lettre absconse. Il aurait pu ne pas s'y arrêter, mais quelques marques d'encre sur le bord de la page indiquaient que Nallus avait travaillé sur le document longuement. Or il ne se serait jamais arrêté sur une simple lettre si elle n'avait rien contenu de valeur pour ses recherches. Le jeune étudiant la transmit à Lithildren en soufflant :

- Je crois que j'ai trouvé quelque chose. Mais cela n'a aucun sens.

Spoiler:



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