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Sujet: Héritages
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Héritages    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 20 Avr 2024 - 20:25
- Je ne vais pas y arriver. Je ne vais pas y arriver…

Nivraya essaie de respirer, fort. Son souffle rauque répond aux roues de la voiture brinquebalante, qui claquent sur les pavés de la cité d’Annúminas, tandis que dans l’habitacle les deux silhouettes sont secouées de droite et de gauche malgré les efforts du cocher pour éviter les cahots de son véhicule. L’homme à l’intérieur, gigantesque, semble totalement démuni. Il pose une main immense sur l’épaule de la jeune femme, et tente de la rassurer :

- Il faut tenir. Nous y sommes presque.

- Frey’, j’ai perdu les eaux…

Il ne répond rien, et jette un regard vers l’extérieur.

Il fait nuit noire, mais il reconnaît sans mal la place de la fontaine, et l’arche voûtée, ainsi que la boutique de l’apothicaire qui se trouve à l’angle de la rue. Ils n’en ont plus que pour quelques minutes. L’aristocrate, une main sous son ventre arrondi, une autre pressée de toutes ses forces contre le plafond de la voiture, s’efforce de garder son calme malgré la douleur indescriptible qui lui cisaille les entrailles. Une onde de souffrance généralisée, que la sage-femme appelle fort à propos « contraction », lui coupe la respiration pendant plusieurs dizaines de secondes, avant de refluer petit à petit. Pour mieux revenir.

Les mâchoires serrées, les yeux perlés de larmes, la peau rougie par l’effort, Nivraya est méconnaissable.

Soudainement, l’attelage ralentit, jusqu’à s’arrêter complètement. Les chevaux renâclent, des voix étouffées se fraient maladroitement un chemin vers l’intérieur de la voiture, témoignant d’un échange assez tendu. Le géant venu du Nord, comprenant que son concours est nécessaire, s’extrait tant bien que mal de l’habitacle, et crie quelque chose au cocher, qui lui répond penaud. Il revient, quelques secondes plus tard.

- Les gardes font quelques difficultés. Nous aurions vraiment dû faire venir l’accoucheuse à la Chambre…

- Non. Le palais est plus sûr. Dis-leur que…

Elle pousse un gémissement plaintif à fendre le cœur, au bord du malaise, incapable de finir sa phrase. Ses yeux se ferment, son pouls s’accélère. Derrière ses paupières fermées, des explosions de lumière scintillante se mettent brusquement à crépiter. Cette contraction, plus forte que les dernières, la laisse haletante et fébrile. Son acolyte hoche la tête avec gravité, et se fend d’un commentaire laconique :

- Compris.

Mû par la colère et l’impératif de protéger son employeuse, Freyloord s’avance face aux gardes du Palais d’Annúminas, qui protègent la porte principale. Deux hommes assez jeunes, protocolaires… tout ce dont n’a pas besoin la primigeste. Engoncés dans leurs armures d’apparat, armés de lances et de superbes boucliers aux armes du roi Aldarion, ce sont pourtant eux qui tremblent devant le colosse qui leur avance droit dessus, en ouvrant grand ses bras immenses aux muscles noueux.

- Gardes ! Laissez-nous passer immédiatement ! Nous avons autorisation de pénétrer dans le Palais à toute heure, il s’agit d’une affaire particulièrement urgente.

Derrière lui, les gémissements se font plus sonores. Les gardes s’interrogent du regard, décontenancés. Ce n’est pas la première fois qu’ils croisent Dame de Gardelame au Palais : pour ainsi dire, sa venue est plutôt habituelle qu’autre chose. Cependant, c’est la première fois qu’elle tente d’entrer d’y pénétrer à une heure aussi tardive, et en faisant autant de difficultés vis-à-vis d’un protocole sécuritaire qu’elle a elle-même contribué à mettre en place.

- Nous… euh… Nous aurons besoin d’un laissez-passer… Ce sont les ordres.

Freyloord le dévisage avec sévérité. À dire vrai, dans leur empressement, ils ont tout bonnement oublié le fameux sésame. Dissimulant son embarras derrière un masque autoritaire, l’homme de main de Nivraya essaie une nouvelle approche :

- Vous n’entendez pas ? La Dame de Gardelame a besoin d’entrer au Palais de toute urgence… Il en va de sa santé…

Le garde n’en mène pas large. Une partie de lui accepterait bien, mais les troubles causés par l’Ordre de la Couronne de Fer et l’assassinat des princes royaux ont largement émoussé la confiance que les gardes du Palais prêtent aux visiteurs… même lorsqu’ils s’agit de figures connues dans la cité. La sécurité des principaux dignitaires du royaume demeure la priorité absolue. Les éclats de voix attirent toutefois l’attention d’une autre patrouille, au sein de laquelle se trouve un homme nettement plus expérimenté, qui intervient pour calmer la situation. Il s’approche de Freyloord, et après avoir prêté l’oreille aux bruits qui émergent du véhicule, il souffle :

- J’ai deux enfants, mon ami. Je sais de quoi il retourne. Laissez-moi simplement confirmer son identité, et je vous laisse entrer. Je connais bien la Dame de Gardelame, nous ne souhaitons pas lui rendre la vie difficile ce soir.

- Merci… infiniment.

- Il n’y a que vous quatre ?

Le géant fronce légèrement les sourcils.

- Quatre ?

Le garde pointe du doigt la voiture, et la petite silhouette qui se tient juste à côté. Pendant un instant, le cœur du Lossoth s’arrête net. Un bref moment d’inattention, une mince seconde de déconcentration, et voilà qu’un inconnu aux intentions troubles a réussi à se frayer un chemin jusqu’à sa maîtresse en toute impunité. Il ne lui suffit que d’un geste pour ouvrir la porte. Un de plus pour trancher la gorge de Nivraya de Gardelame, et porter un nouveau coup au gouvernement de l’Arnor, déjà meurtri par tant et tant de drames.

La silhouette se tourne vers lui, dans une envolée de cheveux bruns.

- C’est trop tard ! Crie-t-elle. Le bébé arrive ! Allez chercher quelqu’un !

- A… Alyss ? Répond Freyloord, stupéfait.

Elle lui jette un regard à la fois espiègle et soucieux. Toute l’ambivalence de cette guerrière au grand cœur, boule de tendresse capable de mettre à mort à peu près n’importe qui dans la capitale des Dúnedain du Nord.

- C’est une affaire de femmes ! Ne restez pas plantés là, et allez chercher quelqu’un qui s’y connaît plus que vous autres ! Dépêchez-vous !

Les émotions du géant oscillent entre la surprise la plus totale et la joie la plus profonde. Ainsi, en dépit des mots échangés, en dépit des colères et des incompréhensions, au moment où cela compte le plus, Alyss est venue. Porté par le sentiment que les choses retrouvent peu à peu leur place, le Lossoth s’élance vers le Palais accompagné du garde qui peine à suivre ses grandes enjambées.

Trouver la sage-femme.

Cette pensée, qui tourne en boucle dans son esprit, ne suffit pas à faire disparaître le demi-sourire qu’on entrevoit sur son visage d’ordinaire stoïque.

Alyss est revenue.


#Nivraya #Freyloord #Alyss
Sujet: Chronologie du Quatrième Âge !
Learamn

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Rechercher dans: Contexte   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Chronologie du Quatrième Âge !    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 29 Jan 2021 - 13:52
La voilà enfin! L'Administration et le Staff de Bienvenue à Minas Tirith sont heureux de partager avec vous le nouveau chapitre de la Chronologie du Quatrième Âge faisant suite à la Chute de l'Ordre de la Couronne de Fer. L'an 301 du Quatrième Âge nous aura permis de fermer un chapitre pour en ouvrir un nouveau et poser les bases de la nouvelle trame.
L'immense majorité des évènements référencés ci-dessous ont été joués en rp et il vous suffit de cliquer dessus pour retrouver les sujets si vous voulez approfondir.

Bonne lecture à tous!


Citation :
Légende:

Like a Star @ heaven Evenements majeurs connus de la Terre du Milieu.

Like a Star @ heaven Naissances, morts et couronnements de la royauté.






301 du 4A

Janvier:

-Le 20: Disparition d'un régiment de l'armée de l'Arnor au Rhûdaur

Février:

- Le 12: Sur ordre de Gallen Mortensen, le Capitaine Learamn part à la rencontre du Prince #Orwen pour le convaincre de la nécessité d'un accord politique. Orwen prend la fuite devant les troupes du Roi Fendor.  
-Le 16: Mort de Krohr, Roi des Nains
-Le 21: Orwen est  nommé Ambassadeur du Rohan auprès des Nains. Il s'exile ainsi de sa patrie pour ne pas y  semer le trouble.

Mars:

-Le 5: Début d'un été précoce en Terre du Milieu
-Le 13: #Saemon Havarian, Grand Maître de la Compagnie du Sud, nomme #Ella Desbo Grande Marchande du Sud.
-Le 15 : Exécution de Warin, accusé d'être le dirigeant de l'Ordre de la Couronne de Fer.
-Complotant pour arrêter Taorin, L'arbe Blanc décide d'utiliser les services de Ryad Assad, espion rhûnadan.
-Le 16 : Mariage d'Aldarion et Dinaelin
-Le 17: Des objets précieux et parchemins sont dérobés dans le Palais Royal de Minas Tirith
- Couronnement de Thorik comme Roi des Nains
-Le roi Méphisto accorde au royaume du Rohan d'occuper Isengard et d'en disposer à sa convenance pour surveiller la Trouée.
-Taorin, émir autoproclamé du Harondor Libre, rencontre secrètement Evart Praven , noble ambitieux du Gondor, dans l'optique de nouer des liens commerciaux.
- Echange d'informations entre l'Arbre Blanc et la Compagnie du Sud.
-Le 18: L'Intendant Aleth Enon d'Arnor offre le poste de Tribun Militaire à Forlong Neldoreth.
-La Compagnie du Sud complote pour rétablir l'ordre au Harondor en évitant l'intervention militaire.
-Grâce aux informations du jeune Evart Praven, le Gondor cherche à endiguer la menace de l'invasion pirate au Harondor.
-Le 19:  Arrestation de Taorin, Emir du Harondor Libre.
-Shiva, ancienne membre de l'Ordre de la Couronne de Fer, est interrogée à Minas Tirith par les représentants des Peuples Libres. Elle révèle la présence de l'Ordre à Pelargir. Les alliances occidentales commencent à se déliter.
-Le 20: Shiva est tuée dans une embuscade malgré l'escorte de la Rose Noire et de l'Arbre Blanc. Sirion Ibn-Lahad est banni du royaume de Gondor par Capitaine #Neige.
-Le 21: Un tueur de l'Orbe tente d'assassiner Dame Aelyn dans les Maisons de Guérison. Le Comte Skaline s'interpose.
-Le 22: Le guerrier du Rhûn, Rokh est sauvagement assassiné alors qu'il s'apprêtait à combattre le Vice-Roi Mortensen en duel. La reine Lyra envoie Iran, guerrière de sa garde, à Edoras pour trouver les tueurs.  
- Le 24: Retour de la délégation d'Aldarion vers l'Arnor
-Le 27: Avec l'accord de l'Ent VertGland, le jeune Roi Fendor s'installe en Isengard et fonde l'Ordre des Lames.
-Le 29: Création des Âmes Perdues à Lossarnach. Ce  groupe de mercenaires d'élite est dirigé par le Bras de Fer et ses lieutenants.

Avril:

-Le 2: La Régence de Calion Palantir prend place à Fondcombe. Les travaux de reconstruction s'accélèrent.
-Les Nurniens demandent audience au Roi du Gondor. Ils sont renvoyés sans ménagement par le général Cartogan.
- Le 4: La lyre de Vairë est rendue aux elfes de Lothlorien par l'Intendant Bahin de Khazad dûm en signe de bonne foi.
-Du 7 au 9: Le Capitaine Learamn du Rohan, homme de confiance du Vice-Roi Mortensen, et Nathanaël de l'Arbre Blanc mènent une expédition à Pelargir pour chasser les survivants de la Couronne de Fer qui dirigent la ville. La victoire est acquise dans un bain de sang. Chute du dernier bastion de l'Ordre de la Couronne de Fer.
-Le 14: Vol des artefacts dans les Caves d'Or d' #Asthrabal. Les Âmes Perdues tentent de retrouver les coupables.
- Un groupe d'aventuriers se lancent à la quête d'un ancien trésor enfoui dans les Montagnes Blanches. L'artefact est finalement dérobé.
-Le 15: Bataille de Cair Andros.  La forteresse est prise par des étranges envahisseurs venus du Sud-Est.
-Le 16: L'Arc de Vertfeuille, ancienne arme de Legolas, est rendue aux elfes de Vertbois par Oin, compagnon de la Croix de Fer.
-Le 18: L'ost du Gondor se rassemble à Minas Tirith pour faire face aux envahisseurs.
-Le 19: L'Anneau de Laurelin est restitué aux elfes de Lindon par Olfr, ambassadeur de la Moria. Le rapprochement entre Nains et Elfes face à la cupidité des Hommes se précise.
-Le 21: Ella Desbo, Grande Marchande du Sud, nomme Evart Praven comme son secrétaire personnel.
- Le 22: Pourparlers entre le général Cartogan du Gondor et l'envahisseur.
-Le 23:  Un orc sème la terreur à Dur'Zork.
-Le 25: La missive des érudits traitant du nouveau Mal qui guette le continent est rédigée à Tharbad. Elle est envoyée aux dirigeants d'Arda.
-Le 26 : L'armée des envahisseurs qui a conquis Cair Andros se dirige vers les plaines du Rohan.
-Le 27: Les nains envoient une expédition vers le gisement de mithril
-Le 29:Lord #Rhydon est nommé Directeur de  l'Arbre Blanc . La Tête, ancien chef de l'Arbre Blanc, reste introuvable.
- Le Gondor réagit à la Missive des Erudits et se lance dans la course aux artefacts.
-Le 30: D'importants documents sont volés dans la Bibiothèque de Minas Tirith.

Mai:
-Le 2: A Umbar, la grogne monte contre le Gondor.
-Le 4: Début d'épidémie à Minas Tirith
- Le 7: Les armées du Gondor rallient Minas Tirith pour se préparer à l'affrontement  avec les Nurniens qui se font attendre.
-Le 8: Face au retrait du Roi Mephisto, le Sénateur Arnorien #Halbagost défend la nomination d'Aldarion comme Haut-Roy et la mise en place d'une domination de l'Arnor à l'Ouest.
-Le 11: Départ du Tribun Forlong et de ses compagnons à la recherche du régiment perdu au Rhûdaur
-Le 12: Des navires disparaissent à Esgaroth. Delaynna, Elfe de Lorien et Dame de l'Eau, mène l'enquête. Sigval Lingwë s'allie à des réfugiés du Rhûn pour percer le mystère du mal qui sévit sur Lacville.
-Le 15: Début de la Grande Estive.  Les Rohirrims mènent leurs cheptels sur les versants de la Moria pour échapper à la sécheresse dévastatrice.
-Le 18: Bataille de Kalil Abad. Défaite des nains. Hadhod Croix de Fer, Seigneur de la Moria, est fait prisonnier par les gobelins de Gundabad.
-Le 19: Premiers combats entre les Nurniens et les Rohirrims.
-Le 20: #Alessa de Sora arrive à Blankânimad. Elle tente de convaincre la Reine Lyra d'ouvrir son royaume aux savants de l'Ouest pour contrer les plans de la Fraternité de Yavannamirë.
-Le 22: #Dalia de Ronce arrive à VertBois pour alerter le seigneur #Angrod du danger des artefacts.
-Le 23: Les rumeurs des artefacts atteignent Khazad-dûm.
-Le 24: L'aventurier Girion Vernon arrive au Sanctuaire de Minas Tirith, à la rencontre d'un vieil homme vêtu de bleu.
-Le 26: Les pirates fondent un poste avancé à Tolfalas.
-Le 28: L'elfe Lithildren trahit les siens à Fondcombe et prend la fuite avec un survivant de l'Ordre.
-Le 30: Les Melkorites sèment la terreur à Albyor.

Juin:
- Le 1er: Les rumeurs sur  l'infidélité du Haut-Roy Méphisto remontent jusqu'aux palais.
-Le 3: Arrivée de Ryad Assad à Pelargir. Il se retrouve associé à Nathanaël pour une bien curieuse mission.
-Le 7: Arrivée d'Ella Desbo et d'Evart Praven à Djafa.
-Le 11: Tractations chez les Béornides. Les Nains en difficulté face aux gobelins appellent à l'aide.
-Le 12 : L'armée du Rohan se mobilise face aux envahisseurs Nurniens. Arrivée des premiers cheptels du Rohan chez les Nains.
-Le 13:  Capture du Tribun Forlong et d'Elenduril par les gobelins du Mont Gram. Les prisonniers sont menés vers le Mont Gundabad.
-Le 18: Lithildren et Oropher, deux elfes en cavale, pénètrent dans les ruines d'Ost-in-Edhil  où sévit le sorcier #Gier.
-Le 24: Le Grand Prêtre de Melkor, Jawaharlal, cherche à étendre son influence dans tout le royaume de Rhûn.
-Le 26: Les Dunlendings, lourdement impactés par le Rude Hiver et l'été précoce, s'attaquent aux habitations et caravanes arnoriennes dans les alentours de Tharbad.
- Du 28 au 30: Négociations tendues entre Rhûnadans, Nains et Dalites au Comptoir commercial du Rhûn.

Juillet:

-Le 1: Face aux divisions qui déchirent son royaume et l'influence croissante des Melkorites, la Reine Lyra du Rhûn manœuvre pour rétablir son pouvoir.
- En marge de la Grande Estive, les Dunlendings attaquent les cheptels des rohirrim au nord de l'Isen
-Le 4: Arrestation de Nallus, membre de la Société des Chercheurs, par les hommes du général Cartogan.
-Le 5: Les hommes du Sergent Eofend du Rohan prennent en chasse les voleurs d'artefacts dans le Riddermark. Les Rohirrims tombent dans une embuscade.  et sont massacrés. Théomer, un des cavaliers survivants, part vers Edoras.
-Le 11: Troubles au Rohan, Aelyn est enlevée au sein même du Château d'Or de Meduseld. Le Capitaine Learamn, aidée par Iran guerrière du Rhûn, mènent secrètement l'enquête. Le Cavalier de la Marche Théomer fait un rapport inquiétant au Vice-Roi Mortensen. L'elfe Qewiel est retenue dans les géôles d'Edoras.
-Le 13: Le guérisseur Rihils arrive en Isengard.
-Le Vice-Roi  Gallen Mortensen envoie #Harding sur les traces d'anciens compagnons d'armes pour en apprendre plus sur la missive des érudits et les artefacts.
-Le 14: Dame Aelyn, compagne du Vice Roi, est retrouvée sauve. Le Vice Roi Mortensen la demande officiellement en mariage. Son ravisseur Sellig, dernier canthui de l'Ordre de la Couronne de Fer, est abattu par Mortensen. Le Capitaine Learamn est banni de l'armée du Rohan pour insubordination; il s'exile avec une #Iran grièvement blessée.
-Le 17: Arrivée de Lithildren à Minas Tirith où elle rejoint la Société des Chercheurs.
-Le 19: Le faussaire Kaj Olson, soupçonné d'avoir laisser les voleurs s'introduire dans le palais royal, est mystérieusement assassiné dans les geôles de Minas Tirith.
-Le 20:  Le Capitaine Neige et Lithildren s'infiltrent dans les géôles et libèrent Nallus. Les fugitifs rejoignent le Sanctuaire, Alatar les y accueille.
-Le 23: L'Intendant Aleth Enon d'Arnor est atteint d'une maladie qui l'empêche de remplir ses fonctions. #Nivraya l'épaule dans la gestion du royaume.
-Le 29: Les hommes de la Rose Noire prennent d'assaut la demeure du Seigneur Péocle, contrôlée par l'Ordre de la Couronne de Fer. Sirion Ibn-Lahad abat Madhel, adepte du mystérieux groupe "Le Cercle et le Crâne". Mort d'Azami.


Août:

-Le 2: Wald est nommé Capitaine de la Garde Royale du Rohan par Gallen Mortensen.
-Le 5 : Des explorateurs partis en quête de trésors découvrent que des nains occupent toujours les Cavernes Etincelantes.
-Le 8: Le Roi Aldarion nomme Sirion Ibn-Lahad Comte d’Amon Araf et Intendant d'Arnor.
-Du 9 au 11: Le Roi Aldarion d'Arnor  convoque ses gouverneurs et Tribuns à Annúminas
-Le 12: Le Capitain Draggo se met au service du Prince Khaldun d'Assabia
-Le 13: Drake, Sergent de la Garde de la Fontaine,mène l'enquête au sujet d'une intrusion dans le Palais.
-Le 16 : Victoire des nains et de leurs alliés à Therka Nâla grâce au soutien d'Orwen et des renforts dalites et béornides.
-Le 20: La capture d'une prisonnière Dunlending sème le chaos en Isengard, fief du Roi Fendor.
-Le 26: Forlong Neldoreth, Tribun d'Anor, s'échappe des entrailles du Mont Gundabad avec le concours de l'Orc Snardat.


Septembre:

-Le 2 : Mort du Seigneur Alart de Roncefort. Son fils Tryon lui succède comme Baron et affirme ses ambitions.
-Le 4: L'elfe Namarien se joint aux Chevaliers du Cor Brisé qui cherchent à rallier Minas Tirith pour y sonner la révolte contre Cartogan.
-Le 7: Après une mission houleuse sur les Havres d'Umbar, l'assassin Issam Ibn-Djamal intègre la Guilde des Ombres.
-Le 11: L'ambitieux Raz'Oûl, chasseur de prime de renom, part de Djafa dans l'espoir de rallier la légendaire Bibliothèque Interdite du Khand.
-Le 15:  Aurhen, ranger elfe, est envoyé à Morthond.
-Du 22 au 23: La Cérémonie de la Purification se tient à Morthond alors qu'une ancienne malédiction resurgit.
-Le 27: Soulèvement d'esclaves à Albyor. Sanglante répression.
-Le 28: Une tempête de sable menace le Harondor.


Octobre:


-Le 4: Le Seigneur Sharrin Sharh-Narag défie le Conseil des Monts du Fer et mène un groupe de guerriers pour soutenir la reconquête des Nains.
-Le 10: Nimrod Ben-Elros, héritier déchu du Sultanat de Haradwaith, sort de prison.
-Le 13: Iran du Rhûn succombe à ses blessures dans les Terres Sauvages du Rhovanion.
-Le 15: Mise en place du Blocus de Pelargir par les pirates d'Umbar.
-Le 17: Le Conseil de Zulg-ai-Gathol envoie des soldats à la poursuite de Sharrin Sharh-Narag.
-Le 18: Les Gardes de Fer, menés par le Seigneur Sharrin, rallie la coalition de Thorik.
-Le 20: Le Sage Alatar, accueille un groupe d'insurgés dans son Sanctuaire.
-Le 25: La coalition de Thorik quitte Therkâ Nâlâ et marche vers Gundabad.
-Le 30: Le Roi Gudmund mène l'armée de Dale pour soutenir la reconquête des Nains.

Novembre:

-Le 3: Arrivée d'une délégation de Rhûnadans au palais du Roi Shomeri du Khand. A l'Est, des alliances se forment.
-Le 6: Le Roi des gobelins, Baltog, se prépare à affronter la coalition de Thorik.
-Le 7: Une malédiction s'abat sur le clan Lossoth des Ilivaa.
-A partir du 9: Purge de Minas Tirith. Les autorités s'attaquent aux organisations clandestines des bas-fonds de la ville: la Ligue des Ombres, les Griffes d'Ammoth et le Réseau d'Anakel en font tous les frais.
-Le 11: L'ex-capitaine Learamn arrive à Blankânimad. Il prête allégeance à la reine Lyra.
-Le 12: La coalition de Thorik s'empare de Nal Gunir.
-Le 17: Fimbulfambi, Seigneur du Mont Gram, envoie une armée menée pour répondre à l'appel de Baltog.
-Le 20: Arminka, capitaine des varkayin du Rhûn, s'empare de l'épée mythique Lasgarnë sur le sable de l'arène de Kryam.
-Le 23: Des placards appelant au soulèvement populaire fleurissent dans les rues de Minas Tirith.
-Le 25: À l'approche de l'hiver, les Nurniens arrêtent momentanément leur avancée dans les terres du Rohan.
-Le 27: Le Mage Mithrandir intègre la Société des Chercheurs de Minas Tirith afin de lutter contre l'épidémie.

Décembre:

-Le 2: L'Oeil de la Lune, un puissant artefact, refait surface à Tharbad.
-Le 3: Désireux de passer quelques semaines loin de sa capitale, le Roi Aldarion se retranche à Caras Aur avec son épouse.
-Le 4: Début du siège de Gundabad.
-Le 5: Départ d'un commando de la coalition, en quête d'un passage vers Gundabad dans les montagnes.
-Le 6: Nomuas Arnarion, alias le Sabre Noir, établit une antenne des Âmes Perdues à Pelargir. Les mercenaires aident la cité à lutter contre les pirates.
-Le 7: Des éclaireurs de l'Arnor élaborent un plan pour piéger les troupes du Mont Gram, en partance vers Gundabad.
-Le 9 : Arrivée d'Arminka  à Djahar'Mok en Harad dans l'espoir d'y trouver de nouveaux alliés pour sa Reine.
-Le 10: Bataille du Chemin des Trolls. Le Tribun Forlong Neldoreth refait surface avec le régiment perdu et met en déroute les armées du Mont Gram.
-Le 11: Les armées de la coalition pénètrent dans Gundabad.
-Le 12: Fin du siège de Gundabad et de la Reconquête des Nains. Mort du Roi Baltog.  Thorik conclut un accord avec le Grand Gobelin. Gundabad redevient naine mais seule une garnison peut y résider.
-Le 16: Une importante cargaison d'armes  tombe entre les mains des Melkorites d'Albyor.
-Le 20: L'elfe Qewiel vogue vers le Sud en quête d'une carte ancestrale.
-Le 27: Les Chevaliers du Cor Brisé parviennent à entrer dans Minas Tirith.
-Le 30: Naos Ibn-Lahad fait ses adieux à son frère Sirion, Intendant d'Arnor.
Sujet: Dans les ténèbres les lier
Sirion Ibn Lahad

Réponses: 5
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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Dans les ténèbres les lier    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 25 Mar 2020 - 16:53
L'ombre du Khandéen s'étendait contre le mur sur sa gauche. Projetée par les flammes chancelantes des bougies, elle dansait contre la pierre au contraire de son propriétaire. Stoïque, Ibn Lahad scrutait la cité endormie depuis une fenêtre. On lui avait demandé d'attendre dans une annexe de l'office de l'Intendant. Si leurs fonctions respectives ne les amenaient guère souvent à se rencontrer, il arrivait malgré tout qu'Enon et Ibn Lahad se croisent au détour d'un conseil restreint en compagnie du roi et de quelques hauts dignitaires du royaume. Si certains se méfiaient du Fantôme, étranger éternel à leurs yeux, l'Intendant avait fini par s'habituer à la mine sombre du Khandéen et à ses méthodes somme toute peu conventionnelles ces derniers temps. Il était également l'un des seuls à savoir que le nom d'Ibn Lahad figurait sur la liste noire du Gondor.

L'attente ne semblait pas déranger le Fantôme plus que cela. Pour la première fois depuis des semaines, il avait l'opportunité de ne rien faire, simplement patienter. Quelques mois auparavant, cela aurait certainement mis le Maître de la Rose dans une colère noire. Aujourd'hui, il accueillait ce moment suspendu avec plaisir. Avec la mort de Madhel, les derniers vestiges de la Couronne de Fer encore debouts étaient tombés dans le néant. La vendetta engagée par Ibn Lahad touchait enfin à sa fin.

Enfin.

Le guerrier était las de tout ceci. Si d'autres Passeurs comme Mangouste, Poulain ou Mâtin avaient fini par passer à autre chose, celui que l'on nommait dans certains cercles Puma Sibyllin n'en avait eu ni la force, ni l'envie. Mais après ces longs mois de tuerie, de voyage, de nuits blanches et de blessures, il allait enfin pouvoir faire ce que lui seul n'était parvenu à faire.

Tourner la page.

Une serrure grinça dans son dos ; des bruits de pas résonnèrent alors. Sirion se contenta de tendre l'oreille. Deux paires de bottes : l'intendant n'était pas seul. La cadence des pas était rapide, bien trop rapide que pour ce ne soit celle d'Aleth Enon. Le front du Fantôme se rida. Les imprévus lui avaient suffisamment gâché la vie pour qu'il s'en méfie. Il demeura dos à la pièce encore un instant, le regard perdu vers Annùminas et l'esprit focalisé sur les nouveaux arrivants. Le silence se fit à nouveau dans l'annexe. Sirion tourna la tête pour découvrir qui Enon avait bien pu lui envoyer à sa place. Un visage fin et déterminé fixait Ibn Lahad. La femme aux cheveux flamboyants esquissa un sourire. L'homme d'Aldarion avait troqué sa tenue de voyage pour un tabard sombre surmonté d'un manteau noir. À son cou, une broche en bronze en forme de rose tenait le tout et donnait au Khandéen une allure bien différente de celle qu'il offrait à ses ennemis sur le champ de bataille.

Les mains dans le dos, Sirion posa son regard sur l'individu en retrait. Ses vêtements trahissaient une vie de commerce et de longues routes. Au-delà de son visage marqué, le Fantôme dut reconnaître qu'il ne le connaissait pas. Un mystère de plus. Les yeux du Fantôme firent à nouveau apparaître sa ride du lion.

- Enon délègue à ce que je vois.

Sirion repoussa sa cape en arrière comme pour ouvrir la conversation. Cela étonna le chef de la Rose de voir l'assistante de l'Intendant l'accueillir pour une affaire si spéciale. Une affaire que peu de gens pouvaient à l'heure actuelle se vanter de connaître.

#Sirion #Aleth #Enon #Nivraya
Sujet: Ne tirez pas sur le messager [Nivraya]
Nivraya

Réponses: 3
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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Ne tirez pas sur le messager [Nivraya]    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 3 Déc 2017 - 23:04
La plume court sur le papier comme une épée maniée par une main experte. Au bout des doigts, la même précision qu'un bretteur accompli, qui répète ses gammes inlassablement. Une subtile parade d'un trait vif et précis. Une courbe élégante pour écarter le danger et, sèchement, une estocade qui laisse une empreinte indélébile dans la chair du lecteur. Nivraya lève le poignet un instant, les sourcils légèrement froncés, interrompant la danse macabre de ses mots. Sa signature lui renvoie l'image d'une flaque de sang. Son propre sang. Noir comme la nuit.

Elle frémit. Monstrueuse.

D'un rapide coup d'œil, elle observe la petite messagère qui lui fait face, et qui semble ne pas savoir où se mettre. Elle aurait sans doute dû la congédier, ou bien la faire attendre dehors, mais elle n'y a pas pensé sur le moment, et désormais il est trop tard. L'avoir fait entrer dans son bureau personnel… quelle erreur ! Leurs yeux se croisent un bref instant. Nivraya, le visage chaleureux mais le regard glaçant, la dévisage. Elle cherche le moindre signe inhabituel. Le moindre tressautement annonciateur de troubles à venir. Que cache-t-elle ? Est-elle là pour l'espionner ? Pour récolter des informations à son sujet, qu'elle s'empressera de transmettre à Thorondil ? Verica, puisque c'est là son nom, baisse la tête sans attendre. Il n'est pas bon de défier du regard une personne aussi puissante que la Dame de Gardelame, a fortiori compte tenu de la réputation que lui dressent ses ennemis. L'intéressée ne fait aucun effort particulier pour détruire cette image, mais s'applique tout de même à ne pas faire rejaillir son animosité sur son invitée.

Sauver les apparences. En toute circonstance.

La noble revient à son document, écartant ses préoccupations qui confinent à la paranoïa. Elle le parcourt de nouveau, dans un silence de plomb, désireuse d'y trouver l'acidité mordante dont elle aime à faire preuve. De quoi renvoyer le fauconnier dans ses quartiers, avec de quoi réfléchir. Hélas, le courrier ne lui renvoie que l'image misérable de sa propre faiblesse. Là où elle a voulu frapper, elle s'est dévoilée. En dépit de son désir d'apparaître fière et farouche, le papier agit comme un miroir dans lequel elle contemple amèrement son portrait défiguré par la crainte, l'angoisse, et son éternelle dépendance vis-à-vis des gens d'armes qui s'occupent de réparer ses erreurs. Quitte à risquer leur vie. Elle décèle derrière les courbes régulières de son écriture une fragilité insoupçonnable pour quiconque ne la connaît pas, mais que son destinataire notera sans la moindre difficulté. Il est cependant trop tard pour raturer, corriger, réparer… se faire pardonner… Quand les choses sont écrites, il n'est plus temps de songer au passé, mais à l'avenir. Nivraya se rend compte qu'elle a perdu le fil pendant quelques secondes, et achève prestement sa lecture avant que Verica ne commence à se poser des questions. Elle lâche un bref soupir, comme résigné. Malgré les lacunes de sa lettre, elle sait être incapable de faire mieux :

Citation :
Sire,

Votre promptitude à répondre au devoir qui vous appelle honore votre lignée, et l'Arnor vous sait gré de braver une nouvelle fois le danger pour lui. J'ignore encore quand ce courrier vous parviendra, mais je tiens à vous assurer que je mettrai tout en œuvre pour protéger votre enfant. Mes sentiments personnels n'entrent pas en ligne de compte quand il s'agit d'une affaire de cette importance, et quoi que vous puissiez penser de moi, veuillez croire que j'ai à cœur, comme vous, la sécurité des innocents de ce royaume.

En ce qui concerne votre seconde requête, j'escompte pouvoir vous rendre votre testament en main propre à votre retour. En attendant, je me chargerai de le faire déposer en lieu sûr, et je m'arrangerai pour que, le cas échéant, les dispositions que vous avez prises à l'égard des vôtres soient respectées. Je vous en donne ma parole, qu'importe la valeur que vous lui accordez désormais. C'est le moins que je puisse faire pour vous, après ce que nous avons vécu.

Malgré tout, je vous prie de bien vouloir revenir sain et sauf,

L'Arnor a besoin de vous.

Nivraya Alen de Gardelame


La jeune femme apparaît parfaitement calme au moment de remettre la missive à Verica. Sans trembler, sans hésiter, elle lui transmet le document qu'elle a préalablement refermé soigneusement à l'aide d'un cachet de cire :

- J'ignore si vous parviendrez à joindre le sieur de Kervras. Peut-être a-t-il pris des dispositions pour être contacté directement à son lieu de destination, à moins qu'il ne préfère attendre son retour pour prendre connaissance de ses messages…

En l'absence d'informations supplémentaires, il est difficile à Nivraya de savoir quoi faire, mais le contenu de son courrier pare aux deux éventualités. Elle n'y a rien mis d'urgent ou de compromettant susceptible de la fragiliser si la lettre devait rester posée chez le fauconnier le temps de son séjour, et dans le même temps elle y a mis suffisamment d'éléments personnels rassurants pour permettre à Thorondil d'avoir l'esprit clair lors de sa mission s'il venait à la recevoir alors qu'il se trouve à l'autre bout du pays. Dans un sens, elle espère qu'il pourra la lire bientôt. Sans doute car par écrit, il lui est plus facile de lui communiquer un sentiment qu'elle n'arrive jamais à lui faire parvenir lorsqu'ils se trouvent face à face : la gratitude. Elle sait qu'il a beaucoup sacrifié pour l'Arnor, et ses préoccupations sont parfaitement légitimes. Celle d'un père s'inquiétant pour son enfant… pour sa fille unique… Et bien entendu celle d'un homme se souciant des risques de sa mission, et des conséquences potentiellement funestes de celle-ci.

Il ne peut le comprendre, sans doute parce que la déception et l'amertume qu'il éprouve à son égard l'aveuglent davantage encore que ses yeux épuisés, mais elle ne saurait dire non à une telle requête venant de sa part. S'il est vrai que la jeune femme peut paraître austère et particulièrement inaccessible lorsqu'il tente de l'approcher, au fond d'elle-même elle ne peut ignorer que Thorondil est un héros du royaume, un homme plus brave et plus honorable qu'elle ne le sera jamais. Alors, en lui prêtant ainsi assistance, elle a l'impression de se hisser temporairement à sa hauteur, et, ironie du destin, d'être celle sur qui il se repose. C'est là une drôle de farce, qui ne les réjouit ni l'un ni l'autre, mais peuvent-ils ignorer leur histoire commune et sereinement se laisser porter par les courants de la vie en faisant semblant de ne pas voir ce qui les relie ? Nivraya ne le croit pas, et elle sait qu'un jour elle devra répondre de ses crimes et payer pour ses fautes. Rendre ce service à Thorondil n'est qu'un avant-goût de ce qui l'attend.

- Ce courrier est adressé au seul sieur de Kervras, reprend-elle, et je vous prie de bien vouloir vous assurer qu'il ne sera lu que par lui. Si vous devez le lui faire parvenir, veillez à ce que cela se fasse par l'intermédiaire d'un messager sûr.

Cette consigne tire un demi-sourire à Nivraya. Un « messager sûr ». Cela existe-il encore en Arnor ? Y a-t-il encore une personne de confiance sur qui l'on peut s'appuyer ? L'Ordre de la Couronne de Fer a causé de nombreux ravages, mais il a surtout révélé la vénalité d'une noblesse de moins en moins noble, et de plus en plus en plus courtisane. La seule chose de sûre aujourd'hui, c'est le pouvoir de l'argent, et sa capacité à racheter la loyauté même des plus véhéments défenseurs de l'Arnor. Surtout de ceux-là, en fait, car ce sont souvent ceux qui clament le plus haut et le plus fort leur amour pour le royaume qui sont les premiers à céder aux promesses dorées. Ceux qui s'empressent de trahir leurs serments pour un peu de pouvoir. Ceux qui vendent leurs amis pour sécuriser leur carrière. Ceux qui abattraient leur roi pour s'asseoir à la table d'un souverain fantoche. Les lâches, les scélérats… Il n'en est pas un qui ne mérite pas la potence !

Nivraya inspire profondément pour calmer cette nouvelle bouffée de colère. Celle-ci n'a pas transformé son masque de maîtrise, mais a fait brûler dans ses yeux pendant l'espace d'un instant un brasier destructeur. Ses pensées s'agitent, incontrôlables, tantôt calmes, tantôt violentes. Toujours épuisantes. Elle se lève sans prévenir, rapidement imitée par Verica, qui comprend que la conversation est d'ores et déjà terminée.

- Laissez-moi vous raccompagner, fait Nivraya en se déplaçant avec grâce vers la porte.

Elle l'ouvre, et laisse passer la servante, alors que dans le même temps Alyss bondit hors de son fauteuil, prête à prendre sa nouvelle tâche :

- Alyss… Mademoiselle Verica a besoin d'être raccompagnée. Il n'est pas sûr pour une jeune personne de se promener seule dans les rues d'Annúminas, même si nous sommes en plein jour.

Le ton de la femme est sans appel, et ses yeux verts viennent couper court immédiatement à la double protestation qu'elle s'est apprêtée à recevoir. Celle d'Alyss, d'abord, qui est parfaitement consciente d'être mise à l'écart pour avoir intercédé en la faveur de Thorondil, et qui se retrouve coincée à devoir jouer son rôle de servante obéissante pour ne pas trahir la couverture qu'elle entretient. La jeune Haradrim se fend d'un « oui madame » blessé, avant de se murer dans un silence éloquent. Elle n'ose pas faire une scène devant Verica, mais de toute évidence ce n'est pas l'envie qui lui manque. La seconde plainte est celle de l'envoyée de Thorondil, qui sans doute veut exprimer poliment sa capacité à se débrouiller toute seule. Elle n'a en effet pas besoin de chaperon, et elle saura sans doute retrouver le chemin jusqu'à la demeure du fauconnier. Néanmoins, la décision ne lui revient pas, et dans sa situation il lui est difficile d'opposer davantage qu'une résistance de pure forme, rapidement balayée par la volonté de fer de la Dame de Gardelame. Nivraya, satisfaite d'avoir donné ses consignes, referme la porte de son bureau et retourne à ses affaires les plus urgentes.


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Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! Alyss10

Intérieurement, Alyss est en ébullition, mais malheureusement il est très difficile pour elle de le cacher comme le fait Nivraya. Elle n'a pas sa maîtrise, son talent pour mentir et truquer. Tout se voit sur son visage comme si ses traits ingénus étaient un livre ouvert dans lequel le premier imbécile venu peut lire sans la moindre difficulté. Elle lutte, tente de se discipliner, mais l'humiliation et la frustration rejaillissent sur ses joues qui prennent une teinte rosée, et font briller ses yeux qui jettent de fréquents regards à la porte close du bureau personnel de la Dame. La petite voleuse, courroucée, se trahit par des gestes trop vifs, tranchants, saccadés. Nerveux. Elle est inhabituellement agitée, préoccupée par une intuition qui la taraude, qui la ronge et l'empêche de se concentrer pleinement sur sa tâche.

Raccompagner Verica. Ha ! La belle affaire ! Et pourquoi donc ?

Freyloord, qui l'observe du coin de l'œil en train de passer une veste décente pour sortir en pleine rue, se lève du fauteuil depuis lequel il a assisté à toute la scène et s'approche des deux femmes. Sa lourde carcasse se dresse devant elles comme une véritable muraille, mais Alyss ne semble pas éprouver la moindre crainte en sa présence. Elle lui rend bien deux têtes, peut-être encore davantage, et pourtant ils paraissent se trouver sur un pied d'égalité. Le fait qu'il fasse deux fois le poids de la jeune femme, et qu'il puisse probablement broyer son crâne entre ses paumes, ne change rien à l'affaire. Il baisse sur elle un regard compatissant, et lui pose une main épaisse sur l'épaule. Dans sa voix caverneuse, son murmure ressemble au grognement d'un ours :

- Je vais l'accompagner. Ce sera plus sûr.

Pendant un instant, Alyss est sur le point de protester. Probablement par réflexe, et par esprit de contradiction. Elle a envie de lui dire que c'est sa tâche, et de lui expliquer que même si Nivraya a voulu la sanctionner en lui demandant de s'occuper de cette fille facilement effrayée, ce n'est pas une raison pour qu'elle se défile et se décharge de son fardeau sur quelqu'un d'autre. Plus simplement, elle a envie de s'emporter inutilement contre cette montagne de muscles, seulement responsable de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle a juste besoin de passer ses nerfs sur quelqu'un… de préférable quelqu'un avec le cuir solide. Mais si Freyloord est le candidat idéal pour cela, il n'en demeure pas moins plus intelligent que ne peut le laisser soupçonner son physique de Mûmak, et sa proposition n'est pas qu'une simple courtoisie. Elle comprend après quelques secondes qu'il ne fait pas ça véritablement par charité, mais bien pour laisser à la petite Haradrim l'occasion de discuter avec Nivraya, tandis qu'il s'acquitte de sa mission pour elle. Le regard d'Alyss bascule de l'étonnement presque courroucé vers une tendresse immodérée. Elle pose une main minuscule sur son bras épais comme une bûche, et lui souffle avec une rare affection :

- Merci, Frey…

Il hoche la tête pesamment, esquisse ce qui ressemble à une petite tentative de sourire, avant d'emboîter le pas à Verica qui, si elle n'a pas forcément tout compris à la situation, n'a pas pu manquer de déceler la tension certaine et les jeux complexes qui se manifestent entre Nivraya, sa servante et son immense garde du corps. De quoi la laisser avec davantage de questions que de réponses. Freyloord, plus galant que ne le laisse supposer sa carcasse massive, lui ouvre délicatement la porte et la laisse sortir en premier avant de lui emboîter le pas à travers les rues de la capitale. Annúminas n'est pas une cité dangereuse, du moins pas dans les quartiers que fréquentent la famille de Kervras et la famille de Gardelame. Surtout pas à cette heure du jour, avec tant de gens qui déambulent et vaquent à leurs occupations. Toutefois, les craintes de Nivraya ne sont pas entièrement infondées, et Freyloord en est parfaitement conscient. Les ennemis de sa dame sont nombreux, déterminés, et ils ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins, comme en atteste l'épisode de l'attaque à Gardelame. Aux confins du royaume, des tueurs n'ont pas hésité à essayer de s'en prendre à sa maîtresse pour d'obscurs motifs politiques qui restent encore à éclaircir. Simple jalousie ? Volonté d'une famille de consolider son autorité ? Désir de vengeance ?

Quelle que soit la raison qui les anime, les lames restent des lames, et la mort reste la mort. La prudence est de mise dans ce monde de violence, surtout quand on ignore l'identité des assassins et des conspirateurs. Ne pas savoir signifie également qu'il est important de protéger ses arrières, et bien qu'Alyss ne comprenne pas les tenants et les aboutissants de tous ces jeux de pouvoir, le géant sait qu'il est particulièrement dangereux de laisser sortir de la Chambre une jeune servante sans défense, en possession d'une missive cachetée. Si des espions les observent – ce qui est plus que probable dans cette ville infestée de nobles et de bourgeois en quête d'un scandale, d'un levier pour gagner en influence, ou bien d'une fenêtre de tir pour attaquer Nivraya – et qu'ils voient une proie facile susceptible de leur rapporter des informations, qui les empêchera de s'en prendre à elle ? Une agression aussi rapide que furtive, la lettre volée, et des données potentiellement précieuses tombées dans des mains mal intentionnées. Il suffit d'un homme avec un couteau, déguisé en mendiant… Avec la présence du géant aux côtés de la servante, en revanche, la donne se complique pour les éventuels espions. Qui osera venir essayer de lui chercher querelle, désormais, au risque de causer une rixe violente en pleine rue ? Rixe dont ils ne seront pas sûrs de ressortir vainqueurs.

Cependant, il n'est pas aisé de traverser ainsi la ville avec une montagne humaine pour garde du corps. Et s'il s'agit sans doute de la promenade la moins risquée de Verica dans les rues d'Annúminas, on ne peut pas véritablement la qualifier de discrète. De quoi attirer l'attention de la paire d'yeux qui observe furtivement le passage du curieux duo.


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Le menton lourdement appuyé dans le creux de sa paume, Nivraya ne peut détourner le regard de la lettre qu'elle tient dans sa main tremblante. La lettre de Thorondil. Ses épaules voûtées et ses yeux éteints contrastent de manière surprenante avec l'attitude impériale qu'elle a affiché quelques instants plus tôt en présence de Verica. La distinction et l'élégance ont quitté sa personne, la laissant avec la lassitude et l'affliction pour seul costume. Ses yeux dans le vague relisent inlassablement les mêmes mots. Ceux qui l'ont fait frissonner de terreur quelques instants plus tôt. Ceux qui lui ont transpercé le cœur d'une angoisse incomparable…

« Est-ce qu'il sait ? »

- Évidemment que non, répond-elle à voix basse.

Elle essaie de s'en convaincre. Après tout, il évoqué des inquiétudes concernant son enfant, son enfant unique, sa petite Merilin. Elle est le centre de ses pensées quand il n'est pas à la capitale, bien entendu. Nivraya tente de se rassurer. Elle vide ses poumons en un las soupir. Pourquoi a-t-elle été imaginer toutes ces choses ? Une simple ligne sortie de son contexte, totalement surinterprétée, et il s'en est fallu de peu pour qu'elle défaille devant une servante. Elle frémit de nouveau. Peut-être à cause de ces tournures ambiguës, qui lui ont laissé un goût amer sur la langue, comme après avoir goûté au poison de la trahison, du mensonge et de la tromperie. Son crime adultère, le péché qui grandit dans son ventre… tout cela lui brouille l'esprit, lui fait voir des choses qui n'existent pas, entendre des paroles qui n'ont pas été prononcées. Thorondil, assurément, ne sait rien.

« Mais peut-être qu'il le sent… »

Nouvelle bouffée d'inquiétude, contrée immédiatement par une logique froide et implacable, teintée d'un certain dédain dont elle est coutumière.

- Il n'est pas aussi perspicace…

- Je n'aime pas quand tu parles toute seule.

Nivraya sursaute comme si on l'avait pincée, et bondis hors de son fauteuil. Dans ses yeux, la crainte. Puis la colère.

- Alyss ! Bon sang depuis quand est-ce que… Et… et Verica ? Je t'avais demandé de la raccompagner !

Toute à sa confusion, la noble semble incapable de décider sur quoi jeter son ire : la désobéissance de sa plus fidèle alliée, ou bien la présence de cette dernière au moment où, pour une fois, la Dame de Gardelame a affiché un visage profondément humain et vulnérable. La petite Haradrim, laissant glisser l'orage sur sa peau halée, referme la porte derrière elle, toujours aussi discrète. Un vrai chat. Elle lève les mains pour essayer d'apaiser Nivraya, qui semble en proie à une émotion qui n'est pas tout à fait liée à Verica. De toute évidence, quelque chose la chamboule, et Alyss est bien décidée à savoir de quoi il s'agit :

- Freyloord s'en occupe, lâche-t-elle tranquillement. Tu réagis bizarrement, Niv'… Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Je vais très bien, figure-toi. Pourquoi est-ce que ça n'irait pas ?

La bravade, aussi ridicule qu'inefficace, est écartée d'un revers de la main par Alyss, qui se montre inhabituellement rebelle :

- Tu sais très bien pourquoi, Niv', ne joue pas à ça… Ça te dérange à ce point-là de recevoir une lettre de la part de Thor' ? Ça te dérange qu'il puisse s'inquiéter avant de partir sur ce genre de mission ?

Les sourcils de la Dame de Gardelame se froncent perceptiblement. Elle n'apprécie pas l'accusation silencieuse qu'elle voit poindre sous la critique de son amie, mais elle n'a pas l'intelligence de prendre de la hauteur et de laisser couler. Elle aurait très bien pu arrêter la discussion sans délai, et simplement rétorquer à Alyss qu'elle aurait voulu être prévenue avant de l'arrivée de ce courrier. Cela aurait sans doute fait l'affaire. Mais au lieu de choisir la voie de la raison, peut-être parce qu'elle est fatiguée et sur les nerfs, elle réagit à chaud. Erreur.

- Et pourquoi est-ce que tu t'inquiètes pour lui, maintenant ? Siffle-t-elle sur un ton irrité. Vous êtes soudainement devenus les meilleurs amis du monde ? Tu éprouves de la compassion pour lui ?

La Haradrim hésite, surprise par cette rhétorique agressive et acide à laquelle elle n'est pas habituée. Ou plutôt, dont elle n'est pas habituée à être la cible, car elle a déjà vu Nivraya vilipender des adversaires politiques. Elle n'aurait pas cru être un jour du mauvais côté de la conversation. Repoussée par les questions qui pleuvent sur elle, la voleuse essaie de trouver les mots justes, tout à coup sur la défensive, en position de faiblesse car elle n'a pas l'art de s'exprimer avec autant d'éloquence que la femme rousse. Maladroite, elle rétorque :

- Un peu, oui ! Après tout il t'a sauvé la mise plus d'une fois, tu crois que ce n'est pas normal ?

- Je n'ai pas besoin que tu me rappelles ça, Alyss ! À ton avis, j'ai envie de m'entendre rabâcher à tout bout de champ que je serais morte s'il n'avait pas été là ? Tu crois que c'est ça qui va me faire aller mieux ? Je vois que tu veux prendre sa défense… bravo Alyss… c'est très noble de ta part ! Mais n'oublie pas que les gens comme lui sont aussi doués pour créer des problèmes que pour en régler ! Ils sont pratiques quand on les a sous la main, mais il faut savoir les tenir éloignés de soi pour ne pas trop souffrir de leur présence. Des « cœurs vaillants », de « nobles âmes » ? Des brutes épaisses et sanguinaires, oui !

La jeune voleuse accuse le coup. Les paroles cruelles de Nivraya la touchent plus durement qu'elle ne veut l'admettre, et elle se recroqueville sur elle-même comme pour absorber l'impact d'un choc en pleine poitrine. Le souffle coupé, elle lève des yeux ébahis vers son amie. La Dame semble ne même pas s'en rendre compte, absorbée qu'elle est dans un monologue qu'elle paraît cracher avec tout le fiel que recèle sa personnalité devenue mauvaise depuis quelques temps. Alyss vacille, et lâche dans un murmure :

- Je suis comme lui, Niv'… ?

À mi-chemin entre l'interrogation et l'affirmation, de quoi déstabiliser la noble, qui s'interrompt, interloquée par cette réponse inattendue :

- Comment ça ?

- Je te demande si je suis comme Thorondil… Bonne qu'à être utilisée pour des missions dangereuses… Utile, mais sacrifiable.

C'est au tour de Nivraya de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Ses yeux s'agrandissent légèrement, et sa bouche s'entrouvre tant elle est choquée par ce qu'elle entend. Elle bafouille soudainement, déstabilisée. Alyss… son Alyss, doutant tout à coup d'elle ? Le premier sentiment à l'envahir est une profonde stupéfaction qui la paralyse l'espace d'un instant, avant que le duel entre la honte et la rage ne tourne à l'avantage de cette dernière. Elle se lève comme une furie, et marche droit vers la Haradrim en fulminant :

- C'est ça que tu penses de moi !? Tu penses vraiment que je ne suis bonne qu'à envoyer des gens à la mort, que j'utilise Thorondil, que je t'utilise toi !? Tu crois vraiment que… que… Raaaah !

Son rugissement rappelle à la petite Haradrim des jours meilleurs. Quand Nivraya n'était pas encore cette femme noble engoncée dans son apparence, sa réputation, et ses titres. Quand elle n'était qu'une femme simple, à qui il arrivait de jurer, de s'emporter… C'est cette Nivraya qui émerge tout à coup, et qui donne l'impression de vouloir envoyer à travers la pièce l'objet le plus cher et le plus fragile qu'elle puisse trouver. À défaut de pouvoir briser un vase ou une assiette hors de prix, elle étrangle un adversaire invisible, avant de revenir à son interlocutrice.

- Alyss ! Bon sang, réveille-toi ! C'est Thorondil qui t'a monté contre moi, c'est ça !? Je vois clair dans votre manège… Il n'a pas apprécié d'être envoyé en mission, et il se sert de toi pour faire passer ses messages, pour m'atteindre. D'abord sa lettre… maintenant ça…

- Niv', non, tu sais que c'est faux ! Se défend-elle, sincèrement peinée d'être vue comme une potentielle menace pour celle à qui elle a dédié sa vie.

- Faux !? Mais regarde-toi, Alyss ! Je t'ai tout donné, je t'ai protégée toutes ces années, et voilà que tu me trahis pour ce… ce… ce rôdeur... plus à l'aise sur les routes et dans les campagnes qu'au Sénat où il devrait siéger. C'est à lui que tu veux accorder ta confiance !? Si tu crois que je vous utilise tous les deux, si tu crois que je vais t'envoyer à la mort, pourquoi est-ce que vous ne vous enfuyez pas tous les deux, hein ? Loin de l'horrible femme qui fait tout ce qu'elle peut pour maintenir ce royaume dans le droit chemin ! Je t'en prie, vas-y ! Va donc ! La porte est là, ne te retiens surtout pas !

Ce coup bas fait monter les larmes aux yeux d'Alyss. Elle sait qu'au fond, Nivraya n'en pense rien et que ce sont simplement des mots prononcés sous le coup de la colère… Elle sait que ce sont des paroles blessantes mais maladroites, qui seront rapidement regrettées. Mais en est-elle vraiment certaine ? Leur relation est-elle si solide qu'elle a toujours voulu le croire ? Est-elle aussi indispensable à Nivraya de Gardelame, désormais une des femmes les plus puissantes du royaume ? Maintenant qu'elle a la main sur une bonne partie de l'appareil politique du royaume, pourquoi irait-elle s'encombrer d'une vulgaire voleuse ? La voleuse perd pied. Le monde entier lui semble tout à coup différent, comme si une chose immuable et inaltérable venait tout à coup de s'effriter. Nivraya et elles ne s'étaient jamais disputées. Jamais. Peu importe la difficulté, elle a toujours su pouvoir compter sur elle, et réciproquement, la Dame a toujours su qu'elle pouvait lui faire confiance. Mais il en était de même pour Justar, avant que la situation lors du mariage royal à Minas Tirith ne change tout… Tombé en disgrâce aux yeux de sa propre épouse, le pauvre Justar a tout tenté pour essayer de regagner la confiance de celle-ci. Y est-il parvenu, aujourd'hui ? Y parviendra-t-il jamais ? En essayant de dire ses quatre vérités à son amie, Alyss ne vient-elle pas d'emprunter le même chemin ?

Cette pensée la déchire de l'intérieur, et elle menace de s'écrouler.

- Niv', ne dis pas ça, répond-elle, les mâchoires crispées, au bord des larmes. Tu n'as pas le droit de…

- J'ai tous les droits, ici ! Notamment celui de savoir pourquoi ma servante fricote avec cet aventurier, dans mon dos, pour lui permettre d'introduire sa messagère jusque dans mon sanctuaire.

Nouvelle estocade, peut-être encore plus douloureuse :

- Ta servante ? Niv'…

Cette dernière n'écoute pas, et continue sa litanie comme un archer faisant pleuvoir ses traits précis et mortels sur une cible agitant un drapeau blanc. Mais il n'y a pas de reddition possible, dans l'antre de la renarde :

- Cet endroit est mon sanctuaire, et si j'ai choisi d'y habiter c'est parce que je m'y sens en sécurité, à l'abri… Et toi, tu as jugé bon d'en laisser la clé à un homme qui ne m'a apporté que du malheur ? Pourquoi est-ce qu'il t'a paru judicieux d'intercéder en sa faveur ? Hein ? Pourquoi ça ?

- Parce que c'est le père de ton enfant, voilà pourquoi !

Les mots ont franchi les lèvres d'Alyss sans qu'elle y réfléchisse vraiment. Cependant, pendant les longues secondes qui suivent et s'écoulent dans un silence de mort, elle a tout le temps de regretter ses paroles. Chaque instant semble durer une éternité, qui lui offre le loisir de voir le visage de Nivraya se décomposer. Morceau par morceau. En une phrase, elle a pulvérisé le masque fragile qui se fragmente comme un miroir percuté par un bélier. Et derrière, le néant. Dans ces iris blessés, où l'on a pu lire tantôt la colère, tantôt l'indignation… il n'y a plus rien. Rien qu'un abîme béant de noirceur absolu, un puits sans fond. Un monde de ténèbres et de désolation qui menace d'engloutir toute chaleur, toute joie, toute vie. Alors que le sang reflue du visage de la jeune femme, et que ses yeux verts semblent s'éteindre comme une bougie soufflée par un courant d'air, la voleuse prend la mesure de la blessure qu'elle vient de raviver.

- Niv', je…

Une gifle puissante l'arrête net. Sonore. Des larmes s'envolent au moment de l'impact, et retombent silencieusement sur le sol. Impossible de savoir à laquelle des deux elles appartiennent. S'en suit une longue seconde d'un profond silence, seulement rythmé par leur respiration intense. Lorsqu'Alyss trouve la force de revenir à Nivraya, elle lit dans son regard embrasé la rage de vivre d'une femme emmenée trop souvent aux portes de la mort. Le poids qu'elle porte en son sein lui rappelle douloureusement la peine, le malheur, le sang, et la trahison. Un enfant à naître, symbole de tant de méfaits et de tant de violence… La Haradrim ne peut retenir les larmes qui embuent rapidement son regard. Des larmes de tristesse davantage que des larmes de souffrance.

- Ne répète… plus jamais… ça… assène Nivraya le souffle court, comme si elle sortait d'une bataille. Thorondil n'est pas le père… Tu m'entends ! Il n'est pas le père !

La noble détourne le regard, pour cacher ses propres sanglots. Elle s'appuie lourdement sur son bureau, dos à son amie, incapable de la regarder en face. Pas maintenant. Pas après ça. Pas avant d'avoir recomposé à la hâte un visage présentable, dans lequel elle ne verra pas les cicatrices encore à vif de ses tourments. Elle inspire profondément, agitée de tremblements nerveux. La colère reflue, à l'instar de la marée, en laissant sur le sable de ses pensées le parfum salé de l'amertume. Les secondes défilent. Interminables. Puis Nivraya prend finalement la parole. Sa voix a changé. Brusquement redevenue humaine.

- Je suis désolée, Alyss… Oh par les Valar pardonne-moi…

Pas un son en retour.

La Dame se retourne, et ses yeux émeraude se posent sur la porte désormais ouverte. La voleuse, quant à elle, s'est envolée. Toujours aussi discrète.

Comme un chat.


Un chat échaudé.

#Nivraya #Thorondil #Alyss
Sujet: Annúminas
Ryad Assad

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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Annúminas    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 27 Mar 2017 - 1:25
« Annúminas fut bâtie par Elendil en 3320 du Deuxième Âge sur la rive sud du Lac Evendim, près de la source du Baranduin, et elle devint la capitale du Royaume d'Arnor. On y gardait la Clairvoyante d'Annúminas, un des trois Palantíri du Nord. Elle fut probablement abandonnée au profit de Fornost lors de la division de l'Arnor, et tomba en ruine au cours des siècles suivants. Au début du Quatrième Âge, le Roi Aragorn rebâtit la ville pour en faire sa capitale. »

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Grande cité du Nord de la Terre du Milieu, Annúminas impressionne par ses dimensions spectaculaires. Il ne surprend personne d'apprendre que la ville a été pendant près de trois siècles la capitale du Royaume Réunifié. Sa rénovation récente fait de cette place-forte une des constructions les plus modernes de la Terre du Milieu. L'architecture urbaine a été pensée pour convenir à la haute noblesse, et on y trouve de larges avenues, des places et des fontaines magnifiques. Le superbe panorama sur le lac Evendim est visible depuis les bâtiments qui s'élèvent plus haut que les grandes murailles. Ceux-ci ont été construits dans le style núménoréen que l'on peut retrouver à Minas Tirith, mais en y ajoutant des influences plus modernes qui donnent à la ville un charme particulier. En été, Annúminas est une ville agréable à vivre, et sa population chaleureuse n'hésite pas à se montrer en ville, sur les marchés animés qui concentrent les productions des alentours. Les hivers, cependant, sont beaucoup plus rudes et la ville est régulièrement plongée sous des pluies diluviennes ou d'abondantes chutes de neige qui ternissent la beauté du paysage. Alors, chacun préfère rester chez soi, occupé à trouver un peu de chaleur en attendant des jours meilleurs.

Dans la plus pure tradition du Royaume Réunifié, la cité reste avant tout un point défensif, et un très fort contingent militaire est présent entre les murs pour assurer la sécurité des principaux personnages du royaume. C'est notamment le siège de la très célèbre Garde de la Rose, le régiment le plus prestigieux de l'armée d'Arnor qui fait office de garde personnelle au Roi. En dépit de la forte militarisation de la ville, il ne règne pas une atmosphère oppressante et la vigilance des soldats garantit aux sujets une certaine quiétude.

~~ Personnages importants de la région ~~



- ALDARION ANGLAREB -
Roi de l'Arnor, Prince de Gondor

Le Roi Aldarion est un des monarques les plus puissants de la Terre du Milieu. Homme de guerre avant d'être un homme de cour, il n'a jamais rechigné à partir au combat avec ses armées et s'est forgé une solide réputation de bretteur sur le champ de bataille. Certains de ses barons le considèrent comme tyrannique, d'autres comme simplement désireux de raffermir le pouvoir royal en Arnor, mais il est certain qu'Aldarion dirige son royaume avec poigne. Cependant, la mort tragique de la feue reine Elaera, puis le terrible assassinat des trois héritiers au trône, ont affaibli considérablement l'homme comme le monarque. Son récent mariage avec la Princesse de Dale participe d'une nouvelle politique visant à donner une image plus humaine au pouvoir royal, et certainement à remplacer la lignée perdue.



- DINAELIN -
Reine de l'Arnor, Princesse de Dale

Née Dinael, qui signifie « Reine du Lac », il semblait bien que la destinée la Princesse de Dale était toute tracée. Grâce à son mariage avec le Roi Aldarion, elle est en effet devenue la Reine d'Arnor Dinaelin, « Reine des Lacs » en référence au lac Evendim sur les berges duquel est bâtie la capitale Annùminas. En dépit de son jeune âge, la personnalité de la souveraine est bien affirmée et elle a su s'entourer de conseillers précieux pour remplir ses tâches au mieux. Amatrice d'arts et de culture, elle s'efforce de développer ces aspects dans son royaume, sans manquer naturellement à ses devoirs. Son caractère et son éducation à la cour de Dale l'inclinent à se montrer proche du peuple, dont elle écoute volontiers les doléances. Hélas, il semblerait que le premier héritier de la Reine se fasse attendre, suscitant de plus en plus d'inquiétudes.



- PALLANDO -
Conseiller de la Reine Dinaelin

Toujours rasé de près, toujours vêtu de bleu, et toujours de bon conseil. Voilà comment la plupart des gens décriraient Pallando. Personnage nouveau de la cour d'Annùminas arrivé en même temps que la nouvelle souveraine, il a su s'imposer comme une figure incontournable pour les nobles de tous horizons qui se plaisent à venir converser avec lui. On raconte même qu'il partage sa sagesse avec l'Intendant Enon qui ne rechigne jamais à solliciter son avis. Pourtant il demeure assez discret et réservé, peu intéressé par la fortune ou le prestige que pourraient lui conférer sa position. Particulièrement protecteur vis-à-vis de la jeune Reine, Pallando veille en permanence à ce que ni sa vie ni ses intérêts ne soient menacés.


- SIRION IBN LAHAD -
Intendant du Royaume d'Arnor

Khandéen d'origine, celui qui se fait surnommer "Le Fantôme" a longtemps oeuvré dans l'ombre pour protéger les intérêts de l'Arnor et de son Roi. Commandant emblématique de la Rose Noire, il a été une des figures centrales du combat contre l'Ordre de la Couronne de Fer en Arnor et ailleurs. Et alors que la paix revient dans le royaume, Aldarion a décidé de récompenser l'un de ses plus fidèles sujet en lui confiant l'Intendance du Royaume. Combattant d'expérience mais novice en politique, Sirion aura fort à faire pour lever les doutes à son sujet.  


- ALETH ENON -
Ex-Intendant du Royaume d'Arnor

Aleth Enon est un personnage central du royaume d'Arnor. Politicien hors pair, doté d'une intelligence redoutable, il a d'abord été le conseiller personnel du Roi Irimon, avant de devenir Intendant d'Arnor sous le Roi Aldarion. Sa fidélité à la couronne n'est plus à prouver. Considéré comme un habile meneur de débats, il sait s'entourer et rassembler autour du Roi une majorité de nobles. Depuis la chute de l'OCF, il est cependant moins en vue. Rattrapé par son âge, il a cédé son poste d'Intendant au loyal Sirion Ibn-Lahad, bras armé de l'Arnor. Officiellement à la retraite, Aleth reste cependant un conseiller de choix pour Sa Majesté et dispose toujours d'une grande influence auprès des puissants d'Arnor.


- NIVRAYA ALEN DE GARDELAME -
Assistante de l'Intendant d'Arnor

Nivraya est un cas presque unique en Arnor, où les femmes ne tiennent habituellement pas de rôles aussi prestigieux. Retorse, froide et calculatrice, c'est une femme politique rompue aux arcanes de la manipulation et de la tromperie. Elle met ses incroyables talents au service de l'Arnor, qui lui garantit un statut social et un prestige auxquels elle tient. Ses ennemis lui ont fait payer au prix fort sa promotion rapide, mais elle est toujours vivante et bien déterminée à raffermir le pouvoir d'Aldarion par tous les moyens. Désormais au service du charismatique Sirion Ibn-Lahad, l'ambitieuse jeune femme a une opportunité en or de continuer à faire croître son influence



- THALION « THORONDIL » DE KERVRAS -
Fauconnier du Roi

Thalion de Kervras, que tout le monde ou presque connaît sous nom nom usuel de Thorondil, est un guerrier dans l'âme. Arpenter les champs de bataille aussi longtemps que lui n'est évidemment pas sans conséquences, et un terrible coup l'a laissé cruellement mutilé au visage, le privant progressivement de sa vue. Conscient que son sort était scellé, il a décidé de consacrer ses dernières années à combattre le mal partout, revenant même en Arnor pour aider le Roi Aldarion à regagner son trône. C'est ce fait d'armes qui lui a valu sa notoriété actuelle, à laquelle il aurait préféré échapper. Figure montante de la noblesse arnorienne, homme de confiance du Roi, il suscite l'intérêt de tous les nobles ayant une fille à marier.



- BALLAS -
Capitaine de la Garde de la Rose Blanche

Ballas est un guerrier accompli, ami d'enfance du Roi Aldarion à qui il voue une loyauté sans failles. Vétéran de nombreuses batailles, notamment la Bataille du Nord, il s'est également illustré lors de la lutte contre l'Ordre de la Couronne de Fer. Quand Rousnou fut démis de ses fonctions, Ballas fut nommé à la tête de l'unité la plus prestigieuse de l'armée d'Arnor, qu'il dirige d'une main de fer. Dur mais juste, il exige toujours le meilleur de ses hommes qui le suivent aveuglément.
Sujet: L'éloquence des femmes n'est pas toujours muette
Nivraya

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Rechercher dans: Le Palais des Rois d'Arnor   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éloquence des femmes n'est pas toujours muette    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 28 Sep 2016 - 23:44
Inspire.

Expire.

Inspire.

Elle toque à la porte doucement, et maîtrise la nausée qui a menacé de s'emparer d'elle sur le trajet. Lissant soigneusement ses robes, tirant sur ses manches, ajustant sa coiffure, elle attend avec fébrilité qu'on vienne lui ouvrir. La porte de bois vernis, gardée par deux hommes qui ne lui adressent pas même un regard, affiche de superbes sculptures finement ouvragées qui figurent des animaux fantastiques et des paysages imaginaires. Des feuilles de vigne s'entortillent autour de branches si réalistes que l'huis ressemble à un passage vers le cœur d'un arbre. Ne pas y toucher. Ne pas céder à la tentation de caresser la tiédeur du matériau, ne pas goûter à ce plaisir de roturier qui n'a rien à faire chez une aristocrate, une femme noble et distinguée bien au-dessus de ces choses triviales. Elle se compose un air de circonstance, et lorsqu'elle entend bientôt le loquet bouger à l'intérieur, elle se redresse par réflexe. Le battant glisse silencieusement sur ses gonds parfaitement huilés. Elle s'incline en une révérence protocolaire parfaite, et comme le veut la règle se fend d'un :

- Votre Majesté.

- Dame Nivraya, je suis enchantée de vous voir. Mais je vous en prie, entrez donc.

La femme aux cheveux roux lève la tête vers son interlocutrice. Son sourire éclatant est, lui aussi, de circonstance car ses yeux ont l'air curieusement tristes et préoccupés. Rien qui ne saurait abattre la flamme que l'on voit danser au fond de ses iris royaux, néanmoins. La splendide nouvelle Reine d'Arnor, Dinaelin fille de Gudmund, n'en finit pas de faire forte impression sur les gens qui l'entourent, et Nivraya se laisse subjuguer par son charisme. Elle associe une profonde dignité qui force le respect, à une simplicité qui ne fait que grandir sa personne. S'effaçant pour laisser entrer son invitée, elle referme la porte elle-même sans avoir eu besoin de serviteurs pour cela. Pénétrant pour la première fois dans les « appartements de la Reine », une sorte de salon privé dans lequel Dinaelin reçoit ses invités et ses conseillers personnels, Nivraya ne peut s'empêcher de laisser son regard glisser sur le mobilier et la décoration. Les choix de sa souveraine ne la surprennent guère, et comme il est de notoriété publique que cette dernière est une amatrice d'art, les tableaux et les fresques qui décorent son intérieur ont tout à fait leur place. Le regard de celle qui, en définitive, n'est qu'une petite chose face à cette puissante monarque, accroche par hasard un tableau particulier que la propriétaire des lieux a fait faire encadrer et accrocher au mur. Cette dernière, captant son regard, sourit avec davantage de sincérité et lance :

- C'est votre tableau, oui. Je trouve qu'il est tout à fait à sa place ici.

- C'est trop d'honneur, Votre Majesté.

Ne pas la contredire. Ne pas la contredire même si ce présent semble bien étrange au milieu de tableaux de maîtres, réalisés par des artistes reconnus. Ne pas rougir, non plus. Ce serait inconvenant. Nivraya pose son regard sur le reste de la pièce, captant un mouvement sur sa gauche. Quelqu'un, installé dans un fauteuil, vient de se lever. Immédiatement, la jeune femme s'incline de nouveau, sans cacher cette fois sa surprise :

- Votre Altesse, je… J'ignorais que vous étiez présente, pardonnez-moi.

- Je vous en prie, réponds Poppea avec amusement. Je suis ravie de vous voir, Dame Nivraya.

La situation prend une tournure singulière tout à coup, et la dernière arrivée ne peut que s'interroger sur la raison de cette invitation. Elle n'ose, pourtant, formuler sa question à voix haute de crainte de se montrer trop méfiante, trop sur la défensive. Toutefois, son attitude trahit immanquablement son hésitation. Poppea d'Arnor, encore héritière du trône à l'heure actuelle, esquisse un sourire à l'attention de Dinaelin en lui glissant :

- Je devine que Dame Nivraya ne connaît pas la raison de sa présence ici. Nous devrions lui expliquer pourquoi nous sommes toutes trois rassemblées, je suppose que cela apaiserait les craintes que je discerne dans son regard.

Nivraya frémit légèrement, se sentant soudainement fiévreuse. Elle se retient de s'appuyer sur la commode à ses côtés, pour ne pas trahir son instant de faiblesse. Avec beaucoup de maîtrise, elle répond :

- Je ne ressens pas de crainte en votre présence, Votre Altesse, ni en la vôtre Votre Majesté. Je suis seulement surprise de me voir en si illustre compagnie, alors que je n'appartiens pas à la haute noblesse de notre royaume.

Dinaelin acquiesce silencieusement, puis enjoint ses invitées à l'imiter en prenant place sur les fauteuils confortables qui leur sont offerts. Elle remplit les deux premiers verres d'un vin délicat qui les observe à travers les parois transparentes de la carafe où il est retenu, mais Nivraya interrompt son geste en lui demandant plutôt de l'eau. Une fois la demande satisfaite, les trois femmes lèvent leur verre, et le moins bon tiers de la réunion termine sa boisson d'un trait comme si elle était assoiffée. Elle n'a pas pu se retenir.

Inspire.

Expire.

Elle retrouve la maîtrise d'elle-même, et se tient prête à écouter Dinaelin qui, son léger étonnement passé, feint de n'avoir rien vu pour commencer son explication :

- Dame Nivraya, j'ai ouï dire que vos récentes enquêtes menées au nom de la couronne d'Arnor vous avaient conduit à émettre un certain nombre de recommandations à notre très estimé Intendant Enon, concernant particulièrement la sécurité des personnes d'importance, la traque et la neutralisation des menaces internes au royaume, ainsi que la mise en place d'une nouvelle politique pour la gestion de nos forces armées. Sauriez-vous m'en dire davantage ?

Nivraya ne peut s'empêcher de tiquer. Il s'agit là d'un rapport confidentiel, remis en main propre à l'Intendant pour lui seul. Comment la Reine a pu en avoir connaissance ? C'est un mystère. Il est de notoriété publique que le conseiller de la Reine, sire Pallando, est en très bons termes avec Aleth Enon, mais de là à imaginer qu'il aurait pu lui révéler de tels secrets d’État, il y a un monde. Poppea, qui se contente d'observer pour l'heure, pourrait également avoir usé de son autorité pour avoir accès au contenu de cette lettre, mais dans quel but ? Coincée, Nivraya n'a d'autre choix que de répondre à sa suzeraine :

- Vous… Vous semblez avoir déjà pris connaissance de mon rapport, Votre Majesté. Dans les grandes lignes, du moins. Permettez-moi de vous éclairer en détail sur mes propositions. Les forces armées du royaume sont soumises à une chaîne hiérarchique qui dépend principalement de la compétence des officiers et des nobles qui constituent sa colonne vertébrale. Cependant, dans mon rapport, je questionnais la nature du poste de Tribun, qui est bien davantage qu'une distinction honorifique comme vous le savez. Avoir confié une telle responsabilité à sieur Neldoreth, que l'on dit actuellement en mission pour la Couronne, me semble être une très mauvaise idée. Non pas que l'homme m'apparaisse comme un renégat, mais j'ai la conviction que nos forces armées seraient mieux gérées si le poste éminemment important de Tribun n'était pas entre les mains d'un aventurier absent de la capitale ou d'une des principales villes du royaume. Sa disparition, même pour des motifs tout à fait valables, sème le trouble et l'inquiétude chez les soldats qui cherchent désespérément à se tourner vers des figures de confiance, des hommes capables et des meneurs à même de les guider conformément aux directives royales.

Nivraya marque une pause. Elle n'a rien de personnel contre Forlong, un homme reconnu pour son mérite dans le royaume d'Arnor, mais qui lui apparaît bien trop comme un loup solitaire et moins comme un chien de guerre. Les Tribuns d'Arnor occupent des postes cruciaux dans la gestion de la défense du pays, mais ils peuvent également devenir un facteur de troubles. Leur capacité à mobiliser des troupes rapidement, à surpasser toute autorité sinon celle du roi, et à s'imposer aux autorités civiles en cas de besoin en font des éléments dangereux qui doivent être mieux contrôlés. Laisser un homme paré des insignes de Tribun s'évanouir dans la nature alors qu'il a déjà déserté son poste n'est pas prudent. Loin de là. Les hommes tels que lui sont imprévisibles et incontrôlables. Dinaelin semble ne pencher dans aucune direction, et elle s'abstient de tout jugement concernant le Tribun en question. C'est Poppea qui reprend alors :

- Et que pensez-vous que soit parti faire le nouveau Tribun, à votre avis ?

La question laisse planer des sous-entendus qui mettent Nivraya particulièrement mal à l'aise. Elle se voit obligée de confesser :

- Je l'ignore, Votre Altesse… Je n'ose m'avancer, mais je suppose que ce doit être une mission secrète. Aucun régiment n'a été mobilisé sous les ordres du Tribun, et seuls quelques hommes ont été recrutés dans la plus grande discrétion pour une mission non spécifiée. Je suppose que seuls le Roi Aldarion et vous-mêmes en savez davantage.

- Nous n'en savons rien, Dame Nivraya. Il semble que Aldarion et l'Intendant Enon prennent des décisions dans un cercle restreint, sans étendre leur confiance à quiconque. Êtes-vous au fait de la missive ?

Nivraya observe tour à tour Poppea, puis Dinaelin :

- Sauriez-vous être plus spécifique, Votre Altesse ?

- La missive des Érudits.

Le nom sonne particulièrement solennel, et Nivraya ne peut s'empêcher de porter la main à ses tempes qui soudainement lui font très mal. Elle ne ferme les yeux qu'une seconde, trahissant une gène bien plus profonde et bien plus insidieuse. Retrouvant le contrôle de son corps rapidement, elle répond avec assurance :

- Je n'ai pas entendu parler d'une telle missive. Pas plus que je n'ai entendu parler des Érudits que vous mentionnez. De qui s'agit-il ?

Dinaelin fait la moue :

- Dame Nivraya, êtes-vous certaine que rien de tel n'a été mentionné dans une conversation concernant l'Intendant Enon ? Qu'il n'a pas, par votre biais ou par un autre, demandé à quelqu'un de s'occuper d'une affaire de la plus haute importance impliquant de retrouver quelque chose, n'importe quoi ?

Nivraya s'agite sur son siège. Tout à coup, elle a l'impression d'être prise entre deux camps, la Reine et le Roi, Poppea et Aleth. Deux camps qui devraient n'en faire qu'un, mais qui de toute évidence se cachent des choses réciproquement. Pourtant, elle ne peut mentir à sa suzeraine, même si pour cela elle doit quelque part révéler des choses qui devraient rester cachées :

- Votre Majesté, je vous assure que j'ignore tout de cette affaire. Je… Un grand nombre de documents transitent par moi, c'est certain. Cependant, tout ce qui a trait aux secrets de l'armée ou aux renseignements qui nous sont fournis à l'intérieur et à l'extérieur du royaume ne m'est pas accessible. L'Intendant s'occupe personnellement de ces questions. Je peux uniquement vous affirmer que, si une telle directive avait été donnée de manière officielle à nos soldats, j'en aurais été informée. Je n'ai vu nulle part également de mention de soldats mobilisés sans ordre de mission particulier, comme cela a par exemple été le cas avec le Tribun Neldoreth. Je crains de ne pouvoir vous être très utile à ce propos…

Poppea secoue la tête négativement :

- Au contraire, Dame Nivraya, vous nous serez d'un grand secours. Nous avons des raisons de penser que les menaces qui pèsent actuellement sur le royaume ne sont pas vraiment prises en compte par nos hommes au pouvoir. Parce qu'ils n'y croient pas, parce qu'ils ne veulent pas les voir ou qu'ils n'y accordent guère d'importance. Dans tous les cas, il y a lieu de penser que Aldarion et Aleth laisseront cette menace grandir, et nous ne sommes pas prêtes à laisser cela arriver. Pas encore.

- J'entends bien vos inquiétudes, Votre Altesse. Cependant, que puis-je faire dans ma position ? Si le Roi et l'Intendant refusent d'écouter vos honorables avis, que feraient-ils de celui d'une simple assistante ?

Dinaelin repose son verre sur la table, et dans son regard on lit une lueur difficile à cerner :

- Si vous étiez vous-même Intendante, vous pourriez changer les choses, n'est-ce pas ?

Nivraya perçoit clairement la nausée revenir.

Inspire.

Expire.

Rester calme. Rester parfaitement calme. En d'autres circonstances, les propos de la Reine pourraient passer pour séditieux. Mais il s'agit de la Reine d'Arnor, qui n'œuvrerait jamais contre les intérêts du royaume. Encore moins Poppea, une des personnes les plus dévouées à la couronne. Non, décidément il y a quelque chose d'autre, forcément. Les deux femmes attendent une réponse. La troisième déglutit. Elle a la gorge sèche. Elle cherche à boire une gorgée d'eau, mais son verre est vide. Pas de panique. Pas de panique. Surtout, pas de panique.

- Je suppose, répond-elle prudemment, que je ferais les choses différemment. Si… si les menaces dont vous parlez sont si importantes, je prendrais assurément des mesures pour au moins découvrir quelle est leur source, et peut-être, par ailleurs, les contenir. Je… ne peux imaginer que l'Intendant Enon soit enclin à laisser le royaume courir un péril mortel. Il doit avoir… avoir des raisons.

Elle n'a pas pu s'empêcher de ramener Enon à la conversation. Comme pour se convaincre qu'elle n'est pas en train de faire quelque chose dans son dos. Dans le dos de l'homme qui lui a fait confiance, qui l'a hissée à cette position prestigieuse malgré tout. Un homme qui a fait beaucoup pour sa notoriété, mais qui a également peint une cible dans son dos. Le prix de la gloire. Elle frémit de nouveau, et cette fois son tremblement ne passe pas inaperçu. Poppea l'interroge du regard. Dinaelin par le verbe :

- Dame Nivraya, allez-vous bien ? Vous semblez gênée… Je vous assure que cette conversation est parfaitement privée, et que vous êtes en droit d'exprimer vos inquiétudes en toute liberté. Rien de ce que vous direz ici ne sera rapporté à…

- Votre Majesté, l'interrompt brusquement Nivraya, qui se sent soudainement faiblir. Je… Je…

Elle essaie de se lever, mais son bras glisse sur l'accoudoir et elle trébuche misérablement, terminant à genoux sur le tapis hors de prix. Dans la seconde, ses deux hôtes se portent à ses côtés, l'assaillant de questions, essayant de déterminer dans le même si elle va bien, ce qu'elle a, ce dont elle a besoin, et mille autre choses qui donnent le tournis à la pauvre invitée, anormalement blafarde. Elle leur fait signe que tout va bien, mais avant d'avoir pu trouver la force de convaincre quiconque, elle entend Poppea se lever pour aller chercher un guérisseur de toute urgence.

- N'en faites rien, je vous en prie ! Tente-t-elle.

- Je vous assure que ce n'est rien, Dame Nivraya. Restez calme. Ce n'est qu'une faiblesse passagère, rien qu'un peu de repos et quelques décoctions ne pourront combattre. On dit que vous travaillez beaucoup, et je gage que vous n'avez pas pris suffisamment de temps pour vous remettre après les récents… événements…

La jeune femme rousse lève la main, comme pour implorer Poppea qui se trouve déjà à la porte, prête à l'ouvrir pour intimer à l'un des gardes en faction d'aller trouver quelque homme de confiance pour venir examiner une femme ayant fait un malaise. Les yeux de Nivraya s'embuent. Elle tempête intérieurement contre son impuissance, contre sa maudite faiblesse étalée au grand-jour, contre sa stupidité sans bornes. Ses mâchoires crispées se desserrent légèrement et elle souffle :

- Je vous en supplie, Votre Altesse, n'appelez personne… Je… Je suis enceinte…

Poppea interrompt immédiatement son geste, main tendue presque posée sur la poignée. Dinaelin, toujours agenouillée aux côtés de Nivraya, se laisse aller à une palette d'expression proprement stupéfiante. D'abord une joie sincère, pure et spontanée, avant de glisser doucement vers une forme de tristesse et peut-être de jalousie. Puis, revenant à la première concernée et voyant sa réaction désenchantée, à une inquiétude pleine de sollicitude.

- Dame Nivraya, c'est… c'est une excellente nouvelle, je l'ignorais tout à fait !

- Je vous remercie, Votre Majesté. Personne n'est au courant pour l'heure.

Poppea revient vers elles avec un sourire, et un trait d'humour :

- Sauf le père de l'enfant, naturellement.

La nausée revient.

Inspire.

Expire.

- Je crois que je vais vomir.

#Dinaelin #Nivraya #Poppea
Sujet: [Gardelame] La nuit la plus longue
Nivraya

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Rechercher dans: L'Arnor   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [Gardelame] La nuit la plus longue    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 21 Juin 2016 - 16:21
La pluie continue de tomber, jetée férocement contre les murs de la forteresse par le vent qui souffle en tempête, s'engouffrant dans les rues et les passages, accélérant comme s'il prenait son élan pour venir s'écraser sur les pauvres âmes qui tentent de rester droites au milieu de ce chaos. Le calvaire pénètre violemment dans la maison quand la porte s'ouvre, et ils rentrent à l'intérieur, frissonnant, rejetant leurs vêtements de pluie trempés pour dévoiler leurs visages. La fatigue se lit sur leurs traits, de même qu'une forme de soulagement. Enfin. Enfin à l'abri. Le premier passe la main dans ses cheveux pour tenter vainement d'en chasser les gouttelettes qui dégoulinent le long de ses longues mèches brunes, et se tourne de droite et de gauche en regardant autour de lui. Les autres commencent à faire de même, apparemment à la recherche de quelqu'un qu'ils ne parviennent pas à localiser :

- Mils ? Appellent-ils.

Personne ne répond. Tout est silencieux. Il est tôt dans la journée, certes, mais Mils est d'ordinaire relativement matinal, et il n'aurait pas manqué d'entendre le bruit des chevaux à l'extérieur malgré les éléments déchaînés. Les deux hommes et la femme, las d'appeler, finissent par déposer leurs vestes sur une malle, alors que le plus âgé se tourne vers le plus jeune :

- Justar, tu avais donné congé à Mils ?

- Non père, et j'avais même laissé des hommes en faction ici. C'est curieux qu'il n'y ait personne… Même les torches sont éteintes…

Un bref silence s'installe entre les deux hommes, qui ont reçu une éducation guerrière et dont le caractère les pousse à s'inquiéter automatiquement pour ce genre de détails. Il fait anormalement frais entre ces murs qui leur sont pourtant familiers, mais ce n'est pas la température qui leur jette un frisson le long de l'échine. Un mauvais pressentiment, irrépressible, les saisit. Ils ont tous les deux l'épée au côté, et par réflexe ils y portent la main. Ce geste n'est pas pour rassurer la seule femme du groupe, épouse du plus âgé, qui lui prend le bras en lui demandant :

- Que se passe-t-il ? Vous m'inquiétez tous les deux.

- Ce n'est pas normal, Alva. Reste avec nous. Justar, ouvre la voie je te prie.

Les lames chantent en quittant leur fourreau, davantage par sécurité que parce qu'ils ont clairement identifié une menace. Toutefois, il est plus sûr d'avoir l'arme en main que de regretter par la suite de n'avoir pas su prendre les précautions qui s'imposent. Les trois silhouettes attaquent le couloir sur leur droite, en restant aux aguets, essayant de ne pas faire de bruit. Ils connaissent le Palais Blanc comme personne, bien entendu, mais aujourd'hui il leur semble soudainement hostile, mystérieux et dangereux. Au lieu de déambuler dans ses corridors baignés de lumière d'un pas guilleret, ils progressent prudemment, se méfiant de chaque embranchement, de chaque recoin sombre où pourrait se tapir un assaillant. Alva ne peut s'empêcher de rompre le silence pesant :

- Baralhar, attends… Si Nivraya est ici, il faut aller la chercher en premier. Nous devrions commencer par les chambres.

Les deux militaires, songeant à la même chose, ont bien évidemment mis le cap sur l'aile où dorment leurs serviteurs et les hommes d'armes qui gardent leur demeure. Rester groupés, chercher du renfort, et faire un état des lieux de la situation. Sans se concerter, ils ont pensé à la même chose, mais la logique d'Alva de Gardelame les ramène à la raison : il y a des âmes qui doivent être sauvées d'abord, et Justar doit penser à son épouse avant tout. En vérité, il y a pensé. Cependant son infirmité, son bras droit manquant, ne lui permet pas de voler au secours de sa chère et tendre comme il l'aurait dû.

- Justar, retrouve Nivraya. Nous continuons par ici. Dépêche-toi.

Le fils prodigue, dissimulant son inquiétude, hoche la tête fermement et fait demi-tour, courant à toutes jambes pour rejoindre la chambre conjugale. Il sait que se précipiter n'est pas la meilleure idée si quelqu'un s'est introduit dans le Palais, mais son objectif est de retrouver sa femme, peu importent les risques. Il attaque les marches quatre à quatre, courant à en perdre haleine, à en perdre l'équilibre. L'épée dans sa main gauche le fait vaciller légèrement, alors il marque une pause dans l'escalier, levant la tête pour observer autour de lui. Si quelqu'un s'est introduit ici, sera-t-il réellement en mesure de l'affronter ? Difficile à dire. Il reprend sa progression, plus lentement cette fois. Ses pas claquent si faiblement sur le marbre qu'il a l'air de glisser sur le sol. Il franchit une série de portes, les yeux rivés sur celle de la chambre qu'il partage avec Nivraya. Sa respiration s'accélère, et il fait de son mieux pour se calmer. Il ne doit pas paniquer. En aucun cas. Maladroitement, il pose sa main unique sur la poignée, et ouvre la porte doucement…


~ ~ ~ ~


Les draps froissés glissent sur la jambe de la jeune femme, laissant apparaître sa peau nue et veloutée alors qu'elle se retourne. Sa tête vient se nicher au creux d'une épaule virile, et ses bras fins repliés contre sa poitrine féminine trouvent un peu de chaleur contre le torse large et puissant du guerrier allongé à ses côtés. Elle dort encore. Ses fines paupières refermées sur ses sublimes yeux verts cachent à sa vue la réalité d'un monde d'une violence incomparable. Sa respiration se cale instinctivement sur celle du fauconnier, sa tête se soulevant en même temps que ses poumons se gonflent. Rien ne vient troubler la quiétude de ce lit. Ni les rugissements du ciel qui a achevé depuis plusieurs heures de cracher ses éclairs. Ni l'accusation silencieuse des cadavres gisant sur le sol. Pas même le froid qui s'engouffre par la fenêtre brisée, dont les éclats translucides, tranchants comme des lames de rasoir, sont éparpillés sur le parquet hors de prix. Un bras entoure ses frêles épaules, la protégeant même dans son sommeil contre tout mal.

Nivraya s'éveille timidement, battant des cils comme si elle émergeait d'un tunnel de ténèbres pour plonger soudainement dans un royaume de lumière. Ses traits qui jusqu'alors ont affiché une forme de sérénité retrouvent soudainement leur expression soucieuse habituelle. Coupable, elle se rapproche un peu plus de Thorondil, laissant sa jambe fine envelopper la sienne tandis qu'elle se recroqueville contre lui. Nus tous les deux, ils n'ont pas trouvé la force de regagner leurs vêtements après avoir consommé leur crime dans la luxure et la passion. Ils se sont endormis là, coupables, sans pourtant penser au lendemain. Terrassés par la fatigue, par la douleur, ils se sont laissés aller à une impulsion, à une pulsion dévorante qui a scellé définitivement le cauchemar de cette nuit affreuse dans leurs mémoires, dans leurs chairs, dans leurs âmes. La jeune femme sent des larmes discrètes couler le long de ses joues…

Mais qu'a-t-elle fait ?

Elle est terrorisée. Elle ne se reconnaît pas le moins du monde dans ce personnage cruel et égoïste. Pas elle. Pas ici. Ce qu'il vient de se produire lui semble absolument irréel. Tant de violence, tant de colère, tant de désespoir… Et elle ne songe qu'à sa nuit fiévreuse passée en une compagnie qu'elle n'a pas désiré. Le bras se referme un peu plus fort autour d'elle, et elle sent des doigts fins entrer en contact avec ses reins. Elle lève le menton, mais le fauconnier a toujours les yeux fermés et sa respiration est profonde. La nuit et les rêves n'ont pas encore décidé de le libérer, et ses gestes de tendresse ne sont que les réflexes d'une autre vie, d'un chemin qu'il n'a pas choisi. La confusion s'empare de la jeune femme qui, incapable de quitter la chaleur de cet homme, sait toutefois qu'elle ne peut rester à ses côtés. Elle a enfreint la loi, franchi la ligne, et brisé quelque chose qu'elle ne pourra plus jamais retrouver. Mais elle ne peut s'éloigner…

Et soudain, un hennissement.

Elle écarquille les yeux de terreur pure. Sa réaction est si vive et si violente que Thorondil ne peut que se réveiller en sentant la jeune femme s'électrifier sous ses doigts, comme si elle avait été frappée par la foudre. Il met un instant à comprendre, mais sa vue de toute évidence revenue lui permet de mieux prendre conscience de son crime adultère. Il faut dire que la vision d'une femme aussi belle, dans le plus simple appareil, si proche qu'il pourrait la cueillir en tendant le bras, peut détourner même des problèmes les plus urgents. Mais Nivraya n'est pas aussi abasourdie que le fauconnier, et elle réagit avec davantage de promptitude à cette nouvelle menace.

- Dépêchez-vous ! Mon mari, il… !

Elle ne sait comment l'expliquer, mais les implications sont plus que claires. Elle se jette hors du lit, rejetant draps et couvertures sans prendre le temps de s'en envelopper. Elle bondit dans ses vêtements éparpillés, insensible presque aux corps froids qui gisent sur le sol et qui lui renvoient cruellement les souvenirs de cette trop longue nuit. Elle s'habille, tournant ostensiblement le dos à Thorondil, incapable d'échanger avec lui le moindre regard. Elle n'en a pas la force. Lui, sa présence… il est le symbole qui cristallise tout ceci, toute cette furie sans nom et cette débauche dans laquelle ils ont plongé. Elle l'entend s'habiller frénétiquement, bouclant sa ceinture qui cliquette en produisant ce son caractéristique. Elle l'entend jeter son épée dans son fourreau, ajuster sa chemise, tandis qu'elle-même tire sur les manches de sa robe pour essayer vainement d'en lisser les plis. Elle ramène sa chevelure flamboyante derrière sa tête en une queue de cheval maladroite. Ses mains tremblent, son cœur bat la chamade, et elle sait déjà que lorsqu'elle verra Justar, il lui faudra faire preuve de plus de courage que jamais.

Derrière elle, Thorondil s'approche et elle perçoit sans le voir qu'il veut lui dire quelque chose. Elle s'esquive, physiquement d'abord, en se plaçant soigneusement hors de portée. Elle ne veut pas qu'il la touche, pas même pour la réconforter. Elle évite la confrontation verbale, ensuite, en prenant l'initiative. Elle ne veut pas entendre ce qu'il a à dire, pas davantage qu'elle n'a envie de lui parler en réalité. Ses mots ne servent pas à amorcer une conversation, mais bien à occuper l'espace, à l'empêcher de s'exprimer. Elle parle pour elle-même, contre lui :

- Il va mourir d'inquiétude, dit-elle sur un ton effrayé. Mais ça ne servirait à rien d'essayer de lui cacher la vérité. Il prendra des mesures de toute façon, et il renforcera la sécurité au Palais… Mais ça ne changera rien, si je rentre à Annùminas. Et les négociations avec votre famille… il sera bien disposé à votre égard, c'est certain. Il se montrera généreux, je pense. Vous devriez pouvoir conclure rapidement. Mais qu'en pensera mon beau-père ? Il ne voudra jamais me laisser partir avec tout ça… Non, je trouverai comment le convaincre.

Elle s'éloigne inexorablement de Thorondil, le laissant seul avec ses pensées et ses questionnements. Nivraya est déjà passée à autre chose : être dans la planification lui permet de projeter son esprit vers un futur dans lequel sa trahison n'existe pas. En même temps qu'elle parle, elle imagine la conversation qu'elle va avoir avec Justar. Dans son esprit, elle voit parfaitement ses interrogations, et prépare déjà les réponses appropriées, choisissant ses mots avec soin pour ne pas le blesser, pour ne pas l'inquiéter… pour ne pas éveiller ses soupçons…

Un sursaut la saisit.

Est-elle devenue ce monstre avec son mari ? Avec Justar, qui toujours a réussi à lui faire tomber les masques ? Est-elle devenue cette femme froide, calculatrice et dénuée de toute forme de sincérité avec la seule personne qu'elle aime profondément ? Elle se rend compte avec horreur que oui. Elle se rend compte avec effroi que son univers de paix et de douceur, ce cocon protecteur que Gardelame a toujours représenté pour elle vient de voler en éclats, cédant sous les assauts pernicieux de ce monde extérieur qui a réussi à la traquer jusqu'ici. Jusqu'aux confins de l'Arnor. Elle s'immobilise un instant, interrompt sa litanie insupportable et douloureuse. Thorondil s'approche d'elle de nouveau. Pour lui parler ? Comme un ami le ferait ? Pour déposer un baiser sur ses lèvres ? Comme un amant le ferait ? Pour la prendre dans ses bras ? Comme un amour le ferait ? Elle recule de nouveau. Loin. Le plus loin possible. Elle lève enfin les yeux pour le dévisager. Dans son regard d'émeraude, que lit-il au juste ?

Que lit-il ?

Un bruit à l'extérieur leur fait tourner la tête. C'est la justice qui vient frapper à leur porte.


~ ~ ~ ~


- Tout va bien ?

Elle leva les yeux, et répondit trop rapidement :

- Oui, ça va.

Elle aurait voulu lui demander ce qu'il en allait de lui, mais elle ne pouvait pas véritablement se permettre de poser la question. L'amputation de Justar avait été bien menée, et il n'avait pas perdu son membre au cœur de la bataille, tranché par une arme émoussée. Toutefois, la violence psychologique de cette perte avait considérablement entamé son moral. Les conséquences physiques n'avaient pas tardé à suivre. Affaibli, fiévreux, il avait perdu beaucoup de poids à force de refuser de manger. Il s'était accroché à la vie uniquement parce que Nivraya avait été le chercher au fin fond des ténèbres où il s'enfonçait peu à peu. Elle n'avait pas lâché l'affaire, elle était restée à ses côtés plus que n'importe qui, se portant volontaire pour le veiller toute la nuit durant quand il était agité de spasmes inquiétants. Elle n'avait jamais failli. Elle n'avait jamais laissé tomber l'homme qui, du haut de son superbe destrier, avait penché un regard protecteur sur elle pour la première fois depuis une éternité. Sans même lui demander son nom, sans même lui demander qui elle était, il s'était battu pour elle comme personne ne l'avait fait avant lui.

Était-ce cela qui avait fait naître les sentiments qu'elle éprouvait pour Justar ? En partie, bien entendu, mais pas seulement. Quand il la regardait, elle se sentait transpercée : elle avait l'impression qu'il était capable de lire en elle, et qu'elle ne pouvait rien lui dissimuler. Et lorsqu'il était avec elle, il avait sincèrement envie de la connaître, de la comprendre. Encore une fois, par cette simple question, il allait bien au-delà de la simple politesse. Il avait ressenti le trouble qu'elle essayait de dissimuler, le frémissement imperceptible de ses mains quand elle avait défait son bandage une nouvelle fois pour s'assurer que les chairs n'étaient pas infectées.

Baissant les yeux, consciente que sa réponse était un mensonge, elle garda le silence un instant. Lui aussi. Il respectait toujours sa volonté de ne pas parler, de même qu'il l'écoutait toujours quand elle avait envie de se confier à lui. Elle tira délicatement sur les pansements qui suintaient légèrement. Depuis le temps, elle était habituée à la vue de ces chairs en train de cicatriser, et elle n'était plus incommodée comme le premier jour. Elle les examina d'un œil critique, avant d'attraper un linge qu'elle avait trempé dans une bassine d'eau chaude. Elle nettoya précautionneusement la plaie, faisant couler de l'eau sur la peau intacte, pour la laisser emporter le sang et les fluides alors qu'elle dégoulinait le long de la blessure. Justar serra les dents. Le moindre contact était un supplice.

- Ça ne va pas.

Il redressa la tête :

- Mon bras ?

- Non… C'est juste que…

Elle interrompit son geste. Non, elle ne pouvait pas. Elle ne devait pas le lui dire. Il était un noble, et même si elle avait reçu une excellente éducation, elle n'était qu'une roturière. Tout ce qu'il pouvait exister entre eux serait de l'ordre du troussage de servante, ou de quelques friponneries discrètes, de simples amourettes de jeunesse qui passeraient avec le temps. Ce n'était pas ce dont elle avait envie. Ce n'était pas ce qu'elle souhaitait en voyant cet homme qui, à la fois faible et fort, la regardait indépendamment des vêtements qu'elle portait, de la coiffure qu'elle arborait, ou des bijoux qui la paraient. Elle n'était ni noble ni roturière à ses yeux, elle n'était qu'une âme qu'il paraissait apprécier. Elle n'était pas capable de faire abstraction du statut de Justar, et elle était constamment renvoyée à sa condition. Il était noble… Il y avait comme une barrière infranchissable, derrière laquelle elle avait été consignée toute son existence. Tout un monde qu'elle mourait d'envie de connaître, d'expérimenter, qui se soustrayait à son emprise simplement parce que ses parents avaient eu le malheur de ne pas être de grandes gens. Son désir s'était mué en mépris jaloux, au fil du temps. Mais maintenant, voici que Justar était là. Et elle l'aimait, sincèrement.

Alors elle le lui dit, le plus simplement du monde.

- Vous m'aimez ?

Elle se sentit tellement ridicule. Le feu lui monta aux joues, et elle baissa les yeux. Il ne pouvait pas comprendre. Il ne pouvait pas comprendre ce qu'elle ressentait !

- M'aimeriez-vous autant si j'étais désargenté, sans titre et sans terre ?

- Bien entendu ! S'indigna-t-elle. Vous n'êtes pas noble par votre argent, votre titre ou vos terres. Vous êtes noble d'âme, et noble de cœur. C'est votre âme et votre cœur que j'aime, Justar. Et je les aimerai toujours.

Elle, agenouillée devant lui, semblait l'implorer de toutes ses forces. L'héritier de Gardelame la regardait avec un air neutre, qui n'était pas froid mais qui manquait de la chaleur qu'elle aurait espéré voir dans ses yeux. Toutefois, il ne l'avait pas repoussée, et la déraison la poussait à espérer encore. Tant qu'il n'aurait pas rejeté ses sentiments, tant qu'il n'aurait pas chassé d'un revers de main le désir qu'elle éprouvait, elle s'accrocherait au moindre fil d'espoir. Elle l'observait dorénavant, cherchant à lire en lui quelque chose, une esquisse de réponse, un début de décision. Il paraissait hésiter, et cette simple hésitation lui donnait l'impression qu'elle avait une chance. Une chance infime, une chance de fou, mais une chance néanmoins. Elle l'observait comme s'il était la seule branche à laquelle elle se raccrochait pour s'empêcher de tomber dans un abîme d'où elle ne ressortirait jamais. Il s'humecta les lèvres :

- Je vous connais sans vous connaître, Nivraya… Je vous fais confiance, mais j'ignore tout de vous. Or je voudrais vous dire quelque chose de très important, mais je ne sais à qui je me confie depuis ce qui me semble être une éternité…

- Je vous en prie, Sire… Vous pouvez me faire confiance. Je ne vous trahirai jamais. Tant que j'aurai un souffle de vie, je vous demeurerai fidèle. Je vous en fais le serment.



~ ~ ~ ~


- Par les Valar ! Nivraya, ma chérie, tu vas bien !

Alva s'est échappée de derrière son époux, et a pénétré dans la pièce en n'ayant d'yeux que pour sa belle-fille qu'elle adore. Baralhar Alen de Gardelame, le seigneur des lieux, s'est quant à lui figé de stupeur en découvrant l'ampleur du chaos. Tant de cadavres étendus sur le sol, du sang partout au point que les teintes carmin sont parties se mêler aux pigments renversés sur le sol. Les chevalets brisés, les toiles détruites et les pinceaux éparpillés sur le sol contribuent à l'ambiance. Une violence s'est déchaînée ici, comme si une tornade s'était introduite dans la chambre privée de la jeune femme, pulvérisant tout sur son passage. Alva est d'une rare douceur, et elle prend Nivraya dans ses bras pour la consoler. Cette dernière, les larmes aux yeux, lui rend son étreinte avec force. Enfin. Enfin une présence rassurante, rassérénante.

- Mais que s'est-il passé ? Demande le père.

Il est aussi choqué que son épouse. Son épée retombe mollement, alors que devant lui se joue une scène catastrophique qu'il n'aurait jamais pu imaginer. Son fils se tient debout, l'arme toujours au poing, les traits fermés. Il contient péniblement son essoufflement, lui qui a d'abord été vérifier la chambre conjugale qu'il a trouvée vide, avant de rallier les appartements privés de Nivraya, l'endroit où elle se retranche pour s'isoler et peindre. Un havre de paix, souillé et violé par des indésirables qui n'étaient pas là quand le seigneur des lieux, son épouse et son fils ont quitté les lieux. Face à Justar se trouve un homme que Baralhar reconnaît immédiatement : Thorondil de Kervras, le héros d'Annùminas. Sa présence ici est aussi étrange que celle des soldats d'Arnor en uniforme, gisant dans une mare de sang. Un silence pesant s'installe dans la pièce, que Justar rompt sur un ton glacial qui ne lui ressemble guère :

- Sire de Kervras, je n'ai pas bien compris vos explications… Je vous saurais gré de bien vouloir reprendre depuis le début je vous prie. Comment expliquez-vous votre présence et celle de tous ces hommes gisants mort – de votre main, je présume –, dans la chambre privée de mon épouse ?

Il est difficile de savoir si la colère contenue, que l'on entend vibrer dans la voix de celui qui d'ordinaire ne cède pas à de telles émotions, est le fruit de son incompréhension, ou si elle dirigée spécifiquement contre Thorondil. Après tout, la scène a de quoi soulever l'indignation, et par désir de protection un homme peut facilement se méprendre, et laisser éclater sa rage envers quelqu'un qui n'est objectivement pas responsable. Toutefois, Thorondil était présent la dernière fois que Nivraya a été cruellement malmenée, et c'est à cause du fauconnier que la jeune femme s'est coupée de son époux. Acceptant le marché terrible imposé par le héros d'Annùminas, Justar a dû assumer les conséquences de son acte, soit voir sa femme sombrer dans une angoisse dévorante sans rien pouvoir faire pour l'aider. Et voilà qu'au milieu de ce nouveau carnage, de ce nouveau champ de bataille, le fauconnier surgit encore.

Comme s'il était lui-même le phare attirant la mort autour de Nivraya.

- Viens ma chérie, laissons les hommes discuter entre eux…

Sans vraiment laisser le choix en la matière, Alva pousse Nivraya hors de ce pandémonium. La jeune femme semble assommée, incapable de se rendre compte de ce qui se déroule autour d'elle. Elle continue cependant d'avancer, tenant sur ses jambes par miracle. Baralhar lui prend doucement le menton pour la forcer à le regarder. Elle se laisse faire, mais il voit dans ses yeux qu'elle est au bord de la rupture. Avec une grande douceur, il demande :

- Tu n'es pas blessée ?

- Non, père… Je vais bien.

Il lui embrasse le front affectueusement, et la laisse s'éloigner en compagnie de son épouse. Il est des choses dont les hommes doivent effectivement discuter. Des détails qui n'en sont pas vraiment, comme par exemple le pourquoi de cette violence. Comment tout ceci a pu se produire ? Qui est responsable ? Que vient faire le fauconnier ici ? Ce sont autant de questions qui attendent des réponses. Nivraya souhaite se retourner pour lancer un dernier regard derrière elle, mais elle n'en fait rien… Elle ignorerait à qui l'adresser. A Justar ? A Thorondil ? Elle n'a aucune envie de les dévisager, l'un ou l'autre. Alors, s'appuyant sur Alva, elle quitte les lieux en baissant la tête, pleine de honte.

- Nivraya, est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre dans le Palais ?

- Non, mère… J'avais renvoyé tout le monde. Je voulais être seule.

Alva ne semble pas vouloir laisser sa belle-fille seule, alors qu'elle a besoin de soutien, mais elle aurait bien souhaité avoir un ou deux serviteurs sous la main pour lui préparer un bain, et faire en sorte de lui changer les idées. Manger, se laver, se reposer… Voilà de quoi elle avait besoin pour le moment.

- Bien, je comprends… Nous attendrons donc que Mils arrive, il ne devrait plus tarder désormais.

Sans prévenir, la jeune femme fond en larmes. De véritables sanglots, retenus jusque là, mais qui font voler en éclat les frêles garde-fous qu'elle a pu ériger. Mils. Le gentil serviteur, d'une douceur incomparable, toujours serviable. Mort. Elle le sait désormais. Elle ne peut plus se voiler la face, et le poids de cette réalité implacable lui revient en pleine figure. Ses larmes intarissables, cependant, ne pleurent pas seulement la mort d'un domestique. Elles pleurent la fin de l'innocence, de la pureté de ces lieux. Elles pleurent la fin de cette traque qui aura conduit ces assassins à la suivre jusqu'ici. Elles pleurent la fin de son couple, qu'elle ne voit pas survivre à cette estocade.

Elles pleurent la fin de sa vie.

La fin, et le renouveau…


~ ~ ~ ~


Aveugle. Il était aveugle.

Cette révélation frappa Nivraya de plein fouet alors qu'elle plongeait dans ces yeux gris qui ne la regarderaient plus jamais. Il avait tant sacrifié pour elle. Tant sacrifié. Il payait le prix d'une vie de guerre et de souffrance, à laquelle elle avait mis un point final. Voir la mort dans ses pupilles était aussi déstabilisant que s'il s'était retrouvé étendu, gisant dans son propre sang. Mais Thorondil n'était pas de ces hommes qui pouvaient mourir. Pas complètement. Agenouillé, il s'était emparé d'elle entièrement, comme pour vérifier qu'elle n'avait rien. Elle ne pouvait que rester immobile, pétrifiée. Terrorisée. Elle sentait ses mains qui l'examinaient, qui la caressaient, qui exploraient chaque quartier de sa peau pour s'assurer qu'elle n'avait rien. Comme s'il allait mourir dans l'instant, et qu'il s'assurait de pouvoir partir en ayant accompli son devoir, il l'examinait frénétiquement avec la peur chevillée au ventre. Elle sentait son angoisse faire écho à la sienne, laquelle pulsait dans ses veines. Nivraya était écrasée par l'effroi. Elle avait peur du fauconnier. Mais à sa plus grande surprise, le fauconnier avait peur également. Il avait peur de savoir qu'elle avait peur de lui… Ce fut ce qu'elle comprit à travers ses mots maladroits. Elle sentit son cœur se serrer. Elle voulait n'avoir pas peur de lui, elle voulait lui faire confiance et se rappeler de l'homme bon qu'il avait pu être. Cependant, elle ne pouvait pas oublier la rage, la violence, le sang. Le kaléidoscope éclatant d'émotions contradictoires qui isolait son esprit du reste du monde l'empêchait de trouver une fin à ce cercle vicieux.

Et puis ce fut le choc.

Elle sentit le fauconnier se rapprocher, et l'embrasser fougueusement. Violemment. Elle voulut se débattre, mais il était trop fort. Trop fort. Elle sentit sa rage, son envie de vivre et de la posséder s'emparer de lui plus fort que jamais. Il avait autant de colère en lui que lorsqu'elle l'avait poussé à faire des choses horribles, à prendre des décisions déchirantes. Au lieu de la gifler, de la brutaliser, cependant, il s'acharnait sur ses vêtements avec une obstination rebelle. Les conséquences de son geste n'existaient pas. Tout ce qu'il souhaitait, il pouvait l'avoir, et Nivraya ne se défendait même pas contre ses assauts maladroits. Elle ne le pouvait pas. Elle ne le voulait pas. Il la dominait de tout son être, il pouvait la tuer d'un seul mouvement… et elle désirait cela. Elle voulait être à sa merci. Elle voulait être à la merci de quelqu'un, pour une fois. Ne plus être en contrôle. Ne pas avoir à réfléchir, à décider, à choisir et à renoncer. Elle lâcha prise, brusquement, brutalement, et lorsqu'il la releva en continuant à l'embrasser, elle ne fit pas un geste pour le dissuader. Lorsqu'il la poussa en arrière, tout en délaçant ses robes qui finirent par se retrouver sur le sol, elle ne protesta pas davantage. Lorsqu'elle sentit ses mains impudiques glisser contre son corps, alors même qu'elle savait qu'il n'était ni bon ni souhaitable de le laisser aller plus loin, elle ne put trouver les mots pour l'arrêter.

Il n'y eut pas d'amour entre eux cette nuit-là, pas plus qu'il n'y eut de tendresse ou de douceur. Il n'y eut qu'une passion débridée qui les consuma tous les deux, leurs remords et leurs hésitations. Enlacés l'un à l'autre comme les branches de deux arbres voisins, leurs rares râles errèrent entre plaisir et souffrance. Ils n'avaient pas cédé à une envie, mais bien à un besoin primaire, animal, et lorsque Thorondil atteignit l'extase, il n'eut pas un geste d'affection pour la femme qu'il venait de posséder. Aveugle, il ne voyait pas ses larmes brillantes. Insensible, il ne sentait pas la panique dans son cœur. Alors qu'il devait prier pour trouver le sommeil, un repos non terni par de sombres cauchemars, il ne pouvait pas comprendre ce qu'elle ressentait en cet instant.

Elle avait peur.

Peur qu'en son sein, le fruit de son péché commençât à prendre forme.


#Nivraya #Justar #Thorondil
Sujet: Couleuvres et Pigeons
Nivraya

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Rechercher dans: Minas Tirith - Autres Quartiers   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Couleuvres et Pigeons    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 10 Juin 2015 - 15:50
La colère de Thorondil retombe comme un soufflet, laissant Justar penaud, seul dans la pièce avec l'Intendant qui paraît être parfaitement cuirassé contre ce genre de choses, et un Demeson trop abattu et ravagé par la peine pour même trouver la force de se défendre. Le pauvre homme n'est plus que l'ombre de lui-même. On ne peut pas dire que Justar le connaisse personnellement, mais il a déjà eu l'occasion de le voir aux séances du Sénat, et il a toujours vu en lui un homme noble et droit. Leurs idées ont peut-être différé, mais il l'a beaucoup respecté, et lui a trouvé de nombreuses belles qualités qu'il a toujours su mettre au service de l'Arnor. Le voir ainsi sombrer, même s'il a attenté à la vie de Nivraya, c'est un choc terrible. Pour des hommes d'honneur, des chevaliers dans l'âme comme le Sire de Gardelame, il n'est aucun individu qui mérite un sort pareil, serait-il le plus cruel des criminels. Chacun doit assumer le poids de ses fautes, mais il est ignoble de voir un homme être ainsi dévasté. La tête basse, peinant sous une forme de compassion coupable, Justar quitte la tente au bord de la nausée, laissant les autorités de l'Arnor traiter elles-même ce problème. Il n'y est pas plus désirable qu'un vulgaire secrétaire, et il se retrouve dehors dans l'air frais de la nuit, aux côtés de Thorondil qui paraît essayer de retrouver la maîtrise de ses nerfs. Mais que dire alors ? Que dire après avoir assisté à un tel drame ? Ils sont partis gonflés de colère et épris de justice, pour se rendre compte que leur pire ennemi est en réalité un homme comme les autres, qui souffre peut-être encore plus qu'eux. Justar peut blâmer Demeson autant qu'il le veut, il peut au moins se consoler en se disant que Nivraya est en vie. Plus sauve que saine, mais en vie. Lise Demeson, elle, n'a pas eu cette chance.

L'affaire est complexe, toutefois, et l'esprit du vétéran au bras unique se met à réfléchir intensément. Il lui manque de toute évidence des éléments pour juger, mais il lui semble que la mort de Lise représente une coïncidence bien inquiétante. Demeson, coupable sans aucun doute, n'aurait eu aucun intérêt à éliminer sa propre fille, à qui il semble tenir plus que tout. Sa réaction prouve qu'il est le plus atteint dans l'histoire. La seule thèse valable est donc celle du suicide, mais Thorondil paraît lui-même peiner à croire à cette explication. Son regard est empli de questions et de doutes qui se succèdent trop vite pour qu'il soit possible de les interpréter avec un regard extérieur. Justar ne peut se prononcer davantage, ne connaissant ni la pauvre victime, ni la nature de sa relation avec le fauconnier, ni même l'objet de la mission que ce dernier a menée avec Nivraya. Pour la première fois de sa vie, il est très difficile au maître de Gardelame de ne pas savoir dans quoi son épouse s'est embarquée. D'ordinaire, elle lui cache ce qu'il n'a pas à savoir, à la fois parce qu'elle ne peut rien lui dire, et parce qu'elle veut le protéger d'éventuelles pressions. Toutefois, maintenant qu'elle est blessée, étendue dans un lit, le corps mutilé et l'esprit brisé, il se demande plus que jamais les raisons de son passage à tabac. Ne rien savoir le ronge de l'intérieur. Perdu dans ses pensées, sa réponse sèche, son "non" prononcé d'une voix cassante, part tout seul sans qu'il soit capable de le réprimer. Il s'adoucit néanmoins, expliquant à Thorondil qu'il n'est pas en mesure de le laisser parler à sa femme. Pas maintenant.

Néanmoins, le fauconnier insiste, et va même jusqu'à invoquer la dette d'honneur qu'il vient à peine de recevoir de la part de son interlocuteur. C'est cet élément qui fait pencher la balance. Jamais Justar n'aurait laissé quelqu'un approcher son épouse dans cet état, serait-il l'Intendant Enon lui-même, mais Thorondil a sauvé la vie de Nivraya. Il l'a retrouvée alors que nul n'aurait su dire où elle a été enfermée, et il a réussi à la sortir des griffes d'un bourreau qui sinon aurait pu aller jusqu'à la tuer. Comment lui refuser cela ? Justar a confiance dans le fauconnier, et il sait qu'il n'aurait jamais osé aller aussi loin si le jeu n'en avait pas valu la chandelle. Alors, conscient que son choix est avant tout une déchirure, il finit par accepter de laisser le guerrier presque aveugle interroger son épouse, en se promettant intérieurement de ne pas intervenir. Il sait d'avance qu'il lui faudra user de toute sa volonté pour ne pas craquer, bondir dans la pièce et mettre fin à un échange qui risque de blesser encore davantage Nivraya.

Ils reviennent sans un mot à la tente familiale, incapables de parler de ce qui va suivre. Ils sont conscients que ce sera comme infliger une seconde séance de torture à Nivraya, et s'ils essayent de se convaincre que c'est pour son bien, pour la protéger, pour lui éviter des tourments futurs, ils ne peuvent pas occulter la souffrance qui en résultera. Souffrance qui viendra bien avant les résultats qu'ils espèrent obtenir. Justar entre le premier, et oublie complètement Alyss et Freyloord, se dirigeant vers son épouse qui dort paisiblement. Par tous les Valar, qu'elle est pâle ! La première et dernière fois qu'il l'a vue aussi affaiblie, il s'en souvient avec une précision horrible. Ce jour est gravé à jamais dans sa mémoire : c'est le jour de leur rencontre. Un jour qui av changé sa vie à jamais. Il a cessé d'être le brillant chevalier de Gardelame, et a accueilli dans sa vie deux pauvres âmes errantes dont l'une est devenue sa femme, et l'autre son amie la plus fidèle. Il s'est juré de ne plus jamais laisser Nivraya retomber aussi bas, de la mettre à l'abri de tous les dangers qui la poursuivraient. Force est de constater qu'il a échoué lamentablement, et que c'est cette fois à elle d'en payer le prix. Il s'en veut horriblement d'être si inutile, si incapable de la protéger, d'avoir perdu le bras censé porter l'épée qui aurait dû la délivrer... Ravalant son amertume, il lui pose une main sur le front, la laissant glisser sur sa joue. Il ne la touche pour ainsi dire jamais, et il s'étonne toujours de la douceur de sa peau, de sa froideur aussi. Là d'où elle vient, le soleil brille fort, mais son coeur charrie un sang glacial comme la mort. Elle ne se laisse aller à éprouver un peu de chaleur que dans leur domaine de Gardelame, qui l'apaise.

Elle ouvre les yeux timidement, lui offrant le spectacle de ces deux pupilles d'un vert savoureux, qui en l'occurrence sont d'une tristesse infinie. Il s'en veut immédiatement de lui infliger ça. Il voit, avant qu'elle ne chausse son masque de guerrière, la profondeur de la plaie dans son âme. Il voit un aperçu de la souffrance qu'on lui a infligée, et cette simple vision d'horreur manque de le pousser à ordonner à Freyloord de refouler Thorondil. Le vétéran n'aurait rien pu faire face au colosse, et Nivraya aurait été sauve. Mais Justar est un homme d'honneur, et c'est avec une grande difficulté qu'il maîtrise sa voix en disant :

- Niv... Niv, c'est moi...

Elle le dévisage un très bref instant, comme si incapable de le reconnaître, et il en demeure bouleversé. Lui a-t-on donc fait tant de mal qu'elle n'est plus en mesure de le reconnaître lui ? D'un simple geste, elle lui prouve que non. Elle lui caresse la joue en retour, soudainement apaisée, rien qu'en croisant son regard. Elle a toujours été ainsi, et il n'a jamais compris pourquoi. Elle peut avoir les pires tourments, les pires difficultés, elle trouve toujours de l'apaisement auprès de lui, sans qu'il ne fasse rien d'extraordinaire pour cela. Il s'est résigné depuis longtemps à admettre ce simple fait, et à lui procurer le réconfort dont elle a besoin quand elle en a besoin. Lorsqu'elle revient à Gardelame, elle y trouve toujours un sourire, une oreille attentive prête à l'écouter. Elle parle en général peu de sa vie à la capitale, de ses soucis, et préfère se concentrer sur le domaine familial, sur les plantes et les paysages qu'elle adore peindre. Quand elle est avec lui, quand ils sont tous les deux, elle est tout à fait différente, enfin détendue, enfin totalement libérée des fardeaux de sa fonction. Il s'en veut horriblement de devoir la trahir. Il se jure de se faire pardonner auprès d'elle quand toute cette histoire serait terminée.

- Niv, écoute-moi... Maître Thorondil voudrait te poser quelques questions...

Elle ouvre de grands yeux effrayés, et lui fait "non" de la tête, l'implorant silencieusement. Il s'empare délicatement de sa main, et la serre fort entre ses doigts, comme pour lui dire de ne pas s'inquiéter. Elle craint ce qui va suivre, mais comprenant que la confrontation est inéluctable, elle enfile sa combativité, se referme sur elle-même, et se tient prête à affronter l'orage. Toutes ses tentatives pour la faire s'ouvrir quelque peu, qui auraient pu porter leur fruit, sont soudainement annihilées par la volonté du fauconnier de la faire parler. Il a intérêt à obtenir des résultats probants de cette conversation, car Justar a l'impression que l'esprit de Nivraya lui échappe. Meurtrie, il lit dans ses yeux qu'elle voit son action comme une forme de trahison, et elle préfère ne plus le considérer comme un allié. Cette attitude est comme une dague plantée sauvagement dans son coeur, et il doit faire un effort de volonté pour se redresser et quitter la pièce sans un regard. Au dehors, Alyss et Freyloord sont en pleine dispute à voix basse - ou plutôt, elle est en train de s'énerver après le géant, qui demeure de marbre. Justar les rejoint en traînant des pieds, et les invite à marcher un peu. Morts d'inquiétude, ils s'éloignent de la tente familiale, pour donner le temps à Thorondil de parler, mais aussi et surtout parce que rester à portée d'oreille serait insoutenable pour eux. C'est les poings et les mâchoires serrées, dans un silence de plomb, qu'ils prennent quelque distance avec la femme qu'ils aiment.

Au sein de la tente, règne le même silence étouffant, que Nivraya supporte sans  le moindre difficulté. Elle ignore superbement la présence de Thorondil, à la fois parce qu'elle refuse de lui parler, c'est un fait, mais aussi et surtout  parce qu'elle se sent trop faible pour soutenir les assauts qu'il entend mener contre sa défense. Chaque seconde gagnée lui permet de renforcer encore un peu plus sa volonté, de cuirasser sa détermination. Elle se sent comme une petite fille impuissante à protéger son château de sable des vagues qui viennent inlassablement s'écraser contre ses remparts, toujours plus fortes, toujours plus hautes. Creuser la terre de son esprit pour renforcer une défense illusoire l'épuise, et plus elle hisse les murs, plus elle-même s'enfonce dans la cour intérieure qui lui sert de dernier refuge. Si bien que lorsque la vague aura submergé la digue, elle se retrouvera noyée, perdue au milieu d'un maelström d'émotions et de souffrance qui l'emportera au loin, avec le reflux de la marée. Jusqu'où ? Jusqu'où la mènera la peine lorsqu'elle se retirera ? Que restera-t-il de son château quand les flots auront enfin daigné s'éloigner ? Rien. Absolument rien. Terrifiée à cette pensée, elle fait un immense effort pour ne pas laisser les larmes courir le long de ses joues. Ses mâchoires serrés, ses yeux fixés dans le lointain, elle tente par tous les moyens de résister. Survivre. Survivre avant tout.

Elle le sent s'installer auprès d'elle, si proche et à la fois hors de son champ de vision. Elle ne voit pas ses yeux accusateurs, ne voit pas la tension dans chacun de ses muscles alors qu'il essaie de dominer la colère sourde qui menace de l'emporter. Elle n'entend que sa voix, étrangement calme. Bizarrement calme. Inexplicablement calme. Il paraît sonné, lui aussi, alors qu'il aurait dû lui en vouloir. Elle se doute qu'il va découvrir la manigance qu'elle a effectuée, et elle se doute également qu'il ne va pas la dénoncer. Il est convaincu de la culpabilité de Demeson, et la preuve trouvée, il ne pourra pas décemment se retourner vers elle officiellement. Son plan a réussi parfaitement, et Thorondil a été une pièce maîtresse de son jeu, un pion particulièrement docile qu'elle a su manipuler pour le meilleur et pour le pire. Il a répondu à toutes ses attentes, et est même allé au-delà en venant la chercher dans cet enfer où elle a été emprisonnée. Cependant, elle ne décèle pas dans ses mots ou dans son ton la rage qu'elle s'est attendue à trouver. Pourtant, elle a fait en sorte de le manipuler pour qu'il séduise Lise, pour qu'il utilise cette jeune fille innocente afin de détruire son père. La pauvre gamine ne s'en remettra jamais, et refusera sans doute d'adresser la parole à Thorondil par la suite. Soit, c'est un sacrifice nécessaire. Elle a parfaitement réussi, malgré les écueils, et pourtant le fauconnier demeure d'un calme presque malsain. Pourquoi ? Elle ne comprend pas.

Ses mots sont emplis de compassion à son égard, alors qu'ils devraient être venimeux et agressifs. La douceur de son ton, la prévenance avec laquelle il la traite, l'affection à demi-dissimulée qu'elle devine derrière ses inquiétudes sont autant de pointes plantées dans son coeur. C'est plus qu'elle ne peut en supporter : elle ne veut pas qu'il la prenne en pitié. Pour la propre image qu'elle a d'elle-même, pour sa propre fierté, elle ne peut accepter qu'il la considère comme une faible femme. Il a beau la consoler en insistant sur le fait qu'elle a réussi à s'imposer dans un monde d'hommes, il demeure tout de même le chevalier servant qui est venu la délivrer, le preux guerrier à qui tout honneur est dû, alors que ses propres entreprises la font passer pour un monstre aux yeux de tout un chacun. Il salue son courage et sa ténacité ? Sa condition aurait été différente qu'elle se serait déjà hissée à un rang nettement plus élevé, son prestige parmi la noblesse aurait été inattaquable, et son talent aurait été unanimement reconnu. Mais précisément parce qu'elle est une femme, c'est elle qui se retrouve impuissante dans ce lit, à devoir être consolée. Le venin, ce n'est pas Thorondil qui en est gorgé, mais elle-même. Elle sent l'amertume et une haine profonde s'emparer d'elle, si rapidement qu'elle ne peut rien y faire. Cette rage bouillonnante, peu habituelle chez elle, gorge ses muscles d'une énergie insoupçonnée, agite son esprit jusque là apathique. Elle revit, appuyée sur la noirceur qui gangrène peu à peu son coeur.

En voyant Thorondil se lever, laissant enfin libre court à son propre emportement comme s'il comprenait enfin la situation, elle profite de l'ouverture. Galvanisée par les ténèbres qui s'agitent en elle, cédant sans combattre à la part la plus sombre de son esprit, elle réagit avec une lucidité peu commune. Le fauconnier est brusquement ramené à la conversation par la griffe qu'elle referme autour de son poignet, le tenant avec une force saisissante. Elle n'est plus Nivraya, c'est certain. Le même visage, le même sourire carnassier, mais la malice a disparu de ses yeux pour laisser place à la malveillance. Elle n'est plus cette femme détestable et haïssable, qui se croit si supérieure. Non. Il n'est plus question de l'abhorrer, maintenant, mais de la craindre. Ses yeux sont effrayants. La malédiction qu'elle a longtemps combattu prend possession de l'entièreté de son être, sous les yeux du vétéran, seul témoin de cette métamorphose. D'une voix dure comme le diamant, elle lui jette au visage :

- Vous comprenez enfin... J'ai tout planifié depuis le début. Lise, Demeson, vous. Vous n'êtes que des marionnettes. Vous comprenez enfin que Demeson devait tomber. Il ne pouvait en être autrement.

Elle n'entend même pas cacher ses actes, assumant tout sans honte :

- J'ai créé de toute pièce un document qui compromettrait Demeson. Ce pourri avait bien caché ses traces, et nous n'avions pas le temps de mener une enquête plus précise. Je savais qu'il était coupable, il me fallait simplement le mettre hors d'état de nuire, par tous les moyens. D'autres recherches seront menées, et la culpabilité de ce salaud apparaîtra au grand jour. Vous comprenez ? Il fallait que je le fasse ! Je n'avais pas le choix ! Il fallait l'arrêter !

Ses yeux agrandis à l'extrême laissent ses pupilles de jade nager au milieu d'un océan immaculé. Il est bien loin son regard profond et mystérieux, si envoûtant et si séduisant. Elle est devenue folle à lier, totalement hors de contrôle, libérée des entraves qu'elle avait elle-même placées autour des aspects les moins enviables de sa personnalité. Quelque part, Thorondil est responsable de tout cela, même si l'ampleur des conséquences lui échappe peut-être encore. En ne permettant pas à Nivraya de se reconstruire après le violent traumatisme qu'elle a subi, il a obtenu les aveux tant attendus, mais à quel prix ? Il n'est personne qui, pour l'heure, soit capable de le deviner. La jeune femme, déchaînée et de moins en moins inhibée, paraît lire en lui comme dans un livre ouvert. Elle devine les failles que ses révélations infligent à l'âme du fauconnier. Elle devine la peine qui doit être la sienne d'avoir été ainsi instrumentalisé. Se nourrissant de cela, elle attaque derechef, s'abreuvant de son désespoir :

- J'avais besoin que vous soyez de mon côté, j'avais besoin que vous me soyez entièrement fidèle, que vous soyez prêt à témoigner en ma faveur. J'avais peur que vous fassiez échouer mon plan en ne reconnaissant pas la preuve. Il me fallait une garantie. Alors j'ai tout organisé. Il n'y avait personne, Thorondil... Personne pour me torturer...

C'est la première fois qu'elle s'adresse à lui de manière aussi familière, mais le fauconnier est-il en état de le remarquer ? Il est sans doute davantage concentré sur la jeune femme, essayant de deviner si elle ment ou non. En vérité, elle est parfaitement sincère, et ses yeux comme son corps ne font que dire ce en quoi elle croit le plus. Annihilée par ce qu'il s'est passé dans cette cabane, elle a reconstruit la vérité, et a occulté ce qui ne lui plaît pas. Pour reprendre le contrôle de sa vie, elle préfère croire que tout cela fait partie de son plan génial, que rien ne s'est passé en dehors de ce qu'elle a prévu. De sa bouche, ne sort pas un mot en lequel elle ne croit pas. Elle est absolument convaincue que ce qu'elle explique est fondé. Comment peut-il en être autrement, de toute façon ? Sentant le vétéran vaciller, elle insiste, et se redresse en position assise, les mains posées sur le bord de son lit :

- Vous êtes tombé dans le piège, vous avez accouru comme je l'avais prévu pour me secourir. Je n'avais besoin que de cela pour être certaine que vous alliez faire ce que je voulais. Tout était faux, tout était arrangé. Même Lise...

Elle sent une brusque tension dans les épaules du guerrier, qu'elle interprète mal. Elle y voit une nouvelle opportunité d'attaquer. Juste avant que Thorondil ne s'emporte, c'est le nom de Lise qu'il a utilisé, et elle a enregistré cette information. Elle devine facilement que l'attachement qu'il lui porte est fort, et que ce sera là le coup de grâce. Il ignore précisément ce qu'il s'est passé entre eux, mais devine que la jeune fille a mal réagi. A-t-elle fait un scandale ? A-t-elle été elle-même arrêtée par les gardes ? Pour haute trahison, la peine est sévère, et la famille Demeson se retrouvera privée de tous ses biens, qui iront rejoindre les terres de la Couronne, laquelle manque cruellement d'argent. Cette entrée providentielle fera du bien aux caisses royales, purgera le Sénat d'un élément perturbateur, et permettra par le biais d'une revente de récompenser un noble de loyal. Tout le bénéfice sera pour le Roi, comme il se doit de l'être toujours. Lise Demeson, aux premières loges, va recevoir de plein fouet les conséquences des actes de son père :

- J'ai tout planifié. Je lui ai tout pris : son père, son statut, son avenir, sa vie... J'ai tout organisé, j'ai tout réfléchi. J'ai payé des hommes pour aller la voir. Faites-moi confiance, elle ne se mettra plus en travers de ma route, je...

Nivraya ne peut finir sa phrase. Elle est pourtant sur le point de dire quelque chose de particulièrement intelligent, emporté dans son élan. Elle a voulu expliquer au fauconnier qu'elle a fait pression sur elle pour qu'elle abandonne tout recours pour conserver ses terres, sous peine d'être elle-même associée à son père dans cette affaire. C'est un plan ingénieux, qui limite la complexité du scandale, qui en fait une affaire parfaitement manichéenne, ce que les nobles apprécient en général. Toutefois, cela semble en être trop pour Thorondil, dont la réaction aussi brusque qu'inattendue achève en un instant la tirade de la jeune femme.

#Justar #Nivraya
Sujet: Couleuvres et Pigeons
Nivraya

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Rechercher dans: Minas Tirith - Autres Quartiers   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Couleuvres et Pigeons    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 4 Nov 2014 - 21:24
Nivraya termine son inspection, et hoche la tête sèchement. Thorondil a fait un effort sur sa tenue vestimentaire, à la hauteur de la rencontre vers laquelle ils s'apprêtent à marcher. Elle sent bien qu'il n'est d'ailleurs pas à l'aise de se promener ainsi vêtu, et qu'il est très loin d'éprouver la même sensation de confort que dans une solide cuirasse de cuir éprouvée par le temps, portée si souvent qu'on l'aurait pensée faite sur-mesure. Toutefois, un tel équipement ne saurait le protéger des coups qu'il va endurer, et son armure du jour est bien plus dans l'apparence que dans l'efficacité. La jeune femme, quant à elle, a opté pour une robe d'une teinte bleue sombre, coupée avec élégance pour correspondre parfaitement à sa silhouette. Guère provocante, portant une simple paire de boucles d'oreilles et un bracelet fin en argent, elle n'en demeure pas moins exquise et tout à fait présentable en société. La simplicité est son mot d'ordre, d'autant qu'elle est certaine que ses traits charmants viennent rehausser le commun de son habit. Elle a remonté, comme souvent, ses cheveux d'un roux flamboyant au-dessus de sa tête, ce qui lui donne un air quelque peu strict qui sied bien à ses nouvelles attributions. Le contraste avec la couleur de sa robe est saisissant, et tout à fait volontaire, si bien qu'en dépit d'une mise épurée, elle n'en demeure pas moins remarquable. La guerre aristocratique se gagne avant tout par l'apparence, et Nivraya y prête une grande attention.

Toutefois, ce n'est pas sa beauté ou sa robe qui viendront chasser l'air sombre qu'elle affiche sur son visage. Les fards discrets qu'elle utilise cachent habilement la fatigue et la lassitude, mais il semble y avoir quelque chose de plus. Quelque chose de plus profond, comme une grande tristesse qu'elle a muré derrière un rempart d'insensibilité, pour ne rien ressentir, quitte à éprouver un immense vide dans sa poitrine, comme si l'air venait soudainement à manquer. Et pourtant, le monstre qu'elle a enfermé parvient encore à se manifester, comme un torrent emportant tout sur son passage, frappant sans relâche les fondations de sa muraille, menaçant de les surplomber en une immense vague bleutée qui déferlerait ensuite sur le reste de sa psyché pour y semer le chaos. L'effort qu'elle fait pour maîtriser sa tension interne est si violent qu'elle ne peut parfaitement assurer sa façade, et que sur son doux visage se peignent une affliction et une peine émouvantes. Cependant, avant même que Thorondil ait décidé s'il était bon ou non de lui faire une quelconque réflexion à ce sujet, elle bondit comme un prédateur acculé, et lui lance :

- C'est l'heure, maître, allons-y. Ne faisons pas attendre notre hôte, je ne voudrais pas paraître déplacée.

Son éternel sceptre sous un bras, son acidité sous l'autre, elle prend les devants et s'éloigne droit vers la Cité Blanche, sans un regard en arrière pour sa tente, ou Freyloord qui a repris son poste de garde le matin venu, après avoir profité d'une bonne nuit de sommeil. Elle se force à chasser Justar de ses pensées, et à rester concentrée sur sa mission, pour le bien de l'Arnor. A chaque pas vers leur destination, elle paraît se renforcer, comme si en s'éloignant d'une source de problèmes personnels et en se rapprochant d'un obstacle, son instinct de survie reprenait le dessus. Les traces de contrariété disparaissent rapidement de son visage, et cèdent la place à une expression soigneusement travaillée, celle de la politesse de circonstance, teintée de gravité. Elle n'est de toute évidence pas là pour rire, et Demeson ne l'a pas invitée pour consolider des liens d'amitié existants, c'est certain. Il espère surtout la convaincre de se lier à lui, et de lui donner des informations de première main concernant la politique du royaume. En reprenant la maîtrise d'elle-même, elle s'assure que son interlocuteur ne trouvera pas trop facilement une prise pour s'en prendre à elle. Le changement est assez spectaculaire en ce qui concerne son attitude, et lorsqu'elle arrive devant l'auberge où ils sont attendus, elle a l'air tout à fait comme à son habitude.

- Tout ira bien, lâche-t-elle à Thorondil à voix basse, alors qu'ils avalent les derniers mètres. Tout ira très bien. Restez calme.

Ce sont des conseils judicieux mais difficile à appliquer dans la circonstance. C'est aussi facile que de demander à un soldat d'être calme le jour de sa première bataille. Dans le fond, on sait que c'est la chose à faire, mais en vérité, ce ne sont que des mots destinés à rassurer. Comme si la guerre se gagnait avec du calme... Nivraya inspire profondément, au moment d'arriver devant le garde personnel de Demeson, qui régule les entrées. De toute évidence, le noble a réservé tout l'établissement pour un grand déjeuner, et il a veillé à ce que personne ne vienne troubler la paix de sa réception. Tout à fait son genre. La jeune femme lève fièrement le menton devant le factionnaire, et s'annonce sans sourciller, présentant par la même occasion Thorondil, qui n'a pas vraiment été invité :

- Je suis persuadée que Sire Demeson sera tout à fait disposé à nous recevoir tous les deux, mon brave. Pouvons-nous entrer ?

L'homme paraît hésiter, mais devant la mise impeccable du fauconnier, il se résigne, et consent à faire entrer les nouveaux venus. En franchissant le seuil, Nivraya est immédiatement absorbée dans l'ambiance des dîners de la noblesse d'Arnor. On rit, on parle, et il règne une ambiance chaleureuse quoique relativement feutrée. Ce n'est pas un banquet où on lève sa chope en hurlant, mais ce n'est pas non plus une de ces réceptions extrêmement policée, où personne n'oserait sourire de peur d'enfreindre le protocole. Les hommes qui sont ici ne sont pas des guerriers, de toute évidence, mais ils ont conservé les traditions de camaraderie et de familiarité que l'on retrouve chez les hommes d'armes amenés à servir ensemble. Nivraya embrasse la pièce du regard, aménagée spécialement pour l'occasion afin de ne présenter qu'une unique table autour de laquelle sont installées une vingtaine de chaises et autant de couverts. Demeson s'est réservé la place d'honneur, naturellement, au centre de toutes les conversations. Les autres places ne sont pas définies, et seront affectées quand tout le monde sera arrivé, ce qui ne saurait plus tarder à en juger par le nombre de convives déjà présents.

- Dame de Gardelame, et Sire de Kervras.

Les têtes se tournent dans leur direction, et Nivraya s'avance d'un pas, à la rencontre de ces sénateurs venus pour le mariage de leur Roi, tout surpris de découvrir deux invités de marque dans un repas déjà fort riche en prestigieux personnages. On retrouve des nobles de tout le pays, dont aucun n'a une influence significative à la capitale, mais qui possèdent tous de vastes terres à travers l'Arnor. Des hommes puissants, qui seraient capables de peser au Sénat s'ils s'unissaient. A l'aise dans ces démonstrations d'affection creuses, la jeune femme se lance dans la mêlée, adressant des saluts à tous ces vautours qui viennent instantanément l'entourer, lui baiser la main, la complimenter mille fois sur sa beauté, sur sa compétence, sur sa merveilleuse intelligence dont aucun n'a jamais douté. Elle n'a aucun mal à sourire, à répondre à la flatterie par la flatterie, et à éviter les pièges tendus. Elle n'en oublie pas pour autant son allié, et tend une main vers lui :

- Mes amis, laissez-moi vous présenter l'héritier de la famille de Kervras. Maître Thorondil ici présent a joué un rôle décisif dans les tragiques événements qui se sont déroulés à Annùminas, comme vous le savez certainement. Il était très enthousiaste à l'idée de rencontrer la haute noblesse d'Arnor, et j'espère que vous excuserez mon audace de l'avoir guidé ici sans votre autorisation...

- Bien entendu que je vous excuse, très chère ! Ah, Nivraya, quel plaisir de vous avoir ici !

Demeson vient de faire son apparition au premier étage de l'auberge, comme pour se donner en spectacle. Il est vêtu d'une superbe tenue rouge brodée d'or, qui met en valeur sa silhouette dynamique. Il fait ses cinquante printemps, assurément, mais il a gardé toute la vigueur de sa jeunesse, notamment une intelligence pétillante que l'on voit au premier coup d'œil. Sa voix chaude et agréable fait s'abattre instantanément un silence religieux sur la pièce, alors qu'il descend d'un pas vif l'escalier, pour venir serrer les mains de ses invités. Il est fascinant de constater à quel point les nobles peuvent virevolter d'une source d'intérêt à l'autre. D'abord focalisés sur Nivraya, puis sur Thorondil, ils se pressent maintenant autour de Demeson, qui les salue en leur adressant une petite phrase personnelle, leur demandant comment va leur famille, s'ils ont eu de bonnes récoltes. Il arrive finalement à Nivraya, à qui il baise la main poliment :

- Très chère, je n'aurais pas cru que vous arriveriez à vous libérer. Votre présence m'enchante ! Et vous nous ramenez le célèbre Thorondil de Kervras. L'homme grâce à qui le royaume a été sauvé du désastre ! Quel honneur !

Il exécute une révérence polie, à laquelle tous se plient sans sourciller, Nivraya comprise. L'ironie de cette première pique ne lui a pas échappée, mais que répondre à cela. Demeson maîtrise à la perfection son art oratoire, et il donne le ton de la conversation. Ce sera donc une guerre, et il faudra lutter férocement pour ne pas céder un pouce de terrain. La jeune femme jette un coup d'œil à Thorondil, en se demandant comment il va répondre à cette première provocation. Elle espère dans un sens qu'il ne l'a pas saisie, pour paraître encore plus candide qu'il ne l'est réellement. Mais en vérité, à voir son expression, elle se demande si ce n'est pas un fol espoir. Finalement, après les politesses d'usage, leur hôte se redresse, et s'avance d'un pas pour serrer fermement la main du fauconnier, en lui posant une main sur l'épaule :

- Je suis heureux de faire votre connaissance, mon ami, et encore davantage de vous avoir à ma table aujourd'hui. Ah, ne soyons pas avares dans notre plaisir : vous vous assiérez en face de moi, à la place d'honneur, ainsi soit-il ! J'ai grande hâte de mieux vous connaître !

Nivraya se permet un sourire discret. Ils ont intrigué Demeson, et ils sont donc dans le jeu. Il ne leur reste plus qu'à ne pas faire de faux-pas fatal. Alors que tout le monde se déplace pour aller prendre place à table, et que l'on fait venir une chaise supplémentaire pour celui qui se retrouve dépossédé par l'arrivée impromptue du fauconnier, la seule femme de l'assistance s'empare du bras de Thorondil et lui glisse furtivement :

- Portez un toast en l'honneur de sa fille.

Mais point de fille à l'horizon. Ils prennent place, et Nivraya s'arrange pour s'asseoir juste à côté de son protégé, afin de le surveiller et de s'assurer qu'elle pourra détourner les questions un peu trop précises de la part de Demeson. Cet homme est un véritable serpent, et du point de vue de la jeune femme, cela en dit long sur la dangerosité du personnage. Elle n'est pas très rassurée, mais s'arrange pour le dissimuler habilement, alors que les conversations démarrent tranquillement entre voisins désireux de parler de la politique, d'échanger des nouvelles, ou de commenter - tout en restant politiquement corrects - le mariage qui vient d'avoir lieu. Demeson, qui sait faire du spectacle, garde le silence, jusqu'à ce que tinte une petite clochette au son argentin. Chacun s'interrompt, et lève les yeux vers l'apparition en haut de l'escalier. Le père se lève même, et tend une main vers sa fille, qui descend prudemment les marches.

- Ah, Lise, tu es splendide. Chers amis, je vous présente ma chère fille, Lise. N'est-elle pas ravissante ?

Chacun y va de son commentaire élogieux et approbateur. Honnêtement, il n'est pas besoin de forcer pour lui trouver du charme. Dans le souvenir de Nivraya, qui date de quelques années maintenant, la petite Lise Demeson était une jeune fille mignonne mais sans plus. Une petite écervelée destinée à devenir comme toutes les femmes nobles d'Arnor : une épouse dévouée à son mari, absorbée par des problèmes de femmes, sans jamais penser de près ou de loin aux affaires du royaume. Force est de constater que les années ont gommé cette vision, et que la jeune femme qui descend est rayonnante. Absolument splendide avec ses longs cheveux d'un noir de jais, son sourire naturel et réellement heureux, et ses fossettes qui lui donnent un air enfantin tout à fait adorable. Même Nivraya en reste bouche bée un instant, davantage consciente de l'ampleur de sa méprise que réellement estomaquée devant la fille. En effet, en plus d'avoir un physique agréable, elle paraît sûre d'elle, vive et à l'aise. Sans rougir, elle vient rejoindre son père devant qui elle s'incline gracieusement, avant de saluer l'ensemble des convives d'une phrase pleine de sincérité et de bonne humeur. Elle finit par s'asseoir à côté de son père, qui lui adresse un franc sourire tout en lui tenant affectueusement la main, avant de revenir à ses invités :

- J'aime à avoir ma précieuse petite Lise à mes côtés, j'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Naturellement, personne ne s'oppose à cette requête. Rappelons qu'à part elle et Nivraya, il n'y a que des hommes qui, s'ils ne cherchent pas à prendre épouse, ont certainement un fils à marier quelque part. Ce repas est une vitrine pour Demeson, qui saura recevoir les propositions de mariage par après, pour les étudier à tête reposée. Il est certain qu'il doit déjà avoir une liste longue comme le bras de prétendants, et qu'il tient sa fille en sûreté pour éviter qu'elle ne commette une folie. Nivraya lui adresse un sourire chaleureux, entre femmes, mais le regard de Lise glisse rapidement vers Thorondil, qu'elle dévisage un moment. Elle ne l'a jamais vu à la table de son père, et de toute évidence elle est prise par une curiosité qui l'amuse.

- Je voudrais porter un toast, intervient un noble mince et sec comme une brindille. A vous, Sire Demeson, et à cette généreuse invitation que nous avons tous acceptée avec plaisir ! Puisse l'été qui nous revient être annonciateur de merveilles pour votre famille !

Chacun lève le verre devant lui, et en prend une gorgée avant de le reposer. Demeson en essuie presque une larme, devant tant de flagornerie. D'ordinaire, on ne multiplie pas ce genre de démonstrations, sauf à vouloir se montrer encore plus visqueux et obséquieux que celui qui a pris la parole juste avant. Pourtant, discrètement, Nivraya envoie un coup de pied à Thorondil en lui rappelant sa première consigne. Elle se demande vraiment si c'est une bonne idée que de rentrer ainsi dans le vif du sujet, mais leur temps est compté, et ils n'ont pas les moyens de faire une cour dans les formes, en comptant les mois. Elle aurait voulu lui donner des conseils, lui expliquer ce qu'il fallait dire en la circonstance, mais l'idée du toast lui est venue sur le moment, et elle n'a pas réfléchi. Maintenant, le fauconnier est seul face à sa première épreuve, et elle a hâte de voir de quelle manière il va s'en sortir... ou ruiner leur plan.

- Oh, cela me va droit au cœur ! Merci !

#Nivraya #Thorondil
Sujet: Bal démasqué [PV Thor]
Nivraya

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Bal démasqué [PV Thor]    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 4 Nov 2014 - 21:20
L'assurance de Nivraya augmente à mesure qu'elle voit dans le regard de Thorondil une forme de frustration et de contrariété grandir jusqu'à envahir tout son être. De toute évidence, il est énervé de s'être laissé prendre au piège, et elle ne peut qu'en apprécier davantage le mauvais tour qu'elle vient de lui jouer. Certes, pour cela, elle a dû sortir légèrement de ses propres limites, et elle s'est empressée de recomposer le mur d'airain qui sépare son jardin secret du monde extérieur. Curieusement, elle a déjà eu à minauder devant des nobles pour obtenir des faveurs, mais que ceux-ci soient plus beaux, moins abîmés par la guerre et la vie, elle trouve que de tous, Thorondil est probablement le plus attirant. Elle ne peut pas dire "séduisant", car son corps meurtri ne répond plus aux canons de la beauté aristocratique, mais elle lui trouve un côté magnétique qui doit attirer les femmes que lui-même chercher à repousser activement. C'est un point qui leur sera utile dans leur mission, et un sourire léger dévoilant ses canines carnassières se dessine sur ses lèvres. Difficile de faire plus retors. Toutefois, même la personne la plus confiante du monde, sûre de sa puissance et de sa maîtrise, peut vaciller à n'importe quel moment. Et comble de l'horreur, elle a donné au fauconnier l'arme pour saper ses murailles mentales. Lorsque, perplexe, il revient sur le sujet de ses enfants, elle sent son sourire se briser bien malgré elle. Sa façade maîtrisée se craquèle, et son visage doux se pare soudainement d'ombres pesantes.

Elle se refuse, toutefois, à baisser la tête, pour sauvegarder le peu de dignité que vient de lui laisser sa réaction si humaine mais si peu politicienne. La véritable question est de savoir pourquoi elle est à ce point atteinte par la réflexion de Thorondil. Intérieurement, elle se dit que c'est peut-être le ton avec lequel il lui a posé cette question. Il lui a demandé cela avec une incrédulité non feinte. Comme si la simple idée de la penser en tant que mère était ridicule. Elle s'en trouve, quelque part, blessée. Blessée qu'un homme de guerre, une brute épaisse et sanguinaire marquée par la vie puisse avoir une fille heureuse de le voir rentrer à la maison, prête à se jeter dans ses bras. Elle-même, distinguée et élégante, vivant dans un monde tout à fait approprié pour un enfant, se retrouve face à sa propre solitude à chaque fois qu'elle passe les murs de sa Chambre à Annùminas. Alors oui, c'est peut-être de la jalousie. Peut-être une forme d'injustice qu'elle éprouve envers le monde entier. Elle a réussi à conquérir ce que mille hommes ne peuvent rêver d'avoir, et pourtant elle est dans l'impossibilité de faire ce pour quoi toutes les femmes du peuple sont nées : donner de fiers guerriers à leur pays.

Troublée par cette question apparemment anodine, elle se rend compte brutalement que sa perception de la vie a changé. Ces six derniers mois, elle a travaillé plus dur que jamais, et pourtant elle n'a jamais été aussi seule, aussi désespérément seule. Ayant toujours rêvé d'atteindre le sommet de l'Etat, et de glaner du pouvoir, elle n'a jamais considéré que procréer puisse être une chose qui lui tiendrait à cœur un jour. Mais à son âge, les femmes ont déjà toutes deux ou trois enfants au bas mot, et sont déjà occupées à les instruire, à leur transmettre un héritage qui se perpétuera de générations en générations. Peut-être que voir son Roi se marier et reprendre espoir quant à l'avenir, être confrontée comme jamais à des enfants courant dans les rues, surveillés par des parents attentifs, lui donne finalement envie. Qui aurait cru que Nivraya De Gardelame, un jour, pourrait vouloir donner la vie à un bambin ? Consciente que l'interrogation de Thorondil plane toujours dans l'air, bien qu'il ne paraisse pas attendre de véritable réponse à ce sujet, elle finit par lâcher d'une voix particulièrement glaciale et tranchante :

- Ce n'est pas un sujet que nous aborderons, maître. Concentrons-nous sur notre mission.

Piquée au vif, elle ne sait que répondre avec encore plus d'agressivité, car il n'y a que dans la surenchère qu'elle sait remporter la victoire. S'incliner, se confier, parler à cœur ouvert... elle en est incapable avec un homme qui la considère comme une menteuse et une manipulatrice. Elle lui donnerait trop de pistes pour réussir à la blesser, davantage qu'il n'en a déjà découvertes par lui-même. De fait, elle se mure dans une dignité offensée, réagit avec une promptitude et une acidité qui lui ressemblent bien plus que ces démonstrations de faiblesse à répétition qu'elle met sur le compte de la fatigue physique et de l'épuisement nerveux. De toute évidence, quoi qu'il pense de sa réaction, il comprend qu'il n'est pas temps de se lier d'amitié et de prêter une oreille attentive à ses problèmes personnels, mais bien de travailler activement à arrêter Demeson. Sa nouvelle question donne une bouffée d'oxygène à Nivraya, qui ne se détend pas pour autant... pas tant que sa cuirasse ne sera pas de nouveau indestructible. C'est sans sourire qu'elle répond donc, en faisant tourner son sceptre selon un rythme régulier :

- Vous apporterez une caution morale, maître. Vous apporterez avec vous une forme de candeur et d'innocence que personne d'autre ne peut amener. Par ma seule présence, Demeson sera sur ses gardes : il sait que par mes liens avec l'Intendant Enon et Sa Majesté, je suis tenu de leur rapporter tous les propos subversifs, sauf à moi-même m'impliquer activement dans un complot. Vous par contre, vous n'avez de liens avec personne. Vous êtes certes du côté du Roi, mais vous n'êtes pas de ceux qui doivent être d'accord avec lui en permanence. Votre position vous autorise à avoir une vision différente, et Demeson sera sensible à cette opportunité. Vous êtes une clé qu'il pensera pouvoir utiliser pour acquérir davantage de soutiens, mais nous retournerons son arrogance contre lui, et nous le piégerons. Mes hommes sont simplement là pour vous épauler, en cas de besoin. Rien de plus. Quant à cette fille, essayez de ne pas vous laisser attendrir : il en va de la sécurité du Roi, et je pense que la stabilité de l'Arnor vaut bien une vie brisée.

Elle a dit "vie" et non "cœur", contrairement à Thorondil. Peut-être parce qu'au fond, Nivraya sait ce qu'il va advenir de la jeune héritière de Demeson, une fois que son père aura été confondu et mis derrière les barreaux. Concernant les affaires de trahison, depuis les récents événements liés à l'Ordre de la Couronne de Fer, la justice d'Arnor s'est faite impitoyable. Il est tout à fait probable que Demeson finisse exécuté, que sa famille soit dépossédée de ses biens et de ses terres, qui réintégreront le domaine royal pour un temps. On procédera à une estimation des biens, puis à une vente au plus offrant. La jeune femme n'a pas jugé bon d'en avertir Thorondil, mais mettre leur ennemi hors-jeu sera bénéfique pour les finances d'Arnor, qui se garniront d'un bel or durement gagné, et qui permettront de faire face aux temps difficiles. En politique, contrairement aux apparences, les gains sont très réels, et bien que le Roi ne soit pas au courant en détail du plan de bataille de ses pions, il saura apprécier les résultats quand ils lui seront présentés.

Il s'agit pour l'heure de ne pas embrouiller le fauconnier avec des considérations qui le dépassent. Pour lui, la guerre se résume à une somme d'hommes se battant contre une autre somme d'hommes. Pour Nivraya, les choses sont plus complexes. Le moindre personnage quittant la scène amène à une recomposition des forces, et à une situation que la jeune femme s'efforce de rendre la plus favorable possible aux intérêts qu'elle défend. En ce sens, la chute de Demeson apparaît à la fois comme une nécessité et comme une aubaine dont l'Arnor ne peut se passer. Voici pourquoi sa chute est programmée, et qu'il est impératif de trouver des preuves afin de précipiter sa fin. Cependant, le pion qu'elle a choisi pour accomplir cette mission paraît avoir quelques doutes quant à la façon de procéder, notamment concernant la jeune fille qu'il sera amené à séduire. Elle ne peut pas s'empêcher de noter que c'est la seconde fois qu'il revient sur le sujet :

- Je vous ai dit de ne pas vous laisser attendrir, il me semble. Cette fille est un moyen, pas une fin en soi. La finalité de cette mission est de faire tomber Demeson, et de protéger l'Arnor. Gardez les idées claires...

Elle se rend compte qu'asséner des phrases brutales ne va peut-être pas produire l'effet escompté, et elle revient vers lui avec plus de douceur, lui prenant le bras affectueusement et le forçant à marcher un peu. Ainsi rapprochés, elle recrée temporairement cette bulle intimiste dans laquelle elle est tout à fait à même de lui faire passer son message. D'une voix feutrée, elle reprend :

- Je n'ai rien contre cette fille, maître, et je ne suis pas inutilement cruelle. Simplement, je ne connais aucune fille qui ne soit pas parfaitement au courant de ce qu'il se trame dans une maison. Elle doit déjà connaître la tente par cœur, et son père lui a sans doute indiqué quelque coffre qu'elle n'a pas le droit de toucher, et dont il conserve la clé en permanence. Elle doit savoir s'il reçoit des visiteurs étranges, ou s'il part à des heures inhabituelles pour des rendez-vous dont elle ignore tout. Vous l'avez dit vous-même, certains nous considèrent comme du mobilier : rechignez-vous à confier vos plans secrets devant une commode ? Ah... J'oubliais que vous n'aviez pas de plans secrets.

Elle rompt le charme qu'elle vient de lancer sur lui par cette simple boutade, alors que leurs pas les conduisent vers les portes de la cité. Il reste encore un moment avant que celles-ci soient fermées définitivement, ce qui donnera le temps à Justar de rentrer à temps. Elle a besoin de lui parler. En attendant, elle demeure fixée sur la conversation avec Thorondil, désireuse de répondre au mieux à ses questions avant de le laisser aller de son côté. En dépit de la confiance qu'elle affiche à son égard, elle ne peut pas s'empêcher de penser qu'un faux-pas est vite arrivé. C'est déjà le cas bien trop souvent pour des gens formés dès leur plus jeune âge aux rouages politiques, alors qu'en sera-t-il pour un novice, un homme aussi subtil qu'un roc jeté dans une mare ? Chassant ces pensées, elle répond à son sourire narquois :

- J'ignore s'il agira vraiment contre nous. Cela dépendra naturellement de notre façon de procéder. Mais que croyez-vous que ferait un homme qui aurait le choix entre un assassinat et une accusation de haute trahison, et d'association avec l'Ordre de la Couronne de Fer ? Il peut affronter sa fin dignement, mais il peut aussi tenter un baroud d'horreur... D'honneur, pardon, ma langue a fourché, je dois être fatiguée.

Et en effet, elle l'est. La journée n'a pas été facile, avec le mariage et son long protocole, qu'elle a esquivé en partie pour aller se concentrer sur d'autres tâches administratives qui ne lui ont laissé aucun répit. Elle étouffe un bâillement qui lui fait monter les larmes aux yeux, chasse du bout du doigt ces perles salées avant qu'elles ne viennent ruiner son maquillage exquis, et se retourne vers le fauconnier, pour lui dire que leur rendez-vous chez Demeson aura lieu le lendemain midi. Sa réaction épidermique est presque hilarante, et aurait tiré un rire franc à Nivraya dans d'autres circonstances. Elle se contente d'un sourire calculé, et laisse son interlocuteur prendre la mesure de la situation. Vingt-quatre heures, comme il le souligne précisément, est une durée bien trop courte pour apprendre les bonnes manières et pour se protéger efficacement contre un adversaire comme Demeson. Elle le laisse plonger dans ses propres réflexions, mesurer l'impossibilité qu'il a à affronter cette situation seul, et va même jusqu'à attendre qu'il lui demande clairement de l'aide. En voyant son visage, il doit comprendre qu'il a joué son jeu, et qu'elle l'a conduit précisément à ce point, simplement pour avoir le plaisir de dire que pendant un instant, elle a eu l'avantage. Elle lui sourit, et pose son sceptre sur la poitrine musclée du guerrier :

- Je vais faire comme votre père, maître : renoncer à vous inculquer quoi que ce soit. Ce n'est pas en une journée que vous apprendrez les subtilités de la politique, et quand bien même nous aurions un an devant nous que vous n'arriveriez pas à simuler la candeur devant une assemblée. Faites ce qui vous semble juste en société, mais gardez votre objectif en tête. Si vous êtes naturel, je suis persuadé que tout se passera très bien, et en plus vous ferez rire tout le monde par votre maladresse.

Elle lui lance un clin d'œil espiègle. Toute la manœuvre, ô combien risquée, vise à le mettre mal à l'aise pour qu'il soit parfaitement dans son rôle de guerrier invité à la table d'honneur des nobles. Elle espère que Demeson sera sensible à ses efforts pour paraître bien, mais il ne manquera pas de noter les fautes de comportement de Thorondil. Dès lors, il croira qu'il s'agit là d'une victime simple, d'un pion qu'il peut prendre à sa guise, et à qui il n'accordera pas d'attention. C'est du moins le raisonnement de Nivraya, qui compte sur le fait que leur cible se méfiera davantage d'elle que de Thorondil. Elle ne peut pas faire mieux que d'espérer que leur gros poisson mordra à l'hameçon, sans quoi ils risquent d'être mis en grande difficulté. Au moment où ils franchissent les portes de la cité, pour se rendre dans leurs tentes respectives, elle se demande s'il est prudent de confier la sécurité du Royaume au hasard. Et puis elle se souvient que de toute façon elle n'a pas le choix, et que son devoir en tant que noble est de tout tenter pour protéger son Roi.

- Tout ira bien, maître. Nous n'avons pas d'autre alternative que de réussir, n'est-ce pas ? Je crois savoir que vous avez survécu à bien pire qu'à de vulgaires joutes oratoires qui auront pour but de vous rabaisser. Aujourd'hui, vous combattrez sur mon champ de bataille pour que jamais je n'aie à poser le pied sur le vôtre. Et puis je serai à vos côtés, tout ira bien.

Qui tente-t-elle de convaincre ? Difficile à dire. Ils finissent par arriver devant la tente de la famille De Gardelame. Elle est de taille modeste, pour un couple aisé mais sans plus. Elle se situe naturellement dans la zone réservée à l'Arnor, qui occupe une surface conséquente. Pour des questions d'intimité et d'hygiène, les tentes de la noblesse occupent un espace proportionnellement plus important par rapport à leur nombre, et sont agencées de manière assez ordonnée. A l'inverse, les tentes du peuple sont rassemblées de manière anarchique, et ne servent qu'à dormir car contrairement aux carrés nobles, il n'y a pas de gardes en permanence qui surveillent les allées et venues. Nivraya s'arrête devant l'imposante masse de muscles qui garde personnellement sa tente. Freyloord, toujours aussi titanesque, paraît apprécier la baisse des températures, lui qui est davantage habitué au froid polaire des régions du grand Nord. Il adresse un signe de tête plein de révérence à Thorondil, comme un guerrier en saluant un autre.

Nivraya les laisse échanger quelques mots de politesse, tandis qu'elle ôte la pelisse généreusement prêtée par le fauconnier. Elle lui tend le vêtement avec grâce, et le remercie d'une courbette gracieuse. Peut-être pour se moquer encore de lui, peut-être pour sauver les apparences et convaincre quiconque les observerait qu'elle n'a pas trompé son époux. Une précaution pas inutile, car il apparaît déjà que dans une telle promiscuité, la tendance de la noblesse à se nourrir des ragots risque d'être exacerbée. Il serait fâcheux qu'une telle opportunité de se rassembler et de faire la paix se transforme en une aubaine pour tous les maîtres chanteurs. Elle préfère éviter d'avoir à se préoccuper de ça, et sauve les apparences. D'une voix claire, elle lance :

- Merci de m'avoir raccompagnée, maître Thorondil, c'était fort galant de votre part. J'aurai le plaisir de vous voir demain en notre compagnie pour le déjeuner, n'est-ce pas ? Je m'en réjouis d'avance. Passez une bonne nuit maître, et saluez votre famille de ma part.

Une prise de congé très formelle, qui tranche de leur conversation à bâtons rompus. Thorondil ne peut que comprendre la nécessité de sauver les apparences, et dès qu'il a lui-même tourné les talons pour rejoindre sa tente et sa famille pour une dernière nuit au calme, avant de plonger dans l'action, Nivraya se tourne vers Freyloord. Le géant n'a pas besoin qu'elle l'interroge pour savoir de quoi elle a besoin, et il hoche la tête pesamment, pour lui indiquer qu'il a tout préparé. Elle lui adresse une tape amicale sur le bras, geste familier qu'elle aurait bien voulu transformer en une accolade sur l'épaule, si cette dernière ne s'était trouvée trop haut, avant de s'enfermer derrière le pan de toile, en attendant son époux qui arrivera sous peu.


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Nivraya émerge d'un demi-sommeil, prise d'une langueur ineffable. Elle papillonne, et se redresse sur un coude, en essayant de distinguer à travers ses paupières mi-closes la silhouette qui s'affaire dans la tente. Les yeux fermés, elle aurait pu comprendre qu'il s'agit de Justar, car Freyloord n'aurait jamais laissé rentrer quelqu'un auprès de sa maîtresse sans lui opposer une farouche résistance. Pourtant, elle n'a pas les idées en place, et elle pose une question qui ressemble davantage à un gémissement plaintif. La couverture glisse sur son épaule nue, et elle frissonne en sentant l'air frais de la nuit venir la griffer. La silhouette s'immobilise, puis s'approche du lit. Difficilement identifiable derrière les voiles qui encadrent le sommier, l'inconnu s'assoit aux côtés de Nivraya, et lui murmure :

- Je t'ai réveillée ? Je suis désolé.

Elle secoue la tête, et passe une main dans ses cheveux détachés :

- Non, non, ça va. Je t'attendais, je voulais te parler de quelque chose.

Justar hoche la tête, et s'empresse de passer une tenue de nuit, avant de venir rejoindre son épouse dans le lit conjugal. Comme à chaque fois, il n'a pas le moindre geste de tendresse pour elle, mais cette fois-ci, elle le ressent encore plus douloureusement. Elle inspire profondément, et se retourne pour se blottir contre lui. Elle le sent hésitant, pour ne pas dire sur la défensive, et il est sur le point de la repousser quand elle se justifie :

- Allons, Justar... Je ne suis pas une catin que l'on peut écarter ainsi. Je veux juste te réchauffer, il fait froid dehors.

- Je... Excuse-moi... Et rassure-toi, je ne te vois pas comme une catin. Tu es ma femme, et il est hors de question que tu te sentes moins que cela. Je n'aurais pas épousé quelqu'un d'extraordinaire, tu le sais. Alors, tu voulais me dire quelque chose ?

Elle hoche la tête, et frissonne en sentant le bras chaud de son époux se refermer autour d'elle, protecteur. Ce sont de petites victoires, des gestes qu'elle arrive à obtenir après quelques négociations. Pendant les premiers temps, il se refusait purement et simplement à la laisser s'approcher. Il y a eu du changement, mais bien trop peu aux yeux de la jeune femme, qui cherche ses mots. Elle hésite, avant de se lancer :

- Je suis un peu inquiète, en ce moment. Avec tout ce monde... Tu sais bien que les menaces qui planent sur le Roi n'ont pas été éradiquées. J'ai peur qu'il y ait un souci, des blessés, des morts. J'ai peur d'être prise pour cible, et...

- Là, là, calme-toi... Je sais que tu es à un poste exposé. Je sais aussi qu'on pourrait chercher à te faire du mal, et c'est pourquoi je suis rassuré de savoir que Frey' et Alyss sont là pour veiller sur toi en mon absence. Il est vrai également qu'ici, ils ne peuvent pas te suivre partout. J'irai demander à l'Intendant Enon d'affecter des hommes à ta protection. Je suis persuadé qu'il trouvera...

Elle le coupe à son tour. Touchée par sa sollicitude, elle l'a laissé poursuivre, mais ce n'est pas là l'objet de son propos. Elle sait que c'est une conversation difficile par laquelle elle doit passer, et essayer de la faire avancer aussi loin que possible, avant l'inévitable dispute :

- Ca ne changera rien... Je veux dire... Je n'ai pas besoin de gardes. Ce dont j'ai peur, Justar, c'est que s'il m'arrive quelque chose, je te laisserai seul. Seul et sans héritier...

Le mot est lâché, et s'enchaînent de longues minutes d'un silence pesant, dévastateur. Nivraya essaie de retenir ses tremblements, qui cette fois ne sont pas dus uniquement au froid. La tête posée sur son torse, elle sent Justar prendre une profonde inspiration, comme pour se calmer, ou peut-être pour réfléchir, avant de lui répondre :

- Nous avons déjà eu cette conversation. Tu sais très bien que ce n'est pas dans le contrat, Niv'. Tu sais très bien que je ne peux pas t'offrir ce que tu souhaites, et crois-moi il aurait été plus simple pour tout le monde que les choses soient autrement.

Elle relance :

- Mais si je meurs sans héritier, que feras-tu ? Tu sais que ton père te marieras, quoi qu'il arrive. Et sur quel parti vas-tu tomber ? Une femme jeune et féconde qui cassera ton mariage publiquement en t'accusant de ne pas l'avoir consommé ! Que feras-tu alors ?

- Si tu meurs, je te suivrai dans la tombe. Puisque je ne pourrai jamais retrouver une femme comme toi, alors autant me percer le cœur sans hésiter.

Nivraya sent des larmes lui piquer les yeux, mais elle s'efforce de les retenir. Pas encore à court d'arguments, elle contre-attaque, surenchérit, consciente qu'en faisant cela, elle va déjà trop loin :

- Et si c'est toi qui me quitte sans que j'aie enfanté ? Et si j'ai envie d'être mère, et d'avoir un enfant à qui transmettre ce beau domaine que tes parents ont si bien entretenu ? Si j'ai envie de vivre pour autre chose que le pouvoir, la politique, les intrigues ?

- Tu n'en es pas capable, Niv'. Tu aimes ça, et tu le sais aussi bien que moi. Et puis il y a des centaines de femmes qui tombent enceinte sans le vouloir, d'un homme qu'elles ne reverront jamais. Tu es belle, je suis persuadé que tu peux trouver quelqu'un qui te donnera un beau fils. Je le reconnaîtrai comme le mien, si tu veux.

Le visage de Nivraya se décompose devant la froide et implacable logique de Justar. Une logique digne d'elle et de son esprit venimeux, particulièrement doué pour analyser une situation avec beaucoup de recul, pour prendre la meilleure décision. Quelque part, une petite voix lui hurle que c'est un argument sensé quoique déplaisant à entendre, mais cette voix est terrassée par le concert de plaintes et de hurlements que le reste de son corps produit. Cette fois, les larmes se mettent à couler franchement, et elle se redresse, plongeant son regard dans celui de Justar :

- Comment peux-tu me dire une chose pareille, Justar ? C'est... c'est cruel ! Je voulais un enfant dont tu sois le père, que nous construisions quelque chose ensemble ! Je te dégoûte à ce point ? Suis-je donc si horrible que tu ne veuilles pas me toucher ? Je... Pardon... Je me suis emportée... Je... Embrasse-moi, s'il-te-plaît...

Justar la dévisage. Il arrive à Nivraya d'avoir des moments de crise intérieure, quand le trop plein d'émotions refoulées se déverse en un torrent violent. Il a l'habitude, car il est pratiquement la seule personne en Terre du Milieu face à qui elle s'autorise à craquer. Seulement, plus rares sont les moments où il est lui-même partie du problème. Face à sa dernière injonction déraisonnable, sa réponse la plus immédiate et la plus cinglante lui apparaît comme brutale, mais c'est également la seule façon de ramener Nivraya à la réalité. D'une voix ferme, il lance :

- Je ne t'embrasserai pas, Niv'... En plus tu sens l'alcool. Tu m'avais promis que tu ne boirais plus. Tu n'as pas les idées claires, alors nous parlerons de tout ça plus tard, quand tu auras dormi.

Pendant un instant, les yeux verts de la jeune femme se font suppliants, implorants, mais l'inflexibilité de Justar est à toute épreuve, et elle finit par céder. Elle considère spontanément qu'il est un étalon de justice dont son prénom n'est qu'une des manifestations. Curieusement, quand elle cherche à savoir ce qu'il est bon de faire, elle se tourne vers lui. Dès lors, quand ils sont en conflit, elle a tendance à accorder davantage de crédit à son opinion à lui, et à lui céder facilement du terrain. Elle baisse la tête et ferme les yeux, vaincue, avant de se laisser retomber de son côté du lit, la tête enfouie dans les oreillers, agitée de profonds sanglots. Le cœur serré, Justar essaie de réconforter par des mots sa jeune épouse, mais incapable de trouver quoi lui dire, il finit par abandonner et la laisser pleurer toutes les larmes de son corps jusqu'à ce que le sommeil finisse par l'emporter.

#Nivraya
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La suite ici : https://jeuderoles.forumactif.com/t6052-couleuvres-et-pigeons#76945
Sujet: Bal démasqué [PV Thor]
Nivraya

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Bal démasqué [PV Thor]    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 29 Sep 2014 - 0:33
- Tu ne veux plus danser, tu es fatiguée ?

Dans la voix de son mari, on sent une pointe d'inquiétude qu'elle dissipe rapidement d'un sourire attendrissant. Certes, il commence à se faire tard, et après la journée qu'ils ont eu à affronter, il est normal de penser qu'elle souhaite rentrer pour se délasser. Nivraya a déjà eu l'occasion, un peu plus tôt dans la journée, de s'allonger quelques heures après la cérémonie à proprement parler. Grâce à l'intervention d'Aleth Enon, qui a finement trouvé à les faire passer parmi les premiers au mépris de tout ordre protocolaire, elle a pu jouir d'un peu de repos bien mérité, avant de replonger corps et âme dans les mondanités en compagnie de son charmant époux. Elle lui jette un regard empreint d'une immense affection, et se blottit contre lui. Il a l'air en forme, et certainement que l'éloignement des affaires politiques lui a permis de retrouver la sérénité et la forme physique que son tragique accident lui ont fait perdre. Tout sourire et plein d'allant, beaucoup mettent du temps à remarquer son bras manquant, amputé au niveau du coude, qu'il dissimule le plus souvent sous une cape légère et fine.

- Tout va bien. Je songe simplement aux obligations qui sont les miennes...

Il referme chaleureusement son bras valide autour d'elle, et se laisse bercer par la musique qui flotte autour d'eux. Pendant un bref instant, ils sont seuls, unis par les battements de leurs cœurs qui se font mutuellement écho. Il lui souffle à l'oreille :

- Tu es sûre que tu ne veux pas rester et t'amuser ? C'est un mariage voyons, tu devrais en profiter pour te détendre, te relaxer.

Elle hausse les épaules distraitement. Il n'a pas vraiment tort, après tout. Elle a travaillé d'arrache-pied à la mise en place politique du mariage, aux côtés de l'Intendant. En effet, depuis les événements qui ont agité le royaume d'Arnor, tout départ d'Aldarion hors de sa capitale est encadré par différentes mesures. Il a fallu envoyer des invitations aux sénateurs les plus influents, pour les contenter d'une part en leur faisant l'honneur de les convier aux festivités, mais également pour éviter qu'ils ne déstabilisent le Sénat en l'absence du monarque. Des hommes de confiance ont été mis au courant à des postes clés, et des directives très précises leur ont été données afin de parer à toute manœuvre séditieuse, qu'elle vienne de l'intérieur ou de l'extérieur. La cité d'Annùminas a été mise à contribution pour préparer le retour des époux, et les festivités accompagnant l'arrivée de la nouvelle Reine, mais le tout a été fait sous la surveillance étroite des agents de la Rose Noire, chargés de veiller à ce que nul ne profite de l'agitation en ville pour fomenter un assassinat contre le couple royal.

Avec la fin du mariage, c'est normalement une page qui se tourne sur un plan professionnel. Cela signifie que tout s'est bien passé, et que tout est en place pour le retour du Roi. Ce sont normalement des jours de repos qu'elle peut s'accorder après s'être épuisée à la tâche, des moments privilégiés à passer auprès de son compagnon pour récupérer avant le retour au pays, où il faudrait de nouveau affronter les problèmes en pagaille. Toutefois, c'est dans les moments où on pense pouvoir baisser sa garde, quand on est convaincu que le danger ne peut pas se manifester, que les situations les plus graves se déclenchent. On n'est d'ailleurs pas toujours conscient qu'elles prennent leur racine à ce moment précis. On dit ou fait quelque chose que l'on regrette des mois après, on se découvre devant un adversaire soigneusement dissimulé derrière un masque d'affabilité. Et au final, on perd tout ce que l'on a si durement construit parce que l'on s'est accordé un moment de faiblesse en public. La jeune femme dépose un baiser sur la joue de son époux, et lui souffle au passage :

- La politique n'attend pas. Mais rendez-vous ce soir, je ne serai pas en retard.

Il lui adresse un des sourires ravageurs dont il a le secret, et lui dépose un baisemain fort élégant, avant de la laisser rejoindre ses occupations. De son côté, guère rassasié de fête et de musique, il s'empresse de se glisser habilement entre les danseurs pour trouver une nouvelle cavalière. Nivraya le regarde partir une seconde, consciente qu'en dépit de ses paroles et des promesses qu'ils s'échangent au milieu de la foule, pour maintenir les apparences, il ne la touchera pas ce soir, comme aucun autre soir depuis leur mariage. Ses mâchoires se crispent une fraction de seconde, alors qu'elle ravale son regret, pour mieux se laisser envahir par la froide détermination qui l'anime d'ordinaire. Ne jamais montrer sa faiblesse en public. Jamais. Elle fait volte-face, et traverse la salle avec prestance, soutenant ses robes veloutées afin de ne pas se laisser ralentir et finalement happer par la foule qui continue à suivre le rythme imposé par les musiciens.

De toutes parts, hommes et femmes s'échangent des regards et se tournent autour avec passion et plaisir. On entend ici ou là des rires argentins éclater comme de joyeux carillons qui viennent soutenir les airs légers joués par les instruments disséminés un peu partout dans la salle. Et quand des airs plus enlevés résonnent, ceux qui pour une raison ou une autre ont décidé de rester en retrait frappent dans leurs mains pour battre la mesure. Cette fête n'a pas grand-chose à voir avec les traditionnelles fêtes aristocratiques, toujours très protocolaires. Ici comme ailleurs dans la cité, la place est à la joie et au relâchement. Le monde sort d'un hiver des plus rigoureux, et le retour du soleil est une véritable bénédiction des Valar. La fin de l'OCF a apporté en outre du soulagement à tous les Peuples Libres, enfin débarrassés de cette odieuse menace, et vengés de tout ce que ses sbires ont apporté comme malheurs. L'ambition de ce mariage est de faire disparaître les nuages que les cœurs de chacun ont dû porter, et de goûter aux fruits de l'été qui vient, annonciateur d'une paix merveilleuse. C'est tout du moins ce que tout le monde espère, bien que les plus réalistes continuent de voir les travaux à accomplir, et mesurent la distance qu'il reste à parcourir avant de voir les rêves devenir réalité.

Nivraya fait partie de ceux-là, et elle sait que le chemin vers la prospérité et la paix de tout un chacun sera long et difficile. Les intentions ne suffisent pas à faire disparaître les conséquences d'un hiver catastrophique pour les récoltes et les paysans. Les ravages de l'Ordre de la Couronne de Fer et les victimes de ses agissements sordides ne seront guère remplacés facilement, et il faudra encore beaucoup de temps et de travail pour éradiquer les maraudeurs en quête de butin qui espèrent profiter de retour des caravaniers. Autant de problèmes qui ne constituent qu'une goutte d'eau au milieu de tout ce qu'il faudrait faire pour réussir à faire régner une paix durable et sincère entre des peuples qui, en dépit de ce qu'ils affichent ici et maintenant, ne servent que leurs propres intérêts. Et qui pourrait leur en vouloir ? Nivraya n'est-elle pas elle-même au service de l'Arnor avant tout ?

Les choses sont hélas bien compliquées, et il s'agit de jouer finement pour ne pas être balayé par la politique habile des ennemis qu'elle a accumulés en route. Des nobles arnoriens, qui comme ces deux là qui la dévisagent depuis un coin de la pièce, l'observent avec beaucoup d'attention. Ils cherchent à la déstabiliser, à la faire tomber, pour mieux se jeter sur le poste qu'elle occupe et qu'ils convoitent avec avidité. Les rapaces. Elle ne leur accorde pas même un regard, se refusant à leur laisser croire qu'elle les craint, et encore moins qu'elle les respecte. La plupart ne sont que des idiots, formés à la politique de cour qui consiste à se faire des amis et à essayer de monnayer son avancement contre divers services et diverses promesses. Nivraya, elle, doit son statut à ses compétences réelles, et à son utilité pour le royaume. Mais ils ne comprendront jamais cela, et ne comprendront jamais comme une femme a pu s'élever jusqu'à un tel poste.

Nivraya sent leur regard visqueux glisser sur elle, et elle a soudainement l'impression que l'ensemble de la salle est attentif à ses mouvements. C'est folie que de penser ainsi, naturellement, mais elle ignore parfaitement de quelle direction peut venir le danger. Quel noble étranger n'est pas un ami fidèle voire un cousin éloigné d'un des sénateurs de l'Arnor ? Lequel n'a pas été invité à l'espionner ou à tendre l'oreille pour entendre ragots et commérages à son sujet ? Lequel n'a pas été vivement mis en garde contre cette arriviste aux dents longues qui a su conquérir l'Intendant Enon ? On raconte à son sujet de bien vilaines choses, qui ternissent sa réputation autant que celle de l'Intendant d'Arnor. Mais que vaut la vérité contre ce que veulent entendre les foules ? Comment expliquer sinon son ascension fulgurante ? Il n'y a rien à dire, car ils ne veulent rien entendre. Elle se rend donc vers les serviteurs chargés de récupérer manteaux et objets personnels aux invités, afin de récupérer ses biens et de s'éclipser. Elle a besoin de prendre l'air, de marcher, et surtout de ne pas donner inutilement le flanc à ses adversaires. Mais, alors qu'elle arrive devant l'homme chargé d'accueillir et d'assister les nobles, elle repère du coin de l'œil une silhouette familière.

Engagé dans une conversation auprès de gens dont il a l'air de vouloir fuir la compagnie, il a déjà son manteau sous le bras. On dirait que ceux qui lui parlent cherchent ardemment à le retenir, quand lui-même paraît vouloir les fuir comme la peste. Des amis un peu trop envahissants ? Des alliés cherchant à exploiter leur relation avec lui pour s'élever ? Des inconnus cherchant à mieux le connaître pour s'en faire un soutien ? Ou peut-être simplement des hommes cherchant à marier leur fille à un bon parti en Arnor ? Les possibilités sont nombreuses, et Nivraya n'a guère le temps de les étudier toutes, que ses pas la conduisent déjà auprès de lui.

- Maître Thorondil, quel plaisir, il y avait bien longtemps ! Pardonnez-moi de vous interrompre, je tenais à vous saluer en personne.

Une attention qu'elle n'aurait pas eu quelques mois auparavant, mais depuis qu'elle a appris quel était son nouveau rôle auprès d'Aldarion, et surtout depuis qu'elle a appris qui il était en réalité, elle le perçoit sous un jour nouveau. Il n'est plus le simple vagabond venu prêter main-forte au Roi dans une tentative désespérée de regagner le trône. Il est le preux guerrier à l'honneur éclatant quoique dissimulé sous une immense modestie, celui qui par sa bravoure et sans même rien attendre de son souverain a permis à celui-ci d'échapper à une mort certaine. Dans les hautes sphères de l'Arnor, les femmes murmurent son nom avec admiration, et beaucoup se battraient pour être dans son lit rien qu'une nuit. Combien tueraient pour l'épouser et ainsi jouir du prestige dont il est auréolé ? L'entrée de Nivraya détourne à moitié l'attention des amis de Thorondil, qui s'empressent de la saluer avec révérence. Ils n'ont pas dû manquer de constater qu'elle avait été introduite auprès du Roi parmi les premières.

- Je vois que vous êtes prêt à partir... J'allais moi-même m'éclipser. Marchons ensemble, j'aimerais vous parler.

Elle lui adresse un gracieux signe de tête, et l'arrache à sa conversation avec autant de délicatesse qu'une hache sépare une branche de son arbre. Une hache vêtue d'une superbe robe d'un vert profond, naturellement. A dire vrai, elle se fiche de ce que pensent les autres de son intervention. Impolie ? Certainement. Malvenue ? Peut-être pas pour Thorondil lui-même, mais certainement pour ceux qui lui parlaient. Tout ce qui compte, c'est qu'elle est en mesure de s'afficher publiquement avec ce vaillant héros, et que désormais tout le monde sait qu'elle peut l'aborder et lui parler avec beaucoup de familiarité, comme s'ils étaient de vieux amis. Ce qui n'est certainement pas vrai.

Elle récupère sa pelisse, pratique contre la fraîcheur des nuits qui contraste avec la chaleur écrasante qui règne la journée, et la dépose sur ses épaules frêles. Elle s'empare de son sceptre qui ne la quitte que pour ce genre d'occasions, et attend patiemment de sentir la présence de Thorondil à ses côtés, tout en regardant vers l'extérieur. La nuit est tombée depuis un moment, mais depuis le septième niveau où ils se trouvent, elle parvient aisément à voir les torches qui éclairent les rues de la cité, et à percevoir la musique qui remonte de la basse ville. Minas Tirith est en fête, et ses habitants se laissent aller à une joie presque communicative. Il n'est pas une taverne, pas une auberge qui ne soit ouverte et qui ne soit remplie. On boit, on mange, on chante et on danse dans les rues. On célèbre sans honte et sans modération la fin de la guerre, le début d'une ère nouvelle. Au-dessus, aussi calmes que les humains sont agités, les étoiles les regardent affectueusement.

- Belle soirée, n'est-ce pas ?

Ils descendent dans les rues, marchant à leur rythme en s'imprégnant de l'atmosphère paisible des lieux. Minas Tirith est certes une forteresse, et son passé est marqué par les guerres et les pertes, mais elle n'en demeure pas moins une cité fantastique. Du haut de cette majestueuse construction que l'on peine à croire possible, on voit toute la plaine du Pelennor : le champ de tentes gigantesque qui borde les remparts agité par une animation frénétique, et au loin Osgiliath qui se découpe comme une masse obscure sur la langue argentée du fleuve. La nuit a quelque chose de magique, de mystérieux, et même les gardes de la Fontaine qui les dévisagent immobiles ont l'air de créatures fantastiques jaillies d'une vision onirique. Une bonne minute passe, avant que Nivraya rompe le silence, gagnée par la curiosité :

- J'ai entendu dire que votre famille vous avait accompagné, maître, j'espère qu'ils profitent des festivités davantage que nous.

Elle n'a pas envie de jouer la comédie plus longtemps, de feindre apprécier les mondanités complexes et ridicules des hautes sphères du monde. Pour elle, c'est une perte de temps, et c'est une position qu'elle affiche de plus en plus. Toutefois, s'en ouvrir ainsi à Thorondil est une marque de confiance qui n'a rien de naturel et rien de gratuit. Elle le laisse répondre, avant d'ajouter :

- Je suppose que vous le savez, mais on parle beaucoup de vous en ce moment. Vous êtes très en vue de la plupart des dames de la cour, et on raconte vos exploits en soulignant toutes vos belles qualités. Mais j'aimerais savoir... qu'avez-vous fait ces derniers mois ? Je gage qu'un homme tel que vous ne saurait rester inactif aussi longtemps.

Leurs pas les mènent inconsciemment vers le bord du pic qui tranche la cité verticalement, et la jeune femme s'installe sur celui-ci, observant en contrebas la ville qui s'égaye. De profil, et à la lumière de la lune, on peut voir ce que son maquillage et sa grande maîtrise d'elle-même savent dissimuler au plus grand nombre. Elle a les traits tirés et la peau pâle, alors que dans ses yeux on lit une tristesse enfouie profondément, qu'elle ne s'autorise pas à ressentir. En un éclair, cette vision s'évanouit sous les yeux de Thorondil alors qu'elle le revient à lui. C'est de nouveau la jeune femme retorse et calculatrice, dont les yeux paraissent guetter la moindre faille et le moindre interstice pour mieux s'y glisser. Même quand elle se veut amicale, il est difficile de ne pas se sentir jugé et jaugé. Pourtant, comment ne pas se prendre au jeu ? Comment ne pas défier son mépris et sa condescendance pour découvrir enfin ce qui se dessine sous ce masque ?

#Nivraya
Sujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence
Nivraya

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [RP Resynchro]Une histoire s'achève, une autre commence    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 9 Juin 2014 - 21:23
Nivraya applaudit chaleureusement au moment de la prestation des vœux, rejoignant ainsi la liesse populaire qui se déchaîne derrière elle, ponctué par des vivats lancés joyeusement, emplissant l'air d'un concert de bonne humeur faisant un vacarme à en faire trembler les fondations de la majestueuse Minas Tirith. Elle, plus mesurée que la roture, s'interrompt avant les autres, puis glisse affectueusement son bras autour de la taille de son mari, tandis que celui-ci referme galamment la main autour de ses épaules. Elle savoure ce contact et cette proximité, peut-être la seule chose qui manque de lui faire renoncer à sa vie citadine. Cela fait longtemps qu'ils ont été séparés, et elle ne peut pas cacher qu'il lui a manqué, même si durant les derniers mois, elle a été fort affairée, et qu'elle n'a pas eu le temps de s'ennuyer. Il réside toujours sur le domaine familial, s'occupant de ses parents âgés qui malheureusement n'ont pas pu faire le déplacement jusqu'en Gondor pour assister aux festivités "plus de leur âge", mais qui seront probablement présents au retour du couple royal en Arnor. Il a fait le déplacement jusqu'à Annùminas en apprenant ce qu'il s'est passé, et a eu la surprise de découvrir que son épouse a joué un rôle décisif dans le retour du souverain légitime sur son trône, même si cela s'est réalisé au prix de la vie du dernier fils d'Aldarion, assassiné par Caleb, sbire de l'Ordre de la Couronne de Fer.

Ce nom, tout le monde l'a désormais à la bouche, et l'invoque pour justifier tous les malheurs du monde. Certains leur attribuent des vols, des enlèvements, ou des meurtres qui se sont déroulés sur les chemins et routes encore pratiqués alors que l'hiver était là. La jeune femme préfère passer son chemin, plutôt que de chercher à leur expliquer que l'Ordre de la Couronne de Fer a beau avoir été une organisation tentaculaire, leurs objectifs ont été bien loin de voler des charriots de vivres. Quant à ceux qui leur attribuent le Rude Hiver qui s'est abattu sur l'ensemble de la Terre du Milieu, elle fait un effort pour ne pas en rire, tout en se demandant toutefois jusqu'à quel point ils n'ont pas raison. Après tout, le soleil semble être revenu, et c'est presque une canicule à laquelle doivent faire face les habitants de Minas TIrith qui, massés sur un petit espace, transpirent à grosses gouttes. Nivraya, pour l'occasion, a revêtu une robe légère et élégante, et elle se rafraîchit régulièrement à l'aide d'un petit éventail qui ne la quitte jamais, et qu'elle se plaît à ouvrir et à refermer avec un claquement sec. C'est un objet que l'on trouve plus fréquemment dans le Sud, mais qu'elle a eu l'habitude d'utiliser lorsqu'elle a séjourné là-bas. En Arnor, il n'est curieusement pas à la mode, mais elle a eu l'opportunité d'en acheter un en arrivant dans la capitale du Gondor, et ne regrette pas son investissement, surtout en voyant les regards jaloux de certaines femmes distinguées et fort ravissantes, à l'exception des perles de sueur qui décrédibilisent leur maquillage.

- La mariée était ravissante, tu ne trouves pas ? Glisse le mari à sa femme.

Elle le regarde en coin, et lui pince la hanche :

- C'est la femme de ton Roi, je te rappelle. Mais c'est vrai, elle était très belle...

Il sourit légèrement, et lui indique de la tête les différentes personnalités qui passent, et qu'elle aperçoit après lui, étant moins grande. Le Roi Méphisto est là, toujours impressionnant bien que paraissant usé. Ses gardes sont attentifs et ils scrutent la foule avec insistance, pour déjouer toute tentative malveillante à l'encontre du souverain. Les autres monarques sont escortés par une paire de gardes personnels, et par quelques soldats du Gondor qui les suivent partout, leur montrent la voie à suivre, et les aident à respecter le protocole. On retrouve dans un petit espace les personnalités les plus influentes de la Terre du Milieu, à commencer par les familles du Royaume Réunifié, qui dominent l'assistance et qui sont au centre de toutes les attentions. Viennent ensuite les Elfes, majestueux et figés, qui posent sur tout cela un regard neutre, et distant. Probablement une conséquence de leur grand âge, et du nombre de mariages humains qu'ils ont dû célébrer. Ensuite, les royaumes alliés, avec en tête le Rohan qui sort à peine d'une guerre civile, d'après ce que l'on en dit. Radamanthe est là aussi, malgré les nouvelles que l'on rapporte du Sud, et de sa défaite contre les pirates. Ceux-ci sont d'ailleurs placés assez loin dans la file, aux côtés des royaumes étrangers de l'Est et du Sud, dont les représentants paraissent considérer tout ce faste d'un œil critique. De la jalousie, certainement.

C'est donc l'heure des cadeaux officiels, offerts en une longue procession par les proches, puis les souverains accompagnés de leurs délégations respectives, et enfin par les nobles qui le souhaitaient, à titre individuel. Pendant que la longue colonne se met en place, et que le peuple se masse pour observer le défilé des personnalités, sous le regard acéré des gardes de la cité, Nivraya et Justar se fraient un chemin jusqu'à l'Intendant Enon, entouré par plusieurs membres de la délégation Arnorienne en train de discuter. Il abandonne les autres nobles pour venir saluer sa nouvelle assistante, prise sous son aile quelques mois plus tôt, après les tragiques événements d'Annùminas. En effet, le statut de Nivraya a quelque peu changé à l'issue du retour d'Aldarion. L'Arnor repris, il a été question de reconstruire une administration efficace et, surtout, loyale. L'Intendant Enon a joué un grand rôle dans tout cela, et il a très rapidement demandé à Nivraya de l'assister dans ses tâches, en lui confiant des responsabilités prestigieuses qui ont contribué à faire exploser sa carrière. Simple perceptrice au nom du Roi, elle a passé les six derniers mois à contribuer à rebâtir le royaume, signant des ordres de mission pour autoriser la traque et la capture d'hommes et de femmes suspectés d'être fidèles à l'OCF. Quel que soit leur rang, roturier, bourgeois, noble mineur ou d'importance, tous les traîtres ont été pourchassés et mis en état d'arrestation pour ceux qui ont été pris vivants, et Nivraya a travaillé jour et nuit pour aider l'Intendant Enon à coordonner le travail des Tribuns, des soldats, et des chasseurs de prime désireux de s'engager pour gagner un peu d'argent. Six mois de travail acharné et intense qui ont révélé tout le potentiel qui se cachait en elle, insoupçonné : une capacité de travail importante, un cerveau brillant, et surtout une loyauté sans faille à la main qui lui a donné sa place.

Naturellement, personne n'a été dupe de son ambition, mais qui parmi la noblesse peut se targuer de n'avoir aucune ambition personnelle ? Elle a simplement exploité l'opportunité qui lui était donnée de prouver sa valeur, et elle fait désormais partie des proches collaborateurs de l'Intendant Enon, second personnage du royaume :

- Eminence, le salue-t-elle avec la même déférence qu'au premier jour, imitée par son époux.

- Ah, Nivraya, Sire de Gardelame, vous êtes là. Qu'avez-vous pensé de la cérémonie ?

C'est lui qui répond, d'une voix calme et posée :

- Nous l'avons trouvée parfaite. L'organisation et la sécurité sont au maximum, et nous sommes ravis que tout se soit bien passé. Après les tragédies que nous avons connues, notre principale crainte était qu'un sursaut de nos ennemis ne vienne gâcher ce jour de fête.

La jeune femme hoche la tête avec solennité, pour appuyer les propos de son mari. Il n'est pas courant qu'il réponde à sa place à une question, car il sait qu'elle n'est pas d'un naturel effacé et soumis, mais il s'agit ici de sauver les apparences. En Arnor comme dans beaucoup de royaumes de l'Ouest, la place des femmes est bien définie, et elles ne sont en général pas invitées à parler de politique au milieu des hommes, sinon pour lancer des commentaires dans l'air du temps, à la mode, et surtout politiquement corrects. D'ailleurs, pour ne pas froisser les sénateurs et les autres nobles, Nivraya a été recrutée comme une simple assistante, et personne ne se doute réellement qu'elle fait plus que du simple travail de secrétariat, et qu'elle entretient des conversations très intéressantes avec l'Intendant en personne, au sujet de la politique, du royaume et des affaires de l'Etat.

- En effet, répond ce dernier. Avez-vous un présent pour le couple royal ? Je peux dire aux gardes que vous m'accompagnez, cela vous épargnera une longue attente. Par ce temps, vous risquez une insolation.

Elle n'a pas le temps de répondre que Justar s'empresse d'accepter pour deux, et ils emboitent ainsi le pas de l'Intendant pour procéder à la remise des présents. Nivraya se réjouit de cette proximité, tout en la trouvant gênante. Après tout, elle n'est qu'une simple assistante aux yeux de tous, et si on peut comprendre qu'elle soit professionnellement proche de l'Intendant, qui parmi les Arnoriens pourra comprendre pourquoi elle prend le pas sur le protocole strict qui veut que les nobles de première importance soient placés parmi les premiers dans la file. Elle préfère éviter de se poser trop de questions, et se satisfait d'afficher ostensiblement son prestige et la considération que lui porte l'Intendant, tout en se demandant s'il s'agit pour cet homme d'une simple maladresse, ou bien d'un signe qu'il envoie aux autres nobles. Quoi qu'il en soit, la réponse n'a pas d'importance pour l'heure, et tandis qu'elle suit de près son époux et son supérieur hiérarchique, s'excusant de droite et de gauche avec un grand sourire, elle garde serrée précieusement contre elle le cadeau qu'elle a préparé pour la nouvelle Reine : un tableau d'une grande simplicité, représentant la fonte des neiges sur la plaine environnant Annùminas, qui a la particularité d'avoir été réalisé par la jeune noble elle-même. Un cadeau personnel, donc, qui saura probablement toucher la nouvelle épouse d'Aldarion, amatrice d'art d'après ce qu'en disent les rumeurs.

#Nivraya
Sujet: Il sonne pour toi
Gallen Mortensen

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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Il sonne pour toi    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 1 Juin 2014 - 16:55
Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! Calebi10

Caleb fixait le vitrail qui reflétait en une myriade de couleurs les rayons de soleil. Qu'est ce qu'il aimait le soleil. Puis son regard sombre tomba sur le jeune Aelas stoïque qui s'apprêtait à devenir roi de L'Arnor en lieu et place de feu Aldarion. L'OCF allait s'emparer de ce royaume grâce à lui. . de son regard expérimenté il fixa les point stratégiques du sénat, ses meilleurs hommes y étaient postés au cas où un sénateur deviendrait récalcitrants: Caleb en doutait mais il aimait le travail bien fait. Enfin il se vengeait de l'Arnor, lui qui était maitre d'armes d'un des plus puissants Seigneur avait été déshonoré, juste parce qu'il aurait trahi à cause de dettes d'argent. Aldarion alors jeune roi avait signé son exil en une seconde, Caleb se doutait qu'Aldarion n'avait aucun souvenir de cet acte qui avait scellé sa vie et son déshonneur. Depuis Caleb haïssait ces rois capables de briser des vies selon leur bon vouloir sans même être certains du bien fondé de leurs décisions.

Trois sons de cloches et L'Arnor tomberait

Caleb avait un réseau important de renseignement dans la capitakle, 2 passeurs dont un elfe avaient été repérés et maitrisés par l'Ordre. Mais inquiet par l'approche du triomphe Caleb restait vigilant, il était intrigué par la jeune Nivraya qui avait demandé une audience, Alcyon le jeune sénateur qui avait fait rentré le "loup" dans la bergerie lui avait confié que ce n'était qu'une arriviste sans intérêt. Caleb y compatit bien, il haussa donc les épaules. Par contre il y avait des mouvements de troupes mais Caleb était confiant, Vilyan bluffait il en était certain. Cet état de fait fit sourire le canthui.

Il éprouva une douleur à la pommette droite, séquelle de son combat sauvage contre Erco Skaline à Esgaroth.


Trois sons de cloches et L'Arnor tomberait....


Il fixa alors les sénateurs, Alcyon les yeux enflammés inconscient de sa "trahison", Ordurion qui scandait il y encore quelques heures des discours populistes, était sous la menace de quelques hommes de l'OCF, Caleb le faisait chanter habilement. Pétrocle le puis influant semblait plus réservé mais Caleb l'avait cerné c'était un pragmatique il se rangerait à ses cotés, sinon....

Caleb regard de nouveau Aelas, il aurait pu aimer cet enfant mais c'était un enfant de roi donc gangréné...

Trois sons de cloches et L'Arnor tomberait....

Le Canthui regarda la rosace de nouveau. Il se leva de son siège et invita le futur roi à rejoindre la place du sénat c'est à cet endroit que le sacre s'effectuera. Les hommes de Caleb se mirent en action . Le brouhaha commença chacun se rendit vers l'extérieur. Caleb se permit un sourire fugace, il touchait du doigt, sa vengeance. 20 ans de sa vie, oui 20 ans à ruminer et à vociférer mais le triomphe lui tendait les bras. Et Surtout l'Ordre vaincrait comme toujours.

Trois sons de cloches et L'Arnor tomberait....

#Caleb #Nivraya #Alcyon
Sujet: Il sonne pour toi
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Il sonne pour toi    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 31 Mar 2014 - 20:53
La journée touche à sa fin, en même temps que la dernière chandelle allumée, qui vacille péniblement dans la pièce, agitée par la légère brise venue de la fenêtre entrebâillée. Il fait frais, mais pas froid, en dépit des températures glaciales qui règnent au dehors. Mais dans la petite pièce remplie de paperasse, il fait bon, et il est agréable de travailler tard le soir entre ces murs, quand plus personne ne s'y rend, et quand un silence agréable y règne. Un silence qui rime avec solitude, propice à l'étude et au travail. Seule assise à son vaste bureau, empêtrée dans des documents qui semblent vouloir monter à l'assaut du plafond, perdue au milieu d'un océan de parchemins et d'actes juridiques complexes rédigés dans une calligraphie à peine lisible, une jeune femme est penchée, les sourcils froncés, absorbée dans la lecture d'un document qui semble occuper l'entièreté de ses pensées. Elle caresse du doigt une plume installée négligemment non loin d'un encrier, machinalement, sans même y faire attention. Puis, après avoir pris une moue légèrement perplexe, elle plonge et retire l'instrument du petit récipient où repose paisiblement le noir liquide. Avec une souplesse acquise par l'habitude, elle imprègne le parchemin, rédige quelques lignes d'une écriture soignée et élégante, puis appose sa signature, referme le pli, et y appose son sceau. Une missive de plus rédigée, et probablement pas la dernière de la soirée, à en juger par le nombre incalculable de demandes qu'elle doit traiter.

L'hiver infernal qui s'est abattu sur l'Arnor, et sur toute la Terre du Milieu à en croire les nouvelles, a ravagé l'économie déjà fragile de certaines régions proches d'Annùminas. Les paysans incapables de cultiver leur terre se sont exilés en ville, et ils constituent désormais un contingent de pauvres, de miséreux et de malades conséquent, que les autorités de la ville ont le plus grand mal à gérer. La jeune femme, dans le cadre de son office, a déjà eu l'occasion d'observer leurs conditions de vie, et elle les a trouvées proprement indécentes : une dizaine de personnes logeant fébrilement, les uns sur les autres, dans un réduit ridicule. Et malheureusement, elle a pour mission de leur soutirer le peu d'argent qu'ils arrivent à gagner, pour rembourser des créanciers inquiets de jamais récupérer le moindre sou de la part d'une population mourante. La capitale d'Arnor, durement frappée par les conditions climatiques, est en effet abandonnée par sa tête, dont les pensées sont tournées exclusivement vers les intrigues politiques de la plus basse espèce.

Elle se tenait là, dans les rangs du Sénat, quand l'annonce publique a été faite, et que la nouvelle est tombée comme un couperet. Le Roi Aldarion serait mort, et son fils et légitime successeur doit donc être couronné pour préserver le trône. "Serait" mort, car en dépit du discours officiel servi par l'entourage du Prince, beaucoup de choses étranges se trament à l'insu de tous. La population n'est pas au courant, et a simplement entendu l'annonce tragique de la mort de son souverain, qui a soulevé une foule d'interrogations, et une certaine peine. Toutefois, les nobles qui se tenaient présents lors de l'annonce ont tous vu que les choses ne semblaient pas être aussi simples qu'on voulait le leur faire croire. L'intervention du Tribun de la Plèbe a jeté un pavé dans la mare, et a refroidi les ardeurs de la jeune noble, qui pendant un instant a vu l'opportunité de s'élever rapidement dans la hiérarchie nobiliaire de son Etat, en se rapprochant autant que possible du Prince et futur Roi. Mais la contestation de la part du Tribun a été trop vive et trop étrange pour n'être que l'expression de la folie d'un homme, et la réaction des fidèles du Prince bien trop ferme pour ne pas attirer l'attention de la jeune femme. Le Tribun Derulan a été chassé de la ville, en lieu et place d'être exécuté, ce qui a été interprété comme une marque de magnanimité de la part de l'héritier, mais qui en réalité cache peut-être des manigances plus sombres. Afin de vérifier son intuition, la jeune femme a envoyé une des deux seules personnes en qui elle a confiance enquêter sur les suites de cette affaire, mais elle n'a reçu aucune nouvelle depuis...

Les choses, quoi qu'on puisse en penser, sont compliquées pour la noblesse d'Arnor. Si le Roi est bel et bien mort, cela signifie que le Prince est désormais investi des pleins pouvoirs de commandement sur le royaume, mais eu égard à son jeune âge, il devra probablement les céder en partie à son mentor Caleb : un homme énigmatique aux motivations qui le sont encore davantage. Pour toute l'élite de la capitale, et a fortiori pour toute l'élite du pays, la recomposition de la tête de l'Etat implique de renouer des alliances avec les nouvelles figures fortes, pour maintenir sa position. Certains commencent déjà à se rapprocher de Caleb pour essayer de l'amadouer, en lui promettant soutien et assistance pour la régence. D'autres - dont Nivraya - se refusent à se positionner immédiatement, et continuent à entretenir le flou. Fort heureusement, elle appartient à la petite noblesse, et son ralliement n'est pas prioritaire. Mais lorsqu'on viendra la convoquer à un entretien avec le Prince, elle sera bien obligée de faire un choix. Il n'existe pour l'heure aucune opposition officielle au parti du Prince, car chacun sait que si la mort d'Aldarion est confirmée, alors c'est la mort qui attend les comploteurs.

En revanche, si sa mort n'est pas avérée, comme l'a laissé entendre le Tribun Derulan... alors les choses sont bien plus compliquées qu'il n'y paraît. Cela signifie dans un premier temps que l'ensemble des forces qui actuellement gouvernent le pays sont complices d'un coup d'Etat magistral. Une nouvelle particulièrement désagréable, car quand on a eu l'occasion de voir - même brièvement - le Roi Aldarion, on sait qu'il n'aura de cesse de retrouver son trône, dût-il éliminer tous ses opposants à mains nues. S'il parvient à revenir en force, une purge de grande ampleur se prépare, et tous ceux qui auront eu le malheur de choisir le mauvais camp seront décimés. Une situation particulièrement tendue, qui se lit dans les yeux de chacun. Nul n'ignore que dans les prochains jours, lorsque le sacre du Prince aura eu lieu, plus rien ne pourra empêcher Caleb de prendre le pouvoir absolu, et de régner comme il l'entend. Certains lui prêtent un caractère fort et un sens tactique aigu, qui pourraient lui permettre de renforcer considérablement la position de l'Arnor vis-à-vis des gobelins. D'autres ne le perçoivent que comme un manipulateurs mégalomane, et se méfient comme la peste de lui. Nivraya, quant à elle, est très partagée.

Peut-on réellement dire qu'elle n'est pas attirée à l'idée de se rallier parmi les premiers au futur nouveau gouvernement ? Un soutien aussi inconditionnel serait récompensé comme il se doit, et sa famille gagnerait en puissance et en prestige. Elle-même pourrait gravir les échelons, et se tailler une place confortable parmi ses pairs. Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Est-il bon de tout sacrifier sans avoir la certitude d'en retirer quelque chose ? Car si Aldarion doit revenir, sa seule option sera de tout abandonner et de quitter le pays... une chose à laquelle elle ne peut se résoudre. Repartir sur les routes, retrouver une vie de roturière ? Jamais de la vie !

Alors qu'elle est absorbée par ses pensées, la plume suspendue au-dessus du papier, on frappe subitement à la porte. Si subitement, en réalité, qu'elle en sursaute et laisse tomber une grosse tâche d'encre sur le papier. Elle s'empresse de l'essuyer, mais le mal est fait : quelle horreur ! Cela lui apprendra à se laisser aller à rêvasser quand elle doit achever son travail. Revenant à la réalité, elle se fend d'un "entrez !" sec et cassant, reflet spectaculaire de son état d'esprit du moment. Elle est fatiguée, guère disposée à faire la conversation à Freyloord pour lui demander d'expliquer aux gardes qu'elle ne fait rien d'illégal en demeurant dans son office au palais après la nuit tombée. Mais au fond d'elle-même, elle espère secrètement voir rentrer Alyss, la jeune femme qu'elle a envoyée chercher des informations à propos du Tribun Derulan, et qui n'a toujours pas donné signe de vie. C'est la seule raison pour laquelle elle a accepté de répondre, sans quoi elle aurait purement et simplement gardé le silence, faisant comprendre au colosse qui barre l'entrée que les visiteurs qui qu'ils soient doivent repasser.

La porte s'ouvre donc, tandis que la jeune femme achève de remettre un peu d'ordre dans sa coiffure, pour se donner une allure. Freyloord pénètre dans la pièce avec la souplesse d'un chat... Un chat de près de cent kilos, haut de plus de deux mètres, affublé d'une musculature de titan. A côté de lui, même le plus grand des orques ressemblerait à un adolescent boutonneux. C'est l'incarnation de la force tranquille, et son visage calme et posé ne se pare jamais d'aucune expression. On dirait un énorme morceau de roche à qui on aurait donné forme humaine, et qui par quelque magie serait doué de vie. Un golem, en somme. Il incline légèrement la tête, et s'explique sans attendre, conscient que son devoir est d'être efficace avant tout. De sa voix caverneuse et pourtant assez plaisante, il lance :

- Ma Dame, quatre individus veulent vous rencontrer. Ce sont des... voyageurs. Ils ont beaucoup insisté pour vous parler, et je pense qu'ils ne partiront pas sans vous avoir vue.

Aucune question, aucune demande, simplement une stricte et claire énonciation des faits. Nivraya apprécie considérablement son économie de mots, et sa précision linguistique. Cet homme, dont le physique imposant cache remarquablement la brillante intelligence et la belle éducation qu'il a reçue, est le serviteur idéal. Satisfait de peu, il ne demande jamais rien, et fait toujours son travail avec une grande efficacité. En échange, la jeune femme lui offre le gîte et le couvert, le paie suffisamment pour qu'il puisse vivre sa vie, et lui laisse assez de temps libre pour qu'il puisse se plonger dans les livres qu'il affectionne tant. Elle le regarde droit dans les yeux, toujours surprise d'y lire autant de perspicacité, et analyse en un instant sa déclaration laconique, et pourtant pleine de sens. Elle n'a pas besoin de lui demander si les quatre "individus" sont dangereux, sans quoi il les aurait déjà renvoyé prestement. Comme il ne s'est pas donné la peine d'entrer sans attendre sa réponse, c'est qu'il ne s'agit pas d'un personnage important qu'elle devrait faire rentrer sans attendre. En outre, puisqu'il n'a annoncé aucun nom, ce n'est probablement pas un autre noble, ou encore un bourgeois venant lui demander de régler un problème. Des voyageurs a-t-il dit ? Il n'a pas mentionné leur provenance, ce qui signifie très certainement qu'ils n'ont pas voulu le lui dire. Quant à leur insistance, elle est des plus surprenantes, et ne peut qu'éveiller la curiosité de la jeune femme.

Après tout, elle n'est qu'une petite noble, femme de surcroît, et personne ne vient jamais la voir dans son office, lorsqu'elle y travaille. Pourquoi subitement quatre individus viendraient frapper à sa porte et lui demander audience ? Elle préfère ne même pas songer aux réponses possibles. Quoi qu'il en soit, si Freyloord a pris la peine de la déranger pour ça, c'est qu'il estime quelque part qu'elle a intérêt de les rencontrer, et qu'elle pourrait trouver ce qu'ils ont à dire intéressant. Elle claque des doigts, plus par habitude que pour manifester un ordre quel qu'il soit, et lui répond simplement :

- Faites-les entrer, si c'est ce qu'ils demandent.

Le géant s'incline, et quitte disparaît derrière la porte. Il est sans doute en train d'appliquer la procédure habituelle, à savoir demander aux quatre visiteurs de déposer leurs armes à l'entrée avant de pénétrer dans la pièce. Les consignes sont en général claires, et le gabarit du mastodonte n'invite pas à la désobéissance. Jamais. Une minute passe, avant que la porte ne s'ouvre à nouveau, pour laisser passer les quatre individus. Nivraya les dévisage soigneusement, un par un. Le premier à entrer est un homme d'âge mûr, une grosse barbe poivre et sel, mais l'air toujours vif de corps comme d'esprit. Son maintien est droit, mais il a l'air d'un vagabond avec ses cheveux en bataille, sa moustache épaisse, et ses traits tirés. Le malheureux a l'air fatigué, et on dirait qu'il vient de passer les pires jours de sa vie pour arriver jusque dans son bureau. Elle ne peut s'empêcher de se demander pour quelle raison.

- Maître Thiemond, lâche Freyloord sans hausser le ton.

Le deuxième à rentrer est un homme trapu, au visage parcouru de cicatrices dues à la rencontre avec l'acier. Il a l'air d'un pillard des plaines glacées, avec ses cheveux sombres hirsutes, et la barbe d'un voleur traqué, mais il semble venir de plus loin. Il ressemble à Freyloord, dans un sens, et la jeune femme se souvient que son homme-lige est originaire des grandes étendues désertiques du Nord, là où tout est gelé. Ce n'est pas un Lossoth, mais il a grandi près d'eux, et c'est probablement ce qui explique le regard légèrement plus amical qu'il pose sur ce guerrier imposant au moment d'annoncer :

- Maître Njall.

Le troisième est aussi différent des deux autres qu'il est possible de l'imaginer. Grand, et relativement longiligne, il a encore plus de cicatrices que les autres individus qui l'ont précédé. Ses traits semblent avoir été forgés dans les flammes de la guerre, sculptés à la hache ou à la pointe de la lance, et il semble accuser le coup de bien des blessures... dont une à l'œil qui lui donne un regard particulièrement étrange. Nivraya se demande un instant s'il est aveugle ou non, mais ravale son interrogation, et décide de faire preuve de patience. Une vertu noble.

- Maître Thorondil.

Le quatrième, ou plutôt la quatrième, tire instantanément une expression de surprise aussi brève qu'intense dans les yeux de la jeune noble d'Arnor. Qu'on lui présente trois hommes, des guerriers vétérans, des mutilés de guerre, cela va encore, mais une étrangère ? Elle connaît trop bien le Sud pour attribuer à ses traits et à cette peau des origines haradrim, ce qui ne laisse qu'une seul option : l'Est. Les Orientaux et l'Arnor ne sont pas en guerre, mais ils sont loin d'être les meilleurs alliés, et on ne peut pas dire que les représentants de leur race soient légion à venir visiter la capitale de la région. On en voit parfois, qui accompagnent des caravanes de marchands, mais ce sont pour la plupart des exilés qui se sont reconvertis dans le mercenariat. Freyloord dit qu'ils viennent du Khand ou du Rhûn, les deux terres que ces barbares appellent royaumes.

- Et voici Dame Shaïa.

Nivraya pose les yeux sur la petite compagnie, le quatuor qui a dû traverser bien des épreuves pour arriver jusqu'à elles, avec un message à lui délivrer. Tous sans exception ont l'air éreinté, et elle devine sans peine qu'ils ont derrière eux une voire plusieurs longues journées de cheval. Leurs visages sont sales, les tenues couvertes de neige et de terre, leurs mains crasseuses. Des âmes égarées depuis une semaine au milieu du Désert du Harad n'auraient pas eu une mine plus abattue. La jeune femme les dévisage longuement, avant de déclarer d'une voix teintée d'impatience :

- Maintenant que je sais vos noms, j'aimerais savoir qui vous êtes réellement. Et expliquez-moi quelle est la très bonne raison de votre présence ici à cette heure indécente. Vite, si possible. Et soyez convaincants, ou je fais appeler la garde.

La menace a été lâchée sur un ton parfaitement calme, et n'est de toute façon pas nécessaire. Sans armes, même à quatre, ils seraient bien incapables de se débarrasser de Freyloord qui peut probablement les briser les uns après les autres sans la moindre difficulté. Il se tient d'ailleurs derrière eux, silencieux, ses immenses bras croisés autour de sa poitrine large et musclée. Mais il est vrai que dans le pire des cas, elle peut toujours en appeler aux hommes qui patrouillent dans le palais, pour régler leur compte à ces étrangers, si d'aventure ils n'avaient pas de motif légitime de se trouver ici. Il n'y a nulle agressivité dans les paroles de la jeune noble, toutefois. Seulement le désir de connaître la vérité le plus rapidement possible, et de pouvoir rentrer se coucher à une heure raisonnable. Elle se met donc à observer tour à tour les quatre voyageurs, cherchant lequel va prendre la parole en premier.

#Nivraya #Thorondil #Shaïa #Njall #Adaes
Sujet: [PV Kate] Les ambitieux n'ont pas d'amis. Que des intérêts.
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [PV Kate] Les ambitieux n'ont pas d'amis. Que des intérêts.    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 11 Juin 2013 - 18:53
Dans la pièce, les conversations reprennent, tandis que chacun peut constater en personne que la jeune perceptrice d'Arnor n'est pas venue pour faire des histoires à un quelconque mauvais payeur. Les figures comme elle, en règle générale, sont bien connues du peuple, qui sait fort bien qui vient frapper à sa porte pour demander le règlement ici de l'impôt, ici d'une dette de jeu. Et ce n'est en général pas avec grand plaisir qu'ils la découvrent en ouvrant la porte, lorsqu'elle leur annonce froidement "puis-je entrer ?". Certains vont même jusqu'à dire qu'elle sait faire preuve d'autant de persuasion qu'une bande de brutes venue réclamer de l'argent, mais il est difficile d'accorder du crédit à de telles histoires, lorsqu'on regarde la jeune femme petite et menue qui semble passer davantage de temps à se maquiller qu'à perfectionner ses techniques de combat. La plupart des regards, cependant, ont eu le temps de noter la carrure de son épais garde du corps, qu'il vaut mieux éviter de déranger au risque de se faire arracher un bras. A lui tout seul, à la réflexion, il a bien le charisme d'une bande de brutes...l'air idiot en moins.

Nivraya, depuis longtemps habituée à l'effet que produit son arrivée dans un endroit public, met de côté les murmures et les regards en coin que lui lancent les roturiers, pour se focaliser exclusivement sur la femme qui l'a contactée et qui l'approche désormais, afin de parler affaires. Le nom de Prospéris ne lui est bien évidemment pas inconnu, mais il lui semble cependant curieux de rencontrer une personne aussi jeune. Elle se serait davantage attendue à voir une femme d'expérience, ayant su se faire un nom à force de persévérance. Ici en Arnor, elle avait l'impression qu'elle était une exception, et elle oubliait parfois que les autres royaumes pouvaient se montrer moins intolérants à cet égard, et laisser un peu plus de chances - un tout petit plus...- aux femmes. Pourtant, dans le regard froid de cette commerçante, il y a quelque chose qui trahit sa grande force de caractère, et son inflexibilité, ce qui achève de convaincre la noble que Prospéris aurait tout aussi bien réussi en Arnor qu'en Gondor. Le tout est bien dissimulé derrière une apparence affable, que se doivent de cultiver les femmes qui veulent mettre un pied dans le monde des hommes. Respectant à la lettre le protocole, elle s'incline avec une élégance bien trop rare actuellement, à laquelle Nivraya répond par une inclination mesurée de la tête.

- Je suis enchantée de vous rencontrer, Dame Kathryn, répond-elle sans emphase, en la suivant jusqu'à sa table.

Effectivement, elle a réservé la meilleure table de l'établissement, et cela à bien des égards. Outre le fait qu'elle soit décorée avec simplicité mais élégance, celle-ci se trouve quelque peu à l'écart des oreilles indiscrètes, et du passage des clients qui entrent et sortent au gré de leur envie. Elle se trouve dans un endroit où il est difficile, depuis l'entrée, de voir qui est attablé, ce qui permet de préserver totalement l'intimité des gens qui souhaitent converser. Alors qu'elle se déplace avec une certaine souplesse, la jeune perceptrice capte le pas lourd de Freyloord dans son dos. Sans laisser l'agacement se lire sur ses traits ni dans le son de sa voix, elle se retourne à demi, et lance à son imposant ami :

- Je vous en prie, mon brave, laissez-nous seules. Je ne risque absolument rien ici. Installez-vous confortablement, s'il vous plaît.

Son intervention a l'air d'une invitation joliment formulée, mais l'ordre est clairement perceptible derrière son ton détaché, et Freyloord se sent obligé d'acquiescer de la tête, sans ajouter un mot - sa plus grande qualité. Il va donc s'installer à une table, d'où il peut tout de même garder un œil et sur les clients déjà occupés à manger, et sur les éventuels nouveaux arrivants. Alyss, quant à elle, continue à suivre dévotement Nivraya, tête basse, un air absent peint sur ses traits. Elle joue le rôle à la perfection. Nul besoin pour la noble de demander à sa compagne si la présence de sa suivante la dérange, car celle-ci s'installe tout près, mais suffisamment loin tout de même, de sorte que la conversation a l'air d'un tête à tête. Avec un sourire de circonstance - éclatant et parfaitement sincère, donc -, Nivraya accepte le compliment sur sa tenue :

- Vous êtes trop aimable, ma chère, et si je puis me permettre, vous me flattez encore bien davantage que votre création (elle rit doucement pour atténuer la portée de ses paroles). Mais seuls les hommes galants sont persuadés qu'une femme fait la robe. Votre travail est admirable, et, tout du moins en ce qui me concerne, admiré.

Nivraya conserve sur le visage un sourire tout à fait charmant, qu'elle est entraînée à reproduire tant et si bien qu'elle le maîtrise désormais à la perfection. En face, Kathryn Prospéris semble adopter la même tactique : une réserve prudente, mais aux apparences polies et soignées. Cependant, si chacune d'entre elles apparaît mondaine et naïve, chacune a également compris que l'autre représente sinon une menace, au moins un adversaire de taille qu'il convient de respecter, et surtout de ne pas sous-estimer. Nivraya, sans avoir entendu quelque histoire particulière au sujet de cette marchande, sait que sa réputation n'est pas simplement le fait de la qualité - indéniable - de ses créations, mais aussi celui de son talent de négociatrice. Un talent que la jeune femme aimerait bien ne pas voir utilisé à ses dépens.

Elle accepte tranquillement le verre de vin, et le porte à ses lèvres avec délectation. Sans pouvoir identifier le cru, elle reconnaît qu'il s'agit d'une excellente bouteille. Elle demeure un instant à apprécier la coupe, avant de finalement lâcher un "Exquis !" appréciateur et connaisseur, qui ne l'aide pas du tout à se détendre. Par expérience, elle sait que les pires ennuis peuvent venir après la meilleure bouteille de vin. Pleine d'une assurance liée à sa position, Nivraya caresse du bout des doigts le sceptre faussement négligemment posé sur la table : un objet qui symbolise à lui tout seul la charge qu'elle occupe, et le pouvoir que, de fait, elle détient. En un sens, cet objet la rassure, et elle ne s'en sépare jamais bien longtemps. Elle demeure calme, ce demi-sourire toujours plaqué sur le visage, tandis que le repas arrive sur un signe de son hôte. Le plat appétissant lui tendant les bras, et la marchande ayant elle-même commencé à manger, la noble y goûte avec délectation. Le met en lui-même est absolument fantastique, préparé et servi avec un soin tout particulier. Même elle, en tant que membre de la noblesse, ne mange jamais aussi bien, mais elle se garde bien de le montrer à une roturière, se contentant de hocher la tête avec lenteur, pour montrer son contentement.

Alors, Kathryn entre dans le vif du sujet, sans vraiment faire de détour. Nivraya l'écoute avec grande attention, tout comme Alyss qui, l'air de rien, ne perd par une miette de la conversation. Si au départ, la mission semble aller de soi - pourquoi contacter une perceptrice royale, sinon pour percevoir un dû ? -, Nivraya comprend finalement pourquoi toute cette mise en scène, pourquoi l'invitation, le bon vin et la belle table. Sauren Leomata est un commerçant relativement connu, qui a surtout su utiliser son argent pour s'acheter des amis, lui garantissant une influence conséquente au sein de la noblesse. Des amis capables de détourner les enquêtes officielles, et de briser la carrière d'une femme qui aurait la prétention de l'attaquer. Surtout pour une affaire aussi avilissante. Leomata incapable de payer une dette ? Il serait regrettable qu'un tel état de fait s'ébruite...cela aurait pour effet de faire se réveiller d'un coup tous les créanciers. Et combien d'autres partis se trouveraient satisfaits de savoir la famille Leomata anéantie ?

Pour la première fois, le sourire de Nivraya se fissure, tandis qu'elle mesure l'ampleur de ce qu'il lui est demandé par cette femme. S'attaquer à Leomata, c'est s'attaquer à plus fort que soi, de toute évidence. Certes, avec des arguments légaux, il est possible de faire tomber n'importe qui, mais cela revient à se lancer dans un numéro de funambulisme risqué : au moindre pas de côté, c'est la chute. Définitive. Le risque est énorme, et la jeune femme trouve opportun de goûter une fois de plus à ce vin, pour se rappeler le goût exquis qu'ont les ennuis les plus gros. Elle réfléchit à toute vitesse, consciente qu'elle ne peut demeurer sans donner de réponse. Elle finit par décider de gagner du temps :

- Sauren Leomata, en défaut de paiement ? Il m'est avis que c'est une chose bien étrange. Comprenez mon hésitation, mais on ne s'attaque pas à cette famille à la légère. Êtes-vous prête à entrer dans une bataille que, même en supposant que vous ayez toutes les armes en main, vous pourriez perdre ?

Nivraya pose la question autant pour son interlocutrice que pour elle-même. Est-elle prête à prendre ce risque ? En règle générale, on prend un risque en espérant gagner quelque chose en retour. Mais qu'est-ce qui peut bien valoir le danger de perdre sa réputation, son poste, sa carrière, et peut-être même celle de toute sa famille ? Elle essaie de ne pas y penser, mais il y a bien quelque chose : le prestige. Avoir réussi à s'opposer à la famille Leomata au nom de la justice royale, c'est un coup de maître qui peut rapporter gros sur un plan politique. Un coup qui peut ouvrir des portes, par la suite, et qui peut aider à nouer quelques amitiés intéressantes. Vu sous cet angle, le jeu en vaut certainement la chandelle, et même si Nivraya essaie de trouver des arguments pour aller contre cette tentation, elle sait au fond d'elle-même qu'elle a déjà pris sa décision, qu'elle s'opposera bel et bien à cette famille. Non pas pour faire triompher la justice, ou pour rendre service à Kathryn Prospéris, mais bien pour se faire triompher et se rendre service à elle.

Elle inspire profondément, et s'arme à nouveau de son sourire, avant de lancer :

- C'est une entreprise dangereuse dans laquelle vous souhaitez vous lancer, et vous n'en maîtrisez pas tous les éléments. Premièrement, même avec toute la délicatesse d'Arda, il n'existe aucune chance pour que nous ne froissions pas Leomata. Et ce simple premier point aurait fait reculer tous les éventuels créanciers, car il pourrait anéantir vos chances d'atteindre la noblesse d'Arnor. Deuxièmement, contrairement à ce que l'on dit, je suis loin d'être la meilleure de ma profession, et si vous avez eu l'occasion de rencontrer notre homme, vous devez savoir qu'être une femme ne m'aidera en rien à le convaincre. Mais ce qu'il est capital pour vous de savoir, troisièmement, c'est que personne ici ne se risquera à vous suivre... personne à part moi.

Elle marque une pause purement rhétorique, et ajoute un demi-ton plus bas :

- Aussi fou que sois votre projet, Dame Kathryn, j'ai l'intuition que nous pouvons y arriver. Je vous accompagnerai donc voir Leomata pour régler ce problème. (Un ton plus haut) Et maintenant, dites m'en plus, voulez-vous ? Je dois tout connaître de cette affaire si je veux avoir la moindre chance de réussir.

Son sourire avait désormais totalement disparu, laissant place à l'expression concentrée qu'elle arborait lorsqu'elle traitait d'affaires importantes. Avec un calme souverain, elle reprit son repas là où elle l'avait laissé, essayant de ne pas songer à ce qu'elle venait d'accepter. Savourant une bouchée divine, elle ne put s'empêcher de penser au goût des ennuis, et se dit que ce serait peut-être la dernière fois qu'elle mangerait si bonne chère. Autant en profiter.

#Nivraya #Kathryn
Sujet: Quand le chat s'en va, les souris dansent
Nivraya

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Rechercher dans: Annúminas   Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Quand le chat s'en va, les souris dansent    Tag nivraya sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 14 Mai 2012 - 19:02
- Plus bas !

Nivraya s'exécute de mauvaise grâce. Son front est brillant de sueur, et sa peau est rougie par l'effort. Il est évident qu'elle ne tiendra pas longtemps. Pourtant, Alyss l'exhorte à donner le meilleur d'elle-même, à se dépasser. Une main délicatement posée dans son dos la pousse toujours plus bas, jusqu'à ce que ses deux mains soient finalement en appui sur le sol. Nivraya souffle fort pour chasser la douleur, comme Alyss le lui a conseillé. Ses jambes tendues lui font atrocement mal, et elle est obligée de serrer les dents pour ne pas exploser. Voyant qu'elle est sur le point d'aller trop loin, la jeune Haradrim retire sa main, signal tacite qu'il est temps d'arrêter. Avec un soupir de soulagement, la noble se redresse. Elle s'étire le dos, et agite ses orteils, pour retrouver un peu de sensibilité.

- C'est bien, tu progresses vite. Demain, on verra si tu peux tenir un peu plus longtemps, et si tu peux le faire sur le dos.

Nivraya hoche la tête, et avale d'un trait un verre d'eau froide qui lui brûle la gorge. Elle retrouve enfin la parole, et lance :

- Peut-on s'entraîner, avant que je ne commence ma journée ?

- Bien sûr.

Les deux femmes se placent face à face, dans un petit espace dégagé, et commencent à se battre, comme tous les jours. Elles échangent des attaques à distance, avant de se lancer dans un corps à corps éperdu. Et comme d'habitude, Nivraya est contrainte d'abandonner, devant la rapidité et la souplesse de son adversaire. Une clé au bras habilement placée, associée à une prise en triangle au niveau de l'abdomen auraient de toute façon eu raison de n'importe quel adversaire. Mais cette pensée ne la rassérène guère. Elle se dit qu'elle aurait pu mieux faire, tenir un peu plus. Leur duel n'a pas duré longtemps - comme d'habitude -, mais suffisamment pour que les deux jeunes femmes doivent se presser pour respecter leur emploi du temps. La journée risque de ne pas être très palpitante : paperasse, signatures et ordonnances. Elle pourrait presque le faire depuis chez elle. Alyss et Nivraya savourent un verre d'eau bienvenu, avant de s'apprêter à partir se préparer, quand soudain on frappe à leur porte.

Nivraya hésite un bref instant, avant de lâcher un "entrez" qu'elle juge ridiculement haut perché. Qui peut bien venir la voir à cette heure-ci ? D'ordinaire, quiconque veut la contacter passe par son office au palais, ou dépose le courrier à Freyloord, qui ne se donne pas la peine de frapper pour rentrer. Dans l'intervalle qui précède l'ouverture de la porte, Alyss s'éclipse dans la pièce voisine, tandis que Nivraya s'empresse de remettre un peu d'ordre dans sa coiffure. Tant pis pour sa mise sportive, de toutes façons elle n'a jamais caché qu'elle s'exerçait quotidiennement. Mais il y a fort à parier que son interlocuteur sera surpris de la voir ainsi habillée.

La porte s'ouvre, et le colosse s'écarte pour laisser passer une femme dont le visage ne dit rien à Nivraya. Roturière, à en juger par sa...tenue, elle n'en reste pas moins bien habillée, avec des tissus hors de portée du commun des plébéiens, et son maintien indique qu'elle représente quelqu'un d'important. Pourquoi ça ? Parce que Freyloord n'aurait jamais laissé entrer une roturière ne représentant pas quelqu'un d'important dans la Chambre. L'examen bilatéral terminé, comme le veut la politesse, les basses classes saluent en premier la noblesse. L'hôte y répond avec la courtoisie nécessaire, puis annonce sans ambages :

- Je devine à la lettre que vous tenez que vous m'apportez un message. Ceci dit, vous pouvez constater que je ne suis guère à mon aise. Je vous autorise à profiter d'un de mes fauteuils, pendant que je vais me préparer.

Sans attendre de l'inconnue une confirmation qui de toute façon aurait été malvenue, Nivraya se coule dans la pièce à côté, laissant l'invitée aux bons soins de Freyloord. En refermant la porte, la jeune femme ne peut s'empêcher de laisser fleurir sur ses lèvres un sourire de satisfaction. Le naturel avec lequel elle prend le dessus sur les autres la laisse sans voix. Néanmoins, si elle représente quelqu'un de vraiment important, il serait malavisé de la faire attendre trop longtemps. C'est donc en hâte que la jeune femme se lave dans un bon bain chaud, se sèche dans une serviette propre, se glisse dans une robe moulante d'un bleu profond, se coiffe avec le plus grand soin, se maquille très légèrement, et finalement réapparaît dans la pièce à vivre de sa Chambre, moins de quarante minutes plus tard.

Elle y trouve Alyss, vêtue d'une tunique de servante, occupée à verser de l'eau à leur invitée qui, confortablement installée dans un fauteuil, tourne le dos à Freyloord qui occupe le fond de la pièce. La noble lève une main apaisante, pour signifier à l'inconnue qu'il n'est pas nécessaire qu'elle se lève pour l'accueillir. Avec tranquillité, elle récupère son sceptre à tête de dragon posé sur son râtelier, et vient prendre place autour de la table basse. Dans le fauteuil le plus éloigné, bien entendu. Inviter une roturière à s'asseoir est déjà très généreux, mais s'il faut en plus se coller à elle...

Toutes ces considérations parfaitement naturelles chez Nivraya ne transparaissent nullement sur son visage neutre. Elle claque des doigts, et fait signe à Alyss de lui apporter une collation. Puis, reportant finalement son attention sur l'objet de tout ce cérémonial, et sans même s'excuser pour le temps qu'il lui aura fallu, elle déclare :

- Me voilà disposée à vous écouter me lire le contenu de cette lettre. Je vous en prie.

Elle glisse un mince filet d'eau entre ses lèvres savamment maquillées, et repose le verre sur la table sans un bruit. Intriguée. Attentive.

#Nivraya #Alyss
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