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Plus bas !Nivraya s'exécute de mauvaise grâce. Son front est brillant de sueur, et sa peau est rougie par l'effort. Il est évident qu'elle ne tiendra pas longtemps. Pourtant, Alyss l'exhorte à donner le meilleur d'elle-même, à se dépasser. Une main délicatement posée dans son dos la pousse toujours plus bas, jusqu'à ce que ses deux mains soient finalement en appui sur le sol. Nivraya souffle fort pour chasser la douleur, comme Alyss le lui a conseillé. Ses jambes tendues lui font atrocement mal, et elle est obligée de serrer les dents pour ne pas exploser. Voyant qu'elle est sur le point d'aller trop loin, la jeune Haradrim retire sa main, signal tacite qu'il est temps d'arrêter. Avec un soupir de soulagement, la noble se redresse. Elle s'étire le dos, et agite ses orteils, pour retrouver un peu de sensibilité.
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C'est bien, tu progresses vite. Demain, on verra si tu peux tenir un peu plus longtemps, et si tu peux le faire sur le dos.Nivraya hoche la tête, et avale d'un trait un verre d'eau froide qui lui brûle la gorge. Elle retrouve enfin la parole, et lance :
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Peut-on s'entraîner, avant que je ne commence ma journée ?-
Bien sûr.Les deux femmes se placent face à face, dans un petit espace dégagé, et commencent à se battre, comme tous les jours. Elles échangent des attaques à distance, avant de se lancer dans un corps à corps éperdu. Et comme d'habitude, Nivraya est contrainte d'abandonner, devant la rapidité et la souplesse de son adversaire. Une clé au bras habilement placée, associée à une prise en triangle au niveau de l'abdomen auraient de toute façon eu raison de n'importe quel adversaire. Mais cette pensée ne la rassérène guère. Elle se dit qu'elle aurait pu mieux faire, tenir un peu plus. Leur duel n'a pas duré longtemps - comme d'habitude -, mais suffisamment pour que les deux jeunes femmes doivent se presser pour respecter leur emploi du temps. La journée risque de ne pas être très palpitante : paperasse, signatures et ordonnances. Elle pourrait presque le faire depuis chez elle. Alyss et Nivraya savourent un verre d'eau bienvenu, avant de s'apprêter à partir se préparer, quand soudain on frappe à leur porte.
Nivraya hésite un bref instant, avant de lâcher un "entrez" qu'elle juge ridiculement haut perché. Qui peut bien venir la voir à cette heure-ci ? D'ordinaire, quiconque veut la contacter passe par son office au palais, ou dépose le courrier à Freyloord, qui ne se donne pas la peine de frapper pour rentrer. Dans l'intervalle qui précède l'ouverture de la porte, Alyss s'éclipse dans la pièce voisine, tandis que Nivraya s'empresse de remettre un peu d'ordre dans sa coiffure. Tant pis pour sa mise sportive, de toutes façons elle n'a jamais caché qu'elle s'exerçait quotidiennement. Mais il y a fort à parier que son interlocuteur sera surpris de la voir ainsi habillée.
La porte s'ouvre, et le colosse s'écarte pour laisser passer une femme dont le visage ne dit rien à Nivraya. Roturière, à en juger par sa...tenue, elle n'en reste pas moins bien habillée, avec des tissus hors de portée du commun des plébéiens, et son maintien indique qu'elle représente quelqu'un d'important. Pourquoi ça ? Parce que Freyloord n'aurait jamais laissé entrer une roturière ne représentant pas quelqu'un d'important dans la Chambre. L'examen bilatéral terminé, comme le veut la politesse, les basses classes saluent en premier la noblesse. L'hôte y répond avec la courtoisie nécessaire, puis annonce sans ambages :
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Je devine à la lettre que vous tenez que vous m'apportez un message. Ceci dit, vous pouvez constater que je ne suis guère à mon aise. Je vous autorise à profiter d'un de mes fauteuils, pendant que je vais me préparer.Sans attendre de l'inconnue une confirmation qui de toute façon aurait été malvenue, Nivraya se coule dans la pièce à côté, laissant l'invitée aux bons soins de Freyloord. En refermant la porte, la jeune femme ne peut s'empêcher de laisser fleurir sur ses lèvres un sourire de satisfaction. Le naturel avec lequel elle prend le dessus sur les autres la laisse sans voix. Néanmoins, si elle représente quelqu'un de vraiment important, il serait malavisé de la faire attendre trop longtemps. C'est donc en hâte que la jeune femme se lave dans un bon bain chaud, se sèche dans une serviette propre, se glisse dans une robe moulante d'un bleu profond, se coiffe avec le plus grand soin, se maquille très légèrement, et finalement réapparaît dans la pièce à vivre de sa Chambre, moins de quarante minutes plus tard.
Elle y trouve Alyss, vêtue d'une tunique de servante, occupée à verser de l'eau à leur invitée qui, confortablement installée dans un fauteuil, tourne le dos à Freyloord qui occupe le fond de la pièce. La noble lève une main apaisante, pour signifier à l'inconnue qu'il n'est pas nécessaire qu'elle se lève pour l'accueillir. Avec tranquillité, elle récupère son sceptre à tête de dragon posé sur son râtelier, et vient prendre place autour de la table basse. Dans le fauteuil le plus éloigné, bien entendu. Inviter une roturière à s'asseoir est déjà très généreux, mais s'il faut en plus se coller à elle...
Toutes ces considérations parfaitement naturelles chez Nivraya ne transparaissent nullement sur son visage neutre. Elle claque des doigts, et fait signe à Alyss de lui apporter une collation. Puis, reportant finalement son attention sur l'objet de tout ce cérémonial, et sans même s'excuser pour le temps qu'il lui aura fallu, elle déclare :
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Me voilà disposée à vous écouter me lire le contenu de cette lettre. Je vous en prie.Elle glisse un mince filet d'eau entre ses lèvres savamment maquillées, et repose le verre sur la table sans un bruit. Intriguée. Attentive.
#Nivraya #Alyss