[Vu le délai court, j’ai fait un grand post où le temps avance vite, chacun pourra intervenir entre les lignes, j’ai essayé de laisser le plus de possibilités à chacun mais si jamais quelque chose ne vous convient pas, j’éditerais en conséquence.]
Le trajet jusqu’à sa chambre parut à Aelyn une éternité. Les couloirs défilaient dans un mélange cotonneux. Son esprit naviguait dans le brouillard mais son corps était en panique. Sous le coup du stress ou de la détresse, le travail avait brusquement accéléré. Les contractions, intenses, lui coupaient le souffle. Elle comprenait vaguement qu’Eólida n’était pas seule à ses côtés. Elle avait conscience, par intermittence, de la voix de la guerrière près de son oreille. Des mots d’encouragements, certainement. Elle ne saisissait pas grand-chose. Ah si… Le Riddermark avait besoin d’elle ? Vraiment ? Qui donc était-elle pour que le Riddermark ait besoin d’elle ? Elle pouvait tout aussi bien disparaitre, tapie en boule au fond d’une grotte obscure, quelle différence cela ferait-il pour la Marche des Cavaliers ?... maintenant que Gallen l’avait abandonnée… Pour ne pas sombrer dans cette spirale de pensées, Aelyn se concentrait sur son corps. Surtout ne pas penser, ne pas réfléchir. La douleur physique était presque salutaire à présent.
La petite troupe arriva enfin dans les appartements du Vice-Roi.
« Halte ! Un instant… » geignit Aelyn.
Une contraction particulièrement violente manqua de la faire tomber à genoux. D’un geste de la main, elle indiqua à Eólida de la lâcher et elle alla se caler, à demi accroupie au sol, la tête enfouie dans l’assise de son fauteuil, ne conservant l’équilibre qu’en se cramponnant aux accoudoirs. La position, certes bien peu noble, la soulagea grandement et lui permit de reprendre un peu de son souffle. La sueur commençait à lui monter au front. Ça allait être rapide… Pour Eofyr et Eogast, le travail avait été long et il s’était écoulé plus d’une journée entière avant que les deux garçons ne fassent leur entrée dans le monde, une interminable journée. Mais qui n’avait rien de comparable à la douleur et à l’angoisse qu’elle ressentait à présent. Elle ferma les yeux et fit de son mieux pour respirer profondément. Ses oreilles bourdonnaient.
La porte du couloir qui menait à la chambre des enfants s’ouvrit à la volée, laissant apparaitre Sealig, l’épée au clair, le visage déterminé. Son apparition fit se retourner toutes les bonnes âmes de la pièce à l’exception de la Vice-reine qui n’avait pas bougé. Le jeune garde regarda chaque visage, l’air perdu. Ses yeux croisèrent ceux d’Eólida et il s’empressa de baisser son arme.
« Qu’est-ce qui se passe ici ?! Eólida, que font ces gens ici et pourquoi tu n’es pas au Bal avec Son Altesse ?... »
Quand les regards des invités impromptus se tournèrent vers le fauteuil, il remarqua enfin la forme prostrée près du meuble. Il pâlit et mit un moment un peu trop long à additionner deux et deux. Il s’approcha de sa consœur en prenant soin de ne pas dérange la parturiente.
« Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? Un des serviteurs est arrivé en trombe ici il y a 10 minutes en hurlant des choses complètement incohérentes. Il avait les yeux complètement fous et il est reparti avant même que j’ai le temps de l’interroger. J’ai barricadé les enfants le temps d’avoir des nouvelles. Tu sais quelque chose ?!... »
Il ne put pas aller plus avant dans la discussion, un râle venu de la Vice-reine se fit entendre.
« Les enfants… »
Il y avait une telle angoisse dans ces mots que Sealig se figeât.
« Tout va bien, Votre Altesse, ils n’ont rien vu ni entendu des élucubrations de cet illuminé. Et ils sont dans la salle d’étude, tous les trois, en train de réviser leur protocole pour la fin des festivités, comme vous leur aviez demandé. »
Mais contrairement à ce à quoi il s’attendait, loin de rassurer Aelyn, celle-ci se mit à sangloter. Le pauvre Sealig lança un regard d’incompréhension à la garde du corps de la jeune femme. Il était complètement perdu.
***
Comment allait-elle pouvoir annoncer ça aux enfants ? Elle n’était pas prête. Elle ne pouvait pourtant pas laisser quelqu’un d’autre leur annoncer à sa place. Mais elle n’était pas en état. Elle ne pouvait pas faire ce genre d’annonce en plein accouchement. Sa plainte suivante fut chargée de frustration mêlée d’affliction avant de se transformer, à mi course, en gémissement de douleur.
Soudain, un autre sentiment s’imposa. Elle ne se sentait pas en sécurité ici. Elle n’était pas en sécurité. Elle se leva brusquement, difficilement, et se dirigea vers la chambre. Là, elle se débarrassa de ses vêtements d’apparat, de ses bijoux. Une fois en chemise de dessous, elle commença à faire les cent pas dans la pièce, agitée. Elle entreprit de vérifier chaque recoin de la pièce sous le regard médusé de son public. Elle le savait, elle l’avait expérimenté. Derrière chaque mur se cachait une ombre menaçante. Elle avait lutté contre ses démons, écrasé la voix de la peur, mais à présent, dans son état le plus vulnérable qui soit, plus rien n’arrêtait le murmure incessant. Elle savait que l’accouchement la rendrait totalement sans défense, plus encore qu’elle ne l’avait jamais été. A la merci de tout et de tous. Elle regarda en direction de Sealig et Eólida.
« Dehors ! Sealig, dehors ! Vous avez du travail ! Ne laisser… Nnngh… Cette douleur !... Ne laissez personne approcher mes enfants !... Sealig ! » « Oui, Votre Altesse ? » répondit le jeune homme, fébrile et inquiet. « Faites leur faire leurs bagages. Lora, Eofyr et Eogast. Tous les trois… » haleta Aelyn dont les yeux brillaient anormalement. « Il y a aura certainement… un ordre d’évacuation. Je veux qu’ils soient prêts. Voyage léger. Et si… et si Eofyr réclame l’épée… » Un nouveau gémissement l’interrompit. « …dites-lui oui. ». « L’épée, Votre Altesse ? » répéta Sellig sans comprendre. « Oui, Sellig, l’épée ! Maintenant, du vent ! »
Cette dernière tirade était si peu en adéquation avec le caractère de la Vice-reine, qu’il lui fallut tout son entrainement et ses réflexes de soldat pour obéir sans attendre. Ce ne fut qu’une fois passé dans la zone des enfants qu’il se laissa aller contre le mur. Cette nouvelle qu’il avait apprise plus tôt… Ce cataclysme. Il avait le cœur lourd. Tous ses amis, ses frères d’arme, ses partenaires d’entrainement, son Vice-roi… tous tombés. Un flot de souvenirs heureux et amer lui revinrent en mémoire. Il prit le temps de deux grandes inspirations pour retrouver sa contenance. Il ne pouvait rien laisser paraitre. Il avait un accouchement maternel à annoncer aux enfants. Le deuil et les larmes devraient attendre.
***
Combien de temps s’était-il écoulé ? Une heure ? Trois ? Impossible de savoir, cela n’avait pas vraiment d’importance. Aelyn tentait de faire sortir l’enfant de son ventre, une contraction après l’autre. Une pellicule de sueur s’était formée sur son corps et ses cheveux. Ses mains broyaient tout ce qu’elle pouvait attraper. Etrangement, elle accueillait avec une certaine sérénité le vide qui avait envahi son cerveau. Plus de deuil, plus de tristesse… seulement la douleur vive et familière de l’enfantement, le besoin impérieux de pousser. Elle sentait son bébé, sa tête qui tentait de passer. La guérisseuse qu’on lui avait amenée, Edwÿne croyait-elle se souvenir, faisait du bon boulot et rythmait son travail d’encouragements et d’indications claires. L’une et l’autre n’en étaient pas à leur coup d’essai. Une dernière poussée et enfin, le premier des petits êtres qu’elle avait hébergés en son sein fut porté au monde. Une petite fille, lui annonça-t-on. Mais pas un cri. Une poussée d’angoisse enserra la gorge d’Aelyn. Non, elle ne pouvait pas perdre Gallen et son enfant le même jour. Il y eu un long silence agité. Son accoucheuse se démenait à ramener la vie dans le petit corps. Je vous en prie, s’il vous plait, je vous en prie… Un moment passa, puis deux… Le désespoir commençait à gagner Aelyn qui ferma les yeux si forts, à s’en déchirer les paupières. Tout pour chasser les larmes qui montaient de nouveau. Comment pouvait-elle encore avoir des larmes ? Elle n’osait pas demander. Puis soudain, un pleur. Pas un grand pleur mais un pleur quand même. Aelyn cru s’effondrer. Les larmes, qui coulaient librement sur ses joues rouges, avaient le goût du soulagement.
On lui amena son bébé, enfin, encore nu et recouvert des fluides de la délivrance. Malgré sa joie et son soulagement, Aelyn fronça les sourcils.
« Elle est… si petite. Elle devrait être plus grosse. »
L’angoisse revint, distincte dans sa voix. Elle regarda la minuscule petite fille qui semblait vouloir se rendormir sur elle. La guérisseuse l’examina dans sa tête. Si petite… Non parfaite, bien formée. Viable. Mais si fragile, si fluette… Vivante. Vivante… Un bouffée d’émotion, comme une déferlante, l’envahit. Une envie impérieuse de serrer ce petit être, sa fille, dans ses bras, de ne plus la lâcher. Une émotion si puissante qu’elle prenait toute la place. Le flot de pensées fut stoppé net quand les petits yeux s’ouvrirent. Un regard familier, des iris céruléens profonds, reconnaissables entre mille. De nouveau les larmes, à la fois douces et amères. Si tu pouvais la voir, mon amour. Si tu pouvais être là. On apporta de quoi la couvrir et la jeune femme entreprit de l’allaiter. Elles avaient peu de temps pour elles. Déjà, Aelyn sentait l’arrivée de nouvelles contractions. Le deuxième arrivait aussi, et il était impatient. Lui aussi devait tenir de son père. Quand Aelyn n’en pu enfin plus, on vint lui prendre la petite des bras pour la laver et la poser dans le couffin qui dormait dans un coin de la pièce depuis un mois déjà. Un cadeau de Windhelm, son père, à l’annonce de sa grossesse. Les choses sérieuses reprenaient mais le courage était revenu à Aelyn. Gallen, quelque part, était toujours avec elle.
Pendant un temps, tout se passa bien, mais la jeune femme reconnut les signes d’inquiétude chez sa consœur. Des signes qu’elle ne connaissait que trop bien pour en avoir été l’auteur bien des fois. Quelque chose clochait. Une autre contraction arriva et, angoissée de savoir son bébé en détresse, Aelyn poussa un grand coup. Une souffrance insupportable lui perça le ventre, comme un coup de couteau lui déchirant les entrailles. Elle hurla. Immédiatement toutes les personnes présentes à l’intérieur et à l’extérieur de la pièce surent que quelque chose de grave était à l’œuvre. La douleur était atroce. Entre ses jambes, une mare de sang commençait à se former, imbibant sa chemise, les draps, le matelas. Quelque chose, à l’intérieur, venait de rompre ou se déchirer. Le cœur d’Aelyn s’emballa. La douleur brouillait sa vision, ses oreilles commencèrent à bourdonner. Allait-elle mourir aussi ? Etait-ce le prix à payer ? Elle ne voulait pas mourir. Par les Méaras et tous les Rois du Riddermark, le destin ne pouvait pas être si cruel et s’acharner à ce point. La souffrance, si profonde, en fit remonter une autre qu’elle pensait avoir enfouie. Derrière ses paupières closes, une autre scène, de feu et de sang. Un souffle répugnant sur sa joue, un sourire sadique qui hantait ses cauchemars. La voix doucereuse qui se délectait de sa douleur. Il y avait désormais plus d’un fantôme dans cette pièce et l’un d’eux était profondément maléfique. Dans son délire, Aelyn commença à hurler et se débattre. Les échos de ses souvenirs, des petits os de sa main qui se brisaient un à un, résonnaient de nouveau dans ses oreilles. Quelque part dans cet océan de douleur, Aelyn était en train de perdre pied. Sa mémoire, qu’elle avait trop longtemps forcée au silence, profitait de ses multiples rappels pour l’obliger à affronter l’évènement le plus traumatisant de son existence. La réalité extérieure n’existait plus au fur et à mesure que ses forces l’abandonnaient, emportées par le flot de sang. Aelyn hurlait, suppliait, mais aucun de ses mots ne faisaient sens aux oreilles de ses spectateurs. Puis soudain, le silence. L’inconscience avait gagné la partie.
Dans la pièce, la tension monta en flèche. Dans quelques dizaines de minutes tout au plus, ils allaient perdre mère et enfant. Il fallait agir vite. L’enfant était coincé, une blessure interne à l’intérieur du ventre de la Vice-reine menaçait sa vie. L’heure était grave.
Dernière édition par Aelyn le Ven 31 Mai 2024 - 22:10, édité 1 fois
Lithildren Valbeön Exilée
Nombre de messages : 363 Age : 26 Localisation : Les Terres Sauvages Rôle : Exilée, Gardienne d'Ost-in-Edhil involontaire
Volkan avait attrapé Edwÿne au vol alors que celle-ci tentait de prendre la fuite.
- Eh, vous ! Vous êtes guérisseuse, non ? La Vice Reine a besoin de vous !
L'exclamation rappelèrent la veuve à son devoir. La Vice-Reine ! Le temps sembla se stopper net pendant une fraction de seconde. Je suis guérisseuse... Jamais on ne lui avait rappelé quel était son devoir. La femme, traînée de force par le vétéran, lança un regard en arrière. Les fleurs dans ses cheveux formaient un sillage fané. La femme sembla se ressaisir soudainement. Elle planta presque ses talons au sol, forçant Volkan à s'arrêter.
- Attendez ! J'ai besoin de mes assistants !
Edwÿne chercha un garde du regard. Lui ! C'était celui qu'elle avait déjà envoyé cherché quelque chose. Elle lui saisit le bras et lui demanda d'aller chercher ses "assistants". Le garde paniqué eut un instant pendant lequel il se figea mais Edwÿne lui ordonna de se dépêcher, que le sort des enfants du Vice-Roi en dépendait. Cela sembla sortir le garde de sa torpeur. Après cela, Edwÿne trottina pour rattraper Eólida et la Vice-Reine, suivies de Volkan. La femme tressa grossièrement ses longs cheveux auburn et les plaça en un chignon tout aussi grossier. Elle n'avait pas son matériel médical ni ses plantes sur elle et l'aide de ses assistants serait nécessaire.
Edwÿne n'eut aucun regard pour les appartements du Vice-Roi et sa compagne. Son attention toute entière était focalisée sur la parturiente et chacun de ses gestes. Elle ne s'imposa pas pour l'heure, tant qu'elle voyait que la Vice-Reine tenait un minimum sur ses pieds. Elle ne lui intima pas non plus de respirer et se calmer. Ce serait ajouter une insulte sur cette femme qui savait comment enfanter et qui venait d'entrer dans un deuil aussi douloureux qu'intense. Edwÿne ressentait sa peine, oh que oui. Mais elle n'eut aucune pensée pour feu son mari ou ses enfants. La seule pensée qui s'imposait était celle de la Vice-Reine et de son accouchement.
Dès lors que Sealig sortit des chambres, il y eut un léger raffut dehors. Plusieurs exclamations et Edwÿne se jeta vers la porte. Elle l'ouvrit en grand et ordonna aux gardes de laisser passer les deux jeunes hommes qui tentaient d'expliquer qu'ils étaient là à la demande de la guérisseuse.
Les jumeaux étaient dans les écuries lorsque la panique avait commencé. Lainndred avait aperçu de loin les Elfes arriver dans la ville. Son œil unique observait tout et sentit l'air changer. Il s'était retourné vers son frère jumeau, Meorden, qui était plus occupé à chouchouter le cheval tirant le chariot habituel de leur "mère adoptive", Edwÿne. Meorden indiqua à son frère de se tenir prêt. Quelque chose n'allait pas. Les inquiétudes se confirmèrent lorsqu'un garde à moitié paniqué revint vers eux. Quoi, encore ? Un autre cadeau ? Non, là c'était plus grave. Lainndred fronça des sourcils. Meorden n'avait rien entendu vu que le garde parlait à voix basse.
Le borgne avança alors à pas rapide vers son jumeau et lui ordonna de préparer les outils et plantes pour un accouchement. Immédiatement, Meorden se mit à la tâche et rassembla les concoctions, plantes et onguents dans deux caisses, prenant en compte un nombre grandissant de possibilités de tout ce qui pouvait bien et mal tourner dans un tel cas. Il prit les bandages, linges comme compresses, les bases pour crèmes et onguents, quelques huiles et de quoi couper, recoudre, soulager les douleurs. Lainndred observa son jumeau faire avec son admiration habituel. Il n'y avait que quand entouré de plantes que le garçon semblait stable et normal. Meorden sembla soudainement s'agiter comme s'il ne trouvait pas quelque chose. Il se mit à se tapoter la tempe avec l'intérieur du poignet, la respiration s'accélérant et se mettant à geindre comme un enfant. Il se mit à se parler tout seul, pestant qu'il ne les trouvait pas. Lainndred siffla et tendit une marguerite à son jumeau. Immédiatement, comme un papillon attiré par la lumière d'une bougie, Le Fol entra dans un état presque de transe, à tenir et fixer la petite fleur.
Lainndred soupira doucement, un fin sourire se dessinant à ses lèvres. Ils avaient tout rassemblé en un temps record. Un-Œil porta les caisses pendant que son jumeau portait le sac de matériel en bandoulière. Ils suivirent le garde qui les fit marcher le plus vite possible vers les appartements du Vice-Roi et la Vice-Reine. Ils fendirent la foule, personne ne comprenant pourquoi ce garde était accompagné des deux jeunes hommes - surtout cet étrange phénomène qui tenait et fixait une marguerite... Devant les appartements, ils se firent stoppés, questionnés, et ce ne fut que lorsqu'Edwÿne ouvrit la porte en grand pour les laisser entrer qu'ils purent se mettre au travail.
• • • • •
Lainndred était le plus large des jumeaux. Une musculature dessinée prouvait d'une certaine force pour un garçon de son âge. Jeune adulte, ou vieil adolescent, il avait la carrure d'un jeune soldat, pas d'un... porteur de caisses ? Mais le plus étonnant était sûrement le garçon juste derrière lui, si mince qu'il pourrait se briser sous un souffle du vent. Outre la marguerite, sa tignasse un peu plus rousse que celle de son frère ou son attitude, il semblait surtout pas totalement... présent.
- Meorden, prépare les calmants, linges et le matériel.
Le garçon acquiesça et il se mit à la tâche après avoir posé sa marguerite bien en évidence devant lui.
- Edwÿne, que puis-je faire ? demanda Lainndred, mal à l'aise. - Laisse ton frère préparer, viens m'aider avec la Vice-Reine.
La jeune homme opina du chef et salua Eólida et Volkan d'un mouvement de la tête. Edwÿne reprit avec le calme d'une guérisseuse les indications et encouragements dirigés vers Aelyn. Lainndred prit les serviettes jetées par son frère au vol et les plaça comme Edwÿne l'indiquait. La veuve avait relevé la chemise de dessous et posé une serviette en équilibre sur les cuisses et le ventre d'Aelyn, une autre serviette sous ses fesses. Le Fol apporta au fur-et-à-mesure les remèdes, onguents et crèmes qu'Edwÿne allait utiliser, à une vitesse particulièrement efficace. Enfin, l'accouchement allait pouvoir commencer. Edwÿne indiqua à Volkan et Eólida de tenir les mains de la Vice-Reine et de se préparer à serrer un peu les dents. Une femme en train d'accoucher... ça a de la poigne. Elle avait précisé cela avec un petit ricanement amusé.
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Edwÿne encourageait la Vice-Reine. Sa voix douce, compréhensive et habituée accompagnait chaque geste, chaque contraction. Lainndred se tenait dans un coin, l'œil sur son frère et celle qui leur avait donné une nouvelle chance à la vie. Meorden, la marguerite placée dans son champ de vision, était à côté d'Edwÿne et écoutait, observait. Il fixait ce qu'il se passait, comme un élève attentif. Si ç'avait été une autre femme, dans un autre contexte, Edwÿne serait en train de lui apprendre comment donner naissance. Mais elle n'avait ni le cœur ni le temps. Enfin, elle aperçut la tête du bébé. Elle encouragea, avec plus d'entrain, un sourire se dessinant sur ses lèvres. Enfin, elle sorti le bébé !
- Ma Dame, vous avez une petite fille !
Mais le cri ne vint pas. Edwÿne fronça les sourcils et s'éloigna immédiatement avec le bébé, tournant le dos aux autres. Meorden se mit à la place de son mentor et, sans un mot, fit les mêmes gestes qu'Edwÿne aurait fait. Meorden regardait sa "mère", curieux et inquiet. Le temps se suspendit pendant que la femme aux cheveux auburn réanimait la petite fille. Un, deux, trois... Vis, je t'en supplie, respire pour ta mère, pour ton père, honore tes ancêtres par ta force ! Un, deux trois... Ne laisse personne te dire que tu es trop faible, pour une fille ! Un, deux, trois... Bats-toi, montre-leur la force des Mortensen ! Un, deux, trois... [Que la présence de tes ancêtres te donnent la vie ![/i] Enfin, répondant à l'appel silencieux d'Edwÿne; la petite fille laissa échapper un pleure plus faible qu'espérer et se mit à bouger. Edwÿne souffla vers le plafond dans un profond soulagement, ses genoux manquant de céder sous son poids. Elle tenta de ravaler ses larmes de joie. Elle appela Volkan à ses côtés et lui remit le bébé dans les bras, lui donna la responsabilité de donner l'enfant à sa mère, la poser dans ses bras, contre son sein. Cela donna à la veuve les quelques instants de répit pour se ressaisir, reprendre son souffle et se remettre de ses émotions.
Le cri du bébé rendait Meorden nerveux et il recommença à se tapoter la tempe avec l'intérieur du poignet, le dos de l'autre main pressé contre sa lèvre inférieur pour étouffer son râle nerveux. Soudain il fronça les sourcils, fixant toujours le ventre et l'intimité exposée de la Vice-Reine, il émit un gémissement vers Edwÿne. Le travail reprenait. Sa mentor se remit en place, prête à délivrer le second bébé. Tout allait bien au début mais... ce fut Meorden qui le vit en premier et pointa dans un râle le problème. Edwÿne opina du chef. Le jeune garçon se leva et retourna avec son jumeau qui le garda contre lui pour éviter que ses troubles ne perturbent plus les autres. Mais le choc fut le hurlement puis le sang. Immédiatement Edwÿne ordonna à Eólida, Volkan et Lainndred de tenir la femme enceinte pour qu'elle se débatte moins. Elle ordonna à Meorden de lui apporter les outils. Ils devaient agir vite. La Vice-Reine fut inerte assez rapidement. Il fallait agir immédiatement.
Edwÿne retira la serviette sur la cuisses de la Vice-Reine et releva la chemise de dessous jusque sous la poitrine. Lainndred prit la petite fille à peine née et l'éloigna en la posant dans un fauteuil à côté, revenant aider juste après. Quelqu'un protesta, Edwÿne n'avait pas le temps de savoir qui c'était.
- Je vais devoir ouvrir son ventre pour sortir le bébé, Eólida, Volkan, tenez la Vice-Reine. Lainndred, prends les huildes et imbibe un linge avec, pose-le près du visage de la Vice-Reine et laisse-la respirer les odeurs. Meorden, comme on a pratiqué sur la brebis l'autre fois, d'accord ? On doit faire vite.
Meorden opina du chef et les autres présents durent assister avec un semblant d'horreur à Edwÿne et le garçon fou ouvrant le ventre de la Vice-Reine. Du côté du nombril jusqu'au pubis, avec la précision chirurgicale requise, Edwÿne inspira et plongea les mains dans le ventre. Il fallait agir très, très vite. Avec attention et précaution, Edwÿne sortit enfin le bébé du ventre, les mains tremblantes et la robe couverte du sang vice-royal. Elle suait à énormes gouttes que Meorden épongeait de sa place. Il se mit de nouveau à pousser plusieurs râles et pointa le ventre ouvert avec nervosité. Il tremblait également, les yeux rivés sur la petite marguerite sanguinolente posée sur le pubis d'Aelyn.
Edwÿne jura. Son souffle s'accéléra. Les dégâts étaient trop importants, désormais. Edwÿne devait porter la très lourde responsabilité de voler à Aelyn sa capacité à se reproduire. Elle énonça même la chose à voix haute, le traumatisme se formant déjà dans son esprit. Elle manquait de temps et n'avait pas le luxe du choix ou de chercher une autre voie. C'était la seule chose possible. Elle pria les Méaras, les Valar, peu importait. Elle ferma les yeux et opéra. La guérisseuse se battait contre le temps pour sauver le bébé et la Vice-Reine. Lainndred s'occupait de laver l'enfant pendant que son frère et la veuve opéraient la mère du bébé. Edwÿne finit par sortir une masse du ventre de la Vice-Reine et ne prit même pas le temps de sauver le regard d'Eólida et Volkan de cette vision d'horreur qu'elle ordonna à Meorden de se mettre à recoudre et désinfecter. La veuve jeta la masse dans un bol et reprit le flambeau pour recoudre à l'intérieur puis le ventre ouvert. La vie d'Aelyn ne tenait qu'à un fil et la guérisseuse avait ignoré les cris, les soupirs et regards horrifiés. Le temps jouait contre elle et elle se sentit reconnaissante que Meorden appliquait les onguents à mesure qu'elle recousait...
Edwÿne sortit de sa transe pendant que Meorden appliquait des compresses et des bandages. La veuve céda sous son poids et s'écroula avec ladrénaline qui la quittait, la panique qui retombait. Est-ce la Vice-Reine était encore vivante ? Lainndred prit son poul, et indiqua d'un hochement de tête qu'ils avaient réussi. Elle n'était pas tirée d'affaire, loin de là. Edwÿne se releva comme elle le put et tituba vers les remèdes - obsessionnellement - alignés par Meorden sur une commode. Elle put trouver rapidement les préparations contre la fièvre et les garda de côté jusqu'à ce qu'elle soit réveillée, appliquant un baume contre un linge humide qu'elle indiqua à Eólida de presser contre le front, le cou et les joues de la Vice-Reine. Edwÿne réalisait à peine qu'elle était couverte de sang, des ongles aux coudes, sur sa robe de bal, même les quelques mèches de cheveux qui s'étaient échappées de son chignon et tresse s'étaient teintées d'écarlate. Elle tremblait. Il fallait la réveiller. Mais les cris puissants du bébé, qui pleurait probablement depuis tout à l'heure, venaient à peine de percuter la guérisseuse. Elle regarda Lainndred, qui souriait avec fierté en désignant le second bébé. Edwÿne se redressa, fébrile, allant voir l'enfant enveloppé. Lainndred l'avait nettoyé et enveloppé, l'avait encouragé à crier. Elle n'avait même pas fait attention et sourit au fait que le jeune homme avait apprit à force d'assister aux accouchements.
- C'est un garçon.
Le visage d'Edwÿne se détendit. Elle soupira. Il fallait maintenant réveiller Aelyn. Elle était encore vivante mais déclinait. Il fallait qu'elle se batte. Edwÿne encouragea Eólida de rappeler celle qu'elle protégeait. Il fallait lui rappeler sa force, celle de feu son mari, l'amour de ses enfants. Il fallait l'appeler, l'atteindre, une main tendue dans son esprit, un rai de lumière pour l'empêcher de sombrer au désespoir. Edwÿne ne connaissait pas la Vice-Reine comme sa garde personnelle. C'était pour celle qu'elle lui confia la tâche, lourde, de ramener la conscience et l'esprit de la Dame. Pendant ce temps, Edwÿne et Meorden s'échinèrent à user de remèdes pour faire baisser la fièvre, stabiliser l'état de la Vice-Reine et tenter de la ramener à leur manière. Seuls les efforts collectifs allaient pouvoir la sauver. Il fallait qu'elle porte ses enfants dans ses bras, qu'elle survive. Il le fallait. Pour les bébés, pour le pays, pour ses enfants plus âgés. Edwÿne fit signe à Lainndred de poser les deux bébés près de leur mère, que les pleurs et les gémissements ramènent Aelyn à son devoir de mère. Elle le savait, la tâche semblait si énorme... Mais il le fallait. Edwÿne compatissait tellement pour cette pauvre âme en peine. Lainndred dû emmener son jumeau plus loin dans la pièce pour le calmer lui, sa nervosité explosant avec la marguerite tâchée de sang et les cris des bébés, ou juste la présence d'autres humains. Il se balançait d'avant en arrière, râlait et gémissait, Lainndred le tenant fermement dans ses bras pour le calmer.
Quelle soirée de merde.
Kryss Ganaël Apprentie des Ombres
Nombre de messages : 284 Age : 31 Localisation : vagabonde sur les chemins du Destin
Un monde de contrastes une fois de plus s’imposa à la vision de Volkan Dolfenbrand tandis que sa poigne se raffermit sur le bras d’une femme qu’il pensait bien être une guérisseuse et dont il ignorait le nom, lui ordonnant fermement de se rendre auprès de la Vice Reine pour lui apporter ses services. Il n’avait que fit des formules et ses mots jaillirent telles une claque, habitué à ce qu’on lui obéisse. Ses paroles, qui eurent effet de sortir la femme aux longs cheveux de sa transe paniquée. Paniquée, comme bien des gens en ce moment dans le Grand Hall. Rien d’étonnant après l’annonce qui avait été annoncée tel un couperet décisif, la compagne du défunt en travail et le Roi qui avait pour don de disparaître pour mieux fuir ses responsabilités. Bah ! Ils n’avaient pas le temps de débattre du bien fondé de cette décision, pas le temps pour pleurer la perte de tous ses combattant et de leur Vice Roi tombés au combat. Aux réflexions, aux pensées morbides, Volkan privilégia l’action, enfouissant ses inquiétudes pour ses hommes au plus profond de lui. Elle l’interrompit pour aller demander ses assistants à un serviteur. Il ne sut en cet instant s’il avait fait le bon choix. Cela ne rendrait pas la Vice Reine encore plus vulnérable d’être entourée d’inconnus ? La situation ne permettait pas une autre solution… Il n’aurait su ce qui l’avait fait réagir à ce moment-là. Était-ce de voir la détresse de la Vice Reine, de s’outrager de l’inaction des convives, ou bien ce rappel de sa propre paternité il y a de cela des années ? Qu’importait, se disait-il, tandis qu’il embarquait à sa suite une guérissante hébétée.
Il ignora une fois de plus, la raison pour laquelle ses pas le menèrent naturellement à la suite de ces femmes avant de passer devant et d’éloigner avec force les badauds anéantis et les indécis. Il aurait volontiers frappé quelques-uns de rages, s’il ne s’était pas rappelé qu’ils étaient également des Rohirrims et des siens malgré leur inaptitude à réagir. « Dégagez ! » rugi le Seigneur Dolfenbrand et sa voix tonitruante eut pour mérite de faire fuir certains bloquant leur passage. Une fois en dehors du Grand Hall, Volkan maintint la porte et reprit la suite du convoi, se laissant guider par la fidèle garde de la Vice Reine jusqu’à ses appartements. Il observait alors, d’apparence détaché alors que les pensées le bousculèrent, insaisissables. Cela…cela était du domaine des femmes, pourquoi restait-il planté là ? Il observait, impuissant, tandis que la nouvelle veuve s’écroula vers un fauteuil en poussant un cri déchirant l’âme. Mal à l’aise de s’être retrouvé là par hasard, le Seigneur resta vers la porte et s’assura que personne ne rentre. Que faisait les autres gardes ? Son regard arpenta un instant le couloir vide jouxtant la chambre, s’assurant que personne de mal intentionné ne s’approche. Son attention se porta à nouveau vers l’intérieur des appartements à l’arrivée d’un soldat rapportant à son Altesse et il fut impressionné par la lucidité de la femme de se préparer au pire alors même qu’elle était au plus bas.
Une dévotion de louve protégeant le reste de sa meute, pensa-t-il tandis qu’il l’observait arpenter la pièce, détournant un regard pudique lorsqu’elle se dévoila, n’osant entrer davantage. Eólida étant présentement occupée aux côtés de la Vice Reine, il prit sur lui d’assurer la garde vers l’entrée, une main posée sur son épée, la mine sombre. Il ne jeta pas un regard non plus vers la Vice Reine tandis qu’elle prenait position avec l’aide de la guérisseuse, gêné d’être ainsi présent dans un moment si intime alors qu’il ne partageait même pas de lien de parenté. Il n’avait même pas été autorisé à être dans la pièce lorsque son épouse accoucha de ses enfants… Mais elle n’avait personne, présentement, et oh combien elle avait besoin d’êtres fiables à ses côtés en ce moment… Deux jeunes hommes alors apparurent sur le seuil de la porte et Volkan se mit en travers avec un air menaçant, les forçant à décliner leurs identités et la raison de leurs présences. Alors seulement sur l’intervention de la sage-femme il se souvint des assistants précédemment quémandés. Des adolescents, en guide d’aide ? Le Seigneur serra les dents et il n’eut besoin de prononcer un mot tant sa carrure et sa prestance faisaient office de menace silencieuse. Il donna l’ordre aux gardes de prendre position à la porte et la barricada de son mieux de l’intérieur avant d’observer avec une attention toute protectrice ces inconnus auprès de leur Vice Reine.
A la demande de la guérisseuse adressé à lui, il déglutit avec difficulté, se tournant à nouveau d’un air incertain vers la porte, là où était sa place selon lui, dehors. Mais les cris de la Vice Reine redoublèrent d’intensité et la garde avait déjà pris place à sa gauche. Il hésita encore un instant, le visage blême devant cette scène qu’il n’aurait jamais souhaité voir. Car il voyait un combat, un champ de bataille. Pour donner la vie, non pas donner la mort, chercha-t-il à se convaincre. Un pas, d’abord.. son regard détaillant avec attention le travail de la guérisseuse, les cris de la future mère lui transperçant les os. Un deuxième pas, donc, plus assuré ce coup-ci. Il se débarrassa de sa cape qu’il jeta sans même un regard sur une chaise avant de prendre sa place à droite de la Vice Reine et de lui attraper fermement la main. Main, si frêle et douce dans la sienne rugueuse rompue par les combats. Une main si froide, une poigne si prenante. Il y adossa sa deuxième main pour l’envelopper dans la sienne, ne sut trouver aucun mot à partager, aucune parole de sagesse. Il se tut donc, le Seigneur de l’Estenmet, dépassé par cette vision si héroïque et à la fois si angoissante. Comment une femme pouvait-elle faire preuve d’une telle bravoure face à la douleur, à la peur, la perte, faire confiance aveuglément à des inconnus pour donner naissance à ses héritiers ? Une vision qui pouvait rendre modeste le plus gros des égos.
Des secondes, semblant des heures, un silence qui semblait assourdissant après les cris. Un fil fragile traversant le temps et suspendant les souffles de chacun présent dans la pièce. Comment pouvait-on se sentir si impuissant, lui guerrier aguerri, homme d’âge mûr, face à la respiration bloquée d’un petit être ? Mais la petite fille enfin poussa ses premiers pleurs timides, tirant des soupirs de soulagement à tous les adultes présents. La guérisseuse dont il ignorait toujours le temps l’appela à nouveau et il s’y rendit par réflexe, désormais aux services de ce groupe de femmes bien plus savantes que lui dans ce domaine. Mais alors qu’elle déposa l’enfant dans ses bras, ses réflexes d’ancien père se rappelèrent à lui avec la pureté et l’innocence de la nature. Ses grandes mains alors protégèrent le port de tête, il l’accueillit avec la plus grande solennité contre lui, faisant fi du sang, n’osant ne serait-ce que respirer en cette présence si nouvelle. Il l’apporta avec le plus de douceur possible auprès de la mère et l’apposa contre elle, ajustant les draps imbibés de sueur. L’instant ne fut que de courte durée cependant, car bientôt la Vice Reine reprit le travail. Volkan alors reprit dans ses bras l’enfant-né, l’ainée et fut pris de cours par les directives de l’accoucheuse. Alors un de ses assistants vint à lui pour lui prendre la fillette et recevant en simultané l’ordre de maintenir la parturiente, obtempéra malgré tout. Le jeune semblait avoir l’habitude à la manière dont il portait l’enfant et Volkan alors fit demi-tour pour reprendre sa place et bloquer de son mieux son Altesse qui semblait se déchirer de l’intérieur.
Ce qu’il se passa, semblait-il ? Il n’y connaissait rien, mais la vue de ce sang à nouveau lui rappela les champs de bataille. Il n’était pas censé saigner comme cela, ci ? Non ? En vu de l’expression du visage des femmes, il comprit que cela était une anomalie des plus inquiétantes. - Battez-vous, votre Altesse.
Fut les seuls mots qu’il prononça alors que l’accoucheuse déclarait son « plan ». Comme…comme pour les « brebis » ?! Le Seigneur voulut protester mais les femmes semblaient résolues. N’y avait-il pas d’autres solutions ?? Il repoussa quelques mèches de cheveux trempés du visage de la Vice Reine, son autre main appuyant fortement sur son épaule pour la maintenir en place, horrifier de constater une telle boucherie. Infliger cela, à sa femme ? Il eut une pensée pour la sienne et pria les ancêtres de leur bienveillance pour les trois accouchements qu’elle avait subies sans complications « apparentes ». Les cris étaient indescriptibles, presque inhumains et il dut appuyer de toute ses forces sur le bras et les épaules de la femme pour la maintenir en place malgré que son cœur même se serra. L’odeur métallique ne tarda pas à envahir l’air et les spasmes se calmèrent au fur et à mesure. Il ne pensait pas que cela était une bonne chose…Il était devenu totalement aveugle de ce qu’il se passait « au-dessous », entièrement concentré sur la mère qui pouvait très bien donner sa propre vie pour mettre au monde les héritiers Mortensen. Non, chasse ces pensées Volkan où tu attireras le mauvais œil. Il approcha les huiles essentielles vers les narines de la Vice Reine, tenta d’observer la moindre réaction de sa part. Les cris du nouveau-né, un garçon, ne semblait l’atteindre, il continuait d’appliquer une pression alors qu’elle était désormais immobile et bien pâle, trop pâle…Il s’éloigna avec lenteur, laissant place à la fidèle gardienne de rappeler vers eux l’esprit de la Vice Reine, son regard se noyant un instant dans les draps vermeil, en état de choc.
Les cris des jumeaux avaient remplacé les plaintes de leur mère. La pièce pourtant spacieuse semblait désormais trop petite pour tous les contenir. Il fallait un village…avait-il entendu les femmes déclarer et il semblait le réaliser à présent qu’il observait la scène et que ses sens revenaient à lui petit à petit. Il se dirigea alors par réflexe vers les nouveaux-nés, et d’entre ses lèvres, tout d’abord inaudibles, il entama un chant. Un chant doux, un poème sur les beautés des plaines du Riddermark qu’il fit raisonner de sa voix grave, tel un baume. Ce chant était connu de tous, passé de générations en générations, privilégié pour les enfants de par sa douceur et ses thèmes légers et remplis d’espoir. Il avança lentement vers les enfants, ne chercha pas à chanter plus fort que leurs pleurs…Avec un regard d’abord vers la sage-femme, puis un signe de tête reconnaissant envers les assistants, il prit avec délicatesse l’un d’eux dans ses bras et se mit à bercer quelque peu. Qu’il était étrange de voir ainsi le Seigneur Dolfenbrand, si bourru et ronchon, désormais s’adoucir à en être méconnaissable face à l’innocence pure d’un jeune enfant. Il l’approcha de sa mère jusqu’au niveau de ses jambes, les pleurs toujours présents mais plus apaisés, entrecoupés de quelques hoquets. Peut-être que ce son l’aiderait à revenir vers les siens ? Sa meute l’attendait. Le vieux géant continuait son doux chant de sa voix grave mais étonnement mélodieuse, son index dessinant le petit nez, avant de caresser de façon circulaire la poitrine du nouveau-né pour l’aider à respirer.
Nombre de messages : 1077 Age : 25 Localisation : Temple Sharaman, Albyor Rôle : Esclave au Temple Sharaman, Agent de la Reine Lyra, Ex-Capitaine du Rohan
Eólida se pencha en avant au-dessus du baquet d’eau, prise de nausées et d’un mal de crâne qui lui faisait voir flou, elle rendit l'entièreté du contenu de son estomac avec une élégance toute relative. Les dernières heures passées auprès de la Vice-Reine avaient été particulièrement éprouvantes pour la jeune fille, bien entendu pas autant que pour la principale intéressée qui avait donné naissance à deux enfants tout en ayant subi une lourde opération chirurgicale. En temps normaux, la vue du sang et les cris de douleurs ne représentaient pas de réels soucis pour la guerrière ; pourtant cette-fois ci elle avait eu toutes les peines du monde à ne pas détourner le regard. Ne voulant regarder en face le désespoir et l’angoisse qui habitaient la Vice-Reine et ses soldats dont les lames étaient bien impuissantes face à ce genre de menaces ; elle avait concentré son attention sur les mains attentionnées et le regard concentré des guérisseurs qui s’efforçaient de sauver toutes les vies qui pouvaient encore l’être.
Certains avaient fait le choix de servir le royaume en tuant. D’autres en préservant la vie.
Au cours des mois passés à ses côtés, Eólida avait appris à connaître Dame Aelyn. Une femme douce, attentionnée et intelligente mais aussi et surtout incroyablement résiliente. Les épreuves qu’elle avait déjà eu à traverser surpassaient déjà tout ce qu’un membre de la noblesse du Rohan pouvait imaginer. Et pourtant, voilà que le destin s’acharnait à nouveau sur elle, alors même qu’elle pensait avoir trouvé un peu de bonheur en ce monde.
Dans son malheur, toutefois, les pleurs des enfants avaient redonné de l’espoir à tous. Même le taciturne Seigneur Dolfenbrand s’adoucit subitement quand l’un des nourrissons se retrouva entre ses bras. Aelyn, encore faible, avait sombré dans un sommeil profond et Eólida en avait profité pour s’éclipser, en quête d’un peu d’air. Son souffle était court et elle craignait une nouvelle crise d’asthme, alors même qu’elle n’avait fourni aucun effort physique.
Une fois sa crise de vomissement soulagé, la garde se releva et s’essuya sa bouche humide du revers de sa manche, toujours avec aussi peu d’élégance. Ses pas la conduisirent ensuite vers le parvis du Château d’Or. Quelques heures plus tôt, les larges marches extérieures qui menaient vers la capitale étaient remplies de monde. Troubadours, forains et marchands en tout genre venus profiter de l’effervescence du bal et de ses nombreux invités pour se faire remarquer et animer une journée qui s’annonçait radieuse.
Rien ne s’était passé comme prévu. Désormais, le lieu était quasiment désert. Le Roi et sa suite était parti sans demander leur reste et beaucoup avaient suivi l’exemple.
Le son d’un cor retentit au loin. Eólida se retourna en direction de l’entrée d’Edoras, qu’elle pouvait observer de loin depuis sa position en surplomb. Un groupe d’une dizaine de cavaliers s’approchaient à toute vitesse de l’entrée de la cité. L’un deux tenait fermement un drapeau qui claquait sous l’effet de la vitesse de la cavalcade. La bannière était reconnaissable entre mille : les insignes du Vice-Roi du Rohan.
Un fol espoir se mit à embraser l’esprit de la cavalière.
Et si Thedras s'était trompé?
The Young Cop
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Alors que le monde extérieur n’était que chaos et panique, concentration et agitation, Aelyn flottait paisiblement dans les limbes éthérés de son propre esprit. Elle aurait été bien incapable de dire où elle se trouvait. Le paysage changeait sans cesse, mais c’était un endroit familier, paisible, rassurant. Elle venait tout juste de s’extraire du monde de flamme qui engloutissaient tout et tout le monde, du mon de la torture et de la douleur. A présent, tout allait bien. Elle ne se souvenait même plus comment elle était arrivée là. La seule chose dont elle se souvenait était d’avoir été terrifiée, pétrifiée puis… plus rien. Le confort d’un état émotionnel totalement neutre, si reposant.
« Ne t’attarde pas trop longtemps ici, belle dame. » lui murmura une voix familière, lointaine dans le temps et l’espace. Autour d’elle, il n’y avait personne. Mais la voix ancra plus encore le sentiment de sécurité qui l’habitait. « Où devrais-je aller alors ? Dans quelle direction ? - Là où ton cœur se trouve, voyons. - Mon cœur ? Mon cœur est passé de l’autre côté. Encore… » répondit-elle.
Elle s’étonna de ne rien ressentir en disant ces mots. Aucune perte, aucune langueur. Elle parlait d’une voix calme, posée, lente, exempte de toute angoisse.
« Pourtant la plus grande part de ton immense cœur n’a jamais été pour ton homme, ma douce Aelyn. Elle était pour tes patients, pour tes enfants, et c’est pour ça que je t’ai aimé… - Hengest ? - Hum hum. - Je t’ai tellement aimé pourtant. - C’est bien la preuve de l’immensité de ton cœur. - Tu disais toujours ça… - Parce que je le pensais. Toujours. - Tu es venu me prendre avec toi ? »
Un rire, comme un ronronnement de chat des montagnes, se réverbéra dans le paysage changeant. Aelyn se souvenait avoir aimé ce rire.
« N’as-tu donc pas écouté, linote, je t’enjoignais à partir. - Je ne peux pas te laisser seul. - Je ne suis pas seul. Tous mes ancêtres sont attablés là. - Ne puis-je pas revoir ton visage une dernière fois ? - On ne tord pas les règles, ma chérie, je ne peux plus t’apparaitre. » répondit la voix, chagrinée.
Aelyn fut soudain saisit de mélancolie, comme si quelque chose venait d’être perdu à jamais. Puis la sensation passa.
« Où vais-je ? répéta-t-elle - Ton cœur, ma chérie. Ton cœur. - Je ne suis pas sûre. Il fait si… J’ai si peur là-bas. Si mal. - Tu n’as jamais renoncé face à la difficulté. Tu ne prends jamais la voie de la facilité, ma douce dame. Ne commence pas maintenant. »
La voix se tut et, juste comme ça, Aelyn ouvrit les yeux. Elle reconnut aussitôt sa chambre autour d’elle, mais aucune douleur ni aucune émotion. Quelque chose clochait. Le point de vue n’était pas bon. Elle se tenait debout, au pied du lit. Alors qu’elle baissait les yeux, elle reconnu un corps étendu sur le lit. Son corps. Il n’y avait pas de son. Autour d’elle, il y avait du monde. Elle voyait les lèvres bouger sans rien entendre. Suis-je morte ? Est-ce cela la mort ? Elle regarda, détachée, la mare de sang. Ma vie ne tient qu’à un fil. Elle regarda autour d’elle. Elle avisa le berceau et s’en approcha doucement. Deux enfants s’y tenaient lové l’un contre l’autre. Ses enfants. Vivants, sains. Ils s’agitaient, semblaient même pleurer.
« Ils seront forts » annonça une voix.
Seulement cette fois, ce n’était pas celle d’Hengest. Elle était plus fraiche, plus familière, comme arrachée d’un passé moins lointain.
« Tu n’en sais rien, répondit Aelyn, incapable de détourner son regard des bébés. - Là où je suis, bien sûr que si. Avec des parents comme nous, comment ne le seraient-ils pas ? - Mais elle est si petite. Elle pourrait se briser d’un souffle. - Elle ne brisera pas. Pas plus que mon fils. - Elle a tes yeux. - Et lui ? - Je… Je ne sais pas. Ils sont flous. Je ne les vois pas. - Tu vas devoir te réveiller pour ça. - Encore un instant, murmura-t-elle. - Tu ne peux pas rester. - Pourquoi ça ? - Tu es trop forte pour ça. Tu ne peux pas. La femme que j’ai épousée ne le permettrait pas. Tu as encore tant à accomplir, à offrir. Tout le monde compte sur toi, fière Aelyn, Vice-Reine du peuple du Riddermark. Tu es aimée et respectée. Et tu dois vivre. - Et toi ? - Moi ? Je vais continuer mon chemin dans l’autre direction. Je ne serais pas seul. - Farma est là-bas ? »
Elle crut deviner un sourire sans le voir. Mais elle ne ressentit là encore ni jalousie, ni tristesse. L’univers était encore paisible, silencieux. Elle se retourna vers ses enfants. Leur vision s’estompait déjà, comme le reste de la pièce. Les flammes revinrent lui lécher les chevilles. Elle entendait au lointain un chant, puis des mots, venant de personnes différentes. Des mots, une mélodie, une agitation qui semblaient l’appeler loin de ce havre. Elle souffla, lentement, et ferma les yeux.
Elle ressuscitât dans une grande inspiration sur le lit trempé de sueur et de sang. De son rêve, elle avait tout oublié. Le reste, en revanche, lui revint d’un coup : le son, la lumière, la douleur. Tous ses sens étaient brutalement assaillis. Elle avait la sensation qu’on lui avait ouvert le ventre… N’était-ce qu’une sensation ? On força à sa bouche un liquide amer qu’elle avala avant même d’avoir pleinement repris conscience. Puis progressivement, sa vue perdit son brouillard. Elle devina Eólida à ses côtés, mais la couleur de son teint était étrange. Toujours penchée au dessus d’elle, elle reconnu son accoucheuse. Et enfin, ses yeux se posèrent sur son fils, dans les bras du Seigneur Volkan.
On lui tendit aussitôt. Mais elle était trop faible et endolorie, elle ne pouvait le porter seul. Le seigneur, patiemment, l’aida à porter le petit garçon à son sein. Il ne restait plus grand-chose de la chemise de la pauvre femme et le malheureux seigneur avait dû en voir bien plus qu’il n’aurait jamais aimé en voir de son existence. Déjà le regard d’Aelyn commençait à flancher. Les drogues faisaient leurs effets. Mais on ne pouvait décemment la laisser dormir dans un lit et des vêtements souillés. Péniblement et très lentement, on la lava, lui passa une chemise propre et la déplaça, centimètre par centimètre pour changer les draps qui n’étaient guère plus bons qu’à être brulés. Aelyn se laissa faire comme un pantin désarticulé. Mais si quelqu’un avait le malheur d’éloigner les petits de son lit, elle recommençait à s’agiter dangereusement. Pas plus de succès ne fut remporté à la proposition d’une nourrice. Personne n’approcherait les enfants sans l’accord explicite de la jeune mère. Et elle était tout à fait capable de prendre soin de ses propres bébés, merci beaucoup ! Il fut décidé de faire selon ses désirs. Elle n’aurait guère le temps de se remettre, il lui fallait tout le repos qu’elle pouvait avoir. Comme s’ils avaient compris les enjeux, les petits eux-mêmes ne pleurèrent presque plus après ça. A peine se mettaient-ils à geindre quand la faim se faisait sentir.
A son deuxième réveil, il y avait beaucoup moins de monde dans la pièce. On l’avait entourée de coussins moelleux pour l’aider à prendre ses enfants sans forcer. Elle souffrait toujours beaucoup mais les soins et les médicaments prodigués avec assiduité lui permettaient un certain confort. La Vice-Reine prit alors le temps d’examiner son fils qu’elle n’avait fait qu’entrevoir. Il était fort, solide. Aussi solide que sa sœur était frêle. Ses petites mains avaient la force d’un étau. Il avait les traits de son père.
« Il n’y aurait personne pour nier que tu es le fils de Gallen Mortensen, Etheldred. » lui murmura-t-elle en caressant la petite mèche de cheveux blonds qui ornait son front.
Lui aussi avait les yeux de son père. Une copie conforme revenue en Terre du Milieu. Cela éveillait en elle un sentiment mitigé, entre l’émerveillement et le chagrin. Elle avait le sentiment que Gallen aurait éprouvé une grande fierté à savoir son héritier si assurément Mortensen. Elle se tourna vers sa petite fille, qui portait désormais le nom d’Eadhild. Un nom guerrier pour donner de la force a ce petit être frêle. Un sentiment tout aussi puissant de fierté l’envahit. Ils avaient de beaux enfants et elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour les protéger de ce monde fou. Elle reposa son jumeau à ses côtés dans le couffin et aussitôt, les deux petits se rapprochèrent l’un de l’autre, aussi proches qu’ils ne l’étaient sans doute dans son ventre. Aelyn lutta pour garder les yeux ouverts le plus longtemps possible, pour les admirer et les protéger. Mais les tisanes étaient puissantes et elle avait besoin de sommeil. Elle sombra de nouveau, dans cette position. Le visage tourné vers ces nouvelles merveilles.
On lui avait promis qu’elle pourrait les présenter aux ainés dès qu’elle serait capable de rester une heure entière éveillée. Elle n’en était pas là. Si elle avait assez d’énergie, elle pourrait prendre conscience de la tâche immense qui l’attendait. Mère solitaire de cinq enfants dans un pays en proie aux flammes de la guerre. Vice-reine, de titre à peine, d’un pays abandonné par son roi et le monde. Deux fois veuve et trop de fois mutilée. Si elle avait assez d’énergie, sans doute ressentirait-elle de la peur. Mais elle n’en avait pas encore assez. Elle dormait d’un sommeil sans rêve.
Lithildren Valbeön Exilée
Nombre de messages : 363 Age : 26 Localisation : Les Terres Sauvages Rôle : Exilée, Gardienne d'Ost-in-Edhil involontaire
- Tout le monde n'est pas fait pour être témoin de la douleur de l'enfantement, avait soufflé Edwÿne avec douceur.
La veuve tenait le visage du jeune homme entre ses mains, les pouces lui pressant et caressant les pommettes avec force et douceur à la fois. Il lui agrippait les poignets avec une force folle pour un être si frêle et fragile, les veines apparentes et les articulations blanchies. Il geignait, respirant comme s'il souffrait de la poitrine. Les larmes inondaient son visage couvert de sang. Leurs mains aussi en étaient couvertes. Edwÿne n'en avait plus peur depuis bien longtemps mais Meorden était différent. Il répugnait cette chose rouge, chaude et épaisse envahissant son nez, sa peau, ses vêtements. Mais Edwÿne ne le grondait pas ni ne le forçait. Elle le tenait, fermement, pour le rassurer et l'apaiser. Meorden paniquait car nul avant la guérisseuse ne lui avait appris la douceur et l'amour d'une mère, la caresse d'un être tendre ou le bonheur simple de la compassion. Il continuait de souffler, geignant, les bruits ambiants flous rebondissant contre les murs. Il ne voyait pas clair et les bruits se noyaient les uns avec les autres, comme les huiles dans l'eau.
Mais le regard et la patience de la veuve vainquirent et il se calma, respira, peu à peu, reprenant ses esprits. Elle le força à la regarder elle, le félicitant, l'encourageant. Il cessa de trembler et de lui serrer les poignets. Edwÿne lâcha le visage de son protégé et le prit dans ses bras. Il se lova contre elle, tel un enfant terrifié dans un corps d'adulte. Lorsqu'elle le relâcha, il vit les poignets rouge, bleuissant presque, là où il avait serré. Mais elle ne disait rien, se frottait simplement les poignets et retourna à sa patiente. La veuve releva le drap sur le visage de la jeune fille dont le regard vide se perdait sur le plafond de la grange, le visage tordu par la douleur et le soulagement. Le bébé, vivant, hurlait dans les bras du père, à peine plus âgé, qui tremblait et pleurait. Un jeune homme aux mains et épaules si larges, recroquevillé comme un chaton famélique, le bébé disparaissant entre ses bras puissants. Edwÿne énonça les premiers rites funéraires pour la jeune fille. Ses parents pleuraient, la mère se demanda comment elle aurait pu changer le cours des choses en ne traitant pas sa fille de coureuse de remparts, le père effondré de voir sa petite chérie rejoindre leurs ancêtres sans lui jamais dit combien il l'aimait, sa sœur qui voulait hurlait sa rancœur envers les parents.
C'était la première fois que Meorden avait assisté à la mort et la douleur de l'enfantement. Pour lui, Edwÿne était comme enveloppée dans les rayons du soleil de l'après-midi, brillante comme une Elfe. Elle se releva et laissa la famille procéder au deuil, se réunir autour du corps. Son travail ici était finit. Elle guida Meorden dehors, où Lainndred attendait, livide. Lui n'avait pas pu rester. Les deux frères s'étaient étreints avec force pendant que la veuve rassurait le jeune papa qu'il l'avait talonnée pour demander son aide. Meorden ne parviendrait jamais à oublier le visage de sa mère adoptive, de sa main posée sur le front de l'enfant, sur sa voix rassurante, sa présence qui ne s'imposait pas. Mais il ne pouvait oublier le visage de cette jeune fille sous le drap, dans cette grange sale.
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Edwÿne regarda Eolida quitter la pièce sans la juger.
Tout le monde n'est pas fait pour être témoin de la douleur de l'enfantement. Elle l'avait dit à Meorden, peu après le début de son apprentissage. La garde royale était restée jusque là et la guérisseuse ne pouvait que la féliciter. Cependant, elle ne pouvait pas se résoudre à laisser la Vice-Reine sans compagnie en cet instant. Elle s'avança et fit de son mieux pour accompagner la Vice-Reine, l'encourageant avec de douces paroles. La comptine que le seigneur Dolfenbrand était connue et elle l'avait elle-même entonnée pour feu ses enfants. La Vice-Reine s'éveilla peu à peu et le duo de guérisseurs continua de lui donner quelques remèdes pour la fièvre.
Mais l'état se stabilisa. Il lui fallait du repos, bien qu'elle n'en aurait probablement pas le luxe. Edwÿne redoutait le moment où la femme allait découvrir le choix terrible qu'avait dû faire Edwÿne. Elle répondrait de ses actes si cela était nécessaire mais elle espérait que la Vice-Reine comprendrait. Peut-être. Pour l'heure, elle aida péniblement mais doucement à installer Aelyn dans des draps propres, la revêtir d'une tenue plus couvrante et propre. La guérisseuse en profita pour se débarrasser de la chaire arrachée au corps de la Vice-Reine. Le tout devrait être brûlé de toutes manières. Lorsqu'elle fut assurée que la femme était confortablement installée au milieu de draps, coussins et tissus propres, elle annonça à Volkan prendre son départ. Meorden et Lainndred s'étaient déjà assurés de se débarrasser des draps, elle ignorait comment mais s'ils avaient été brûlés, elle les croyait. Sur un papier, la veuve nota des herbes, tisanes et concoctions pour la fièvre, les douleurs et la cicatrice. Elle indiqua des conseils pour changer les bandages et quoi regarder dans l'évolution positive et négative de l'état de la Vice-Reine. Elle laissa un panier avec les remèdes et le papier à la vu de tous. Elle confia aux derniers présents dans la salle que ce panier devait ABSOLUMENT suivre la Vice-Reine et le suivi appliqué, même par elle-même. Même les meilleurs guérisseurs ont parfois besoin de ne pas trop réfléchir et s'appuyer sur les conseils de leurs pairs de temps en temps.
Le trio prit congé pendant que la Vice-Reine dormait. Edwÿne tenait la main de Meorden pendant que Lainndred portait les remèdes restants dans les deux caisses, plus légères qu'à l'aller. Le château semblait bien vide maintenant, occupé à des choses plus sombres et militaires. Ils furent escortés dehors, jusqu'aux écuries. Lainndred aida à charger la charrette mais semblait bien ailleurs. Edwÿne comprenait. Meorden aurait du mal à comprendre. Mais ils devaient partir.