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 L'essentiel en enfer est de survivre

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Ryad Assad
Espion de Rhûn - Vicieux à ses heures perdues
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Ryad Assad

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L'essentiel en enfer est de survivre EmptyDim 20 Jan 2013 - 16:00
Suite de L'âme sûre ruse mal
___


J'avais toujours eu une certaine réticence à me déguiser pour tromper l'ennemi, mais il fallait reconnaître que cela marchait plutôt bien, car celui-ci n'était pas habitué à affronter des gens insaisissables. La plupart des espions de l'Ouest se promenaient vêtus de tenues sombres, la mine patibulaire, avec un air coupable qui les trahissait à des lieues à la ronde. Ils ne se comportaient pas si différemment des assassins qu'on pouvait envoyer pour tuer un vulgaire paysan dans une auberge, même si certains étaient assez doués pour jouer la comédie et ne pas se faire prendre. Mais ces espions de bas étage étaient une véritable insulte à la profession, et je n'avais guère de pitié pour des gens si peu qualifiés. Depuis le début de notre périple, à Agathe et à moi, j'avais déjà eu l'occasion d'en réduire deux au silence. Le premier sur la route, le second à Al'Tyr. J'étais persuadé que les Ombres qui contrôlaient la ville étoufferaient l'affaire, et quand bien même, cela ne me dérangeait pas. C'était là le privilège de ceux qui agissaient déguisés. Tuer en toute impunité et repartir comme si de rien n'était, vers un autre endroit où ils allaient accomplir la même tâche.

Agathe avait déposé la lettre que je lui avais confiée sans aucun problème, et elle m'avait même expliqué en détail comment elle avait surveillé les alentours de manière discrète, pour s'assurer que personne ne la suivait, et que personne ne risquait d'intercepter le Chien une fois le mot remis. Cela m'avait quelque peu impressionné. Pour une novice, elle avait de bonnes intuitions, et de la suite dans les idées. Le seul problème était qu'elle avait tendance à prendre cela comme un jeu. Nous étions pour l'heure à Al'Tyr, une ville qui était acquise à la cause de Taorin, ce qui pouvait expliquer que tout fût facile. Jouer à l'espion, regarder de droite et de gauche d'une manière furtive avait de quoi exciter, mais le danger n'était pas omniprésent. A Dur'Zork, les choses seraient différentes, et il faudrait composer avec la garde qui risquait d'être attentive, les espions chargés par Radamanthe de traquer ceux qui essayaient de s'infiltrer dans sa ville, ainsi que tous les citoyens paniqués prompts à lancer des accusations sur les étrangers. De quoi se retrouver pendu avant d'avoir eu le temps de poser ses bagages. Assez désagréable.

Après la soirée passée dans la taverne, Agathe et moi avions retrouvé notre petite auberge, dans laquelle nous avions passé une nuit des plus reposantes, pour attaquer la dure journée du lendemain qui consisterait principalement à reprendre la route. Aux premières heures du matin, nous avions gagné la porte de la ville qui ouvrait sur la route du Nord, et avions attendu une caravane ou un convoi qui nous permettrait de nous fondre dans la masse. J'avais entre temps troqué mon costume de marchand contre une vieille cape de voyage, et passé une perruque et une barbe qui me faisaient ressembler à un vieillard. J'avais même le bâton qui allait avec. La touche finale qui faisait toute la différence. Je prenais un grand soin à marcher lentement et d'un pas mal assuré, ce qui avait le don d'exaspérer Agathe, désormais habituée à mon rythme habituel.

- Ne pouvez-vous pas avancer plus vite ? M'avait-elle lancé sur un ton un peu acerbe.

Jouant le jeu à fond, je répondis d'une voix vieillie et fatiguée :

- Hmm...

Elle soupira, et passa son bras sous le mien pour me soutenir et me tirer. Celle-là devait avoir une notion très particulière de l'aide aux anciens, non mais ! Cependant, je ne me démontai pas, et continuai à incarner mon vieillard irascible et fatigué. Nous arrivâmes enfin aux portes, ou des caravanes attendaient de pouvoir partir. Agathe me demanda de rester sans bouger, et fila demander à quelques personnes si elles ne pouvaient pas nous accompagner. Pour faire bonne mesure, je me forçai à prendre une respiration sifflante, et à sembler épuisé. Je ne doutai pas qu'avec son talent de persuasion et mon air pathétique, quelqu'un finît par accepter notre présence. Et encore une fois, je pus me targuer d'avoir eu raison sur toute la ligne. Quelques minutes plus tard, j'étais installé sur un chariot, bien calé sur des sacs d'or qui voyageaient en direction de Dur'Zork pour y acheter du grain. En plus de ça, nous étions escortés par une trentaine de soldats Gondoriens qui me semblaient être des types loyaux et prêts à se battre jusqu'au bout. Il me fallut un effort de volonté pour ne pas éclater de rire. Voyager jusqu'à la capitale sur le chariot des impôts qui arrivaient à Radamanthe. Quel culot, cette fille !

Le voyage avait été assez rapide, et surtout très confortable. Nous avions voyagé selon une trajectoire assez particulière, sans passer par Djafa où nous aurions très probablement attiré l'attention. L'or devait gagner la capitale rapidement, et nous fûmes rejoints en route par d'autres soldats qui vinrent renforcer le contingent déjà conséquent qui nous escortait. De mon côté, je jouais parfaitement mon rôle. Le vieillard sénile dans la peau duquel je m'étais glissé était dur d'oreille, ce qui me permettait de me tenir non loin dans gardes sans qu'ils s'inquiétassent de savoir si oui ou non j'allais comprendre quelque chose. Agathe avait en outre laissé entendre que je ne parlais pas bien le westron, ce qui m'arrangeait. Elle avait trouvé à expliquer sa présence en déclarant qu'elle était la fiancée de mon fils, soldat à Dur'Zork, et qu'elle avait souhaité faire le voyage pour me ramener jusque là-bas pour célébrer leurs noces. Pas mal trouvé.

J'avais rarement effectué un tel trajet aussi rapidement et sans jamais avoir à m'inquiéter de ce qui pouvait survenir. Très honnêtement, il aurait fallu être fou pour attaquer un tel convoi, et même soixante ou soixante-dix bandits auraient été en peine de gagner contre tous ces soldats. Ce fut ainsi que nous gagnâmes Dur'Zork en toute tranquillité, franchissant ses murailles sans avoir à subir le contrôle drastique des autorités locales. J'avais bien conscience que le joli minois d'Agathe n'était pas étranger à cette affaire, mais si elle pouvait me servir de passe-partout, je ne pouvais qu'en être ravi. Le chef de cette expédition nous abandonna aux portes, et nous conseilla une auberge non loin, dans laquelle, dit-il, "nous serions traités comme des rois". Ma compagne lui assura cependant qu'elle devait rejoindre son fiancé pour achever les préparatifs, et qu'elle avait beaucoup à faire. Je pus lire une pointe de regret dans les yeux du soldat, qui me tira un sourire amusé. Il devait se dire qu'il n'avait pas de chance...S'il savait à quel point !

Dans tous les cas, nous étions dans la place, introduits dans les lieux dans la plus grande discrétion, ce qui n'était pas pour me déplaire. Nous nous mîmes en quête d'un lieu où passer la nuit, de préférence dans un endroit calme et à l'écart de la foule et des lieux de pouvoir. Un endroit où nous pourrions passer inaperçu. Tandis que nous marchions - très lentement, grâce à mes efforts - à travers les rues, je tendis l'oreille et ouvrit l'œil pour être sûr que nous n'étions pas filés. Fort heureusement, je ne remarquai personne. Cela pouvait signifier qu'il n'y avait personne derrière nous, ou bien que celui qui me suivait était du genre très bon. Mais cette dernière éventualité était la plus improbable. Tous les bons espions devaient être occupés à surveiller les frontières, à recueillir des informations sur les mouvements d'Umbar, et à essayer de dresser un portrait fidèle de la situation. L'Emir devait faire confiance à son armée pour assurer la sécurité des lieux. A quoi aurait-il servi de garder ses meilleurs hommes à l'intérieur de ses murs, surtout qu'en face, ce n'étaient que de vulgaires pirates. S'il les sous-estimait comme je les méprisais, alors il avait probablement envoyé tout ce qu'il avait pour les surveiller, laissant sa ville à la merci de gens comme moi.

Nous trouvâmes finalement une auberge où nous décidâmes de passer la nuit, mais nous passâmes devant sans nous arrêter. J'avais tiré le bras d'Agathe pour l'inciter à continuer. Maintenant que nous étions dans la place, j'avais besoin de ma liberté de mouvement, et surtout de retrouver mon apparence habituelle. Marcher voûté avait de quoi user prématurément, et je préférais de loin me promener avec une épée au côté qu'avec un simple bâton...même si je pouvais être redoutable avec cette seule défense. A l'abri d'une petite ruelle qui se trouvait un peu plus loin, j'exécutai mon numéro de transformiste tandis qu'Agathe surveillait les alentours. En deux minutes à peine, j'avais retrouvé l'apparence de Salem, rangé mes affaires dans mon sac, prêt à retourner à l'auberge.

L'endroit était modeste et peu peuplé, mais il semblait propre. Je laissai Agathe nous réserver une chambre, tandis que je mémorisais intérieurement la configuration des lieux. Il était important de bien connaître cet endroit, car il constituerait notre point de chute, et si d'aventure nous étions démasqués, il y avait de fortes chances pour que nous soyons obligés de fuir d'ici avec la garde aux trousses. Connaître les issues était primordial si l'on voulait se donner de bonnes chances de survivre. Agathe revint à mes côtés rapidement, avec une petite clé dorée, et une moue désolée sur le visage. Lorsque je l'interrogeai du regard à ce sujet elle répondit :

- La chambre avec deux lits coûtait trop cher, donc j'ai été obligée de prendre un lit double.

Je haussai un sourcil :

- Et ?

Elle me regarda, visiblement chiffonnée :

- Vous êtes vraiment un crétin !

Et elle s'élança dans l'escalier d'un pas décidé, la mine boudeuse. Je la suivis, perplexe, cherchant à comprendre ce que j'avais bien pu dire pour l'énerver à ce point. Me résignant à la laisser piquer sa petite crise tant que ça lui plairait, je décidai d'éluder le problème. Nous avions des affaires plus urgentes à régler. Comme par exemple nous repérer dans la ville, prendre contact avec les Chiens que j'avais envoyés avant nous, et essayer de déterminer un plan pour recueillir des informations à Radamanthe. Il fallait également que je trouve comment communiquer discrètement et sûrement avec Taorin, sans éveiller les soupçons. Faire confiance à quelqu'un pour acheminer les informations ? Cela augmentait le risque d'interception, et présenterait un inconvénient majeur quand la guerre serait déclarée, et que les allées et venues seraient surveillées de manière très stricte. Non, il nous fallait autre chose. Les pigeons ? Banal mais efficace. Cela aurait en outre le mérite d'être rapide. Mais pas question de les envoyer directement à Umbar, non. Autant peindre directement "Espion" sur mon front et aller danser l'estampie au milieu de la caserne. Non. Par contre, Al'Tyr pouvait constituer un relais intéressant pour l'instant. Et lorsque les armées de Taorin y parviendraient, ce serait encore mieux. Oui.  C'était pour l'heure la meilleure solution.

Absorbé par ces pensées qui requéraient tout de même une bonne dose de concentration, je lâchai un "hmm ?" interrogateur en me tournant vers Agathe qui m'avait adressé la parole. Je n'avais tout bonnement pas écouté, et je ne voyais pas ce que cela avait d'insultant, mais ses sourcils se froncèrent instantanément comme si je lui avais demandé d'aller se faire voir ailleurs. Forcément, elle répondit avec passion :

- Arrêtez de faire "hmm" comme ça ! J'en ai déjà assez soupé de vos manières de vieillard pendant le trajet, alors faites-moi au moins grâce de cela quand nous sommes seuls.

Ce fut à mon tour de froncer les sourcils. Il y avait quelque chose qu'elle ne comprenait pas encore, et qu'il était de mon devoir de lui expliquer, sans quoi aucun de nous ne risquait de survivre à nos premiers jours ici :

- Mais qui vous dit que nous sommes seuls ? Je vous rrappelle que nous ne jouons pas à quelque comédie, Agathe. Rressaisissez-vous si vous ne voulez pas que nous finissions dans les ennuis jusqu'au cou. Et surrveillez votrre langue. Je sais que cela peut sembler alarrmiste, mais n'oubliez pas qu'ici, perrsonne ne nous ferra de cadeaux. Et maintenant, si vous aviez quelque chose à me dirre, dites-le sans détourr, point final.

Elle accusa le coup de mes paroles, et avait visiblement envie de répondre quelque chose, mais elle savait que j'avais visé juste, et qu'elle ne trouverait pas d'arguments pour me contrer sans aller dans une surenchère puérile et inutile. Cependant, même si elle s'avouait pour l'instant vaincue, son visage n'affichait rien d'autre qu'une colère bouillonnante qui menaçait de déborder les limites de sa politesse et de son contrôle. Elle serra les poings et la mâchoire, avant de lâcher :

- Je vous disais simplement que l'aubergiste nous avait préparé un bain. C'est tout.

Ce fut à moi de me retrouver bête. Nous en étions arrivés là pour une simple histoire de bain ? Décidément, nous frisions le ridicule. Si nous étions en ce moment-même en train d'être espionnés par un des hommes de Radamanthe, celui-ci aurait soit quitté son poste pour aller informer son maître que ceux qu'il suivaient n'étaient en réalité pas une menace, puisqu'ils se chamaillaient pour des broutilles, à moins qu'il ne fût tombé du promontoire par lequel il nous observait à force d'avoir trop ri. Dans l'une comme dans l'autre des hypothèses, je me sentais humilié. Pourquoi fallait-il toujours que nous en arrivions là avec cette femme ? Elle tourna les talons, et s'apprêta à sortir. Ce fut alors que je remarquai qu'elle tenait une serviette et des vêtements propres entre ses mains. Peut-être que si j'avais prêté un peu plus attention à elle, j'aurais pu les voir, et comprendre où elle voulait en venir. Mais ce qui était fait était fait. Alors qu'elle avait la main sur la poignée, je lançai distraitement :

- Voulez-vous aller manger en ville, ce soirr ?

Elle se figea un instant.

- Crétin.

Et elle sortit. Au moins, j'avais essayé.

#Ryad #Agathe


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L'essentiel en enfer est de survivre EmptyDim 10 Mar 2013 - 18:39
Je ne me trompe en général pas sur les gens, et je dois dire que j'étais très surpris par les hommes que m'avait confié Taorin. Aussi incroyable que cela pût paraître, ils avaient tous réussi à rentrer dans Dur'Zork, et à s'y infiltrer plus ou moins bien, selon les consignes que je leur avais données. J'aurais pu tomber en pâmoison devant leur exceptionnel talent et leur brio magistral, mais je savais surtout que c'étaient les espions de Radamanthe qui étaient à plaindre. N'étaient-ils pas entraînés ? Enfin...si des espions n'étaient même pas capables de reconnaître de rustres pirates sommairement déguisés, comment pouvaient-ils décemment faire leur travail ? Autant embaucher des vendeurs de blé pour faire le boulot. Au moins, eux, ils savent différencier les bonnes graines des mauvaises. En parlant de mauvaises graines, j'avais pris contact avec à peu près la moitié des chiens en cinq jours. Les autres, j'avais réussi à les localiser, mais je n'avais pas estimé opportun de les contacter, pour éviter de détruire leur couverture. J'aurais éventuellement pu leur laisser un mot, mais je préférais être prudent. Non pas qu'ils auraient pu se faire attraper, non, mais je n'étais tout simplement pas certain qu'ils eussent tous appris à lire. Ah, quelle équipe !

J'avais récupéré un compte rendu auprès de ceux que j'étais allé voir, et j'avais essayé d'en faire la synthèse de manière aussi claire que possible. Dans la tête de ces lourdauds, ils ne faisaient que me dire des choses comme "oh, on n'a pas reçu beaucoup plus de commandes que d'habitude". Et cela aurait pu être une phrase anodine...s'il n'avait pas travaillé dans une forge ! Ainsi, Radamanthe retardait sa préparation...A moins qu'il ne fut tout simplement pas au courant de tout ce qui se tramait à Umbar. Non...Il n'était pas possible que...Non ! Je ne pouvais pas avoir tué son seul informateur, c'était impossible ! Allons bon, restons sérieux un moment. Il avait sans doute eu vent de la mobilisation qui se préparait dans la cité pirate. Mais pourquoi ne se préparait-il donc pas ? Croyait-il que les pirates allaient embarquer et remonter le long des côtes, dépasser son pathétique territoire, et essayer de s'attaquer aux tout aussi pathétiques Gondoriens ? Hmm...Peu probable, et peu réaliste. Pensait-il alors que Taorin allait attaquer à lui tout seul le Khand, pour conquérir un morceau de territoire désertique, brûlé et invivable, où rien ne poussait ? Cela n'avait aucun sens ! Si les Khandéens ne plaçaient pas de troupes fixes aux frontières, c'était précisément parce que personne ne s'intéressait à ces territoires. Et pourquoi ? Parce qu'ils n'avaient rien d'intéressant.

Par contre, le Harondor, avec sa position stratégique idéale, et ses richesses naturelles...il faisait une cible de choix. Pas facile de dire combien de soldats du Rhûn auraient été nécessaires pour prendre le pays tout entier... Un ou deux, pas plus... mille ! Un ou deux mille. Attention, il ne faut pas exagérer. Le plus important, c'est de ne jamais sous estimer son adversaire, surtout lorsqu'il est incommensurablement moins fort. La fourmi a sa propre colère, dit-on. Mais ce n'était pas l'objet de mes préoccupations. Que la piétaille moribonde de Taorin se brisât sur les remparts de la cité, ou bien qu'elle pût prendre le contrôle de la citadelle en quelques heures, débâcle ou triomphe, tout cela ne m'agitait pas vraiment. Je servais des objectifs bien plus nobles, bien plus grands encore. Des objectifs que personne ne pouvait comprendre parmi les Pirates, et que personne ne pouvait accepter parmi les occidentaux. Quelle tristesse d'être seul avec soi-même. Enfin...je n'étais pas tout à fait seul. J'avais la présence d'Agathe, qui tentait de rester tranquille pendant que j'écrivais le compte-rendu que je préparais à l'attention de Taorin, selon le code que nous avions établi.

Je lui racontai sommairement que notre - j'aime bien dire "notre", ça donne l'impression que je suis émotionnellement impliqué, c'est beau - opération suit son cours, que ses - j'aime aussi dire "ses", ça lui donne le sentiment de contrôler la situation - Chiens ont fait du bon travail - braves toutous ! - et que nous avons recueilli des informations cruciales. Ca, c'était pour me faire mousser un peu, car après tout, qu'y avait-t-il à dire, sinon que dans les rues, l'inquiétude n'était pas aussi importante qu'elle aurait dû l'être. Radamanthe devait être préoccupé par d'autres trucs plus importants, comme son repas, ou la couleur de ses chaussures. Chacun ses batailles, après tout. Cependant, je précisai bien à Taorin-N'a-Qu'un-Œil que la situation était loin d'être simple, et la partie loin d'être gagnée. J'avais eu l'occasion de faire un tour, et d'observer un peu l'armée du Harondor. Pas catastrophique, tous comptes faits. Enfin...cet avis était sûrement influencé par mon stage intensif chez les pirates. Difficile de trouver des défauts chez une armée après avoir vu leur "organisation", leur "discipline". Je ne sais même pas si le mot "manœuvre" fait partie de leur code militaire. En fait, je ne sais même pas s'ils ont un code militaire. A ce moment, je me demandai s'il n'était pas plus prudent de changer de camp, d'aller voir Radamanthe, et de le mettre au courant. Enfin quoi...aider des pirates et des bandits constitués en armée à s'emparer d'une cité garnie de paysans engoncés dans des armures, c'était comme...comme faire boire quelqu'un jusqu'à le rendre ivre mort, puis lui demander de tuer un homme attaché sur une chaise avec une feuille de palmier. Techniquement c'est possible. En plantant la tige dans l'œil, ou quelque chose du genre. Mais franchement, aucun pirate n'allait penser à utiliser la tige, et on aurait le droit à un festival de massage-flagellateur à grand renfort de vomi et de rires moqueurs - provenant du prisonnier. C'était un peu comme ça que je voyais les choses. Et si nos - notez le "nous" - chances de remporter la victoire n'étaient pas nulles, c'était très probablement grâce à l'intervention de Rhûn - incarné par votre serviteur - et à la présence des Mûmakil. Sans eux, j'aurais arraché le second œil de Taorin pour l'avoir vu engloutir sans manières un grand cru de mon pays, j'aurais sauté dans la première carriole venue, et j'aurais filé à l'Est sans demander mon reste. Mais il fallait bien que quelqu'un fît le sale boulot. Pour la Reine.

La lettre terminée, je la tendis à Agathe, qui avait pour mission de la porter à la volière. Elle avait réussi à convaincre les gens qui travaillaient là-bas qu'elle avait de la famille à Al'Tyr, et qu'elle avait pour habitude de leur envoyer beaucoup de messages. Elle avait coloré son propos avec tellement de bavardages inutiles et de charme corporel que les types avaient accepté son histoire sans discuter, contents de la voir revenir régulièrement pour envoyer du courrier. C'était presque trop facile. Ma compagne d'espionnage prit le billet entre ses doigts, et fit tourner la lettre d'un air distrait. Faussement distrait, de toute évidence. Conscient qu'elle attendait une question, je lançai :

- Vous semblez ailleurrs, Agathe.

- Non non...

- Oh...Trrès bien...

Je n'eus pas à attendre plus de quelques secondes pour qu'elle prît la parole, et me racontât ce qui la dérangeait. Ce petit jeu était une manière pour elle de s'assurer que je ne l'oubliais pas, et elle prenait un malin plaisir à minauder pour que je lui demande ce qui n'allait pas. J'avais renoncé depuis longtemps à lui expliquer à quel point notre travail ici pouvait être dangereux, et que ce genre d'attitude risquait de nous coûter la vie. Mais visiblement, elle s'en fichait un peu. Elle avait envie de s'amuser, et c'était tout. Enfin...j'exagérai peut-être un peu, car elle avait en l'occurrence fait du bon travail :

- Je réfléchis pour vous aider, car j'ai l'impression de ne pas être très utile ici, et voici ce que j'ai découvert : quand j'étais à la volière, j'ai vu des oiseaux qui arrivaient au Palais directement. J'ai demandé à un des serviteurs là-bas, et il m'a expliqué que les messages de l'intendant et de ses principaux conseillers arrivaient là-bas. Même si nous espionnions le courrier des gens, nous n'apprendrions rien de compromettant. Il faut nous concentrer sur le Palais. C'est là que tout se joue, j'ai l'impression.

Je réfléchis un instant à ses paroles. Effectivement, c'était logique. L'intendant n'allait pas confier ses missives secrètes à un tiers qui se chargerait de les porter à un quart qui les confierait lui-même à un pigeon. Il devait essayer de minimiser le nombre d'intermédiaires, et placer des hommes de confiance aux postes stratégiques. Connaissant la paranoïa des dirigeants, que partageaient leurs espions, la liste des gens réellement proches de Radamanthe devait être exceptionnellement courte. Des conseillers privés, des conseillers militaires, peut-être un homme en charge de son réseau. Un homme en charge de ses message, et quelques autres pions ici ou là. Je me permis un sourire, auquel Agathe répondit par une moue interrogative :

- Vous avez tout à fait rraison, Agathe. Votrre sens de l'obserrvation va nous éviter de cherrcher au mauvais endrroit. Je sourris parce que je conçois un plan qui me semble intérressant. Si nous pouvions isoler Rradamanthe, le prriver des gens en qui il a confiance, alorrs il lui serra beaucoup plus difficile d'orrganiser une quelconque action. Sans lieutenant, son arrmée serra inutile, et sans hommes de confiance, il ne pourra plus orrganiser quoi que ce soit.

Agathe, conspiratrice, se permit un sourire discret, avant de déclarer :

- C'est un peu mesquin, mais valable. Cependant, je ne vois pas comment nous allons pouvoir nous débarrasser de ces gens. Ils doivent être sous bonne garde.

Je hochai la tête négativement :

- Nous n'aurrons pas à agirr dirrectement. On m'a assurré que les Ombrres, des assassins d'Al'Tyrr, allaient venirr nous prrêter main-forrte. Avec leurr aide, nous décapiterrons le Harrondorr. Rradamanthe esseulé, ce serra un jeu d'enfants pourr Taorrin de s'emparrer de ses terres. Et alorrs, tout serra terrminé.

Je lâchai un soupir de satisfaction, et croisai les mains derrière ma tête. Je me demandais quand et comment les Ombres allaient me contacter...


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