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#Gorion  #Edwin

Citation :

“ Avril 301 du Quatrième Âge: La missive des érudits traitant des mystérieux artefacts qui réapparaissent aux quatres coins du continent  est rédigée à Tharbad. Elle est envoyée aux dirigeants …”

Gorion marqua une pause, laissant sa plume en suspens au-dessus du parchemin. Plongé dans sa réflexion, il ne fit pas attention à la petit goutte d’encre qui perlait à son bout.

Il avait longuement hésité à introduire cet évènement dans ses Chroniques des Terres du Milieu; après tout un courrier rédigé par neuf universitaires - aussi talentueux soient-ils- n’avait à priori rien d’un évènement majeur de l’histoire d’Arda. Et pourtant, tout ce qui s’était produits dans les mois suivants semblait tourner autour d’un seul et même élément: “la course aux artefacts.” Dans tous les royaumes et autres contrées, puissants et aventuriers n’avaient plus que ces objets aux grands pouvoir en tête. A posteriori il était facile de mettre le doigt sur la date charnière de cette histoire; sur ce moment où les Erudits avaient prédit sur tout ce qui allait se passer. Les Neuf Sages avaient bien essayé d’alerter les dirgeants sur les dangers qu’une folle compétition représentait, ceux-ci étaient demeurés sourds aux appels à l’unité.

La petite goutte d’encre finit par tomber de l’extrémité de la plume, s’écrasant sur le parchemin en y laissant une tâche ocre qui couvrait une partie du texte. Il y eut même des éclaboussures qui salirent la longue tunique blanche de l’historien qui lâcha un juron indigne de sa réputation.

“Edwin? Vous êtes là ? Reste-t-il des parchemins vierges?”

Son vieil ami apparut à l’entrée de la pièce. Sa silhouette courbée et ses traits ridés étaient bien trompeurs, l’homme était animé d’une vigueur bien plus forte que la plupart des jeunes loups. Cela faisait des décennies qu’il parcourait les Terres du Milieu, raportant à son ami quantité d’informations et d’histoires.

“Gorion! Tâchez de faire plus attention! Vous savez bien qu’ils sont hors de prix en ce moment. Nous n’avons pas non plus la fortune des Praven…
-Si  seulement… commenta l’historien en se repenchant sur son travail. Alors ce voyage à Minas Tirith?
-Ah ! Quel gâchis! Ils ne m’ont pas laissé rentrer les bougres! Cartogan aurait peur de sa propre ombre. Hugin m’a bien transmis quelques informations mais vous savez son goût pour le sensationnalisme, vaut mieux les prendre avec des pincettes. Heureusement que le vieil Alatar veille sur le Sanctuaire, il semble bien être le seul avec la tête sur les épaules au Gondor!
- Hmmm.
-Mais j’ai poussé jusqu’au Nord en Arnor, dans la capitale. Poursuivit Edwin qui devenait décidément de plus en plus bavard avec les années. Le Roi Aldarion fait un sacré travail de restructuration du royaume; il est en passe de devenir l’homme le plus puissant du continent je pense bien.Et puis le conseiller de sa délicieuse nouvelle Reine, ce jeune homme tout en bleu. Un homme de grand talent je crois bien, s’imposer aussi vite dans la cour du Royaume du Nord. Chapeau bas!  Mais ça fait pas que des heureux ailleurs comme chez lui. Et puis il y aussi la question du Rohan ...“

Girion n’écoutait plus que d’une oreille les récits de son ami. S’il décidait d’écrire tout ce que celui-ci lui racontait, alors il n’aurait vraiment jamais assez d’encre pour venir à bout de son oeuvre.

Citation :

La paix est un bien fragile. Aujourd’hui plus que jamais.

Une poignée de volontés insatiables et d’irréductibles espoirs. Il n’en fallait pas plus en cette fin de soirée pour réunir ces esprits érudits et sages qui veillaient avec bienveillance sur les Terres du Milieu. Ils n’avaient pas tous été d’accord sur les termes à employer, sur les destinataires et sur le contenu de la missive. Les discussions avaient été longues bien que nécessaires. La situation actuelle exigeait d’eux qu’ils interviennent, qu’ils se manifestent. Ils étaient trop peu nombreux pour intervenir directement, trop peu nombreux pour contrebalancer la nouvelle menace qui pesait lourdement sur les peuples libres … libres mais endormis, insensibles aux échos inquiétants qui parcouraient les royaumes des hommes, des nains et des elfes. Personne ne s’était soucié des lieux de culte et de savoir, des derniers sanctuaires de l’histoire et de la mémoire d’Arda. Les hommes avaient bien plus souvent les yeux rivés sur les pièces d’or, les traités d’échanges commerciaux et les signatures qui ornaient un parchemin venant valider un mariage important. Adieu les contes et les légendes, adieu les histoires de grand-mère lors des veillées au coin du feu, adieu les héros des temps anciens : des boniments, des sornettes, des histoires à dormir debout ! Pourtant l’été précoce n’avait pas porté avec lui que de fortes chaleurs et quelques bonnes transpirées. Un orage important se préparait auquel nul ne prêtait attention, qui se formait ailleurs qu’au creux des nuages et des tourments du ciel.

Ils pensaient à tout cela quand ils apposèrent leur signature au bas de la missive. La plume formait ce bruit si caractéristique lorsque l’encre se pose sur le parchemin, scellant à jamais leur volonté à celle de leurs pairs. L’un après l’autre ils prirent soin d’annoter leur nom dans un silence lourd de sens. Ce n’était pas leur destin qui était en jeu, la plupart d’entre eux avaient vécu de nombreuses saisons, mais bien celui des hommes et des femmes qui peuplaient ces terres, et celui de leurs enfants. Car le mal qui tendait vers eux ses bras menaçants portait le masque de la toute-puissance. Et l’équilibre pouvait être rompu à tout instant.

Ils regardèrent l’ensemble des parchemins qui couvrait la table devant eux. Un exemplaire pour chaque souverain en son royaume. Ils échangèrent un dernier regard, quelques mots, salutations respectueuses ainsi que quelques murmures d’espoir. Rien n’était perdu d’avance.  Ils se saisirent chacun de la lettre qui leur revenait. Les penseurs et les sages se faisaient émissaires, et il n’était plus à présent que les voix qui devaient porter ce message aux quatre coins du monde. La route était plus ou moins longue depuis les portes de Tharbad, mais chacun savait ce qu’il avait à faire, et les doutes n’étaient plus permis.