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 Commerce au sud du Poros

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Mardil
Espion de Rhûn - Grand Guru du Culte Nathanaïque
Mardil

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Commerce au sud du Poros EmptyDim 13 Mar 2016 - 19:04

Ella jetait un dernier coup d’œil à son manoir d’Osgilliath lorsqu’on vînt la prévenir que Evart Praven venait d’arriver. Elle alla le saluer rapidement avant qu’ils ne se mettent en route. En temps normal, ils auraient voyagé par bateau jusqu’au Harondor mais des rapports faisaient état de pirates sur les côtes de son pays et elle préférait ne pas courir de risques inutiles. Cela leur permettrait de parvenir au Harondor par le nord et elle pourrait faire un détour vers son haras avant de rejoindre Djafa. Ainsi Evart aurait la possibilité de voir certains de ses domaines, ce qui pourrait s’avérer utile pour la suite.

Elle aurait souhaité partir simplement à cheval mais cela n’était guère possible. Aussi bien elle qu’Evart voyageaient avec plusieurs malles d’effets personnels et les deux charrettes qui transportaient tout cela ne pouvaient voyager bien rapidement. Ella avait apprêté un char en bois pour elle-même et sa suivante mais il n’aurait pas été convenable que son secrétaire voyageât avec les femmes aussi l’avait-elle laissé prendre ses propres dispositions pour son confort.

Le convoi était renforcé par de nombreux gardes. Après ce qui était arrivé à l’un de ses convois de marchandises, la Grande Marchande ne voulait prendre aucun risque pour sa sécurité. C’est donc cachée par les épais panneaux de bois de son char qu’elle quitta Osgilliath. Le temps était magnifique bien qu’un peu frais au goût d’Ella alors que les gondoriens prétendaient qu’il faisait chaud pour un matin en cette saison. Elle avait donc passé un long manteau de fourrure par dessus sa tenue. Non seulement pour la protéger du froid ambiant mais surtout pour que personne ne remarque sa tenue de cavalière qui, selon les standards du Gondor en tous cas, n’était pas convenable pour une dame de sa position.

Les robes gondoriennes avaient beau être belles, elles rendaient totalement impossible l’équitation. Cela était logique étant donné la place laissée aux femmes dans cette nation aussi Ella essayait-elle de ne pas trop s’en formaliser. Elle avait hâte de revenir dans son propre pays cependant. Les tenues d’équitation du Harondor étaient volontiers unisexes. Elle avait enfilé une tenue de cavalière classique, couleur sable et crème. Elle était couverte de la tête aux pieds afin de se protéger du soleil. Si cela n’était pas nécessaire au Gondor, Evart apprendrait bien assez tôt à se méfier de l’astre solaire lorsqu’ils pénétreraient au Harondor.

Bien avant midi, elle comprît qu’elle ne pourrait tolérer les balancements du char tout au long du voyage. Ces derniers lui donnaient la nausée et elle ne pouvait profiter du grand air, tapie derrière ces épais murs de bois. Elle prît son mal en patience mais lorsqu’ils s’arrêtèrent pour déjeuner, elle prit la décision qu’elle ne remonterait pas dans cet engin de malheur. Ils avaient depuis longtemps laissé Osgilliath derrière eux de toute manière et se trouvaient dans l’Emyn Arnen. D’ici à la tombée de la nuit, ils auraient pénétré dans l’Ithilien Sud. Ella savait qu’il leur faudrait plusieurs jours afin de traverser cette vaste région boisée.

Au lieu de suivre le fleuve, ils avaient pris la route qui longeait les Monts de l’Ombre. Les terres d’Ella se trouvaient au nord-est du Harondor et il était plus logique de prendre ce chemin. Cependant, Ella ne pouvait s’empêcher de penser au mal qui avait élu résidence derrière ces hautes montagnes durant des millénaires. Si la route est était désormais sure, les gens continuaient à préférer la route de l’Anduin, probablement à cause de toutes les histoires concernant les anciennes terres de Sauron. Ella n’en avait cure. Le mal en Mordor avait disparu depuis des siècles et ses ennemis ne l’attendaient pas sur cette route-ci. De plus, elle avait déjà eu l’occasion de l’emprunter et elle savait qu’il n’y avait rien à craindre. Les officiers du roi veillaient sur toutes les routes du Gondor et il n’y avait pas eu d’incursions des orcs dans la région depuis des décennies.

Sa servante déplia une longue nappe faîte d’un tissu très résistant à défaut d’être esthétique et installa les couverts à même le sol. Ella s’excusa auprès d’Evart pour le confort très relatif mais ils ne pouvaient se permettre de s’arrêter bien longtemps. Ils seraient mieux installés pour la nuit à venir mais elle souhaitait juste se sustenter quelque peu avant de reprendre la route. Le soleil avait atteint son zénith et elle s’était débarrassée de son manteau devenu bien inutile. La température était agréable mais elle avait passé un chapeau en tissu renforcé de fer afin de se protéger du soleil.

Leur déjeuner était frugal et se composait d’une terrine de chevreuil aux cèpes servie sur de larges tranches de pain frais. Des légumes séchés légèrement salés leur servaient d’accompagnement ainsi que plusieurs sortes de fromages venant du Gondor. Des pêches et des poires des vergers du Lebenin venaient compléter le tout. Ella appréciait cette nourriture simple et le fait de manger au grand air, loin de l’étiquette qu’elle avait dû respecter ces derniers mois.

- J’espère que vous n’êtes pas trop gêné par le voyage messire Praven. Malheureusement cette route n’est pas aussi fréquentée que la route du fleuve et les relais royaux sont plus rares. Nous en trouverons un à la frontière entre l’Emyn Arnen et le sud de l’Ithilien aussi jouirons nous d’un repas plus convenable et d’un lit pour cette nuit. Malheureusement, cela ne sera pas le cas pour toutes les nuits et nous devrons nous contenter d’une tente certains soirs.

Ella sentait que le jeune homme n’était guère habitué aux longs voyages par voie de terre. Pour autant qu’elle le sache, il n’avait jamais quitté le Gondor et n’était peut-être même jamais venu dans cette partie du royaume. Aussi, elle décida de l’informer un peu plus sur ce qui les attendait.

- Il nous faudra presqu’une semaine pour traverser l’Ithilien Sud à cette allure. D’ici 6 jours, nous serons rendus aux gués du Poros où nous séjournerons une nuit avant de pénétrer au Harondor. De là, il ne nous faudra qu’un peu moins de deux jours avant d’atteindre mon domaine qui se trouve au nord de Dhar Akbhat. Nous y resterons quelques jours avant de faire route pour Djafa. Si ma mémoire est bonne, deux relais royaux se trouvent sur cette route une fois l’Ithilien atteint, ce qui nous laisse trois nuits à passer sous la tente.

Elle fît un large sourire au jeune homme. Elle espérait qu’il trouverait le voyage plaisant. Elle-même comptait en profiter avant que les obligations de son travail ne la rattrapent. Elle avait toujours aimé voyager par voie de terre. Le bateau la rendait malade, même sur un fleuve aussi calme que l’Anduin dans sa partie sud. Elle se déplaçait par bateau lorsque cela était nécessaire. Le voyage pour Djafa était deux fois moins long par bateau mais nécessitait de passer par la baie de Belfalas. Il fallait donc un bateau rompu à la mer et non simplement au transport fluvial. Une rivière reliait ensuite Djafa à l’Harnen mais cela les aurait obligés à trop se rapprocher des terres sous contrôle des Neuf et à passer par Al’Tyr, ce qu’Ella jugeait bien imprudent. Il était plus sage de prendre par voie de terre même si cela rallongeait leur voyage.

Bien sûr, ils auraient pu se rendre en bateau jusqu’au gués du Poros et continuer à cheval par la suite mais Ella avait préféré ne pas faciliter la tâche à ceux qui auraient pu souhaiter qu’un dramatique accident lui arrive sur le chemin pour le Harondor. Elle serait en sécurité dans le nord du pays mais elle avait trop de détracteurs au Gondor pour prendre un tel risque.

- Messire Praven, que diriez-vous de poursuivre ce voyage à dos de cheval ?

Ella ignorait si le jeune homme était un bon cavalier mais elle ne tenait pas à continuer le voyage dans son char. De toute façon, elle préférait rester près des charrettes, ce qui signifiait que, même à cheval, l’allure resterait plus que réduite. Si cela n’avait tenu qu’à elle, elle aurait voyagé au galop en compagnie d’Evart et d’une partie de ses gardes et aurait laissé les charrettes les rattraper par la suite. Plus tôt ils arriveraient en vue du Poros et mieux elle se sentirait.

#Evart #Praven
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Evart Praven
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Commerce au sud du Poros EmptyMer 16 Mar 2016 - 23:44
Comme il le souhaitait, l’ensemble des demandes d’Evart avaient été acceptées. D’un côté, il n’y avait rien d’extravagant puisqu’il lui avait demandé d’amener avec lui son jeune secrétaire –un jeune homme de seize ans de bonne famille avec qu’il avait l’habitude de travailler-, de faire parvenir son courrier à Osgiliath avec celui de la Grande Marchande –après tout il comptait garder un œil acéré sur ses affaires- puis quelques autres questions d’intendance. Il était très tard lorsqu’il s’éclipsa. La nuit allait être courte puisqu’il devait retrouver Dame Desbo dès l’aube pour partir vers le Sud. Il semblait que son choix se soit porté sur une route peu fréquentée au détriment d’un moyen de transport plus rapide.

Avant même que l’aube ne se lève, Evart et son maître d’hôtel finissait les ultimes préparatifs avant le grand départ. Il préférait que tout soit prêt puisque le chef de sa domesticité partait au plus tôt pour Djafa mais il emprunterait l’itinéraire le plus rapide. Il aurait ainsi le temps de préparer sa venue, de trouver une hôtellerie digne de sa personne le temps de trouver une maison convenable et de commencer des recherches plus approfondies. En attendant, son valet de chambre –qui remplaçait le pauvre Harlaus mort moins de deux mois auparavant- s’occuperait du voyage d’Evart. Et le travail ne manquait pas puisqu’il avait loué deux grandes charrettes pour l’occasion pour emmener meubles, vins et liqueurs du Gondor, produits raffinés de Minas Tirith et Osgiliath, vêtements, papiers et documents, pièces d’art et même sa chaise à bras qu’il avait faite démonter. Il avait également acheté un carrosse pour l’occasion qu’il avait fait spécialement aménager pour passer un voyage agréable en compagnie de son homme de main Iroas, son jeune secrétaire ainsi que la forte somme qu’il avait amené pour le Sud. Un autre carrosse emmenait sa domesticité à savoir son valet de chambre, deux laquais et ses maîtres saucier et pâtissiers –il ne comptait pas abandonner toutes ses habitudes aux coutumes du Harondor-. Enfin il avait embauché trois gardes du corps, on n’était jamais assez prudent dans ses régions troubles et inconnues, pour compléter cette expédition que le jeune homme n’avait pas voulu trop nombreuse.

Ainsi, dès le petit matin, la Grande Marchande et son nouveau secrétaire particulier purent partir pour le Harondor. A dire vrai, l’escorte était maintenant considérable car la dame craignait une possible attaque et avait préférée se doter d’une garde en conséquence. Pendant un petit temps, Evart resta pensif. Il fixait le paysage qui défilait lentement derrière les petits carreaux de la fenêtre. Ce lent mouvement amenait à la réflexion. En fait, il n’avait jamais vraiment envisagé la possibilité de partir pour le Sud. Certes, il était un peu prétentieux voire stupide d’imaginer sa vie entre Minas Tirith, Osgiliath et Pelargir mais tout de même, le Harondor était probablement la région la plus instable de la Terre du Milieu et il allait se trouver au beau milieu d’un sacré désordre.

Puis il s’endormit pour quelques heures, la nuit avait été trop courte même pour quelqu’un qui dormait assez peu. Cependant la chaleur, le bruit et l’inconfort eurent raison de ce sommeil impromptu et il put se mettre à travailler. Son secrétaire avait dressé la liste des invités de la soirée de la veille et il fallait maintenant la remplir. Le jeune noble lui dictait les positions de chacun ajoutant, si cela lui paraissait pertinent, quelques-uns des propos ou positions qui avaient été tenues. En parallèle Iroas lui donnait les éléments qu’il avait trouvé sur certains d’entre eux qu’Evart jugeait nécessaire ou pas d’ajouter, il pouvait y avoir des informations sur les situations financières, les politiques commerciales, les alliances politiques… C’était une sorte de registre général des marchands de l’Anduin. Evidemment, c’était fait avec les moyens dont il disposait, c’est-à-dire assez peu, mais cela restait assez détaillé et cela pouvait peut-être apprendre des choses à la Dame du Sud. En parallèle, il lisait un livre intitulé « Histoires et Voyages dans les terres du Sud » de Guerin Alamaes, un ancien voyageur et diplomate du Roi Eldarion. Ce n’était certes pas récent mais il traitait assez bien de la géographie et l’histoire de la région ainsi que de la mentalité des gens qui y vivaient. Il l’avait payé malgré tout assez cher mais c’était un investissement plutôt bien placé.

Tandis que l’astre du jour était au zénith, ils s’arrêtèrent pour manger. La dame semblait aimer ce qui était simple et franc, elle le montra à nouveau en faisant installer une simple nappe au sol sur laquelle on disposa le repas. Cela était largement contraire aux usages mais il lui faudrait bien faire montre de souplesse. Derrière lui, ses gens s’activaient pour préparer cette pause bienvenue. Son plus jeune valet de pied –le fils d’un de ses métayers- voulut lui apporter une chaise pliante mais Evart le congédia d’un geste discret. Bien qu’il ne partagea pas du tout le goût de la Grande Marchande pour la simplicité, il faisait avec d’autant que le repas restait délicieux.Les gens d’Ella comme les siens avaient eu le bon goût de prendre leur repas de l’autre côté de la longue file de véhicules à l’exception d’un garde du corps et de deux domestiques. Il aurait été de bien mauvais goût qu’on les laissa seuls mais ils se tenaient à distance. Ella lui exposait les détails du voyage qui lui semblait très long … Voulant la rassurer, il lui répondit :

- En dépit de ce que je laisse paraître, je suis un garçon de la campagne et j’apprécie ces beaux paysages verdoyants. Ils amènent à la réflexion et à l’introspection, ne trouvez-vous pas ? Même si je vous avoue que je paierai cher pour avoir un char qui cesse ce ballotage incessant.

Puis la discussion fila sur des sujets tout aussi légers. Alors qu’ils allaient attaquer les fruits du Lebenin, son domestique apporta une grande coupelle en argent dans laquelle étaient disposées quelques sucreries qu’Evart affectionnait. Avec un plaisir, il les lui présenta :

- Vous trouverez là quelques spécialités de ma région natale, nous avons toujours eu un goût pour ces petites pâtisseries. Là il y a de petites oranges confites au miel, ces lamelles-là sont plus originales puisqu’il s’agit de confiture sèche de fleurs au goût assez surprenant.

A peine leur repas fini, le convoi se mit en branle mais tandis qu’Evart s’apprêtait à remonter dans son carrosse. Ella lui proposa de monter pour le reste de la journée. Même s’il chevauchait correctement, le jeune homme n’aimait pas vraiment le cheval qui l’empêchait de travailler et qui avait tendance à faire travailler sa jambe malade. Néanmoins il se plia volontiers car cela lui permettait de continuer sa conversion. Par contre il espérait qu’Ella montait dans les fourches comme c’était la coutume. Le califourchon était particulièrement inélégant pour les femmes et mal venu, par ailleurs, c’était assez dangereux. Profitant de cette lente et régulière chevauchée, Evart se permit de poser quelques questions au fil de la discussion. Il voulait en apprendre plus sur la situation politique et commerciale du Sud ainsi que sur la position d’Ella. Après tout s’il devait travailler pour elle, il pouvait être amené à défendre sa position –quand bien il aurait été pour ou contre personnellement- alors il préférait s’y préparer. Il la questionna donc :

- Puis-je vous demander ce que vous pensez des récents événements dans le Sud ? La partition du Harondor en deux factions semble avoir embrasé toute la région et je doute fort que la situation se fasse plus claire, non ? Ecoutant attentivement l’analyse politique de la Grande Marchande, il s’orienta vers une question plus en rapport à la Compagnie. J’imagine que c’est également très délicat pour la Compagnie qui doit tenir l’équilibre entre sa loyauté envers le Nord et le nécessaire accommodement avec le Sud. N’avons-nous pas des intérêts dans des villes comme Al’Tyr, Dur’Zork ou même plus loin dans le Harad ? Puis-je vous demander comment vous comptez maintenir ce fragile équilibre pour la Compagnie ? L’avis d’Ella était intéressant, comme souvent au demeurant, et il l’écouta avec attention. Voyant un peu mieux les choses, il continua d’approfondir vers un sujet un peu plus « proche ». Aussi je connais assez mal la situation de la Compagnie du Sud dans la région, pourriez-vous m’éclairer ? Je pensais entre autres choses à la situation politique « interne ». Comme vous le savez, vous êtes très critiquée dans le Gondor mais qu’en est-il ici ? Quels sont vos alliés, quels réseaux sont à l’œuvre…

Comme à son habitude, il laissa la dame parler puis la conversation digressa vers d’autres sujets. Alors que la fin de l’après-midi commençait à se faire sentir, une question arriva sur les lèvres d’Evart. Bien qu’elle eut pu paraître spontanée, elle ne l’était en rien mais voulait simplement marquer une certaine forme de politesse. Ainsi il demanda :

- Au fait, ma dame, il y a un sujet que nous n’avons pas encore abordé je crois. Je souhaitais donc savoir ce que vous attendez de moi et quels domaines sont recouverts par le terme « secrétaire particulier » que vous m’avez accordé ?

Quelques temps plus tard, ils purent enfin établir leurs campements pour la nuit. Les charrettes et carrosses formaient un rond qui englobait des tentes et les divers feux qui servaient tantôt aux domestiques, aux gardes ou aux commanditaires. Le repas fut, une nouvelle fois, très bons et un peu plus élaboré que le midi. Pour dormir, Evart préféra son carrosse à une tente comme c’était l’habitude lorsqu’on restait pour une seule nuit et, au petit matin, ils purent repartir pour une longue journée de voyage. Comme la veille, le jeune homme alterna entre le travail dans sa voiture et la monte en compagnie d’Ella …


Dernière édition par Evart Praven le Mer 2 Nov 2016 - 23:20, édité 1 fois
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Mardil
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Commerce au sud du Poros EmptySam 26 Mar 2016 - 13:08
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Ella ne savait que penser d’Evart, même après plusieurs jours passés en sa compagnie. Le jeune homme ne se dévoilait pas beaucoup et elle ne le connaissait pas suffisamment pour lui accorder sa confiance pour le moment. Cependant, elle reconnaissait ses capacités et son désir de bien faire. Pour l’heure il avait fait tout le nécessaire pour s’adapter à sa nouvelle existence. Le vrai test restait encore à venir malgré tout : les livres étaient loin de refléter la richesse et la diversité du Harondor.

Elle repensait à leurs conversations tandis qu’ils traversaient l’Ithilien. Elle savait qu’ils atteindraient le Poros avant la fin du jour. Elle était partagée entre l’excitation, l’impatience et une curieuse sensation d’appréhension. Elle savait que le passage par son haras de Déir-al-medir était une nécessité mais ce qu’elle voulait surtout était se rendre à Djafa au plus tôt. Ce n’était pas tant pour le travail, bien qu’elle savait avoir fort à faire, mais afin de revoir ses frères et sœurs qui lui manquaient terriblement.

Elle avait répondu le plus honnêtement possible à Evart au sujet de ses nombreuses interrogations. Malgré tout, il y avait de nombreux points qu’elle ne pouvait tout simplement pas éclaircir, ignorant elle-même les réponses à certaines questions. Alors qu’elle tentait de se reposer et qu’elle se trouvait à l’abri du soleil dans son char, elle repensa à cette première journée de voyage…

*******

Les sucreries ramenées par Evart étaient délicieuses et Ella lui en fît la remarque. Elle-même était friande de ce genre de douceurs et il lui tardait de faire goûter au jeune homme les biscuits à la cannelle et à la fleur d’oranger de son pays. Evart accepta sans difficulté sa proposition de poursuivre le chemin à cheval mais elle put lire sa désapprobation alors qu’elle montait comme un homme. Elle n’en avait cure, le jeune homme se rendrait compte très bientôt qu’elle n’était pas une exception au Harondor. Les femmes de son pays étaient plus libres que les femmes du Gondor et sûrement plus aventureuses aussi.

Leur conversation dévia rapidement vers des sujets bien plus sérieux et Ella fît de son mieux pour éclairer Evart sur les sujets dont il l’entretînt.

- C’est une tragédie, voilà ce que j’en pense.

Sa réponde était froide et elle se reprît rapidement.

- Excusez-moi messire Praven, je ne voulais pas me montrer impolie. Les gondoriens voient cela d’un œil extérieur. Ils sont déçus ou inquiets mais ils ne comprennent pas à quel point Taorin et ses comparses ont durablement blessé le Harondor. La situation de mon pays a toujours été complexe. Nous allions le meilleur du Gondor et du Harad et relions entre elles ces deux grandes régions des Terres du Milieu. Une culture riche et diversifiée est née de cette situation géographique et politique particulière. En temps de paix, le Harondor avait tellement à offrir aussi bien au Gondor qu’au Harad. Et désormais…

Elle s’interrompît quelques secondes, choisissant ses mots avec soin.

- A présent, le Harondor en tant qu’unité n’existe plus. Deux nations se sont élevées sur les cendres d’un pays magnifique. Deux nations blessées. Le genre de blessure qui ne disparaît jamais totalement et dont chacun garde la trace en lui pour longtemps. La discorde règne là où autrefois l’entente profitait à tous. Je ne veux pas paraître mélodramatique mais mon pays saigne, messire Praven. Et personne ne semble savoir comment stopper une telle hémorragie…

Elle reprît son discours d’une voix plus maitrisée. Il lui avait demandée ce qu’elle pensait et elle lui avait livré ses sentiments personnels. Or la politique n’était pas basée sur des sentiments mais sur des faits et des opinions et c’est ce qu’elle devait lui fournir.

- Au Gondor, on parle du Harondor-Nord et du Harondor-Sud. Cela ne reflète guère la réalité actuelle. Pour ma part, je suis née et j’ai vécue la plus grande partie de ma vie dans le nord du pays. Mon propre père venait du Gondor et ma famille a toujours été fidèle à l’Emir Radamanthe. Et pourtant, pour le bien du plus grand nombre, je ne lui ai pas apporté mon soutien officiellement. Mais c’est un sujet dont je vous parlerai plus tard.

Pour l’heure, j’aimerais que vous compreniez que le Harondor-Nord est deux fois plus étendu que le Harondor-Sud. Taorin dirige les terres à l’est de la grande rivière Rhuana qui se jette dans l’Harnen au sud ainsi que toutes les terres au sud de la vallée de l’Harnen. Economiquement parlant, il contrôle les régions les moins développées et les moins fertiles du pays. L’instabilité politique du royaume n’a eu que peu d’incidence sur les revenus du Harondor-nord. En revanche, nous avons perdu ce qui faisait la véritable richesse de notre pays : le Harondor est un point de passage obligé entre le Harad et le Gondor. Les marchandises en provenance du nord ne passent plus au sud de Djafa ou d’Al-Tyr et plus rien ne remonte du Harad vers le nord. Des biens nécessaires aux deux régions se font rares et l’économie de certaines villes, tournées entièrement vers ces échanges, est en chute libre. La guerre a exacerbé les tensions et les vieilles rancœurs se sont réveillées.

Là réside le vrai défi de la Compagnie du Sud. Permettre de nouveau aux marchandises de circuler dans les deux sens. Et ce défi est bien plus difficile à relever que quiconque ne l’imagine au Gondor. Il existe deux voies de commerce, l’une passant par l’intérieur des terres et reliant les marchés de Dur’Zork et d’Urlok à ceux de Djafa avant de remonter vers Arzawa et l’autre par voie maritime en passant par Al’Tyr et les villes côtières jusqu’à Methir. A l’heure actuelle, les deux voies sont coupées et les tensions politiques sont si vives que les négociations ne sont pas à l’ordre du jour. Je dois donc réussir à donner satisfaction aux marchands du Nord et du Sud afin d’obtenir un poids suffisant pour faire en sorte que les dirigeants acceptent de se retrouver autour d’une même table.

Je ne vais pas vous cacher que cela s’avérera probablement impossible avec Dur’Zork. Les informations en provenance de l’ancienne capitale ne sont guère encourageantes et il serait très risqué de s’y rendre en personne. Je vais donc concentrer mes efforts sur Urlok et Al’Tyr, ce qui s’avérera déjà bien assez risqué.

Enfin pour répondre à votre dernière question, j’ai des actifs en propre dans tout le quart nord du pays. Mon influence est considérable à Arzawa et dans des villes de moindre importance telles que Methir et Dhar Akbhat où je n’ai que des soutiens. A Djafa, les opinions sont plus tranchées, surtout depuis l’afflux de marchands du sud ayant tout perdu durant le conflit mais la liste de mes soutiens est bien plus importante que celle de mes détracteurs.

Le problème vient des villes de la vallée de l’Harnen. Les marchands de la Compagnie du Sud y sont plus rares et leurs opinions changeantes. J’ai quelques bons amis à Al’Nikr et à Dhar’Al Malik mais ils ne sont pas assez puissants pour faire tourner le vent en ma faveur. Cependant, grâce à eux, j’ai tout de même un poids politique non négligeable dans la vallée de l’Harnen. En revanche, mon influence à Urlok est quasi-nulle et je n’ai aucun soutien à Arwa. Ce n’est pas très grave pour Arwa car les Khandéens et les haradrims continuent à se disputer la ville et le Harondor n’a jamais eu beaucoup de poids par là-bas. Urlok, en revanche, c’est une autre histoire. La ville, ainsi que celle de Djahar’Mok, ont toujours été proches du Harad, aussi bien géographiquement que politiquement. Leur position n’a été que renforcée depuis la partition et il ne sera pas évident de les convaincre de faire affaire avec la Compagnie du Sud de nouveau. Quant à Al’Tyr, c’est un trop vaste sujet pour être discuté simplement ici. Nous en reparlerons plus longuement lorsque nous serons installés à Djafa.


Ils avaient parlé ainsi durant toute la chevauchée, laquelle avait été des plus agréables. Finalement, un peu avant de s’arrêter pour la nuit, Evart avait abordé le sujet de ce qu’il devrait faire. Ella avait conscience qu’elle s’était montrée délibérément vague avec le jeune homme au sujet du poste qu’il occupait. A vrai dire, elle ne lui avait pas donné plus de précision car elle ignorait encore ce qu’elle comptait confier à son secrétaire. A terme, elle espérait qu’il puisse se montrer utile dans son grand projet pour le Harondor mais il devait d’abord faire ses preuves sur des sujets de moindres importances. Elle devait apprendre à lui faire confiance, à lui et non seulement en ses capacités.

- Dans un premier temps, j’aurais besoin de vous pour m’aider à administrer mon propre commerce. J’ai bien peur que tout mon temps doive désormais être consacré à la Compagnie du Sud et à mes devoirs de Grande Marchande. Or, je ne puis me permettre de négliger mes propres affaires. Vous serez donc amené à vous déplacer régulièrement entre Djafa et le nord du pays.

Ella pensa voir un mélange de déception et de soulagement sur le visage du jeune homme. Celui-ci devait espérer plus mais il semblait néanmoins heureux de savoir que son poste se concentrerait dans une zone sécurisée et non en plein cœur de l’instabilité du Harondor. Les routes principales du nord étaient presque aussi sures que celles du Gondor et Evart pourrait se consacrer à son travail sans avoir à craindre pour sa sécurité.

- Cependant, et en fonction de vos résultats, j’espère que vous serez amené à m’accompagner dans le sud lorsque le moment viendra pour moi de m’y rendre. J’espère ne pas m’avancer en disant pouvoir me rendre en personne à Urlok d’ici deux à trois mois.

Il n’était pas difficile de comprendre qu’elle attendait de voir le jeune homme à l’œuvre avant de lui confier des tâches importantes pour la Compagnie du Sud et Evart sembla assimiler cela immédiatement. Les journées s’étaient ensuite déroulées selon le même schéma bien que, avec la montée des températures, ils préférassent chevaucher le matin et rester à l’abri du soleil durant l’après-midi. Le paysage ne variait que peu alors qu’ils progressaient vers le sud. Une forêt touffue à perte de vue sur leur droite et les hautes montagnes sur leur gauche.

Vers le quatrième jour, la route dévia vers le sud-ouest au lieu de rester plein sud et ils s’enfoncèrent plus profondément dans la forêt. Cependant, la route restait en bon état et assez large pour que deux attelages puissent y avancer de front. La végétation était de plus en plus touffue et il devenait difficile de voir à plus d’une vingtaine de mètres à travers les arbres. Le cinquième soir, ils firent halte dans la dernière auberge du Gondor sur la route. Celle-ci se tenait à la lisière de la forêt et ils purent apercevoir que le paysage laissait place à une vallée fertile. L’auberge était située en périphérie d’un village de petite importance et les paysans travaillaient dans les champs de céréales qui semblaient s’étaler à perte de vue.

Le lendemain, Ella ne proposa pas à Evart de chevaucher mais resta dans son char toute la journée alors qu’ils progressaient de nouveau plein sud. Le jeune homme pût voir qu’elle ne touchait presque pas à son repas. Ella se sentait soucieuse. Elle avait tenté de paraître confiante mais plus elle se rapprochait de chez elle et plus elle se sentait impuissante à remplir la mission que lui avait confiée Saemon. Elle avait peut-être présumé de ses capacités en insinuant qu’elle ferait un meilleur travail qu’Emilion Goloth. L’ampleur de la tâche ne lui permettait plus de trouver d’apaisement.

Enfin, dans l’après-midi du sixième jour, ils arrivèrent à Harlant, la dernière cité du Gondor avant de pénétrer au Harondor. La ville était de faible importance mais possédait un port démesurément grand par rapport à sa population. La place du marché était également considérable, des arches de pierre abritant les différents marchands. Cependant, lorsqu’ils pénétrèrent dans la cité, elle n’était que peu animée. Ella descendit de son char et rejoignit Evart alors qu’ils s’arrêtaient à quelques dizaines de mètres du fleuve.

Le Poros s’écoulait, majestueux, en direction de l’ouest. Comme tous ceux n’ayant jamais eu l’occasion de venir jusqu’ici, Evart semblait impressionné par le débit du fleuve. Il était, de toute évidence, impossible de le traverser à la nage, tant à cause de sa largeur que de la rapidité de ses eaux. Le Poros avait toujours été la frontière naturelle du Gondor et du Harondor et Evart posait son premier regard sur le pays qui lui servirait de demeure pour les prochains mois. S’il s’était attendu à quelque chose d’exceptionnel, il risquait fort d’être déçu.

Le paysage de l’autre côté du fleuve ne différait pas vraiment de la rive nord où ils se trouvaient. La route serpentait à travers champs et ils pouvaient voir les collines à l’est et au sud. Juste après le fleuve, la route se scindait en deux, une branche suivant le cours du Poros vers l’ouest et l’autre partant vers les collines du sud. Ella fît remarquer à Evart le gué à proprement parlé. Une zone où le lit du fleuve s’évasait avant de rétrécir à nouveau quelques centaines de mètres plus loin. Le courant et la profondeur moindre du Poros à cet endroit était le seul passage possible entre les deux pays.

- Dans les temps anciens, le fleuve n’était traversable que durant l’été, là où le niveau du fleuve était à son plus bas. Dès l’automne, le courant et la montée des eaux rendaient impossibles la traversée du Poros. Le Gondor fît construire un pont magnifique sous le règne de Hyarmendacil 1er. Il n’en reste rien aujourd’hui sinon les descriptions majestueuses de l’ouvrage dans des vieux livres poussiéreux. Il a été détruit lors du règne de l’intendant Beren. Lorsque le roi Elessar soumît le Harad, le pont actuel fût construit mais il est loin d’égaler l’ancien pont tel que le décrivent les anciennes chroniques.

Pourtant, le pont était majestueux. Bâti entièrement en pierre grise, il était assez large pour permettre à trois attelages de passer de front. Se tenant là où le fleuve était le plus large et le moins traitre, il faisait plus de soixante mètres de long. Il était muni de deux portes monumentales sur chaque rive, mesurant chacune plus de cinq mètres de haut et protégées par de lourdes herses de métal, actuellement relevées. Les lourdes portes de bois renforcés d’acier étaient ouvertes et ils purent apercevoir un homme seul qui traversait le pont. Il semblait minuscule en comparaison de l’édifice.

Ella désigna à Evart les routes qui partaient de la rive sud du Poros.

- La route de l’ouest suit le cours du fleuve en direction d’Arzawa, la grande ville du nord. J’y ai un comptoir commercial et vous serez amené à vous y rendre à plusieurs reprises. Je possède de nombreux domaines entre Arzawa et Methir mais nous verrons cela ensemble en détail lorsque nous arriverons à Déir-al-medir. La route du sud nous y conduira. Elle serpente à travers les collines et il est inévitable de passer sur mes terres pour rejoindre Dhar Akbhat. Nous n’y passerons que quelques jours avant de nous mettre en route pour Djafa. En attendant, nous avons bien mérité de nous reposer. Ce soir, nous serons installés bien plus confortablement.

Ils se dirigèrent vers l’est de Harlant. Juché sur une colline se trouvait un manoir de taille moyenne. On pouvait voir clairement que les murs d’enceinte, les douves et même un pont-levis avaient été bâtis bien après la résidence principale. Même la couleur des pierres était différente, le manoir tirant dans les brun-gris à la différence du gris argenté des fortifications.

- Voici la demeure du Comte Baudoin de Harlant. Sa famille dirige la cité et les terres alentours depuis près d’un millénaire. L’intendant Denethor 1er a élevé son aïeul au rang de Comte pour le remercier lors de la guerre contre les Uruks en Ithilien. Ils ont survécu à toutes les guerres qui s’en sont suivi jusqu’à ce jour.

Ella parlait d’eux comme si elle connaissait bien la famille et lorsqu’Evart lui en fit la remarque, elle eût un grand sourire.

- Mon père était proche d’eux et, étant enfant, j’ai séjourné plusieurs fois à Harlant. Le Comte est prévenu de notre arrivée et nous serons ses hôtes ce soir.

Ella connaissait bien le vieil homme. Il était un peu plus âgé que son propre père, devant approcher désormais des 70 ans. Et pourtant, il n’avait rien perdu de son optimisme malgré les nombreuses tragédies de sa vie. Sa femme était morte en mettant au monde leur troisième et dernier fils à un âge avancé puisqu’elle avait presque 35 ans à l’époque. Ella ne l’avait pas connue mais elle était du même âge, ou peu s’en fallait, que le benjamin du Comte. Elle se rappelait encore les étés à jouer avec Herion et avec son propre frère, Horacio. L’aîné des fils de Baudoin était mort avant de pouvoir se marier et Ella avait bien cru que le chagrin allait aussi emporter son père cette année-là mais sa nature enjouée avait pris le dessus. Ce n’était pas le genre d’homme à courber le dos face aux aléas du destin.

Ella se faisait une joie de revoir son vieil ami et ses fils avant de retourner à ses obligations envers la Compagnie du Sud et elle espérait qu’Evart apprécierait autant qu’elle l’hospitalité des Harlants.
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Evart Praven
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Commerce au sud du Poros EmptyVen 1 Avr 2016 - 0:03
Si cela avait pu être agréable dans un premier temps, maintenant Evart savait pourquoi il n’aimait pas voyager. Les périples étaient longs, ennuyeux et inconfortables qui convenaient mal au tempérament pressé du jeune homme. Néanmoins la conversation avec Ella pouvait être agréable et lui permettait de mieux comprendre la situation complexe du Harondor, il est vrai que les denrées exotiques du Sud étaient devenues très chères à Minas Tirith et, comme cela ne semblait pas prêt de s’améliorer, une spéculation enragée avait enflammé la cité. Spéculation à laquelle Evart participait largement. Comme il était dans une excellente position pour avoir des informations de première main, il n’avait aucune raison de ne pas en profiter. Même si spéculer sur la misère des gens était amoral, ce n’était pas vraiment le cas ici puisque ça ne lésait pas les gens du Harondor. Un esprit cynique dirait même que ça leur profiterait, la première cargaison d’épices ou soieries vaudrait sans doute le triple de ce qu’elle valait d’habitude, si ce n'est plus. Au mieux cela lésait les intérêts de quelques riches bourgeois ou nobles de la Cité Blanche, ce n’était pas comme si c’était de simples paysans.

Lors de leur discussion, Evart avait été assez étonné de la manière dont elle s’était livrée. Même si la discrétion devait être une de ses premières qualités, ils ne se connaissaient pas assez pour se laisser aller à de telles confidences. Par contre, il fut relativement déçu par le travail proposé. Certes cela l’éloignait des régions les plus instables mais on pouvait tout autant le faire en travaillant pour la Compagnie et non seulement pour ses petites affaires. Après, ce ne serait que trois mois, ce n’était pas cher payé. Puis il pourrait peut-être apprendre quelque chose d’utile. Puis il était loin de toute la bonne société gondorienne, cela pourrait presque passer inaperçu. Finalement ce serait vivable, en tout cas, Evart essayait de s’en persuader.

Le reste du voyage fut assez long et plutôt barbant. Le jeune homme ne mit pas longtemps à finir le livre qu’il avait emporté et il se mit à tuer le temps en jetant des idées sur le papier. Puis il termina la fameuse liste qu’il donnerait à Dame Desbo lorsqu’ils seraient à Harland. Cela faisait presque une semaine qu’ils étaient partis lorsqu’ils arrivèrent, enfin, sur les berges du Poros. Le fleuve était impressionnant et on comprenait bien pourquoi il n’y avait qu’un seul endroit où il était possible de le traverser. Là où l’Anduin était un fleuve placide et calme, le Poros était un gigantesque torrent déchainé. Le cours d’histoire et de géographie était assez intéressant même s’il était amusant de voir qu’Arzawa était appelée « ville du Nord » alors qu’elle était au Sud mais bon tout était question de point de vue.

Lorsqu’ils approchèrent du château de Harland, Evart put se rendre compte que c’était une belle demeure noble entourée de remparts avec un logis dès plus élégant. Des gens de goût, certainement. D’ailleurs Ella semblait assez bien les connaître et lui fit un petit résumé de l’histoire familiale. Il n’avait peut-être pas la noblesse depuis aussi longtemps que la famille Praven mais c’était tout de même une ascendance dès plus respectable surtout à une époque où de plus en plus de petites gens tentaient de s’infiltrer dans leur vénérable ordre. D’un ton légèrement mutin, il lui demanda :


- Vous semblez fort bien connaître les Harland ?

Tandis qu’ils approchaient, la famille Harland les attendait. Il y avait là le vieux comte qui accueillit Ella avec une certaine familiarité et Evart avec une convenable politesse puis il leur présenta les membres de la famille qui étaient là. L’épouse de l’héritier du Comte était en quelque sorte devenue la maitresse de maison et leur dit avec politesse :

- J’ai fait préparer une chambre pour vous ainsi qu’un bain. Aurez-vous besoin d’un valet ?

- Je vous remercie, ma dame, mon domestique m’accompagne.


La chambre qu’on lui avait préparé était dès plus confortable. Assez grande, elle était richement meublée et on avait même préparé une baignoire au milieu de la pièce avec de l’eau chaude. C’était un luxe qu’il avait complètement oublié depuis quelques jours et qui lui était dès plus agréable. Puis son valet l’aida à se vêtir convenablement pour le repas. Avec les affres de la route, Evart avait quelque peu oublié son confort habituel. Ici derrière les lourdes tentures qui protégeaient de la chaleur extérieure, il revoyait le semblant de civilisation qu’il appréciait. A dire vrai, il aurait bien fait une étape d’un ou deux jours ici mais les voyageurs étaient pressés et il leur faudrait bientôt descendre pour le diner.

Descendant le grand escalier du manoir, il rejoint ses hôtes qui avaient fait dresser une table dans la salle principale de la demeure. Les influences gondoriennes et harondrims se mêlaient très nettement dans la décoration avec d’élégantes mosaïques en arabesques. La salle principale était, tant par sa fonction que par ses proportions, typiquement gondorienne même si elle donnait sur une petite cour qu’on pouvait apercevoir. Il n’y avait pas encore grande monde encore puisque le Comte n’était pas encore arrivé, tout comme Ella. En attendant, Evart pouvait converser avec l’héritier du comte et sa charmante épouse. Ils purent se présenter plus convenablement, la dame lui demanda avec sympathie :

- J’espère que vous avez pu vous remettre de votre périple ?

- Oui, je vous remercie Dame Harland, votre hospitalité est exquise et ce bain m’a fait le plus grand bien.

Pendant quelques minutes, ils purent discuter et faire mieux connaissance. Tous deux étaient d’une exquise politesse et ils purent donc échanger sur une foule de sujets assez légers qui convenaient assez bien à une discussion mondaine. On parla un moment des familles et ascendances respectives des Harland et Praven puis il s’enquit plus spécifiquement du comté qu’Evart avait envie de mieux connaître. Puis on lui rendit la pareille et il put parler un peu de lui bien que ce ne soit pas son sujet de conversation préféré. Jusqu’à l’arrivée d’Ella, on discuta même un peu d’agriculture puis il introduit la dame à la conversation :

- Dame Desbo, je remerciais justement nos hôtes de l’hospitalité avec laquelle ils nous avaient reçus.

Après quelques banalités d’usage, ils commencèrent donc une discussion qui semblait plus « intime » dans la mesure où Ella s’intéressait plus spécifiquement aux nouvelles des différents membres de la famille. Après quelques minutes, Evart demanda poliment :

- Messire, puis je demander à votre épouse de me faire visiter cette magnifique demeure ?

- Je vous en prie.


Avec une certaine élégance, la dame lui présenta les grandes lignes de l’histoire de la demeure familiale puis lui fit visiter les principales pièces. Même si elles exprimaient un goût un peu campagnard loin de certaines subtilités de Minas Tirith –ce qui n’était pas pour déplaire à Evart au demeurant-, il appréciait réellement ce mélange d’influences gondoriennes et étrangères. Il devait avouer qu’en termes d’arts, les peuples du Sud avaient une finesse et une complexité qui étaient un peu oubliés au Gondor. Cette espèce de petite cour à péristyle qui tenait aussi au jardin d’agrément était très jolie, elle offrait un côté intimiste et élégant qu’Evart ne connaissait pas. Après cette petite visite tout à fait intéressante, ils rejoignirent rapidement la salle principale où le comte les avait rejoints. Il manquait toujours son fils cadet mais il n’allait surement pas tarder. Poliment, le jeune homme engagea la conversation :

- Votre château est splendide, messire Harland.

Puis ils échangèrent quelques banalités tout aussi plates avant de se mettre à table. Le repas était très bon avec des saveurs qu’Evart ne connaissait pas vraiment même s’il y avait des plats plus classiques. Au début, les Harland prirent quelques nouvelles des affaires d’Ella et elle prit des nouvelles de la famille. Visiblement ils connaissaient bien la famille Desbo puisqu’ils demandèrent des nouvelles des différents membres notamment les frères et sœurs de la grande marchande. C’était fort commode puisqu’Evart avait soigneusement évité le sujet depuis son arrivée mais il était assez curieux d’en apprendre plus sur sa famille et ses relations. C’est ainsi qu’il apprit qu’elle avait deux frères dont le premier servait l’armée du Roi et le second était encore un enfant mais aussi deux sœurs dont seule la première était mariée.
La nuit avait été très agréable dans un lit confortable avec l’air frais qui balayait la chambre. Ils quittèrent donc, avec un petit regret, la famille Harland pour reprendre leur périple. Il leur faudrait encore quelques jours pour rejoindre le haras de Dame Desbo. Celle-ci semblait de plus en plus soucieuse et préférait rester dans sa voiture. Ce voyage était de plus en plus pénible, Evart avait sous-estimé le temps de trajet à moins que ce ne soit sa vitesse de lecture. Maintenant il était plus ou moins contraint à profiter du paysage en travaillant en dilettante. Il faisait chaud et lourd, c’était d’autant plus pénible surtout depuis qu’il avait épuisé ces petites sucreries. Il avait hâte d’arriver enfin…

Il ne leur restait qu’un jour avant d’arriver enfin chez Dame Desbo, il y serait probablement pour le souper. De manière amusante, Ella semblait plutôt heureuse mais aussi soulagée d’arriver enfin chez elle. Le jeune noble aussi était soulagé de voir enfin la fin de ce long voyage. Dès l’aube elle lui proposa de chevaucher avec elle. Acceptant avec plaisir, il lui fallait éclaircir encore certains points avec elle sur son commerce mais, comme à son habitude, il préféra commencer par un autre sujet avant de se détourner sur son objectif.


- Au fait, Dame Desbo, ne craigniez vous pas les ambitions d'Ilori Goloth ? Pour beaucoup de marchands que j'ai pu rencontré en Gondor, il serait l'alternative idéale à son frère puis il a tout le soutien de son oncle, enfin j'imagine.

Écoutant la dame du Sud, il continua. Bientôt ils seraient arrivés à « Déir-al-medir » -quel nom difficilement prononçable- et il voulait se préparer au mieux :

- Dame Desbo, pourriez-vous me détailler un peu plus précisément le commerce que vous menez et que je vais devoir gérer pour votre compte ? Je voulais également savoir ce que vous attendiez précisément de moi pour cette fonction ? Est-ce qu’il s’agit d’appliquer avec efficacité ce que vous déciderez ? Est-ce que vous voyez ça comme un maintien de votre activité ? Comme une augmentation de cette activité ? Quelle marge de manœuvre comptez-vous me laisser dans vos affaires ? Laissant la dame répondre à ses questions, il continua. Je voulais également savoir si vous aviez des principes particuliers dans la gestion de votre compagnie ? Des lignes défendues qu’il faut respecter ou des principes qui sont pour vous particulièrement importants ? Je me doute qu’une grande marchande ne peut se permettre de gérer ses affaires comme un simple particulier mais je suppose qu’il y a quelques principes directeurs que vous vous faites un point d’honneur à appliquer, non ?

Maintenant qu’Evart avait une meilleure vision sur ce qu’Ella voulait, il serait mieux à même de la suppléer. Il commençait à faire assez chaud mais une légère brise la rendait encore assez supportable, heureusement qu’il avait pris un chapeau assez large pour le protéger des rayons du soleil. Après un repas correct, ils purent reprendre leur route. C’est alors qu’Evart proposa à Ella :

- Nous pourrions peut-être prendre de l’avance, ne pensez-vous pas ? Nos bagages et l’escorte arriveront avant ce soir tandis que nous pourrions être à Déir-al-medir, il avait toujours du mal à le prononcer, dans le milieu de l’après-midi. Avec quelques gardes du corps, nous ne risquerons rien, je pense.

Acceptant la proposition de son nouveau secrétaire Ella, lui et deux hommes de mains partirent à l’avant. S’ils ne partaient pas au galop, ils laissèrent peu à peu le reste du convoi derrière eux et, vers le milieu de l’après-midi, ils arrivèrent en vue du fameux haras.
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Mardil
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Commerce au sud du Poros EmptyDim 18 Sep 2016 - 16:53
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Après avoir pris le temps de se débarrasser de la crasse du voyage, Ella se rendît dans le bureau de Baudoin où celui-ci l’attendait. Elle se doutait bien que son fils et sa bru sauraient occuper Evart le temps qu’elle ait une discussion en privé avec le maître des lieux. Elle ne lui aurait pas avoué en face mais elle trouvait que son ami avait bien vieilli depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Ses yeux s’étaient enfoncés dans leurs orbites et de profondes cernes avaient fait leur apparition sur son visage. Elle remarqua aussi un léger tremblement de sa main droite qu’il n’avait pas auparavant. Incontestablement, le temps faisait peu à peu son office que cela leur agréé ou non.

Ils échangèrent quelques politesses avant qu’Ella n’aborde le sujet qui l’intéressait.

- Je n’ai pu m’empêcher de me rendre compte du peu d’activité qu’il y a en ville.

- Tu sais comme moi que Harlant est la seule porte d’entrée au Gondor par voie terrestre. Toute l’économie de la région est tournée vers le commerce or les marchandises se font rares. Si la situation ne s’améliore pas rapidement, je crains de voir les jeunes gens partirent vers d’autres horizons.


Ella hocha la tête en silence. Elle savait très bien ce que cela signifiait.

- C’est de cela dont je voulais te parler. J’espère être en mesure de revenir à une situation plus favorable pour le commerce mais rien n’est moins sûr. As-tu reçu les mêmes nouvelles que moi concernant la Baie de Belfalas ?

- Les incursions pirates ? Oui. Un de leurs navires a même eu l’audace de s’aventurer sur le Poros. Cependant, le courant jouait contre eux et nous les avons repoussés sans aucune difficulté. Que font les armées du Roi pour que la situation ait dégénéré ainsi ?

- Ils préfèrent ménager les seigneurs pirates afin d’éviter une guerre coûteuse. Tout du moins, je le croyais. Mais avec l’arrestation de Taorin…


Elle laissa sa phrase en suspens. Elle ne comprenait pas tous les tenants et aboutissants de la politique du Gondor mais elle savait que son pays serait le premier à en faire les frais, une fois de plus.

- Tu sais très bien qui est responsable et il ne s’agit pas du Gondor.

- Ils ont aussi leurs responsabilités dans la situation actuelle.

- Je ne le nie pas. Cependant, c’est au sud que tu pourras faire changer les choses. Toute autre mesure ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau.


Elle le savait. Les Seigneurs Pirates n’étaient pas tout puissants même dans la Baie de Belfalas. S’ils croisaient librement dans ces eaux c’est qu’ils en avaient la possibilité. Cela n’arrangeait pas plus les affaires du Gondor que celles du Harondor. Que pouvait-il bien se passer au Conseil des Sages pour qu’aucune mesure n’ait été prise ? Elle n’avait, malheureusement, aucune nouvelle de la cité côtière pour éclairer sa lanterne.

- En attendant, je vais faire pression sur les marchands du nord pour les empêcher de passer par l’Anduin et les forcer à prendre par l’est.

- Ce qui représenterait une perte d’importance pour eux. Que pourrais-tu bien leur offrir en échange ?

- Si les actes de pirateries continuent à s’amplifier, ils ont bien plus à perdre en continuant à passer par la voie maritime. Tu sais ce que coûte un navire.

- Je peux concevoir que cet argument soit suffisant à les motiver mais tu risques de froisser des gens importants à Pelargir.


C’était bien son intention. Il fallait que le Gondor comprenne le danger que représentait la présence des pirates. Si le commerce maritime était coupé et non simplement diminué comme c’était le cas à l’heure actuelle, Pelargir se trouverait dans une situation déplorable. La ville ne vivait pratiquement que grâce au commerce, étant la plaque tournante de tout le négoce entre le Nord et le Sud. Les marchandises continueraient d’arriver à Osgilliath par une autre route mais Pelargir se trouverait exclu. Elle savait qu’ils commenceraient par la blâmer mais lorsqu’ils verraient qu’elle était la seule à pouvoir agir dans le Sud, ils n’auraient d’autre choix que se tourner vers elle. Et, le moment venu, elle fixerait ses conditions.

-  Crois-moi, le jeu en vaut la chandelle. Et cela ne pourrait que t’être favorable.

- Temporairement sans doute. Mais seule une solution pérenne permettra la subsistance de cette cité telle qu’elle a été depuis presque trois siècles.

- S’il le faut, j’irais moi-même rencontrer les Sages.

- Es-tu folle ? Tu ne peux te permettre de te mettre à leur merci. Envoie quelqu’un négocier en ton nom mais ne te mets pas en danger inutilement.

- Pour l’heure, personne ne saurait mener à bien de telles négociations à ma place.


Pour l’heure… Ella pensa à Evart qui devait faire connaissance avec le reste de la famille Harlant. Elle ne pouvait nier qu’elle avait pensé à confier la mission au jeune homme mais elle ne pouvait pas avoir suffisamment confiance en lui pour une chose d’une telle importance pour le moment. S’il parvenait à mener à bien ses missions au nord alors elle pourrait reconsidérer la question.

Le séjour à Harlant fût de trop courte durée aux yeux de tous mais la nécessité les poussait à ne pas s’attarder davantage. Le lendemain, ils se mirent donc en route pour Déir-al-médir. En chemin, Evart lui demanda ce qu’elle pensait d’Ilori Goloth. A vrai dire, Ella ne l’avait jamais considéré comme un concurrent sérieux. Tant qu’il restait une chance à Emilion de reprendre son poste, ce dernier ne laisserait jamais quelqu’un d’autre menacer sa position, fût-il de son sang. Cependant, elle n’aurait pas été surprise que Tiber vît les choses d’une façon différente. Le vice-gouverneur cherchait, avant toute chose, à pérenniser la situation de sa famille. Il ruminait encore le fait de n’avoir pas succédé à Cantelmo de Sora à la tête de la Compagnie du Sud et espérait sûrement que l’un de ses neveux réussirait là où, désormais, il n’avait plus aucune chance de réussir un jour. Si l’enquête écornait trop l’image d’Emilion, Ella n’avait aucun doute sur le fait que Tiber miserait sur le cadet.

- Il est encore trop tôt pour qu’Ilori avance ses pièces. Si l’enquête visant Emilion Goloth n’aboutit à rien, cela ne servirait qu’à diviser la famille. Tiber Goloth ne peut pas laisser ça se produire. Si Emilion venait à être écarté définitivement en revanche, alors il est fort probable qu’Ilori cherche à récupérer ma position… si tant est que cette dernière soit toujours entre mes mains.

Ella ne se faisait aucune illusion sur le fait que si elle échouait à normaliser l’économie du Harondor, un autre Grand Marchand serait nommé dès l’enquête sur Emilion terminée. Elle n’avait pas oublié que Saemon lui avait donné une année pour faire ses preuves. Elle éluda les questions suivantes d’Evart, arguant qu’elle lui expliquerait tout ça en temps utile et que les choses seraient bien plus faciles avec une carte sous les yeux. En revanche, elle apprécia la proposition du jeune homme de partir en avance. Elle ne rêvait plus que de rentrer chez elle et s’impatientait de plus en plus d’être sur la route.

Evart, Ella et leur escorte s’engagèrent dans le défilé, seul chemin à travers les collines. C’était un endroit rêvé pour une embuscade mais Ella avait ses propres hommes qui patrouillaient dans les collines. Si ces terres ne lui appartenaient pas (à vrai dire, légalement elles n’appartenaient à personne d’autre qu’à l’Emir), elle était la seule à les contrôler. Ils finirent par sortir des collines et débouchèrent enfin sur les terres familiales. Ella indiqua à Evart qu’ils venaient de pénétrer dans son domaine. Des plaines plus ou moins vallonnées s’étendaient à perte de vue. L’herbe était rare et jaunie et de la poussière s’élevait derrière les chevaux lancés au trot. Clairement, ce n’était guère une terre propice à l’agriculture.

On pouvait apercevoir les collines plus loin à l’horizon mais tout le plateau appartenait à Ella. Cette dernière possédait d’autres terres bien plus fertiles dans le nord mais cet endroit, qui n’avait à priori rien de remarquable, était son berceau et elle y était plus attachée que n’importe lequel de ses autres domaines.

Le soleil de l’après-midi était à son zénith et la chaleur estivale devait paraître étouffante à Evart alors qu’elle semblait très supportable aux yeux d’Ella. Des hommes montaient la garde devant une barrière. En fait, une clôture était érigée et semblait faire tout le tour du domaine. Pourtant c’est à peine si Evart distinguait le haras en lui-même qui se situait encore à plusieurs kilomètres. Ella lui expliqua que la clôture servait plus à dissuader les gens d’entrer qu’à empêcher les chevaux de sortir, ces derniers paissant librement dans le domaine. De fait, Evart pouvait voir un nombre impressionnant de chevaux où que son regard portait. De son œil expert, Ella constata avec soulagement que les bêtes semblaient en excellente santé.

Enfin, ils parvinrent aux bâtiments qu’Evart avaient aperçus au loin. Les deux plus grand étaient des écuries desquels des hennissements se faisaient entendre sporadiquement. Un ensemble de petites maisons s’étendaient un peu plus loin et Ella lui expliqua que c’était là que vivaient ses métayers. Ces derniers étaient peu nombreux et travaillaient tous pour elle. Dhar Akbhat n’était qu’à quelques heures de cheval et ils pouvaient trouver tout ce dont ils manquaient en ville si le besoin s’en faisait sentir. Des champs s’étalaient vers l’ouest et Evart pût constater qu’il y avait de quoi nourrir bien plus que la population limitée de Déir-al-médir.

La demeure d’Ella était située non loin des écuries. Elle était nettement plus vaste que son récent hôtel d’Osgilliath. Elle s’étendait aussi bien en longueur qu’en largeur mais n’était constituée que de deux étages. Il était évident que le bâtiment initial avait dû être une grande ferme qui avait été agrandie par la suite. Cependant tout était construit en pierre apparente, contrairement à la tradition harondorim. Evart pouvait facilement reconnaître l’influence gondorienne dans l’architecture et déduire que c’était le père d’Ella qui s’était chargé de l’élaboration des plans.

Ils mirent pied à terre et aussitôt une armée de serviteurs quelques peu déboussolés firent irruption pour les accueillir. Un homme plutôt âgé vînt à leur rencontre en boitillant.

- Maîtresse Desbo, nous ne vous attendions pas avant plusieurs heures.

Se tournant vers les autres serviteurs, il aboya des ordres pour qu’on apporte de quoi se rafraichir. Des palefreniers s’occupaient déjà de leurs montures.

- Ce n’est rien Alaman. Laissez-moi vous présenter messire Evart Praven, mon nouveau collaborateur. Evart, si vous avez besoin de quoi que ce soit, Alaman se fera un plaisir de répondre à toutes vos demandes. Il est au service de ma famille depuis bien avant ma naissance.

De fait, Ella nourrissait une grande tendresse pour son fidèle employé. Cependant, la joie de rentrer à la maison n’avait pas éclipsé son sens de l’observation et elle remarqua que le chef de ses serviteurs était mal à l’aise. Elle allait lui en demander la raison quand un grand cri retentit derrière elle en provenance de l’écurie ouest. Elle eût à peine le temps de se retourner qu’une tornade brune d’un mètre quarante la percutait de plein fouet.

- Tal Sira (grande sœur) ! Tu es de retour.

Ella n’eût pas le temps de s’interroger sur la présence de son petit frère à Déir-al-médir car celui-ci la serrait tellement fort qu’elle se demanda un instant si elle n’allait pas étouffer. Elle se libéra de son étreinte et se rendit compte que sa tenue de cavalière était tâchée de sang. Saemon lui-même en était couvert. Elle réprima un cri d’effroi.

- Saemon, tu es blessé ?

Elle retourna le petit garçon dans tous les sens, cherchant où était situé la blessure quand ce dernier partît d’un rire enjoué.

- Je ne vois pas bien ce qu’il y a de drôle jeune homme.

- Je ne suis pas blessé. C’est juste que Méitra vient de mettre bas. Tu te rappelles tu m’avais promis que je pourrais avoir son prochain poulain. C’est un des petits de Feryel.


L’étalon était de loin le plus beau et le plus puissant des chevaux du haras et de loin le meilleur reproducteur qu’ils n’aient jamais eu.

- Et je devrais te remercier d’avoir tâché ma tenue en t’offrant un poulain?

Saemon contempla les dégâts et baissa la tête, penaud. Ella failli éclater de rire devant l’expression de son jeune frère. Ce dernier croyait manifestement que tout espoir d’obtenir le poulain venait de disparaître en fumée.

- En attendant, j’aimerais que tu salues correctement messire Praven qui va travailler avec moi ces prochains mois. Ce dernier doit te prendre pour un jeune sauvage.

Saemon s’inclina maladroitement et souhaitant la bienvenue à Evart et Ella se sentit submergée par une bouffée de tendresse envers son petit frère. C’était toujours la même chose, elle ne pouvait rester fâchée contre lui bien longtemps. Et bien sûr, le petit chenapan le savait et en profitait de façon éhontée. Elle pensait toujours à l’envoyer à Osgilliath afin de calmer un peu ses ardeurs et le préparer à devenir adulte mais elle répugnait à l’éloigner de tout ce qu’il avait toujours connu et aimé.

- Rends-toi plutôt utile et vas aider les palefreniers.

Elle se tourna de nouveau vers Alaman.

- Qu’est-ce que mon frère fait ici ? Pourquoi n’est-il pas à Djafa ?

- Madame, il serait mieux que nous en discutions en privé. Elaria pourra tout vous raconter.

- Elaria est ici également ?


Elle s’élança vers la maison, faisant signe à Evart de la suivre. Alaman jeta un regard en coin discret vers ce dernier, semblant évaluer si le jeune homme représentait ou non une menace pour sa maîtresse.

Une jeune fille se tenait devant l’entrée principale de la maison. Si Evart trouvait quelque charme à Ella, cette dernière faisait pâle figure devant la beauté de sa sœur. Elaria était grande, possédait de longs cheveux noirs de jais, des yeux noirs insondables, une bouche généreuse et sensuelle et un teint d’ivoire. Les hommes ne pouvaient s’empêcher de se retourner sur son passage mais elle semblait ne pas avoir conscience de son exceptionnelle beauté.

- Ella, bienvenue à la maison.

La Grande Marchande oublia tout formalisme et serra sa sœur dans ses bras, oubliant le sang qui maculait sa tenue. Le temps semblait s’être interrompu autour des deux jeunes femmes. Jusqu’ici Ella ne s’était pas rendue compte à quel point sa sœur lui avait manqué. Elle finit par rompre leur étreinte silencieuse et, se rappelant la présence d’Evart, lui présenta sa sœur. Celle-ci effectua une gracieuse révérence, baissant le regard devant Evart.

- Soyez le bienvenu messire Praven. Aïle Déir-al-médir voya nora est (Que Déir-al-médir soit pour vous un nouveau foyer).

Ella lui traduisit la formule de politesse et ils pénétrèrent dans la demeure. Celle-ci était meublée avec goût, alliant les styles du Gondor et du Harad de façon harmonieuse. Ella avait essayé de recréer cette harmonie parfaite à Osgilliath mais elle n’avait jamais pu réussir à égaler le talent de sa mère en ce domaine.

- Messire Praven, je gage que vous devez être fatigué après ce long voyage. Je vais demander à ce qu’un bain vous soit préparé et à ce qu’une collation vous soit servie immédiatement. Si vous le souhaitez, nous nous mettrons au travail ce soir après le dîner.

Elle laissa une servante conduire Evart à sa chambre et accompagna Elaria vers les cuisines. Depuis toujours c’était l’endroit de la maison qu’elles préféraient pour discuter mais sa sœur lui indiqua la porte de l’ancien bureau de leur père. Personne n’y mettait jamais les pieds hormis pour faire le ménage. Ella n’avait jamais eu le cœur de s’y installer (d’autant plus maintenant qu’elle ne venait ici que quelques fois dans l’année) et le souvenir de son père était trop vivace pour ses employés pour que qui ce soit pensât à y déplacer quoi que ce fût. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : Elaria ne souhaitait pas qu’on puisse entendre leur conversation.

- Vas-tu m’expliquer la raison de votre présence ici ?

- Quelques semaines après ton départ pour le Gondor, nous avons reçu des menaces. Les lettres n’étaient pas signées et Jhala ne voulait pas nous inquiéter inutilement.


Jhala était son secrétaire à Djafa. Sa musculature et son habileté au sabre faisaient aussi de lui un parfait garde du corps si le besoin s’en faisait sentir.

- Quelques jours plus tard, l’entrepôt de la rue à l’est du marché aux épices a été incendié et le comptoir a été attaqué. Jhala nous a caché, Saemon et moi, au sous-sol et nous avons entendu les combats. J’étais terrifiée mais je devais protéger Saemon. Heureusement, Jhala est parvenu à défaire ses adversaires. Il nous a alors envoyé ici, pensant que nous y serions plus en sécurité.

- Qui étaient ces hommes ?

- Je n’en sais pas plus. Que se passe t’il Ella ?


Ella aurait bien voulu rassurer sa sœur mais elle ne pût que la serrer contre elle. Alors qu’elle avait pensé rester à Déir-al-médir quelques jours, elle se rendait compte désormais qu’elle ne pouvait différer son retour à Djafa plus longtemps.
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Evart Praven
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Commerce au sud du Poros EmptyMer 26 Oct 2016 - 21:18
En fin de compte, Evart se demandait s’il avait bien fait de venir dans le Sud, la chaleur commençait à lui être étouffante et il aurait bien profité de la pénombre de son carrosse. Heureusement ils croisèrent une patrouille d’hommes d’Ella, cela annonçait qu’ils arriveraient bientôt à destination. La situation politique dans le Harondor semblait tellement tendue que des personnes privées devaient assurer la sécurité de la région et comme rien ne se faisait jamais gratuitement… Lorsqu’ils arrivèrent enfin à l’entrée du domaine Desbo proprement dit, celui-ci lui parut immense. Le petit mur d’enceinte se perdait à l’horizon et les chevaux se comptaient en centaines peut-être même en milliers. Une telle concentration de bêtes devait immanquablement attiré tous les regards et toutes les convoitises. A mesure qu’ils approchaient du domaine proprement dit, Evart put remarquer la démesure des lieux. Outre quelques petites maisons, il y avait surtout deux gigantesques bâtiments qui servaient d’écuries et la très belle demeure de la famille.

Quelques serviteurs sortirent en toute hâte suivis de ce qui semblait être un maitre d’hôtel. Quoique son léger boitillement devait l’empêcher de servir à table alors Evart opta plutôt pour l’intendant de la maison. Puis le jeune frère d’Ella lui sauta dessus dans une effusion de sentiments qui lui était complètement inconnu. Cela donna lieu à une situation cocasse de laquelle Dame Desbo sortit avec sa tenue tachée dont le garçon fut quitte en aidant les serviteurs à décharger. Décidemment, on n’avait de bien étranges coutumes dans le Sud.

Cependant il semblait que la présence du garçon ici fut assez exceptionnelle pour inquiéter Ella au plus haut point. La gravité de la situation ne fit que se confirmer avec le domestique qui oublia toutes les bonnes manières et se permit d’insulter Evart. Encore qu’il y avait des façons bien plus élégantes de montrer dédain ou mépris. Evidemment, Evart ne se sentait en rien dans le « secret des dieux » et il était tout à fait normal que certaines affaires restent privées mais jeter à la figure d’un invité qu’il n’était, au final, qu’un étranger n’était ni poli, ni civilisé. De plus Evart ne connaissait pas la maison et ses bagages n’étaient pas encore là donc il n’avait aucun prétexte lui permettant de s’éclipser discrètement et ne pas rajouter au malaise. Ella ne sembla pas relever le propos, elle devait être trop inquiète, à moins que ce ne soit une coutume du Sud que d’insulter les invités.

Cette situation ubuesque se poursuivit quand il évoqua la sœur de Dame Desbo. Chez lui, jamais un domestique se serait permis d’appeler un membre de la famille par son prénom. Chez lui, tous les domestiques et même les plus anciens ou estimés appelaient sa jeune sœur Dame Ysayne, même les membres de la famille l’appelait Dame Ysayne quand ils s’adressaient à un des serviteurs. Les domestiques du Sud affichaient une proximité avec leurs maîtres qui troublait Evart, à croire qu’on oubliait les différences de rangs et de classe. Pendant qu’Ella se dirigeait vers l’entrée, il indiqua froidement au domestique :


- J’aurais certainement besoin d’un valet cet après-midi. Le mien arrivera tout à l’heure avec mes bagages et mes domestiques.

- Bien messire.

Suivant Ella, Evart rencontra sa jeune sœur sur le pas de la porte de la grande demeure. Encore une fois, la Grande Marchande faisait preuve d’une familiarité qu’il trouvait particulièrement déplacée. Fort heureusement, la grâce et la politesse de Dame Elaria effacèrent les inconvenances précédentes. Il fallait avouer qu’Elaria était une magnifique jeune femme avec un teint assez clair pour une fille du Harondor. Se découvrant, Evart salua la jeune femme avec politesse et lui répondit :

- Je suis ravi d’être bienvenu ici, Dame Elaria, ce domaine est absolument charmant.

Le compliment était sincère, le domaine Desbo était un endroit magnifique. Les plaines en contrebas où se tenaient des milliers de chevaux offraient un splendide panorama que la grande maison couronnait. Si le château des Harlant était très bien meublé, la demeure Desbo était d’une élégance rare, il ne pouvait leur enlever ça. Cependant il n’eut pas le loisir d’en découvrir plus puisqu’il fut rapidement amené à sa chambre par une servante. Située au première étage de cette belle demeure, la chambre ouvrait grand sur un balcon et une cour intérieure aménagée comme un jardin. Evart s’installa un moment sur le balcon. L’ombre des plantes rampantes frappèrent sa vue, les odeurs mêlées des arbres fruitiers et des fleurs envahirent son nez et le doux bruit de l’eau qui s’écoulait atteignit ses oreilles. Oubliant ce voyage long et éreintant, les inquiétudes d’Ella ou même les siennes, Evart se permit un moment de quiétude. Hélas il ne dura pas assez longtemps à son goût. Un valet entra et il lui dit poliment :

- Bonjour monsieur, je suis Tanit. Je vous ai apporté une chemise propre en attendant l’arrivée de vos bagages. Une collation ainsi qu’un bain froid vont arriver sous peu.

- Je vous remercie, vous avez bien fait. Essayez de dépoussiérer mes vêtements, mes bagages pourraient arriver dans longtemps.

- Bien monsieur.

- Au fait, dites à monsieur Alaran que mon secrétaire et monsieur Dicien prendront un repas dans leurs chambres.

Les deux hommes n’étaient pas des domestiques alors Evart n’aurait pas autorisé à ce qu’ils partagent le repas de simples domestiques mais, à contrario, il n’aurait pas plus accepté de partager un diner formel avec eux, tout au plus un déjeuner de travail à la limite ou un souper sur le pouce, éventuellement mais pas plus. A peine l’échange fini, une servante entra avec un plateau richement garni de pain, pâtisseries, viandes froides, des fruits dont certains lui étaient complètement inconnus, il y avait aussi quelques choses qu’il ne connaissait pas et se permit donc de demander des précisions au valet. Le bain qui suivit fut tout aussi agréable que le repas. Il se sentait enfin propre et habillé, plus ou moins correctement.

Le reste de l’après-midi fut assez calme… Il n’avait pas voulu emmener de la lecture de peur d’abimer les livres ou documents durant le voyage et comme personne n’avait jugé bon de lui faire visiter la maison, il ne voulait pas se montrer impoli et attendait gentiment sur son balcon où il commença à noircir une feuille de sa petite écriture serrée. Il notait quelques réflexions intéressantes et préparait son travail. Quelques heures plus tard, ses domestiques arrivèrent et il put retourner à des activités plus intéressantes avant le repas puisqu’il se chargea de dicter des instructions et préparer son travail pour la dame du Sud avant de se changer pour le diner.

Lorsqu’il descendit dans la salle à manger de la maison, Evart remarqua quatre assiettes. A moins qu’on n’est pas respecté ses instructions ou qu’il y ait un invité surprise, le petit frère d’Ella devait manger avec eux. C’était encore une coutume bien étrange, le jeune homme ne se permettrait jamais de faire manger son jeune fils à un diner et il n’avait lui-même jamais été convié à aucun des petits diners de son père. Fort heureusement, le souper fut dès plus agréable. Evart avait toujours eu une conversation dès plus agréable et Elaria n’en était pas dépourvue. Quant au petit Saemon, il semblait curieux de tout. Il ne cessait de lui poser des questions :


- Et vous venez d’où ?

- Je viens d’Anfalas, à l’Ouest du Gondor où ma famille tient une seigneurie depuis des temps immémoriaux.

- C’est joli ?

- C’est une très belle région avec de grandes vallées vertes et de belles forêts.

- Cela ne vous manque de vivre chez vous ?

- Pour tout te dire, je n’y ai pas vécu très longtemps.

- Et vous avez été où alors ?

- Je suis allé dans les Montagnes Blanches puis à Dol Amorth, Pelargir et enfin Minas Tirith.

- Et vous avez préféré quoi ?

- Les montagnes sont impressionnantes, en as-tu déjà vu ? Le petit garçon secoua doucement la tête et Evart continua. Elles sont si hautes qu’elles se perdent dans les nuages, leurs sommets est couvert de neige toute l’année, leur aspect est particulièrement saisissant quand les nuages jouent entre les pics et le Soleil.

- Est-ce-que …

- Saemon, n’épuise pas messire Praven.
Coupa Ella.

- Est-ce que je peux y aller alors ? Je n’ai plus faim.

Même si jamais il ne se serait permis de demander ça à un souper, Evart fut rassuré de voir le petit curieux filer. Il n’aimait pas parler de lui et préférait rester sur des sujets plus légers et moins personnels, comme toute personne de qualité soit dit en passant. Le regardant sortir, il reprit :

- C’est un enfant charmant.

Le repas continua dans le calme, les deux sœurs Desbo et Evart purent échanger sur d’autres sujets allant de la politique jusqu’aux petites histoires de la région de Déir-al-médir. Le domaine avait une histoire intéressante tout comme la famille à qu’il appartenait. Il était indéniable qu’Ella avait fait un travail formidable pour redresser les finances de son père et l’honneur de sa maison mais Evart ne savait que trop bien par où passait généralement ce « travail formidable ». Le repas était délicieux avec des odeurs et des goûts exotiques mais Ella semblait préoccupée. Ils se retrouvèrent rapidement dans la pièce d’à côté. Evart se permit de lui exprimer discrètement son intérêt :

- Vous semblez préoccupée, souhaitez-vous que nous reportions cela à une prochaine fois ?

Comme prévu, Ella préféra continuer leur réunion et ils purent étudier les affaires d’Ella avec la minutie et le sérieux nécessaire. Ils y passèrent toute la soirée voire même une petite partie de la nuit. Malheureusement ils devraient partir dès l’aube pour Djafa, les affaires de la Grande Marchande semblant assez délicates en ce moment.
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Nathanael
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Commerce au sud du Poros EmptyMar 4 Avr 2017 - 20:17
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La visite au sein du domaine de Déir-al-médir fut aussi courte qu’agréable. Décidément, pensa la jeune femme, elle ne pouvait s’attarder nulle part. Un soupire lui comprima la poitrine tandis qu’elle ordonnait au meneur de donner le pas aux chevaux. Ils n’étaient pas partis à l’aube. L’affaire qui préoccupait Ella était urgente, mais toute précipitation aurait été une erreur. Il lui avait fallu s’assurer de la sécurité de son frère et de sa sœur, ainsi que du domaine familial avant de partir. Les hommes qu’elle engageait pour défendre le vaste haras avaient été rappelés pour recevoir de nouveaux ordres. Elle avait tenu à être là pour s’assurer qu’ils soient bien transmis. Elle avait une confiance aveugle en son vieux serviteur, Alaman. Il était fidèle à sa famille depuis de nombreuses années. On ne pouvait pas en dire autant des cavaliers qui parcouraient ses terres. Ils travaillaient davantage pour l’argent que par loyauté. Et elle n’était pas assez naïve pour croire qu’ils lui resteraient dévoués si d’aventure d’autres employeurs leur proposaient une somme plus élevée. À croire que si le commerce de marchandises s’époumonait à survivre entre le nord et le sud, le mercenariat reprenait une vigueur nouvelle.
 
Les nouvelles consignes passées, elle avait également tenu à transmettre des lettres ici et là. Vers Osgiliath, d’abord, pour rassurer la Compagnie du Sud sur son voyage et les prochaines mesures qu’elle allait prendre sur place. Elle ne fit jamais mention d’une quelconque menace à son encontre. Il ne servait à rien d’affoler ses supérieurs. Elle ne savait pas qui et pourquoi, on s’en était pris à sa famille. Il pouvait y avoir mille et une raisons d’agir contre les Desbo et sa récente nomination comme Grande Marchande de la Compagnie du Sud n’était que l’une d’entre elles. Elle devait se montrer forte et suffisamment astucieuse pour démêler cette affaire elle-même, bien qu’une boule au ventre lui nouât les entrailles depuis la veille. Il y avait eu des lettres, puis une véritable attaque. À la peur se mêlaient la colère et à la rage. S’attaquer ainsi à ses proches, c’était remettre en cause toute la puissance de sa famille, cracher sur la notoriété de son père et de son héritage et faire peu de cas de sa propre personne. Comme s’ils n’étaient plus que de vulgaires cibles à abattre, des mendiants qu’on pouvait égorger impunément dans une ruelle. Ainsi la famille Desbo n’était plus suffisamment aimée, ou plus suffisamment crainte.
 
Si elle avait été pressée de rejoindre Djafa pour revoir son frère et sa sœur, l’envie lui manquait ce matin-là. Leurs retrouvailles ne s’étaient pas passées comme elle l’avait espéré et, peinée, elle avait dû se rendre à l’évidence. Devenir Grande Marchande serait plus compliqué et plus difficile que prévu. Elle ne parvenait pas à s’attacher aux questions commerciales. Sur place, elle devrait se rendre à son comptoir, puis aux entrepôts, pour constater les dégâts, mais ses possessions personnelles passaient après les intérêts de la Compagnie du Sud. Du moins c’est ce dont elle essayait de se convaincre. Elle aurait voulu prendre plus de temps pour mettre Evart Praven au courant des liens commerciaux qui l’unissaient à différents groupes marchands, de l’organisation du prélèvement des dîmes et des impôts sur ses domaines, de la gestion faite par ses métayers et régisseurs. Mais voilà, elle était prise de court et le jeune noble devrait se débrouiller rapidement sans elle pour gérer des domaines et des comptoirs qu’il ne connaissait pas. Ce n’était pas tant la gestion de ses affaires qui l’inquiétait. Evart lui avait démontré au cours de leurs échanges qu’il possédait une mémoire aiguisée et la volonté de bien faire. Outre ses ambitions il semblait avoir les compétences réelles et nécessaires pour le poste qui lui revenait. Non, ce n’était pas cela qui la chagrinait. Evart Praven était résolument un homme du Gondor, et, toutes qualités professionnelles mises de côté, il semblait totalement hermétique à l’exotisme des coutumes du Harondor.
 
Afin de lui montrer qu’elle pouvait aller dans son sens, elle avait fait l’effort de faire apprêter une calèche pour sa personne pour la route. Un cheval frais et disponible était tenu en dextre par un de ses hommes de main. Plusieurs gardes les accompagnaient. Moins nombreux que lors de leur voyage depuis Osgilliath, ceux qu’elle avait sélectionnés étaient parmi les meilleurs bretteurs. Ils devaient voyager cinq jours à un rythme soutenu avant d’arriver à Djafa. Ella avait fourni ses propres chevaux et son propre matériel de façon à ne pas trop attirer l’attention.
 
Veuillez m’excuser si ces dispositions semblent placer le confort matériel au second plan. Mais cette voiture et mes chevaux conviendront mieux aux terrains du Harondor. Le voyage sera d’autant plus rapide et nous parviendrons ainsi plus vite à notre demeure familiale à Djafa.
 
Et, tandis qu’Evart prenait place sur une banquette couverte de coussins, à l’abri d’une cabine en bois, elle talonnait son cheval dans sa tenue de cavalière. Durant le voyage, elle continua d’entretenir Evart à propos de ses différentes propriétés et des commerces qu’elle possédait au Harondor. À Dhar Akbhat, le premier soir, elle prit le temps d’introduire Evart aux proches qui la soutenaient. Parmi les marchands se trouvaient également des propriétaires terriens qui se destinaient exclusivement à la vente de matières premières. Ce n’était qu’un petit comité de proches. Ella n’avait pu organiser qu’un dîner courtois chez un ami fidèle, un dénommé Mebruk Selyan, dont le profil laissait soupçonner des origines haradrimes. Mebruk Selyan avait poursuivi l’œuvre de ses ancêtres en perpétuant la vente de petits bétails et de pierres de taille. Ses domaines, quoique modestes, s’étendaient sur les versants occidentaux du Mordor. Plus qu’un grand commerçant, il était surtout un gestionnaire hors pair et connaissait tous les hommes qui étaient à son service. Il avait une grande connaissance du territoire où se trouvaient ses terres et il passa une grande partie de la soirée à narrer ses escapades.
 
– Pardonnez-moi, sieur Praven, si mon comportement n’est pas coutumier des gens du nord. Je ne sais pas si vous et vos proches avez pour habitude de parcourir ainsi vos domaines. Mais il est des bruits et des rumeurs qu’on ne peut apprendre que de la bouche des commis et des régisseurs qui travaillent pour nous. Et l’on en apprend plus encore, quand on parle directement aux alleutiers qui ont des terres contiguës aux nôtres. Certains prétendent qu’ils ont exploré des mines sur les versants orientaux du Mordor. Et qu’il ne se trouve là-bas plus personne pour les en déloger. Ils ont tous le visage sale et noirci par le labeur, mais j’ai vu entre leurs mains une améthyste qui aurait fait frémir les convoitises des plus grands joailliers du pays.
 
Le reste du voyage fut moins excitant. Ella avait prévu de grandes tentes pour la nuit. Même si elle n’en disait mot, elle était mal à l’aise d’être ainsi au-dehors, petite proie pour les premiers assassins qui voudraient l’éliminer. Elle s’était fait une joie de voyager ainsi, aux quatre vents et sous les étoiles. Mais ce que sa sœur lui avait rapporté l’avait très largement refroidie. Les jours se suivirent, sableux et éreintants. La végétation mourut peu à peu et finit par être ensevelie par le sable et les roches du désert. Pour passer le temps et pour finir d’instruire Evart sur ses affaires, Ella continuait de lister ce qu’elle possédait ainsi que l’état dans lequel se trouvait chacun de ses commerces.
 
Nous avons constaté une diminution de la vente des bijoux, de manière générale. Je gage qu’il ne s’agit que des conséquences d’un effet de mode passager. Mais cette perte de revenus ne doit pas progresser. Si j’ai de nombreux domaines, qu’ils soient agricoles, ou forestiers, je ne possède néanmoins pas de mine. Et cela nous fait grands défaut. Les orfèvres qui travaillent pour moi sont dépendants des flux de minerai et de pierres. Et le Harondor septentrional n’est pas une terre minière, pour notre grand malheur. Les pierres précieuses sont extraites plus au sud, au milieu des plaines rocailleuses et des collines rocheuses qui bordent Al’Tyr, ou dans la fournaise des dunes du Harad. Ou sur les versants du Mordor. Mais rares sont les mineurs qui veulent bien s’y rendre. Il n’y qu’un homme comme Mebruk Selyan pour les en persuader. Mon père avait fait l’acquisition d’une exploitation de minerais à l’est de Dhar Akbhat. Mais il n’était pas assez concurrentiel sur le marché. Le minerai extrait était de piètre qualité et les tunnels, mal entretenus par l’ancien propriétaire, ont englouti plusieurs de nos hommes à l’époque.
 
La voix d’Ella était devenue monocorde tandis qu’elle abordait les projets de son père. Il lui était toujours difficile de revenir sur l’image paternelle, qu’elle affectionnait autant qu’elle méprisait pour son dernier geste. Reprenant contenance, elle continua.
 
Les étoffes et l’artisanat se vendent toujours aussi bien. Il vous faudra sans doute rappeler à l’ordre quelques-uns de nos fournisseurs. Notamment ceux auprès de qui nous achetons la teinture issue de la feuille de pastel. Le Guède est une plante qui est originaire de notre contrée. Je fais cultiver une partie des plantes qui servent à teindre les étoffes que nous revendons, mais si je voulais être indépendante, je devrais sans doute convertir plus d’un tiers de mes domaines à cette culture. Or il est trop dangereux de cultiver une seule variété de plantes sur une surface aussi grande. D’autant qu’il est plus économique d’acheter le pastel que de le produire soi-même. Les procédés de transformation sont coûteux en temps et en main d’oeuvre. Si vous me demandez pourquoi j’ai donc choisi de cultiver tout de même ces plantes, je vous répondrai que c’est uniquement pour éviter que le marché ne devienne l’exclusivité de quelques propriétaires terriens, qui, bouffis d’orgueil, se feraient un plaisir de nous revendre quelques pétales au prix de l’or.
 
Ella Desbo poursuivit ses explications à propos des différentes terres qu’elle avait dédiées à la culture des variétés pour les teinturiers. Elle savait, en plus des moyens de commercialiser ses produits, comment chacun d’entre eux était fait et tous les procédés de transformation qui étaient utilisés pour obtenir des produits finis.
 
Les propriétés forestières que je vous ai montrées sur la carte sont toutes au nord du Harondor. Au-delà de Djafa vous ne trouverez dans le paysage que buissons rachitiques et arbres décrépits qui luttent difficilement contre la sécheresse et la brûlure du soleil.
Dame Desbo !
 
Elle interrompit sa conversation avec Evart, ainsi interpellée par un des hommes qui menaient leur cortège.
 
Djafa est en vue.
 
Ella tira sur les rênes de son cheval pour lui demander l’arrêt. Au loin, la Perle du Sud semblait vibrer sous les rayons du soleil. L’après-midi touchait à sa fin, exhalant une chaleur réconfortante. La cité semblait grouiller d’une activité encore plus intense que d’habitude. L’Émir s’était réfugié dans la cité commerciale après sa défaite à Dur’Zork. Et avec lui, tous ses serviteurs, ses hommes d’armes et les habitants qui n’avaient pas voulu se soumettre aux pirates. La ville croulait sous l’afflux de population. Ella prit soin d’évoquer la situation à Evart tandis qu’ils se rapprochaient des murailles de terre cuite qui ceignaient la cité. Ce n’était pas des badauds et des marchands qui circulaient dans les rues de Djafa, mais une marée humaine suante et pleine de bruits. Les hommes d’Ella durent jouer des pieds et des mains tout en criant « Place ! » pour que puissent s’engager leurs chevaux dans une des artères les plus empruntées de la ville. Hommes et femmes troquaient, échangeaient, juraient, de pauvres hères tendaient une main suppliante pour avoir une pièce, des enfants courraient dans les rues et ici des animaux à longue bosse de graisse sur le dos, là des ânes épuisés par la tâche, tiraient ou portaient des excroissances de marchandises qui semblaient prêtes à tomber à la moindre secousse. Ils mirent plusieurs minutes pour traverser la longue rue avant de s’engager dans une allée plus calme à l’ombre de grands bâtiments.
 
L’entrée dans la ville est toujours un calvaire, dit Ella.
 
Et pourtant. Les caravanes et les convois semblaient moins nombreux, les tentes de nomades ne parsemaient plus le désert alentour comme avant. La guerre avait autant transformé les hommes que le paysage. Quittant les rues bondées, ils cheminèrent encore quelques minutes avant d’arriver au pied d’une vaste demeure. De grandes portes d’un bois sombre, renforcées de métal, s’ouvraient à peine tandis qu’ils arrivaient. Des toiles beiges et ocre protégeaient l’entrée du soleil, mais nulle autre fioriture n’indiquait qu’il s’agissait de la demeure des Desbo. Ella eut un petit soupir de contentement en arrivant chez elle. Plusieurs hommes vinrent transporter les bagages et s’occuper des chevaux, menant les uns à l’intérieur des murs de terre et les autres dans une écurie proche.
 
Je vous souhaite la bienvenue à Djafa et dans ma demeure. Vous conviendrez que le voyage fut épuisant. Je vous invite donc à suivre Rehma. Il est l’intendant des lieux pendant mon absence et saura vous guider entre ces murs. Un homme au crâne luisant s’inclina légèrement pour se présenter. Rehma, veille à montrer ses appartements à sieur Praven et veille à ce qu’il ait tout ce dont il a besoin. Tu montreras également à son secrétaire et ses hommes où ils pourront loger, se rafraîchir et manger. Je vais moi-même changer de toilette et donner mes consignes à mes gens. Je vous invite à me retrouver au premier étage, sur les balcons, pour profiter de la vue sur une partie de la cité et profiter d’un repas autrement plus réjouissant que la viande fumée, le pain, les terrines ou les fruits secs dont nous avons trop abusé pendant le voyage.
 

Et, dans un sourire, elle quitta Evart disparaissant au milieu des couloirs frais et sombres qui parcouraient sa demeure.
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Commerce au sud du Poros EmptyJeu 20 Avr 2017 - 21:02
Le domaine Desbo à Deir-el-Medir était un endroit absolument charmant. Cela fut une respiration tout à fait bienvenue pendant l’éreintant voyage qui les menait d’Osgiliath à Djafa. Avant de repartir, Ella eut le temps de lui faire visiter le haras et de l’introduire à l’élevage des chevaux. Evidemment un noble de la campagne comme lui avait quelques notions mais rien de comparable à ce qui était nécessaire pour mener un domaine de cette taille. D’une certaine façon, il éprouvait une sorte d’envie. N’était-il pas triste de voir cet immense domaine riche et prospère appartenir à une roturière alors que tant de nobles avaient du mal à maintenir leurs anciennes propriétés. A la réflexion, cette idée était stupide. Lui-même n’achetait-il pas les domaines d’aristocrates désargentés pour leur redonner leur lustre d’antan ? Le reste du voyage tint plus du marathon que de la visite d’agrément mais ce n’était pas pour déplaire au jeune homme. Il prenait plaisir à découvrir les nouvelles affaires de Dame Desbo malgré les conditions matérielles qui étaient ce qu’elles étaient mais avec lesquels il fallait bien avec.

Bien qu’ils fussent pressés, Ella prit le temps de l’introduire auprès de ses plus fidèles hommes comme Mebruk Semua. L’homme semblait honnête et compétent, il lui était assez agréable pour quelqu’un du Sud malgré un parler assez direct comme c’était la coutume ici, semble-t-il. Ils eurent une discussion intéressante sur les ressources agricoles du Nord du Harondor. Il semblait, comme Ella probablement, le voir comme un citadin acharné qui ne connaissait de la campagne que ce qu’il voyait du haut de Minas Tirith. Avec une certaine malice, il se permit de lui répondre :


- Ne vous inquiétez pas, en dépit des airs que j’aime à me donner, je suis un garçon de la campagne. Je ne pratique pas différemment sur mes propres terres. Et quelles sont les rumeurs qui courent en ce moment ?

Ils purent continuer la discussion qui porta notamment sur l’existence de mines sauvages par-delà les montagnes du Mordora puis sur les difficultés du commerce en ces temps de guerre froide. Comme à son habitude, Evart écoutait beaucoup et ne parlait que peu de lui. Il ne souhaitait pas vraiment se mettre en valeur mais préférait en apprendre plus sur les autres et s’intéressait à leurs affaires et leurs personnes. Pour la plupart des gens, il était agréable de parler d’eux et Evart aimait faire parler les autres. Le reste de la soirée fut tout aussi intéressante et le jeune noble prenait plaisir à ses mondanités qui lui permettaient de connaître les proches alliés d’Ella. Le lendemain, ils purent continuer leur long voyage vers le Sud. Même s’il était inconfortable et bien trop long, il était l’occasion de mieux connaître Ella et d’en apprendre plus sur ses affaires.

- J’imagine que les tensions entre l’émirat et les villes du Sud ne doivent pas faciliter l’approvisionnement en pierres et métaux. Puis, j’imagine que, dans des régions aussi disputées, il faut avancer à visage masqué. Il serait trop tentant pour les locaux de s’en prendre à un supposé suppôt du Nord, n’est-il pas ?

Même s’il possédait une petite mine dans l’Anorien, il était loin d’être un spécialiste de la mine et s’il fallait développer cette activité, il devrait probablement se reposer sur l’expérience de Semua pour bâtir quelque chose de solide. En tout cas, cela semblait tenir à cœur Ella que de se développer dans les mines. Si les perspectives politiques tendaient à s’améliorer, il faudrait sauter sur les occasions mais, en attendant, il lui faudrait surveiller les opportunités. Alors qu’il s’apprêtait à lui répondre, Evart constata une sorte de trouble comme s’il était difficile pour elle d’évoquer la mémoire de son père. Il lui faudrait en apprendre plus sur elle quand il serait à Djafa et pas uniquement sur ce qu’elle voulait bien lui dire. Puis la discussion reprit sur les lainages et teintures du Sud. Il est vrai qu’elles avaient une très belle réputation dans tout le Gondor et même au-delà. Avec une certaine malice, il glissa :

- Effectivement, je me doute qu’acheter si cher quelques pétales inutiles n’est guère rentable. Ella eut un petit air surpris comme si elle ne s’attendait pas à ce qu’il passe cette petite question qui devait le piéger. Ne soyez pas surprise, Ella, j’ai un certain goût pour la chose agricole et l’herboristerie. J’ai même investi dans un petit domaine à la frontière du Lebennin qui me sert à expérimenter des techniques nouvelles. Je voulais essayer d’y faire pousser de la guède mais il était encore trop tôt dans la saison. Comment sont gérés vos domaines ? Il s’en suivit une discussion sur la l’étendue et la dispersion des nombreux domaines Desbo. Le sujet était évidemment intéressant mais il orienta la discussion vers quelque chose de plus important que la liste de tous les domaines de Desbo. Vous maitrisez donc toute la chaine du pastel ? Depuis la culture, au moins en partie, jusqu’à la production des étoffes en passant par la création puis la transformation des cocagnes ? Disposez-vous en propre d’ateliers permettant de produire ces étoffes ou ce sont des artisans plus ou moins indépendants liés à vous ? Laissant Ella lui expliquait les tenants et aboutissant de la production d’étoffes, Evart reprit un peu plus tard. J’ai lu que les feuilles de guède étaient écrasées par des moulins à animaux ou des moulins à bras, est-ce vrai ?

A dire vrai, l’organisation ne semblait pas être la plus efficace, il aurait probablement fallu regrouper les terres produisant de la guède pour pouvoir éviter ces petits moulins qui coutaient finalement assez cher alors qu’une grosse installation pourrait produire plus pour moins cher. En Gondor, Evart avait déjà eu l’occasion de trouver des moulins particulièrement ingénieux et il lui faudrait étudier ça avec attention. Cela pourrait être l’occasion d’améliorer grandement la rentabilité et la gestion des affaires d’Ella.

Voyageant parmi les ardents buissons et le sol fissuré, Evart n’en pouvait de toute cette chaleur qui l’accablait. Il écoutait presque distraitement Ella qui parlait de ses activités forestières. De toute façon, elle n’eut guère le temps d’aller plus loin que les arbres décrépis de la région auquel le ton presque las du jeune homme répondit :

- Il est, parait-il, des terres brûlées donnant plus de blé qu’un meilleur avril… marquant une pause, il reprit, alors plus rien ne m’étonnerait. [/b]

Ils n’eurent même pas le temps de reprendre que Djafa fut en vue. Emergeant d’une petite côte, ils purent admirer quelques toits qui scintillaient par-dessus la petite petite ceinture de murailles qu’on voyait à peine. Bien qu’épuisé par ce long voyage et cette chaleur étouffante, Evart admirait ce panorama à la fois splendide et impressionnant. Tachant de se rencontrer sur ce que lui raconta Ella de la situation de la ville, Evart put constater à quel point il était difficile de circuler dans cette ville. Bien que n’ayant qu’une grande porte, Minas Tirith avait une grande esplanade qui facilitait la dispersion dans le Premier Cercle. Rien de tel ici où la porte débouchait sur un apparent dédale de rues et ruelles surpeuplées. Heureusement ils ne mirent que peu de temps à atteindre la belle demeure de la famille Desbo. Si Ella semblait heureuse de retrouver son chez soi, Evart y trouvait un secours bienvenue et il ne s’en cacha pas vraiment :

- Je vous suis reconnaissant de tant d’honneurs, Dame Desbo. Cet interminable voyage m’a tout simplement éreinté.

Une simple et informelle révérence plus tard, Evart se lança à la suite de Rehma qui l’amena jusque dans sa chambre où l’attendait un laquais qui commença à s’occuper de lui. La chambre était assez fraiche et il était agréable d’avoir enfin des températures qui atteignaient péniblement des niveaux raisonnables. Quelques minutes plus tard, ses bagages furent amenés ainsi qu’un cuvier qui fut bientôt rempli d’eau froide. Profitant enfin d’un repos mérité, il eut le bonheur de voir entrer dans sa chambre son maitre d’hôtel.

- Messire Praven.

- Saelon. Quel plaisir de vous revoir.

- Pour moi aussi, Messire.

- Approchez. Donnez-moi des nouvelles.
Alors que son maitre d’hôtel venait vers lui, Evart congédia le laquais de Dame Desbo, il n’avait plus besoin de ses services après tout.

- J’ai pu vous trouver une hôtellerie à proximité du comptoir Desbo.

- C’est parfait. Nous resterons chez Dame Desbo le temps de la politesse mais je ne souhaite pas l’envahir. Avez-vous pu avancer sur le reste ?

- En effet, j’ai trouvé trois demeures qui seraient à vendre. La première n’est pas très loin d’ici, elle est assez grande, d’un style gondorien avec une très belle vue sur la ville et un jardin charmant. La seconde est une vaste et splendide demeure. Son propriétaire est un conseiller de l’Emir qui souhaite s’en débarrasser rapidement pour servir son maitre à Minas Tirith.

- Par les temps qui courent, je ne sais pas s’il est opportun de s’éloigner bien loin de chez soi. J’en sais quelque chose. Et la dernière ?

- Il s’agit d’une maison plus modeste mais qui bénéficie d’un charme assez typique mais il y a des travaux à y faire pour la rendre habitable.

- Des travaux, modeste, typique. Des avantages ?

- Elle est au milieu du quartier anfalais. A dire vrai, il s’agit plus maintenant du quartier des ressortissants de l’Anfalas et de Dol Amroth mais je pensais qu’il vous serait agréable d’être un peu parmi les vôtres.

- Vous avez raison. Organisez un rendez-vous pour me permettre de les visiter.

- Bien messire.
Tandis qu’Evart sortait de son bain, son maitre d’hôtel s’afféra. Je vais vous aider messire.

- Et sinon, comment avez-vous trouvé la ville et ses habitants ?

- C’est très différent du Gondor, bien sûr. Depuis la guerre, beaucoup de gens du Sud fuient les massacres, les pirates et le danger, la plupart s’arrête à la première ville tranquille qu’il trouve, c’est-à-dire ici. Autant la plupart des grandes familles ont encore des domaines dans le Nord et n’ont donc pas tout perdu, encore que, mais il y a beaucoup de pauvres, de réfugiés, de mendiants qui n’ont plus rien.

- C’est terrible.
Dit Evart avec une voix terme où la compassion n’était pas totalement feinte.

- J’ai eu l’occasion de chercher également des serviteurs pour votre future maison. J’ai trouvé des laquais et des garçons de cuisine convenables mais je n’ai malheureusement pas encore pu trouver de maitre de cuisine aux références acceptables, je crains qu’il faille se contenter d’un effectif réduit.

- Ne vous inquiétez pas, tant que je n’ai pas de demeure, cela ne presse pas. Vous avez encore le temps de chercher.

- C’est-à-dire qu’avec le déplacement de toute la Cour à Djafa, les bons cuisiniers se font rares et sont plus recherchés qu’un anneau de pouvoir.

- Je comprends, oui. D’ailleurs, j’y pense, je ne sais quand arrivera le reste de mes bagages. Nous avons préféré venir ici au plus vite, j’imagine qu’il devrait arriver d’ici quelques jours. J’ai pris l’essentiel mais il vous faudra faire l’inventaire pour vous assurer qu’il ne manque rien en attendant le reste.


Il lui fallut encore quelques minutes pour se sécher correctement, s’habiller proprement et se coiffer élégamment. Il en profita de la situation pour se raser, il ne le faisait qu’un jour sur trois pendant le voyage. Il n’avait maintenant plus cette excuse pour se laisser aller à la négligence et il quittait ses confortables habits de voyage pour une tenue plus élégante aux teintes bleue fumée et bisque. Finissant de se préparer et de diriger les laquais qui déballaient ses malles, Evart attendit quelques minutes avant de rejoindre Ella sur le balcon qui surplombait la ville. Dame Desbo n’était pas encore là mais ses serviteurs finissaient de disposer des plats raffinés sur la table. Une épaisse végétation protégeait du Soleil et de la chaleur sans gâcher cette vue splendide. Appuyé sur la balustrade, il laissa vagabonder ses pensées jusqu’à qu’un bruit derrière lui le surprit, c’était tout simplement Ella qui le rejoignait.

- Je vous prie de m’excuser, Dame Desbo, vous m’avez surpris alors que j’admirais cette splendide vue de Djafa. Je vous remercie de votre accueil, il est agréable de se débarrasser de toute cette poussière. J’ai également pu retrouver mon maitre d’hôtel, ce dont je suis fort aise. Tandis que l’hôtesse des lieux l’invita à s’asseoir, Evart continua. Quelles sont les nouvelles depuis Déir-al-Médir ?


Dernière édition par Evart Praven le Lun 9 Mar 2020 - 22:38, édité 1 fois
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Nathanael
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Commerce au sud du Poros EmptySam 7 Oct 2017 - 18:33
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Était-ce le voyage rude et harassant qui rendait la ville aussi belle ? Les rues grouillaient de mendiants, de marchands, d’hommes et de femmes aux mains sales et aux dos ruisselants de sueur. Mais d’ici, sur les balcons, ils n’étaient plus que des formes, des ombres et rares étaient les échos des rues qui parvenaient jusque chez elle. Au-delà de la vaste terrasse qui surplombait Djafa se devinaient les oasis qui formaient le coeur de la ville. Sources de vie et de conflits, leurs eaux claires reflétaient la lueur du soleil déclinant sous l’ombre immobile de la végétation qui les bordait. Un instant, Ella eut l’impression que l’étau qui lui comprimait la poitrine n’était qu’un mauvais souvenir.

- J’espère que vous avez pu profiter à votre convenance des lieux et de vos appartements. Le domaine ne montre rien de ses richesses depuis les rues, mais nous disposons d’agréables cours intérieures et de jardins ombragés qui, je l’espère, sauront vous faire oublier la chaleur étouffante du sud.

Tout habituée qu’elle était aux conditions climatiques régionales, elle devait bien admettre qu’il faisait particulièrement chaud cette année. Les plantes avaient offert des bourgeons très tôt au printemps et les nuits fraîches avaient disparu au milieu des tourbillons tièdes que transportaient les vents méridionaux.

- Il fait plus chaud que les années précédentes et le voyage a dû vous paraître atroce. Nous nommons ici le vent d’est le Baiser du Désert, et les courants occidentaux la Caresse de la Mer. Des évocations très poétiques pour des phénomènes qui peuvent parfois être mortels. Les vents du Sud portent aussi la chaleur avec eux, et l’un d’eux, au plus chaud de l’été est appelé le Coup de Sabre. Il ne se produit pas tous les ans, mais les conséquences sont terribles lorsqu’il se produit. Hommes et bêtes n’y survivent que rarement s’ils y sont confrontés au milieu des dunes.

Elle omit volontairement le nom consacré aux vents du nord. Il existait des termes en Langue Commune, mais les expressions locales contenaient en elles de vieilles rancoeurs populaires. Elle ne se sentait pas suffisamment proche du jeune homme en face d’elle pour évoquer crûment la Trique Froide ou les termes peu élogieux qui qualifiaient tout ce qui venait du nord. Depuis la défaite d’Assabia et la débandade des troupes royales, d’autres expressions avaient surgi des esprits khandéens, traversé les dunes et les étendues désertiques et s’étaient confortablement installées dans les esprits hostiles au Gondor. Telle était Djafa, urbaine bicéphale. Officiellement soumise à l’autorité de l’Émir Radamanthe, elle ne protégeait pas moins des coeurs tourmentés par la vengeance, les regrets, la convoitise, l’orgueil et la haine. Tous ces sentiments étant plus volontiers tournés vers ceux qui habitaient au-delà du Poros, plus encore depuis les troubles qui avaient habité la région, sous l’oeil indifférent du Gondor. Elle-même avait quelques fois du mal à faire la part des choses. Le royaume des descendants d’Elessar ne semblait plus être que le pâle reflet de lui-même, comme si sa grandeur s’était diluée dans le temps, lessivée par les guerres et les aléas politiques. Un bref moment, elle s’égara, avant d’avoir la politesse de répondre à la question que lui avait posée Evart.

- La situation est plus complexe que je l’imaginais d’abord. Les rapports qui m’ont été transmis jusqu’à ce jour semblent avoir beaucoup minimisé la situation réelle de la ville. L’affluence des réfugiés en provenance du sud a profondément transformé Djafa. Il est regrettable que vous ne puissiez la voir et la visiter sous son meilleur jour. Je redoute fort que vos hommes soient obligés de jouer quotidiennement des coudes pour vous offrir une voie de passage dans les rues de la cité. Les voies proches des grands domaines sont protégées des marées humaines, mais le reste de la ville est victime de surpopulation. Les tentes qui s’étendant autour des remparts ne sont plus celles des marchands venus commercer, mais des assemblages hasardeux de toiles pour protéger des familles qui fuient la guerre et les raids des pirates. Outre les désagréments engendrés par la foule, les cours de nombreuses matières premières se sont envolés. Les denrées courantes sont de plus en plus chères.

Elle marqua une pause et retint un soupir. Elle devait faire un effort pour parler calmement, lentement, sans laisser son esprit courir plus vite que ses propos au risque de faire paraître la situation comme dramatique.

-  En tant que commerçants ou négociateurs nous pourrions nous en réjouir à court terme. Mais chacun sait qu’une telle situation peut rapidement dégénérer. Aussi je vous recommande une extrême prudence. Il sera très délicat de naviguer dans des eaux aussi troubles, mais on dit que les Gondoriens ne sont pas si mauvais navigateurs.

Elle esquissa un léger sourire. Des serviteurs s’étaient occupés de leur servir une collation légère et des rafraîchissements divers. Ella avait opté pour un alcool fin aux couleurs d’ambre qui exhalait un parfum d’agrumes.  

- Je vous présenterai à mes collaborateurs et aux négociants avec qui nous travaillons ces prochains jours. Je vous détaillerai avec précision ceux qui sont fidèles et sans conteste des alliés de poids et ceux dont il faut se méfier. Je ne vous cache pas que vous serez confronté à une hostilité silencieuse, exacerbée par la situation actuelle.

«Il nous faudra faire avec», pensa-t-elle. Avant qu’une pensée plus froide encore ne lui traverse l’esprit «Et moi donc, à quelle forme d’hostilité dois-je m’attendre ?». Rehma ne lui avait guère apporté plus d’informations que sa soeur. Elle devrait se rendre elle-même sur les lieux pour constater les dégâts et mener une enquête discrète, mais efficace, pour retrouver ceux qui voulaient s’en prendre à elle. Il était hors de question qu’un tel acte demeure impuni et sans conséquences. Elle ne s’était pas confiée auprès d’Evart sur cet incident. Elle ne souhaitait pas l’inquiéter outre mesure et, pire, elle ne souhaitait pas qu’il rédigeât quoi que ce soit à son encontre qui puisse laisser croire que la situation lui échappait à Djafa. Elle avait simplement évoqué les dégradations importantes consécutives à l’incendie et le pillage de son comptoir. Une situation qui pouvait se justifier par des termes tels que convoitises ou jalousies.

- Il vous faudra les services d’un traducteur. Une grande partie des négociants parlent la Langue Commune, mais certains la maîtrisent mal ou se feront un plaisir de vous faire croire qu’ils ne la connaissent pas du tout. Rehma saura vous recommander les services de la personne la plus qualifiée pour ce travail. Les gens qui sont à mon service pourront également servir de traducteurs pour les personnes qui vous accompagnent pour leurs tâches quotidiennes. Rehma leur indiquera également où trouver les marchandises nécessaires aux meilleurs prix et les quartiers qu’il faut absolument éviter au risque d’y perdre sa bourse, plus sûrement qu’ailleurs.

Le soleil continuait lentement sa course ver l’horizon. Ella était presque impatiente de passer à table. Deux marchands et amis proches devaient les retrouver pour le repas. Ella les avait prévenus longtemps à l’avance par courrier et les avait invités à la rejoindre au plus tôt. Son intendant s’était occupé de tout préparer tandis qu’ils cahotaient encore sur les routes. Il s’agirait sans doute de la seule et unique soirée passée avec des proches en qui elle avait toute confiance et dont la conversation la distrayait vraiment. Les soirées à venir se feraient au milieu d’une foule de courtisans, négociants aux dents plus ou moins longues, et plus ou moins faciles à convaincre, jeunes personnes à l’ascendance plus ou moins bonne qui viendraient chercher ses faveurs, caravaniers du sud et de l’est, foule hétéroclite qui refléterait toutes les nuances et les subtilités du Harondor. Elle espérait qu’Evart se familiariserait rapidement avec les rebondissements et les imprévus que pouvait entraîner une telle diversité de culture et de comportements. Il lui fallait l’entretenir à propos des divergences de codes et d’étiquettes. Le retard de l’un serait à prendre comme un profond mépris, le retard de l’autre comme une simple excentricité personnelle, une oeillade sévère pouvait être une menace mortelle, un sourire la promesse d’un marchandage prometteur ou au contraire les prémices d’un refus catégorique. Mais pour l’heure, elle souhaitait profiter du dernier instant de répit qui lui restait avant d’être prise dans les tourments qu’imposait son nouveau statut auprès de la Compagnie du Sud.

- Nous avons longuement discuté de mes propres affaires, mais j’aimerais à présent entendre les propositions que vous pourriez me faire en termes de gestion. À partir de ce que j’ai pu vous transmettre, comment envisagez-vous les choses ? D’un point de vue strictement commercial, j’entends. Vous conviendrez que la situation imposera des compromis ensuite et que les idées devront se soumettre à une réalité quelque peu chaotique.
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Evart Praven
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Commerce au sud du Poros EmptyDim 4 Fév 2018 - 22:36
Jamais Evart n'aurait pensé être aussi soulagé que d'être arrivé dans une ville du Sud mais le voyage avait été extrêmement éprouvant, cette légère brise sous le Soleil couchant ne pouvait que lui faire du bien. D'autant que la demeure d'Ella Desbo était dès plus élégante. Ainsi ils purent commencer la conversation.

- L’architecture est, en effet, très différente de ce qu’on trouve au Gondor mais je la trouve, par bien des aspects, plus élégante que nos majestueuses demeures. S’asseyant sur l’un des deux sièges qui faisait face au Soleil déclinant, Evart profita l’espace d’un instant de la douce brise du soir et des senteurs des fleurs du jardin. Je ne suis certes pas habitué à de telles chaleurs mais, après un hiver aussi long et difficile, peut-on réellement se plaindre ? A tout le moins, nous pouvons espérer une récolte précoce limite la famine. Même si les ventes de farines et céréales sont régulées, les contrebandes et les petits jeux de commerce sont légions.

Bien entendu, Evart omit bien entendu de préciser qu’il avait largement profité de ses petits jeux mais ils étaient tolérés tant qu’ils restaient « raisonnables ». Après tout ils arrangeaient tout le monde, la plupart des habitants de la ville recevaient une ration minimale, les grands pouvaient alimenter leurs maisons correctement et les marchands évitaient de vendre à perte. Il continua ainsi la conversation :

- J’espère que j’aurais l’occasion d’en apprendre plus sur le Harondor mais j’espère tout de même éviter la connaissance de ce fameux coup du Sabre.

Écoutant attentivement chaque propos de Dame Desbo, Evart tachait d’analyser tout ce qu’elle disait comme ce qu’elle ne disait pas tout en l’intégrant et le comparant à ce qu’il connaissait de la situation dans le Sud.

- Ces temps-ci, il semblerait que nous le soyons moins que les pirates du Sud mais je tacherai d’être prudent, d’autant plus que je ne connais pas assez bien les délicats équilibres de Djafa et du Harondor pour m’y ruer. Je comprends que la situation puisse être délicate. Puis je ne gère pas les affaires d’une personne privée comme je gèrerai les affaires d’une Grande Marchande de la Compagnie du Sud. Je ne souhaite pas qu’on puisse vous accuser d’être un rapace ou de marcher sur une ligne grise, cela risquerait de vous compliquer la donne sur un plan plus politique. Je préfère complaire aux personnes importantes qui peuvent vous aider, « nous aider » aurait été un terme plus juste mais Evart devait se montrer modeste , quitte à perdre un peu en rentabilité mais je pense qu’il sera facile d’en gagner au moyen de quelques techniques nouvelles que j’ai en tête.

La conversation continua ainsi sur des sujets un peu plus terre à terre et proches. Effectivement Evart ne parlait pas un traître mot de cette langue si étrange du Sud aux sonorités si différentes des langues du Nord.

- Je vous remercie, effectivement, je pense que cela me sera utile. Je vais faire l’effort d’apprendre les rudiments de votre langue mais je doute de pouvoir soutenir une conversation convenablement puis je pense que ce ne serait profitable, il faut savoir conserver quelques atouts dans sa manche. Je vous remercie également pour l’aide à mes gens. Je pense qu’il me faudra étoffer ma maison ici avec des gens qui puissent être sûrs, parlant la langue du Harondor et capables.

On ne resta pas longtemps sur ces considérations assez annexes pour partir dans le vif et la gestion des affaires de la Dame.  

- Bien entendu, les plans que l’on peut avoir sont souvent loin des réalités auxquelles nous sommes confrontés. J’ai effectivement un certain nombre d’idées et je me permettrais donc d’être direct. Je sais qu’il est parfois mal vu d’être franc dans des relation commerciales mais je pense qu’il est de mon devoir d’être honnête avec vous et je préfère ne pas vous dire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Concernant l’élevage et les haras, il est clair que vous et vos hommes avez une véritable expertise. En dehors de quelques détails de comptabilité, je doute que faire bouger les choses de fond en comble ne fasse autre chose que désorganiser cette activité. De façon similaire, l’essentiel des activités strictement commerciales ne devraient pas subir de changement majeur, j’imagine que les problèmes sur les bijoux peuvent être liés à des problèmes de mode ou aux conséquences du Rude Hiver mais j’inspecterai moi-même les produits pour vérifier qu’ils sont bien en phase avec ce qu’on recherche au Nord. On pourrait même charger quelques personnes d’étudier plus précisément ce que veut la mode et trouver quelques personnalités influentes capables de mettre à la mode les bijoux du Sud. Il me faudra également travailler à intégrer quelques meilleures pratiques chez les artisans qui vous vendent leurs productions pour s’assurer de les avoir au prix juste avec une vision de long terme.

Vous comprendrez que les deux principales activités qui me semblent nécessiter toute notre attention concernent les teintureries ainsi que les bois et forêts. Je pense qu’il serait possible de mieux tenir vos fournisseurs et vos concurrents en travaillant à une meilleure organisation des activités. Par exemple, certaines de vos terres sont largement dotées en champs de guède, pour ceux-ci mais aussi pour capter les cultures avoisinantes ou, plus tard, pour moudre les cocagnes, il serait intéressant de développer des moulins à eaux. D’après ce que vous m’avez fourni, l’essentiel sont à bras ou, au mieux, avec des bêtes mais ceux-ci ne sont pas d’un excellent rendement. Sur une terre que j’ai acheté dans le Lebennin, l’ancien moulin à bras permettait de moudre tout au plus cent cinquante livres de blé par jour alors que le moulin à eau que nous avons construit broie plus de trois cent livres en une heure. Je vous laisse imaginer les gains de productivité possibles.  

L’activité des bois me semble très prometteuse mais elle risque de prendre du temps avant d’être vraiment rentable. D’abord, les éléments que vous m’avez fournis me laissent penser que les exploitations sont très hétérogènes. Certaines semblent exceptionnellement bien gérées mais d’autres laissent à désirer. Trop souvent les rapports mentionnent un bois qui aurait pu prétendre aux chantiers navals est rebuté à cause d’une mauvaise coupe. Certaines sont tout à fait inexploitables tant on a mal et trop tiré. Je pense qu’il y a vraiment besoin d’identifier et de propager les bonnes pratiques, de mieux former et unifier les personnels.

Je pense qu’il y a également besoin de rationaliser la gestion. Comme simple exemple, vos bois près de Methir sont gérés en fonction du régime sous lesquels ils sont tenus, ici en charge et office, là en propriété et ailleurs en fermage. Si cela peut faire sens lorsqu’il s’agit d’acquérir des terres, il faudrait unifier leur gestion autour des différents ensembles forestiers. Cela aurait bien plus de sens puis cela permettrait de créer plus facilement de véritables ateliers assurant la bonne coupe des arbres, leur bonne utilisation et leur bon transport.

Concernant les nouvelles activités qu’il serait possible de développer, j’ai quelques idées qui pourraient vous servir. Vraisemblablement, plus vos activités seront diversifiées, moins il y aura de risques pour vos finances. Les projets éventuels peuvent être nombreux et il faut bien entendu faire montre de raison mais ils représentent des pistes intéressantes.

Pour améliorer votre image auprès du pouvoir et éventuellement votre popularité, j’ai pensé qu’il serait possible de construire une ou plusieurs briqueteries. Cela aurait l’avantage de nécessiter que très peu de fonds pour se lancer mais une forte intensité de main d’œuvre. Cela permettrait de donner un peu de travail à ses pauvres hères quitte à leur faire des avances sur salaire. Par ailleurs, au regard du nombre de travailleurs potentiels, cela devrait nous permettre de maintenir des salaires relativement bas et donc à maintenir des prix compétitifs.

Au regard des grandes turbulences politiques, humaines et économiques de la région, je pense qu’il est possible de faire des affaires rentables sans trop mobiliser d’argent même si ce serait une prise de risque. J’ai imaginé un système ayant besoin de peu de fonds propres avec une rentabilité améliorée grâce à de la dette. L’idée alors est de travailler l’amélioration de la valeur des biens achetés pour les revendre avec bénéfice et ainsi rembourser le prêt. Je reconnais que c’est peu orthodoxe comme astuce et elle fonctionne uniquement si le prix de l’argent est inférieur à la valorisation possible de ce qui est acheté. Dans un premier temps, je peux me contenter d’ouvrir l’œil sur d’éventuelles bonnes affaires et limiter l’apport d’argent nécessaire donc le risque à prendre. Cela pourrait également vous permettre de travailler votre clientèle en leur empruntant de l’argent à des taux raisonnables.

Comme j’ai pu vous l’évoquer plus tôt, j’ai envisagé d’importants travaux de machineries pour vos exploitations forestières. Si ces travaux se font, il devrait être possible de conserver les ingénieurs et machinistes employés pour tâcher d’introduire de techniques intéressantes dans d’autres domaines, par exemple, dans les moulins à grains. Ceux-ci sont d’un excellent rapport dans des régions comme le Lossarnach et je pense qu’ils pourraient être d’un aussi bon rendement ici tout en limitant l’exposition et les besoins d’argent en mutualisant l’apport avec diverses personnes fortunées voulant placer leur argent.

D’une façon similaire, je souhaiterai rester attentif voire prospecter pour d’éventuelles mines et autres activités similaires. Comme vous l’avez évoqué, elles présentent plus de risques à mesure que les gisements sont dans des zones plus instables ou moins sûres mais, bien menées, avec des techniques modernes, des machines et un effort attentif, il n’y a pas de raisons que ce marché soit fermé à votre famille.

Cela fait beaucoup de pistes, j’en ai conscience mais toutes ne mobilisent pas énormément de ressources puis certains investissements ou activités peuvent se faire dans un temps plus long. Mon idée n’est vraiment pas de me montrer particulièrement agressif dans la gestion ou dans le commerce. Je pense qu’il est possible, en gérant mieux vos affaires que ne le font vos concurrents, de convenir au plus grand monde et si cela vous convient, bien entendu.
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Nathanael
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Commerce au sud du Poros EmptyJeu 15 Mar 2018 - 17:04
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De temps à autre, le soir tombant, de petits courants d’air plus frais franchissaient le balcon où ils se trouvaient et venaient leur caresser le visage. Tout en écoutant Evart lui parler des projets qu’il avait pour ses possessions et commerces, elle profita pleinement de ces caresses fraîches et vivifiantes. Le Sud avait toujours été un amant fidèle et elle se délectait d’en retrouver les ardeurs et les soupirs. Ses invités ne tarderaient plus maintenant. Elle fut particulièrement attentive lorsqu’Evart délaissa les propos mondains et leurs sous-entendus pour aborder les sujets qui l’intéressaient vraiment. « Quelques techniques nouvelles » étaient des termes qu’elle avait du mal à appréhender. Elle savait de quoi il retournait, elle avait vu au long de ses voyages ce dont les Gondoriens étaient capables. Le Harondor n’était pas le dernier non plus en matière d’innovations. Mais… il y avait un mais. Les commerçants et les voyageurs voyaient souvent plus loin que le peuple qui travaillaient pour eux. Or c’était bien souvent au petit peuple de mettre en place les nouvelles techniques importées d’ici et d’ailleurs. Comment les hommes du Harondor prendraient-ils le fait que ces nouvelles techniques soient issues d’un royaume qu’ils haïssaient, proposées par un homme venu lui-même de ce royaume ? Elle était à la fois curieuse et inquiète. Le jeune Praven avait une ambition et une franchise qui lui plaisaient et lui faisaient forte impression. Et il lui plairait encore davantage s’il parvenait à ne réaliser que la moitié de ses propositions. J’espère qu’il se rendra compte que ce sont moins les hommes qui lui feront obstacle que nos traditions et notre culture.

— J’apprécie votre franchise messire Praven ainsi que les idées que vous apportez. Vos connaissances plus approfondies des goûts du nord profiteront à mes affaires j’en suis certaine.

S’il se montrait fiable, loyal et efficace, ses propres connaissances du Harondor et du Sud profiteraient en retour au sire Praven. Mais il n’aurait pas été très approprié, ni très professionnel, de sa part de dire tout haut ce qu’elle pensait tout bas. « Donnez trop d’assurance à un collaborateur, un serviteur, ou quelque homme qui travaille à votre service et vous façonnez dès lors le mur dans lequel il viendra se fracasser le crâne. » La phrase résonnait encore comme un écho lointain au milieu de souvenirs perdus, oubliés. Certaines soirées mondaines étaient plus riches en enseignements que d’autres et elle pouvait encore voir le visage du seigneur qui avait prononcé ces propos. Un homme du Harondor qui avait compris de longue date que le Gondor ne devait pas être un ennemi, mais un allié, que la paix apportait davantage de profits que la guerre si on savait en tirer parti. Evart Praven semblait avoir compris l’essentiel de ses intérêts, en comprendrait-il aussi les subtilités et ce qu’elles impliquaient ?

— Pour les moulins à eau, je vous laisserai apprécier par vous-mêmes les endroits où il sera le plus opportun de les construire, mais si nous n’en avons pas installé davantage à ce jour, c’est que nous sommes régulièrement confrontés à la sécheresse. C’est d’ailleurs une des raisons qui nous pousse ici à cultiver la guède, qui apprécie nos terres chaudes et résiste bien à nos conditions climatiques. Les cours d’eau existent, mais ils ont un débit variable, voire très instable. Et, malheureusement, la récolte des feuilles et la période à laquelle nous les faisons broyer correspondent aux périodes les plus sèches au Harondor. L’automne est plus tardif ici et nous ne profitons des pluies océaniques ou de celles venues du nord qu’au milieu de la mi-novembre, parfois plus tard. Je pourrais vous faire parvenir des ouvrages à ce sujet, ainsi que les rares cartes dont nous disposons et sur lesquelles apparaissent certains de nos domaines et les cours d’eau qui leur sont adjacents. Sur place il vous faudra pourtant vous en référer, quoi qu’il advienne, à mes employés. J’insiste à ce propos. Quoi qu’il advienne. Les années les plus belles pour notre agriculture précèdent bien souvent des années terribles et il vous faudra un peu plus de quelques mois sur ce territoire pour en saisir le sens. Une belle rivière peut changer de cours ou disparaître plusieurs mois sous terre. Et, malheureusement, peu de zones ont été véritablement aménagées en canaux pérennes. La faute à de vieilles croyances.

Ce qui faisait le charme et la beauté du Harondor étaient également des entraves puissantes à son développement économique et commercial. Combien de fois les arguments qu’elle avait rapportés du Gondor avaient-ils été rejetés par des proches au sud du Poros ? Des arguments non pas rejeté à partir de fondements logiques et raisonnés, mais bien réfutés sur les bases de croyances solidement ancrées, aussi vieilles que le Harondor lui-même. Il en allait ainsi des mines qui piquaient les flancs du Mordor et dont leur avait parlé son ami Mebruk Selyan. Ce qu’il avait tu, par politesse ou par mépris, c’était que les hommes qui exploitaient ces mines étaient maudits aux yeux des gens du Harondor et que personne ne leur rachèterait la moindre pierre, fut-elle aussi grosse que la tête d’un orc. Elle-même était quelques fois tiraillée entre l’éducation de son enfance et ce qu’elle avait appris au-delà des frontières de son pays. Tiraillée entre une aversion profonde et une envie jalouse envers le Gondor.

— Pour ce qui est de la gestion et de l’exploitation des terres boisées, je vous demanderai des comptes rendus réguliers, mais vous aurez davantage de latitude. Non pas que je me défie de vos capacités dans les autres domaines, mais j’ai dans l’espoir que les gens de ce pays verront enfin l’intérêt que représente une vraie gestion forestière. Je ne suis pas dupe, nous ne pourrons pas concurrencer les grandes forêts du nord où les essences grandissent plus vite pour l’usage des mâts des navires par exemple. Ils disposent d’espèces plus appropriées pour la charpente et les grands édifices, mais nous avons ici des arbres qui n’existent pas au-delà du Poros. Des essences rares et chères, dont certaines sont réputées pour avoir des propriétés exceptionnelles face au temps. Imputrescibles et, surtout, dont les couleurs et les teintes ne sont pas altérées par les âges. Mais des essences qui sont mal exploitées pour les raisons que vous avez évoquées. Ce sera une charge de travail conséquente, mais nécessaire. Vous serez obligé de faire des aller-retour réguliers sur ces terres pour instruire et former le régisseur. Il se nomme Irion Amandil. Ne vous y trompez pas, son nom n’est que le mirage d’un passé faste. C’est un homme du Harondor jusqu’à la moelle, mais si vous savez lui prouver et lui démontrer l’intérêt d’un nouveau type de gestion, il vous suivra sans maugréer. Je n’ai jamais réussi à le convaincre personnellement. C’était un homme de mon père.


Elle marqua une courte pause. D’autres souvenirs, plus lointains encore, lui revinrent. Il lui était pénible de penser à son père. Un serviteur leur amena un plateau où se trouvaient des tranches de citrons frais arrosés d’un jus sucré et épicé, des olives vertes et noires, importées du Harondor et accompagnées d’une huile pimentée, ainsi que quelques gâteaux à la cannelle et à la fleur d’oranger.

— Un dernier point en ce qui concerne mes affaires. Je vous dois d’être franche et ferme à ce propos. Rien ne doit pouvoir m’être reprochée, quel que soit le domaine concerné. Soyez le plus consciencieux possible et gardez l’œil, même auprès de mes régisseurs, sur chaque document rédigé et signé en mon nom. Aucune de mes affaires ne doit pouvoir être qualifiée, de près ou de loin, de corrompue. Je ne sous-entends pas que vous seriez capable de mener dans mon dos des affaires ou quelques échanges illégaux, mais ceux qui se sont opposés à Emilion Goloth me surveillent de près. Ils ne feront pas la même erreur deux fois et la Compagnie du Sud ne pardonne pas ce genre de comportement.

« Dans tous les cas, garde-le à l’œil et à portée de poignard. » Les derniers mots d’une courte missive de la part de Saemon Havarian. Que lui avait-il promis, ou de quoi l’avait-il menacé pour que Evart Praven accepte de venir se perdre dans le sud ? Elle n’en avait jamais rien su. Mais elle était loin d’oublier ses précieux conseils. Evart serait son secrétaire particulier. Mais Evart demeurerait un Gondorien, un étranger, ici, sur ses terres. Le moindre faux pas de sa part, la moindre esquisse de manigances, la moindre…

— Dame Desbo ? Vos invités sont arrivés. Ils vous attendent dans votre salon d’été. Nous avons installé la table dans le jardin des sables, près des bassins.

Les dernières lueurs du soleil couchant se reflétaient sur le crâne ras de son intendant. Deux servantes en robe légère, pourpre et sable, se tenaient derrière lui, portant chacune un plateau où Ella et Evart pouvaient choisir entre le vin couleur d’ambre et un autre, rouge sombre, dont le goût de tanin marquait plus âprement le palais.

— Messire Praven, je vous invite à me suivre et à vous joindre à nous ce soir. Nous serons en compagnie d’amis proches et fidèles, sur qui vous pourrez compter lors de mes absences. L’un vit à Djafa à l’année et possède des terres non loin de la vallée de l’Harnen ainsi que plusieurs comptoirs commerciaux au Harondor. L’autre ne vit qu’une partie de l’année dans cette cité. Il vit du transport des marchandises et fut le premier à proposer un système d’assurance à ceux qui exportaient des convois rares et chers. L’idée n’a pas encore conquis tous les marchands, mais il y travaille. Si les routes maritimes deviennent de plus en plus difficiles à parcourir, la voie de terre sera la seule alternative possible. Ils vous en diront plus eux-mêmes au cours du dîner.

Ella se saisit d’un autre verre de vin ambré et suivit son intendant pour accueillir ses invités. Dehors, le soleil disparut au milieu d’ombres bleu marine et violette tandis que naissaient les premières étoiles.
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Commerce au sud du Poros EmptyDim 23 Juin 2019 - 20:43
Chacun des mots de la Dame était soigneusement pesée mais également soigneusement notés par son jeune interlocuteur. Ils lui apportaient une information vaste et précise sur le Harondor mais aussi sur l’esprit de Dame Desbo. Plus que ce qu’elle disait, Evart tâchait de comprendre ce qu’elle sous-entendait voire ce qu’elle taisait simplement. En effet, sa défiance était palpable mais Evart ne lui en tenait pas rigueur. Après tout, il avait toute sa fortune, peut-être même plus, entre ses mains et lui-même n’était pas réputé pour sa très haute probité. Puis, au final, n’était-il pas que le fils d’une belle et noble famille ? N’avait-il pas toujours vécu dans la confortable sécurité qu’offrait les grandes familles aristocrates ? Alors qu’il venait de reprendre une bouchée d’un délicat gâteau à la fleur d’oranger, le jeune homme s’évertua à rassurer la Grande Marchande :

- Dame Desbo, j’espère que ne sous-entendez pas que je puisse pratiquer quelque activité criminelle ? Surtout à votre service. Je comprends vos inquiétudes. Une Dame comme vous, surtout dans l’éminente position qui est à la vôtre, attire forcément les jalousies et l’inimitié de bien des gens. Soyez rassurée, je ne ferai rien que vous n’approuveriez pas.

Situé à des centaines de lieues du Gondor ou de Minas Tirith, des réseaux qu’il avait cultivé avec patience, Evart était à la merci du bon-vouloir de la Dame des lieux. Evart le savait, Ella le savait et tout le monde faisait semblant. Il était évident donc qu’il ne ferait rien qu’elle n’approuve pas expressément. Leur si agréable discussion fut néanmoins rapidement interrompue par un serviteur annonçant l’arrivée d’invités. Le jardin des sables était un lieu d’un raffinement rare avec de nombreuses plantes qui étaient totalement inconnues dans le Gondor. Se penchant doucement vers Ella, le jeune homme lui demanda d’un ton presque mutin :

- Puis-je vous faire promettre de m’en dire plus sur les splendides essences qui ornent votre jardin ? Je suis assez féru d’horticulture.

- Bien entendu. Nous avons la chance d’avoir quelques espèces assez rares.

- Hélas, nous arrivons déjà là.

Rejoignant les convives, Evart laissa à Dame Desbo tout le soin de faire un petit discours avant qu’ils ne puissent toutes et tous s’asseoir.  Le jeune homme avait la chance d’être placé entre Sohan Orsokon et Aylan Adherbal qui lui avaient été chaudement recommandés par celle qui était désormais sa patronne. Au cours de la soirée, il eut la chance d’avoir des discussions très intéressantes avec l’un et l’autre.

- Messire Orsokon, Dame Desbo me disait que vous disposiez de nombreuses terres dans le bassin de l’Harnen ?

- C’est exact, en effet, même si les choses deviennent compliquées dans cette région.

- On m’a dit que la situation y était très tendue, mais pourriez m’en dire un peu plus ? Je ne suis pas extrêmement familier avec la situation politique du Harad.

Pour tout dire, Evart espérait ne pas mettre les pieds sur un terrain glissant. On disait la situation au Sud très tendue et le Gondor n’y était pas pour rien avec son habitude d’intervenir partout de manière souvent inconsidérée. En tant que gondorien, il était évident qu’Evart portait une part de responsabilité, au moins aux yeux des suderons. Néanmoins, cela sembla plutôt bien se passer et le jeune noble suivit assidûment le bref exposé de la situation.

Un peu plus tard, il eut également l’occasion de discuter avec Aylan Adherbal. Celui-ci était un homme dans la force de l’âge plutôt grand et bien fait de sa personne. Le jeune homme était très intéressé par ses activités d’assurance. C’était typiquement le genre d’activités financières qu’il appréciait. Il se permit donc :

- Messire Adherbal, Dame Desbo m’a parlé d’un système d’assurance que vous avez mis en place. Pourriez-vous m’en dire un peu plus ?

- Bien sûr, il s’agit d’un système où le marchand souscrit une assurance pour couvrir la valeur de sa cargaison avant le départ. S’il y a un incident dans le voyage, il est dédommagé du prix de sa cargaison. Se faisant, le risque ne porte plus sur le marchand, en dehors de sa vie bien entendu, mais il porte sur moi-même.

- Très intéressant, ainsi donc vous financez directement ses assurances, c’est bien cela ? N’êtes-vous pas limités dans la quantité d’assurance que vous pouvez offrir aux marchands de la région ?


Une discussion très intéressante allait certainement s’engager à l’issue de laquelle le jeune homme, souhaitant s’enquérir d’autres détails sur son affaire, demanda d’autres détails. En effet, les opérations d’assurance lui avaient toujours paru risquées, surtout dans le commerce. Si l’on souhaitait assurer un bâtiment ou des terres, il suffisait de constater leur dévastation mais pour une caravane marchande, il y avait mille façons de faire disparaitre une cargaison pour gagner sur les deux tableaux. Ainsi donc il demanda :

- Comment faites-vous pour vous assurer que ceux qui vous réclament leur assurance sont bien dans leur bon droit ? Je veux dire il peut sembler si facile de barboter une cargaison pour la vendre discrètement et, en parallèle, vous réclamer le prix de la cargaison, non ?

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HRP : Désolé pour cette longue absence mais je suis motivé à reprendre Smile
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Nathanael
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Commerce au sud du Poros EmptyVen 7 Fév 2020 - 16:27
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Au milieu des voix teintées du sud, des vins sucrés et des plats épicés, Ella se sentit chez elle. Les affaires reprenaient, ses affaires et celles de sa famille. Ici, loin du Gondor et des yeux froids des administrateurs du nord, respirer lui semblait plus facile et rire semblait possible. Elle oublia un moment la longue traversée qu’elle avait faite au côté d’Evart et les mauvaises nouvelles qu’on lui avait apprises à propos de Djafa. Elle jetait de temps à autre des coups d’œil au Gondorien pour s’assurer que ses proches ne le laissaient pas de côté et qu’il prenait part aux conversations, quelles qu’elles soient. Négocier et régenter n’étaient pas qu’une affaire d’expérience et de tact. Il fallait savoir boire et manger autant avec ses amis les plus proches que ses ennemis les plus mortels, hausser les sourcils au bon moment, rire ou se taire. À ce jeu-là, Evart Praven était comme un poisson dans l’eau. Et, au cours du repas, Ella se détendit un peu.

L’œil grave et la mine taciturne, Sohan Orsokon avait le front barré d’un pli même quand il souriait. Autour de la table, tous les convives portaient un fard de gaieté, mais chez certains, ce maquillage ne suffisait pas à dissimuler l’extrême raideur qui affligeait leurs gestes. Les incursions des pirates avaient mis à mal les réseaux commerciaux durement construits par les grandes familles du Harondor et toutes n’avaient pas réussi à éviter le naufrage. Sohan Orsokon portait sur lui les traces des luttes acharnées qu’il menait quotidiennement pour conserver ses biens et maintenir les alliances commerciales de sa famille.

— Je ne sais à quel point dame Desbo vous a instruit de la situation, mais le Harondor est peu ou prou amputé d’un grand tiers au sud et au sud-est suite aux incursions des pirates et au retrait de l’émir Radamanthe.

Aux yeux du jeune marchand dont le physique laissait percevoir les origines haradrimes, l’émir n’avait pas été défait. Il avait, comme un de ses rats de fond de cale, abandonné le navire alors qu’il coulait au milieu des dunes de sable. L’émir n’était pour beaucoup qu’un rejeton turbulent de basse extraction, un parvenu aux bras aussi épais qu’était petite sa cervelle. Violent, sanguinaire, il était craint, mais non respecté. La caste marchande ne l’aimait point, car il avait fait voler en éclats d’anciennes alliances sous prétexte de régence gondorienne. On l’avait toléré uniquement, car il avait su ramener un peu de paix sur les terres de Dur’Zork, mais depuis son humiliante débâcle, les récriminations à son égard se multipliaient et ce, même parmi les Anciens qui l’avaient fait mandé. Et ce d’autant plus que Djafa ployait sous la marée humaine que l’émir avait traînée derrière lui, obligeant la ville a multiplier les efforts pour nourrir la populace tout en évitant les émeutes.

— Dur’Zork n’est plus sous influence gondorienne depuis un peu plus d’un an, continua Sohan. La vallée de l’Harnen a été affligée par les incursions des pirates et leurs pillages incessants. Ils sont, par leurs coutumes et leurs façons de faire, très proches des Khandéens. C’est sans doute pourquoi ils ont été si prompts à engager des mercenaires des sables de l’est. Ils ont l’âme guerrière, mais ne connaissent rien à la gestion des domaines et moins encore à celle d’un royaume. Si tôt que les hommes qui les mènent tomberont, ils s’éparpilleront comme une nuée de mouches.

C’était la pensée et l’espoir de beaucoup de seigneurs du Harondor, qu’ils demeurassent au sud ou au nord. Le constat demeurait pourtant le même depuis de longs mois : les pirates parvenaient à se maintenir sur les territoires qu’ils avaient conquis. Là où beaucoup avaient espéré n’être victimes que de brigandages et de pillages, l’attente s’était muée en contrariété, puis en une désolante humiliation. Sohan Orsokon s’était vu imposer, comme tous les marchands, de nouvelles taxes et de nouveaux droits de passage. À ce titre, ce n’était pas tant les pirates qui s’étaient arrogé de récentes sources de financement que les propriétaires terriens depuis longtemps installés dans le sud. Les alliances commerciales qu’avait édifiées Sohan Orsokon s’étaient pour certaines transformées en bras de fer. Toutes les denrées qu’il parvenait à faire remonter de ses terres dans la vallée de l’Harnen étaient amputées de plus d’un dixième de leur valeur en franchissant la rivière Rhuana. Il comptait beaucoup sur le retour d’Ella et les règles imposées par la Compagnie du Sud pour restaurer une situation plus propice aux échanges. Et au profit. Car, à dire vrai, les échanges avaient toujours lieu, mais le Harondor du nord ne faisait plus guère partie des bénéficiaires.

— Et tout cela, c’est sans compter les incursions aléatoires des Khandéens. Ils s’enfoncent parfois à travers le Harondor pour dépouiller des villages. D’un clan à l’autre, les coutumes varient. Certains se contentent de violer les femmes ou de les emporter pour renouveler leur sang. D’autres se suffisent à amasser un peu d’or et d’argent, quand ils en trouvent. Mais quelques-uns des mercenaires employés par les pirates trouvent heureux de brûler les champs et de tuer le bétail pour le seul plaisir de sentir autre chose que l’aigreur de leur sueur et pour se sustenter d’une meilleure chair que celle de leurs chèvres et de leurs chameaux. Mes terres ont tellement brûlé que je pourrais bientôt me mettre à vendre de la cendre !

Disant cela, Sohan finit son verre de vin d’une seule lampée et fit signe à l’un des serviteurs pour que soit remplie sa coupe. Il piqua du bout d’un long couteau un morceau d’agneau onctueusement couvert de miel et le porta à sa bouche. Originaire du Harad par sa mère, il avait une très grande connaissance des mœurs khandéennes et connaissait quelques-uns de leurs dialectes, mais leur vouer une quelconque forme de respect était au-dessus de ses forces. Toutes guerrières qu’elles étaient, ces peuplades orientales étaient incapables de voir plus loin que le bout de leur sabre. L’offre et la demande variaient au gré des querelles intestines qui opposaient les clans entre eux et marchander avec les Khandéens revenait à négocier avec une meute de chiens enragés pour ne pas se faire mordre. Il fallait parler beaucoup, promettre beaucoup, puis, si leur humeur changeait, tout recommencer.

— Al’Tyr, Urlok et Arwa sont entre les mains des pirates. Nul ne sait s’ils ont agi par fourberie ou pur hasard, mais ils sont parvenus à nous couper du Harad et du Khand. Les marchandises circulent mal, à prix fort et les pirates détournent tous les convois qu’ils peuvent vers la mer pour s’en rendre les maîtres. Sans le soutien du Gondor, les pirates savent que le Harondor seul ne pourra rien contre eux et ils se réjouissent de cette situation. C’est à se demander sir le roi Méphisto se souvient de qui il est roi et s’il se rappelle les limites de son royaume. Les pirates ne se seraient jamais engagés jusque là sous le règne d’Earendil Ben Elros.

Sohan Orsokon ne prêta pas attention au raclement de gorge de son voisin pas plus qu’au haussement de sourcils scandalisé du convive qui se trouvait en face de lui. Ella Desbo lui jeta une œillade courroucée, mais se retint d’intervenir dans la conversation. Sohan avait une façon particulière d’éprouver les nouveaux venus et ses futurs partenaires commerciaux. La provocation en faisait partie. Si loin de l’ombre du roi du Gondor, si près de la guerre et des gens qui mourraient de faim, qui oserait véritablement le contredire ? Le Gondor avait fait des promesses, mais s’était rendu incapable de les tenir. Comment, dès lors, espérer que le peuple du Harondor porte dans son cœur un roi mensonger ? Les petites gens, dans les ruelles, regrettaient parfois Duzingi et ne comprenaient pas toujours comment un étranger avait pu s’installer sur le siège de l’émir.
Reprenant un morceau de viande, Sohan enchaîna rapidement.

— Il est heureux de voir que de jeunes gens tel que vous ayez encore le courage de venir nous rendre visite si loin au sud pour soutenir le commerce entre nos deux régions. Nous possédons quelques produits particuliers, qui je gage, sauront captiver votre intérêt et satisfaire votre curiosité.

Le dîner se poursuivit au milieu du bruit des conversations et des mastications. Aylan Adherbal mangeait peu, se nourrissant davantage des échanges qu’il avait avec autrui. Plus froid que Sohan Orsokon au premier abord, il était néanmoins plus réfléchi et semblait posséder plus d’expériences quant aux relations à entretenir avec un Gondorien. Il questionna Evart sur la façon dont il gérait ses domaines en propres et sur les charges et responsabilités qu’il laissait aux intendants en son absence avant d’expliquer davantage le système d’assurance qu’il avait mis en place.

— L’assurance relève d’un peu de confiance, dit Aylan. Mais la meilleure des garanties reste celle de la réputation. Je peux vous assurer, messire Praven, que ceux avec qui je conclus quelques marchés n’ont guère envie que je me rende compte d’une quelconque escroquerie de leur part.

Il s’essuya le coin des lèvres avec une serviette coupée dans une étoffe bleu nuit, secoua le devant de sa veste pour en ôter les miettes puis plongea la main dans une corbeille remplie de petits gâteaux sucrés.

— Pour être honnête, mes premières assurances ont été placées entre les mains de ma propre famille. Mon père et mon oncle possèdent en commun trois petits navires de commerce que nous louons à d’autres marchands. Le gain était double pour nous. Mon père recevait le prix du voyage, j’assurais les marchandises et si tout le monde arrivait à bon port, je demandais en contrepartie de cette assurance un revenu égal à un dixième des bénéfices réalisés sur la vente. J’ai d’abord assuré de la sorte plusieurs petites cargaisons. Je n’avais pas les moyens à l’époque d’assurer la totalité des biens d’un de nos navires. Il m’est arrivé deux fois de devoir verser de l’argent à des marchands. Non pas pour cause de naufrage, fort heureusement, mais pour cause de pertes de leurs biens suite à une fuite dans la coque d’un des bateaux. Ces incidents m’ont coûté un peu d’argent, mais ils ont également permis de raffermir ma position. Ceux qui doutaient de moi ont eu la preuve que je payais ce que je devais et suite à cet inconvénient les demandes d’assurance ont explosé. Aujourd’hui malheureusement, ce sont moins les naufrages qui m’inquiètent que les pirates. Ils ont détourné une grande partie des marchandises qui circulent entre le nord et le sud, mais ils ne peuvent pour autant pas écouler l’ensemble de leurs ressources. Ils jouent les dragons sur leur tas d’or. Mais jamais le Gondor ne leur achètera quoi que ce soit. Aucun marchand ne se risquerait à traiter avec les pirates s’il tient à sa tête.

À ses mots, plusieurs personnes qui l’écoutaient hochèrent la tête autour de la table. Ella sentit soudainement le poids des responsabilités lui couvrir les épaules d’une chape plomb. La Compagnie du Sud, Saemon Havarian, plus précisément, avait été claire à ce sujet. Elle avait été choisie pour rétablir l’ordre au Harondor, pour faire le tri entre les marchands corrompus, exclusivement attirés par l’or et ceux qui demeuraient loyaux à la couronne et au royaume. Elle savait pouvoir compter sur ses plus proches amis, mais combien de têtes devrait-elle faire tomber pour mener à bien sa mission ? Et combien de temps la sienne resterait-elle sur ses épaules ? Elle eut soudain l’impression que ce dîner s’éternisait trop, qu’elle perdait son temps en mondanités alors qu’elle aurait dû s’atteler déjà à la tâche qu’on lui avait confiée. Elle fit un signe aux jeunes femmes qui servaient le repas afin que celles-ci leur apportent les fruits sucrés et les dattes confites qui faisaient partie des desserts traditionnels du pays.

Aylan Adherbal continuait de parler à Evart, précisant sa façon de faire et les taux qu’il imposait aux caravanes marchandes qui emportaient les épices et les étoffes du Harondor vers le nord. Certains produits supportaient mal l’humidité des cales et se transportaient plus rapidement par la route. Il fallait pour cela qu’ils présentassent une haute valeur ajoutée et soient de taille suffisamment réduite pour ne pas être concurrencée par les gros volumes transportables par bateau. Il en allait ainsi de certaines poudres qu’utilisaient les Gondoriennes pour se maquiller, des graines de caroubes qu’utilisaient les joailliers pour peser leurs pierres précieuses et de plusieurs épices rares qui voyaient leur goût s’altérer dans l’humidité salée des navires.

La chaleur se retira petit à petit à mesure que les étoiles parcouraient le ciel, si bien que le premier courant d’air arracha un frisson à Ella. Elle rajusta sur ses épaules un châle couleur de sable et demanda à son intendant que soient apportés les alcools de circonstance en même temps que les desserts. Rehma fit ramener par trois jeunes femmes des plateaux où se trouvaient de petits verres possédant chacun leur nuance. Ella se saisit d’un alcool ambré qu’elle leva devant elle avant de le savourer. Tout en buvant, elle se tourna vers Evart et lui expliqua avec précision ce que chacun de ces alcools représentait dans les négociations au Harondor.

— Le verre que j’ai choisi contient ce que l’on appelle chez nous, de l’eau de sable. C’est un alcool fait à base de dattes. Si on vous en présente et que vous le choisissez à la fin de négociations, c’est signe que vous acceptez de faire prospérer l’affaire conclue avec un partenaire commercial et que vous vous engagez à la réussite de cette affaire. Vous n’aurez rien à dire de plus, le choix du dernier verre, à Djafa, parlera pour vous.

Le verre qu’elle tendit à Evart captait la lumière des torches comme un petit soleil.

— La liqueur de citron marquera votre refus de conclure un marché. De façon plus spécifique, vous précisez à votre interlocuteur que quelqu’un vous a fait une meilleure offre. Ici à Djafa, celui à qui l’on offre trop souvent de tartes ou de dessert au citron doit comprendre qu’il est victime d’infidélités conjugales. Les croyances populaires ont fortement influencé les rituels marchands de nos contrées.

Ella détailla également pourquoi le safran était à proscrire, car il symbolisait la supériorité des richesses de celui qui en buvait et pouvait attirer des ennuis à celui qui faisait étalage d’autant de prétention.

— Les gens du Harondor du Nord participent volontiers à cette mise en scène d’eau-de-feu. À Djafa et Dur’Zork, elle fait partie intégrante des coutumes marchandes. En revanche, le long de l’Harnen beaucoup ne boivent pas d’alcool et prendront votre geste de politesse pour une insulte grossière.

L’étendue des connaissances au sujet du Harondor ne pouvait être dévoilée en une seule soirée et Ella conclut ses retrouvailles avec ses amis proches en leur faisant la promesse de les revoir bientôt. Elle enjoignit Evart et son secrétaire, ainsi que Rehma et un traducteur à la suivre dans un petit salon où une large table ovale trônait en son centre. Un candélabre brûlait déjà, laissant deviner les reflets d’ivoire des pieds du meuble. Ella avait toujours une pensée amère au souvenir du Mûmak que son père avait fait abattre pour en récupérer les défenses. En investissant davantage, ils eussent pu acheter une femelle et posséder un élevage de ces grandes bêtes étranges. Mais son père et elle avaient souvent été en conflit sur la façon de faire du commerce. Là où elle voyait un grand avenir, il ne voyait parfois que les caprices d’une enfant trop choyée.
Ella désigna un siège à Evart et son secrétaire alors que Rehma prenait place derrière elle.

— Je me permets de vous présenter Kadil. Le temps que vous trouviez un traducteur personnel, il saura vous venir en aide à partir de demain. Je vous serai gré, sieur Praven, de parer au plus pressé.

Rehma posa sur la table une longue sacoche de cuir où se trouvaient plusieurs vélins. Ella sortit une carte où étaient dessinées plusieurs parcelles plus ou moins contiguës.

— Il s’agit d’une des rares représentations des terres que je possède en guèdes au nord de Djafa. Vous pourrez aisément vous y rendre à cheval sans que cela vous prenne trop de temps. Les premières parcelles sont à trois ou quatre lieux d’ici, à proximité d’un relais où vous trouverez de quoi vous nourrir et vous loger. Je ne pourrais pas me rendre avec vous sur place, mais l’homme qui est chargé des cultures a déjà été prévenu de votre arrivée. Il s’appelle Zaoud Emri. Les champs de guède ne sont pas une priorité absolue, néanmoins ils vous permettront de commencer à gérer mes domaines tout en continuant de prendre vos marques à Djafa. Je dois moi-même m’occuper des affaires de la Compagnie du Sud dès demain et vous laisserai donc une pleine et entière autonomie. Comme convenu, vous me laisserez des rapports réguliers ici à Djafa que vous pourrez déposer entre les mains de Rehma les yeux fermés. J’insiste. Uniquement entre les mains de Rehma. En restant à Djafa vous pourrez également ensuite vous occuper de toutes mes affaires qui ont un lien avec les bijoux afin de mieux valoriser ces produits. Selon comment évolue la situation ici ainsi que plus au sud, je verrai de quelle manière je pourrais vous faire visiter le rester du Harondor. Pour l’instant, je gage que la prudence sera la plus grande de nos alliées.

La jeune femme prit une courte inspiration avant de reprendre.

— Concernant les champs de guède, plus de la moitié d’entre eux sont dans leur première année de production. La récolte des feuilles doit commencer d’ici un mois ou deux. Je voudrais que vous vous assuriez qu’il y ait assez de main d’œuvre d’ici là pour ramasser les feuilles. Zaoud participe au recrutement avec son frère, Darah si ma mémoire est bonne. Il y a deux ans ils n’ont pas été suffisamment pointilleux sur le choix des ouvriers et nous avons perdu en qualité d’indigo par la suite. Je crains que cette situation ne soit pire cette année avec l’afflux de bouches à nourrir de Dur’Zork. Tous ces pauvres hères voudront du travail et beaucoup accoueront la main tendue pour servir dans les champs. Je n’en veux pas pour des productions de cette valeur. Les ouvriers qualifiés vivent dans les villages voisins, si vous savez négocier, ils ne nous coûteront pas plus cher que n’importe quel homme. L’argent est une chose, mais les petites gens aiment beaucoup le troc également. Trouvez ce qu’il leur faut et vous ferez d’eux ce que bon vous semblera. Avant la première récolte, il vous faudra également nous trouver un nouveau partenaire commercial pour revendre nos tissus au Gondor. Je sous-traitais le transport des étoffes à un marchand suderon qui transportait le tout vers la mer. Nous ne pouvons plus malheureusement transporter sans risque nos marchandises par bateau. Voyez si vous pouvez trouver appui auprès d’Aylan ou un de ses proches. Ses affaires d’assurance le portent souvent au contact de grands transporteurs terriens. Cela nous coûtera plus cher, je le sais, mais nous pourrons ainsi peut-être transporter directement nos marchandises jusqu’au cœur du Gondor, sans passer par Pelargir.

Dans un bruissement de vêtements légers, Ella continua d’évoquer les priorités qu’Evart devrait suivre les prochains jours. Elle ne doutait pas des capacités du jeune homme à relever les défis qu’elle lui imposait. Mais quels défis plus grands le Sud imposerait-il au Gondorien ?

***   ***   ***   ***
//HRP// Sept mois et 14 jours pour avoir une réponse ... mais j'ai brisé la malédiction ! //HRP//
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Evart Praven
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Evart Praven

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Commerce au sud du Poros EmptyMer 11 Mar 2020 - 22:50
Evart Praven
Secrétaire du Grand Marchand du Sud



Tandis que les dernières lueurs du jour mourraient au Ponant de ce monde, la Perle du Sud se parait d’une bouffée d’air frais. Il lui faudrait définitivement s’habituer aux chaleurs étouffantes du Harondor. Surplombant les couleurs chamarrées de la ville, ce petit salon profitait des derniers rayons du vaisseau d’Arien qui se reflétaient dans les grands candélabres d’argent et donnaient cette belle robe de rubis aux verres de vins posés sur cette riche table. Si on appréciait au Gondor les grands festins où l’on parait les rôts de grandes plumes colorées et l’on construisait de véritables châteaux en croûtes de pâtés, la cuisine du Sud avait un délicat raffinement et un exotisme inconnu au-delà du Poros. La table de la Dame des lieux était couverte de mets raffinés mais pas uniquement. Elle était également entourée d’amis et compagnons à l’esprit tout aussi aiguisé et à la franchise certaine. Sans aucun doute, le haradrim Orsokon était de ceux-là. Si la sincérité était loin d’être sa première qualité, Evart savait l’apprécier chez les autres, surtout quand elle était aussi instructive.

En effet, la situation politique du Harondor semblait encore plus préoccupante que ce qu’on voulait bien croire dans les cercles bien informés de Minas Tirith. La domination de son pays, le Gondor, et le bien-fondé même de son action semblaient contestés. Un fragile équilibre se dessinait entre l’émir légitime soutenu par le Gondor, et l’agrégat disparate des Haradrims en quête de plus de libertés. Devant l’incapacité du Haut-Roi Mephisto et de l’Emir Radamanthe à reprendre la main face aux pirates umbarites et aux khandéens, le Harondor courrait le risque de perdre pied et le Gondor de voir disparaitre son influence sur les dunes du Sud. Il sentait l’équivoque dans laquelle était placée les négociants harondrim. Si l'on ne parvenait pas à assurer l'ordre, à stabiliser la région et à permettre son essor économique, la fidélité au Roi perdrait tout son sens et l’on prendrait le risque que les élites se décident à plus d’indépendance, ou pire… Pour le moment, le parti séparatiste se résumait heureusement à une horde grouillante de pirates en quête d’or et de pierres précieuses. Plus que des mouches, il s’agissait de nuées de criquets. Fondant sur une région, ils en ravageaient et pillaient toutes les richesses avant de disparaitre aux premières difficultés. Jusqu’à aujourd’hui, ils semblaient bien incapables d’assurer l’ordre, la stabilité ou la prospérité du commerce. Il était palpable que si cet état de fait changeait, ce serait probablement la fin de l’émirat de Radamanthe. Dans tous les cas, il faudrait à Ella Desbo bien du courage et de la finesse pour tenir la barre de la Compagnie du Sud dans les eaux tempétueuses d’un désert où les requins et monstres semblaient toujours plus nombreux. Est-ce que cette charge cyclopéenne pèserait trop lourd sur les frêles épaules de la Grande Marchande du Sud ? Peut-être… S’il lui fallait aller au fond de sa conviction, Evart estimait qu… Tout à coup, le fil de sa pensée fut coupé. C’était un éclat de voix plus fort que les autres. Celui d’Orsokon, évidemment.


- … C’est à se demander si le roi Méphisto se souvient de qui il est roi et s’il se rappelle les limites de son royaume. Les pirates ne se seraient jamais engagés jusque-là sous le règne d’Earendil Ben Elros.

Il avait fallu le temps d’un battement de cils. Battement qui avait mis Evart dans une position inconfortable. Evidemment, un chevalier du Gondor à l’honneur pointilleux l’aurait provoqué en duel. Mais le jeune anfalais avait plus de sang-froid. De plus, il partageait ses vues.  Cela ne se disait pas, nulle part, mais une bonne partie de la Cité Blanche grouillait de rumeurs sur l’absence du Roi Mephisto depuis quelques temps. Il n’eut le temps que d’esquisser un sourire poli plein de gêne avant qu’Orsokon ne continue d’un ton plus amène, comme s’il venait de se rendre compte du lieu et du moment.

- Il est heureux de voir que de jeunes gens tel que vous ayez encore le courage de venir nous rendre visite si loin au sud pour soutenir le commerce entre nos deux régions. Nous possédons quelques produits particuliers, qui je gage, sauront captiver votre intérêt et satisfaire votre curiosité.

- C’est un immense honneur qui m’a été fait, Sire Orsokon. J’espère pouvoir apporter une petite pierre à l’édifice des relations entre le Gondor, le Harondor et le Harad.


L’espace de quelques poignées de secondes, le temps s’était comme arrêté. Tous les convives s’étaient tus pour suivre la vive discussion initiée par Orsokon. Peu à peu, des chuchotements se firent entendre avant de transformer en un torrent de discussion. La table était donc rapidement retournée à son brouhaha. A la droite du jeune homme se tenait le dénommé Adherbal. Celui-ci avait des manières plus policées et une courtoisie qui l’honorait. Tous deux semblaient apprécier l’exactitude des chiffres et la précision des détails. D’une voix calme et posée, Evart se ferait un plaisir de lui répondre. Son vif intérêt pour la botanique l’amena à commencer par l’introduction de nouvelles espèces de céréales, la sélection des graines ainsi que ses nombreux essais pour favoriser la culture des primeurs à contretemps. Il pouvait être très fier d’avoir réussi à proposer les premiers fruits rouges de tout Minas Tirith au début du printemps et même d’avoir pu fournir quelques légumes frais au plus fort du Rude Hiver. Cependant tout cela restait bien anecdotique face à la grande culture dont le produit s’écoulait de Cair Andros à Pelargir.

- Comme vous le savez, la Vallée de l’Anduin est une région fertile couvertes de grandes villes et baignée par les eaux. Cela fait à la fois son immense richesse et sa relative pauvreté. En effet, les grandes propriétés foncières sont dans les mains de quelques lignées aristocrates bien implantées à Minas Tirith, Osgiliath ou Pelargir. Elles profitent des grandes villes pour y écouler viandes, céréales et vins. Cependant cela n’est pas sans conséquences néfastes. Eloignés de leurs terres, n’y retournant qu’en de trop rares occasions, profitant de revenus élevés grâce au commerce avec les grandes cités du Gondor, cette haute noblesse patricienne n’a que trop délaissé ses domaines. Trop souvent, ils ont confié la gestion de leurs terres à des intendants peu compétents et ambitieux quand ils ne sont simplement malhonnêtes. C’est là que j’ai pu proposer de prendre un fermage sur leurs domaines. En échange d’une rente fixe et régulière, je m’occupe de gérer ces terres et ce n’est que la production supplémentaire qui me sert de rémunération. Cela ne peut qu’engendrer un cercle vertueux pour augmenter les rendements. Ainsi, grâce à l’introduction d’un outillage plus lourd, nous avons pu faciliter les gros travaux agricoles et nous espérons faire jusqu’à deux moissons cette année mais cela nous a aussi permis de réduire fortement le temps de récole des blés de printemps. Enfin, il nous faut également investir pour combattre les friches qui se sont multipliées et y créer de nouvelles exploitations mais aussi permettre la construction de greniers et moulins. Bref, c’est un très gros défi qu’il faudra relever de nombreuses années de suite.

- Tout ceci est très intéressant messire Praven. J’espère que vous aurez l’occasion de venir inspecter mes terres pour vous faire un avis sur la manière dont nous faisons les choses dans le Sud.

- Ce sera avec un grand plaisir.


La discussion s’orienta ensuite sur le système d’assurance proposée par Aylan. C’était très instructif et bien plus développé que ce qui se faisait en Gondor, même à Pelargir qui était pourtant la plus intéressée à cela. Malgré les certitudes d’Abherbal sur la sûreté et la robustesse de son système, Evart était plus que dubitatif. Celui-ci semblait intrinsèquement dans un équilibre précaire. Il y avait mille façons de faire disparaitre une caravane dans le désert. Si cela arrivait trop souvent, les appels à cette couverture risquait de faire s’effondrer ce fragile équilibre, à moins qu'Abherbal n'accepta de passer pour un mauvais payeur. Par contre, l’idée semblait mieux fonctionner pour les aventures à la mer. Il y avait moins de ports à surveiller et on pouvait toujours retrouver un bateau, même des années plus tard, même à des centaines de lieux de son port d’origine.

Quoiqu’il en soit, leur discussion avait été passionnante. Elle lui apprenait beaucoup sur ce qu’on commerçait au Harondor, sur les circuits pris par les marchandises pour aller d’un bout à l’autre du désert, sur les risques liés à chaque région… Finalement, cela laissait entrevoir l’étendue du travail pour la Compagnie du Sud. Toute cette fine horlogerie avait été jetée à terre par la prise de Dur’Zork par les pirates des Havres d’Umbar et elle était maintenant brisée. Il faudrait bien du temps pour remettre chaque rouage à la place qui est la sienne, reconstruire certaines pièces et se débarrasser de celles trop abimées. Est-ce que la Grande Marchande pourrait venir à bout de cette grande complication ? On pouvait en douter surtout que les chausse-trapes étaient nombreuses dans la région entre ceux qui trafiquaient avec Umbar, les partisans de la famille Goloth que ce soit ceux d’Emilion ou d’Ilori, certains qui se verraient bien à la place d’Ella, les factieux du Sud « libre » et quelques ambitieux qui ne suivaient que leurs intérêts. Tout le monde se battrait pour en récupérer les morceaux… Il faudrait à tous ces gens voir plus loin mais l’âme humaine était ainsi faite.

Tandis que le ciel se parait de milles étoiles, Ella lui expliqua la symbolique des alcools du Harondor. N’étant pas originaire de la région, Evart aurait beaucoup de travail pour en apprendre les us et les coutumes qui, en plus de cela, semblaient beaucoup varier d’une région à l’autre. Il savait les gens du Sud pointilleux sur leur honneur et la situation des gondoriens était suffisamment précaire pour ne pas rajouter à cela un apparent mépris. Lorsqu’elle eut fini, Evart prit un verre d’eau de sable et déclara d’une voix solennelle :


- Ma dame, permettez-moi d’accepter ce verre comme le signe de ma volonté de faire prospérer vos affaires ainsi que celles de la Compagnie de la Sud dont vous avez maintenant la lourde charge. Se levant, il continua. Après m’avoir beaucoup appris ce soir sur le Sud, je m’autorise à user d’une de nos coutumes au Nord pour signifier notre respect et notre amitié à quelqu’un. Prenant son verre à deux mains, il le leva. A dame Desbo.

Prenant une gorgée du précieux liquide, Evart eut le plaisir d’être repris par l’ensemble de l’assemblée. Le plaisir des convives ne semblait pas feint, c’était donc une coutume qui avait cours à Djafa. Au cours de son adresse, le jeune homme avait choisi chaque mot avec soin. Promettre sa loyauté était comme user de poison, c’était là des choses à utiliser qu’en ultime recours. Il aurait été par ailleurs bien déloyal et particulièrement faux de lui assurer d’une fidélité qu’il savait pouvoir reprendre à tout instant. Si demain il lui fallait trahir Dame Desbo pour le Gondor ou la Compagnie, il le ferait. Alors qu’Evart était en pleine réflexion de philosophie politique sur l’usage de la loyauté dans un système de gouvernement, les convives quittèrent peu à peu la demeure des Desbo pour rejoindre leurs propres maisons. Evart salua chaleureusement les seigneurs Orsokon et Adherbal avant de rejoindre la jeune harondrim ainsi que les diverses personnes en charge de ses affaires. D’un œil, le jeune homme jaugea le dénommé Kadil qui lui ferait office de traducteur. Poliment, le gondorien répondit :

- Je vous remercie, Dame Desbo. Puis je vous demander également un traducteur pour mon homme de confiance : Iroas. Ce serait juste le temps de recruter quelqu’un.

- Bien entendu, quelqu’un sera là dès demain.


Se penchant sur la carte des propriétés de la Grande Marchande du Sud, Evart écouta attentivement les demandes d’Ella Desbo. Elle semblait inquiète et cela lui donnerait beaucoup de travail. Après tout, qui aurait pu se satisfaire d’une grande marchande pauvre ? En attendant, il faudrait à Evart préparer la prochaine récolte de guède, s’assurer de l’acheminement des tissus au Nord, permettre la vente des bijoux du Harondor au Gondor. Et encore, il lui faudrait ensuite s’atteler au patrimoine forestier, s’introduire à la gestion des haras… C’était une lourde tâche qui l’attendait également, qui plus est, à un tout autre niveau que celui auquel il était habitué. Même si ses affaires avaient prospéré, elles ne représentaient en taille et en variété moins du dixième de ce que pouvait représenter celles d’Ella. Une fois que cette dernière eut terminé le détail des tâches urgentes à accomplir, Evart se permit de reprendre :

- Dès demain je me rendrais sur les terres administrées par Emri pour les inspecter, cela devrait me prendre quelques jours pour en bien comprendre tous les tenants et aboutissants. En parallèle, Iroas vous tâcherait de trouver quelques colporteurs des environs pour en tirer des renseignements sur la situation des villages à proximité. Je veux tout savoir de leur situation économique, de leurs besoins, de ce qu’ils y vendent et de qui décide quoi dans ces hameaux. Je pourrais m’occuper de trouver des bras pour la récolte dès la semaine prochaine.

Sitôt cela fait, je m’attèlerais aux pierres et bijoux. Je ne parviens à comprendre ce qui pourrait expliquer cette baisse de revenus alors que nous sommes sortis d’un rude hiver et que la clientèle ne manque pas dans les villes de l’Anduin. Il va nous falloir percer ce mystère.
S’adressant à son propre secrétaire particulier. Aglahad, vous profiterez de ces deux semaines pour mettre en ordre tous les documents s’y rapportant. Je veux tout savoir depuis les états de finance jusqu’au détail de ce qu’on vend ou ne pas vend pas, en passant par l’état de nos approvisionnements. Se tournant légèrement vers Iroas, il continua. Quand vous en aurez fini avec les villageois pour la récolte du pastel, il vous faudra mener l’enquête. Je souhaite savoir si nous sommes les seuls à connaitre cette baisse des ventes, s’il y a des choses étranges qui se disent à ce sujet… J’inspecterai ensuite nos productions pour voir si elles correspondent bien aux attentes des dames gondoriennes et nous travaillerons à les rendre plus attractifs.

Cela risque d’être un travail de longue haleine donc il ne nous faudra pas trainer. Je tâcherais de trouver quelqu’un capable de transporter des marchandises jusqu’en Gondor. Bien évidemment, je mènerai ma petite enquête au mieux mais, si vous l’agréez Dame Desbo, je vous présenterai les quelques noms retenus avant t’entamer les discussions avec eux. Bien entendu, je vous demanderai également de valider l’accord que nous aurons négocié. C’est un trop gros enjeu pour faire cela de mon propre chef.

Je crains qu’il ne me reste plus, ensuite, qu’à superviser la récolte de la guère et on pourra dire que j’aurais pris mes premières marques. Il sera alors temps pour moi de me pencher sur le commerce du bois et sur les haras.
Evart avait encore quelques tâches à distribuer, notamment à son homme de main. Au fait, Iroas, vous tâcherez de me trouver au plus vite un traducteur ainsi que le personnel nécessaire. Prenant un ton moins directif, il demanda également à celui qui avait la confiance d’Ella. Rehma, si vous le permettez, je vous ferai parvenir une liste des noms que nous avons retenu. Si nous pouvions vérifier qu’il n’y ait aucun traitre potentiel, je vous en saurai gré.


- Vous avez bien du travail.
Lui fit remarquer la dame du Sud.

- Je vous remercie, messieurs. Dit-il en congédiant les gens présents à l’exception de Rehma qui se tenait près de sa maitresse. Cela tombait bien, Evart ne souhaitait que lui et la grande marchande du Sud. L’espace d’un instant, il avait quitté l’énergie qui l’habitait pour prendre une voix plus douce, presque apaisante. Dame Desbo, j’ai remarqué dans la liasse de vos papiers la présence de vieilles créances datant de l’époque de votre père adressées par les trésoriers de la guerre de notre Roy.

- Oui, elles concernent la réquisition de chevaux des haras de mon père.


Elle marqua une pause, visiblement émue à la mémoire de feu le patriarche de la famille Desbo. Même s’il aurait aimé lui éviter ce triste souvenir, Evart se sentait dans l’obligation d’évoquer le sujet. En effet, elles représentaient une très grosse somme d’argent et il ne fallait certainement pas mélanger les sentiments aux affaires. D’une certaine façon, cette pause lui semblait interminable. D’une voix empreinte de lassitude, peut être même de mélancolie, elle lui déclara :

- Comme vous le savez, les perdants paient rarement leurs dettes.

- Je gage que c’est aussi souvent le cas des gagnants, ma dame. Cependant, mes fonctions au sein des guildes de la Cité Blanche m’ont amené à collaborer étroitement avec nombre d’hommes au Trésor du Roi. Si vous me le permettez, j’aimerais profiter de cet état de fait pour tâcher de recouvrir, même partiellement, ces créances. Je gage que nous ne pourrons pas obtenir remboursement de tout mais peut-être pourrons nous les assigner sur de meilleurs fonds, recevoir de nouveaux billets ou même les transformer en rentes sur les fermes du Roi. Quand bien nous obtiendrions ne serait-ce que le quart de ce que l’on vous doit…

- Faites comme bon vous semble.


Le ton sec comme un fouet de la dame des lieux tranchait avec la douceur froide et pudique qu’avait pris son hôte. Evidemment, comme il le craignait, Evart avait touché une corde sensible. L’idée qu’on eut pu faire quelque chose de ces créances devait lui sembler insupportable. D’une certaine façon, elle revenait à dire que son père était mort pour rien. Cependant il y avait trop en jeu pour jeter un voile pudibond sur la situation. Se levant, visiblement affectée, elle se montra néanmoins courtoise.

- Je vous remercie pour cet entretien, messire Praven. Passez une agréable nuit.

- Ma dame.
Dit Evart en s’inclinant légèrement. Une fois qu’elle fut sortie, il appela ses gens avant de commencer à leur détailler ce qu’il attendait d’eux. Iroas, vous chargerez de recruter les personnes pour nous entourer. Il vous faut un traducteur ainsi qu’à moi. J’attends de vous que vous trouviez quelqu’un bien au fait des coutumes du Sud, capable de me les apprendre tout aussi bien que les langues suderones. Il nous faut quelqu’un de suffisamment érudit et s’il pouvait avoir quelques connaissances dans l’administration des affaires ou du commerce, cela nous serait utile. Aglahad, comme nous l’avons convenu, vous tâcherez de mettre bien en ordre tous nos documents, je veux un résumé au plus tôt. Saelon, je compte sur vous pour préparer notre installation et recruter le personnel nécessaire.

- Bien, messire.

- Vous pouvez disposer, messieurs. Prenez du repos, de rudes journées nous attendent.


Le temps d’un clignement d’œil, ils avaient disparu, trop heureux d’aller enfin dormir. C’est vrai qu’il était très tard. Evart souffla les bougies dont les flammes dansaient encore dans la pénombre. Le temps de quitter le salon, la douce odeur du soufre embauma la pièce. Pensif, le jeune homme monta les escaliers pour rejoindre sa chambre. Lui aussi était fatigué. La soirée avait été éreintante ; le voyage jusqu’ici également. Sa chambre était vraiment très belle. S’approchant du balcon, Evart admira les lumières déclinantes de Djafa. C’était désormais son nouveau foyer. Vue d’ici, la ville aussi était très belle. On pouvait voir de petits traits de lumière se refléter sur l’eau des oasis. Au Sud, au loin, des dunes découpaient le ciel noir tandis que des centaines d’étoiles y brillaient comme autant de petits diamants. Pourtant, par delà ce calme apparent, de gros nuages s’amoncelaient déjà…
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