23 résultats trouvés pour Eopren

AuteurMessage
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyAujourd'hui à 15:30




Patience?

Des heures qu’elle n’avait pas prononcé le moindre mot et tout ce qu’elle parvenait à lui dire désormais c’était d’attendre alors que leur temps leur manquait cruellement ? Elle l’avait dit avec un flegme déroutant, alors que toute la situation devrait la pousser à céder à la panique, voilà qu’elle lui soufflait calmement que tout irait bien à condition qu’il attende patiemment. Avait-elle un plan déjà élaboré ? Difficile de l’imaginer au vu des circonstances. Eopren se redressa en s’appuyant sur elle et ils se remirent à avancer côte à côtes, avec l’élégance de la démarche de deux pingouins cherchant à se protéger des vents glacials de la Baie de Forochel.

Avec un deuxième mot, prononcé dans un râle étrange et à peine audible, la jeune femme tenta d’expliquer ce qu’elle avait en tête à son compagnon d’infortune. Cela prit quelques secondes au rohirrim pour comprendre qu’elle faisait référence à la broche utilisée pour attacher ses vêtements. Le guerrier n’en avait pas sur lui, seule Kryss en portait une petite près de son torse. D’un geste de la main celle-ci cherchait à lui faire comprendre qu’elle comptait sur son aide pour se libérer de ses liens en usant du petit objet. Une manœuvre pour le moins audacieuse sous la surveillance étroite de leurs ravisseurs. Eopren haussa des épaules et grogna :

“Aah…Kryss…Décidément tu lâcheras jamais…”


Le cavalier se décida pourtant à la soutenir dans son entreprise. Il passa un regard au-dessus de son épaule, pour s’assurer que leurs ennemis ne les observent pas de trop près, puis arracha furtivement le petit objet circulaire qu’il déposa dans la paume ouverte de l’ancienne apprentie assassin. Il lui adressa un clin d’oeil au passage et souffla :

“Si t’arrives à t’sortir de là alors chapeau. T’occupes pas d’moi, j’irais pas bien loin avec ma ja…
-J’ai dit : LA FERME !”


Le Dunlending chauve agrémenta sa remontrance par un nouveau coup sur le crâne d’un Eopren qui encaissa avant de se mordre la lèvre, non pas de douleur mais pour se retenir de répliquer de manière cinglante à son tortionnaire.

Ils continuèrent à avancer ainsi pendant plusieurs dizaines de minutes, les Dunlendings les forçant à accélérer la cadence malgré leurs blessures. Visiblement, ils étaient pressés de quitter les lieux. Kryss de son côté n’avait pas la tâche facile, les liens étaient épais et les pillards l’observaient de près. Bientôt le groupe arriva au sommet d’une petite colline et les hommes se mirent à pousser des cris de joie et diverses exclamations. Eopren et Kryss ne tardèrent pas à arriver à leur niveau et purent enfin voir le triste spectacle qui se jouait en contrebas, source de la joie de leurs ennemis.

“Par la Barbe du vieux Polias…Qu’est-ce que…”


Pour l’une des seules fois de sa vie, Eopren était à court de mot pour décrire ce qu’il voyait.

A une centaine de mètres de là, une longue colonne humaine défilait lentement, prenant la direction de l’Ouest et de la Trouée du Rohan. Encadrés par une centaine de Dunlendings armés et montés dans certains cas, se trouvaient des dizaines de pauvres gens forcés de marcher sous la menace des lances et des bâtons. Vieillards, femmes, enfants ; tous les habitants du village qui avaient survécu à l’attaque et mystérieusement disparu se trouvaient là, otages de la horde qui avait fondu sur eux au milieu de la nuit. Un masque de tristesse et de résignation sur tous leurs visages, les traces d’abus et de violences sur leurs corps éprouvés.

Que s’était-il passé ? Les Dunlendings étaient connus pour piller, tuer, violer. Les rohirrim les avaient toujours considérés comme des sauvages en quête de richesses faciles et d’affrontements violents. Massacrer tous les habitants aurait mieux correspondu à leurs pratiques. Les capturer vivant et les déplacer, voilà une pratique bien plus inhabituelle qui témoignait d’un objectif différent.

Le cavalier jaugea le reste des sauvageons, si échapper à la vingtaine d’hommes qui les avaient initialement capturés était une tâche ambitieuse ; devoir fuir près d’une centaine de guerriers de la sorte relevait de l’impossible.

“P’tite Pousse…Si tu veux tenter quelque chose, c’est maintenant ou jamais…”
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 20 Avr 2024 - 23:10




Les sauvages avaient fondu sur eux en l’espace de quelques secondes. Eopren songea qu’ils auraient très bien pu les achever plus aisément de quelques traits tant lui et Kryss représentaient des cibles faciles au vu de leur état. Il peut d’ailleurs remarquer que les Dunlendings qui lui faisaient face ne semblaient pas vouloir frapper pour le tuer mais simplement pour le neutraliser. Une attitude bien inhabituelle de la part de ce peuple qui, d’ordinaire ne laissaient que mort et désolation derrière eux lors de leurs opérations de pillage. L’une des silhouettes qui était restée en retrait avait aboyé des ordres dans leur langage juste avant qu’ils ne chargent.

Son premier adversaire avait probablement sous-estimé le vieux soldat blessé qui l’accueillit d’un formidable coup d’estoc que l’assaillant évita de justesse en bondissant en direction d’Eopren. Le coup de tête, cependant, fit mouche et l’homme tituba en arrière, légèrement sonné. La manœuvre arracha un cri de douleur au rohirrim qui tenait à peine sur ses jambes. Cela, un deuxième Dunlending l’avait bien compris et se contenta de le balayer avec sa lance. Le cavalier chuta lourdement au sol et la pointe d’une épée vint se poser sur son torse, empêchant toute tentative de se relever. De toute façon, il n’en avait plus la force.

Il cracha au sol et provoqua son adversaire.

“Allez salopard achève-moi !”


Toutefois, à la grande surprise d’Eopren, les Dunlendings ne semblaient plus animer par la rage meurtrière qu’ils avaient démontrés la nuit passée. Son adversaire direct déposa la pointe de son arme sur la gorge du rohirrim et prit le temps d’examiner ce dernier de la tête aux pieds, un air curieux sur le visage. La longue cape, autrefois verte émeraude mais désormais teintée de boue et de sang, avait capté son attention. L’assaillant se retourna vers celui qui semblait commander leur groupe et prit la parole dans la langue aux sonorités gutturales parlée par les tribus peuplant le Pays de Dun. Le vieux cavalier se maudit intérieurement de ne pas avoir mieux appris ce langage que sa regrettée mère maîtrisait parfaitement. En pleine possession de ses moyens, il aurait sûrement été capable de capter quelques mots et d’en déduire la teneur de la conversation ; mais, au bord de l’inconscience, cela lui était devenu impossible.

Le chef de la bande s’avança vers eux. Malgré sa taille relativement modeste en comparaison à ses congénères, une puissance brute se dégageait de cet homme. Trapu et imposant, la fourrure qu’il portait avait été découpé de manière à ce que les muscles saillants de ses bras soient mis en évidence. Son crâne rasé était bardé d’étranges cicatrices et son oreille gauche était percée par de multiples petits anneaux dorés qui avaient été soigneusement disposés tout autour du lobe. Il s’approcha et examina les vêtements du garde royale, une fraction de secondes plus tard, il fit un signe à ses hommes qui s’empressèrent de relever Eopren par les épaules pour le traîner à l’écart.

L’attention du Dunlending se porta ensuite sur Kryss. La jeune femme avait également été immobilisée par ses guerriers, une lame placée sur sa gorge frêle l’empêchait d’esquisser le moindre mouvement sous peine de se trancher la carotide. Il s’approcha de l’ancienne Ombre et s’accroupit devant elle. Il passa une main rugueuse sur la joue de la jeune femme et s’exprima, cette fois-ci dans un Commun rehaussé d’un fort accent.

“Eh bien alors ma belle…on s’est perdu ?”


Il fit signe à son subordonné de relever sa lame, libérant Kryss de la menace directe qui pesait sur elle. Leurs visages n’étaient séparés que de quelques centimètres ; elle pouvait distinguer tous les détails de ses curieux yeux jaunes.

“T’as perdu ta langue ? Faut pas avoir peur tu sais…Je ne vais pas te tuer…”

Un sourire carnassier révéla ses dents rongées par le scorbut.

“Mais bientôt, quand tu seras entre les mains de mes hommes, tu regretteras certainement que je ne l’ai pas fait.”

Le Dunlending se redressa et aboya de nouveaux ordres dans son idiome ; les autres semblèrent s’exécuter immédiatement et relevèrent de force leurs deux prisonniers avant de se mettre en mouvement. Visiblement, ils ne désiraient pas traîner ici. La fumée des incendies avait potentiellement attiré l’attention d’une éored qui patrouillait dans la région. Leur petit groupe était resté au sein du village après l’assaut de la veille mais le gros des assaillants avait déjà quitté les lieux avec leur précieux butin depuis un long moment.

On avait également mis la main sur Dana et Cendre, visiblement les deux montures feraient également partie du voyage.

Sa jambe blessée étant encore bien trop instable pour soutenir son poids, Eopren rechuta au sol après avoir effectué quelques pas sous les moqueries de ses ravisseurs. Le vétéran ne se laissa pas démonter pour autant et réclama à grands cris son bâton de marche qu’il avait ramassé un peu plus tôt. Le Chauve aux yeux jaunes fit signe à l’un des pillards de ramener le précieux objet. Puis, il fit tourner le bout de bois entre ses doigts en s’approchant du cavalier et le lui tendit.

Eopren leva le bras pour récupérer sa béquille de fortune mais, au dernier moment, l’homme la retira et l’utilisa pour le frapper violemment sur le visage puis au dos. Le vétéran cria de douleur et s’affala à nouveau au milieu de la boue, encore une fois sous les rires et les acclamations du groupe.

Le Chauve cracha sur sa victime et cria :

“Sale Forgoil ! Tu ne peux rien demander ! Rien ! Maintenant, marche !”

Kryss, elle, était parvenue à avancer jusqu’au niveau de son compagnon d’infortune. Celui-ci pour la deuxième fois l’implora du regard. Elle était encore considérablement affaiblie. Pouvait-elle trouver la ressource pour aider Eopren à avancer ?

Celui-ci lui souffla :

“Kryss…Dis quelque chose bordel…”


Au fond, à quoi bon continuer à lutter pour avancer quand la destination était si peu enviable ?
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 31 Mar 2024 - 22:11



Eopren, affalé sur le dos de Cendre, suivait lentement Kryss. Sa jambe le tançait encore brutalement et sa tête semblait sur le point d’exploser. La douleur lancinante lui donnait le vertige et pus d’une fois, il manqua de peu de tomber de selle, se rattrapant in extremis à l’encolure de sa monture. Devant lui, la jeune femme semblait avoir les idées un peu plus claires quant à la marche à suivre. Il se surprit à sourire en l’observant. Sans elle, il se serait sans aucun doute laissé mourir dans cette clairière. Peut-être que leurs chemins ne s’étaient pas croisés de manière si aléatoires…Peut-être que la destinée les avait placés l’un face à l’autre au moment où ils en avaient le plus besoin ; deux âmes que tout opposait mais que tant rapprochait. Sa regrettée mère lui avait si souvent répété ses théories sur l’univers et ses plans que nul ne pouvait prédire. Il avait toujours refusé de la croire, se réfugiant dans son cynisme et son nihilisme. Mais la proximité de la mort pouvait ramollir les convictions des hommes les plus butés.  Et si… Et si sa vieille n’avait pas eu raison pendant tout ce temps.

Le vétéran finit par se rendre compte qu’ils prenaient la direction du village incendié qu’ils avaient fui la veille. Osé mais pas foncièrement idiot. Le calme semblait revenu après le massacre de la veille. En revenant ainsi sur leurs pas, ils pourraient potentiellement retrouver leur chemin et se réapprovisionner avec ce que les sauvages avaient laissés derrière eux.

À mesure qu’ils approchaient, le cauchemar de la nuit passée revint les frapper à pleine figure. L’odeur d’abord lui provoqua un haut-le-coeur. Le bois calciné, les champs carbonisés, la chair consumée. Le feu s’étaient éteint mais une épaisse fumée noire s’échappait encore en de larges volutes sombres de certaines maisonnées. Un goût de cendres amer leur emplit la gorge et leurs yeux se mirent à piquer. Là n’était que le début du spectacle massacre.

Au sein du village, pas âme qui vive.

Tout ce qui restait, hormis les ruines, avait été égorgés, éventré, étripé. Les corps humains et animaux gisaient çà et là, flottant dans la boue et le sang fraîchement séché. Ils progressèrent ainsi quelques minutes dans les ruelles de ce qui fut un village plein de vie; sans un mot. Eopren était passé par de nombreux champs de bataille, avait vu des centaines de corps sans vie. Jamais encore, cependant, n’avait-il été témoin d’un tel massacre.

Avec un grognement, il mit pied à terre ; et tâchant de ne pas jeter un regard en direction du cadavre de la paysanne qui reposait à ses pieds, il pénétra à l’intérieur d’une ferme que les flammes avaient épargné. Eopren en ressortit quelques minutes plus tard, une miche de pain sous le bras ; une outre de vin dans l’autre. L’homme haussa les épaules face au regard de la jeune femme.

“T’façon ça n’va pas leur servir à grand-chose. Autant le bouffer.”


Il croqua allègrement dans le pain de campagne avant d’en proposer un morceau à Kryss.

“T’en veux ?”

Conscient de leur situation précaire, les deux voyageurs se mirent ensuite en quête d’autres victuailles pour la suite de leur voyage. Ils cherchèrent à regagner la bâtisse dans laquelle ils avaient cru pouvoir passer une nuit confortable ; leurs effets personnels s’y trouvaient encore peut-être. Ayant laissé leurs chevaux un peu plus loin, ils progressaient lentement ; Eopren s’appuyait sur un grand bâton qu’il avait trouvé au sol pour avancer péniblement.

“Y’a un truc qui me chiffonne.”


Ils avaient enfin repéré la ferme en question et s’y dirigeaient en contournant un autre amas de cadavres qui se trouvait sur leur route. Eopren semblait perplexe.

“Tous ces corps…y’en a pas assez…Ils ont pas tué tout le monde, pourtant pas la moindre trace de survivants…Où sont-ils tous passés ?”

Le bruit du bois craquant sous le pied se fit entendre. Le rohirrim se tourna en direction de Kryss.

“C’était toi ça ?”


Les deux vagabonds s’immobilisèrent, tous leur sens en alerte.

Un autre craquement.

“Merde…On n’est pas seuls! Cours ! Vite !”

Le sifflement d’une lance fendit l’air. La pointe de l’arme vint frôler l’oreille de la jeune femme. Des hurlements de loups tout autour d’eux. Bientôt la meute entière fondait sur eux. Invisibles jusque-là, elles avait surgi des décombres d’un coup.

Les Dunlendings leur avaient tendu un piège et leurs options étaient désormais plus que limitées.
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 9 Mar 2024 - 12:13


La gifle avait été sèche et violente. Un brutal rappel à l’ordre. Surpris, Eopren s’arrêta net dans sa litanie, ouvrant grand les yeux. Ses pupilles, d’un vert émeraude tranchait avec le teint sale et la barbe sombre du vétéran. Dernière trace d’une peinture colorée sur le flanc d’une vieille épave. Un long moment de silence s’installa entre les deux compagnons de route. Il la fixait intensément, dans un mélange de colère et d’incompréhension. Le Rohirrim ne s’était jamais montré violent à l’égard de la jeune femme depuis le début de leur périple; mais on devinait aisément qu’il était un homme instable et parfois brutal. Allait-il répliquer? Lever la main? Ou se contenter de l’insulter?

Le temps resta suspendu pendant quelques secondes. Les deux partenaires s’observant sans un mot. Puis une petite lueur apparut au fond du regard du plus âgé. Lentement, ses traits émaciés s’étirèrent pour former un sourire.

Eopren éclata de rire.

Un rire sincère et à la fois étrange. La claque qu’il avait reçue avait été si improbable, si inattendue qu’il ne voyait pas d’autre façon de réagir.

“Ok…ok. J’imagine que je l’ai bien méritée celle-là…”


L’homme se massa vigoureusement sa joue rougie par l’impact. La vagabonde n’avait pas fait semblant et c’était toute la mâchoire inférieure du soldat qui le faisait souffrir.

Décidément, Kryss avait du cran; et, malgré ses tendances dépressives à peine voilées depuis leur rencontre, elle n’avait pas encore lâché prise. S’accrochant ainsi à la vie, refusant de mourir ici, dans le froid au milieu de nulle part, sans avoir lutter.

Il fut un temps, jadis, Eopren aurait agi de même.

Le vieux guerrier se redressa légèrement avec une grimace de douleur, mais toujours le même sourire en coin.

“Alors P’tite Pousse, dis-moi. C’est quoi le plan?”

Cette fois-ci, Kryss menait la danse.
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 27 Fév 2024 - 19:37



Eopren suivit Kryss du regard, l’observant s’éloigner lentement sous la lueur faible des premières heures du jour. Adossé sur une large pierre, il chercha à se positionner de façon plus confortable, ce qui ne fit qu’aggraver la douleur dans sa jambe. Désabusé, il se contenta de serrer les dents, les yeux clos, jusqu’au retour de sa camarade qui n’était pas revenue les mains vide.

La jeune femme était parvenue à trouver de l’eau et lui tendit une gourde à moitié remplie, l’invitant à se désaltérer. Il la remercia d’un geste de la tête et plongea le goulot dans son gosier. Le liquide avait un goût terreux et désagréable, sûrement de l’eau de pluie récoltée dans des crevasses. Cela était cependant suffisant pour atténuer les effluves de cendres qui le prenait à la gorge depuis le début des incendies. Kryss s’était également bricolé une sorte d’attelle à l’aide de deux bouts de bois afin de stabiliser son bras meurtri.

“Tu lâches rien P’tite Pousse, ça j’te l’accorde.”

Face à la perspective d’une mort probable, la jeune femme faisait preuve d’une détermination bluffante, allant puiser dans ses dernières ressources pour trouver de quoi boire et se soigner. Continuer à lutter même quand le combat semblait fini. Une qualité qui lui rappelait vaguement une vieille connaissance. Un sourire triste apparut sur le visage du vétéran. Une telle hardiesse qui n’était parfois qu’un moyen de se voiler les faces.

“Et ensuite, c’est quoi l’programme? Si tu comptes sur moi pour t’le donner, tu t’fourres le doigt dans l’œil…”

Au loin, des clameurs se firent entendre, non loin du hameau de fermiers dorénavant complètement consumé. Une épaisse fumée noire s’en échappait sous la forme de grandes volutes qui s’élevaient doucement vers le ciel encore sombre.

“Tu veux tenter ta chance et galoper à travers champs? Combien de temps tu penses tenir avant de finir avec une flèche dans la tête? Ou simplement cramée?

Il baissa lentement les yeux.

“Parfois…l’histoire n’a pas de fin heureuse. Les soldats, les guerriers, les glorieux assassins s’imaginent tous qu’il y a forcément une solution. Après tout, ils sont héros de leur propre histoire, et celle-ci ne saurait s’arrêter avant qu’ils n’accomplissent leur destin…”


Eopren fut alors secoué d’une violente quinte de toux. Le guerrier se pencha sur le côté pour cracher les glaires qui étaient remontées jusqu’à ses lèvres.

Il reprit un ton plus haut, presque en colère.

“Mais peut-être! PEUT-ÊTRE …il est plus sage d’accepter que nous ne sommes que des personnages secondaires. Destinés à être sacrifié à la première péripétie…”

L’homme reporta son regard sur Kryss, une tristesse immense et ancienne dans ses yeux noirs.

“Inutile d’être un génie pour comprendre que nous ne sommes pas les héros de cette histoire, Kryss.”
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 11 Fév 2024 - 18:06

Une douleur atroce, la prise ferme de Kryss, une cavalcade effrénée, quelques jurons prononcés.

Voilà, peu ou prou, tout ce dont se souvenait Eopren de leur fuite du village incendié. Tout s’était déroulé si rapidement: l’embuscade, la lance se fichant dans sa jambe. La colère qu’il avait ressentie quand il avait vu Kryss s’éloigner, lui tournant le dos. Puis du soulagement quand elle était finalement revenue avec les deux montures. Elle ne l’avait pas ménagée, lui retirant d’un coup sec l’arme fichée dans sa cuisse et le poussant violemment contre l’encolure de sa jument. Plus par réflexe que par véritable mouvement rationnel, il s’était laborieusement hissé sur la selle avant de quitter les lieux du crime au triple galop.

Derrière eux, les cris de désespoir des villageois que l’on passait au fil de l’épée les poursuivirent pendant longtemps.

Après une interminable cavalcade, alors que les fermes brûlaient encore au loin, Kryss chuta.



-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


La jeune femme se réveilla, en position allongée sur le dos, la tête posée sur un bissac en cuir.  À l’est les premiers rayons de soleil commençaient lentement à révéler les verts pâturages du Riddermark.

Les deux chevaux broutaient paisiblement à quelques mètres de loin, agitant leurs queues d’un air satisfait. Eopren se trouvait également non loin, adossé contre une pierre. Celui-ci les avait menés vers une sorte d’amas rocheux qui pouvait faire office de cachette de fortune. Ainsi, ils ne seraient pas instantanément repérés par des voyageurs parcourant les plaines de l’Ouestfolde.

“Ah, le réveil de la guerrière!”
Fit Eopren d’un ton qui se voulait jovial mais qui sonnait bien désabusé. “J’savais pas qu’t’étais aussi doué pour crever des sauvages; malheureusement on va en garder des traces.”

Son regard se porta sur sa jambe blessée. Il y avait serré un bandage de fortune, déjà taché de sang. En passant sa main sur son abdomen, Kryss put remarquer qu’il en avait fait de même avec la blessure qu’elle avait subie au flanc.

“J’avais pas de quoi t’recoudre, tu m’excuseras. Après la coupure était large mais pas si profonde. Et pis j’ai fini tout mon eau-de-vie pour la nettoyer…”


Il agita son outre vide au-dessus du sol, un air dépité sur le visage.

“Avec un peu de chance on mourra pas forcément d’ces blessure vu que quelque chose nous tuera sûrement avant.”

Le guerrier chercha à se redresser et se lever mais, incapable de s’appuyer sur sa jambe meurtrie il abandonna.

J’peux à peine marcher. Plus rien à boire, pas d’bouffe. Et surtout, pas la foutre idée d’où on est.”

Eopren se passa une main dans ses cheveux, quand il la retira, ses doigts étaient couverts de cendres. L’odeur du bois calciné était restée sur leurs vêtements.

“On peut tenter de galoper à toute allure vers le Nord, gagner les Gués de l’Isen et se diriger vers Isengard. Je pense que c’est notre meilleure chance. Mais si les Dunlendings se sont vraiment enfoncés si loin dans les terres…eh bien on pourrait bien les recroiser. Et puis j’ai aucune idée de la distance à couvrir, on s’ra sûrement mort de soif ou d’épuisement avant ça.”

Son regard se porta à l’est, le soleil avait désormais bien entamé son ascension, illuminant les terres dans ce qui s’annonçait être une belle journée de printemps.

“On peut aussi tenter de rebrousser chemin, chercher refuge à Fort-le-Cor. Mais c’est loin.”

Le vétéran se laissa finalement retomber, posant lourdement sa tête contre le rocher qui le soutenait. Un sourire triste sur le visage.

“Ou alors on reste ici, pour mourir en paix…”


Et, au vu de son état, cette dernière option n’était pas celle qui lui déplaisait le plus. Après tout, il n'avait jamais été un grand survivant.
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 20 Déc 2023 - 18:38




Le goût de cette curieuse boisson était pour le moins intrigant. Une saveur astringente héritée de la racine écrasée utilisée dans la préparation couplée à une acidité qui titillait agréablement le palais. Erlin lui avait conseillé d’adoucir l’infusion en y plongeant une cuillère de miel local, ce qui avait le mérite de rendre le goût plus abordable pour un novice. Cela changeait de l’eau-de-vie que le vétéran transportait dans sa flasque désormais vide; et ce n’était pas un tisane qui remplacerait l’étreinte envoûtante l’alcool qui enveloppait d’ordinaire son esprit. Mais, faute de mieux, cela se buvait.

“Alors ?” S’enquit le maître des lieux.
“Surprenant mais pas désagréable.” Lui répondit le soldat d’une voix qui se voulait la plus basse possible.

La maison de leurs hôtes était désormais bien calme, Helga était montée à l’étage pour y coucher la benjamine de la famille, tandis que Leo s’était retranché dans sa chambre. Tout annonçait une nouvelle nuit paisible dans ce village de l’Ouestfolde.  Eopren avait déposé ses effets dans la petite chambre à l’étage dans laquelle se trouvaient deux couchages, pour lui et sa prétendue fille. Il s’était ensuite retiré pour profiter encore quelques minutes de la chaleur du feu qui brûlait encore dans la pièce à vivre, laissant à Kryss un peu d’intimité. Il observait d’un regard triste les flammes qui dansaient devant lui et les braises qui se consumaient lentement. Le vétéran ferma les paupières un instant. Les mêmes images revenaient toujours à son esprit. Le feu qui anéantissait tout sur son passage. Les cris de détresse des innocents pris au piège. L’odeur âcre du bois brûlé qui se mêlait à celle de la chair calcinée.

Il tressaillit. Ses bras fut secoué de tremblements soudains qu’il s’efforçait de contrôler en serrant fort les appuie-bras de son fauteuil de bois, pour ne pas effrayer son hôte. La voix distante d’Erlin le tira finalement de ces visions du passé et il rouvrit finalement les yeux.

“Je peux vous poser une question indiscrète messire ?”


D’un geste de la tête, le soldat l’invita à poursuivre.

“Les colporteurs et marchands de passage parlent d’une menace qui grandit à l’Est du Royaume, de spectres mangeurs d’hommes, des Dwimmen. C’est vrai tout ça ?”

Eopren acquiesça silencieusement, avant de reprendre une gorgée de la boisson encore chaude. Erlin l’observait avec un air interdit. Le monde du fermier venait sûrement de s’effondrer. Les plaies de la guerre civile n’étaient pas encore cicatrisées, les effets du Rude Hiver et les ravages de la sécheresse qui avait suivi se faisaient encore sentir. Depuis quelques semaines, ils commençaient seulement à sortir la tête de l’eau et entrevoir un avenir plus radieux et voilà qu’on lui confirmait, très calmement, l’existence d’une nouvelle menace. Saisissant son inquiétude, le vétéran chercha à le réconforter.

“Mais ne vous en faîtes pas. Ils sont loin et nos troupes vont les écrabouiller avant qu’ils ne franchissent le Snowbourn.”

Erlin fronça les sourcils, visiblement circonspect.

“Ces troupes, vous ne devriez pas en faire partie ?”

Pris de court, Eopren ne sut quoi répondre. La cape verte de la Garde Royale qu’il portait fièrement était l’assurance de voir de nombreuses portes s’ouvrir mais il avait sous-estimé le fait qu’elle ferait se lever de nouveaux sourcils. Que faisait donc un membre d’une telle unité d’élite si loin du front et du Vice-Roi qu’il était censé protéger.

“Vous fuyez n’est-ce pas ?”
Poursuivit Erlin, une pointe d’accusation dans la voix.

Un sentiment inhabituel gagna le cœur du guerrier. Il avait rarement eu honte au cours de sa vie. Toutes ses combines, ses mensonges et petites ristournes ; il n’en regrettait rien. Pourtant, quelques jours plus tôt il était allé bien plus loin en tournant sciemment le dos à sa patrie, plus menacée que jamais.

“Non” Mentit-il. “J’fuis pas, je vais simplement mettre ma fille unique à l’abri. Puis j’repartirai au front. Vous êtes un père vous aussi, vous devriez comprendre.”

Habile, Eopren était parvenu à se ressaisir et inverser la dynamique de la discussion. C’était désormais au tour d’Erlin de se montrer gêné. Il balbutia quelques excuses mais le vétéran décida d’enfoncer le clou afin de clore définitivement le sujet.

“Helen est tout ce qui me reste en ce monde. Sa mère est morte en donnant naissance à son frère. Ni lui, ni elle, n’aura survécu à cette terrible nuit.
-Je suis désolé. Je n’aurais pas dû…
-Ce n’est rien.”


Les deux hommes restèrent assis un moment en silence, contemplant les dernières bûches de bois se noircir et craqueler au contact des flammes. Erlin proposa alors à son invité une autre tasse d’infusion, ce dernier accepta volontiers.

“Ah mince ! Il ne reste presque plus d’eau.”
Déplora l’homme qui s’était rendu dans la cuisine. “Les petits ont besoin de boire au réveil.”

Il saisit son veston qui traînait sur la table.

“Ça vous dérange de m’accompagner au puits ? Ensemble on pourra ramener plus de seaux et y’aura assez pour tout le monde demain.”


Eopren se leva, quelque peu contrarié d’avoir à quitter le confort de la demeure chauffée mais il ne voulait pas contrarier son hôte, surtout après la discussion qu’ils venaient d’avoir.

“Je vous suis.”

Les deux hommes sortirent de la maison. La nuit était sombre. La lune était désormais totalement couverte d’épais nuages et le vent froid avait gagné en intensité. Ils marchèrent de longues minutes dans les rues du hameau. La plupart des demeures avaient été construites sans réel ordre établi, disséminées à travers le village de façon anarchique, au bon vouloir de leurs occupants. En cette heure tardive, bien peu de lumières étaient encore allumées.

Un calme absolu régnait.

Au loin, un essaim d’oiseaux prit son envol. Le bruissement de leurs ailes vint chatouiller leurs oreilles.

Une brindille craqua sous la botte du guerrier du Rohan.

Le large puits de pierre trônait au centre de la plus grande place du village. Au sein des capitales, on érigeait de titanesques monuments autour desquelles la population pouvait se rassembler ; ici, un simple puits remplissait cette fonction en jouant un rôle vital pour des dizaines de familles.  A l’aide de la corde, Erlin fit descendre lentement le baquet de bois jusqu’à la source qui se trouvait des dizaines de mètres sous leurs pieds. Avec l’aide de son invité, ils le firent remonter. Le récipient était désormais rempli de plusieurs dizaines de litres. En voulant le déposer sur le rebord pour en transvaser le contenu, Eopren glissa légèrement et le seau bascula vers le sol. Son contenu se déversa, rendant la terre sous leurs pieds boueuse et humide.  Un fracas retentissant et pour le moins étrange accompagna la chute de l’objet.


“Oh merde !”
Jura Eopren qui se baissa instantanément pour récupérer le seau. Allez Erlin, venez m’aider.”

Aucune réponse. Le vétéran insista :

Erlin ?”

Toujours rien. Si ce n’est une nouvelle déflagration puissante, pourtant, cette fois rien n’était tombé. Alerté, Eopren se tourna vers son compagnon. Ce dernier, en état de choc, avait lâché ses ustensiles et observait d’un regard vitreux le spectacle qui semblait se jouer à l’autre bout du village.

La vision d’Eopren reprit vie.

L’odeur de l’incendie le gagnait à nouveau.

Des flammes s’élevaient encore sous ses yeux ébahis.

Et ces cris, toujours ces mêmes cris.

Cette fois, tout cela semblait bien réel.

Seuls deux mots parvinrent à sortir de la bouche du rohir:

“Oh merde…”




--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


Malgré toutes ses sombres pensées, Kryss; blottie sous sa couverture, avait fini par trouver un sommeil agité. Il fallait dire que l’épuisement de ces longues heures de voyages passées en selle ou à dormir à même le sol se faisait sentir. Le confort d’un véritable lit était un luxe dont elle ignorait la prochaine occurrence.

Le premier grondement de tonnerre ne fut pas assez tonitruant pour la tirer de ses rêves.

Le second, plus proche, la réveilla.

L’hiver avait été relativement clément depuis le début de leur périple, les zones enneigées limitées et le temps plutôt tranquille. L’orage était enfin arrivé.

Pourtant, à travers la petite fenêtre, il n’y avait pas l’ombre d’un éclair ni même la trace d’une petite goutte d’eau. Une tempête d’un genre bien étrange.

Il y eut un troisième bruit de fracas, cette fois beaucoup plus puissant. Le plancher sous ses pieds se mit à trembler bientôt suivi de cris d’effroi au rez-de-chaussée. Alertée, Kryss, encore vêtue de ses habits de nuit, bondit hors de son lit et put remarquer que le lit d’Eopren était vide.

Elle s’approcha de l’entrée de la chambre pour observer ce qui se passait par l'entrebâillement de la porte. En contrebas, elle distingua d’abord distinctement le visage de Helga, figé dans une expression d’effroi. L’ancienne assassine entrouvrit la porte pour élargir son champ de vision. Le corps de la mère de famille gisait au sol au milieu d’une flaque de sang, éventrée sans ménagement. Dans un coin de la salle de vie, qui s'apparente désormais plus à une salle de mort, l’aîné de la famille Leo, tentait de protéger sa petite sœur, réfugiée derrière lui. Le brave adolescent faisait tournoyer un long bâton dans l’espoir vain de tenir à distance un assaillant dont Kryss ne pouvait voir que les peaux de bêtes qui le recouvraient et la pointe ensanglantée de la lance qu’il tenait fermement. Pas de traces du vieux vétéran de la Garde, ni du père de famille. Un coup d'œil en direction de l’autre bout de la porte lui indiqua que la porte avait été enfoncée, lui offrant une sortie facile vers les écuries et fuir sur le dos de Dana, loin du danger.

Sa dague déposée sur un meuble près du lit était à portée de main.

Porter secours aux deux enfants en détresse ou fuir, seule. Seule, comme elle l’avait toujours été.

Quelque soit son choix ; elle devait agir vite au risque de voir ces deux opportunités se refermer pour de bon.
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 9 Déc 2023 - 12:01





La nuit rohirrim était bien fraîche. Depuis le coucher du soleil, les températures avaient fortement chuté et un fort vent d’ouest s’engouffrait entre les petites maisons du village agricole. Dehors, la lueur blafarde de la pleine lune était troublée par un voile de sombres nuages qui semblaient progresser au-dessus du Riddermark. Ainsi prostrée dans l’étable, auprès de  la présence rassurante de sa fidèle monture, Kryss Ganaël devait sans doute regretter de ne pas avoir songé à prendre au moins une petite couverture avec elle avant de quitter la salle à manger de la famille qui les avait généreusement accueilli. Toute personne socialement constituée aurait sans doute songé à retourner là-bas, présenter ses plus plates excuses pour la gêne occasionnée et chercher à se réchauffer auprès du feu de cheminée. De toute évidence, l’ancienne membre des Ombres n’appartenait pas à cette catégorie.

Ne trouvant pas le sommeil, elle se contenta d’observer silencieusement les rares allées et venues en cette heure tardive. Parfois un chat sauvage ou rongeur passait furtivement devant elle, en quête d’un maigre dîner.

Au bout de quelques dizaines minutes elle put entendre la démarche balourde d’Eopren qui se dirigeait vers l’étable. Il avait meilleure mine. Quelques heures plus tôt, ses cheveux gras et poisseux encadraient un visage marqué. L’homme n’avait pas subitement rajeuni en l’espace de quelques heures et ses traits portaient encore les stigmates de ses expériences passées mais il affichait désormais une expression satisfaite. A en juger par l’odeur moins désagréable qui se dégageait de lui, il s’était sommairement lavé et avait attaché ses cheveux à l’arrière de son crâne. Donnant un semblant d’aperçu du brave cavalier qu’il fut peut-être jadis. Le vétéran avait ramené avec lui plusieurs quartiers de pommes qui faisaient guise de dessert après son copieux dîner. Là encore, un contraste intéressant pour cet homme qui se trouvait bien plus souvent avec une flasque d’alcool  qu’un fruit à la main.

Il s’approcha de la jeune femme et lui tendit un morceau:

“T’en veux?”
Fit-il avec un brin de malice, conscient de perpétuer le petit rituel qui s’était installé entre eux deux.

Le soldat s’installa ensuite sur un tas de paille, à proximité de Kryss sans pour autant s’en approcher de trop près et empiété sur son intimité. La jeune femme pouvait dresser une longue liste de défauts de son compagnon, mais les regards et gestes déplacés envers elle n’en faisaient définitivement partie. Ils n’échangèrent pas un mot pendant un long moment, observant ensemble le silencieux tableau de la vie nocturne de ce hameau. Puis, sans aucune raison apparente, Eopren éclata de rire.


“La mystérieuse et téméraire Kryss, mise en déroute par une gamine de quatre ans.”


Il lui lança un regard taquin mais se doutait bien qu’elle ne le lui rendrait pas. Cela ne l’arrêta pas pour autant.


“Mais j’te comprends, les marmots ça peut être terrifiant. Comme ma vieille mère le disait toujours, les p’tites pousses ne bouffent pas les grandes.”


Il eut alors un sourire à la fois triste et joyeux à l’évocation de celle qu’il avait cherché à protéger depuis de si longues années. Celle-qui avait été la seule raison de son service et de toutes ses actions ces dernières années. Depuis sa mort, il s’était retrouvé sans but, prêt à tout reprendre à zéro. Tout comme Kryss. Le destin avait-il placé ces deux âmes sur le même chemin? Ces deux vagabonds errant sur les sentiers douloureux de la vie, en quête de sens. Était-ce pour cela qu’ils avaient choisi de faire route ensemble, malgré leurs différences? Quitte à ne pas connaître sa destination, autant partager le périple avec un voyageur au plan similaire.

“T’sais Kryss. La vie est une pute et le monde est horrible. Ne le rends pas plus dur pour toi qu’il ne l’est déjà.”

Eopren n’était pas un idéaliste, ni un franc optimiste. Cela faisait des années qu’il avait saisi tout le cynisme qui gangrénait le cœur des hommes, et qu’il s’évertuait à en tirer profit. Cela avait quelque chose de désespérant mais le vétéran avait décidé que s’en plaindre n'arrangeait rien, il valait mieux l’accepter.

“La plupart des gens que tu croiseras voudront abuser de toi, ou alors te planter un poignard dans le dos. Ou les deux. Mais parfois, parfois, des salauds comme toi et moi croisent des gens bons. Qui ne cherchent qu’à vivre sereinement.”


Eopren n’était pas un homme qui accordait aisément sa confiance, à vrai dire il n’était un homme de confiance non plus. Sa réputation d’escroc et de magouilleur avaient fini par avoir eu raison de la patience de ses officiers, en particulier depuis l’exil de celui qui avait toujours cherché à le couvrir. Il avait parfois été trahi, il avait souvent trahi. Telle était la vie qu’il avait choisi de mener. Jamais, pourtant, n’avait-il perdu de vue que certains pouvaient choisir une autre voie.

Kryss, tu m’excuseras de penser que t’es pas franchement une personne fréquentable. Une jeune fille asociale, sachant se battre, seule sur les routes du Riddermark. Faut pas être érudit pour comprendre que quelque chose à mal tourné. Mais j’te juge pas. Et j'te demanderais jamais comment t'es arrivé là. J’ai aussi fait des choses terribles dont j'veux jamais parler.”


Instinctivement il porta sa main à la poche de son veston, là où il cachait habituellement sa flasque d’eau-de-vie, mais il n’y avait rien. Il l’avait laissé dans sa chambre; il croqua dans un quartier de pomme.


“Nos défauts, nos horreurs, elles nous suivront jusque dans notre tombe. Mais cela ne nous empêche pas d’adoucir tout cela avec des souvenirs plus doux.”



Il se redressa alors et tendit sa main vers la jeune femme, l’invitant elle aussi à se lever.


“Allez arrête de pleurnicher et viens. Des draps propres et une chaude couverture t’attendent.”
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 22 Nov 2023 - 22:57





Le paysan hésita quelques secondes, cherchant à répondre du mieux possible à la question de la voyageuse qui réclamait déjà son salaire. Visiblement déçu de constater que l’entraide n’était plus une vertu à la mode sur les routes du Rohan,en particulier quand l’un de ces voyageurs en question représentaient l’autorité de la Couronne. Ainsi, il bafouilla en se tortillant les mains:

“Eh bien… c’est que nous n’avons pas grand chose à vous offrir. Ma femme prépare en ce moment même un repas chaud et nous avons bien une chambre de libre, si vous désirez dormir sous un toit ce soir…ce serait avec plaisir.”

Eopren releva immédiatement la tête en entendant cette proposition. Son dos le faisait souffrir depuis de longues heures et son estomac commençait à manifester son mécontentement face au rationnement des provisions auquel il s’était astreint jusque là. La perspective d’un repas chaud et d’un lit de paille était des plus séduisante à ses yeux.

“Cela fera l’affaire mon cher! Allons , ne laissons pas le dîner refroidir et au boulot!”

Le vétéran mit pied à terre avec une grâce toute relative et se mit à décharger le contenu du chariot, bientôt imité par le père et son fils, ainsi que par Kryss qui se décida à se joindre au labeur. Le jeune adolescent se saisit alors de leur roue de secours et se positionna près de la partie qui avait été endommagé, prêt à effectuer le remplacement quand ses partenaires seraient prêts. Ces derniers se positionnèrent du côté droit du fourgon, le paysan compta jusqu’à trois et ils soulevèrent la voiture. Ensemble, le poids n’était pas insoutenable et ils purent maintenir cette position pendant plusieurs minutes, assez pour permettre la réparation. Avec un grognement, Eopren lâcha progressivement sa prise, accompagnant l’attelage au sol. Il se redressa, en écartant une mèche pleine de sueur, un air satisfait sur le visage.

“Et v’là le travail! Vite fait, bien fait!”

Le fermier lui serra vigoureusement la main, visiblement reconnaissant de l’aide qu’ils leur avaient apportée.

“Merci infiniment Messire. Si vous le voulez bien, notre village se trouve à moins de deux heures de voyage, vous accueillir sous notre toit serait un honneur. Leo, va atteler les mules!”

Le jeune garçon s’exécuta.

“Je suis Erlin.
-Bien enchanté mon ami, je suis le Capitaine Eopren et voici…”


Le vétéran était sur le point de révéler la véritable identité de sa partenaire mais se ravisa au dernier moment.

“Et voici, ma fille Helen. Nous sommes partis d’Edoras il y a quelques jours; nous cherchons à rallier les terres du Roi en Isengard.”

L’éleveur haussa les sourcils, visiblement surpris. Les routes menant vers Orthanc était bien peu empruntées ces derniers temps, en particulier par des voyages solitaires sans escorte armée. Il ne posa pas plus de questions cependant et se contenta de recharger ses biens et de reprendre place auprès de son fils.  Eopren de son côté remonta en selle en lançant un regard amusé à Kryss:

“Allez n’fais pas cette tête-là. Un bon bol de ragoût et de quoi boire un coup, v’là une idée qui devrait mettre un sourire sur tout visage.”



—------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


Le trajet jusqu’au petit village ne dura pas bien longtemps et ils aperçurent les dizaines de maisons au toit de chaume avant la tombée de la nuit. Erlin et son fils parquèrent leur convoi dans les étables, libérèrent leurs montures et déchargèrent les sacs de grains. Le paysan indiqua ensuite laquelle de ces fermes était la sienne et les invita à les suivre.

Eopren attacha son cheval près de l’abreuvoir et suivit son hôte qui poussa la porte de sa maison.

“Helga! Helga! Nous sommes rentrés ! Et avec de la compagnie !”

Sa femme était assise près du feu, une petite fille qui ne devait pas avoir plus de cinq ans sur ces genoux. Elle accueillit les deux inconnus que son mari avait amené avec lui avec un sourire chaleureux.

“M’sieur l’officier et sa fille nous ont aidé à réparer la voiture qui a eu un p’tit souci…Alors je leur ai proposé de venir passer la nuit ici.”

Helga déposa sa fille au sol et se leva pour saluer ses invités, sans oublier de jeter un regard légèrement agacé en direction de son mari.

“Ooh Erlin, je t’avais pourtant bien dis de ne pas trop charger ce pauvre chariot.”

Elle reporta son attention vers le vétéran et sa partenaire.

“Allons, allons. Ne soyez pas gêné, pas d’manières chez moi. Installez-vous. Un peu d’eau ? De la cervoise ?
-Ah moi je veux bien de la cervoise !”
Répondit Erlin qui cette fois essuya un regard franchement courroucé de sa douce.

Verres en main, ils finirent tous par s’installer autour de la table de bois qui trônait au centre de la salle de vie. Le décorum était simple mais la petite famille ne semblait pas s’en émouvoir outre mesure, les temps avaient été dures ces dernières années entre la guerre civile, le Rude Hiver et la sécheresse ; mais à force d’efforts et de détermination, ils avaient réussi à garder la tête en dehors de l’eau et mener une vie sans prétention mais heureuse.

“La communauté du village a joué un rôle crucial, expliquait Erlin. Nous sommes tous très proches et cela nous a sûrement sauvé dans les temps les plus durs. Un système d’équilibrage et de redistribution de la production entre les familles aura permis à presque tous de s’en sortir.”

Le repas fut bientôt servi, un ragoût, majoritairement composé de bouillon et de navet, avec quelques rares morceaux de viande. Loin d’un repas royal mais qui faisait parfaitement l’affaire pour un Eopren qui s’était rapidement lassé de la viande séchée.

La petite fille, installée à côté de Kryss, s’était complètement désintéressée du contenu de son assiette et observait, de ses grands yeux verts, quelque chose qui pendait à la ceinture de sa voisine. De son petit doigt, elle désigna la dague dont le manche était orné d’une pierre de lune dont la brillance avait attiré son jeune regard.

“C’est quoi ça ?”


#Leo  #Helga #Kryss #Erlin
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 11 Nov 2023 - 15:17



Le rire de Kryss était aussi surprenant que bienvenu. Depuis le début de leur périple, la jeune femme s’était montrée pour le moins réservée, pour ne pas dire complétement glaciale. Des âmes brisées s’étant réfugiées dans le silence, le vétéran en avait vu plusieurs durant sa longue carrière. Rarement, cependant, n’étaient elles aussi jeunes. Ce mutisme et cette froideur étaient-ils le résultat d’un traumatisme passé ou alors un simple mécanisme de protection. Rester constamment sur ses gardes, se méfier de tout, n’accorder sa confiance en personne ; tel était la vie que certains choisissaient de vivre pour se préserver. Mais était-ce vraiment une vie qui valait la peine d’être vécue. Eopren, avait tenté de percer les nombreux mystères qui se cachaient derrière ce regard gris si étrange, en vain. Au moins était-il parvenu à briser une fraction de cette carapace. Ce simple rire lui faisait du bien, comme s’il obtenait enfin la certitude que celle qui l’accompagnait était bien humaine. Une humaine capable de sourire, donc, mais aussi plutôt maline et débrouillarde. Dans sa réponse à l’énigme, Eopren pouvait lire le type de vie qu’elle avait dû mener jusque-là. Une vie faite de menaces, d’affrontement et d’un manque total de scrupules afin de parvenir à ses fins. Une vision plutôt efficace pour faire face à la brutalité du monde, loin des hypocrisies des âmes pures et de leur code d’honneur qui les menait bien souvent à leur perte. L’approche du soldat était, cependant, légèrement différente.

“ C’est malin comme approche j’dois dire. Moi, au lieu de lui mettre un couteau sous la gorge, je l’aurais soudoyé… Les hommes répondent bien mieux à l’appel de l’or qu’aux menaces.”

Il avait prononcé ces derniers mots sur un ton solennel, à la manière d’un sage énonçant un grand principe philosophique. Kryss relança la finalement la conversation avec une question plutôt singulière, visiblement la remarque du vétéran à propos du nom de la jeune femme la troublait. Elle s’était à nouveau retranchée derrière ce voile de méfiance, s’empressant de reconstruire les murailles mentales la séparant de son compagnon de voyage après en avoir légèrement entrouvert la porte. Le guerrier ne s’en offusqua pas pour autant, conscient qu’une relation de confiance, si peu qu’elle soit possible, ne s’établirait pas en quelques heures.

“Eh bien… pour être honnête, pas grand-chose…Le fait qu’une jeune fille se trouvant dans cette auberge vienne du Rohan était simplement le plus probable. Mais t’aurais bien pu être Gondorienne ou Dalite, j’suis pas devin…”

Eopren hésita à poursuivre son raisonnement. Après tout, il ne mentait pas et n’avait jamais eu aucune certitude des origines de Kryss. Mais la manière dont il avait présenté les choses, n’était pas anodine.

“J’me suis juste débrouillé pour que j’ai l’air de savoir…Je me suis interrogé sur le fait que ça vienne d’chez nous. Tu l’as interprété comme ça, que je sache que tu es une locale… Dans le cas contraire, la même phrase pourrait aussi être valable, montrant déjà mes doutes concernant une origine étrangère… L’important n’est pas de connaître la vérité mais de pouvoir le prétendre.”

Le soûlard, rustre et mal éduqué, que Kryss avait croisé quelques jours plus tôt était finalement un homme plus complexe, et surtout plus intelligent que l’on pouvait d’abord le penser. Un esprit forgé par des décennies de combines et de petites manigances afin de pouvoir naviguer en eaux hostiles.


“À ce rythme tu connaîtras toutes mes p’tites astuces avant qu’on arrive à la Trouée du Rohan. Pour que ce soit équitable, faudrait que tu partages aussi un ou deux secrets à toi P’tite Pousse.”



—-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le reste de leur journée de voyage se déroula sans grandes encombres. Les routes qui traversaient l’Ouestfolde pour remonter vers l’Isengard et la Trouée du Rohan, habituellement très prisées par les marchands et voyageurs, étaient bien calmes, les bruits d’une possible invasion à l’Est du pays ayant dissuadé les plus raisonnables des  itinérant de s’aventurer dans le Riddermark. Eopren et Kryss avaient décidé de ne pas s’arrêter pour déjeuner afin de gagner du temps et de profiter du temps plutôt dégagé pour couvrir un maximum de distance. Ils s’étaient donc contentés de grignoter un peu de viande et des fruits secs tout en restant en selle, échangeant quelques phrases pour passer le temps.  Le plus souvent, cependant, ils restaient silencieux, le regard tourné vers les étendues vertes et de plus en plus vallonnées de cette partie du royaume. Les grandes plaines qui s’étendaient à perte de vue avaient cédé progressivement leur place à un paysage très légèrement plus accidenté, signe qu’ils approchaient des racines des Monts Brumeux.

Devant eux, à quelques dizaines de mètres, ils aperçurent une petite carriole qui semblait immobilisé sur le bord de la route. Un homme, qui portait des vêtements de  paysan, s’affairait à soulever le poids du chariot tandis que son jeune fils, qui ne devait pas avoir plus de quinze ans, tentait de remplacer une roue brisée par une nouvelle. En voyant s’approcher les deux cavaliers, l’adolescent fit signe à son père. Ce dernier se tourna vers eux et les héla en agitant les bras au-dessus de sa tête.

Hé hé ! Ma Dame ! Messire !”

Eopren ne réagit pas immédiatement, mais finit par comprendre que la remarque lui était adressée. Se faire appeler “Messire” était bien étrange à ses oreilles, mais là était sans doute l’un des effets que faisait la longue cape verte qu’il portait.  Une fois arrivé à leur hauteur, l’homme leur expliqua la situation

“Notre charrette s’est endommagée alors que nous cherchions à rentrer dans notre village. Nous transportons une grande quantité de grains et de céréales pour nourrir le bétail et nos chevaux. La roue à du céder sous le poids…On aurait bien besoin d’un peu d’aide pour soulever le chariot et réparer tout ce bourbier…”



Eopren, visiblement mécontent de ce contretemps, échangea un regard silencieux avec Kryss, lui laisse ostensiblement la responsabilité de la décision.
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 20 Oct 2023 - 10:36



Eopren se saisit de l’outre de vin que lui tendait Kryss et la remercia d’un signe de la tête. Il porta le goulot à ses lèvres et poussa un long soupir de satisfaction quand il sentit le liquide pourpre couler dans sa gorge et que les tanins vinrent piquer son palais. Le vétéran dût même fournir un effort mental considérable pour ne pas immédiatement en reprendre une gorgée, ou finir d’un trait tout le contenu de la gourde. Ce n’était pas l’envie qui lui manquait pourtant. Il déposa donc l’outre près du feu, à quelques mètres de lui, comme si établir une certaine distance pouvait l’aider à mieux résister à l’appel de la boisson. Sa partenaire le quitta pendant un petit moment, partie se rafraîchir sur les rives du petit lac. Il y prêta à peine attention, le regard perdu dans les flammes qui dansaient devant lui. Au retour de la jeune femme, il retira du feu le potage d’avoine qu’il avait mis à bouillir quelques dizaines de minutes plus tôt. Les céréales semblaient cuites; il y avait également jeté une carotte et quelques morceaux de viandes séchées pour ajouter un peu de saveur. Un repas simple mais assez consistant pour tenir jusqu’au lendemain. Il versa une portion dans un bol qu’il tendit à Kryss:


“‘Tention c’est chaud. Va pas te brûler avec ça.”


Il s’adossa contre un gros rocher et piocha directement dans ce qui restait dans la petite marmite à l’aide de sa cuillière. Ils mangèrent avec appétit, puis Kryss se proposa pour prendre le premier tour de garde. À vrai dire, il n’avait initialement pas songé à de quelconques tours de garde. De toute façon, il avait imaginé mener ce périple seul. Mais à y réfléchir, et au vu de la situation actuelle, cela était peut-être plus sage. Eopren opina du chef et se mit en quête d’un bout de terre un peu plus mou sur lequel déposer son couchage et s'emmitoufla dans sa couverture. Après des mois de chaleur étouffantes du Long Été qui avait suivi le Rude Hiver, le climat semblait reprendre un rythme à peu près normal et les nuits s’étaient considérablement rafraîchies dans le Riddermark. Au-dessus de sa tête, un magnifique  parterre d’étoiles s’étendait avec prestance. Comme à son habitude quand il partait en patrouille pour plusieurs jours, il se mit à les compter, les unes après les autres; jusqu’à sombrer dans un sommeil bien agité.


Des cris stridents.

L’odeur âcre du feu.

Des cris déchirants.

Le tintement de l’acier.

Des cris glaçants.

Le goût du sang.

Des cris de souffrance.



La douceur de la peau du gamin sans vie à ses pieds.

Des cris d’amour brisé.

La vision de frères se massacrant.

Et toujours ces mêmes cris.


Eopren se réveilla en sursaut, haletant et en sueur. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre ses esprits et faire la part des choses. Les échos des hurlements hantaient encore son esprit, jusqu’à disparaître progressivement pour laisser leur place au calme total de la nuit rohirrim. Du coin de l'œil, il observa Kryss qui lui tournait le dos. L’avait-elle vue dans sa misère? Si tel était le cas, elle n’en montrait rien. Le vétéran se racla la gorge pour signaler qu’il était éveillé.

“Je vais te remplacer P’tite Pousse, va dormir un peu.’’

Il sortit sa longue pipe de son paquetage et la bourra d’herbe à fumer et alluma le tout d’un geste expert. Il s’assit près du feu, observant ce qu’il pouvait distinguer des alentours à travers les volutes de fumée qui s'échappaient de ses narines, cherchant à tout prix à éviter le sommeil. Une lutte vaine pour repousser le moment où il devrait affronter ses démons.

-------------------------

Au petit matin, il fut tiré de son état de somnolence par un son qu’il ne connaissait que trop bien. Un bruit de cavalcade acharnée, d’abord distant mais qui se faisait de plus en plus sonore. Eopren bondit sur ses pieds, en état d’alerte. Bientôt la terre à ses pieds s'était mise à trembler. Ils étaient proches. Le vétéran courut en direction de Kryss, qui s'était également réveillée à cause du vacarme.


“Au sol! Reste à terre!”


Eopren s’allongea sur le ventre à ses côtés, se faisant le plus petit possible. Cela pouvait leur permettre de rester inaperçus si les nouveaux arrivants ne passaient pas trop près d’eux. Au loin; un imposant nuage de poussières s’élevait et bientôt les silhouettes de centaines de cavaliers apparurent au loin. Tous en armures, portant fièrement la bannière du Rohan au-dessus de leurs têtes. Ce spectacle n’avait rien de celui d’une simple patrouille de chevaliers comme on pouvait souvent en croiser à travers le pays. Il s’agissait d’une éored entière prête à partir au front. Le vétéran siffla avec étonnement:

“Ils s’en vont au combat. Mortensen à sûrement ordonné le ralliement des éoreds de la région à Edoras. La guerre est proche…”

Ils restèrent ainsi couchés au sol pendant de longues minutes, patientant que la colonne de soldats ne passe devant eux. Malgré les dizaines de mètres qui les séparaient, Eopren leva légèrement la tête pour observer ces hommes; cherchant un visage familier parmi la foule, se demandant lesquels ne reviendraient jamais dans leurs chaumières pour embrasser leurs femmes et enlacer leurs enfants. Si les circonstances avaient été différentes, cela aurait pu être lui sur un de ces destriers.


Une fois que l’éored se fut éloignée de leur position, en direction de l’Est, le vétéran fit signe à sa camarade qu’ils pouvaient reprendre leur chemin vers le Nord-Ouest. Ils éteignirent les dernières braises qui fumaient et chargèrent leur paquetage sur la croupe de leurs montures et se mirent en route. Le temps ensoleillé de la veille avait cédé sa place à un ciel gris et menaçant, des rafales de vent venaient frapper leurs visages à intervalles réguliers.

Pour tuer le temps, plus que pour toute autre raison, Eopren initia la conversation. Ils échangèrent quelques banalités, puis le déserteur lui proposa un jeu:

“T’veux jouer aux devinettes Kryss? Si tu trouves la bonne réponse; je suis en charge du feu ce soir. Ensuite ce sera à toi…”

D’ordinaire, quand ils jouaient avec ses comparses à la caserne, Eopren misait de l’argent et avait acquis une réputation de joueur talentueux pour les uns, de tricheur notoire pour les autres.

“T’as été arrêté pour tes larcins; et tu te trouves face à deux gardiens de porte. L’un dit toujours la vérité, l’autre ne sait que mentir. Une des portes mène à la liberté, l’autre à la prison pour toujours. Tu n’as le droit de ne poser qu’une seule question à l’un des deux gardes. Comment t’assurer de faire le bon choix?”

Le vétéran ponctua sa question d’un sourire malicieux; il avait toujours été d’un naturel joueur.
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 17 Oct 2023 - 0:04



Eopren renifla bruyamment en remontant en selle. Sa partenaire de rotule n’était pas des plus bavardes et elle révélait au compte-gouttes des bribes d’informations la concernant. Pourquoi tant de mystère? Pourquoi tant de précautions? Percevait-elle le vétéran comme une menace dont elle devait se méfier? Ou alors était-ce simplement l’attitude qu’elle avait choisie d’adopter envers tout le monde. Une vie faite de méfiance et de secret. Elle lui révéla cependant avoir traversé des épreuves, le froid, la faim, la douleur, la solitude, la trahison… Autant de mots qui venaient percuter le vieux soldat comme de violentes gifles. Tant d’afflictions pour une si jeune vie. Le pire, et il se retint de le préciser, était que cela n’était probablement qu’un début. Le monde avait cette fâcheuse habitude de s'acharner sur ceux qui avaient déjà eu leur lot de souffrances.

“ Il vaut mieux être vivant que désolé.” Commenta-t-il simplement à la suite de la remarque de la jeune femme concernant de potentielles excuses qu’elle ne voulait pas formuler.


A la suite de ces mystérieuses indications, Kryss relança la conversation ce qui eut le don de le surprendre quelque peu. Il avait accepté l’idée qu’il allait devoir faire, pour ne pas dire forcer, la discussion avec sa partenaire tout au long du trajet. Celle-ci était d’un naturel taiseux et les conversations avaient, jusque-là, exclusivement été initiées par le cavalier. Des échanges que la jeune femme n’hésitait pas à conclure aussi rapidement que possible. Le fait qu’elle lui posait désormais une question sur son passé était pour le moins inattendu et étrangement cela le mettait mal à l’aise. Pourtant, il en avait vu d’autre mais un voile sombre passa sur son visage alors qu’il détournait son regard. Plusieurs secondes furent nécessaire pour qu’il puisse trouver les mots:

“Mon histoire est celle de tant de rohirrim. A la différence près que la mienne a le malheur de durer plus longtemps… C’est l’histoire d’un jeune cavalier plein de grandes idées et d’héroïsme. Jusqu’au jour où il réalise que cela n’en vaut pas la peine. Que cela n’en a jamais valu la peine.”


Sur ces mots aussi fatalistes que énigmatique, il se mura dans un silence total. Ils chevauchèrent ainsi, sans un mot, pendant de longues minutes alors que le soleil commençait à décliner au loin. Pour accompagner cette descente, le vétéran se mit à fredonner une chanson sur un air de sombre ballade:



"Servant l’Enfant, le Prince ou le Félon
Tous ces fiers fils du Rohan
Ainsi forcés par ces démons
D’en venir aux combats sanglants

Entends-tu, ô Rohan?
Les pleurs de tes enfants
Riddermark, es- tu là?
Face au malheur de tes soldats


De la Nuit des Lances Noires
Jusqu’aux plaines rougies
Ces frères, sans le vouloir;
Durent s’occire avec furie

Entends-tu, ô Rohan?
Les pleurs de tes enfants
Riddermark, es- tu là?
Face au malheur de tes soldats

Le vétéran, qui par malheur
Survécut au charnier
Ne peut regarder ailleurs;
Lourd du fardeau du rescapé

Entends-tu, ô Rohan?
Les pleurs de tes enfants
Riddermark, es- tu là?
Face au malheur de tes soldats”


Au dernier couplet, une fine larme coula rapidement le long de sa joue émaciée pour venir mourir dans sa barbe. Deux âmes en peine errant dans les plaines du Riddermark; l’une fuyant son passé, l’autre son trauma.
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 6 Oct 2023 - 16:30


Eopren eut un rire franc suite à la remarque cinglante de sa nouvelle alliée. Il ne la connaissait que très peu et il ne lui faisait absolument pas confiance, surtout au vu de ce qu’elle s’était montré capable de faire. Pourtant il appréciait déjà sa compagnie. Elle avait du répondant face au vétéran bourru et ne s’était montrée nullement intimidée ou inquiétée par sa carrure ou son allure un peu avantageuse. Malgré son jeune âge, elle avait sûrement dû voir bien pire qu’un vieux soldat aviné.

“Si tu veux t’comparer à un canasson c’est ton choix hein! Pas moi qui l’dis…”

Après cette première pique ironique, elle se décida finalement à partager son nom. Helen. Un nom harmonieux mais plutôt commun en ces terres. Parfait pour se fondre dans la foule. Puis, étrangement, elle se rétracta, et lui donna un autre nom. Une seule syllabe, à peine audible, dite dans un souffle.

“Kryss…” répéta le cavalier qui tentait vainement de se souvenir s’il n’avait jamais entendu ce nom auparavant. Un nom aussi simple que mystérieux, point de nom à rallonge, de titre familial ou autre fantaisie. Rien qu’une seule syllabe, d’une simplicité si brute qu’elle en était teintée de mystère. A l’image de la femme avec qui il faisait route.

“Kryss…ça vient d’chez nous ça ?” Fit-il quelque peu surpris. ”C’est un joli nom en tout cas” ajouta-t-il simplement.

Il n’y avait dans ce compliment aucune tentative maladroite de séduction ou de quelque flatteriepour se faire bien voir. Il l’avait à peine regardé en prononçant ces mots, simplement la réflexion franche d’un homme qui avait perdu tout filtre depuis des années.

Leur conversation se poursuivit et Kryss l’informa qu’elle n’avait pas encore arrêté son choix sur une destination particulière et se contenterait pour le moment de le suivre dans son périple. Une déclaration plutôt surprenante pour le soldat qui avait passé les dernières heures à se demander comment allait-il pouvoir honorer sa part de l’accord qu’ils avaient passé deux jours auparavant. Il ne commenta pourtant pas, se contentant d’acquiescer silencieusement.

Eopren l’observa partir au galop devant lui, déboulant à toute vitesse sur les sentiers poussiéreux qui parcouraient les interminables plaines du Riddermark. Il accéléra lui aussi la cadence pour ne pas la perdre de vue mais ne se décida pas à aller aussi vite, son dos le faisait encore trop souffrir pour cela. Il la suivait donc à distance, au trot, surveillant d’un oeil les boucles brunes qui virevoltant au loin et contemplant de l’autre les majestueux paysages de son pays natal, qu’il s'apprêtait à laisser derrière lui. Pour toujours.

Les heures passèrent et le soleil atteignit son zénith et ils longeaient désormais un tout petit ruisseau dont le clapotement venait les bercer. Accablé par la chaleur; Eopren fit signe à Kryss, qui avait fini par le rejoindre après sa cavalcade. Il était temps de s’arrêter pour laisser les montures s’abreuver et manger un frugal déjeuner. Il descendit de selle et déposa son paquetage contre un rocher qui ferait guise de fauteuil de fortune. Avec un soupir de satisfaction il se laissa glisser au sol et étira ses muscles ankylosés, puis, il sortit de ses provisions quelques pommes et des morceaux de viandes séchées qu’il se mit à mâcher bruyamment.


“T’en veux?”
Fit-il à Kryss en lui tendant une partie de son repas.

Ils mangèrent ainsi en silence, nourrirent leurs monture avec ce qu’ils avaient pu transporter avec eux. Alors qu’ils remplissaient leurs outres d’eau, accroupis près du ruisseau, Eopren remarqua une longue cicatrice qui courait sur la paume  de la jeune femme qui avait retiré ses gants pour se rincer les mains. Si jeune et déjà meurtrie dans sa chair.

“Tu sais Kryss, quand j’avais ton âge j’étais encore un p’tit con. Mais un p’tit con plein d’espoir, de rêves et d’aspirations. Je rêvais de devenir un officier prestigieux du Rohan, de défendre ma patrie héroïquement face à ses ennemis et de devenir la fierté de toute une famille. Avec les années j’ai perdu tout ça en route et je ne suis plus qu’un vieux con sans espoir. Le cynisme et les p’tites combines pour un gars d’mon âge c’est banal, mais pour une belle jeune fille comme toi qui a encore toute sa vie devant elle, c’est pas banal…Le monde part vraiment en crottin…”

Il se redressa en poussant un grognement, décidément ses genoux grinçants ne lui laissaient aucun répit. Eopren avait toujours été d’un naturel curieux mais il avait en réalité une autre idée en tête avec toutes ces remarques personnelles. Kryss était encore un mystère à ses yeux et la tombée de la nuit approchait à grands pas. Le vétéran avait besoin de sommeil mais il devait avant tout chercher à mieux la connaître avant de baisser sa garde.  Il ne comptait pas encore finir avec la gorge tranchée au bord du chemin, son assassin fuyant avec sa maigre bourse.

“As-tu connu la guerre Kryss?”
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 22 Sep 2023 - 15:12



Eopren pouvait être satisfait; alors qu’il progressait d’un pas lent en direction de l’entrée du village, il aperçut une frêle silhouette encapuchonnée qui tenait deux belles montures par la bride. À ses pieds se trouvaient des paquetages bien remplis indiquant que la jeune femme avait eu la présence d’esprit de faire le plein de vivres avant le départ malgré le fait qu’elle n’avait pas encore partagé ses projets. Sûrement projetait-elle de faire un voyage relativement long.  Le vieux guerrier salua sa nouvelle collaboratrice d’un mouvement de tête et se saisit des rênes de la jument grise qu’elle lui tendait; d’un oeil expert il examina rapidement sa nouvelle acquisition. La monture était encore jeune mais déjà assez développée et vigoureuse pour entreprendre un périple et supporter son poids. Le doute principal résidait sur la réaction qu’elle pouvait avoir face au danger, les chevaux de l’armée avaient été dressés afin de ne pas fuir face à l’ennemi, un entraînement rigoureux et indispensable pour que les cavaliers en préservent le contrôle en toutes circonstances. Il espérait qu’aucun danger ne se dresserait sur leur chemin mais au fond de lui, son instinct de vétéran, lui faisait craindre la menace qui planait au-dessus de son royaume.

Sans plus attendre il monta en selle avec une agilité déconcertante pour toute personne qui avait pu observer sa démarche titubante et lourde sous l’emprise de l’alcool.

“J’peux te dire que des canassons j’en ai eu un paquet et cela fait bien longtemps quand j’ai arrêté de leur donner des noms. Ça ne rend leur mort que plus douloureuse, et la vie est déjà bien assez triste comme cela…”

Il attendit que la jeune femme enfourche également son beau cheval et ils partirent, tout deux, au pas sur le sentier pierreux qui serpentait à travers les plaines jaunies du Riddermark. Les températures commençaient à se rafraîchir et la pluie revenait lentement dans cette partie du monde, mais la sécheresse qui avait suivi le Rude Hiver avait laissé de profondes séquelles sur les paysages et d’immenses pans de verdure s’étaient lentement changés en longues étendues arides.  Après une poignée de minutes, Eopren engagea la conversation plus par ennui que par réelle envie même s’il devait bien admettre que la jeune femme était bien mystérieuse.

“T’es bien bizarre. Un p’tit bout de femme vagabondant, seule, dans un coin paumé du Rohan. Qui sait se battre; se débrouiller pour trouver de l’argent…Ça court pas les rues des profils comme ça…J’vais pas t’forcer à me révéler ton vrai nom ou ton passé, surtout si ça peut être source de soucis mais va bien me falloir un nom, même s’il est faux.”

Il renifla bruyamment, visiblement importuné par les graines de pollen qui flottaient autour d’eux. Comment savait-il que Kryss savait se battre? Ou voler? Était-il au courant de la rixe qu’elle avait provoquée dans l’auberge et de la raclée qu’elle avait infligée à ce goujat de marchand? Visiblement, la jeune femme n’était pas la seule à garder une part de mystère, à la différence près que le vétéran semblait s’amuser de ce petit jeu de secrets.

“Bon…va aussi falloir me dire où tu veux aller. En c’qui me concerne je vais me diriger vers l’Arnor, il paraît que y’a pas mal d'opportunités là-bas et que leur Roi a remis de l’ordre dans ces terres. Tu peux m’accompagner ou alors décider d’aller ailleurs au Rohan et je t’aiderai à y entrer comme promis mais je refuse d’aller trop à l’Ouest, trop risqué. Si tu veux mon avis les terres royales en Isengard peuvent être une solution pour toi, on dit que le Roi Fendor, ou plutôt ses pauvres tuteurs, recherchent constamment des gens qualifiés. Et pis c’est sur ma route.”
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 22 Juil 2023 - 12:53


La jeune femme qui faisait face au vieux briscard était pour le moins intrigante. A la fois mystérieuse, maline et ne se laissant pas aisément impressionner. Une rencontre bien inespérée qui ouvrait certaines opportunités pour lui, mais aussi lui attirer de potentiels ennuis. Elle considéra d’ailleurs la proposition d’Eopren avec sérieux malgré l’état d’ébriété du soldat, signe indiquant qu’elle ne s’arrêtait pas seulement aux apparences et était prêtes à creuser chaque piste si elle pouvait y trouver un réel intérêt. Et, ce soir-là, il semblait bien que leurs intérêts respectifs convergeassent.


“Eh bien je n’en sais rien à quoi cette vie consisterait… T’es libre de choisir. Tu veux te ranger avec un officier d’Edoras et élever des marmots ? Soit. Tu désires partir à l’aventure à travers le Riddermark? Tu peux… Tu désires seulement continuer à vivre tranquillement en poursuivant tes p’tits larcins? Les options sont infinies P’tite Pousse, et je m’en tamponne bien de laquelle tu choisis.”


Après quelques secondes d’hésitations, elle finit par accepter l’offre et lui tendit sa main blanche et délicate. Avec un sourire, Eopren répété un geste qu’il avait maintes fois répété au cours de sa longue carrière, et lui serra fermement la main pour conclure le marché.

“Il va falloir se magner. Bientôt ces villages et routes ne s’ront plus sûrs. Je te laisse deux jours. Tu me retrouveras près de l’étable. Si je n’y suis pas, tu pourras demander où est l’cadavre d’Eopren…”


Passé ces présentations sommaires, le vétéran se désintéressa de la voleuse et lui tourna les talons. D’une démarche chancelante, il disparut lentement dans la nuit.



---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


La salle de l’auberge s’était bien remplie depuis l’altercation entre Eopren et les jeunes gens qui l’avaient moqué. Alworn s’activait derrière son comptoir, servant plats chauds et cervoises bien fraîches aux nombreux voyageurs qui fréquentaient cette route populaire qui traversait le royaume du Nord au Sud, faisant le lien entre l’Est de l’Arnor et le Gondor. Un trajet périlleux, passant entre les conforts des Monts Brumeux encore infestés par les gobelins et les terres hostiles de l’Enedwaith. Des patrouilles régulières et des milices se chargeaient de sécuriser les points de passages principaux mais le voyage n’en restait pas moins des plus risqués. Il n’était ainsi par rare de voir de riches négociants et dignitaires se déplacer avec une suite de mercenaires engagés pour protéger leurs vies ainsi que leurs précieuses cargaison.  Ce soir-là la clientèle était bien hétéroclite: des marchands venus du Sud et qui remontaient jusque Tharbad, des mercenaires venus en groupe dans l’espoir de trouver un employeur et même une petite compagnie de Nains transportant une cargaison bien mystérieuse.
Discrètement assise dans un coin, Kryss scrutait attentivement les différentes tablées; en quête des bourses les mieux remplies. Les Nains devaient certainement cacher de nombreux trésors sous leurs tuniques et à l’intérieur de leurs coffres, mais ceux-qui se trouvaient là se montraient particulièrement méfiants. Lourdement armés, ils ne laissaient personne s’approcher de trop près.

Une voix venant d’une table voisine s’éleva alors:

“Eh toi là!”

Kryss put rapidement apercevoir l’homme qui s’était ainsi adressé à elle. L’homme, à l’embonpoint naissant, était confortablement installé devant plusieurs plats encore bien fumants. Au contraire de nombreux autres clients, ils ne portaient pas de miteux vêtement de voyage mais un élégant cardigan de couleur au-dessus d’une chemise de lin. De toute évidence, il ne s’agissait pas d’un petit négociant de foires mais bien d’un riche bourgeois qui se déplaçait pour affaires. Il était entouré de trois colosses, bien plus simplement vêtus, aux muscles saillants et au regard menaçant.

“Oui toi ma jolie! Il n’est jamais bon de rester seule à table. Viens partager mon repas, nous avons tellement de nourriture.”

Au même moment, l’aubergiste arriva avec de nouvelles choppes bien remplies. Le riche marchand fit alors signe à l’un de ses gardes du corps qui lui tendit alors une petite bourse en velours dont il retira plusieurs pièces d’or qu’il remit à Alworn avec un sourire. Une fois la transaction effectué, l’homme s’empressa de rendre le petit sac à son chien de garde qui le plaça dans un coffre qu’il verrouilla et plaça sous son bras.

L’homme réitéra ensuite son invitation:

“Allez ma belle! Viens t’asseoir avec moi! Je dois t’assurer que nul homme ici ne peut ce soir t’offrir ne serait-ce que la moitié de ce que Vencesla Hamel peut dépenser pour satisfaire une demoiselle.”

Le dénommé Vencesla représentait sans nul doute une cible idéale au vu de sa richesse. Cependant, en l’état, son argent était encore hors d’atteint ainsi placé à l’intérieur de ce coffre soigneusement gardé par ces mercenaires. Pour avoir une chance de mettre la main dessus, l’ancienne membre des Ombres allait devoir gagner sa confiance et faire en sorte qu’il abaisse sa garde.


#Vencesla
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 9 Juil 2023 - 23:08


Eopren lâcha un rire gras suite aux remarques de la jeune femme qui ne se laissait pas impressionner par l’agressivité et la carrure du soldat.  

“”Vieil homme”! Ah! Bien assez tôt, et sûrement bien plus vite que tu ne le penses, les rides marqueront ce joli minois et tu contempleras tes jeunes années, le cœur empli de regrets.”

L’arrogance de la jeunesse. Celle qui croyait savoir mieux que les sages. Celle qui croyait penser mieux que les érudits. Celle qui croyait mieux gouverner que les ministres. Eopren avait à peine dépassé la cinquantaine, pourtant, ces dernières années, tous ne le voyaient que comme un vestige, un brin honteux, d’un passé glorifié dans les histoires que l’on contait au coin du feu mais dont tous ces fringants cavaliers avaient honte quand il était personnifié. L’ivrogne avait été le témoin de tant de choses, et peut-être que sous cet océan de vin et de rudesse se cachait encore un puits de savoir, une expérience qui ne demandait qu’à être partagée et transmise mais qui ne trouvait nul réceptacle.

Soudainement pris de violentes nausées, Eopren se retourna vers le côté de la route et rendit bruyamment le contenu du maigre repas qu’il avait pu avaler à l’auberge avant d’en être expulsé. Il se dirigea ensuite vers un abreuvoir qui se trouvait à quelques mètres, près de ce qui ressemblait à une grande étable. Il y plongea entièrement sa tête et n’émergea des eaux troubles que de longues secondes plus tard en poussant un long soupir de satisfaction. Désormais rafraîchi, bien qu’encore bien loin d’un état de sobriété, il se rapprocha à nouveau du sentier et s’accroupit contre un mur, gagné par la fatigue.

“Fuir est bien mal vu par ici. Pourtant, parfois c’est bien le choix le plus raisonnable.’’

Un discours bien curieux pour un officier de la Garde Royale ayant prêté serment pour donner jusque sa vie afin de protéger le Vice-Roi.

“Une jeune fille comme toi. Seule sur les routes du Riddermark en plein nuit. Pas de parents, pas de mari. Un historique de fuites à priori bien rempli.”

Le soldat se redressa finalement; sur son visage hirsute, un air méfiant avait désormais remplacé l’hébétude liée à l’ivresse. Il n’avait cependant pas encore placé sa main sur le pommeau de son épée rouillée par les années. L’homme ne le voyait pas encore comme une menace, mais bien comme un objet de curiosité qui sortait des standards auquel il était habitué.

“J’vois que deux solutions. Soit tu es une catin, soit tu es une voleuse. Ne le prend pas mal, mais vu ton accoutrement et malgré ton minois je pense pas que tu sois une puta*n.”

Il posa alors sa main sur sa hanche là, où d’ordinaire il plaçait sa bourse bien maigre. Sans surprise, elle ne s’y trouvait plus.

“Voyons P’tite Pousse… Tu trouves cela élégant de filouter des pauvres vagabonds comme moi? Je suis un officier de la Garde Royale, ce n’est pas ma bourse qui t’aidera mais mon rang.”

Il mit en évidence la cape verte, autrefois bien élégante mais désormais pleine de poussière, qui était attachée autour de son cou.

“J’peux te faire entrer là où tu le désires au Rohan. Dans la cour du Château d’Or ou auprès de la famille royale qui réside en Isengard… Mon cheval est mort ce matin après de longues années de loyaux services et comme tu as pu le constater mes économies sont bien réduites. Trouve assez d’argent pour m’acheter une nouvelle monture et j’te mènerai là où tu l’désires pour que tu puisses y construire une nouvelle vie auprès des puissants. Enfin pas trop à l’Est du pays non plus, j’tiens pas à finir en sacrifice. Si t’es réellement fatiguée de fuir, alors songes-y, à la chance de reconstruire une nouvelle vie.”

Eopren affichait désormais un sourire engagent. Les négoces, les accords alambiqués, les petites affaires de ce genre; il en était le maître reconnu au sein de sa troupe.

“Alors, accord conclu?”
Sujet: Renaître de ses cendres
Learamn

Réponses: 41
Vues: 924

Rechercher dans: Les Prairies   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Renaître de ses cendres    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 10 Juin 2023 - 17:43


Le monde autour d’Eopren était devenu bien flou. Il titubait ainsi sur le sentier boueux, contraint de s’appuyer sur les murs à plusieurs reprises lors de sa pénible progression. L’obscurité de la nuit se mêlait à la lueur blafarde des quelques lanternes encore allumées à travers du hameau, créant une lente danse de lumière qu’il apercevait derrière le rideau gras que formait sa chevelure. Bientôt il sentit le goût de son propre sang envahir son palais. Cela venait-il de son nez? Ou de sa lèvre tuméfiée? Il n’aurait su le dire, tant l’entièreté de son visage le faisait souffrir.

“La guerre est là…la guerre… pauvres fous!”
répétait-il inlassablement d’une voix monotone et de plus en plus faible. Déclamant ses quelques mots dans un rythme régulier comme le refrain d’une triste mélodie.

Au coin d’une intersection, le pied de l’ivrogne buta sur un caillou pourtant pas bien grand et il manqua de chuter pour s’étaler entièrement sur la terre humide. Si un bras étranger ne l’avait pas miraculeusement retenu, il y avait fort à parier qu’il aurait passé le reste de la nuit dans cette position, bien incapable de se relever pour reprendre son périple. Quelque peu surpris, il tourna la tête en direction de cette bonne âme avec un grognement. Cela faisait si longtemps que quelqu’un avait manifesté un geste d’affection à son égard. Il entrouvrit la bouche, comme s’il s’apprêtait à la remercier mais la referma aussitôt. Il se contenta de dévisager longuement la jeune femme: de longs cheveux sombre, un teint pâle, des yeux d’un gris étrange et une silhouette menue. Il prit quelques secondes pour essayer de se souvenir s’il s’agissait d’une connaissance ou d’une proche, une réflexion particulièrement laborieuse mais il en arriva à la conclusion qu’il s’agissait bien d’une inconnue; et c’était tant mieux.  Celle-ci fut la première à parler, lui offrant généreusement son aide pour regagner son logis. Une remarque qui arracha un rire gras au principal intéressé.

“Ma piaule? Ah! Elle est bien loin d’ici! Le Château d’Or est bien loin d’ici P’tite Pousse... Et je compte bien ne jamais y remettre les pieds!”

Instinctivement, il se libéra de l’étreinte de l’étrangère et s’écarta de quelques mètres.

“Par contre vous feriez bien de retourner rapidement chez vous et de prévenir vos parents, votre mari ou qui sais je du danger qui nous menace. Ensuite vous feriez bien de m’imiter.”


Il renifla bruyamment avant de s’essuyer le visage à l’aide du revers poisseux de sa manche. C’était bien du nez qu’il saignait.

“Foutre le camp le plus loin possible.”


Voir ainsi un guerrier portant la cape des Gardes Royaux du Rohan, unité la plus prestigieuse de l’armée, dans un tel état et cherchant à fuir sa patrie ainsi était quelque peu déroutant, voire inquiétant.
Sujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]
Learamn

Réponses: 68
Vues: 5546

Rechercher dans: Meduseld   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 6 Mai 2019 - 11:10
Les paroles de Dame Aelyn touchèrent profondément Learamn, elle était consciente des risques inconsidérés que ce dernier avait pris pour se porter à la rescousse de celle qui l’avait remis sur pied. L’avenir du jeune homme ne se trouvait plus entre les murs de Meduseld mais il savait désormais qu’il pouvait compter sur une amitié précieuse en ce lieu. Mais peut-être plus important encore, la guérisseuse lui donna sa bénédiction pour le voyage qu’il comptait entreprendre afin de ramener Iran en ses terres. La guerrière du Rhûn était toujours aussi faible et les chances qu’elle survive à un tel périple étaient minces mais là était la juste chose à faire. Elle avait tant souffert à l’idée que Rokh soit mort loin de ses terres auprès d’un souverain étranger. Le jeune rohir espérait qu’il serait assez prompt pour qu’elle puisse contempler à nouveau le soleil se levait au-dessus de sa patrie natale. Plus rien ne le retenait ici et il devait bien cela à celle qui n’avait pas hésité à lui faire confiance alors que tous les autres lui avaient tourné le dos.
Le jeune homme suivit ensuite sa suzeraine jusque dans les écuries et le souvenir douloureux de la perte d’Ouragan pesa instantanément sur son coeur. Comme un symbole, celui qui l’avait accompagné durant toute sa carrière militaire dans l’armée du  Rohan était tombé la nuit même où cette carrière prenait fin.  Aelyn lui tendit alors les rênes d’un superbe cheval à la robe noire de jais. Devant l’hésitation de Learamn elle lui expliqua que ce destrier appartenait jadis à son époux, Hengest, tombé au combat. Le jeune homme connaissait la guérisseuse depuis longtemps mais il ignorait qu’elle était veuve d’un cavalier du Rohan. Chacun recelait donc son lot de douleurs et secrets, Aelyn ne faisant pas exception. Presque tous en ce lieu pleurait la perte d’un être cher une fois la nuit tombée.

“Je l’ignorais ma Dame, je suis désolé. Si tel est votre choix de me léguer ce superbe cheval alors je tâcherais de me montrer digne de Hengest en servant les causes les plus nobles et le bien commun.”

Aelyn savait la peine qui affligeait Learamn depuis la perte d’Ouragan et le geste qu’elle lui faisait aujourd’hui emplit le jeune homme de reconnaissance. Le cheval qui avait perdu son cavalier rencontrait le cavalier qui n’avait plus son cheval, le destin était peut-être ironique mais le symbole pas moins fort.  Il caressa le museau de Heolstor qui se mit à hennir, et murmura :

“Nous tâcherons ensemble d’en être digne Heolstor.”


Il se tourna ensuite vers sa bienfaitrice et la remercia chaleureusement. Puis en guise d’adieu, il se risqua instinctivement à un geste qu’il n’avait jamais fait à la jeune mère mais qu’il considérait désormais comme évident. Il se pencha en avant et fit une révérence, le salut de respect que l’on adressait aux membres de la famille royale.

“Merci Majesté.”
fit-il finalement en se redressant.

Bien entendu, Learamn ignorait totalement que, quelques heures plus tard, le Vice-Roi lui demanderait sa main mais pour le jeune homme la noblesse royale qui habitait l’âme d’Aelyn n’avait pas besoin d’une bague pour être reconnue à sa juste valeur.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Depuis sa dégradation et son éviction de la Garde, Learamn était revenu vivre chez ses parents dans son village natale aux alentours d’Edoras. Lorsqu’il ne se trouvait pas au chevet d’Iran à Meduseld, il s’occupait en épaulant son père dans ses travaux agricoles. Cela faisait bien longtemps qu’il avait troqué la faucille pour l’épée, et manier à nouveau cet outil qu’il ne maîtrisait plus très bien l’avait ramené bien des années en arrière.

Eolkar, le père de Learamn, était un homme à la carrure robuste. Il avait les cheveux gris coupés courts et une barbe grisonnante taillée de près. Son teint était buriné par le soleil et ses mains usés par des décennies de travail dans les champs. La relation qu’il entretenait avec son fils n’avait jamais été simple et parfois même conflictuelle. Il avait d’abord soutenu son fils lors de son entrée dans l’armée et il avait suivi avec fierté la progression de son cadet qui gravissait les échelons de la hiérarchie. Mais il regrettait amèrement le manque de contact qui s’était créé entre Learamn et sa famille. Le jeune homme avait accédé à la haute société du royaume, un niveau qu’aucun autre membre de sa ligné n’avait jamais atteint; et cette vie au milieu de la noblesse d’Edoras et de l’élite de l’armée avait certainement contribué à l’oubli dont Learamn avait fait preuve à l’égard de ses origines modestes.

Learamn, de son côté avait fait le choix de ne pas suivre le modèle familial paysan pour embrasser, avec un succès fulgurant, une carrière militaire. Pris dans la tourmente dans la guerre civile et sa désertion de l’armée de Hogorwen, il avait été forcé de couper les ponts avec sa famille pour les protéger de l’Usurpateur mais depuis, et alors même que la paix était revenue, il n’avait plus réellement rétabli les liens. L’ex maréchal et désormais Gallen Mortensen avait substitué Eolkar comme modèle et père spirituel aux yeux du jeune homme qui avait longtemps considéré son père biologique comme un homme sans courage ni ambition. Son paternel n’avait jamais aspiré à autre chose qu’à sa ferme et à sa famille, et il n’avait jamais rien espéré de plus pour ses enfants, c’était un homme simple pour qui le mot “aventure” renvoyait à l’inconnu et aux problèmes. Mais depuis cette fameuse nuit où tout avait changé, Learamn s’était remis en question. Celui qu’il croyait être son nouveau père l’avait désavoué et humilié devant la troupe, et démuni, le jeune homme n’avait eu d’autre choix que de retourner vers celui dont il portait le nom. Lorsqu’il était revenu, sans armure ni grade, Eolkar n’avait fait aucun commentaire mais son fils avait pu lire sa  déception dans ses yeux sombres. Mais dans ce regard, l’ex-Capitaine avait également aperçu autre chose: l’amour indéfectible d’un père envers son fils.  Ses parents lui avaient ouvert leur porte sans une once d’hésitation.

La mère de Learamn était toujours malade et alitée la plupart du temps mais son état s’était sensiblement amélioré ses dernières semaines. Le jeune homme était intervenu auprès de Dame Aelyn pour qu’elle envoie quelques uns des guérisseurs du palais s’occuper d’elle. Il n’était pas rare désormais de la voir se lever seule de sa couche pour marcher quelques minutes dans la maison ou même parfois dans les champs alentours.

Ce jour-là était le dernier avant son départ pour le Rhûn. Il avait informé son père de ses projets quelques jours plus tôt, et ce dernier bien qu’attristé par ce nouveau départ, ne chercha pas à le retenir. Il savait que son fils était différent des autres membres de la famille. L’esprit d’aventure, l’appel du devoir ou le goût du combat qui n’avaient jamais parlé à Eolkar où à ses autres enfants, caractérisait Learamn. Bien qu’il fût banni des rangs de l’armée, son fils était un soldat plus que tout autre chose et il était bien inutile de vouloir le garder auprès de lui à manier la fourche.

L’ancien officier avait déjà fait ses adieux à son frère et sa soeur dans leurs demeures respectives où il avait été pris d’assaut par son contingent de neveux et nièces. Les enfants, dans un remarquable travail collectif, avait réussi à faire tomber leur oncle avant de le chatouiller avec zèle. Ce moment privilégié que Learamn partagea alors avec sa famille lui rappela tout ce que la vie d’un guerrier réclamait comme sacrifice.

Quelques minutes avant son départ, Learamn poussa la porte de la chambre de ses parents où sa mère était allongée. Celle-ci, en voyant son fils entrer, lui adressa un sourire plein de chaleur maternelle.  Son état de fatigue extrême ne l’empêchait pas de manifester tout l’amour qu’elle portait pour son fils. Elle était physiquement faible mais son esprit était fort et clair. Learamn l'ignorait mais ces derniers jours son état s'était aggravé malgré les efforts des guérisseurs dêpchés par Dame Aelyn, elle était très souffrant mais elle n'en dit rien à son fils et ne laissait rien transaparaître à chaque fois que ce dernier venait la voir.

“Alors le moment est venu?”
lui fit-elle, arborant toujours ce sourire aimant.

Learamn s’approcha et se pencha auprès de sa mère.

“Oui mère, je suis désolé de vous laisser ainsi mais il me reste une dernière mission à accomplir.
-Va mon fils, embrasse ton destin même si celui-ci te porte loin de nous.”


La gorge sèche, le jeune cavalier chercha les bons mots pendant quelques instants. Il n’était pas le plus doué lorsqu’il s’agissait d’exprimer ce qu’il ressentait à ses proches.

“Mère je sais que cela ne changera rien à ce qui est déjà fait. Mais je tenais à m’excuser. Pardon. Pardon pour tout, pardon pour vous avoir oublié père et vous alors que vous aviez besoin de tous vos enfants. Je comprends la colère de père, j’ai été ingrat et prétentieux. Je me suis perdu et…”


Il fut coupé par sa mère qui, comme Iran quelques semaines plus tôt, posa un doigt délicat sur ses lèvres pour le faire. Elle lui répondit par un sourire encore plus resplendissant qui arracha une larme à Learamn.

“Va mon fils. Va pour ce qui est juste. Ne laisse pas les regrets t’accabler.”

Il sentit une larme couler le long de sa joue, larme qui fut essuyée affectueusement par la main douce de sa mère.

“Je reviendrai maman, je reviendrai je te le promets. Je reviendrais plus fort je te le promets.
-Tu es déjà fort Learamn et je t’aime pour celui que tu es.
- Je t’aime maman.”


Le coeur serré et sur le point de fondre en sanglots dans les bras de sa mère, Learamn se redressa ensuite  et déposa tendrement un baiser sur son front pâle. Il se dirigea ensuite vers la porte et se retourna une dernière fois.

“Au revoir mère.”


Elle ne répondit rien jusqu’à ce que Learamn ne quitte la pièce. Puis ses yeux s’humidifièrent et elle murmura avec émotion .

“Adieu mon fils.”




Eolkar était posté à l’entrée de la maison où son fils le rejoignit. Il était temps pour ce dernier de dire au revoir à son paternel et de prendre la route. Les deux hommes se prirent dans les bras et  Eolkar dévisagea longuement Learamn sans un mot.

“Père. Je sais vous avoir déçu à de nombreuses reprises mais permettez moi de vous demander votre bénédiction pour ce périple.
-Learamn, les bénédictions n’ont jamais été mon fort. Mais  il y a une chose que tu dois savoir. Ce n’est ni l’armure, ni le grade qui font de toi l’homme que tu es mais c’est ce que tu détiens ici.”


Il posa sa main rugueuse sur le torse de son fils,  à l’emplacement du coeur.

“Capitaine ou pas cela n’a pas d’importance
, poursuivit Eolkar, tu es Learamn du Rohan, un homme juste, droit et brave. Ce sont ces valeurs qui doivent te guider et non un titre aussi presitigieux soit-il. Ton entreprise est noble mon fils, puisse les Valars veiller sur toi et ton amie jusque dans les terres d’Orient.
-Merci père.
-Au revoir mon fils.”


Après une dernière franche accolade, Learamn enfourcha Heolstor et partit au galop en direction d’Edoras.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


“Du coup je dois t’appeler juste Jeune Pousse  maintenant ?
-Tu peux m’appeler  Learamn aussi, ça peut faire l’affaire.
-Non, je crois que je vais rester avec Jeune Pousse.”


Eopren avait finalement était rêlaché sous conditions quelques jours plus tôt, son rôle dans cette histoire avait été déterminant mais hormis Learamn et Iran personne n’était réellement au courant. Pour la troupe, Eopren avait fait un nouveau tour dans les cachots à cause des ces combines douteuses et trafics en tout genre.

“Le Rhûn ça fait un bout de chemin quand même, tu es certain de vouloir faire seul? Je veux dire tu pourrais encore avoir besoin de moi.”


Learamn esquissa un sourire et posa une main sur l’épaule de son ami de longue date.

Non Eopren, je dois faire cela seul. Et puis contrairement à moi tu n’as pas été banni et cela m’étonnerait fort que ton supérieur te laisse vagabonder jusque dans l’Est lointain.
- Ah ce vieux croûton d’Eoral…
- “Sergent” Eoral.
- Oui, oui hein. Ah oui d'ailleurs j'ai quelque chose pour toi. Tu risques d'en avoir besoin là où tu vas.”


De sa sacoche, Eopren sortit une longue épée placée dans un fourreau brut.

"Elle n'a peut-être pas la même allure que l'épée d'officier de la Garde mais c'est une lame de grande qualité, tranchante et parfaitement équilibrée."

Learamn la sortit de son fourreau et la mania quelques secondes. Cette sensation de manipuler une arme lui avait terriblement manqué.

" En effet c'est une bonne lame. Je ne sais comment te remercier Eopren mais comment as-tu dégoté ça?
-Disons que le forgeron avait une dette impayée envers moi."


Les deux amis se dirigèrent vers l’entrée de la cité où Heolstor et Keyvan étaient harnachés, Eolida était également présente avec deux guérisseurs qui avaient amenés une Iran encore inconsciente. La Garde Royale salua Learamn avec le respect qui la caractérisait.

“Elle est faible mon Capitaine. Êtes-vous bien certain de ce que vous faîtes?  
-Il n’y a pas d’autre choix.”


Il monta en selle et on l’aida à y hisser également Iran qu’il fit asseoir juste devant lui, le jeune homme l’encadrant avec ses bras qui tenaient les rênes. Heolstor était un cheval puissant, taillé pour les charges et l’endurance,  qui pourrait supporter le poids de deux cavaliers quant à Keyvan, plus fluet et rapide, on l’avait chargé des paquetages que le jeune cavalier avait réduit au strict nécessaire.

“Eh! Learamn sois prudent surtout hein!
-J’y tâcherais mon ami, quant à toi ne fais pas trop de bêtises. Je ne serai plus là pour te sauver les fesses.”

Les deux guerriers échangèrent un dernier rire avant que Learamn ne fassent avancer les montures au pas.

Il jeta un dernier regard par-dessus son épaule en direction du Château d’Or, un édifice qui appartenait désormais à son passé.
Assis juste derrière elle, il était subjugué par l’odeur envoûtant de la chevelure d’Iran. Il lui murmura à l’oreille.

“Nous rentrons à la maison.”


Au galop, ils mirent le cap sur l’Est.


++++FIN++++

#Eolkar #Eopren #Eólida
Sujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]
Learamn

Réponses: 68
Vues: 5546

Rechercher dans: Meduseld   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 4 Mar 2018 - 18:55

 Nul n’était décidément à l’abri des troubles qui agitaient Edoras. Même les prisonniers qui croupissaient dans les géôles de la capitale se retrouvaient soudain  au coeur de la tempête. La plupart d’entre eux n’avaient plus humé l’air de la surface depuis des mois voires des années et, de par leur condition, n’avaient plus grand chose à envier aux morts. Mais cette nuit là, la prison avait été le nouveau terrain de jeu d’une destinée qui malmenait les dignitaires du Rohan depuis quelques jours et ses pensionnaires, figurants aveugles de la scène, en avait été ramenés à la vie. Pourtant, malgré ce regain de vitalité, ils ne s’étaient pas montré particulièrement actif durant l’affrontement qui avait eu lieu dans l’une des cellules. La plupart n’avaient pas daigné se tirer de leur sommeil, d’autres s’étaient collés aux barreaux dans l’espoir vain de voir ce qui pouvait bien se passer dans la pénombre.

 La rixe fut brève et les quelques curieux qui s’étaient précipités pour voir un peu de la scène retournèrent à leur couche sans se poser plus de questions. Mais le calme ne revint pas  pour longtemps dans les couloirs lugubres, quelques dizaines de minutes plus tard des bruits de pas qui cette fois ne se voulaient pas discrets se firent entendre. Cette musique là, ils la connaissaient tous: on amenait un nouveau résidant, rien d’assez important pour se réveiller. Les présentations avec le nouveau pouvaient attendre le lendemain.

Ces gardes traînaient un Eopren qui n’en menait pas large. Il avait été soigné et pansé à la va-vite mais la blessure infligée  par Gram était profonde et faisait grandement souffrir le vétéran qui grognait sans discontinuer tandis que les gardes le traînaient vers sa nouvelle chambre. Ceux-ci s'apprêtaient à jeter leur captif dans une cellule mais s’arrêtèrent net lorsque leur torche fit la lumière sur le macabre spectacle qui venait d’avoir lieu. Deux des cachots étaient ouverts pour autant de cadavres. Evdal, le garde royal à qui le capitaine Wald avait laissé la charge d’amener Eopren en prison, ne mit pas longtemps à identifier le corps de l’homme de troupe qu’ils avaient arrêté quelques heures plus tôt alors qu’il était aux prises avec le vétéran. A ses côtés l’Orientale était agenouillée, visiblement très affaiblie mais vivante et consciente. Sans dire un mot le jeune guerrier se dirigea vers la seconde cellule; il fronça les sourcils en découvrant la dépouille d’un geôlier qui avait trempé dans cette affaire inquiétante.  Evdal sentit une bouffée de chaleur monter en lui, la panique le gagnait petit à petit; ce devait être une simple mission de routine et il se retrouvait avec ça sur les bras. Il n’avait pas été formé à cela. Cherchant désespérément du soutien il se tourna vers les hommes qui l’accompagnaient mais au vu de leur air hébété ils ne seraient pas d’un grand secours. De son côté, Eopren s’était accroupi au côté d’Iran et ils se regardèrent silencieusement l’un l’autre durant quelques secondes, assez pour que chacun remarque les meurtrissures de son allié. Le vétéran soupira, décidément cet Ordre avait bien plus de ressources qu’il ne le pensait: ils étaient parvenus à s’immiscer ici avec les clés des cachots pour abattre leurs cibles. Il frémit à l’idée de ce que  leurs ennemis mystérieux pouvaient faire de plus. Jusqu’où s’étendait donc leur zone d’influence? Au moins l’Orientale était encore en vie; il était évident qu’elle avait rudement combattu pour sa survie; le cadavre dans la pièce voisine et la marque sur son cou en étaient les preuves. De plus elle semblait même avoir des informations d’une extrême importance qu’elle disait devoir transmettre au plus vite au capitaine Learamn. Eopren fut tenté de la questionner pour en savoir plus mais au final il était tout comme elle coincé ici et ce qu’il savait n’arriverait jamais à la surface si quelqu’un de confiance ne venait pas à leur rencontre. Et la seule personne de confiance à l’heure actuelle c’était le capitaine Learamn. Le vieux briscard allait encore devoir sortir quelque chose de sa botte mais il avait bien peur qu’elle soit vide. Ce n’était vraiment pas simple d’être  l’homme de la situation.

 Complètement perdu, Evdal tenta de garder un semblant d’autorité en dissimulant sa confusion.

“Que s’est il donc passé? Répondez prisonnière!”


Il n’eut pas vraiment de réponse et n’insista pas. Le jeune garde était clairement mal à l’aise et l’intimidation n’était pas son fort surtout quand la captive était dans un état d’affaiblissement aussi  avancé. Eopren lança:

“Elle est en état de choc, elle sera bien incapable de vous répondre.”

C’en était visiblement trop pour Evdal, cette affaire dépassait très nettement ses compétences et il se devait d’informer la hiérarchie au plus vite. Il se tourna vers les autres gardes:

“Montons faire notre rapport au capitaine Wald!”


 Le vétéran fit la grimace, si Wald venait ici le premier tout était terminé. L’officier ne tarderait pas à en informer les instances supérieures qui avaient déjà usé de leur influence pour mettre Iran aux arrêts et la position hiérarchique avantageuse de Learamn en serait immédiatement court-circuité. Face aux ordres venant de plus haut, le jeune officier était bien impuissant. Il se décida donc à jouer le tout pour le tout , de toute façon il n’avait plus grand chose à perdre.

“Excusez moi ? Vous comptez faire votre rapport au capitaine Wald?”

Interpellé, et quelques surpris par cette question inattendue Evdal mis un certain temps avant de répondre.

“Eh bien oui. Y-a-t-il un problème?
-Disons simplement qu’en tant que garde royal vous devriez en informer le Capitaine de la Garde. Deux cadavres trouvés dans les cachots et l’Orientale blessée, cela a tout d’une affaire assez sérieuse pour monter jusqu’aux oreilles du capitaine Learamn non?
-Taisez vous  et ne bougez pas d’ici!”


Dans la pénombre seule Iran put voir le sourire amusé d’Eopren. Comment pouvait-il bouger vu qu’on venait de verrouiller à nouveau la porte devant eux? L’ordre donné par Evdal était plutôt un signe qu’il était parvenu à instiller encore plus de doute dans le jeune esprit déjà bien embrouillé du garde royale.

Les gardes s’éloignèrent sans un mot. Juste à côté de lui il sentit  Iran tressaillir, elle était demeurée silencieuse jusque là mais il espérait bien qu’elle raconte quelque chose à un moment ou à un autre,  Ne sachant pas trop comment la rassurer, le vétéran posa maladroitement une main sur son épaule et fit :

“Jeune Pousse va arriver d’ici peu et tout s’arrangera tu verras.”


En réalité il espérait surtout que de son côté Learamn n’avait pas eu de problèmes avec le Vice-Roi. Si le capitaine finissait aussi au cachot, alors plus personne ne se dresserait contre la menace qui planait au dessus du Château d’Or.


----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Moins d’une demi-heure plus tard de nouveaux bruits de pas se firent entendre, provoquant un élan de protestation générale au sein de la prison.

“C’est pas vrai mais qu’est ce passe encore?
beugla un détenu
-Elles finiront donc jamais vos conneries? tonna un autre
-On peut plus dormir tranquille ici!
-Même en prison ils viennent avec leurs sornettes
!" Se plaignit enfin  un prisonnier un poil plus éduqué que ses comparses.

Il n’y avait pas que les bottes militaires qui résonnaient sur la roche sombre mais on entendait mais aussi un cliquetis, comme deux bâtons que l’on tapait à rythme régulier sur le sol: le capitaine Learamn était là.   Derrière lui se trouvaient plusieurs membres de la garde royale dont Evdal, qui était venu l’informer directement de la situation et Wald qui ne pouvait manifester aucune opposition pour le moment puisqu’aucun ordre directs venant d’en haut ne lui donnait cette fois le droit de désobéir à son supérieur hiérarchique au sein de la Garde.

L’entretien avec le Vice-Roi ne s’était pas passé de manière idéale, les mots de Mortensen avaient été très durs et il n’avait pas réussi à négocier la libération d’Iran. Mais il avait plus ou moins obtenu gain de cause à propos de sa position dans cette histoire et son mentor avait pris au sérieux les affirmations du cavalier à propos de l’Ordre de la Couronne de Fer.  Le vice-roi et son subordonné avaient tout deux assez souffert des exactions de cette organisation pour savoir qu’elle pouvait très bien se cacher partout y compris ici même, alors que tous la croyait dissoute. Il avait plus tard  ensuit été informé de la mise aux arrêts de son second atout lors d’une altercation avec Gram puis de la scène intrigante qu’Evdal avait découvert.
Dès qu’il arriva à la hauteur de ses deux amis prisonniers ainsi que des cadavres il commença à donner ses ordres.

Remontez les corps et tâchez d’identifier celui-ci au plus vite ainsi que les armes utilisés, ordonna-t-il en pointant la dépouille du geôlier.
-Capitaine,
implora alors Eopren, elle est mal en point.”

L’officier se saisit de la torche et éclaira l’Orientale qui, effectivement, apparaissait très faible. Une large trace violacée sur son cou indiquait également qu’elle y avait échappé de peu. Learamn eut un pincement au coeur. Le sort s’acharnait sur cette femme sans repères, on l’avait molesté, insulté, frappé et plusieurs fois tenté de la tuer pour des motifs dont elle n’était pas même responsables. Jusque là elle avait tenu, c’était une guerrière, un être fort qui avait su encaisser mais jusque quand le pourrait elle?  Combien de temps fallait-il pour que sa carapace se brise et que l’on blesse enfin son âme?

“ De l’eau! Donnez lui à boire vite!”


Wald s'exécuta. Il sortit sa gourde et s’accroupit auprès d’elle mais Eopren lui arracha l’outre des mains avec un regard noir et se chargea de désaltérer la prisonnière. Le capitaine ouvrit la bouche pour remettre le prisonnier en place mais se ravisa. C’était un homme réfléchi et la situation était bien trop grave pour que l’on relève ce genre de gamineries.
Learamn donna alors ses dernières instructions à sa petite troupe:

“A présent remontez les corps et informez l’infirmerie que l’on a besoin de guérisseurs par ici et au plus vite. Wald, je vous charge de faire un rapport au Vice-Roi s’il accepte de vous voir mais je vous défends de parler de cela à qui que ce soit d’autre. Uniquement le Vice-Roi. C’est un ordre compris?
Son subordonné fit signe que le message avait bien été reçu.
-Et faites descendre de  quoi se mettre sous la dent aussi! vociféra l’un des détenus d’une cellule voisine. Une remarque qui ne fit pas du tout rire le capitaine de la Garde qui frappa violemment de son épée sur les barreaux de la cellule de l'intéressé.
-Taisez vous par les Valars ou vous goûterez de l’acier.

La figure moqueuse du détenu disparu subitement dans la pénombre au fond de sa cellule tandis que les soldats s’éloignaient le long du couloir laissant Learamn seul dans la cellule avec Iran et Eopren. Le cavalier attendit un moment que ses hommes soient assez loin avant de chercher à savoir les raisons de cette boucherie.

“Alors maintenant il va falloir m’expliquer ce qu’il s’est passé ici.
-Moi j’en sais rien
, répondit Eopren avec un haussement d’épaules, c’était comme ça quand je suis arrivé Au début je voulais que tu viennes interroger Gram, c’était la logique de mon plan mais à priori c’est trop tard pour ça. Par contre l’Orientale voulait à tout prix te parler  , donc je me suis arrangé pou…
-Iran, je suis navré de devoir te brusquer alors que tu es dans cet état et que je n’ai pu obtenir ta libération mais le temps nous est compté. Si tu sais quelque chose tu dois le dire maintenant avant qu’il ne soit trop tard je t’en prie.”

Learamn s’était à son tour agenouillé et avait posé ses mains sur celle de la belle captive comme pour lui transmettre une partie de son énergie vitale.

“Iran, murmura-t-il, si tu n’as rien alors nous sommes perdus.”

Le flou était total et chaque minute qui s’écoulait rapprochait l’Ordre de son objectif. Avec ses deux seuls alliés de confiance aux fers, tout reposait sur les épaules du Learamn. Mais s’il n’obtenait pas ici des renseignements alors il ne pouvait plus rien.

#Wald #Evdal
Sujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]
Learamn

Réponses: 68
Vues: 5546

Rechercher dans: Meduseld   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 1 Jan 2018 - 23:38


Tout avait été réglé comme du papier à musique et se passait pour le mieux. Gram avait cru à cette histoire d’herbe  à pipe impayée, ce qui n’était pas étonnant tant cela tenait debout pour peu que l’on connaissait un peu Eopren; il paraissait même soulagé comme s’il s’était attendu à quelque chose de pire. Les soupçons du vétéran à l’égard de son vis-à-vis s’en trouvèrent considérablement renforcés même si dans un même temps il ressentait une certaine compassion pour son interlocuteur dont la peine de la perte de son ami était sincère. Eopren connaissait la douleur provoquée par la perte d’un frère d’armes, il avait arrêté de compter ses camarades tombés au front dont bien peu avait eu la chance d’avoir une fin héroïque. Chaque fois il avait ressenti un sentiment de  vide pendant plusieurs jours en regardant leur couchette désormais vide avant qu’une nouvelle recrue ne s’y installe, chaque fois il s’était dit qu’il pourrait bien être le prochain à mourir bêtement pour rien comme son voisin de table de l’avant veille et chaque fois il noyait ses sombres pensées dans l’alcool et ses petits trafics.  

Les deux soldats continuèrent à parler pendant plusieurs dizaines de secondes, Gram visiblement mal à l’aise ne cessait de lui assurer qu’il lui paierait son dû pour mettre fin à la discussion le plus tôt possible mais son aîné ne cessait de le relancer ou de lui poser des questions banales. Il n’avait aucun intention de le laisser filer à vrai dire et si tout se passait comme prévu il lui suffisait de le retenir encore quelques minutes pour supplémentaires avant d’allumer la mèche.

 Malheureusement il paraissait écrit que ses derniers temps rien ne devait se passer comme prévu. La petite cour dans laquelle ils se trouvaient étaient d’ordinaire très peu fréquentée et Eopren avait très fortement compté sur le fait qu’ils ne seraient pas interrompu. Au final ce ne fut pas l’interruption en elle-même qui se révéla problématique mais plutôt sa teneur. Quand ce soldat déboula pour informer Gram que Wald mobilisait les hommes à propos de l’incendie, l’ami de Learamn lui adressa un regard noir comme pour lui intimer silencieusement de pas en dire plus. La manoeuvre ne fut pas un grand succès et le nouveau venu lâcha la phrase la plus efficace qu’il fut pour détruire le fragile édifice qu’Eopren avait mis en place pour coincer son suspect.



"Aucune piste, surtout que les corps sont impossibles à identifier. C'est pour ça qu'on va ratisser la ville cette nuit."


Le soldat partit et le petit trafiquant poussa un long soupir avant de fixer son interlocuteur sans savoir que dire pour rattraper le coup et se contenta donc d’observer combien de temps il mettrait à se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond. Et Eopren constata douloureusement qu’il avait sous-estimé les capacités intellectuelles du traître qui ne mit pas plus d’une poignée de secondes à réagir. Une douleur vive déchira l’abdomen du vétéran dans lequel s’était fiché la lame de la dague de Gram, par un réflexe miraculeux il avait réussi à mettre son bras en opposition pour éviter une blessure plus profonde. Le vétéran recula immédiatement de plusieurs mètres pour se mettre hors de portée de son adversaire, une main sur son ventre sanguinolent et une expression traduisant une douleur intense teintée de surprise. L’attaque avait été rapide, précise et efficace et le plus jeune des deux combattants avait dorénavant un très net avantage.
Eopren dégaina son épée d’un geste gauche et se mit tant bien que mal en garde, pointe dirigée vers son vis-à-vis pour le maintenir à distance. De son autre main il appuyait toujours sur sa blessure qui saignait abondamment.

“Enflure!”


Ce fut le seul qualificatif qui passa par la tête du vétéran, d’autre aurait pu parler de traîtrise ou de parjure mais les arguments patriotiques n’avaient jamais été son domaine de prédilection.  Il tentait de garder une distance de sécurité en effectuant des moulinets maladroits avec son arme. Gram était animé par une haine soudaine qui devait être liée au désir de venger son ami et face à un tel déchaînement le vieux roublard ne donnait plus très cher de sa propre peau. Il savait que cela se finirait en affrontement- il avait d’ailleurs prévu d’engager un combat à mains nues- mais celui-ci était venu bien trop tôt. L’objectif était désormais de gagner du temps et pas simplement pour repousser une échéance fatidique. Eopren avait encore un tour dans son sac, un carte qu’il avait jouée à l’avance pour pallier à ce genre de situation. Mais jusque là il devait tenir. Coûte que coûte.

 Au terme de quelques dizaines de secondes d’un affrontement visuel durant lequel les deux hommes s’étaient jaugés, Gram passa à l’offensive et tenta de briser la garde de son aîné en faisant un mouvement de côté pour pouvoir atteindre son adversaire de sa courte lame. Sa manœuvre passa à un cheveu de la réussite, Eopren ne devant son salut qu’à un pas en arrière effectué in extremis, la dague siffla et tinta au contact de la cotte de mailles du soldat. Quelque peu déséquilibré par son attaque dans le vide, l’agent de l’Ordre n’eut le temps de parer le coup de poing magistral qui attestait d’une certaine maîtrise dans le domaine chez son expéditeur. Il y eut un petit craquement quand les phalanges heurtèrent son nez; déstabilisé Gram recula en se tenant le nez qui se mettait à saigner. Le vieux cavalier défendait chèrement sa peau mais à mesure que le temps passait il perdait de plus en plus de sang et s’affaiblissait, ouvrant par là même des boulevards aux attaques. Il ne tiendrait plus très longtemps.

Eopren marmonna alors entre ses dents de manière énigmatique:

“Allez mon petit...bouge-toi les fesses.”


-------------------------------------
Le tout jeune palefrenier courait à en perdre haleine le long des  couloirs de la garnison du palais. Il connaissait l’endroit par coeur tant il avait déambulé ici dans le cadre de son travail ou même de ses temps libre, il n’avait pas grand chose d’autre à faire, trop jeune pour partager une pinte avec les guerriers et trop âgé pour s’amuser avec les enfants du palais en jouant aux figurines en bois verni.  De temps à autre il ralentissait et, anxieux, il posait une main sur sa poche avant d’émettre un petit soupir de soulagement. Les pièces d’or étaient toujours là. Il les avaient reçu de la main du vieux Eopren, il n’était pas particulièrement âgé mais c’était un vétéran qui semblait avoir été assigné à la protection de la capitale depuis la nuit des temps. Un type louche qui traînait dans des affaires pas très nettes et dont on lui avait toujours dit de se méfier. Toujours était-il que quand le cavalier lui avait proposé une dizaine de pièce d’or pour lui rendre service, le jeune adolescent n’avait pas longuement hésité. Il avait toujours tenu à rester à l’écart des petites transactions en tout genre mais là l’offre était trop belle, tant de monnaie pour une tâche aussi anodine , il n’en avait pas demandé plus pour prendre la moitié de son salaire, la seconde partie devant venir après service rendu. Pour ce qu’il avait à faire, il ne risquait pas grand chose par ailleurs.

Il déboula finalement dans le mess de l’aile militaire de Meduseld et s’arrêta un instant pour visualiser la salle. Malgré l’heure tardive il y avaient toujours une dizaine de soldats éparpillés en petits groupes ça et là qui partageaient un repas en discutant bruyamment. L’âtre de la cheminée était vide, cela faisait des semaines que l’on allumait plus de feu ici avec la chaleur extérieure qui asséchait les alentours. Le garçon repéré finalement un visage connu et se précipita à la rencontre du sous-officier qui se tenait debout près du comptoir.

“Sergent! Sergent!”


Le principal intéressé tourna alors la tête vers le jeune écuyer et haussa un sourcil étonné. Wald avait eu une rude soirée et comptait se relaxer avant d’aller dormir mais visiblement on ne voulait pas se lâcher.

“Du calme mon garçon
, répondit-il avec bienveillance, reprends ton souffle et dis-moi ce qui t’amène ici.”

Le jeune homme posa ses mains sur ses genoux et respira bruyamment, après sa course effrénée de plusieurs minutes ses joues avaient rougi et sa respiration se faisait sifflante, signe de l’asthme dont souffrait le garçon.  Il se redressa finalement et formula tant bien que mal la phrase qu’on lui avait dit de répéter à un garde royal.

“Une...une bagarre dans l’arrière cour...l’arrière cour des Evadés. Il faut  y aller vite sinon ils vont s’entretuer.
- Par Eorl! “


Le capitaine fit volte-face et appela sur le champ tous les guerriers présents dans la salle.

“Prenez vos armes et suivez moi!”


Il posa une main amicale sur l’épaule du palefrenier en guise de remerciement et se précipita hors de la salle à manger suivi de toute sa troupe fraîchement constituée.

----------------------------------------------------------
Eopren ne tiendrait plus très longtemps, les attaques de son adversaire se faisaient de plus en plus rapides et menaçantes et il avait de plus en plus de mal à les éviter. Un nouveau mouvement de  Gram lui permit d’entailler l’épaule du vétéran, arrachant à ce dernier un grognement de douleur. Cette blessure était superficielle contrairement à celle qui barrait son abdomen mais la souffrance supplémentaire qu’elle engendrait continuait à l’affaiblir un peu plus.  Ne pouvant plus lutter avec les armes Eopren essaya de gagner du temps avec les mots.

“T’sais Gram, j’ai peut-être toujours trempé dans des trucs un peu louches mais au moins moi j’ai jamais trahi mes camarades. Dis-moi , qu’est ce que ça fait de tuer ses frères d’armes pour une poignée de pièces de cuivre? On se sent sale après hein?”

Mauvaise idée. L’invective eut pour tout effet la démultiplication de la colère de son adversaire qui redoubla d’effort pour le coucher au sol. Eopren repoussa quelques tentatives d’attaque en faisant de grands mouvements avec son épée, le vétéran  concentrait son attention sur la dague de son ennemi qui constituait le danger principal mais pas le seul et quelle ne fut pas sa surprise quand d’une balayette bien sentie Gram lui fit mordre la poussière avant de lever haut son bras armée pour finir le travail.

 Alors un bruit de bottes se fit entendre et Eopren esquissa un sourire. Il ne s’était pas ruiné pour rien.  Wald et plusieurs soldats firent irruption dans la cour et se jetèrent immédiatement sur le traître qui s’apprêtait à achever le vétéran.

“Que se passe-t-il ici?”
vociféra Wald.

Mais cette question était destinée à rester sans réponse pour le moment tant les deux acteurs du combat n’avait strictement aucun intérêt à révéler quoi que ce soit. Un rictus satisfait apparut cependant sur le visage du sergent quand il remarqua la présence d’un Eopren sur le flanc. Deux hommes aidèrent l’ami de Learamn à se relever et avisèrent sa blessure.

“Il a besoin de soins rapidement!
s'alarma l’un des hommes.
-Conduisez le à l’infirmerie et vite! Quant à l’autre jetez le au trou, qu’il y attende son interrogatoire.”


Wald s’approcha alors du cavalier blessé et siffla entre ses dents.

“Je te jure Eopren que dès que tu seras grossièrement pansé, je m’assurerai personnellement de ton envoi au cachot et ce pour bien plus qu’un jour ou deux comme tu en as l’habitude.
-Tout aussi heureux de te voir Wald.”


Le plan du vétéran avait plus ou moins fonctionné, il s’était débrouillé pour mettre leur principal suspect sous les verrous. Il n’y avait plus qu’à espérer que cette affaire remonte aux oreilles de Learamn pour qu’il puisse se charger d’interroger Gram car dorénavant le jeune officier se retrouvait plus seul que jamais dans quête, Iran et Eopren ayant été mis hors-jeu pour le moment.

Le guerrier murmura avant de sombrer dans l’inconscience.

“C’est à toi de jouer Jeune Pousse maintenant…”
Sujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]
Learamn

Réponses: 68
Vues: 5546

Rechercher dans: Meduseld   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 15 Nov 2017 - 0:15
Le discours audacieux du jeune capitaine avait au moins réussi à interpeller le Vice-Roi, sûrement un peu trop d’ailleurs. Le regard fixé vers le sol, Learamn attendait que le courroux de son supérieur ne se déchaîne sur lui; le jeune homme avait tenté de faire vibrer à nouveau la fibre guerrière qui sommeillait dans le coeur de Mortensen qui avait troqué sa lame pour la plume et les chevauchées pour les affaires politiques. Que restait-il vraiment du Champion du Rohan dans ce Vice-Roi épuisé sur lequel s’abattait tous les malheurs du monde? La mention du retour de l’Ordre de la Couronne de Fer l’avait visiblement ébranlé et son regard se para d’un voile de tristesse durant une fraction de seconde; ce sentiment amer et désespéré de ne jamais en finir avec cet ennemi juré qui trouvait toujours un moyen pour resurgir d’entre les morts et frapper ceux qu’il aimait.

Comme il s’en doutait les réprimandes finirent par arriver . Le jeune homme avait désobéi à un ordre direct de son supérieur, il s’était mêlé à toute cette affaire quand Mortensen lui avait personnellement spécifié d’en rester éloigné pour d’obscures raisons. Etait-ce car cela concernait sa compagne? Dans ce cas là ne devrait-il pas compter sur des hommes qui lui sont loyaux pour l’épauler? L’ancien maréchal avait-il perdu confiance en son jeune officier? Ou alors était-ce en raison de son état de santé?Tant de questions qui n’avaient  pas cessé de torturer l’esprit de Learamn ces derniers jours et auxquelles il comptait bien obtenir des réponses.  Le jeune capitaine se crispa quand Gallen parla de punition et il se figurait déjà ses propres gardes le saisirent sans ménagement pour le jeter dans un cachot comme ils l’avaient fait avec Iran.  Des forces venimeuses étaient à l’oeuvre dans ce château et leur influence semblait dépasser tout ce à quoi il s’était attendu. Et si….et si le Vice-Roi était lui aussi inconsciemment leur influence? Et si quelque voix insidieuse avait trompé son esprit affaibli pour pouvoir manipuler son pouvoir à sa guise afin de se débarrasser des personnes les plus  embarrassantes?  Se faire à cette idée relevait quasiment de l’impossible tant l’admiration de Learamn envers son mentor avait toujours été totale mais c’était une possibilité à envisager et si elle s’avérait juste alors le jeune capitaine serait plus que jamais abandonné à lui-même.


Alors le Vice-Roi parla de serment de loyauté envers le Rohan et son peuple et des souvenirs resurgirent sans crier gare. Une discussion tendue survenue plus d’un an plus tôt alors que le jeune capitaine, tout fraîchement promu après son retour de Vieille-Tombe, s’était lancé sur le traces d’Orwen; il avait croisé la route de la Lice, un officier du Roi peu avenant, qui avait traité le nouveau Vice-Roi de parjure qui avait trahi les valeurs de son pays pour se soumettre au félon et obtenir son poste à Aldburg. A l’époque Learamn, encore très inspiré par l’aura de celui qui l’avait fait grandir dans l’armée,  n’avait pas vraiment prêté attention à ses paroles  haineuses mais à présent que sa confiance était plus fragile elles prenaient une toute autre dimension. Après tout Gallen n’était qu’un homme avec les nombreuses faiblesses que cela comporte; pour arriver au pouvoir il avait sûrement dû employer de retors stratégies politiques peu honorables et placer ses pions.  Alors que ces pensées pleine de doutes assaillaient le jeune homme , celui eut un infime mouvement de recul comme s’il ne sentait plus vraiment en sécurité auprès de son modèle.


Learamn se reprit cependant rapidement. Parjure ou pas, nul ne pouvait effacer les exploits et autres actes de bravoure qui avaient forgé sa réputation. Il n’avait peut-être pas toujours   toujours été  exemplaire  mais qui l’était?N’avait-il pas lui même aussi parjuré pour sauver la mise d’Orwen face à la Lice? Parfois la vie confrontait les hommes les plus droits à des dilemmes dont la seule porte de sortie impliquait la ruse ou le mensonge. Il y avait peu de monde qui avait été mieux placé que le jeune officier pour témoigner de la dévotion complète et sincère du Champion du Rohan envers sa patrie. Aujourd’hui le héros avait perdu de sa superbe, plongé une fois de plus dans d’innombrable tourments et l’esprit sûrement empoisonné par de mauvaises influences; aujourd’hui plus que jamais il avait besoin de l’un de ses plus fidèles guerriers quand bien même si cela devait signifier l’insubordination aux ordres donnés.

Le jeune homme se redressa finalement et soutint le regard perçant de son supérieur avant de poser un genou à terre et un poing sur le coeur. Une vide douleur traversa sa jambe, lui arrachant une grimace au passage, mais il resta en position et prêta serment.

“Excellence, je n’ai pas achevé la mission que vous m’avez donné. Que ce soit à Aldburg, en Rhûn ou à Pelargir vous m’avez envoyé combattre l’Ordre de la Couronne de Fer. Mais tant qu’il restera des traces de cette maudite organisation cela signifiera que j’ai échoué.  Je jure aujourd’hui sur le Rohan et sur l’honneur de mon peuple que je poursuivrai la mission qui m’a été incombée jusqu’à son accomplissement ou la mort. ”


Ces paroles paraissaient quelque peu ridicule dans la bouche d’un homme incapable de se déplacer sans béquilles et qui n’avait plus monté à cheval depuis des mois. Mais l’avenir du Rohan ne pouvait plus attendre son rétablissement.
Finalement, alors qu’il avait jugé préférable de ne pas aborder le sujet à nouveau; Learamn ne put s’empêcher de conclure.

“Quant à votre décision concernant l’Orientale, je la respecte mais vous devez savoir que vos ennemis ne sont pas ceux qui en ont l’apparence.”



-----------------------------------
Eopren affichait un sourire mi-amusé mi-provocateur, cet abruti de Gram avait donc vraiment cru pouvoir lui échapper de la sorte en sortant par la cour intérieur. Ce n’était pas la première fois qu’on lui avait fait le coup et il s’était attendu à cette tentative de fuite. Le soldat expérimenté connaissait tous les moindres recoins de cet endroit , y compris ceux auxquels il n’avait pas officiellement accès, et se poster ici en attendant sa cible avait été un jeu d’enfant.  Il avait piégé l’autre guerrier, visiblement surpris et mal à l’aise.

Maintenant il allait falloir lui tirer les vers de nez avec subtilité , autant dire un domaine où Eopren était beaucoup moins à l’aise qu’au cache-cache dans Meduseld.  D’autant que l’autre bougre s’était rapidement remis de ses émotions pour répondre au tac-au-tac, soudainement plus sûr de lui comme s’il cachait un atout dans la poche.

“Bon mon vieux pépère ,
pensa Eopren, une fois n’est pas coutume c’est le moment d’être fin…”

“J’voulais te présenter mes condoléances Gram c’est tout. Il se dit qu’on a retrouvé le corps mutilé de ton pote durant l’incendie de la morgue; je savais pas si t’étais au courant mais voilà….”

Il y eut un bref moment de silence où les deux soldats se défièrent du regard, tous deux respectivement très méfiants à l’égard de l’autre.
“Bon...ok y’a autre chose
, ajouta Eopren qui avait à tout prix besoin d’autre réaction que ce silence prolongé, je sais pas si tu te souviens  Mandred et toi me devez un petit pactole en échange de l’herbe à fumer que je vous ai fourni. Maintenant qu’il est plus en mesure de payer je me disais que toi, comme tu partageais tout le stock avec lui, devrait payer pour lui ou quelque chose du genre...après on peut s’arranger tu sais; je peux songer à une réduction suite au drame mais faut quand même… tu sais les temps sont durs.”

A mesure qu’il parlait, le vieux briscard scrutait chaque réaction de son interlocuteur. Le moindre petit signe d’agacement ou d’impatience pouvant se retourner contre lui , l’ami de Learamn se devait d’ouvrir l’oeil et le bon.

#Eopren
Sujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]
Learamn

Réponses: 68
Vues: 5546

Rechercher dans: Meduseld   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 22 Déc 2016 - 18:52
La lune avait bien disparue sous les nuages mais la nuit printanière n’étais pas orpheline de toute trace de lumière ce soir là. Bien au contraire un brasier incandescent s’élevait des ruines de la morgue , une colonne de fumée surmontait les flammes rouges et oranges emportant avec elle des cendres aussi bien minérales que charnelles. Alertés par l’odeur terrible qui s’était répandue jusque dans les chaumières les plus proches, les habitants étaient sortis en urgence, prêts à aider face à la menace qui frappait à nouveau la capitale du Pays des Seigneurs des Chevaux. Cela faisait  un moment  qu’Edoras n’avait plus connu le baiser mortel des flammes, l’étreinte ardente des incendies mais nul ici ne l’avait oublié et tous savaient quoi faire pour endiguer la catastrophe.

Dans un élan de solidarité qui faisaient parfois dire que les désastres avaient au moins le mérite de souder un peuple des dizaines d’hommes, de femmes et même d’enfants plus ou moins âgés s’étaient précipités aux abords de l’antichambre des défunts pour participer à l’effort commun. On avait acheminé de l’eau à la hâte que l’on recueillait à l’aide de seaux qui passaient de mains en mains jusqu’au bout de la chaîne où les plus braves faisaient face à la fournaise pour tenter de la vaincre. Ces héros inconnus, couverts de suie et victimes des nuées toxiques qui les frappaient de plein fouet se relayaient régulièrement sans quitter de vue leur objectif : défendre leur cité. Ce soir là ils n’étaient pas différents des soldats ou des cavaliers qui veillaient à la sécurité du royaume, eux aussi se battaient avec fierté, orgueil et humanité.

Arrivé sur la scène du crime Learamn s’arrêta quelques secondes pour constater l’ampleur des dégâts et observer la ferveur qui animait ses concitoyens face au danger. Eopren et Iran s’approchèrent de la chaîne de pompiers improvisés qui s’était formé pour aider  à l’extinction de l’incendie. Le jeune officier était resté en retrait, le regard plongé au loin comme s’il essayait de repérer la meute de prédateurs de l’Ordre dans l’obscurité , eux qui devaient déjà être loin à trinquer en l’honneur de leurs méfaits.

"Revenez, il n'y a plus personne à sauver là-bas !"


Instinctivement , Learamn , alerté, fit volte-face et son regard se posa successivement sur l’homme qui avait crié l’avertissement et l’entrée de la bâtisse ou ce qu’il en restait. Il n’eut que le temps d’apercevoir furtivement une longue chevelure sombre qui s’engouffrait sans une once d’hésitation à l’intérieur de cet enfer terrestre. L’identité de cette femme suicidaire ne faisait aucun doute.

"Iran! "
cria le capitaine avant de se rendre le plus vite possible au plus près de l’action.

Dans sa “course” claudiquante il fut dépassé par une silhouette familière qui lui posa au passage une main sur l’épaule tout en lui adressant d’une voix autoritaire une injonction peu commune de la part d’un subordonné pour son supérieur.

“Toi  Jeune Pousse tu restes là! T’as déjà assez donné et on a encore besoin de toi , et pis moi au moins j’tiens sur mes guiboles…”


Sans laisser le temps à Learamn d’émettre la moindre objection, Eopren se rua  à son tour dans la fournaise laissant son capitaine pantois, ne pouvant rien faire d’autre que d’attendre planté comme un piquet toujours aussi passif qu’inutile. Il essaya bien de s’approcher au maximum pour tenter de voir ce qui pouvait bien se passer à l’intérieur mais un mur de flammes s’était dressé devant lui et il ne pouvait qu’imaginer le feu consumant l’intérieur du bâtiment les poutres et les chairs aussi bien vivantes que mortes.


En entrant à l’intérieur de la morgue , Eopren sentit presque instantanément le bout des flammes mordre son corps tout entier et le prendre à la gorge. Il n’allait pas avoir beaucoup de temps pour localiser l’Orientale et la sortir de ce chaos. La manche sur la bouche et le nez pour essayer de respirer le moins possible d’éléments toxiques le vieux briscard avança à l’aveuglette , manquant de tomber à plusieurs reprises ou évitant de justesse une poutre calcinée qui s’était détachée de la charpente.

“Dans quoi tu t’es encore fourré mon vieux?”
s'interrogea à haute voix à la fois pour se maudire et se donner du courage.

A mesure qu’il avançait péniblement, mètre par mètre, il se jurait continuellement que si au prochain pas il ne la voyait toujours pas il ferait demi-tour et laisserait l’étrangère brûler vive. Mais il ne s’y résout pas et chaque fois il se disait “ Laissons lui une dernière chance de se manifester”. Car si en apparence il affirmait fièrement vouloir avant tout sauver sa peau, en réalité il ne pouvait pas simplement l’abandonner ici. Eopren faisait partie de cette catégorie de personnes à l’enveloppe crasseuse et peu reluisante qui cachait pourtant un fond des plus beaux et humains.
Son pied percuta  alors un objet qui se renversa en répandant son contenu liquide sur le sol, la vapeur monta alors du sol brûlant, chatouillant plutôt douloureusement les quelques poils de la barbe mal taillée d’Eopren. Une quinte de toux le secoua brusquement et sa respiration se faisait de plus en plus saccadée, il lui restait peu de temps avant de se retrouver immobilisé ici. Il s’essuya d’un geste approximatif  la sueur qui coulait en abondance sur son front sans que cela ne serve vraiment et , les yeux plissés, tenta de repérer Iran dans le marasme ambiant.

Il aperçut alors une silhouette quelques mètres plus loin , écroulé au sol à priori inconsciente. Eopren se précipita et ne fut soulagé qu’au moment où il identifia les traits de l’Orientale; puisant dans ses dernières ressources il souleva la jeune femme et se tourna pour sortir vite d’ici. Mais la jeune femme le retint en le tenant fermement par le col , surpris et interpellé Eopren regarda dans la direction qu’elle  pointait de son doigt tremblant. Au début il ne vit absolument rien d’autre à part les flammes menaçantes qui lui indiquaient qu’il valait mieux partir d’ici  mais devant l’insistance d’Iran il scruta avec plus d’attention et finit par voir cet objet sphérique qui ressemblait à un ballon. Il fit un pas de côté pour l’observer avec plus de précision ; ce n’était pas une balle  mais bien une tête humaine séparée de son corps qui devait se trouver à l’extérieur avec les autres cadavres. Et ses traits, encore plus ou moins visibles, ne lui étaient pas inconnues… Il toussa à nouveau et cette fois sentit qu’il ne pouvait plus rester une seule fraction de seconde en plus; il bondit alors à l’extérieur et  s’éloigna de quelques mètres de la morgue avant de déposer le plus délicatement qu’il le pouvait la jeune femme affaiblie sur le sol. Alors qu’une petite foule se précipitait vers Iran pour s’enquérir de son état de santé , Eopren se redressa et respira à pleins poumons l’air frais de la nuit rohirrim. Une fois ces poumons nettoyés il se laissa aller à une série de jurons qui eurent la gloire de calmer le grognard.


Les quelques minutes qu’avaient duré le sauvetage d’Iran par Eopren avaient été comme des heures pour un Learamn qui ne tenait plus en place. Alors quand il vit son vieil ami surgir des flammes , la jeune femme dans ses bras, il fut l’un des premiers  à aller à leur rencontre malgré son handicap. Iran était en état de choc mais à première vue ne semblait pas souffrir de blessures graves ou de brûlures importantes. Il allait évidemment falloir demander l’avis d’un guérisseur mais à priori elle s’en était sorti indemne et Learamn pouvait pousser un long soupir de soulagement. Mais qu'est ce qui avait bien pu lui passer par la tête pour se jeter dans les flammes de la sorte ? Il devait sûrement y avoir une bonne raison mais elle était définitivement trop précieuse pour qu'on la perde. Elle marmonna quelques mots dans sa langue natale que le rohirrim ne comprit évidemment pas mais il n’y avait pas vraiment besoin de comprendre le sens de ses paroles pour que l’on juge qu’une rescapée d’un incendie avait besoin d’eau.  Discrètement il prit de sa ceinture l’outre d’eau d’Ent qu’il avait trouvé à Pelargir et il aida son alliée à boire lentement quelques petites gorgées ; cette boisson avait le pouvoir de remettre sur pieds et redonner les forces de ceux qui étaient tombés sans pouvoir se relever et Learamn avait eu plus d’une fois l’occasion de constater ses bienfaits.

"Ne nous refais plus jamais ça Iran. J'ai bien cru te perdre."
lui souffla-t-il avant de se redresser tant bien que mal.

Alors qu’il allait ordonner qu’on la transporte à l’infirmerie , Learamn fut hélé par une voix qu’il connaissait. Wald , l’un des gardes royaux sous son commandement, venait d’arriver sur les lieux. C’était un guerrier émérite qui s’était toujours montré respectueux envers son capitaine et toujours efficace; ce genre d’homme sur qui on pouvait compter et qui ne pouvait vous décevoir.

“C’est une tragédie qui semble en appeler malheureusement beaucoup d’autres.”
répondit sinistrement Learamn à la question du garde.

Les deux membres de la Garde se regardèrent quelques secondes puis le plus jeune avisa les hommes en armes de la troupe qui accompagnait Wald. Quelque chose ne tournait pas rond, les soldats ne s’étaient pas précipités pour aider les civils à finir de maîtriser l’incendie; au contraire ils ne bougeaient pas , presque en état d’alerte et prêt à agir à tout moment. A quoi tout cela pouvait bien rimer? Le jeune cavalier ne mit pas longtemps à le découvrir.

"Mon Capitaine, je vais devoir vous demander de vous écarter."


Etonné, Learamn haussa les sourcils. Il y avait anguille sous roche de toute évidence et le ton grave  de Wald et la présence de ces hommes armés ne pouvaient que renforcer le très mauvais pressentiment de l’officier.

“Qu’y a-t-il Wald?”
demanda Learamn qui eut bien vite une réponse, peut-être même trop vite.


"Nous avons pour ordre d'emmener l'Orientale avec nous. Je vous saurais gré de ne pas vous interposer.
-Quoi? “
ne put s’empêcher de dire le jeune homme sidéré.

Sa première réaction fut de se demander pourquoi mettre aux arrêts cette invitée du palais victime d’une tentative d’assassinat le matin même.  Learamn ne fit aucun geste d’opposition et ne dit rien de plus  toutefois  il ne s’écarta pas et se tenait toujours entre Wald et Iran; lui et ses béquilles. Déchiré entre sa volonté de défendre Iran et son devoir pour le pays le jeune homme ne savait plus quoi faire.  Il aurait pu remettre en place Wald qui était censé répondre de ses ordres mais il connaissait l’homme et si il se présentait face à lui avec tant de fermeté c’est qu’il avait des ordres d’en haut , de plus haut que Learamn au moins. Et refuser d’obéir reviendrait alors  à tout risquer mais d’un autre côté c’était si injuste.


Toujours sur ce même ton ferme , Wald remit en place Eopren qui s’était approché d’Iran lui ordonnant de retourner dans le rang.  Learamn ferma les yeux , espérant que son ami ne se mette pas en tête de faire bêtement des vagues et soit lui aussi emmené , or quand on connaissait Eopren on savait que tout était possible avec lui. D’abord hésitant , le vétéran  jugea, à raison, qu’il était préférable de faire profil bas devant la fermeté du Garde Royal.

Les explications qu’exposa Wald pour justifier l’arrestation d’Iran pouvaient paraître logiques et vraies à des oreilles non informées. Mais Learamn savait l’innocence de l’Orientale, ce qu’on lui reprochait n’était pas de son fait. Dame ! Il aurait dû s’en douter, être plus prudent avec elle au lieu de l’envoyer seule dans la ville pour enquêter ; tout le monde ici ou presque se méfiait d’elle , divers sobriquets et adjectifs  circulaient la qualifiant tantôt de “sorcière” tantôt de “démon”et il n’avait fallu que d’un petit élément déclencheur pour que tout s’embrase, comme cette morgue.
Iran ,elle, s’était déjà relevée , après avoir vu la mort et sa faux au plus près par deux fois en si peu de temps  elle se tenait toujours debout , s’accrochant tenacement et  obstinément à la vie pour finir sa mission. Brave , elle dégaina, prête à se défendre. Learamn se tourna alors vers elle et lui lança un regard quémandeur : le bain de sang n’était pas la solution. Elle lui tendit alors sa lame lui intimant de rester concentré sur le feu et le sang. La mine grave, Learamn acquiesça de la tête  : le feu et le sang” elle avait confiance en l’intuition du jeune homme.

Wald lança alors un regard à Learamn , dernière  barrière entre les soldats rohirrim et la Rhûnienne prête à se rendre. Son coeur le poussait à hurler de pleins poumons l’innocence d’Iran , à crier au complot, à clamer la responsabilité de l’Ordre sous tous les toits. Mais il ne pouvait s’y résoudre : se retrouver tout deux aux arrêts n'arrangerait pas les choses.

Résigné, Learamn fit un pas de côté pour s’écarter et lança un regard noir à son subordonné.

“Vous vous trompez Wald. Je vous l'assure vous vous trompez.”


On se saisit sans précaution d’Iran pour l’emmener et alors que les soldats lui tournaient déjà le dos et que Wald s’apprêtait à revenir sur ses pas , Learamn craqua et ne put réprimer les cris de son coeur qui ne pouvait assister à une telle injustice sans agir.

“Justice sera rendue! Elle est innocente! VOUS M'ENTENDEZ ? ELLE EST INNOCENTE! VOUS VOUS FOURVOYEZ.”

Et alors qu’animé par un élan de folie il se précipita vers le groupe mené par Wald comme pour leur arracher l’Orientale il fut retenu par des bras puissants qui le tirèrent en arrière. Une main rugueuse se posa également sur sa bouche et réduisit le jeune homme au silence.

“Eh! Du calme Jeune Pousse ! C’est pas en jouant les  héros stupides que ça va aider.”

Sous l’emprise d’Eopren, Learamn se débattit d’abord tout en voyant les soldats et son alliée s’éloignait de plus en plus jusqu’à se fondre dans les ténèbres. Abattu , l’officier se calma cependant et son ami put le relâcher.

“Décidément être l’homme de la situation deux fois en une journée c’est vraiment trop pour moi.”
fit le vétéran avec un petit sourire en coin.

Mais Learamn n’avait pas le coeur à rire; il s'affaissa sur ses béquilles maudissant son impuissance. A présent qu’il ne pouvait plus même faire valoir ses galons pour s’opposer à des subordonnés que lui restait-il donc? Etait-il définitivement devenu un capitaine d’opérette?

“Allez viens vaut mieux ne pas traîner trop longtemps dans le coin.”
fit Eopren.

Lentement , les deux hommes se dirigèrent vers le coeur de la capitale endormie  sans savoir où ils allaient laissant derrière eux cette scène sombrement luminescente. Ils erraient comme deux vagabonds dans les ruelles d’Edoras. Un chat noir passa devant eux, signe de mauvaise étoile disaient certains; Learamn n’avait jamais été un grand adepte de la superstition mais il eut tout de même une inexplicable envie de tordre le coup du petit félin.

“L’Orientale s’est jetée dans la morgue en feu pour y sauver des preuves
, lâcha finalement Eopren brisant ainsi le silence de glace qui régnait entre eux depuis de longues minutes, quand j’y suis allé elle m’a montrée une tête , séparée de son corps , on voyait pas grand chose mais je crois l’avoir reconnu. C’est Mandred , le grand blond dont je t’ai parlé l’autre jour et dont tu voulais de plus amples informations sur lui et ses deux compères.

-Oui”
répondit simplement Learamn qui semblait perdu dans ses pensées et avait à peine entendue la “preuve” pourtant capitale que venait de lui exposer Eopren.

“Il faut que je parle au Vice-Roi, lui seul peut nous aider. En plus si l’Ordre est mêlé à cet histoire , il ne pourra que m’écouter.
-L’ordre? Quoi? L’Ordre est lié à tout ça ? Mais il n’existe plus.Non ? Si? J’ai raté un chapitre ou…”

Evidemment Eopren , s’il leur avait donné de précieux coups de pouce,  n’avait pas participé activement à l’enquête de Learamn et Iran. Le jeune officier, qui se retrouvait avec un seul et dernier allié , décida alors de lui faire un bref résumé des informations qu’ils avaient  obtenues.

“Donc si Mandred fait partie de l’Ordre et est mêlé à l’agression dans les bains ainsi qu’à l’enlèvement de Dame Aelyn cela veut dire qu’il y a des chances que ces deux acolytes aussi.
-Parfaitement et tâche de les retrouver les pendant que je vais parler au Vice-Roi.
- A vos ordres Capitaine Jeune Pousse.”


Le petit jeu avait assez duré, mû par sa fierté et son égoïsme Learamn avait joué avec le feu et Iran en faisait à présent les frais. Elle était celle qui avait crue en lui , en ses capacités quand tous s'était détournée; il ne pouvait pas ne pas tout mettre en oeuvre pour réhabiliter son honneur. Il était temps d’exposer tout ce qu’il savait à Gallen Mortensen et tant pis s’il allait devoir avouer qu’il a délibérément désobéi , les enjeux étaient trop important et à présent seul le Champion de Rohan était capable d’agir et de les guider.


-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Eopren faisait partie de ces hommes très apprécié dans la troupe, bourru et pas très à cheval sur le code de l’armée; il semblait être au courant de tout ce qui se passait dans les rangs des simples soldats , il fallait croire que ses petits trafics ne lui remplissaient pas que sa bourse mais lui permettaient aussi de tisser des liens et recueillir des informations car quasiment tout le monde ici faisait confiance au vieux Eopren; ce n’était pas le genre à tout raconter aux officiers dans l’espoir d’une promotion. C’est ainsi qu’en un temps record que n’importe quel espion aguerri de la couronne aurait été incapable de battre il sut que l’un des deux compères de Mandred avait disparu durant la journée, sûrement enfoui tandis que l’autre se trouvait dans son dortoir , sûrement plongé dans un profond sommeil  au vu de l’heure. Un sommeil que le briscard allait se faire un plaisir d’interrompre avec la douceur qui le caractérisait.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Learamn arriva devant la salle d’audience du Vice-Roi, où il y avait d’ailleurs de grandes chances pour qu’il n’y soit pas. Deux gardes, eux aussi censés obéir aux ordres de Learamn , lui barrèrent la route de leurs longues hallebardes.

“Le Vice-Roi ne reçoit pas , navré Mon Capitaine.”
fit un des deux gardes dénommé Fokril. Un grand homme maigres aux longs membres rachitique et aux cheveux clairs coupés très courts.

Fokril faisait partie de ces hommes qui n’avaient jamais vraiment vu en Learamn un capitaine digne de ce nom pour la Garde Royale et il faisait toujours partie des premiers au rendez-vous quand il s’agissait de défier l’autorité du jeune homme incapable de monter à cheval ou de s’entraîner.  Il estimait qu’un capitaine de la Garde Royale ne pouvait pas être un jeune chanceux et pistonné  dont la blessure le condamne à l’oisiveté durant des mois voire des années. Autant dire que Fokril se délectait de la  situation actuelle : la petite accentuation moqueuse sur le “mon Capitaine”  et ce petit air satisfait sur son visage trop allongé allaient en tout cas dans ce sens.

“Je dois lui parler , c’est urgent!”


Fokril ouvrit la bouche pour répondre avec sarcasme mais son compagnon d’armes fut plus prompt. Plus petit et trapu, une barbe encore duveteuse cachait tant bien que mal ses jeunes traits. Evdal était un soldat jeune mais prometteur et une relation de confiance s’était vite installée entre lui et Learamn; il s’adressa à capitaine de manière bien plus respectueuse et déférente.

“Mon capitaine , c’est que nous avons reçu nos ordre du Vice-Roi en personne, cela nous serait compliqué de…
-Dites lui que cela concerne Dame Aelyn.”  


Agacé par cette perte de temps Learamn avait fini par lâcher la phrase qui pouvait peut être provoquer une réaction et c'eût l’effet escompté. Les deux gardes échangèrent un regard , l’importance que le Vice-Roi accordait à cette affaire dépassait sûrement toute autre chose et si jamais l’ex Maréchal apprenait que deux de ses gardes avaient refusé que leur capitaine ayant des informations capitales s’entretienne avec lui , ils risquaient gros , à vrai dire ils préféraient même  ne pas envisager la chose. Et ce fut Fokril lui même qui disparut derrière la porte pour savoir si Mortensen était prêt à recevoir son poulain meurtri.

Dans l’attente Learamn baissa les yeux sur ses mains pleines de cendres et sang qui s’échappait de plusieurs petites coupures qu’il s’était faite proche de l’incendie. Le feu et le sang; l’Ordre était marqué dans sa chair, indissociable de son corps..

#Eopren #Wald
Sujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]
Learamn

Réponses: 68
Vues: 5546

Rechercher dans: Meduseld   Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Aux grands maux les grands moyens . [PV Aelyn]    Tag eopren sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 14 Fév 2016 - 16:08
Assis sur son faudesteuil Learamn s’efforçait de réfléchir le plus calmement possible aux récents événements et  à la marche à suivre. La situation avait de quoi inquiéter le jeune officier écarté depuis si longtemps du terrain et des troupes ; il se rendait simplement compte qu’il était devenu impuissant face à ce genre d’agressions ; son influence auprès de la troupe s’était considérablement étiolée depuis son départ pour Pelargir et les comportements commençaient à devenir plus libre ; Learamn en avait pris conscience depuis un moment mais il n’avait jamais envisagé que cela pouvait aller aussi loin  : l’agression d’une invitée du Vice-Roi représentait une grave faute.

Le jeune homme bougea légèrement la jambe et il ressentit immédiatement une vive douleur lui rappelant son infirmité et que les efforts qu’il avait fournis depuis l’aube n’allaient pas accélérer sa guérison , bien au contraire.  Learamn soupira ; qu’était-il donc en mesure de faire dans un tel état? Comment pouvait il envisager de poursuivre les coupables en claudiquant sur des béquilles?  Il se saisit du pichet d’eau posé sur la table basse basse et se servit un verre qu’il but d’une traite ; l’eau eut le mérite d’hydrater un tant soit peu la gorge bien sèche du jeune homme mais il devait bien avouer qu’elle n’avait pas le même don qu’avaient le vin ou l’eau de vie pour faire oublier les problèmes.  Et aucun breuvage alcoolisé ne risquait de traîner par ici  Aelyn craignait , à raison , que son patient ne puisse plus en modérer la consommation, et elle veillait donc à ce qu’aucune goutte d’alcool n’entre dans les quartiers du jeune officier excepté l’alcool fort qu’elle utiliser pour nettoyer ses blessures mais Learamn n’était pas encore désespéré au point de devoir en boire.

La guérisseuse entra alors dans la pièce; elle avait visiblement profité de ces quelques minutes de latence pour arranger quelque peu sa toilette. Il fallait dire que sa matinée avait été toute aussi bousculée que celle de Learamn.
Elle fit part de ses inquiétudes au militaire puis l’interrogea sur la suite des évènements; il percevait dans sa voix toute sa colère et toute  son incompréhension face à un tel acte de violence totalement gratuite .

Effectivement, se troubler avec le Rhûn est bien la dernière chose dans le royaume à besoin  et un tel iincident diplomatique a été évité de peu mais nous avons eu beaucoup de chance ; si j’étais arrivé quelques minutes plus tard … “

Il ne termina pas sa phrase mais il savait que son interlocutrice comprenait parfaitement où il voulait en venir.

Cependant il faut veiller à ne pas ébruiter l’affaire ; une tentative d’assassinat , même avortée , risquerait de faire grand bruit. Je comprends votre inquiétude et votre malaise que je partage avec vous mais si nous voulons réussir à régler cette affaire au plus vite il nous faut garder la tête froide et raisonner de manière pragmatique.

Aelyn semblait anxieuse à propos de  la marche à suivre , et Learamn devait concéder que ses doutes et angoisses étaient fondés. Ils ne disposaient que bien peu d’éléments pour mener cette enquête et l’officier était réellement hésitant ; il ne voyait pas très bien comment s’organiser . Mais les coupables eux n’attendraient pas qu’un plan d’action soit mis en place ; l’heure leur était comptée et il fallait commencer à agir s’il voulait avoir une chance de régler cette affaire.

Il est certain que la résolution de cette affaire sera loin d’être simple  mais nous retrouverons les agresseurs et mettrons les choses au clair; soyez en assuré Ma Dame. Dans l’immédiat il nous faut choisir des personnes de confiance pour nous épauler ; des personnes en qui nous avons la plus haute estime et dont nous sommes certains qu’ils ne se trouvaient pas au bain au moment des faits. Je vais tâcher de monter une enquête auprès de la troupe pour glaner des informations sur ce groupe de trois hommes se rendant ensemble aux bains.  Faites votre possible pour remettre sur pied notre invitée au plus vite ; sans sa présence notre enquête ne mènera à rien.
Vous avez la confiance du Vice-Roi Mortensen , par conséquent considérez que vous avez également la mienne.


Learamn s’appuya sur ses béquilles pour se relever et se dirigea vers la sortie.  En parfait gentilhomme il tint la porte à Aelyn .

Retrouvons nous ce soir au dîner avec l’Orientale pour partager les informations que l’on aura glané et poser notre stratégie. Bonne chance MaDame

Le capitaine fit alors volte-face et se remit à boiter à travers les couloirs du château tandis que son pied le faisait de plus en plus souffrir ; il soupira , la journée allait être longue , très longue.

Il se dirigea vers l’aile du bâtiment où se trouvaient les dortoirs militaires . Dans cette partie du bâtiment il ne pouvait pas échapper au regard de la troupe qui pouvait constater elle même l’état fragile de leur capitaine ; tous les soldats qu’il croisa saluèrent le jeune officier mais la plupart d’entre eux ne pouvait s’empêcher d’observer avec un regard circonspect l'impressionnant bandage qui pansait le pied de Learamn .

Le jeune homme s’arrêta devant l’une des portes et frappa vigoureusement ; il n’y avait plus qu’à espérer que l’homme à qui il voulait parler se trouvait bien là. Un jeune soldat ouvrit la porte et il fut visiblement surpris de tomber nez-à-nez avec le Capitaine de la Garde Royale et après quelques secondes d’hésitation , le jeune soldat visiblement intimidé se mit au garde-à-vous.  Ce fut alors au tour de Learamn d’être un peu pris de court ; il n’avait pas encore pris l’habitude de ce genre de réactions qui étaient pourtant parfaitement courantes de la part de la troupe envers les officiers ; l’habitude viendrait probablement un jour mais pour l’instant cela restait déconcertant.

Repos Soldat. Eopren est il là?

Une voix s’éleva depuis le fond de la pièce exiguë:

Toujours prêt à vous servir Capitaine Jeune Pousse

Un sourire illumina alors le visage de Learamn pour la première fois depuis longtemps ; il entra dans la chambre et se dirigea vers l’homme qui avait osé l’affubler d’un tel sobriquet.

Eopren était assis sur sa paillasse et il était en train de sculpter un bout de bois à l’aide de son canif.  C’était un homme d’âge mûr aux larges épaules et aux cheveux bruns coupés courts et à la barbe taillé de près. Mais il était surtout l’un des premiers frères d’armes de l’actuel Capitaine de la Garde Royale ; quand Learamn s’était engagé dans l’armée d’Hogorwen il avait dû partager son dortoir avec ce guerrier bourru et attachant qui finalement avait été épargné par l’épuration des rangs de l’armée suite à la bataille des Trois Rois. Eopren l’avait affectueusement surnommé Jeune Pousse et ce surnom le suivait encore aujourd’hui.

L’homme n’était pas un idéaliste et il s’était surtout engagé pour pouvoir nourrir sa vieille mère et sa pauvre famille mais il n’en étais pas moins un homme honnête et brave. Ce n’était assurément pas le meilleur combattant de la garnison mais du fait de sa grande expérience , il avait le don d’être au courant de tout ce qui se passait dans la troupe ou presque .

Le quadragénaire se redressa et étreignit chaleureusement son cadet

Alors la vie d’officier ne t’empêche toujours pas de rentrer dans ton armure ?
-Pour l’instant non après cela fait bien longtemps que je ne l’ai pas enfilé.
-Ah ouais...toujours cette vilaine blessure .
-Toujours...et toi comment vas-tu vieux gredin?
-Écoute on fait aller comme on peut , par contre si jamais tu as des échos d’un quelconque trafic de tabac si tu pourrais fermer les yeux…


Learamn leva les yeux au ciel , les petites combines d’Eopren avaient le don d’agacer les supérieurs et expliquaient en partie le fait qu’après vingt ans de services il en était encore en train de dormir sur des paillasses avec les jeunes recrues.  Le capitaine s’assit sur le lit au côté de son vieil ami.

-Que veux tu de moi Jeune Pousse ?
-Je me demandais si tu savais si un groupe d’homme s’est rendu aux bains ce matin.
- Ce matin je dormais , donc je ne sais pas vraiment mais il y a bien quelques soldats qui vont se laver régulièrement aux premières heures de la journée .
-Et parmi ces gens là y en a-t-il qui s’y rendent par groupe de trois?


Eopren se gratta la barbe et fronça des sourcils tout en tentant de remettre de l’ordre dans ses idées. Il ne semblait pas se soucier des raisons pour lesquelles Learamn lui faisait subir cet interrogatoire ; il avait bien conscience que Jeune Pousse était désormais son supérieur et était tenu de cacher certaines choses à un simple homme de troupe. Après plusieurs secondes de réflexion le soldat répondit :

Il y en a bien trois qui y vont ensemble le matin mais je ne pense pas qu’ils s’y rendent pour se laver au vu de leur odeur.
-Ces hommes qui sont ils?
-L’un d’eux et un grand colosse blond du nom de Mandred , un type violent et franchement pas amical ; les deux autres je ne connais pas leur nom.  Je ne les connais pas très bien mais franchement pour les quelques fois que je leur ai adressé la parole je peux te dire que ce sont pas des enfants de choeur.


Learamn se redressa et remercia son subalterne avant de sortir du dortoir et de reprendre sa lente marche qui prenait parfois des airs de parcours du combattant. C’est alors que de fatigue ou de perte d’équilibre , il ne le savait pas très bien , le jeune officier , visiblement à bout de force , chuta lourdement au sol tandis que l’une de ses béquilles roula plusieurs mètres plus loin.

Le rohirrim se retrouva dans une situation grotesque peu digne de son rang , affalé ainsi face contre terre et incapable de pouvoir se relever seul dans un endroit du château bien peu emprunté à cette heure. Bien qu’il n’en avait aucunement l’envie , Learamn allait avoir besoin d’aide pour se remettre sur pied.

#Eopren
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
Sauter vers: