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 Ombres et poussières

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Sirion Ibn Lahad
Intendant d'Arnor - Comte d'Amon Araf
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Sirion Ibn Lahad

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Ombres et poussières EmptyMar 20 Fév 2024 - 12:27
Suite de: Manger les pissenlits par la racine

Le corps du mercenaire semblait s'être quelque peu apaisé. La poudre que Riga lui avait faite inhaler n'y était sans doute pas étrangère. Leif s'efforçait de suivre le rythme imposé par la femme qui était venue le chercher dans ce qui ressemblait fort à des catacombes.

- Par là, fit-elle avant de tourner à un croisement.

Ils avalèrent des dizaines de marches inégales avant d'atteindre la surface. Les échos de voix et autres tintements se firent de plus en plus forts à mesure qu'ils s'élevaient dans les hauteurs de la structure. L'esprit de Leif était envahi de doutes et de questions encore sans réponses. Betel l'emmenait-elle vraiment voir Druss ? Était-il seulement encore en vie ? Pouvait-il se fier aux paroles de Riga ? Qui était ce Odda et sa troupe qui les avaient coincés ? Allait-il recouvrer sa liberté un jour ?

Leif quitta ses bottes du regard et examina plus en détails celle qui lui servait de guide dans les entrailles de l'arène.


Betel était grande, bien plus grande que le vieux mercenaire. Élancée et vive dans ses mouvements, la jeune femme tenait du félin agile et toujours sur le qui-vive. Vêtue d'une armure complète aux reflets argentés, une cape blanche aux contours dorés recouvrait son dos tandis qu'une épée ouvragée tombait à son côté. Son regard était aussi acéré que celui d'un rapace et vous dévorait de l'intérieur.

Elle s'arrêta soudain devant une grille.

Leif suivit son regard et jeta un coup d'œil vers l'ouverture. Le sable et la lumière. Puis les cris d'une foule. Le contre-jour empêcha Leif de voir en détails ce qu'il se passait au dehors. Il se tourna vers Betel, semblait-il, intriguée par ce qu'elle voyait. Le visage interrogateur du mercenaire l'obligea à parler.

- Estime-toi heureux d'être de ce côté-ci de la grille, car l'enfer se trouve devant tes yeux.
- Où m'emmenez-vous ?


La jeune femme en avait à priori assez vu. Elle baissa le regard vers Leif, qu'elle dominait d'une bonne tête.

- Dans les hauteurs de l'empyrée où le commun des mortels n'a pas sa place.

Le visage de Leif blêmit. De quoi parlait-elle ? Sans un mot de plus, Betel reprit l'ascension des escaliers. En chemin, ils croisèrent quelques ouvriers de l'arène, des esclaves pour la plupart, curieux parias scrutant entre deux planches de bois le spectacle se déroulant dans l'arène. Bientôt, ils arrivèrent au dernier étage. Là où le reste des gradins de l'arène étaient de simples bancs serrés les uns contre les autres pour accueillir la foule hétéroclite, l'espace où Leif venait d'être conduit était d'un tout autre acabit.

Des sièges confortables, des tables où trônaient des hors-d'œuvre appétissants, d'innombrables serviteurs prêts à exaucer la moindre volonté de ceux pour qui cet endroit était pensé. Nobles, dignitaires, maîtres d'esclaves, invités de marque, il s'agissait là bien des puissants de Kryam, une caste très fermée. Leif baissa la tête, s'efforçant de rester le plus discret et le plus en retrait possible. Mais fort heureusement pour lui, leur arrivée n'avait, semble-t-il, attiré le regard de personne. D'un geste, Betel l'invita à la suivre. Ils se dirigèrent vers l'arrière de la grande loge, un peu plus éloigné du sable de l'arène mais aussi légèrement plus en hauteur que le reste de la loge où la plupart des puissants s'était installée.

- Assieds-toi.

Leif s'exécuta et prit place dans l'un des deux sièges encore vacants. Betel s'installa près de lui, à sa gauche. À sa droite, se trouvait un homme aux traits fins le regard fixé vers l'arène. Sa longue chevelure argentée éveilla en Leif des images perdues de sa mémoire.

Durant de longues minutes, le mercenaire garda le silence. Il n'osait rien dire ni faire. Si disparaître avait été en son pouvoir, Leif se serait empressé de le faire, tant la situation lui était inconfortable. Pourtant, ce qui était sur le point d'apparaître sous ses yeux, là, plus bas, sur le sable de Kryam allait bientôt le faire changer d'avis.



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Ombres et poussières EmptyVen 23 Fév 2024 - 15:55

Les portes de l'arène s'ouvrirent dans un bruit de chaîne et de bois grinçant, bientôt étouffé par les acclamations du public. Leif leva les yeux et réalisa à quel point les gradins étaient bondés. La marée humaine se mouvait comme une mer capricieuse au rythme des applaudissements et des poings levés. Tous les spectateurs semblaient en transe, exaltés qu'ils étaient par ce qui était sur le point de se jouer sous leurs yeux.

- Magnifique, n'est-ce pas ?

Leif se tourna vers l'homme assis à ses côtés.

- Pardon ?

L'homme à la chevelure argentée laissa quelques secondes avant de reprendre.

- C'est un spectacle devant lequel je ne me lasse jamais. Les hourras qui s'élèvent des gradins, le vent qui emporte le sable chaud... le sang que ce même sable boit et digère, jour après jour.

Le vétéran était comme happé par les paroles de l'homme et son flegme.

- Regarde, glissa-t-il à Leif.

Des portes béantes se révélèrent bientôt une nuée d'hommes et de femmes. Poussés vers le centre de l'arène, les gladiateurs entraient enfin en scène.

- Ton ami est là, en bas.

Le sang de Leif ne fit qu'un tour. Druss était donc bel et bien vivant.

- Vous m'avez étonné tous les deux. Je dois dire que je n'avais jamais vu quelqu'un mettre à mal mon avant-garde comme ton ami l'a fait à l'oasis.

Un flash. Leif se rappela alors les événements de l'oasis. L'embuscade. Le combat. Puis les fers et le coup sur sa vieille tête cabossée. Et Druss.

- Quatre.
- Comment ?
fit Leif encore perdu.
- C'est le nombre d'hommes que ton ami a tué ce jour-là.

Dans l'arène, les choses s'accélérèrent. Comme prévu, quatre-vingt huit âmes armées se mirent bientôt en cercle face au public, espacées de quelques pas entre elles. En tribune, un homme avec un certain embonpoint et vêtu d'une toge rouge écarlate leva les bras, invitant le public à se taire.

- Habitants de Kryam, la Belle ! Kryam, la Noire ! Bienvenue au Cercle !! Que les jeux... C O M M E N C E N T !

Une pluie d'acclamation s'éleva des gradins, faisant trembler l'édifice sous cette ferveur terrifiante.

L'homme près de Leif, après avoir laissé passer l'orage, pencha la tête vers le vétéran.

- Comme je le disais, toi et ton ami avez tué quatre des miens. Vous me devez donc quatre vies.

Leif tourna le regard vers l'homme. Celui-ci le fixait de ses yeux clairs.

Ombres et poussières 6g9j

Si sa voix et ses mots étaient aussi cinglants que le vent du nord, son visage lisse et ses lèvres roses donnèrent à Leif l'impression de parler un jeune garçon. Il ne semblait guère avoir plus de vingt ans.

- Ton ami a du caractère. Une force de la nature. Sa vie en vaut bien trois. La tienne ne vaut pas plus qu'elle même. Le compte est donc correct.

Leif était complètement dépassé. Était-ce là l'effet de la poudre de Riga ou bien de ses blessures ? Ou bien était-ce cet endroit sinistre ?

- Pardon, mais j'ai peur de ne pas comprendre.

L'homme se leva brusquement et marcha jusqu'au bord de la tribune comme pour mieux contempler le spectacle. Leif, bousculé par Betel, fit de même et rejoignit le jeune homme.

- Voilà un moment que j'offre des âmes errantes à cette arène. Vous êtes les derniers que je devais offrir à Kryam. Mais vous m'avez pris de quatre des miens. Je vais donc devoir rétablir l'équilibre.

En bas, les premières lames s'entrechoquaient déjà, sous une pluie d'applaudissements.

- L'événement du Cercle est une aubaine je dois dire. Tu n'étais pas en mesure de combattre à armes égales avec les autres vu ton état, alors j'ai demandé ta grâce. Tu ne combattras pas dans l'arène.

S'il ne comprenait pas vraiment tout ce qui se jouait en cet instant, Leif sentit un poids s'envoler sous sa poitrine.

- Ton ami, en revanche, est bien un dur-à-cuire. Il n'a pas mis longtemps à se remettre. La justice divine fera donc son office avec lui, ici sur les sables de Kryam.
- Vous le libérerez s'il survit, c'est ça ?


Un silence étrange se fit. Leif déglutit.

- Je ne suis pas vraiment libre, n'est-ce pas ? Vous avez beau m'avoir épargné l'arène, je n'en suis pas libre pour autant.

L'homme esquissa un sourire sans vie avant de se tourner vers Leif.

- Tu es perspicace. Tu pourrais bel et bien m'être utile.

Puis jetant un regard en contrebas. Son regard bleu azur perça l'air, s'arrêtant sur une silhouette massive et ténébreuse dans l'arène.

- Et ton ami bien plus encore.



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Ombres et poussières EmptyJeu 7 Mar 2024 - 15:14
La chaleur était terrible. Au milieu de ce couloir sombre où crasse, sueurs et peur se mêlaient, la tension ne cessait de croître parmi la colonne d'hommes et de femmes qui attendaient.

Les quatre vingtaines d'âmes étaient disposées en deux files parallèles séparées par une simple largeur d'épaules. C'est dans cet espace qu'un homme vêtu d'une armure d'écailles et tenant avec fermeté un nerf de bœuf entre ses doigts. Il n'était pas très grand et certains des prisonniers le dominaient d'une ou deux têtes. Pourtant, Alassyr n'était nullement impressionné. Cela faisait plusieurs décennies qu'il arpentait les recoins les plus sombres de la grande arène de Kryam. L'arène et lui étaient comme de vieux amis, se supportant l'un l'autre tout en gardant une once de méfiance tout autant que du respect.


D'aucuns racontaient qu'il était autrefois gladiateur et qu'il avait fini par gagner sa liberté. Son caractère bien trempé et son autorité au sein des couloirs de l'arène rebutaient pourtant les prisonniers à se risquer de lui demander confirmation. Alassyr arpentait le long corridor, examinant du regard ses ouailles prêtes à entrer sur scène. De temps à autre, il se laissait aller à une tape franche sur le dos ou à un léger coup de nerf de bœuf entre les omoplates, comme pour activer la circulation sanguine de ces pauvres hères.

- Vous voilà aux portes de l'éternité ! En cette heure où vos vies sont sur le point d'être posées sur la balance du destin, une question demeure. Allez-vous vous chier dessus ou bien au contraire montrer vos burnes à la mort ?

Le vieil homme laissa le silence lui répondre tandis que sa question continuait de résonner dans les esprits.

- Parmi vous, quelques uns arriveront peut-être à tirer leur épingle du jeu et à se faire bien voir par quelque nobliau pour être enrôlé. Mais ne soyez pas dupes ! Pour ces grands pontes, vous êtes comme une pièce de monnaie. Vous pouvez être de bronze ou d'or, peu importe. Ces gens-là en ont tellement qu'ils ne sauraient toutes les compter...

Alassyr arriva finalement en tête de la colonne. La colonne des quatre vingt huit.

- Non. Qu'importe le métal dont vous êtes faits. Soyez celui qui brillera plus que les autres à l'orée de la mort et laissez votre éclat illuminer leurs mirettes devant vos talents ! Car n'oubliez pas que chacun d'entre vous, chacun d'entre nous, pauvres mortels que nous sommes... nous ne serons bientôt qu'ombres et poussières devant l'immensité de l'éternité. Une bourrasque timide dans l'histoire du monde. Les terres du milieu auront tôt fait de vous éclipser. Alors brillez ! Brillez durant le temps qui vous est donné.

Le discours du vétéran avait peut-être tout d'une litanie funeste, il raviva l'esprit de plus d'une âme errante dans ce couloir. Alassyr avait ce genre de don. Et un profond respect pour tous ces condamnés. Il reprit sa marche en avant et défila à nouveau, tel un lion en cage prêt à en découdre. Il s'arrêta au milieu de la file et se tourna vers le colosse qu'on lui avait refilé deux jours plus tôt. Alassyr leva le menton pour croiser le regard du géant. Rares étaient ceux de sa taille. Parfois patauds sur le sable, souvent coriaces, pourtant le vieil homme avait eu le loisir d'admirer ce spécimen lors des entraînements. Celui-ci avait quelque chose.


- Si tu survis, géant, prends garde à ceux qui se tourneront vers toi. Un gladiateur est un esclave. Ne l'oublie pas.

Druss baissa les yeux vers Alassyr. Ce vieillard n'avait eu de cesse de lui aboyer dessus depuis son arrivée ici. Pourtant, il éprouvait un certain pour cet homme.

- Je ne suis l'esclave de personne, vieillard.

Alassyr fit mine de sourire.

- Crois-tu. Nous sommes tous les esclaves de ce monde sans foi ni loi. Allez, choisis bien ton arme là-bas et ne tremble pas.

La grande porte s'ouvrit dans un grondement. La colonne se mit bientôt en marche, s'enfonçant dans la lumière de l'arène, poussée par les acclamations des milliers de spectateurs massés pour assister à cet événement.

Tandis qu'ils avançaient vers le centre, Druss contempla l'arène et ce qui les attendait. À peine remis de ses blessures, le géant avait rapidement été mis au diapason. Sa vie ne lui appartenait plus. Sa barbe pleine de son sang avait été rasée plutôt que lavée, ses effets personnels lui avaient été confisqués et on avait fait de lui un combattant des sables de Kryam. Ses instincts bestiaux et son feu intérieur l'avaient conduit à ne pas faire de vague tant l'appel du sang et du combat étaient forts chez lui. La tension, l'adrénaline inondaient ses veines d'un brasier ardent qu'aucun nectar n'aurait pu étancher. Que sa vie de bourreau lui paraissait loin derrière lui en cet instant. Et qu'était-il advenu du vieux Leif ?

On amena un chariot rempli d'armes pour que les condamnés puissent choisir leur compagnon d'infortune. Druss se mêla aux autres. Son choix se porta sur une hache double dotée d'un manche étonnamment long. Si la plupart s'était orientée vers des épées et autres lances et boucliers, Druss savait que cette arme lui était destinée. Certains spectateurs au premier rang s'esclaffèrent même de pouvoir admirer ce stéréotype vivant du géant barbare à la hache.

- Habitants de Kryam, la Belle ! Kryam, la Noire ! Bienvenue au Cercle !! Que les jeux... C O M M E N C E N T !

Le temps s'arrêta soudainement.

Car en cet instant, l'homme cédait sa place à la bête déchainée.



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Ombres et poussières EmptyMar 16 Avr 2024 - 12:00
Avertissement : certains éléments pourraient heurter la sensibilité d'un jeune public.

Ombres et poussières Udpd

- Non, pit-

Le fil de l'acier s'enfonça à travers la peau, la chair comme un doigt dans du beurre. Le métal fendit les os, les artères et tout ce qui se présenta à lui avant de ressortir de l'autre côté. Le corps du pauvre hère, délesté de sa tête, fut parcouru par un frisson tandis que son visage déchiré par la peur roulait à quelques mètres de là. La carcasse s'effondra dans le sable brûlant. Une seconde de silence. Puis le vacarme bouillonnant s'élevant des tribunes.

Druss se redressa, la tête de sa hache enfoncée dans le sable. Baigné par les rayons du soleil, le colosse examina l'arène. La journée était bien entamée et nombreuses étaient les âmes perdues parmi les quatre-vingt huit à être déjà tombées. Le cinquième jour du Cercle touchait à sa fin. Les morts s'accompagnaient de l'exaltation du public diverti et tout aussi -voire plus encore- assoiffé de sang que ne l'étaient les gladiateurs. La poitrine de Druss s'activait au rythme de sa respiration puissante. Le guerrier avait beau être au bord du précipice, son visage transpirait d'une certaine joie frénétique. Depuis toujours, Druss aimait se battre. Le plaisir simple et primaire de lutter pour sa vie, les sens à l'affût, le goût du sang.

- Tu es coriace.

La voix attira l'attention de Druss. Un homme se tenait à quelques pas de lui, armé d'un glaive. Du sang dégoulinait le long de sa lame et gouttait de la pointe avant de donner à boire aux sables de Kryam. Le gladiateur avait les cheveux ras et des yeux en amande. Aucune cicatrice ne venait enlaidir son corps élancé d'esthète et sa musculature saillante. Druss fronça ses sourcils broussailleux. Cela signifiait, soit qu'il s'agissait là de ses premiers combats et d'un coup de chance pour lui, soit cela voulait dire qu'il était un combattant très doué.

- Alassyr nous a dit de nous méfier d'un titan aux cheveux noirs. Te voilà donc face à moi.

Druss leva les yeux. Ils étaient encore une poignée sur leurs deux pieds. Mais les autres s'affrontaient à bonne distance à l'autre bout de l'arène. Un duel s'annonçait.

- Écoute. L'on me nomme Harokas. Je suis là pour vaincre et devenir une légende. Je n'ai rien contre toi, titan, mais ma victoire passe par ta mort. Et vu tes talents, cela s'annonce comme une finale. Acceptes-tu ton sort ?

Le rhûnien haussa les épaules avant de décoller sa hache du sol. Contrairement à son adversaire, Druss se fichait bien des légendes.

- Fort bien. Offre-moi un combat digne de ce nom, titan.

Les jambes de Harokas se fléchirent. En un instant, le guerrier fut en mouvement l'épée en arrière. Druss recula d'un pas, mais déjà Harokas était sur lui. Sa lame surgit de nulle part et s'éleva vers le ciel, frôlant le visage de Druss. Le géant leva sa hache dans le but de trancher son opposant en deux de bas en haut. Mais le guerrier bloqua son attaque d'une main sur le manche de l'arme. Si Druss était fort, Harokas n'était pas en reste. Son coude vînt heurter la pommette de Druss avant de bondir et de reculer de six bons pieds.

Son glaive pointé en avant, Harokas jaugea son adversaire.

- Si tu n'es pas plus rapide, les sables boiront ton sang dans les prochaines secondes.

Druss, l'air pataud, grogna. Sa joue avait viré au cramoisi. Harokas se jeta à nouveau. Cette fois, Druss tendit sa hache et fendit l'air de droite à gauche, le guerrier roula au sol et trancha dans le vif. Le colosse échappa un cri terrible avant de se retourner. La foudre tomba. La hache s'effondra aussi vite que l'éclair. Harokas esquiva de justesse puis pivota sur lui-même. La blessure infligée à Druss avait libéré la rage du géant de Rhûn. La pluie s'abattit sur Harokas. Le guerrier élancé évitait les coups de hache tombant comme une pluie diluvienne en tournant autour de Druss. Les attaques répétées du colosse l'empêchaient de se relever.

*Si tu n'es pas plus rapide, les sables boiront ton sang...*

Il n'était pas beaucoup de mots que Harokas regrettait dans sa vie.

Puis le combattant vit une faille. Son glaive chanta une nouvelle fois. Le sang jaillit. Harokas virevolta et se remit sur pieds. Il recula encore, comme pour admirer son œuvre. Druss lui tournait à moitié le dos. Il remarqua une plaie le long de la cuisse gauche du géant. Puis une seconde sur son mollet droit. S'il avait été plus précis, le tendon d'Achille aurait été sectionné. Et le combat quasiment gagné.

Harokas observa Druss. Si ses attaques avaient causé des dégâts et libéré la colère de son adversaire, celui-ci ne semblait guère amoindri. Il allait devoir attaqué plus f-

- Qu'est-ce que...

L'ombre du titan recouvrit Harokas en un battement de cil. La hache à double lame passa devant l'astre de feu et baigna Harokas dans les ténèbres. Les yeux écarquillés, il n'eut que le temps de se tourner sur le côté avant de voir l'acier frôler son torse brillant de sueur. Il leva son glaive, prêt à contre-attaquer. Druss, lui, fit un pas en arrière avant de faire face à Harokas et de tendre ses bras.

Le temps s'arrêta.

Le glaive à la pointe brillante piqua tête en avant. La hache, elle, longea l'horizon. D'est en ouest, à la vitesse du son. Son souffle repoussa les grains de sable aux pieds d'Harokas. Suivi d'un bruit terrible qui résonna dans toute l'arène. Harokas s'immobilisa, son regard fixé sur l'extrémité de son glaive fichée dans l'épaule de Druss. « Tu as raté ton coup, titan » s'apprêtait-il à siffler aux oreilles du colosse.

Mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Car de bouche, il ne restait plus.

Harokas baissa les yeux vers la hache de Druss. Il y vit, suspendu au fil de l'acier, un morceau de chair, d'os. Et des dents. Les siennes. La terrible hache de Druss avait emporté dans sa course la mâchoire inférieure d'Harokas, annihilant langue et palais au passage. Le visage d'Harokas n'était plus qu'une moitié, alors qu'un torrent sanglant s'échappait du trou béant en lieu et place de son menton.

Druss leva les yeux vers le guerrier esthète. Il n'était désormais plus qu'une épave. Il releva son arme de destruction et mit fin à l'existence de Harokas. Le corps s'effondra, en même temps que ses rêves de victoire et ses désirs de légende. Druss se retourna pour constater que de gladiateur vivant, il n'y avait plus que lui. Le dernier.

Devant ce spectacle morbide, le silence du coup de grâce laissa alors place à une ovation incroyable à son égard. Druss laissa tomber son arme sur le sable. Le même sable qui, déjà, s'abreuvait de tant de liquide encore tiède. Le public se leva d'un bond et se mit à aboyer, à vociférer tant le final du Cercle avait été fantastique.



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