L’hiver faisait rage au dehors de l’Auberge du Chameau qui Tousse. Le vent glacial mêlé à du givre faisait grimacer même les plus fervents de la période hivernale. La nuit était tombée, et le verglas et autres flocons tombant sur les pavés faisaient réfléchir la lumière des torches et les souffles des quelques vaillants trébuchant dans les ruelles de la Cité Blanche. Rapprochons-nous un peu plus, voilà. A travers les vitres givrées de cette Auberge, nous percevons les bruits de conversations enjouées entremêlées de bruits de choppes qui s’entrechoquent, de chaises que l’on râcle sur le sol, de collisions involontaires entrecoupées de rires bruyants et éclatants. Là, en effet, se tenait une foule ragaillardie par les bières et la bonne nourriture chaude qui tient au corps. On pouvait presque oublier le froid du dehors et les angoisses de la Cité lors du jour.
A une table un peu à l’écart se tenait un groupe plutôt silencieux. En effet ce groupe était composé avant tout de personnes plutôt timides et réservées, qui se connaissaient depuis peu. Seul au milieu de ce groupe, Shenton Vadar se présentait fièrement en faisant étalage de ses mérites de sous-officier de l’armée régulière du Gondor. Brun au regard clair, il n’hésitait pas à ponctuer son discours de gestes éloquents visant à attirer le groupe dans son monologue fervent. En face de lui, peu impressionnée se tenait la doyenne Ouma Turma qui le regardait d’un air indifférent, bien contente de puiser dans le repas gracieusement offert par le Directeur Rhydon. Elle semblait sans âge et était entourée d’une aura de mystère indéfinissable. Pourtant recrue secrète de l’Arbre Blanc, quels pouvaient donc être ses compétences ? A sa gauche se tenait Hylanion de Hautval, fils de Seigneur dont la droiture et la noblesse se lisait dans son port et son air altier. Il regardait avec attention le reste du groupe pour les jauger en silence et établir leurs forces. Son parcours hétéroclite l’avait mené jusqu’ici, tiraillé par son sens du devoir et ses désirs. Sur quels chemins tortueux menaient ses décisions ? En face de lui se tenait Amadi Bako au regard chaleureux et à l’entrain non feint. Sa peau sombre ne faisait que ressortir son sourire éclatant. Il acquiesça aux dires de Shenton, et ses compères ne surent discerner si l’éclat de son regard étaient de malice ou de fratrie nouvellement acquise. Juste aux côtés de Shenton qui se tenait à moitié debout tellement pris par son discours, se tenait Blaise de Belfalas notre bien aimé guérisseur, rempli de bonnes intentions, qui avalait chaque mot du discours de Shenton. Son regard néanmoins s’aventurait vers la tavernière, des questions plein la tête, avide de parfaire sa collection d’herbes médicinales.
Le groupe se fit bien sage pour de jeunes recrues fêtant leurs acceptations dans le programme de formation très sélectif de l’Arbre Blanc. Aucun ne fut tenté par de l’alcool ni des jeux de hasard, parfaitement concentrés sur les objectifs et défis qui les attendaient le lendemain. Mais que pouvait-il bien les attendre ? Avant de se coucher, Blaise s’esquiva du groupe, pour se rapprocher de la tavernière afin de lui demander comment se procurer de la belladone. Son regard un peu insistant et son air de cachotier, à moitié penché par-dessus le comptoir, suffit à rendre suspicieuse la tavernière qui le prit pour un malfrat cherchant à empoisonner ses comparses. Pas dans son établissement, pardi ! Malgré ses protestations et ses tentatives de se désigner comme guérisseur reconnu et réputé, rien ne fit. Blaise retrouva Shenton dans les escaliers qui l’avait attendu, pour aller enfin se coucher.
Le lendemain nos jeunes recrues furent réveillés en trombe par un missionnaire venu leur apporter une missive de la plus grande urgence. Le Général Cartogan les avait appelés pour une mission de la plus haute importance, et ils étaient attendus dans les dix minutes pour recevoir ses ordres. Pris de panique, à moitié réveillés, certains furent…plus habiles que d’autres. Blaise et Ouma, parfaitement habillés et frais, furent les premiers à invectiver le reste du groupe pour leur retard. Hylanion les suivait de près. Shenton finit par venir avec dépit, ayant oublié sa chemise, et Amadi en dernier, déconfit, après avoir cherché son pantalon en vain. Cela va sans dire que le regard que le Général Cartogan posa sur nos recrues fut pour le moins…mitigé et énervé. Il ne manqua pas de faire une remarque sanglante à Shenton qui aurait dû avoir l’habitude d’être présentable à toute heure du jour ou de la nuit en vue de ses fontions ultérieures pour l’ordre public de Minas Tirith. Le Général n’était définitivement pas d’humeur et les soucis se voyaient sur son visage tiré par la fatigue. Il se tenait néanmoins bien droit et invectiver notre groupe de penauds semblait lui redonner des forces, comme un café bien noir bien tassé de bon matin. Pour les mettre au défi et rétablir leur réputation au sein de l’honorable organisation de l’Arbre Blanc, le Général Cartogan ne prit pas quatre chemins :
- Je n’ai que peu de temps pour vous, et on ne m’a pas donné le choix sur les recrues, sinon je ne vous aurai pas sélectionné ça c’est sûr !
Son regard froid et dur passa une fois de plus sur chacun d’entre eux avec du mépris particulier pour Shenton et Amadi. - On m’a informé que le Haut-Juge Marius Van Diesl avait en sa possession une personne pouvant mettre à mal mes efforts de rétablir l’ordre dans la Cité. Trouvez-moi de qui il s’agit. Le Lieutenant Elena Lindol pourra vous donner plus de détails sur cette mission. Vous avez jusqu’à demain, midi. Rompez.
Sans même un dernier regard, le Général se pencha sur les cartes de Minas Tirith étalées sur le bureau devant lui et le monde sembla disparaître autour de lui. Notre troupe de valeureux recrues s’en allèrent prestement, conscients de l’impératif et du temps limité pour leur quête. Ils décidèrent néanmoins de repasser rapidement par l’Auberge du Chameau Qui Tousse où Shenton réussit à retrouver sa chemise pour se rendre présentable. Amadi n’eut pas cette chance. Sur le chemin vers le lieu d’entraînement il fit une autre tentative en s’arrêtant dans une échoppe mais les prix exorbitants le dissuadèrent. Notre groupe presque fringant mais encore frais se retrouva au camp où des recrues plus avancées s’entrainèrent sans relâche au maniement d’épée et au combat à mains nues. Le spectacle était des plus prometteurs pour l’avenir de la Cité. Ils trouvèrent au bout du terrain ladite Lieutenante qui guidait d’une voix fortes les combattants, prodiguant conseils ou insultes de tous côtés.
Un peu intimidés mais vaillants, Shenton et Blaise posèrent les questions à la Lieutenante Lindol qui dévisagea Amadi d’un regard sévère. Pris en pitié, elle lui présenta un étendoir sur lequel prendre un pantalon qui ne lui allait guère, mais les temps étaient rudes et il devrait s’en contenter. Elle leur indiqua donc les détails tant attendus de leur mission secrète pour laquelle ils devraient se montrer discrets, talentueux, ingénieux, que dis-je, de la créativité à la hauteur de recrues de l’Arbre Blanc ! Tous les moyens étaient permis, la Lieutenante voulait des résultats et rapidement. - Depuis trois jours des va et viens ont été remarqués dans le 3e et 4e cercle. Des individus semblent causer volontairement des émeutes en guise de distraction. Ces mêmes hommes ont été vus par nos agents escorter une personne cagoulée et mains liées la nuit du 17. Les dernières informations reçus par nos infiltrés indiquent une livraison de documents et résultats d’enquêtes pour les procès en cours au 4e cercle à destination des archives du Tribunal. La livraison est attendue aujourd’hui pour les vêpres. Nos informants ont bon espoir de trouver parmi ce chargement le registre des transactions effectuées ces dernières semaines. Les émeutes commencent vers les tavernes du 3e cercle, notamment vers le Mage Bleu.
Forts de ces informations, le temps était venu de réfléchir à la meilleure méthode d’approche. Notre groupe commençait à échanger vivement à ce sujet, chacun participant à sa propre manière, certains directs, d’autres plus mesurés. La Lieutenante cependant n’avait que faire de ces détails encombrants, et elle les chassa du terrain d’entrainement pour ne pas qu’ils gênent les autres combattants. Nos recrues se mirent du coup d’accord pour se replier stratégiquement dans un lieu inégalable et peu connu j’ai nommé…Le Chameau Qui Tousse. Une valeur sûre s’écrièrent-ils !
Après de longues discussions, il fut convenu de s’orienter vers la piste de la Taverne du Mage Bleu au 3e cercle. Le groupe se sépareraient pour glaner des informations en utilisant leurs différents atouts, et ils se retrouveraient à la taverne en fin d’après-midi pour mettre à table les différents éléments réunis et passer au plan d’action. Ouma en première partie de son côté avec une discrétion légendaire. Shenton, tout accaparé à ses plans, allait se retourner vers elle pour l’inciter à la plus grande prudence mais la femme n’attendant pas son reste avait disparue comme une ombre insaisissable dans les ruelles. Le groupe désavoué par cette disparition et fut pris un instant de grand doute. Mais où était donc partie cette femme et qui pouvait-elle bien être ?? Ouma était concentrée sur son objectif et tâcha de se remémorer les souvenirs d’une vie passée et désormais lointaine. Elle était bien loin de son quartier de prédilection, mais sûrement ses contacts et connaissances du terrain pouvaient l’aider à trouver ce qu’elle recherchait ? Cela suffit en effet, et bientôt ses pas la menèrent devant une maison haute d’où sortait des bruits d’agitations. Elle reconnu la marque distinctive des gens de son domaine à la porte et n’hésita pas à entrer comme si elle était la maîtresse des lieux. Elle posa son regard tout autour et s’arrêta sur une fillette d’à peine douze ans à l’allure encore innocente, mais pour combien de temps, à évoluer dans cet univers qui n’appartenait définitivement pas aux enfants de son âge ? La candeur était une valeur qui disparaissait bien vite malheureusement et son regard jeune pétillant encore s’attristerait bien vite face aux réalités cruelles de ce monde. Ouma s’approcha doucement de la petite qui croquait avidement dans une pomme. - Bonjour ma petite, puis-je te demander quelques informations, de toi à moi ?
Son regard entendu en dit long sur sa propre expérience. Elles appartenaient à ce même monde de l’ombre et des secrets dévoilés dans des moments de laisser-aller. La petite acquiesça mais non sans un geste de la main qui indiqua un souhait de rémunération à la hauteur des demandes. Ouma piocha en grimaçant sa main dans sa poche et en tira une pièce d’or rutilante qui eut le mérite d’accrocher le regard convoiteux de l’informatrice. Des informations sur les émeutes autour du Mage Bleu ? Bien sûr qu’elle en avait ! Les gens avaient pour habitude de parler librement ici, et les ragots allaient bon train. Les émeutes étaient généralement encouragées par trois hommes dans les alentours de 17h juste en dehors de la taverne. Bien des clients en revenaient avec des ecchymoses mais ravis d’extérioriser leurs frustrations avec leurs poings. Ouma glissa une autre pièce dans la main de la fillette, et lui demanda des signes distinctifs sur ces hommes. La petite fille fit la moue, et exigea une troisième piécette sonnante et trébuchante qui lui fut accordé avec réticence, avant de sortir, toute fière :
- Oui, un de ces monsieur, le plus grand et fort, a un bouc sur son biceps ! - Un tatouage de bouc, en es-tu sûre ? - Bien entendu, je sais à quoi ça ressemble un bouc ! Une fois mon papa il m’a amené à la ferme voir les animaux ! Et c’est bien trois monsieurs qui font des bêtises ! Trois ! Trois p’ti chats, trois p’ti chats, trois p’ti chats, chats, chats ! Bien contente avec ses pièces et sa pomme, la petite partit en clopinant joyeusement, laissant Ouma perplexe et grincheuse d’avoir perdue une si grosse fortune pour ces renseignements. Elle sortit de la maison close et trébucha malencontreusement sur la marche de sortie, perdit son équilibre et chuta douloureusement en blessant son nez sur les pavés cruels qui n’étaient décidément pas insérés proprement dans la voie. Dites-donc, faites un peu mieux votre travail, des gens pourraient se faire mal ! Elle se releva tant bien que mal et jura généreusement sur sa mésaventure. Elle grinça des dents et reprit sa route, une main glissant lestement sur les murs pour assurer sa marche. Elle ne tarderait pas à retrouver le reste du groupe mais elle préféra prendre tout d’abord un instant pour se remettre physiquement et mentalement de sa rencontre avec une jeune fillette qui lui ressemblait peut-être un peu trop.
Amadi quant à lui, avait un plan tout prévu dans son esprit et ne tarda pas à s’éloigner du groupe encore diverti par le plan très détaillé de Shenton. L’homme d’une stature impressionnante qui dépassait bien d’une tête ses confrères, se dirigea avec détermination de la Taverne du Mage Bleu où il entra sans se faire prier. Bientôt la vue le déstabilisa. Partout où il posait son regard, des chaises et des tables brisées ou sous le point de s’écrouler au premier visiteur venu. Il était encore tôt et la foule du soir n’était pas encore présente. Seules quelques tables étaient occupées par des habitués bien silencieux, le nez dans leur chopine de bière. Amadi s’approcha alors du comptoir pour s’adresser à la tavernière qui semblait en avoir pleins les bras, toute occupée à essuyer énergétiquement la vaisselle comme si cet acte anodin pourrait à lui seul rétablir un peu d’ordre dans son commerce en perdition.
- Bonjour Madame, mais dites-moi, que s’est-il passé par ici ? - Vous êtes aveugle pardi ! Regardez autour de vous ! Bientôt je n’aurai plus aucun tabouret digne d’accueillir mon séant ! Encore une poignée de jours de ces émeutes, et c’en est fini de moi et de ma taverne. Fit, la clé sous la porte qu’il me reste à faire !
Amadi, compatissant, prêta une oreille attentive aux malheurs de la tavernière et lui acheta même une choppe de bière à deux pièces d’or pour la consoler de sa mauvaise fortune. Quelque peu ragaillardie d’avoir une épaule sur laquelle s’épandre, la jeune tavernière aux courbes généreuses ne tarda pas à lui désigner un tabouret qu’elle jugeait plus solide et fiable. La bonne dame ne perdant pas une seconde avec sa vaisselle, lui répéta toutes les informations qu’il voulait bien entendre et que malheureusement les émeutes une fois commencées au dehors finissaient systématiquement dans son pauvre établissement. Elle se retrouvait même désormais avec un serveur en moins, roué de coups par des badauds échauffés à l’alcool et aux mêlées générales. - Je suis navré d’apprendre toute cette infortune Madame. Comment puis-je vous aider ? - Eh bien ! N’hésitez pas à prendre un plateau et un tablier, je suis désespérée ! Si vous tenez le poste pour la soirée, je vous donnerai cinq pièces d’or. Mais attention ! Toute casse est débitée de votre salaire.
Un haussement de sourcils plus tard, notre brave Amadi s’empara du tablier qu’il revêtit par-dessus son pantalon trop grand et se mit de suite au travail en ne manquant pas de jeter des regards au dehors pour rester sur ses gardes sur tout éventuel mouvement de foule.
L’élégant Blaise profita des quartiers libres pour aller à la recherche une fois de plus d’herbes médicinales. Il pensa qu’il y aura certainement des guérisseurs ou autres collègues de la profession noble dans le quartier, n’est-ce pas ? En effet il y en avait toujours dans le coin ! Des émeutes, des ecchymoses et autres blessures légères ; une aubaine pour les affaires ! Blaise trouva un peu excentrée de la place une petite échoppe sur roulettes qui accueillait un vieillard vêtu d’une cape longue et d’une sacoche qui cliquetait au moindre mouvement. Notre recrue s’avança avec prudence et gentillesse auprès de ce monsieur afin de lui demander des renseignements sur les évènements récents. Le noble guérisseur ne se fit pas prier de lui communiquer toutes ses informations à son cher confrère qui était fort aimable avec lui. Il y avait de la solidarité certaine entre confrères ! Il n’hésita pas à ajouter également :
- Si vous voyez un brave gars avec une arcade sourcilière cousue, c’est Bernard. Du beau travail jvous le dis mon jeunot ! Après cicatrisation, il n’en restera pas la moindre trace, j’en suis très fier ! Dites-lui bonjour de ma part !
Blaise remercia chaleureusement son acolyte et alla retrouver Shenton et Hylanion à la Taverne du Mage Bleu. Qu’elle ne fut leur surprise de trouver là Amadi en plein travail de serveur, le tablier autour des hanches et le port du plateau bien haut, tenu avec un équilibre parfait. Un exemple pour la profession pour sûr ! Blaise lui commanda une chope de bière qu’Amadi lui vendit effrontément à trois pièces d’or, empochant pour lui-même le bénéfice d’une vente rondement bien menée. Bientôt, Ouma les rejoignit et Shenton lui offrit aimablement son tabouret ainsi qu’un lait de chèvre, compatissant à la douleur qu’elle devait ressentir à son nez. Blaise notre cher guérisseur voulut l’apaiser, mais se contenta de prendre l’appendice fermement entre ses doigts et de le remuer sans étalage pour s’assurer qu’il n’était pas cassé. Après avoir reçu un coup sur le bras et des insultes bien placées, il fut convenu que le nez allait se remettre de lui-même. Les informations furent alors échangées entre eux, bien qu’Ouma oubli par inadvertance d’indiquer la marque distinctive du chef du groupe qu’ils recherchaient. Ils craignaient de ne pas pouvoir suivre ces suspects au-delà du rempart menant au 4e cercle, il leur faudrait donc s’emparer du registre avant. Cherchant à refaire sa bourse quelque peu vide et le ventre réchauffé d’une bonne bière, Blaise tenta un jeu de hasard avec un vaillant homme qui semblait bien au fait des règles de dés. Une défaite cuisante plus tard et malgré la proposition de parier ensuite sa chemise, le guérisseur ronchon se retira panser son amour propre en attendant l’heure fatidique.
Le soleil se coucha doucement à l’horizon et bientôt une foule grandissante se réunissait au dehors de la Taverne mais également à l’intérieur où Amadi commençait à peiner. Voulant avant tout augmenter son profit, il chargea un peu trop son plateau et la fatigue aidant, il faiblit. Le temps sembla comme s’arrêter au Mage Bleu, les regards fixés sur la chute inévitable et irrattrapable de ce plateau chargé de six choppes de bières. Le bruit du verre s’éclatant au sol fut terrible mais bien moins que les cris furieux qui ne tardèrent à venir de la tavernière. Chassés comme des malfrats et des incapables, notre groupe de recrues de l’Arbre Blanc se retrouvèrent devant un attroupement qui commençait à s’agiter. Là ! Derrière les badauds, les hommes que nous recherchons ! La foule s’épaississait à vue et le temps était limité avant que l’émeute ne commence et que les suspects s’enfuient avec le registre tant convoité.
Shenton le premier, mut par un désir de justice, tâcha de traverser la foule pour aller au plus vite. Quelle erreur ! Un pas de travers et voilà qu’il fut pris pour un émeutier éméché. Il reçut pour la leçon un coup de poing généreux dans la mâchoire qui l’envoya au sol. Amadi le suivit en prenant des chemins un peu plus éloignés mais se prit également une taloche bien placée. Bien que restant debout sur ses deux jambes, il était désormais bloqué par la foule de tous les côtés. Blaise n’avait pas attendu et s’était faufilé sur les côtés, la discrétion incarnée. Il se retrouva de l’autre côté de la foule sans dégâts. Tels étaient le cas également d’Hylanion qui avait à son bras notre brave aïeule. Ils avaient en effet décidé de couper le chemin des trois suspects en empêchant toute retraite au-delà du 4e cercle. Les hommes en effet après avoir avec réussite échauffé la foule, décidèrent de s’éloigner avec prudence, leur chef ayant pendu à son dos une sacoche. L’objectif !
Blaise tenta une action héroïque car le temps leur manquait avant que leur prise ne soit perdue de vue. Il s’élança donc seul contre tous et arriva avec sa dague à transpercer le sac de l’homme au tatouage de bouc. Le registre tomba au sol. Ils y étaient presque ! Mais l’étaient-ils vraiment ? L’action de Blaise n’avait en effet pas passée inaperçue et les deux collaborateurs ne tardèrent pas à l’attraper par le col avant de le ruer de coups, pendant que leur chef se pencha pour ramasser le livre. Voyant leur camarade en détresse, Hylanion et Ouma retracèrent leurs chemins pour lui venir en aide. Hylanion s’attaqua directement au chef et sa dague fit des ravages. Qui aurait suspecté qu’un noble puisse manier avec autant de dextérité une lame ? Ouma quant à elle récupéra au sol une dague qui était tombée et blessa courageusement l’un des assaillants de Blaise. Mais où étaient donc passés les deux plus grands combattants de leur groupe ?!
Amadi voyait bien que leurs compagnons avaient besoin de support et dans un élan désespéré, plongea sa main dans sa bourse et jeta en l’air…trois pièces d’or, espérant attirer l’attention de la foule. L’effet fut mitigé, voir inexistant. C’était pourtant bien tenté ! Shenton quant à lui en avait plus qu’assez de se faire piétiner. Il décida donc d’aller à l’encontre de tout ses meilleurs principes, dégaina son épée, et faucha toutes les jambes et membres à sa portée. Ce fut brutal, ce fut sanglant. Des cris plus poussés se firent entendre, des protestations houleuses s’ensuivirent. Mais cela eut pour mérite de faire bouger la foule dans la direction de leurs compères qui étaient de leur côté bien en mal !
Blaise chercha à se défaire de la prise ferme de son adversaire, mais échoua malheureusement et le coup de représailles qui s’ensuivit lui fit perdre connaissance. Il s’effondra donc sur le sol, trahi par le manque de réactivité de ses camarades d’infortune. Hylanion continuait quant à lui son travail de boucher et ses coups de dagues étaient pour le moins redoutables. Les trois hommes, momentanément surpris par le mouvement de foule venant vers eux, furent déstabilisés et un trébucha même sur notre bon Blaise. Ouma profita de cet instant pour attraper le registre une fois de plus à terre et après approbations des autres recrues, se retira dans les ombres en sauvant leur objet de quête. Shenton et Amadi arrivèrent enfin prêter main forte au combat. Malheureusement Shenton reçut plusieurs blessures graves et s’écroula auprès du guérisseur. Hylanion et Amadi finirent donc le combat d’eux-mêmes. Amadi, l’esprit vif, se prit de compassion pour Shenton et Blaise. Ils ne pouvaient tout de même pas les laisser là au milieu d’une ruelle, ils avaient besoin de soins ! Et leurs corps pourraient causer des problèmes de circulation. Il héla donc un volontaire dans la rue pour les ramener au Chameau Qui Tousse. Il rémunéra le brave homme avec l’or trouvé sur ses camarades et se garda pour lui le reste de leurs fortunes en guise de rémunération personnelle.
Ils rentrèrent donc épuisés de leur journée à l’Auberge, mais rassurés d’avoir accompli (avec brio ?) leur quête pour le Général Cartogan. Le lendemain à l’aube, Ouma, Hylanion et Amadi se présentèrent devant le Général fatigué avec le fameux registre qui leur avait couté deux hommes à l’infirmerie. Ouma lui fit un rapport en bonne et due forme des différents évènements mais bientôt les recrues virent le visage de l’honorable Général blêmir, ses gestes s’arrêtant sur une ligne du registre tant convoité.
- Ayve…non ce n’est pas possible…cela ne se peut… Ils ont ma mère.
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