12 résultats trouvés pour Alatar

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Sujet: Le travail du matin vaut de l'or
Sirion Ibn Lahad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le travail du matin vaut de l'or    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 4 Oct 2023 - 11:25
Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! Palais10

Le septième et dernier niveau de Minas Tirith était sans doute le plus célèbre de tous.
Siège du pouvoir central du royaume de Gondor mais également du royaume réunifié, il était notamment connu pour abriter le dernier des arbres blancs, symbole universel du Gondor et sa royauté. Installé à même la roche des Montagnes Blanches, le niveau surplombait tous les autres et offrait une vue sans pareille sur le Pelennor et Osgiliath. La Tour d'Echtelion trônait au pied des parois rocheuses et s'élevait tel un pic montagneux au-dessus de la cité blanche. Une merveille architecturale. Et entre la cour de l'Arbre et la tour, le palais du roi, bâtiment éternel et fier, se dressait face aux rares visiteurs autorisés à atteindre le septième niveau.

Fait de couloirs en marbre, de colonnes d'albâtre et de portes aux innombrables secrets, le palais royal regorgeait de passages discrets, de serviteurs dévoués comme de gardes de la citadelle rompus au métier. Pour un inconnu, cet imposant palais pouvait se transformer en véritable dédale dans lequel se perdre relevait de l'évidence. En cette heure matinale, les oiseaux étaient très certainement les premiers habitants éveillés aux alentours du palais. Dans l'idée où les gardes soient mis de côté, évidemment. Le cloître entourant l'un des jardins intérieurs recevait peu à peu la lumière du soleil levant. Les fleurs encore endormies et hôtes éphémères des perles de rosée s'ouvraient tels des trésors précieux lentement à la douceur de l'aube.

Les deux gardes de la Fontaine qui arpentaient le cloître stoppèrent leur ronde lorsqu'une ombre surgit d'une porte dérobée. Les soldats inclinèrent respectueusement leurs têtes ornées de métal avant de reprendre leur tâche bien monotone. L'ombre quant à elle traversa le couloir à pas de velours pour s'arrêter un instant dans le jardin ornemental. Ce n'était pas là sa destination finale en ce jour important, mais à chacun de ses passages il ne pouvait s'empêcher de s'y arrêter quelques instants.

Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! Alatar10

Le vieux sage s'arrêta devant un parterre de roses et s'accroupit avec délicatesse. Ses longs doigts enveloppèrent avec douceur une fleur. L'humidité s'empara alors de la main de l'homme et il sourit. Ces petits moments hors du temps lui faisaient le plus grand bien. Il se redressa et examina les environs. Il crut remarquer une petite tête disparaître à l'angle du cloître. Cette fois, son sourire demeura plus discret, perdu dans son immense barbe blanche. L'enfant le suivait depuis qu'il avait quitté ses appartements plus tôt. Encore aujourd'hui, il ne semblait pas encore faire l'unanimité dans les plus hauts cercles du pouvoir. Les yeux et les oreilles étaient grands ouverts. Et la récente affaire avec feu le général et Rhydon n'avait rien arrangé.

- Réunissez-les dans l'officine de l'Intendance, et faites-les patienter.

Lorsqu'elle lui avait donné ses instructions, Alatar repensa immédiatement au conseil du Sceptre et à tout ce qui s'y était déroulé. Un sacré capharnaüm qui avait finalement conduit à des votes originaux pour certains, risqués pour d'autres. Le vieux sage, qui avait mené le débat, fut le premier spectateur de ce conseil ô combien historique. Certains avaient quitté le conseil quelque peu vexés tels qu'Aerith, le général d'Anfalas. La politique donnait toujours des vainqueurs et des perdants. Mais Alatar ne se faisait aucun souci pour le jeune général.

Le sage arriva finalement à l'officine à force de petits pas lents et hésitants. Cette annexe discrète du bureau de l'Intendant. Alcide avait récemment fait vider ses étagères et les tiroirs du bureau qui revenait désormais -ou plutôt incessamment sous peu- à une nouvelle tête. Alatar se réjouissait de pouvoir de nouveau assister à cette réunion symbolique et pleine de surprises à n'en point douter. Avec minutie, il prépara l'endroit à grandes enjambées, le corps vif et l'esprit focalisé. Trois chaises en demi-cercle, faisant face à un quatrième. Le sien, plus en retrait dans un coin de l'officine complétait l'ensemble.

Cette annexe n'avait rien de vraiment spacieux. Quelques étagères au mur, un bureau minimaliste pour le secrétaire de l'intendant où un serviteur avait pris soin de préparer une théière, un grand tapis au sol, et une autre porte menant certainement vers le bureau de l'intendant.

*TOC TOC TOC*

Alatar releva les yeux vers la porte qu'il avait franchi quelques minutes plus tôt. L'un des trois invités à cette réunion n'était pas en retard. Le sort du royaume allait en partie se jouer entre ces murs et les cœurs étaient prêts à s'enflammer. Aucun d'eux ne savait vraiment ce qui allait se dérouler ici. Alatar, lui, souriait dans sa barbe.

Le vieux sage marcha d'un pas plus lent qu'à l'accoutumée vers la porte et courba le dos. Son allure changea. Plus chétif, plus fébrile. C'est ainsi que les puissants le voyaient. C'est ainsi qu'il demeurerait aujourd'hui.

Il appuya sur la poignée et entrouvrit la porte.

- Bonjour, j'espère que vous avez bien dormi.

Puis sans attendre véritablement de réponse, il continua.

- Entrez, vous êtes plus qu'à l'heure. Entrez donc !

Alatar referma derrière eux.

- Une tasse de thé ?

#Alatar #Dalia #Evart #Artheyrn
Sujet: Sous l'œil d'Oromë
Forlong

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Rechercher dans: Le Sanctuaire   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sous l'œil d'Oromë    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 2 Juin 2020 - 0:58
HRP: Je prends la relève mon confrère Orange étant pas mal occupé! Smile HRP


Aucun bruit hormis le craquement des bûches brûlantes dans la cheminée n’interrompit Lithilidren lorsqu’elle prit la parole. Neige et Réland étaient des agents de l’Arbre Blanc. Certes, l’information était leur pain quotidien, mais ils se basaient le plus souvent sur l’instinct plutôt que sur les méthodes universitaires d’analyse systématique des données. Le récit de Nallus faisait sens, mais ils n’étaient pas entièrement certains vers quelle conclusion il voulait les mener. Seul Alatar souriait, faisant apparaître sur des rides joyeuses sur son front. L’elfe, encore lasse et dépourvue d’envie de vivre quelques jours auparavant, semblait avoir retrouvé son esprit. Le temps...le temps guérit toutes les blessures, et il coulait différemment dans cette maison hospitalière qu’était le Sanctuaire de Minas Tirith.

Nallus écoutait attentivement les paroles de Lithilidren, mais ne put s’empêcher de l’interrompre lorsqu’elle parla du Roi Méphisto :

-Prendre la place du Roi ? Mais Dame Lithildren, nous parlons du Haut Roy du Royaume Réunifié pas d’un roi de clan dunlending ! Il y a le Conseil du Sceptre, il y a l’héritier du trône le Prince Chaytann, et le neveu du Roy, Aldarion d’Arno...


-Tant qu’il me restera du sang à verser pour protéger l’héritier de Méphisto, l’Arnor ne régnera pas sur le Gondor.

La voix de Neige était glaciale comme un blizzard. Elle se tenait droite, s’appuyant légèrement sur le dossier d’un fauteuil, sa peau si blanche contrastant avec les ombres lancées par les flammes. Réland la regardait du coin de l’oeil, essayant sans succès de dissimuler son admiration.

Nallus se gratta la tête, confus par la réaction du Capitaine de l’Arbre Blanc, ne connaissant pas les raisons de cette animosité qu’elle avait contre l’Arnor.

-Tout ce que je voulais dire, Neige, c’est qu’on entre pas si facilement dans la Tour d’Ivoire. Ses portes blanches ne sont pas gardées que par des Gardes de la Citadelle, mais aussi par le pouvoir d’une tradition millénaire. Pour devenir Roi, il aurait fallu que Méphisto...ne soit plus parmi nous, et que le Conseil du Sceptre prenne la décision unanime de donner la couronne au général. Oui...le Conseil a déjà défié les ambitions du roi d’Arnor une fois, celles d’Arvedui en l’an 1945 du Troisième Ag..

Le professeur se racla la gorge lorsque il s’aperçut qu’il était en train de divaguer. D’un geste bienveillant de la main, il invita Lithildren à reprendre la parole.

Lorsqu’elle présenta sa vision de la Fraternité de Yavannamire, le visage de Nallus devint d’abord pensif, avant d’être illuminé par un sourire. Oui, après la lecture du Journal de Zimrathon il n’arrivait pas à se faire à cette vision de la Fraternité comme une organisation comparable à la Couronne de Fer, visant à étendre ses tentacules sur la Terre du Milieu. Un autre groupe voulant s’emparer des artefacts rassemblés par la Fraternité, cela faisait sens, après tout le savoir devenait souvent une arme en tombant entre des mauvaises mains...

Le professeur était plongé dans ses pensées, ce fut donc Neige qui interrompit le silence :

-Vous parlez de Lord Rhydon comme d’un pion, mais ne vous méprenez pas. Cet homme est orgueilleux mais rusé, et il dispose de toutes les ressources de l’Arbre Blanc et de l’Armée du Gondor, ce qui le rend encore bien plus puissant que la Tête. Et Rhydon est un molosse fidèle de Cartogan. Tant que le...Directeur est en vie, le général restera intouchable.


Alatar rit d’un rire bienveillant qui contrasta avec les paroles sombres de l’espionne :

-Comme sur un échiquier ! Il faut d’abord traverser les lignes ennemies pour atteindre le Roi, puisque Lithilidren a décidé de nommer Cartogan ainsi ! Heureusement, nous ne sommes pas obligés de charger comme des pions sur les ennemis. Nous pouvons nous déplacer en diagonale, ou de manière bien plus imprévisible encore.


Le vieillard prit un ton plus sérieux :

-Mais aussi vaillants que vous êtes, vous ne pourrez pas mener ce combat seuls. Savez-vous que même Oromë, dont le courroux était craint par Morgoth lui-même, ne chassait pas seul ? Il était accompagné par Huan et par son noble destrier Nahar, l’ancêtre de tous les chevaux. Lorsqu’il soufflait dans son cor, Valaroma, c’était comme le bruit du tonnerre qui déchire les cieux. Oui...il vous faut un cavalier sur votre échiquier pour pencher la balance en votre faveur.


-Un cavalier... ? – La voix de Neige devint pensive. – Oui, il y a un homme qui a osé s’aventurer dans les catacombes de Rhûn pour sauver l’héritier du trône et qui a versé son sang pour défendre la Couronne...un homme dont les compagnons ont aidé à purger Pelargir de la Couronne de Fer...Est-ce qu’il viendrait une fois de plus à l’aide du Gondor en ces temps sombres ? – L’espionne regarda ses compagnons comme s'ils avaient la réponse – Eradan, le Chevalier du Cor Brisé. Il serait peut-être prêt à nous aider, mais son campement est loin d’ici, dans les collines d’Emyn Arnen. J’ai entendu qu’un de ses compagnons les plus fidèles, Félian, était dans la Cité Blanche, à la taverne du Peregrin. Si on arrivait à le contacter...

-
Si, Capitaine, ‘si’ c’est le bon mot ! – Réland n’avait pas l’habitude d’interrompre Neige, mais il commençait à s’impatienter face à ces longs débats. Ou était-ce la jalousie qu'il éprouvait en entendant sa supérieure parler de cette manière du Chevalier du Cor Brisé? – Nous dessinons des arbres, nous parlons de renverser Cartogan, ou de comprendre qui est derrière tout ça, mais en attendant on est coincés ici comme des lapins dans un terrier, en attendant que les chasseurs viennent nous débusquer ! On devrait peut-être plutôt réflechir à comment sortir d’ici ?!

Alatar posa la main sur l’épaule de l’agent de l’Arbre Blanc et lui répondit :

-Nous sommes dans la Cité Blanche, Réland. Certaines de ses pierres sont peut-être noircies par la corruption des hommes tels que Rhydon ou Cartogan, mais ne désespérez pas. S’il y a un endroit où nous pouvons encore trouver des gens prêts à défendre l’Arbre Blanc et ce qu’il représente c’est ici, à Minas Tirith ! Les nobles femmes qui travaillent aux Maisons de Guérison viennent au Sanctuaire tous les quelques jours pour s’occuper des enfants et des malades qui y trouvent réfuge. Elles sont choisies une par une par Dalia de Ronce, une dame à la voix sévère mais au coeur pur. Elles ne vous refuseraient pas leur aide. Les guérisseuses portent des coiffes grises et des longues robes, de quoi dissimuler facilement les oreilles de Lithilidren. Sauf si bien sûr vous avez une autre proposition, je ne suis pas versé dans l’art de l’évasion.


Nallus se leva de son siège :

-Je dois avouer que c’est rafraîchissant de travailler avec des gens d’action ! A l’Université de Minas Tirith nous serions encore en train de débattre  sur la meilleure méthodologie à adopter pour analyser la situation. Ainsi nous avons l’ébauche d’un plan. Il faudra trouver ce chevalier Félian au Peregrin et lui dire de prévenir Eradan du Cor Brisé de la situation. Ensuite, nous pourrons enquêter sur la femme masquée, même si la piste est mince. Mais pour revenir à la méthodologie de l’Arbre...est-ce que cette femme masquée est la clef qui nous permettra d’atteindre Rhydon ou même le général, ou est-ce qu’il faut qu’on affronte Rhydon pour obtenir des informations sur cette femme masquée ? Qu’en pensez-vous Lithildren ?

La participation active de Lithilidren dans la discussion lui avait valu un respect nouveau auprès de ses compagnons. Avec Neige affaiblie par sa blessure, le rôle de l’elfe dans cette partie d’échec devenait de plus en plus central...quelqu’un devait remplacer la reine blanche.

#Alatar
Sujet: Sous l'œil d'Oromë
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Sanctuaire   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sous l'œil d'Oromë    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 23 Avr 2020 - 17:36

La tristesse de Lithildren s'était accumulée comme l'eau de pluie au creux d'une de ces larges feuilles, comme on en voyait dans les plus épaisses forêts du Sud lointain : celles qui semblaient venir d'un autre monde, d'un autre temps, que l'on trouvait dans les grands arbres millénaires. Des arbres au tronc si majestueux qu'ils auraient éclipsés l'Elfe toute entière dans leur ombre bienveillante. Cette dernière, aux nervures fragilisées par le poids de cette présence étrangère, semblait avoir perdu ses racines, la branche qui la maintenait en vie et en équilibre. Elle vacillait au moindre souffle de vent, ballottée par la brise qui s'engouffrait sous les frondaisons, alors que sa longue chute était péniblement retardée par le caprice des éléments. Aujourd'hui, devant le gardien du Sanctuaire de Minas Tirith, son équilibre s'était rompu.

L'eau de pluie s'écoulait désormais sur ses joues en autant de larmes douloureuses.

Mais pour le vieil homme, cela n'était pas un mal, bien au contraire. Il devinait toute la souffrance de la guerrière, toute cette rage accumulée, toute cette peine qu'elle avait chevillée au corps, et qui la tirait inexorablement vers les ténèbres de sa conscience. Elle devait y faire face, s'en délester, se prémunir contre les assauts mortels du doute et d'un passé révolu qu'elle ne pouvait pas changer. Seul le présent comptait. Le présent, et ce qu'il disait de leur avenir incertain, de leurs espoirs fragiles, de leur misérable existence qui pouvait s'achever à chaque instant.

Ces larmes, elles l'aidaient en ce sens.

Le gardien ne la retint pas, jugeant plus utile de laisser l'immortelle affronter elle-même sa peine. Une vie si longue pesait lourd sur des épaules aussi sensibles, et la guerrière devait faire le deuil d'une vie entière, d'une éternité d'amour qu'elle ne vivrait pas, tant qu'elle n'aurait pas rejoint les lointaines cavernes de Mandos. Au nom de la cause qu'ils défendaient, il fallait espérer que ce jour viendrait le plus tard possible, car Lithildren était une ressource précieuse dans leur entreprise. Elle devait simplement trouver les bonnes raisons pour pouvoir continuer.

Alors qu'elle courait à travers le Sanctuaire, suivie par l'écho de ses pas précipités, le vieil homme eut un sourire attendri et murmura pour lui-même :

- Non, vous ne voulez pas abandonner les Hommes à leur folie… Votre aide sera précieuse.

Il prit appui sur son bâton, et tourna les talons pour retourner à ses affaires. Lithildren avait besoin de cet espace pour elle-même, et il devait lui accorder ce temps.


~ ~ ~ ~


Reinil s'était soigneusement tenu à l'écart de la conversation entre Lithildren et le gardien du Sanctuaire. Il comprenait tout à fait que des individus plus sages que lui pussent avoir besoin de discuter de choses sérieuses loin des oreilles indiscrètes du jeune apprenti qu'il était. Il avait donc patienté poliment, comme son éducation impeccable le lui commandait, et s'était absorbé dans ses pensées, essayant de mettre de l'ordre dans le tumulte de celles-ci.

Ces derniers jours avaient été chaotiques, et les révélations qui s'étaient enchaînées avaient achevé de miner ses espoirs de voir la solution se résoudre pacifiquement et rapidement. Jusqu'à l'arrivée de Lithildren, il n'avait vu dans l'emprisonnement du professeur Nallus qu'une erreur judiciaire, une simple méprise qui aurait été réglée devant les tribunaux royaux, et qui aurait abouti à des excuses publiques de la part des responsables de l'armée. Aujourd'hui, tout semblait beaucoup plus compliqué. Cartogan, le général à la probité incroyable, était en réalité un ennemi de l'État qui manœuvrait avec toute la force de l'armée royale pour les arrêter. Le professeur Nallus représentait de toute évidence une grande menace pour sa sécurité, et désormais c'était la femme Elfe qui était sur la liste des personnes ciblées. Reinil lui-même était en danger, depuis qu'il avait accepté de rejoindre sans réserve ce combat pour la vérité et pour la justice.

Alors il s'était mis à penser.

C'était ce qu'il faisait de mieux, après tout, et il ne concevait pas de laisser son esprit se reposer alors que l'heure était à la décision, et qu'il était justement capable de raisonnements tout à fait brillants. N'était-ce pas pour cela que les professeurs de l'université de Minas Tirith voyaient en lui un grand potentiel ? Il avait assemblé les événements patiemment dans son esprit, essayant de tracer des liens complexes entre les problèmes apparemment déconnectés les uns des autres qu'ils affrontaient. Il y avait tant et tant de mystères qui ne demandaient qu'à être résolus, mais qui semblaient leur échapper simplement parce qu'ils ne les regardaient pas sous le bon angle.

« Prends du recul, Reinil », lui répétaient souvent ses maîtres. « Prends du recul, déplace-toi autour du problème, envisage-le sous toutes les coutures. Seulement alors tu trouveras la réponse à ta question ».

Enfermés dans l'université, probablement surveillés à distance par les hommes du roi, ses professeurs l'aidaient encore à distance, grâce aux conseils qu'ils avaient su lui dispenser, et qu'il avait eu la sagesse d'écouter à son jeune âge. Aujourd'hui, il lui semblait ne pas avancer seul, et avoir derrière lui l'expérience de tous ces vénérables esprits passés avant lui, qui lui avaient transmis ces connaissances, ces savoirs acquis péniblement au cours des ans.

- Réfléchis, Reinil, se murmura-t-il à lui-même.

Des phrases surgissaient de son passé, l'aidant à clarifier son esprit.

« Il n'y a pas de solution simple à un problème complexe, jamais. Il n'en est pas toujours de même pour les explications ».

Une explication. Oui, c'était ce qui leur manquait. Il leur manquait de comprendre le pourquoi, ce qui les informerait sur le « comment », sur le « quoi », sur le « qui »… Rien n'était plus difficile que de trouver les raisons, parfois très simples, qui sous-tendaient les actions des Hommes. Cependant, en s'affranchissant des interprétations, il se savait en mesure de dénicher la réponse. Tel était son rôle en tant qu'apprenti savant.

Tout à ses pensées, Reinil sursauta en voyant Lithildren passer devant lui comme une tornade. Ses idées précieuses, qu'il assemblait telles un château de cartes, s'écroulèrent en le laissant pantois, et il lui fallut une longue seconde pour accepter que l'édifice fragile qu'il venait de dessiner pouvait être rebâti, et que le plus important était désormais de retrouver l'Elfe. N'avait-il pas vu des larmes dans ses yeux ?

Sans perdre une seconde, il se leva et courut à la suite de cette dernière, suivant sans peine l'écho des sanglots qu'elle ne parvenait plus à étouffer désormais. Son cœur se serra de crainte alors qu'il l'entendait déverser les émotions qu'elle n'arrivait plus à contenir. De crainte et d'une absolue compassion qui caractérisait le jeune garçon. Alors qu'il sentait qu'il se rapprochait, il s'efforça de contenir ses propres angoisses, afin d'accueillir celles de l'immortelle. Son petit être n'était peut-être pas en mesure de recevoir la peine incommensurable qui dévastait l'esprit de la guerrière, mais il ne baisserait pas les bras, et il ferait de son mieux pour l'aider…

Fût-ce au péril de son propre équilibre.

Il finit par arriver dans la chambre où Lithildren s'était recluse, et la trouva là. Elle semblait si vulnérable, si fragile, elle qui la veille au soir était rentrée en portant sur ses épaules la vie de Neige et le poids de tous leurs espoirs. Le masque de bataille s'était fissuré, et la flèche du chasseur s'était engouffrée dans le défaut de son armure, avec une précision mortelle. Elle se tourna vers lui, avant qu'il eût été en mesure de vraiment dire quoi que ce fût pour aider la guerrière, et avant qu'il comprît elle le prit dans ses bras avec une force qui le surprit.

Il se sentit presque décoller du sol, transporté par cet élan d'affection muette qui avait troqué les mots bien inutiles par la toute-puissance des sentiments. Reinil demeura interdit un moment, avant de rendre à Lithildren cette étreinte, recevant par là tout ce qu'elle lui confiait. Tous ces sentiments incontrôlés, ces peurs, ces malheurs qu'elle avait vécus, et qui semblaient se transférer dans le corps du jeune garçon. Il fit de son mieux pour résister à une telle charge émotionnelle, mais il fut bientôt submergé lui aussi. Submergé par l'intensité du moment, par tout ce que cela lui rappelait. Sentir ces bras refermés autour de lui, c'était comme retourner en enfance, et Lithildren lui rappelait involontairement sa mère, cette femme douce et aimante qui l'avait protégé tant qu'elle l'avait pu. Mère et fils, unis par le destin davantage que par le sang, restèrent là un long moment à pleurer l'un et l'autre.

L'un pour l'autre.

Ils n'avaient pas besoin de parler pour se dire les choses. Reinil tenait à Lithildren, et il ferait tout pour l'aider. Il donnerait tout pour lui permettre de goûter un jour à la paix intérieure, qu'elle méritait peut-être plus que quiconque.


~ ~ ~ ~


Les jours avaient passé à un rythme particulièrement lent, dans le Sanctuaire. À chaque instant, ils pouvaient être surpris par les troupes royales, qui patrouillaient à leur recherche en s'efforçant de rester discrètes quant à leur désir de les capturer. Quelques hommes étaient venus poser des questions au gardien des lieux, qui avait répondu de manière évasive, et s'était arrangé pour dissiper les craintes des soldats. Ils avaient gagné un peu de temps, mais cela ne les empêchait pas de faire preuve de prudence.

Neige se remettait doucement de sa blessure, de même que Réland. Les deux avaient encore besoin de repos, mais savoir qu'ils étaient en vie était une bénédiction en soi. Nallus et le vieil homme qui les accueillait travaillaient assidûment à trouver des réponses, et il n'était pas rare de les entendre converser en passant près de leur bureau. Ils échangeaient sur tout et n'importe quoi, les deux hommes ayant une culture très largement supérieure à la moyenne. Ils évoquaient les difficultés du monde, les grandes crises politiques, mais aussi les perspectives d'avenir, les options qui s'ouvraient à eux. Nallus semblait heureux de pouvoir échanger avec quelqu'un d'aussi érudit. Derrière ses manières excentriques, et sa tenue d'un bleu glacial très élégante, il avait une grande culture, et il semblait avoir lu d'innombrables ouvrages d'histoire, au point que Nallus lui confia même un jour :

- Très cher, je ne comprends pas que vous ne soyez pas professeur à l'université de Minas Tirith. Vous semblez connaître tant de choses, et si je me fie à vos seuls dires, vous avez déjà assez de matériau pour enrichir les Carnets de voyage de Maxoine, et Propriétés augmentées des métaux ordinaires, de Cibel de Djafa. Ses travaux font encore autorité, alors qu'il n'a plus rien écrit de sensé depuis près de quinze ans…

Le vieil homme avait ri en retour, amusé par cette proposition, à laquelle il avait répondu avec le flegme qui le caractérisait :

- Ne le prenez pas comme une critique, mais je crois que je ne serais pas très à l'aise à travailler à l'université. J'ai le sentiment que beaucoup d'érudits se sont encroûtés dans leurs certitudes, et alors qu'ils auraient dû guider les rois, les princes, et voir venir les malheurs de l'Ordre de la Couronne de Fer, ils se sont déchirés en vaines querelles… La connaissance pour la connaissance est un idéal qui n'est plus le mien. Si cette connaissance ne peut servir à améliorer le monde dans lequel nous vivons, alors à quoi bon ?

Nallus avait hoché la tête pesamment. Lui-même n'était qu'un érudit de salon, un homme qui ne s'était jamais vraiment éloigné des sentiers battus, sinon dans sa fougueuse jeunesse. Il avait cru naïvement que réfugié derrière ses livres et les innombrables références qu'il connaissait par cœur, il pourrait voir venir le mal de très loin. Il s'était fourvoyé, et il portait une partie de la responsabilité de l'échec des Peuples Libres à défendre leurs idéaux. Aujourd'hui, voilà que dans sa propre cité, sous son nez et celui de tous les plus grands intellectuels du Gondor, l'ennemi s'était implanté.

Combien de fois se feraient-ils berner avant de comprendre ?

Trop souvent, hélas, car ils avaient toujours un coup de retard sur les manigances des esprits les plus retors.

Dans ce contexte, ils avaient travaillé dur à se mettre à jour, à établir des plans, à définir des objectifs précis. Ils discutaient jusque tardivement, préférant exploiter le temps à leur disposition plutôt que de se reposer sur leurs lauriers. Les guerriers avaient fait leur office pour les mener en sécurité, et c'était désormais à eux de jouer. Pendant qu'ils planifiaient, Neige, Réland et Lithildren se reposaient. Cette dernière, qui était moins meurtrie physiquement, pouvait se promener librement dans le Sanctuaire et se dégourdir les jambes. Le repos dont elle bénéficiait ici était incomparable, et les lieux bien que modestes semblaient habités du calme des demeures elfiques. Personne ne venait la déranger quand elle s'absorbait dans ses pensées, et quand elle souhaitait converser un peu, elle trouvait toujours une oreille attentive chez le jeune Reinil.

Cet enfant était l'incarnation de la pureté, et à mesure qu'ils se rapprochèrent il ne put manquer de lui confier quelques éléments de sa vie. La force de caractère qui se dégageait sous sa timidité n'était pas feinte, et elle puisait ses racines dans de douloureux souvenirs. Le malheureux avait perdu sa mère quelques années auparavant, et son père avait choisi de l'envoyer étudier à l'université de Minas Tirith, comme pour l'éloigner et vivre son chagrin dans la solitude. Cette absence lui avait déchiré le cœur, mais il s'était endurci et s'était abîmé dans l'apprentissage, en espérant un jour être à la fois digne de reprendre l'héritage familial, et un assez bon fils pour trouver grâce aux yeux de son géniteur.

Reinil était presque un orphelin, et c'était la raison pour laquelle il était resté à l'université quand tous les autres étudiants s'en étaient retournés dans leurs familles. En Lithildren, il trouvait curieusement cette présence rassurante et maternelle qui lui avait manqué.

- Je crois que mon père pense à moi de temps en temps, même s'il ne m'écrit pas, avait-il confié alors qu'il s'affairait à préparer le repas de l'Elfe. Je ne suis pas un si mauvais fils, je crois. Même si je peux évidemment faire mieux, j'y travaille chaque jour.

Il avait eu un sourire triste, mais n'avait rien ajouté.

L'espoir était une chose fragile.

Avec le temps, les blessures avaient commencé à cicatriser. Chaque heure semblait durer une éternité, et leur procurait amplement le temps de contempler leur existence, de réfléchir à leurs actes, à leurs décisions. Ils pouvaient à loisir les regretter, s'en vouloir, puis les accepter finalement et se laisser aller à une forme de sérénité. Tel était l'effet du Sanctuaire sur les âmes de visiteurs qui s'abritaient sous les hautes voûtes de ce lieu reposant. Sous l'œil bienveillant des Valar, qui peut-être pensaient aux Premiers et aux Derniers Nés, et jetaient sur eux un regard attendri de les voir lutter ainsi courageusement contre tous les malheurs du monde.

Un soir, finalement, alors que tout semblait calme au dehors comme au dedans, Nallus vint trouver Lithildren pour la convier à dîner en compagnie de tous les autres. Même Neige fit l'effot de venir, alors que rester en position assise la faisait encore souffrir. Elle ne voulait surtout rien manquer de la conversation qui allait suivre. Ce fut le professeur qui prit la parole en premier :

- Mes amis, nous vous avions promis de prendre le temps de réfléchir et de trouver quoi faire. Nous avons longuement discuté, débattu, et analysé toutes les possibilités qui s'offraient à nous, et nous voudrions vous donner le fruit de nos conclusions. Votre éclairage nous sera très précieux, j'en suis certain.

Il marqua une pause, et déplia un parchemin soigneusement roulé entre ses mains, pour dessiner sommairement une forme qui ne leur était pas inconnue. Il s'agissait de l'arbre blanc du Gondor, dessiné rapidement, et surmonté des sept étoiles.

- L'arbre blanc du Gondor est le symbole de notre peuple, vous le connaissez tous. Nous l'utilisons aussi comme instrument de réflexion, quand nous affrontons des problèmes complexes. Reinil, tu es sans doute déjà familier avec le mécanisme, mais laisse-moi l'expliquer à nos compagnons. Chaque étoile représente une conséquence, un problème particulier, si vous voulez. L'arbre, quant à lui, représente la racine commune à tous ces problèmes : l'élément commun qui les fait tenir ensemble. L'objectif était pour nous de trouver la racine du mal, et après de nombreuses heures nous pensons avoir trouvé. Je n'ai pas eu l'inspiration géniale qui nous a permis de progresser, aussi ne puis-je recevoir tout le crédit de cette découverte.

Le gardien du Sanctuaire parut surpris, mais il dissipa ces compliments d'un geste de la main, tout en comprenant que Nallus entendait lui laisser la parole. Passant une main dans sa barbe, il répondit poliment :

- J'ai simplement rebondi sur vos idées, professeur. Nul génie là-dedans, je n'aurais rien fait sans votre aide.

Puis, revenant au sujet qui occupait leurs esprits, il détailla leur dessin, pointant chaque élément à mesure qu'il parlait :

- Sept étoiles, donc, qui représentent chacune les malheurs auxquels nous sommes confrontés. La querelle intestine dans l'armée, l'état d'arrestation à l'encontre du professeur, l'assassinat mystérieux dans les geôles, le secret qui entoure la fermeture de la ville, la présence d'un sorcier dans les ruines elfiques, cette sinistre armée qui envahit le Gondor, et la réapparition inquiétante de mystérieux artefacts surgis du passé… Voilà la base sur laquelle nous avons travaillé.

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- Au début, nous pensions que Cartogan était le lien, que c'était lui la racine, mais cela ne collait pas. Quel intérêt aurait-il eu à envoyer un sorcier dans les ruines ? Pourquoi envoyer une armée pour envahir le Gondor, alors que toute cette affaire jette le discrédit sur lui et ses troupes ?

Nallus reprit la parole, en pointant du doigt la dernière étoile, celle au sommet de l'arbre, au-dessus de laquelle rien n'était encore écrit.

- C'est là, fit-il, qu'un esprit génial nous a mis sur la voie. Et si Cartogan n'était pas la racine… mais une nouvelle conséquence ?

Il fit glisser son doigt sur le papier, tapotant son index sur la dernière étoile, celle qui surmontait habituellement la couronne royale. Un silence accompagna sa révélation, alors que Reinil, qui avait l'esprit vif et qui comprenait plus rapidement que la moyenne, se penchait en avant :

- Si le danger que représente le général Cartogan n'est qu'une conséquence, alors… c'est qu'une des autres conséquences est peut-être la cause de tout ceci ?

La fierté se lut dans les yeux de son professeur, qui le félicita d'un signe de tête, avant de se tourner vers Neige et Réland qui semblaient ne pas vraiment comprendre :

- Voyez-vous, ce modèle de réflexion nous invite à être mobile et adaptable. Sept conséquences possibles, et une cause commune… mais il est possible d'inverser chaque élément. Peut-être qu'une de ces étoiles, que nous voyons actuellement comme une cause, est en réalité le problème auquel nous devrions nous attaquer.

- C'est tout l'intérêt de ce modèle, ajouta modestement le gardien. Nous inviter à observer les choses sous plusieurs angles. En l'occurrence, nous avons écarté les éléments qui nous paraissaient hors de notre portée pour le moment. Nous n'avons pas les moyens d'enquêter sur cette armée inconnue surgie de l'Est, et nous ne pouvons pas retrouver ce mystérieux sorcier à l'heure actuelle. Considérons donc ces options comme closes pour l'heure. Les dissensions dans l'armée, et la question de la fermeture de Minas Tirith nous amèneraient à nous trouver sur le chemin de l'armée, et donc de Cartogan. Cela semble également compromis pour le moment. Les accusations contre le professeur Nallus ne seront levées que lorsque nous aurons fait chuter Cartogan. Alors que nous reste-t-il ?

Nallus, qui semblait particulièrement fier de leur raisonnement tout à fait théorique mais non moins intéressant, ajouta avec un enthousiasme qu'il peinait à contenir :

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- L'assassinat dans les geôles, et la question de ces mystérieux artefacts. Voilà à quoi nous avons réduit notre recherche. C'est notre contribution à cette entreprise, mais nous ne pouvons pas déterminer par où commencer à votre place. Lithildren, Réland, Neige… vous êtes les seuls à même de décider. C'est même à vous que revient ce choix, Lithildren, car vous êtes la seule d'entre nous qui êtes assez en forme pour enquêter pendant que nous le pouvons encore. Alors, que dites-vous ?

#Nallus
Sujet: Sous l'œil d'Oromë
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Sanctuaire   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sous l'œil d'Oromë    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 27 Mar 2020 - 19:29
Lithildren s'était enfermée dans sa chambre, incapable de prononcer plus de quelques phrases. La guerrière immortelle paraissait abattue, épuisée, pour ne pas dire désespérée. La situation était critique, et elle se trouvait enfermée dans la noble cité de Minas Tirith alors qu'elle aurait très certainement préféré parcourir le monde et goûter à la liberté que son peuple méritait plus que tout autre. Ses compagnons n'avaient pas dit mot en la voyant faire, conscients que chacun devait affronter cette épreuve à son rythme, et que le silence et le calme étaient parfois des remèdes plus efficaces que tout ce que la médecine du monde avait à offrir.

Alors, l'Elfe s'endormit d'un sommeil agité mais néanmoins réparateur. Ses compagnons, quant à eux, restèrent parler jusqu'au petit matin. Le gardien du Sanctuaire, notamment, voulait entendre toute l'histoire, et Nallus lui en fit un résumé tout à fait exhaustif à partir de ce qu'il savait. Reinil intervint par touches pour apporter des éléments de réflexion supplémentaires, afin de mettre au courant leur nouvel allié.

- La situation est plus grave que nous le pensions, fit-il en guise de conclusion. Le monde court un grand danger, nous le pressentions, mais nous n'avions pas identifié la menace. Si le général est un traître, alors le Gondor est en péril, et plus largement l'ensemble des Peuples Libres. Nous devons agir.

- Oui, répondit Réland, mais comment ? Nous n'avons pas les ressources pour inquiéter Cartogan, ni d'ailleurs les hommes nécessaires. Aucun de nos anciens alliés n'est sûr, et quand les troupes du général comprendront que nous sommes retranchés ici, elles n'hésiteront pas à venir nous en déloger.

Le vieil homme leva la main pour rassurer son interlocuteur :

- Pour l'instant, le Sanctuaire est sûr. Le général réfléchira à deux fois avant de forcer l'entrée de la demeure des Valar, et cela nous offre la ressource la plus précieuse qui soit : le temps. Le temps pour vous de vous reposer, et pour nous de trouver quoi faire. Laissez-moi vous aider.


~ ~ ~ ~


Reinil n'avait pas voulu réveiller Lithildren, mais il avait bien involontairement fait un peu trop de bruit en circulant dans la pièce, et l'Elfe était sortie de son sommeil pour son plus grand malheur. Confus, il s'approcha d'elle en s'excusant platement :

- Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous déranger… J'apportais seulement un peu de bois pour entretenir le feu dans votre chambre. Il me semblait bien qu'il en manquait hier, et je ne voulais pas que vous preniez froid.

Il dévisagea celle qu'il pouvait désormais appeler son amie, et lui trouva meilleure mine que la veille. Elle s'était débarrassée du sang et de la crasse, qu'elle avait remplacée par un air fatigué qui semblait ne pas vouloir la quitter. Reinil, comprenant qu'elle avait besoin qu'on prît soin d'elle, lui fit signe de rester allongée :

- Je m'occupe de tout.

Il lui adressa un sourire plus brillant que le soleil qui pointait derrière les rideaux, et s'éclipsa avec la diligence du plus zélé des servants, laissant Lithildren seule avec ses pensées pendant quelques temps. Par la fenêtre, elle voyait le jour se lever tranquillement sur la Cité Blanche, elle entendait les oiseaux qui chantaient, et tout cela semblait particulièrement idyllique si l'on faisait abstraction des événements de la veille. La chasse, la course effrénée, le combat, le sang versé… Tant de violence qui semblait disparaître sitôt que le jour revenait, comme si la lumière nettoyait leurs crimes pendant quelques heures, leur offrant un répit qu'ils n'osaient même pas demander.

Reinil refit son apparition, portant un repas simple mais chaud. Du pain moelleux, un potage, un morceau de fromage et quelques fruits. De quoi requinquer l'Elfe, à défaut de transcender ses papilles qui s'étaient depuis longtemps habituées à la frugalité. Le Sanctuaire n'était de toute façon pas un lieu dans lequel on trouvait le luxe et le faste des grandes demeures seigneuriales. Il s'agissait d'une maison simple, ouverte et accueillante où chacun pouvait trouver refuge s'il le souhaitait.

- Allez-y, mangez. Mais ne vous brûlez pas.

Le petit ange qui virevoltait autour de Lithildren en veillant à ce qu'elle ne manquât de rien était adorable, et désormais qu'il avait quitté son rôle d'élève modèle, il se révélait tel qu'il était vraiment : un trop jeune garçon qui s'efforçait de faire plaisir à ses modèles. Au professeur Nallus, tout d'abord, qui incarnait la toute-puissance de la connaissance. A Lithildren, ensuite, qui représentait les valeurs de courage et de loyauté desquelles il se sentait proche. Elle l'inspirait plus qu'elle ne pouvait le concevoir, et il voyait dans sa fragilité une preuve supplémentaire de sa force. Après tout, n'était-ce pas en affrontant l'adversité même alors que la vie vous mettait un genou au sol que l'on trouvait en soi-même une résilience insoupçonnée ?

Même à terre, il savait que Lithildren n'abandonnerait jamais.

Il laissa patiemment l'Elfe se sustenter, et en profita pour aérer la chambre, laissant pénétrer la lumière à l'intérieur de celle-ci. Le garçon s'affairait efficacement, et en silence, donnant tout l'espace nécessaire à son héroïne pour se préparer.

Quand elle fut prête, il la conduisit auprès de leur hôte.


Le vieil homme les attendait dans sa tenue habituelle, assis dans un épais fauteuil, son bâton de marche posé nonchalamment en travers de ses jambes. En voyant arriver Lithildren, il se leva péniblement, et lui tendit la main pour la saluer :

- Bon jour, très chère. J'espère que vous avez pu apprécier votre nuit au sein du Sanctuaire. Vous êtes sous la protection des Valar, et ici nul mal ne peut vous atteindre. Vous êtes Lithildren, c'est cela ? Je suis ravi de vous rencontrer.

Sa voix était étonnamment claire pour un homme de son âge, dont le corps semblait désormais fatigué. Il était affecté par ce mal très humain que l'on appelait la vieillesse, mais son esprit demeurait vif et il avait un certain charisme qui ne laissait pas indifférent.

- Vos amis m'ont raconté beaucoup de choses hier soir. Des choses tout à fait étonnantes. D'autres, je dois l'admettre, beaucoup plus inquiétantes. Vous avez traversé les flammes de la guerre, et vous en êtes revenue pour nous apporter votre aide précieuse. Ceci, en revanche, me semble être un motif d'espoir. Qui peut dire où nous serions sans votre arrivée ?

Il marquait un point. Si Lithildren était encore largement affectée par les combats, les fuites et les morts qu'elle avait dû abandonner tout au long du chemin, il était difficile de ne pas voir sa venue comme une bénédiction. C'était elle qui avait survécu à Ost-in-Edhil, c'était elle encore qui avait retrouvé Gilgamesh, qui s'était rendue à Minas Tirith et qui avait délivré Nallus d'un sort incertain, pour lui permettre de lutter aux côtés de toutes les âmes de bonne volonté contre l'influence du général Cartogan.

Pour terrible que fussent ses expériences les plus récentes, que se serait-il passé si elle était morte dans les souterrains de la cité elfique ? Le monde aurait-il été meilleur pour autant ? Le gardien du Sanctuaire semblait avoir sa réponse, et il voulait la communiquer à Lithidren : grâce à sa présence, ils avaient une chance de changer les choses.

- Je devine que vous vous blâmez, fit-il en repensant à sa réaction auprès de Neige, toujours convalescente. Ne soyez pas trop dure avec vous-même, souvenez-vous que même les princes, les rois et les immortels peuvent être dans l'erreur. Même les Valar, dans leur grande sagesse, sont imparfaits.

Il eut un sourire songeur, indéchiffrable, et revint à des choses plus pressantes.

- Il ne m'appartient pas de me mêler des affaires des hommes au pouvoir, Lithildren, mais ce Cartogan est une menace bien trop grande pour être ignorée. Vous même, Elfe de votre état, avez choisi de vous engager pour défendre la cause des Hommes. Vous savez donc de quoi je parle. Nous avons tous une responsabilité individuelle de nous dresser face à l'adversité, si nous voulons chasser le mal qui nous corrompt.

Il emmena Lithildren marcher quelques pas, et fit signe discrètement à Reinil de ne pas les suivre. Jusqu'à présent, le garçon avait écouté en silence, légèrement en retrait, attentif aux paroles échangées comme s'il écoutait une leçon. Il hocha la tête avec obéissance, mais un brin de déception le saisit alors qu'il jetait un regard désespéré à l'Elfe. Il aurait voulu être à ses côtés. Le gardien du Sanctuaire l'emmena plus loin, sous la voûte impressionnante du Sanctuaire. Les lieux étaient raffinés, d'une beauté simple et pure qui semblait traverser les âges. Le vieil homme allait lentement, prenant appui sur son bâton pour économiser ses forces, sans pour autant renvoyer une impression de faiblesse. Ce paradoxe était curieux. Il observait les fresques sur les murs, qui renvoyaient à des épisodes de l'histoire depuis longtemps oubliés.

- Je vous devine égarée, Lithildren. Il en est ainsi quand on passe trop de temps à arpenter cette terre, sans savoir où est notre destin. Parfois, ce sont les petits riens qui nous maintiennent en vie, qui nous donnent de l'espoir. L'amour, notamment, est une force contre laquelle on ne peut rien. Je l'ai appris d'un vieil ami…

Une pensée fugace passa dans son esprit, lui tirant un petit sourire amusé.

- Souffrir d'amour est incroyablement douloureux, mais l'amour a plusieurs formes. Il s'incarne dans des êtres que nous n'aurions pas cru rêver d'aimer un jour, et parfois nous surprend. Reinil, par exemple…

Il marqua une pause, laissant le temps à l'Elfe de comprendre où il voulait en venir.

- Ce garçon vous aime, c'est évident. Pas de cet amour adulte, qu'il ne connaîtra que plus tard, quand il aura tiré le nez de ses livres et de ses plumes. Mais il vous aime, comme un fils aimerait sa mère. Par amour, il se trouve ici, risquant sa vie pour défendre le Gondor… Il ne connaît ni l'épée ni la lance, et pourtant il tiendrait tête à dix chevaliers pour défendre votre vie. Voyez Réland, il faudrait être aveugle pour dire qu'il n'aime pas Neige. Avec un bras valide, il est prêt à défier Cartogan en personne et à mourir pour cette noble cause.

L'espion avait révélé toute sa fragilité la veille au soir devant le corps inanimé de Neige, et il avait fendu le cœur de ses compagnons, qui l'avaient entendu sangloter doucement la nuit dernière. Personne n'en dirait mot, respectant pudiquement son chagrin, mais une telle dévotion était admirable. Le gardien revint à Lithildren :

- Ce Reinil, je crois que vous l'aimez aussi, au fond. Un jour, nous pourrons parler de stratégie, nous pourrons parler de comment défaire Cartogan, comment échapper à ses sbires et protéger le Gondor. Aujourd'hui, cependant, nous parlerons du pourquoi. Du sens à donner à tout ceci. Si vous aimez ce garçon, dites-le lui, et servez-vous de cet amour pour chasser les nuages qui pèsent sur votre vie. Vous aurez besoin d'avoir l'esprit clair pour affronter les dangers qui se dressent devant nous.

Il leva la tête vers le plafond, et resta un moment à le contempler. Ce qu'il n'osait pas dire à Lithildren, c'était qu'il ignorait de quoi l'avenir serait fait. La mort pouvait les frapper à tout moment, et même s'il était convaincu de l'inviolabilité du Sanctuaire, il ne pouvait pas imaginer que Cartogan resterait passif. Les Eldar étaient destinés à voir leurs esprits perdurer dans les Terres Immortelles, mais s'il advenait quelque chose à Reinil… Si par malheur la mort venait le cueillir, alors Lithildren le perdrait à jamais.

#Nallus #Reinil #Réland #Neige
Sujet: Sous l'œil d'Oromë
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Rechercher dans: Le Sanctuaire   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Sous l'œil d'Oromë    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 23 Mar 2020 - 0:55
Précédemment : Quand vient le silence
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- Maître, maître ! Ils sont arrivés !

Le vieil homme sortit de sa torpeur, et par réflexe passa sa main sur sa longue barbe blanche. Le jeune garçon qui venait de faire irruption dans son bureau avec la délicatesse d'une tornade l'avait dérangé au beau milieu d'une sieste bien méritée, alors que ses yeux fatigués s'étaient longuement penchés sur de vieux documents. Les paupières encore ensommeillées, il referma soigneusement le volume qui reposait sur la table, glissa ses pieds dans d'épais chaussons de fourrure, et se leva douloureusement en posant un regard grave mais bienveillant sur son acolyte :

- Qui donc, Reinil ?

- La femme elfe dont je vous ai parlé, et ses compagnons. Venez vite, ils ont besoin de notre aide !

Il n'en fallut pas plus au gardien du Sanctuaire pour quitter son réduit prestement et se porter au secours de ceux qui venaient demander asile dans la demeure des Valar. Reinil lui avait tout raconté : l'enquête, la menace qui planait sur cette femme Elfe qui semblait vouloir défendre les Peuples Libres… Si elle était en danger, il devait faire de son mieux pour la sauver. Quand il entra dans la pièce principale, vaste salle haute de plafond où résonnait l'écho de ses pas, il n'entendit que les suppliques de Nallus, penché sur la silhouette inerte d'une femme à la peau presque aussi pâle que ses cheveux.

- Neige, appelait-il, pitié Neige, restez avec nous… Tenez bon…

Il lui tapotait la joue pour essayer de la faire réagir, mais elle ne semblait pas revenir à elle. Le sang que les linges de Lithildren avaient retenus de toutes leurs forces coulait désormais librement sur le sol, et les mains de l'Elfe étaient bien incapables d'arrêter l'hémorragie.

Réland, qui passait sa main valide sur son visage nerveusement, faisait les cent pas en cherchant quoi faire. Tous les compagnons de Neige s'étaient rassemblés pour lui venir en aide, mais c'était bien l'arrivée du vieil homme qu'ils attendaient tous. Son apparition suscita un grand élan d'espoir, et rapidement il se pencha sur la blessure :

- Elle se vide de son sang, mais elle n'est pas encore morte, fit-il sur un ton expert. Nous pouvons encore la sauver. Reinil, tu vois cette porte là-bas ? Tu trouveras le nécessaire pour la soigner. Réland, restez calme, et libérez-lui une place dans une des chambres. Nous allons devoir l'allonger une fois que nous aurons traité sa blessure.

Le garçon et l'espion s'empressèrent de s'exécuter, obéissant sans la moindre hésitation. La vie de Neige dépendait de leur capacité à faire ce qu'on attendait d'eux, et ils n'étaient pas décidés à être celui qui échouerait dans sa mission. Le vieil homme tourna son regard vif vers Lithildren, puis vers Nallus :

- Vous n'avez rien, tous les deux ?

Son regard compatissant était sincèrement inquiet. Il n'aurait pas voulu avoir deux blessés sur les bras en cette soirée, et il savait que lorsqu'on se préoccupait d'un compagnon, on pouvait rapidement en oublier sa propre santé et son propre intérêt. L'amour était une grande force, mais pouvait aussi constituer une faiblesse quand on ne pensait pas suffisamment à soi. Quand il se fut assuré que Neige était son unique priorité, il accueillit le retour de Reinil et Réland avec un sourire, et s'employa à soigner l'espionne sur le sol du Sanctuaire.

Ses mains délicates n'étaient pas celles d'un guérisseur, mais il avait quelques notions utiles, et il trouva rapidement comment nettoyer la plaie, et la refermer le plus soigneusement possible. Sa tunique entièrement bleue fut bientôt maculée d'un carmin profond qui se mua en brun au contact de ses vêtements. Il paraissait ne pas s'en soucier le moins du monde, concentré uniquement sur sa mission du moment : sauver l'infortunée. Son travail n'était peut-être pas du grand art, mais il parait aux plus urgent, et ne cherchait pas à faire dans l'esthétique. Elle garderait une vilaine cicatrice, mais ce ne serait pas sa première… ni la dernière, à en juger par son style de vie. Une fois qu'il eut achevé ses sutures, il passa une serviette légèrement humide sur la peau de Neige pour enlever le sang séché qui maculait sa peau et sa tunique. Le sol devrait être nettoyé de la même manière, mais cela pouvait encore attendre.

Ils s'employèrent tous pour soulever délicatement le corps de l'espionne, et la conduire dans la chambre préparée par Réland, où on la déposa tout habillée dans son lit. Elle lâcha dans son sommeil un soupir de soulagement que reprirent tous ses compagnons. Le gardien du Sanctuaire posa une main sur le front de sa patiente, puis sur sa joue, et enfin devant sa bouche pour sentir son souffle. Il demeura silencieux un instant, avant de glisser :

- Elle vivra. Il lui faudra du temps pour récupérer, mais elle vivra.

- Merci, Alatar. Merci de l'avoir sauvée.

Réland était particulièrement ému, et c'était presque touchant de la part d'un homme de sa qualité. Espion de son état, combattant accompli, il avait semblé sur le point de craquer quand il avait vu Neige dans cet état. C'était lui qui les avait fait rentrer dans le Sanctuaire, et il était resté pétrifié devant la vision de cette guerrière indomptable et invincible qui respirait à peine. A présent, il s'en voulait de son manque de réaction, mais il n'aurait jamais pu prévoir que la blessure de Neige l'affecterait à ce point.

Il s'agenouilla aux côtés de l'espionne, et lui prit la main en silence.

Seul le temps lui permettrait de digérer la nouvelle.

- Ça ira, mon garçon. Ça ira…

Des paroles de réconfort que l'homme en bleu prononçait sincèrement. Il invita les autres à quitter la pièce, afin de laisser Neige au calme, et prit appui sur un vieux bâton de marche qui semblait avoir vécu tous les âges de ce monde. Le claquement sec du bois sur la pierre vint rythmer sa tirade, alors qu'il les emmenait plus loin dans le Sanctuaire, là où se trouvaient d'autres chambres destinées à accueillir ceux qui avaient besoin d'un abri.

- Je suis heureux que vous soyez arrivés sains et saufs… Reinil s'est beaucoup inquiété à votre sujet, et il m'a raconté votre histoire. Professeur Nallus, c'est bien ça ? Nous n'avons pas encore été présentés, mais votre réputation vous précède, c'est un plaisir de vous rencontrer, même si les circonstances sont dramatiques…

- C'est un plaisir pour moi également, j'ai beaucoup entendu parler de vous.

Nallus ne cachait pas son admiration. Depuis l'arrivée du conseiller de Dinaelin, le Sanctuaire avait retrouvé du lustre et de l'éclat. Il était devenu un lieu de repos et de sérénité, où les gardes n'osaient pas s'aventurer. Une sombre affaire avait fait grand bruit quand des hommes du roi s'étaient introduits ici pour arrêter un prisonnier, et le scandale avait poussé Cartogan à reconsidérer le statut des lieux. Il ne pouvait pas entrer ici impunément, et il le savait désormais.

- Quant à vous… je suppose que vous êtes Dame Lithildren, dont Reinil m'a tant parlé. Ce jeune garçon ne tarit pas d'éloges à votre sujet, et bien que nous ne nous connaissions pas depuis longtemps, je peux dire que je comprends son sentiment à votre égard. Vous avez réussi à vous introduire à Minas Tirith, à délivrer le professeur Nallus et à ramener Neige en vie jusqu'ici… De telles prouesses font honneur à la cause que vous servez. Que nous servons tous.

Il faisait preuve de beaucoup de sagesse, et ses paroles mesurées avaient de quoi apaiser. Reinil se sentit rougir immédiatement quand le vieil homme parla ainsi de lui et de ce qu'il éprouvait pour Lithildren. Instinctivement, il s'était rapproché d'elle, et avait discrètement pris sa main dans la sienne. Un geste anodin, affectueux à la manière d'un enfant, qui pourtant était étonnamment rassurant. Dans ce monde de violence et de conflit, quelques attentions simples pouvaient encore exister. Et tout changer.

- Vous êtes tous deux épuisés, la nuit est tombée depuis bien longtemps, et nous avons réglé les problèmes que nous pouvions régler à cette heure. Neige est sauve, vous l'êtes également au sein du Sanctuaire, et pour l'heure je suppose que personne n'a eu vent de votre présence ici. Vous pouvez donc dormir sur vos deux oreilles, le Sanctuaire est votre demeure. Peu importe qui vous chasse, ou ce que vous chassez, le récit de vos étonnantes aventures peut très certainement attendre demain.

Il leur indiqua avec générosité des chambres modestes mais confortables. Il fit signe à Reinil d'apporter à Lithildren un baquet d'eau chaude, et du savon. La guerrière ne s'était pas encore observée, mais quand elle croiserait son reflet dans le miroir de sa petite chambre, elle risquait d'avoir un choc. Ses traits étaient tirés, fatigués, ses yeux soulignés par de profondes cernes. Les dernières heures avaient été éreintantes même pour une Elfe. Ses mains couvertes du sang de Neige nécessiteraient un lavage soigneux et appliqué.

Mais que ne pouvait-elle surmonter entourée de pareille compagnie ?

Reinil, Nallus, Réland, Neige, et désormais cet homme mystérieux qui dirigeait le Sanctuaire et était disposé à leur fournir un abri avant même d'avoir entendu leur histoire.

Les germes de la révolte étaient plantés.
Sujet: [Tales] - Les chroniques de la Cité Blanche
Hadhod Croix-de-Fer

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [Tales] - Les chroniques de la Cité Blanche    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 26 Sep 2016 - 17:48
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La porte n'était pas bien épaisse et la Dame de Ronce pouvait entendre les gémissements qui s'élevaient de l'autre côté. Les Maisons de Guérison avaient subi un réaménagement il y a quelques années, après l'épisode de la grande peste qui avait fait trembler le peuple, les dirigeants et presque les murs de la Cité Blanche. Aux grandes salles où étaient allongés les blessés et les malades qui n'étaient pas contagieux avaient été ajoutées des pièces de taille bien plus réduites, qui devaient accueillir les patients susceptibles de transmettre leurs maux par voie aérienne. Mais également ceux dont le mode de transmission de la maladie n'était pas encore connu, autrement dit les malheureux qui avaient attrapé quelque chose que les guérisseurs ne connaissaient pas. La superficie des bâtiments n'avait pas été agrandie faute de place : les tailleurs de pierre et les maçons avaient simplement reçu l'ordre de bâtir de nouvelles cloisons pour créer ces salles spéciales.

- Son état a-t-il évolué depuis ce matin ? demanda-t-elle au guérisseur qui lui faisait face.

- La fièvre vient de redescendre, madame, mais il se plaint maintenant de douleurs intenses dans l'abdomen. Il a l'impression qu'on fait des nœuds avec ses boyaux, ce sont ses termes. Ça se passe exactement comme... comme...

Dalia perçut avec une certaine compassion son regard et son discours alarmés. Il avait toujours été très professionnel dans son travail, soignant aussi bien dans l'enceinte des Maisons que partout ailleurs dans la cité lorsque les cas l'exigeaient. Sa volonté de bien faire et son caractère consciencieux lui avaient valu bien des éloges de la part des guérisseurs-en-chef, et la Grande Guérisseuse de Minas Tirith n'allait pas sans le savoir. Mais cette fois la maladie semblait résister à ses talents.

- Comme pour ce pauvre garçon d'écurie ?

Le médecin acquiesça d'un hochement de tête.

- Oui madame, et comme les cinq autres. Je lui ai administré une décoction d'angélique autour de midi, mais il n'y a pas eu d'amélioration notable. Je viens de lui donner de la cannelle pour éviter les spasmes, mais j'ai bien peur que qu'elle ne fasse qu'atténuer les symptômes et retarder l'inévitable. Je n'ai jamais vu de maladie si fulgurante depuis l'apparition des symptômes jusqu'au décès.

Les nouvelles qu'elle venait d'entendre à travers le cache-nez du guérisseur étaient loin d'être engageantes. Et fait, elles étaient franchement mauvaises et la Dame de Ronce sentit monter en elle une bouffée de chaleur, toute Grande Guérisseuse qu'elle fût. L'enchaînement de symptômes inédit et la nature foudroyante de ce mal faisaient de cette pathologie une dangereuse inconnue, une inconnue qui pouvait semer la terreur et la désolation parmi le peuple. On en était pas encore là, mais on pouvait vite prendre le chemin de l'épidémie. Il y avait eu six cas dans les bas quartiers, tous plus ou moins près des écuries. Mais aujourd'hui la maladie avait semble-t-il gagné les niveaux intermédiaires. Le malade qui avait eu le droit d'être amené ici était un bourgeois d'une cinquantaine d'années qui s'était rendu chez un maréchal pour faire ferrer à neuf les chevaux de son attelage.

Dalia resta muette un instant, les sourcils froncés et l'air grave.

- Essayez la ronce, dit-elle enfin.

- Je vous demande pardon ?

- La ronce, Iohil, la ronce. Elle est méconnue en tant que telle, mais a le pouvoir de traiter les coliques. Ça ne le guérira pas, mais ça peut lui faire gagner du temps et vous permettre de tester d'autres procédés. Et en désespoir de cause, perdu pour perdu, quand tout ce que vous aurez tenté se sera révélé vain je vous autorise à essayer...

- Dame de Ronce !

Pris qu'ils étaient dans leurs discussion, Dalia et Iohil ne purent réprimer un sursaut devant l'arrivée impromptue du gardien des Maisons de Guérison.

- Dame de Ronce, répéta ce dernier, le conseiller Alatar souhaiterait s'entretenir avec vous. Je l'ai guidé jusqu'à votre bureau, où il vous attend. J'espère ne pas avoir outrepassé mes fonctions ?

- Vous avez bien fait, rassurez-vous. Je tiens Alatar en grande estime et je me serais sentie assez mal à l'aise de devoir faire attendre une personne de sa qualité sur le pas de la porte.

Le gardien, visiblement soulagé, la salua avec respect et tourna les talons.

- Navrée Iohil, une autre affaire m'appelle. Je vous souhaite bon courage, et ne désespérez pas. Souvenez-vous que dans notre métier la persévérance est l'un des maîtres mots. Je reviendrai vers vous aussi vite que possible.

Elle fila à son tour jusqu'à l'escalier qui descendait à l'étage d'en-dessous, jetant un dernier regard en arrière pour voir le guérisseur entrouvrir la porte de la chambre et se glisser prestement à l'intérieur avant de la refermer. La pratique de la médecine demandait parfois bien du courage. Tandis qu'elle descendait les volées de marches, son esprit essayait vainement de conjecturer quant à l'origine de cette nouvelle maladie, puisqu'apparemment c'en était bien une : un phénomène de ce genre ne pouvait venir de nulle part, ni s'être créé à partir de rien. Il était évident que les équidés avait quelque chose à voir dans l'histoire, mais à quel niveau elle l'ignorait. Elle s'apprêtait à réfléchir aux mesures à prendre pour contrer cette menace lorsqu'elle s'aperçut qu'elle était arrivée devant la porte de la pièce qui lui était réservée. Le vieil homme à robe d'azur se trouvait déjà à l'intérieur.

- Je suis désolée de n'avoir pu vous rendre visite Alatar... la situation est plus que préoccupante pour moi avec ces nouveaux décès. Une épidémie comme celle d'il y a sept ans serait une épreuve abominable pour le Gondor et pour son peuple.

- Je comprends, chère Dame de Ronce. C'est justement en vertu de votre volonté de toujours servir le peuple que je viens m'adresser à vous, plutôt qu'à un autre signataire.

Voyant qu'elle n'opposait pas d'objection et se contentait d'attendre la suite, le vieil homme poursuivit :

- Comme je vous en avait fait part la semaine dernière, je suis désespéré par la position attentiste de nos dirigeants et indigné par leur choix de ne pas révéler l'information. Nulle chance de retrouver le moindre artéfact sans recherche, que diable ! Mais voyez... Cette lettre, c'est Pallando qui vient de me la faire parvenir...

Il lui tendit le plis qu'il avait en main. La Grande Guérisseuse prit le temps de le lire de bout en bout avant de darder ses yeux dans ceux d'Alatar. Son regard s'était durci.

- Oui, se dépêcha de dire le conseiller, je sais que la manœuvre n'est guère délicate, mais quel autre choix avons-nous ? Nous le faisons pour une cause juste, c'est ce qui compte. Peu importe si le chemin est tordu pourvu qu'on arrive à destination. Révélons le danger des objets de pouvoir au peuple, vous et moi ! Les informations contenues dans cette lettre justifieront amplement notre action et nul ne pourra nous blâmer. Pas même l'Intendant !

L'expression sur son visage était à la fois implorante et anxieuse. Dalia de Ronce pouvait considérer à tort le subterfuge comme une action mauvaise et le dénoncer, il le savait. Il avait choisi de prendre le risque afin d'obtenir son appui, l'appui de la Guérisseuse tant aimée par les habitants et tant respectée par les grands de la cité. Que choisirait-elle d'être maintenant qu'il venait de lui faire part de son projet, la noble gondorienne intransigeante avec la loi, ou l'avisée signataire prête à tout pour la morale ?

- Alatar, écoutez-moi. Je... je sais pourquoi vous agissez ainsi, mais nous ne pouvons pas outrepasser tous les protocoles pour y arriver. Pas tant que nous ne serons pas totalement au pied du mur. Faire une annonce publique de notre propre chef sera jugé comme étant de la trahison, sans doute même de la haute trahison et vous savez fort bien comment nous finirons.

- Alors nous allons laisser passer l'occasion, c'est ce que vous êtes en train de me dire ?

- Non, répliqua-t-elle. Mais il faut agir selon la loi. Il faut donner cette... information à l'Intendant Alcide. Quand il sera au courant, il comprendra la nécessité de hâter les choses. En tout cas je l'espère.
#Dalia #Alatar
Sujet: Couronnes, Plumes et Lames: La Missive des Erudits
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Rechercher dans: Tharbad   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Couronnes, Plumes et Lames: La Missive des Erudits    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 13 Déc 2015 - 22:45
Une poignée de volontés insatiables et d’irréductibles espoirs. Il n’en fallait pas plus en cette fin de soirée pour réunir ces esprits érudits et sages qui veillaient avec bienveillance sur les Terres du Milieu. Ils n’avaient pas tous été d’accord sur les termes à employer, sur les destinataires et sur le contenu de la missive. Les discussions avaient été longues bien que nécessaires. La situation actuelle exigeait d’eux qu’ils interviennent, qu’ils se manifestent. Ils étaient trop peu nombreux pour intervenir directement, trop peu nombreux pour contrebalancer la nouvelle menace qui pesait lourdement sur les peuples libres … libres mais endormis, insensibles aux échos inquiétants qui parcouraient les royaumes des hommes, des nains et des elfes. Personne ne s’était soucié des lieux de culte et de savoir, des derniers sanctuaires de l’histoire et de la mémoire d’Arda. Les hommes avaient bien plus souvent les yeux rivés sur les pièces d’or, les traités d’échanges commerciaux et les signatures qui ornaient un parchemin venant valider un mariage important. Adieu les contes et les légendes, adieu les histoires de grand-mère lors des veillées au coin du feu, adieu les héros des temps anciens : des boniments, des sornettes, des histoires à dormir debout ! Pourtant l’été précoce n’avait pas porté avec lui que de fortes chaleurs et quelques bonnes transpirées. Un orage important se préparait auquel nul ne prêtait attention, qui se formait ailleurs qu’au creux des nuages et des tourments du ciel.

Ils pensaient à tout cela quand ils apposèrent leur signature au bas de la missive. La plume formait ce bruit si caractéristique lorsque l’encre se pose sur le parchemin, scellant à jamais leur volonté à celle de leurs pairs. L’un après l’autre ils prirent soin d’annoter leur nom dans un silence lourd de sens. Ce n’était pas leur destin qui était en jeu, la plupart d’entre eux avaient vécu de nombreuses saisons, mais bien celui des hommes et des femmes qui peuplaient ces terres, et celui de leurs enfants. Car le mal qui tendait vers eux ses bras menaçants portait le masque de la toute-puissance. Et l’équilibre pouvait être rompu à tout instant.

Ils regardèrent l’ensemble des parchemins qui couvrait la table devant eux. Un exemplaire pour chaque souverain en son royaume. Ils échangèrent un dernier regard, quelques mots, salutations respectueuses ainsi que quelques murmures d’espoir. Rien n’était perdu d’avance.  Ils se saisirent chacun de la lettre qui leur revenait. Les penseurs et les sages se faisaient émissaires, et il n’était plus à présent que les voix qui devaient porter ce message aux quatre coins du monde. La route était plus ou moins longue depuis les portes de Tharbad, mais chacun savait ce qu’il avait à faire, et les doutes n’étaient plus permis.
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#Dalia #Ronce #Alessa #Sora #Alatar #Pallando #Makiaveel #Marco #Volo #Gorion #Edwin #Demetion
Sujet: Barbarie légale, ébahissement unilatéral...
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Rechercher dans: Le Sanctuaire   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Barbarie légale, ébahissement unilatéral...    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 18 Sep 2015 - 1:10
Le vieil homme fronça ses sourcils argentés et répondit sur un ton légèrement irrité:

-Vous parlez tous aussi fort à Pelargir? Cela doit être un effet secondaire de la vie dans une cité portuaire qui ne dort jamais...Je ne suis pas sourd, monsieur Vernon, et heureusement pour vous, je ne suis pas non plus aveugle! Faites-moi donc voir cette fameuse lettre!  

La voix de l'homme vêtu de bleu devint plus amicale au fur et à mesure de ses paroles, et il adressa un sourire bienveillant à Girion lorsque ce dernier lui tendit le parchemin.

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Le sage s'installa à une table, et posa délicatement le parchemin devant lui, en préparant une feuille de papier vierge ainsi qu'une plume et un encrier. Si Girion s'attendait à ce que le vieillard lui traduise les runes étranges d'une traite tel un interprète lors d'une rencontre diplomatique, il allait être déçu. Ce n'était pas pour rien que personne n'avait réussi jusqu'à là à déchiffrer le contenu du parchemin! L'homme en bleu lut le texte au moins trois fois dans son intégrale avant d'essayer même de se lancer dans un déchiffrage quelconque. Pendant la demi heure qui suivit, Girion fut obligé de regarder le vieillard murmurer des choses dans sa barbe, noter des symboles et des lettres sur sa feuille de papier, barrer des mots et étudier de près chaque rune sur le document ancien. Alors que le nouveau-riche commençait peu à peu à perdre espoir et patience, Istimo tapota soudainement avec son doigt sur la feuille avec une énergie nouvelle, et commença à écrire une phrase dessus, sans hésitation cette fois. Il afficha un sourire triomphal à Girion, et récita:

-Mes confrères sont tombés sur la trace d'un artefact d'une rare puissance dissimulé quelque part dans la lointaine contrée du Rhûn. Si nous le trouvons il pourrait nous permettre de stabiliser la situation dans la région toute entière et poursuivre en paix notre noble quête. Des rides apparurent sur son front lorsque l'enthousiasme de la découverte laissa place à une tentative de compréhension du contenu. Je ne sais pas qui est l'homme qui a écrit ça, mais il n'y a pas beaucoup de gens en Arda qui en seraient capables! Vous voyez, les lettres utilisées sont des runes naines..mais ce n'est pas pour autant qu'un nain, hah, je dirais même un Maître des Runes en personne, pourrait vous aider. Vous voyez, si l'alphabet utilisé est nain, les mots en eux-mêmes sont écrits dans un dialecte populaire à l'Est de la Terre du Milieu, notamment sur les frontières du Rhûn...Un mélange tout à fait fascinant si vous voulez mon avis. Mais le plus fascinant dans tout cela, c'est que ce document me rappelle quelque chose...J'ai l'impression d'avoir déjà vu quelque chose de la sorte, mais où...hmm, où... 

Son regard s'illumina soudainement, et il sourit en se relevant de sa chaise. Il prit un long bâton de bois sculpté en main, et hocha de la tête dans la direction de Girion:

-L'Antique Bibliothèque bien-sûr! Les archives de Minas Tirith sont une magnifique collection, les bibliothécaires n'ont jamais cessé de faire venir des nouveaux ouvrages trouvés ou publiés en Terre du Milieu. Ils disposent aussi d'une grande réserve de manuscrits, et je suis presque certain d'y avoir vu une écriture très semblable à celle que vous m'avez montré...suivez moi si vous avez le temps!

Il leur fallut une demi heure pour remonter du Sanctuaire jusqu'au centre de la Cité Blanche où se trouvait l'Antique Bibliothèque, mais Girion avait pu constater que le vieillard avait préservé une certaine agilité malgré son âge. Lorsqu'ils s'y rendirent enfin, Istimo guida le chevalier au chapeau flamboyant à travers le labyrinthe des couloirs, étagères et salles de lecture, jusqu'à une petite pièce poussiéreuse qui contenait uniquement des manuscrits, pour la plupart enroulés autour d'un cylindre de bois ou soigneusement pliés en quatre. Le regard du vieillard se posa cependant sur une étagère qui était à moitié vide, et pas recouverte d'autant de poussière que les autres. Murmurant un pourtant ça devrait être là.. perplexe, il fouilla pendant quelques instants sur les tables et étagères à proximité, mais finit par  se résigner à demande de l'aide à un bibliothécaire. Ce dernier soupira et répondit tristement:

-Vous n'êtes pas au courant, messieurs..? Cela fait bientôt deux mois que nous avons eu un vol à l'Antique Bibliothèque...sous le nez de tous les soldats qui patrouillaient la ville pendant les festivités liées au mariage royal! Quel culot...on n'a même pas vraiment su répertorier exactement ce qui a été volé, car ces vieux parchemins n'ont jamais été rangés ni codés de manière efficace...Je ne sais pas pourquoi des voleurs aussi habiles ont choisi le contenu de cette pièce à vrai dire...c'était loin d'être les grimoires les plus coûteux de notre collection!

Cette révélation sembla prendre l'homme en bleu vraiment au dépourvu, et il exprima son opinion sur les hommes qui volent les sources de savoir que sont les livres et manuscrits, ainsi que sur les soldats du Général Cartogan, incapables d'empêcher les crimes malgré leurs effectifs augmentés. Sur le chemin de retour vers le Sanctuaire, Istimo dit encore à Girion, pensif:

-Vous savez quoi? Il reste encore une possibilité...voyageant beaucoup à travers la Terre du Milieu, j'ai pris l'habitude de calquer les documents intéressants dans mon carnet, afin de pouvoir les re-regarder au calme après. Peut-être que...

Les recherches prirent un long moment, car le vieillard avait une large collection de journaux remplis de la première jusqu'à la dernière page, et même le fait de trouver un texte spécifique dans ce genre de livre n'était pas une partie de plaisir.

-J'ai trouvé! Une belle calque...je recopie toujours tout mot pour mot, trait pour trait, même les tâches d'encre! Car on sait jamais, parfois une tâche d'encre peut être bien plus révélatrice que tout le reste du contenu d'un document! Mais rapprochez vous, monsieur Vernon, et regardez vous-même cette trouvaille. Il s'agit du même style d'écriture que ce manuscrit étrange que vous avez trouvé, n'est-ce pas...?

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#Alatar
Sujet: Barbarie légale, ébahissement unilatéral...
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Rechercher dans: Le Sanctuaire   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Barbarie légale, ébahissement unilatéral...    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyVen 21 Aoû 2015 - 0:49
-Puis les Valar bénirent son navire, Vingilot et le firent passer au-dessus de Valinor jusqu'aux limites du monde. Là, il traversa la Porte de la Nuit et s'envola jusqu'aux océans célestes. Splendide était ce merveilleux navire, il en sortait une flamme ondulante, vive et pure ; à sa proue était assis Eärendil, le Marin couvert de la poussière étincelante des gemmes, le Silmaril attaché à son front. En ce navire il voyagea très loin, jusque dans le vide sans étoiles, mais on le voyait le plus souvent le soir ou le matin, paré de l'éclat du levant ou du couchant, quand il revenait à Valinor de ses voyages aux confins du monde.

-C'est quoi un Varinor?

Le vieillard vêtu de longues robes bleues sourit dans sa barbe blanche. Il était assis, les jambes croisées, sur le sol du Sanctuaire de Minas Tirith, entouré d'un petit groupe d'enfants de tout âge qui écoutaient avidement ses paroles. Le Sanctuaire...il n'y avait pas de prêtres dans ce lieu dédié à Erü, pas d'autel ni de cérémonies. Juste des chapelains bienveillants et des enfants. C'était ici, entre les murs de ce magnifique édifice que les orphelins des guerres, famines et autres malheurs pouvaient trouver refuge, recevoir de la nourriture ainsi qu'une éducation. Hormis les enfants, toute sorte de personnes visitaient le Sanctuaire en recherche de paix intérieure, de calme ou d'un lieu de réflexion. Traditionnellement, cet endroit était éloigné de toute la violence, corruption et tristesse de la vie extérieure. Y verser le sang ou lever la main sur autrui était considéré comme le plus infâme des actes, que même les criminels n'osaient commettre.

L'homme vêtu de bleu regarda le jeune garçon curieux qui lui avait posé la question; ses yeux entourés de rides riaient, et il répondit:

-Le Valinor, mon jeune ami, est un continent légendaire loin d'ici, au delà de la Grande Mer, où siègent les êtres divins appelés les Valar, et où la guerre ni la mort n'ont pas le droit d'entrer!

C'est à ce moment là que les portes du Sanctuaire s'ouvrirent, et que le bruit des pas hâtifs se fit entendre, accompagné de cris et de jurons. Les orphelins se tournèrent dans cette direction, curieux et un peu craintifs, tandis que le vieillard se releva en s'appuyant sur un long bâton, ses sourcils froncés à présent.

L'homme qui parcourait la grande salle du Sanctuaire en courant avait plus de quarante années et était clairement essoufflé, lançant des regards paniqués derrière lui. Une panique justifiée d'ailleurs, car quatre soldats portant des plastrons du Gondor le suivaient de près, les visages rougis par la course poursuite.

A présent proche du vieillard et du groupe d'enfants l'homme pourchassé s'arrêta, épuisé, persuadé clairement qu'aucun mal ne pouvait lui arriver dans ce lieu sacré. Il avait tort. Un des soldats le rattrapa, et le poussa en arrière tout en lui assénant un puissant coup de poing. Le malheureux se retrouva au sol, sonné, un filet de sang coulant de ses lèvres. Un deuxième soldat lui donna un coup de pied dans les côtes, et dit avec un sourire de satisfaction vicieuse:

-Il fallait t'arrêter quand on t'a dit de t'arrêter au nom de la loi, vermine! Maintenant c'est trop tard! Tentative de fuite, résistance à l'arrestation, ça fera deux charges en plus à rajouter à tes crimes. Rien à dire, hein?!

Le présupposé criminel se plia en deux sur le sol avec un gémissement faible. Le soldat s'apprêta à le frapper à nouveau...puis recula, poussé en arrière par le bout d'un bâton habilement placé contre son plexus solaire. Le souffle coupé, le garde adressa un regard incrédule au vieillard qui venait de s'interposer entre lui et sa victime.

-Etes vous donc aveuglé par la colère au point de ne pas voir que cet homme est muet, pauvre fou?!

-Dégage, vieillard, si tu ne veux pas rejoindre ce criminel en prison. Et oses me toucher encore une fois avec ce bâton et je te le... le soldat ne finit pas sa phrase, s'apercevant soudainement qu'un groupe d'enfants curieux était en train de l'écouter.

-Vous avez versé le sang dans le Sanctuaire d'Erü, un crime impensable. A l'époque du roi Elessar, vous seriez punis par un bannissement permanent du royaume, condamnés à rôder sans but jusqu'à la fin de vos jours.

Le soldat, clairement influencé par les paroles du vieil homme, devenait nerveux. Il se gratta la tête, et répondit:

-J'agis sous les ordres du Général Cartogan, et dans sa politique il n'y a aucun refuge pour la vermine dans la Cité Blanche. Les criminels seront pourchassés, capturés et punis, peu importe dans quel trou ils se cachent! Je ne sais pas qui vous êtes, mais je vous déconseille vivement de vous opposer aux ordres du Général.

-Qui suis-je? J'ai beaucoup de noms, soldat...mais ici on me connait sous celui d'Istimo. Un homme sage sait reconnaître un crime même lorsque celui-ci se cache sous le nom de justice. Sachez, que ce Général Cartogan entendra ce qui s'est passé ici aujourd'hui.

Les soldats décidèrent qu'il était temps d'achever cette conversation, et attrapèrent le malheureux muet sous les bras, en le traînant vers la sortie. Le vieillard le regarda, et appela: Etes vous coupable d'un crime? Le prisonnier leva faiblement sa main gauche dans laquelle était tatoué le mot 'Non', avant de disparaître derrière les portes du Sanctuaire, tiré par les gardes.

Istimo resta debout pendant un long moment, choqué et pensif. Il finit par soupirer et se tourner vers les enfants:

-La leçon est terminée pour aujourd'hui. Filez dans vos chambres!

Lorsqu'il se retrouva seul dans la grande salle du sanctuaire, le vieillard tira sur la manche de ses robes, arrachant non sans peine un long morceau de tissu bleu. Il marcha jusqu'à la petite fontaine qui se trouvait face à l'entrée, et plongea le chiffon dans l'eau glacée. Il revint ensuite vers le lieu de l'incident et se mit à genoux. En ignorant la douleur dans son dos il se mit à nettoyer les traces de sang sur les dalles blanches du Sanctuaire avec son torchon improvisé, purifiant à nouveau ce lieu sacré, la sueur perlant sur son front ridé...

#Alatar
Sujet: Le départ vers le Nord
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Rechercher dans: Les Ruelles du Premier Cercle   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le départ vers le Nord    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 5 Mai 2015 - 2:02
Lorsque le son pur du clairon perça l’air matinal afin d’annoncer le départ du roi Aldarion d’Arnor et de sa belle épouse reine Dinaelin, il fut accueilli avec soulagement par de nombreux citoyens de la Cité Blanche. Certes, les marchands et artisans de la ville étaient attristés par la fin de cette véritable mine d’or, mais même leurs stocks commençaient à s’épuiser face à l’influx de clients venus des quatre coins d’Arda. Quant aux citoyens de la cité qui ne faisaient pas partie de ces professions lucratives, la foule quotidienne et le bruit incessant commençaient à devenir un cauchemar. Sans parler de ces malheureux soldats qui devaient assurer la sécurité et l’ordre dans cette fourmilière humaine.

Dix jours étaient passés depuis ce jour mémorable. Peu importe leur état d’esprit actuel, tous les citoyens comptaient raconter l’histoire du mariage royal à leurs enfants pendant des longues années encore ; certaines personnes âgées comparaient même les festivités à celles qui avaient accompagné le mariage du roi Méphisto quarante ans plus tôt.

Quant aux hauts échelons de la société, le mariage avait représenté une excellente opportunité pour conclure toute sorte d’accords. La noblesse prenait part aux bals quotidiens exclusifs, discutant d’argent, de politique et bien d’autres choses, souvent beaucoup moins sérieuses. Dix-huit mariages furent arrangés entre les nobles des différents royaumes de la Terre du Milieu, et un grand nombre d’enfants et adolescents furent assignés comme écuyers ou pages à des chevaliers et dames étrangers. Ce genre d’évènement était après tout aussi un moyen pour les privilégiés de ce monde pour stabiliser ou renforcer leur position.

Une grande foule s’était rassemblée dans les rues de la cité et devant les murailles pour observer le départ des Arnoriens. Le spectacle était impressionnant. Des chevaliers de la Garde de la Rose ouvraient et fermaient le convoi, des étendards pendus sur leurs lances longues : le vert de l’Arnor orné d’une étoile dunedaine, et le dragon rouge de Dale sur fond noir. Les cavaliers parcouraient les rues longées par des Gardes de la Citadelle, les pavés blancs recouverts de pétales de fleur. Les citoyens de la Cité Blanche applaudissaient les jeunes mariés lorsque ceux-ci traversaient la ville. Le Roi Aldarion semblait moins sombre que d’habitude, sans doute content de rentrer en Arnor. Il chevauchait le Méaras qu’il avait reçu en cadeau de la part de la délégation rohirrime, un cadeau que tout l’or de la Cité Blanche n’aurait pu acheter. La Reine Dinaelin était resplendissante sur son cheval blanc, vêtue d’une tenue de voyage qui ne faisait que souligner ses charmes féminins. Elle souriait à la foule, mais ses pensées étaient ailleurs. Elle se remémorait la conversation de la veille.

***


-Comment ça vous ne partez pas avec nous ?

La jeune reine avait presque les larmes aux yeux, n’accordant aucune attention à la dame noble assise dans un fauteuil un peu plus loin, qui lui servait de chaperonne. Elle regardait le plus vieux de ses conseillers avec un regard où se mélangeaient déception, crainte et irritation. L’homme caressa sa longue barbe blanche, et lui répondit d’une voix qui émanait de bienveillance :

-Malheureusement non, Dinaelin. Beaucoup d’évènements ont eu lieu dans la Cité Blanche ces derniers jours, certains visibles, d’autres moins. Le fait que des représentants d’autant de royaumes et peuples différents se soient rencontrés sans incident majeur est en soi un succès, mais je sens qu’il s’agît seulement d’un bref répit, et que les hostilités et rivalités de toute sorte reprendront bientôt leur cours…Mon devoir premier est de servir les Peuples Libres, le second de vous conseiller. Mais n’ayez crainte, Dinaelin. Le roi Aldarion est un homme sévère mais bon, et je sais que vous réussirez à apporter un peu de chaleur au palais d’Annuminas. La ville est bâtie sur les bords du Lac Evendim, les paysages vous rappelleront sans doute Esgaroth. De toute manière, mon confrère vous tiendra compagnie.

La Reine d’Arnor plissa le nez, clairement pas satisfaite, mais se contenta de cette réponse. Elle soupira :
-Vous allez me manquer, Alatar- les deux hommes s’étaient à présent habitués aux surnoms qu’elle leur avait donné, les ayant trouvé dans un des manuscrits mythologiques qu’elle appréciait tant. -Heureusement qu’au moins Pallando m’accompagnera en Arnor…j’aurai besoin de votre aide pour organiser des salons de discussion une fois sur place. Il doit bien y avoir des artistes dans le Royaume du Nord, non… ?

Le plus jeune des deux conseillers sourit à la reine ; il s’inclina devant-elle avec un sourire, les manches de ses longues robes bleues balayant le sol, et répondit:

-Servir les Peuples Libres est notre devoir premier, vous conseiller le deuxième, et garantir votre bien-être le troisième, Dinaelin. Je vous aiderai à faire d’Annuminas votre deuxième maison.

Un peu rassurée, la fille du roi Gudmund commença alors à leur poser des questions sur les endroits qu’ils allaient traverser pendant le voyage jusqu’en Arnor. Plus tard, lorsque la conversation touchait à sa fin, les deux hommes se levèrent et mirent chacun une main sur l’épaule de l’autre.

-Prends soin de la Reine Dinaelin, confrère.

-Bien-sûr que je le ferai. Et toi, prends soin du royaume de Gondor- l’homme en bleu surnommé Pallando dit ces derniers mots avec un sourire, mais son regard était sérieux, tout comme la réponse de son compagnon.

-Il risque malheureusement d’avoir besoin de tout le soutien qu’on peut lui fournir. Une tempête approche, et nous ne pouvons qu’espérer que l’Arbre Blanc se pliera une fois de plus sans se briser.

***

Le trajet jusqu’à Annuminas allait être le voyage de noces du couple royal. Ils allaient donc prendre leur temps, en s’arrêtant dans les demeures des seigneurs locaux tout le long de leur chemin, ainsi que dans des lieux célèbres tels qu’Edoras ou la Comté. Il s’agissait d’un cadeau que le roi Aldarion avait accordé à sa jeune épouse, conscient du fait qu’elle n’avait jamais visité la Terre du Milieu hormis le Rhôvanion, et qu’un voyage pareil serait un véritable régal pour une amatrice de la culture. Le trajet jusqu’à la capitale du Royaume du Nord allait donc durer plus d’un mois, et le souverain envoya une partie de ses hommes  de confiance en avance, afin qu’ils s’occupent des affaires du royaume pendant son absence. Parmi ceux-ci se trouvaient entre autres l’Intendant Aleth Enon, Poppea, héritière actuelle du trône d’Arnor, ainsi que le mystérieux nouveau Tribun Militaire, Forlong Neldoreth.

En ce premier jour, le convoi allait traverser seulement cinq ou six lieues et s’arrêter pour la nuit en Anorien. Une partie de la noblesse gondorienne accompagnerait les Arnoriens pendant cette première étape, afin d’assister au grand banquet prévu en plein air ainsi qu’à la chasse royale. Les amateurs de ce sport noble s’impatientaient déjà d’accompagner le roi Aldarion. Chevauchant son Méaras et accompagné par le gros chien gris de Kervras, cadeau du seigneur Aratan, l’on aurait dit le Vala Oromë lui-même, traversant les grandes forêts des temps anciens.

Enfin le dernier Garde de la Rose traversa la Grande Porte de Minas Tirith, et dirigea son cheval vers le Nord. Après dix jours de festivités intenses, la Cité Blanche allait retrouver sa sérénité sous l’œil attentif des soldats du Général Cartogan. Les citoyens se dispersèrent rapidement, se dévouant à leurs activités habituelles. Seul un vieillard vêtu de bleu était resté debout sur la muraille, son regard inquiet dirigé vers le Sud-Est…

#Dinaelin #Alatar #Pallando
Sujet: « Deux par deux… »
Ryad Assad

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Rechercher dans: Le Palais   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: « Deux par deux… »    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 2 Mar 2015 - 22:38
Elle regardait par la fenêtre de son immense chambre, contemplant de là où elle se trouvait les superbes reflets du soleil qui brillait sur les murs immaculés de la Cité Blanche.

Qu'elle était belle !

Là-bas au loin, on pouvait voir ces minuscules petits points, chacun représentant un individu en liesse, qui déambulait dans les rues en s'émerveillant de la splendeur de la capitale du Gondor, qui s'était parée de mille couleurs pour l'occasion. Des rubans, blancs et bleus et verts et rouges étaient accrochés sur chaque façade, sur chaque maison même la plus modeste. Des fleurs avaient été disposées à chaque balcon, embaumant l'air d'une odeur printanière. Il faisait bon vivre à Minas Tirith actuellement, et tous les nobles qu'elle avait vus jusqu'à présent s'étaient présentés avec un sourire radieux, comme s'ils s'étaient mis au diapason de l'humeur générale, et qu'ils avaient laissé de côté leurs soucis pour cette semaine de célébrations. Elle n'aurait su dire, toutefois, s'ils étaient véritablement sincères. Elle avait la conviction que, quelque part, on ne lui disait pas tout. On cherchait à la préserver, certes, et à lui laisser profiter de son mariage. Mais tout de même… elle aurait voulu savoir. Elle aurait voulu faire disparaître de leur visage les faux-semblants, et leur parler avec la franchise qu'elle avait toujours appréciée. Toutefois, son nouveau statut ne lui permettait plus d'entretenir des relations aussi ouvertes qu'auparavant. Reine d'Arnor. Elle sentit le poids guère encore familier de ce diadème sur son front, orné d'une pierre d'émeraude dont la seule valeur devait représenter plus que l'ensemble du mobilier de la pièce où elle se trouvait.

Elle était décidément magnifique.

Reine d'Arnor. Elle ne cessait de se le répéter, comme pour se convaincre de ce qu'il venait de se produire dans sa vie. Depuis que le mariage avait été célébré, elle se sentait devenue femme, bien davantage qu'auparavant. Peut-être parce qu'elle sentait peser sur ses frêles épaules le poids des responsabilités, alors même qu'elle n'avait pas encore rencontré le peuple d'Annùminas… Son peuple. Peut-être parce qu'elle s'était enfin offerte à un homme, lors de sa nuit de noces. Le souvenir qu'elle en avait était flou, et elle n'aurait su dire ce qu'elle avait ressenti à ce moment-là. Ni réel plaisir ni réelle souffrance. Surtout de la peur, à vrai dire. De la peur et de la gêne. Elle n'avait pas craint le souverain en lui-même, celui qu'elle devrait appeler « époux » à présent, mais bien cette situation curieuse, à laquelle elle n'avait jamais été préparée. Elle aurait voulu qu'on lui expliquât, qu'on la rassurât, mais personne n'aurait osé aborder la question avec une personne de sang royal, et elle avait dû faire ses expériences par elle-même. Aldarion s'était montré étonnamment doux avec elle, alors qu'elle l'aurait imaginé rustre et sauvage, comme on dépeignait habituellement les hommes du Nord. Elle l'avait senti presque gêné, lui-aussi, et ils avaient davantage accompli un devoir qu'un véritable acte d'amour. Peut-être que cela viendrait, le jour où elle parviendrait à apaiser son cœur meurtri. Elle espérait pouvoir y parvenir, et sinon remplacer son épouse, au moins parvenir à se faire une place auprès de lui.

Dès le lendemain matin, elle s'était observée dans un miroir, alors que les servantes étaient absentes. Son ventre était toujours plat, et même si elle était parfaitement consciente que les premiers signes de grossesse n'apparaîtraient pas avant plusieurs mois, elle n'avait pas pu s'empêcher de vérifier. Un petit être grandissait-il déjà au creux de son ventre ? La perspective de devenir mère l'enchantait autant qu'elle la terrifiait, mais son effroi serait encore plus grand si elle devait apprendre que la nature ne lui avait pas permis d'enfanter. Que dirait le Roi d'Arnor, alors ? Que dirait son époux ? Il la répudierait sans autre forme de procès, incapable de faire passer les sentiments d'une femme avant ses devoirs envers l’État. Et son devoir principal était de donner un bel héritier mâle à son peuple. Elle rentrerait alors à Dale, sans doute, déshonorée et inutile. Son père, qui l'adorait, lui ferait une place de choix à ses côtés, mais jamais elle ne trouverait un mari qui voudrait d'elle, et jamais elle ne goûterait à l'amour sur ses vieux jours. Elle finirait vieille fille, rabougrie et acariâtre, cette vieille tante que l'on ne viendrait voir que par pure courtoisie. Un frisson lui avait parcouru l'échine à cette simple pensée, et elle s'était dépêchée de dissimuler son nombril, paniquée désormais à l'idée de connaître le verdict des Valar.

Les jours avaient passés, et elle n'avait pas véritablement revu Aldarion depuis. Certes, ils mettaient un point d'honneur à s'afficher ensemble auprès des nobles qui tenaient à leur rendre hommage, mais ils n'avaient jamais vraiment le temps de discuter. Ils étaient toujours assis l'un à côté de l'autre, sur des trônes séparés, légèrement surélevés, alors qu'on venait leur rendre visite. Le protocole d'Arnor était beaucoup plus strict que celui de Dale, d'après ce qu'elle avait pu constater, et elle s'était rapidement ennuyée de ces courbettes, de ces formules de politesse, de cette énumération de titres qu'elle ne comprenait pas toujours. Les présents, en revanche, étaient tous d'une grande beauté, et si elle comprenait l'intention qui se cachait derrière, elle savait apprécier les efforts de ces hommes et de ces femmes qui désiraient lui plaire. Elle s'efforçait de ne pas dissimuler ses sentiments, et de se montrer chaleureuse avec chacun. Ce n'était guère difficile au début, quand on connaissait son amour pour les arts, mais cela pouvait se révéler moins aisé après de longues heures passés à devoir endurer le même cérémonial. Puis ils s'éclipsaient tous deux, et échangeaient quelques mots dans les couloirs, à l'abri des oreilles indiscrètes – seuls les gardes les accompagnaient en permanence. Elle essayait de se montrer digne, digne d'un homme d'une telle prestance, et elle jouait le rôle qu'elle pensait qu'il espérait la voir jouer. Elle ne savait pas si c'était ce qu'il préférait, mais elle préférait se montrer trop polie que pas assez.

Ils dînaient en général ensemble, au milieu d'officiers de Dale et d'Arnor qui discutaient chaleureusement d'accords commerciaux et de défense. Elle se contentait en général de tendre l'oreille poliment, mais surtout de rester silencieuse et de faire bonne figure. Quand une remarque lui était adressée, elle se fendait d'un sourire enchanteur, et d'une réponse parfaitement calibrée, avant de revenir à ses couverts et aux mets délicats qu'on lui servait. Autour d'elle, on discutait surtout de troubles politiques, de dangers, de guerres à venir. Les hommes de Dale parlaient des mouvements des sinistres orientaux, tandis que les hommes d'Arnor évoquaient les menaces des Gobelins. Un soir, la nouvelle Reine d'Arnor fit la connaissance de Poppea. Elle était étrangement l'héritière du royaume, si Aldarion venait à succomber sans héritiers, ce qui ne paraissait pas être une source de ravissement chez elle. Elle paraissait mal à l'aise, maladroite dans ses robes somptueuses, et son physique paraissait beaucoup plus athlétique que celui des femmes de Dale. Etait-ce une constante en Arnor, ou bien Poppea était-elle exceptionnellement sportive ? Difficile à dire. Il y avait dans son regard une forme de tristesse, pour ne pas dire de dégoût vis-à-vis de l'opulence dans laquelle elle vivait. Il était clair qu'elle aurait tout donné pour ne pas être à cette place, bien que les raisons échappassent encore à la Reine. Les deux femmes en étaient venues à parler un peu, et la souveraine d'Arnor avait découvert non sans une certaine surprise que Poppea ne serait pas une ennemie, une rivale ou une concurrente, mais bien une alliée. Elle avait un esprit très… militaire… Elle paraissait placer la loyauté au-dessus de tout, et elle promit d'être toujours là pour sa suzeraine, si d'aventure elle avait besoin d'elle. Une telle promesse n'était pas ordinairement faite par des femmes, qui ne tenaient pas l'épée, naturellement, mais il y avait une telle ferveur dans les yeux de la première héritière qu'il n'était pas possible de douter de son engagement. Après avoir conversé quelque peu, Poppea prit congé assez tôt, suivie par son énigmatique garde du corps, un individu trapu et musclé qui ne ressemblait en rien aux Arnoriens. On lui apprit qu'il venait des terres glacées du Nord. Décidément, le monde était plus grand qu'elle l'avait imaginé.

Elle eut également le plaisir de rencontrer l'Intendant Enon, qui était le principal bras droit d'Aldarion. Pour permettre à son souverain de se concentrer exclusivement sur les aspects diplomatiques, la réception des ambassadeurs et les dîners formels, il abattait un travail monstrueux, et venait régulièrement s'asseoir auprès du Roi pour lui soumettre des compte-rendus. De toute évidence, cet homme qui commençait à ressentir le poids des années, était un rouage essentiel de la mécanique du royaume. Il paraissait tout savoir, et si la jeune Reine ne comprenait pas toujours à quoi il faisait référence quand il évoquait des noms de lieux, des noms de nobles, elle devinait qu'il était là pour garantir la paix et la stabilité en Arnor. Elle n'avait pas véritablement osé lui parler, au départ, mais il s'était présenté à elle avec beaucoup de courtoisie et de galanterie, étant le premier à lui demander comment elle allait. Elle avait été surprise par tant de franchise, mais avait pris grand plaisir à converser honnêtement avec quelqu'un d'autre que ses proches conseillers. Elle avait découvert un homme discret et réservé, très intelligent, qui lui avait donné quelques bons conseils.

- Vous avez rencontré Dame Poppea ? Fort bien, fort bien. C'est une âme noble, et vous pourrez toujours compter sur elle. Elle a à cœur de se faire pardonner des fautes qu'elle n'a pas commises… C'est un mal courant en Arnor…

Sur ces énigmatiques paroles, l'Intendant l'avait laissée à ses pensées, retournant lui-même aux occupations qui étaient les siennes. Elle se demandait bien à qui il faisait référence. A mesure que le temps passait, la Reine découvrait de nouvelles facettes de son royaume. Elle découvrait la tristesse profonde de ses gens, qui paraissaient avoir été atteints durement par les épreuves. La mort des trois héritiers, dont personne encore n'avait voulu lui communiquer les détails, semblait être le point culminant d'une série de troubles et de combats qui avaient creusé de profondes entailles dans la joie de vivre du peuple d'Arnor. L'hiver rigoureux, les bandits, l'Ordre de la Couronne de Fer, les Gobelins, les trahisons et les coups d’État… Tant de maux s'étaient abattus en si peu de temps qu'on ne pouvait pas demander à ce peuple pourtant courageux de les laisser derrière si facilement. En tant que Reine, son rôle serait de redonner du bonheur aux habitants, et elle espérait sincèrement pouvoir réussir à chasser les nuages qui planaient encore au-dessus de tous les visages qu'elle rencontrait.

- Dinaelin ?

La souveraine sursauta, et porta la main à sa gorge. Elle s'était absorbée dans ses pensées si longtemps et si profondément qu'elle s'était mise à somnoler, et qu'elle n'avait pas entendu qu'on tapait à sa porte. En reconnaissant la voix de ses conseillers, elle se rendit compte qu'elle n'avait rien à craindre, et leur adressa un sourire désolé :

- J'étais ailleurs, veuillez m'excuser. Elle cligna des yeux, et chassa en un instant tout signe de fatigue sur son visage. Je suis contente de vous voir ! Alors, quelles nouvelles voulez-vous m'annoncer ? Suis-je invitée à nouveau par quelque noble que je dois absolument rencontrer ?

Il y avait une pointe de sarcasme dans ses paroles, mais nulle méchanceté. Elle était simplement lasse de recevoir encore et toujours les mêmes honneurs, et aurait simplement souhaité se reposer. Les deux conseillers, toutefois, ne goûtèrent pas à la plaisanterie et se firent graves. Ils s'approchèrent de la souveraine, prenant place sur les fauteuils qu'ils occupaient régulièrement :

- Nous avons eu le pressentiment que quelque chose n'allait pas… Nous sommes venus voir si tout allait bien.

Elle haussa un sourcil, un sourire en coin accroché aux lèvres. Ils la faisaient souvent rire, et elle se demandait présentement s'ils étaient sérieux ou non. Toutefois, ils ne paraissaient pas se moquer d'elle, cette fois :

- Ma foi… Je me porte bien. Je troquerais bien le dîner de ce soir contre une promenade dans la cité, afin de goûter à l'atmosphère festive, mais à part ça, je me trouve bien. Minas Tirith est une ville fantastique, et j'aimerais l'explorer tant que je m'y trouve. Mais aussi Osgiliath, que l'on aperçoit au loin. Il y a tant de choses à découvrir de par le monde. Je crois avoir reçu une délégation de Dol Amroth également. Son ambassadeur était un elfe si charmant qu'il m'a donné envie de voir la mer. Croyez-vous qu'il serait possible de nous embarquer sur un navire et de descendre au Sud ?

Les deux hommes se regardèrent, et le plus vieux caressa machinalement sa longue barbe blanche. Ils n'avaient de toute évidence pas songé à la question, mais leurs regards étaient si éloquents que la Reine les coupa d'un geste :

- Ne répondez rien, je sais déjà ce que vous allez dire. Elle prit une voix grave, pour les imiter. « Vous aurez tout le temps de visiter le monde quand vous aurez rempli vos obligations auprès du peuple d'Arnor ».

Elle éclata de rire, et cette fois ils se laissèrent aller à un sourire. Il était difficile de ne pas se laisser entraîner par son énergie communicative, qu'elle maîtrisait habilement lorsqu'elle était en public, mais qu'elle laissait parfois éclater en privé, auprès des très rares qui avaient sa confiance et son estime. Toutefois, son rire fut interrompu par du bruit au dehors. Des bruits de pas précipités, qui incitèrent les deux hommes à se dresser, tel un rempart céruléen, contre l'éventuel danger qui pouvait se présenter. Naturellement, personne ne pouvait venir importuner une Reine – surtout pas la Reine d'Arnor – au sein du Palais royal, mais qui pouvait savoir où pouvaient conduire les pas d'un assassin déterminé ? Un homme seul, qui aurait trouvé le moyen de s'introduire au sein de ces murs, n'aurait-il pas pu se frayer un chemin discrètement jusqu'aux appartements royaux, afin de venir assassiner la nouvelle femme du Roi ? Les vestiges de la Couronne de Fer, tels une carcasse encore agitée de soubresauts, ne pouvaient-ils pas encore blesser l'Arnor qui avait déjà tant souffert ?

La porte s'ouvrit, et des gardes entrèrent précipitamment, l'arme au poing, visiblement paniqués. La situation devait être grave, car ils n'avaient même pas pris la peine de frapper avant de pénétrer dans l'immense pièce. Dinaelin s'avança d'un pas, mais ses conseillers lui intimèrent de demeurer en retrait. Nul ne pouvait savoir ce qui avait motivé un tel branle-bas de combat chez les Gardes de la Fontaine.

- Votre Majesté, est-ce que tout va bien ? Ce sont vos conseillers ?

- Oui, ne leur faites aucun mal. Pouvez-vous me dire ce qu'il se passe, garde ? Sommes-nous en danger ?

Le militaire ne répondit pas directement à la question de la Reine d'Arnor, et se contenta de lancer :

- Avez-vous vu un individu suspect ? Un homme qui se serait promené seul, sans escorte ?

- Non, rien de tout cela. Que se passe-t-il, garde ?

L'intéressé fit signe à ses hommes d'évacuer la pièce, avant de s'incliner respectueusement devant la souveraine. D'une voix plus calme maintenant qu'il savait qu'elle n'était pas en danger, il convint de lui expliquer l'origine de son agitation :

- Il semblerait qu'un homme se promène seul dans le Palais, et nous cherchons à le trouver. Notre priorité est d'assurer votre sécurité, et celle de tous les hauts dignitaires qui se trouvent en ces murs. Veuillez m'excuser pour la rudesse de mon entrée, mais nous avons craint qu'il ne nous ait devancé. J'espère que vous saurez pardonner cet inutile désagrément.

Dinaelin eut un geste apaisant :

- Je vous en prie, je suis seulement heureuse que vous ayez fait preuve d'autant de célérité pour venir à mon secours.

- Me voilà rassuré, Votre Altesse. Je vais laisser des hommes en faction devant votre porte, avec ordre de ne laisser entrer personne avant que cette affaire soit résolue. Je vous demanderais de rester ici jusqu'à ce que la situation soit parfaitement maîtrisée.

La Reine accepta immédiatement. Elle n'avait pas particulièrement envie de contrevenir aux directives concernant sa sécurité, et elle faisait de toute façon trop confiance aux hommes d'armes qui l'entouraient pour leur désobéir. Elle leur était si reconnaissante de tous mettre leur vie en jeu pour elle, alors qu'ils ne la connaissaient pas vraiment. Que savaient-ils d'elle sinon qu'elle portait sur sa tête la couronne d'Arnor ? Rien. Et pourtant, aucun n'aurait hésité à mourir pour elle. C'était un noble sacrifice qu'elle ne pouvait pas ignorer. Les hommes refermèrent la porte, en lui enjoignant de faire preuve de la plus grande prudence jusqu'à ce qu'ils vinssent l'avertir que tout allait bien. Elle hocha la tête, et les laissa disparaître dans le couloir, avant de retourner vers ses conseillers :

- Mes amis je… Est-ce cela que vous aviez pressenti ? Avez-vous vu venir ce péril ?

Ils se regardèrent un instant, comme s'ils se concertaient en silence, avant que le plus jeune prît la parole :

- Nous n'avions pas eu vent des détails, mais nous avons senti que nous devions être là, auprès de vous… Vos conseillers n'osent pas vous dire qu'une tentative d'assassinat à votre encontre a déjà été déjouée. Minas Tirith n'est pas aussi sûre qu'il y paraît.

Elle les dévisagea tour à tour, presque choquée par ce qu'ils venaient de lui apprendre. Certes, elle savait que la sécurité des personnalités publiques était importante, mais pourquoi elle ? Elle venait à peine d'être nommée Reine, elle n'avait encore eu le temps de rien faire, et personne ne pouvait l'accuser d'avoir manqué à ses devoirs. Leurs ennemis étaient-ils donc si déterminés qu'ils oseraient s'attaquer à elle davantage pour son titre que pour sa personne ? Elle n'osait même pas imaginer à quel point ils devaient être fous pour oser faire une chose pareille.

- Vous pensez que nous devrions avancer le départ ? Il me restait encore une journée pour profiter de cette superbe cité, avant de nous enfoncer dans le Nord.

- Non, non. Nul besoin de nous hâter. Seulement, vous devrez rester prudente. Nous partirons dans un peu moins de vingt-quatre heures, aux premières lueurs de l'aube, avec toute la délégation d'Arnor au sein de laquelle rien ne pourra vous arriver. Peut-être devriez-vous profiter de votre dernière journée pour voir votre père en toute intimité…

La souveraine d'Arnor baissa la tête. Il était vrai qu'elle n'avait pas vu son père, le Roi Gudmund, depuis quelques jours. Elle avait été occupée par bien des affaires, et lui-même s'était retrouvé pris dans de difficiles négociations. On disait qu'il avait rencontré la suzeraine du Rhûn, mais que les discussions n'avaient pas abouti à quoi que ce fût de concluant. En songeant à lui, elle se dit qu'elle ne le verrait plus pendant de longs mois, peut-être même des années. Elle avait bien pensé à cela, en acceptant de se marier à Aldarion, mais désormais qu'elle était face à cette triste réalité, elle devait bien admettre en avoir peur. Son père avait toujours été protecteur, et quitter cette aile rassurante était sinon pénible, au moins perturbant. Elle plongeait dans un monde totalement inconnu, où elle devrait se faire une place, et si elle ne doutait pas de l'accueil chaleureux du peuple d'Arnor, elle se demandait si elle parviendrait à se faire à la vie là-bas. Un royaume qui n'était pas aussi cultivé et aussi développé que le sien… On disait même qu'il n'y avait pas de musiciens ou d'artistes à Annùminas… Elle releva le menton fièrement, refusant de laisser la tristesse marquer sa dernière journée à Minas Tirith, et lança :

- Certes, vous avez raison. Je vais demander audience à mon père, et peut-être passer quelques heures avec lui, pour lui dire au revoir, et profiter de ses derniers conseils. Et puis je suppose que nous devrons laisser derrière nous le Gondor et ses merveilles. Je gage que votre recommandation n'a pour seul but que de me distraire des charmes de la Cité Blanche, que j'aurais pu vouloir visiter avant de partir. Ai-je visé juste ? Demanda-t-elle avec un sourire amusé.

Le mage sourit en retour :

- Dans le mille, Votre Altesse. Dans le mille.

#Dinaelin #Alatar #Pallando


________

HRP : Millième message sur le forum, qui l'eût cru ? ^^. C'est un cap symbolique mais important pour moi, et je suis vraiment content de pouvoir partager ça avec vous. Je vais arrêter de compter mes posts en centaines maintenant, et je vous donne rendez-vous pour les 2000 langue.
Sujet: Le sort en est jeté
Ryad Assad

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Rechercher dans: Minas Tirith - Le Haut de la Cité   Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Le sort en est jeté    Tag alatar sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 21 Oct 2014 - 19:03
- Et moi je vous dis que je veux savoir pourquoi !

Les deux gardes qui se tenaient en faction devant l'entrée, magnifiques dans leur armure richement décorée, froncèrent les sourcils. Ils n'appréciaient pas qu'on haussât le ton ainsi devant eux, et a fortiori lorsqu'il s'agissait d'un étranger. Ce dernier, rustre barbare de l'Arnor, avait tout l'air d'un ours engoncé dans une tenue de gentilhomme qui n'avait certainement pas été confectionnée par les mains de son peuple. Les siens ne savaient que faire la guerre, et ils ne créaient rien de beau ni d'élégant. Ils étaient toujours prompts à tirer l'épée, et jamais ils ne parvenaient à négocier, à discuter calmement, pacifiquement autour d'un bon vin du Dorwinion, et d'un bon chevreuil fraîchement tué dans les plaines du Rhovanion. Les sentinelles, légèrement courroucées, relevèrent fièrement le menton, et le premier répondit d'une voix sèche :

- Ainsi sont les ordres, voilà pourquoi. Telle est la volonté de Son Altesse, et vous n'avez pas à questionner ses décisions.

L'Arnorien serra les poings, et la colère se peignit sur son visage marqué par la vie. Il avait vu la guerre, de toute évidence, et la grande bataille du Nord lui avait laissé une infâme cicatrice qui avait manqué de prendre son œil gauche. Elle dégringolait le long de sa joue, et s'achevait au niveau de sa mâchoire, là où la lame de cet orque puant était ressortie de sa chair meurtrie à jamais. Il avait payé un lourd tribut sur ce champ de bataille, et avait laissé un fils et deux cousins dans la neige glaciale, face aux hordes innombrables. Il ne tolérait pas que deux pantins et costume hors de prix vinssent lui tenir tête à lui, alors qu'il avait en un an lutté plus qu'eux dans toute leur existence. S'il n'avait pas été au sein d'un bâtiment si splendide, construit dans un glorieux passé, il aurait craché par terre et aurait provoqué les misérables qui osaient le défier. Hélas, il ne pouvait pas ainsi souiller le marbre du palais de Minas Tirith, et aucune épée ne pendait à son côté aujourd'hui, conformément aux lois du Roi Méphisto. Les gardes triés sur le volet étaient les seuls qui échappaient à cette injonction. La colère que ressentait l'Arnorien n'explosa donc pas, et il la ravala pour la transformer en une amertume qu'il ne fit aucun effort pour dissimuler :

- Je ne questionne pas la décision de Son Altesse, lança-t-il d'une voix grinçante. Je voudrais simplement savoir pourquoi des roturiers sont autorisés à séjourner dans les quartiers de la noblesse. N'y a-t-il pas assez de sang noble à Dale que vous ne puissiez trouver un homme de bonne naissance pour habiter ici ?

Le garde qui se trouvait à gauche s'avança d'un pas, et sa main se rapprocha perceptiblement de son épée :

- Surveillez vos paroles !

- Non, c'est vous qui allez surveiller vos paroles, soldat. Je ne partirai pas avant d'avoir obtenu de réponse !

La tension était clairement montée d'un cran, et les deux gardes paraissaient désormais suffisamment en colère pour maîtriser l'Arnorien qui venait de leur manquer de respect, et d'insulter sans honte leur royaume. Certes, les deux entités politiques étaient désormais unies par le mariage qui venait d'avoir lieu, mais il n'en demeurait pas moins clair qu'il faudrait du temps avant que les deux peuples se considérassent comme un seul. Le mépris que les trois hommes partageaient pour le camp d'en face était exalté par leur orgueil démesuré, et il ne manquait rien pour qu'ils en vinssent aux mains. Cela aurait été bien indigne de gens de bonne famille, naturellement, mais la proximité avec l'étranger ne faisait pas que rapprocher les individus. Elle contribuait également à rassembler au même endroit des visions du monde antagonistes, qui pouvaient se déchirer pour un rien. Une simple étincelle pouvait embraser les cœurs les plus ardents, et ne laisser que des cendres dans le sillage des combats.

Probablement que les choses auraient dégénéré de manière brutale si une intervention providentielle n'avait pas mis fin au duel annoncé. En effet, les deux gardes paraissaient bien sûrs d'eux, et ils n'avaient qu'une envie, c'était de mettre dehors sans douceur l'impudent venu leur chercher querelle. De l'autre côté, l'Arnorien savait que dès lors qu'ils auraient porté la main sur lui, il serait en droit de se défendre. Il avait un joli crochet du gauche, et il avait déjà mis au tapis des hommes bien plus jeunes que lui. Toutefois, même lui qui paraissait bien en colère se calma brutalement lorsque la porte qui représentait l'objet de leur discorde s'ouvrit silencieusement, et qu'une silhouette se glissa à l'extérieur.

- Allons, allons, messieurs, calmons-nous. Quelle est l'origine de tout ce vacarme ?

Les deux gardes s'immobilisèrent comme un seul homme, avant de se reprendre et de se placer au garde-à-vous, bombant le torse avec sur le visage l'air honteux d'enfants pris en flagrant délit de bagarre. L'Arnorien, encore un peu sur la défensive, laissa progressivement ses muscles se vider de l'adrénaline qui les avait gorgés quelques secondes plus tôt, et il se détendit nettement. Ses yeux ne quittaient pas la silhouette qui venait d'apparaître : il s'agissait d'un homme âgé, portant longue la barbe, et qui paraissait avoir été tiré d'une activité passionnante par les cris devant sa porte. Il ne semblait pas éprouver la moindre once de colère, toutefois, et il y avait dans son regard quelque chose de doux et d'apaisant, qu'il était difficile d'expliquer. Il venait en paix, et face à lui on ne pouvait pas se laisser aller à la colère. Il y avait tant de sagesse au fond de ses yeux, tant de tranquillité dans son attitude, que l'Arnorien voulut un moment s'incliner du buste pour demander pardon. Il se retint in extremis en se souvenant qu'il ne s'agissait que d'un roturier, et qu'il aurait été inconvenant pour lui de se comporter de la sorte. Le vieillard, faisant fi des conventions, ne le salua pas comme il l'aurait dû, et lança sans attendre :

- Alors, que vouliez-vous qui vous amène à provoquer le courroux de ces braves hommes ?

- Je... Il s'en voulut d'hésiter, et se composa une voix forte. Je voulais savoir ce que faisaient deux roturiers dans les quartiers réservés à la noblesse, monsieur. Il me semble que c'est là une entorse au protocole, qui ne saurait rester...

L'homme leva la main, et le noble s'interrompit, stupéfait. Il éprouva une bouffée de colère soudaine, qu'il garda en lui. Il enrageait contre cet inconnu qui l'avait fait taire d'un simple geste, sans même avoir à dire un mot, mais surtout il enrageait contre lui-même. Pourquoi avait-il obéi ? Pourquoi s'était-il plié sans résister à la volonté de ce vieillard qui paraissait être bien davantage que ce qu'il prétendait être ? Peut-être parce que, au fond de lui-même, il était encore plus intéressé à l'idée de découvrir à qui il avait affaire qu'à se plaindre d'une entorse aux règles de société. Sa curiosité avait été piquée au vif, et il mourait d'envie d'en savoir davantage. L'homme, d'une voix lente et mesurée, répondit :

- Certes, vous avez raison. Mais Dinael a tenu à ce que nous résidions ici, au plus près d'elle. Nous sommes des... comment appelleriez-vous ça ? Des conseillers, pour ainsi dire. Je pense que si vous tenez à comprendre ses motifs, vous devriez les lui demander en personne, ne croyez-vous pas ? Elle est votre Reine, après tout, et si dès après le mariage vous avez des griefs contre sa politique, je présume qu'elle sera ravie d'écouter vos plaintes ô combien fondées. Si elle juge opportun de nous faire déplacer, nous n'y verrons pas d'inconvénient, naturellement. En attendant, toutefois, je vous prie de ne plus venir apporter le trouble ici, voulez-vous ?

L'Arnorien dont la fierté venait d'en prendre un coup, n'adressa pas un regard aux soldats qui le dévisageaient, un petit sourire aux lèvres. Il n'aurait pour rien au monde voulu leur donner le plaisir de voir qu'il n'avait rien à répondre à cela, et qu'il venait d'être congédié sans cérémonie par un roturier qui n'aurait jamais dû oser lui adresser la parole. Et pourtant, c'était précisément le cas, et il ne pouvait rien faire d'autre que d'obéir aux recommandations de cet individu mystérieux, ce "conseiller" que la Reine qu'il appelait familièrement par son prénom avait choisi. Et qui était ce "nous" dont il ne cessait de parler ? Formait-il une secte, une communauté secrète ? Un groupe de bourgeois qui s'arrogeait le droit de concurrencer la noblesse ? Il tirerait ça au clair, c'était certain ! Mais pas maintenant... pas ici. S'il osait déranger la Reine, sa Reine, pour des motifs aussi pathétiques, son souverain Aldarion n'hésiterait pas à lui dire ce qu'il pensait de sa paranoïa et de son manque de délicatesse. Depuis la fin de la guerre contre l'Ordre, le Roi était devenu soupçonneux avec ses nobles, et il n'apprécierait sûrement pas qu'on vînt ajouter le moindre nuage au ciel azur de son mariage. Résigné, l'Arnorien lança :

- Fort bien, j'ai eu la réponse à ma question. Je vous souhaite une bonne journée, messieurs.

Et il tourna les talons, drapé dans ce qu'il lui restait de dignité. Lorsqu'il eût tourné au bout du couloir, les deux gardes se laissèrent aller à un sourire suffisant, et lancèrent à l'homme qu'ils étaient censés protéger :

- Vous l'avez bien corrigé, Sire. Pour qui se prend-il, ce barbare ?

- Oui, reprit l'autre. Ils ont leur air supérieur, et leurs manières cavalières. Vous avez bien fait de l'envoyer promener !

Le vieillard se tourna vers les soldats, mais contrairement à eux, il ne souriait pas du tout. Son regard n'était pas contrarié, ni triste, seulement un peu déçu, pour ne pas dire désabusé. Il posa une main sur leur bras, comme pour les attirer dans la confidence, et glissa à eux seuls :

- L'Arnor et Dale sont désormais liés, messieurs. Même si votre opinion à leur sujet est déjà faite, je vous invite à faire un effort avec eux. Ils sont désormais vos frères et vos sœurs, vos alliés en toutes circonstances. Est-ce que vous comprenez ?

- Oui, Sire. Toutes nos excuses.

- Bien.

Le vieillard leur tapota gentiment l'épaule, comme il l'aurait fait avec des garçons à qui il venait d'inculquer une importante leçon de vie. Il leur lança un sourire de grand-père, et les abandonna à leur mission pour retourner dans la chambre. Il referma soigneusement la porte derrière lui, et tourna la lourde clé dans la serrure, pour les isoler définitivement du monde extérieur, de ses tourments et de ses conflits incessants. Ici, entre ces quatre murs, ils étaient bien, paisibles, protégés. Ils jouissaient de tout le confort dont ils pouvaient rêver, et ils étaient aux premières loges pour assister aux festivités. C'était un luxe auquel ils n'avaient pas toujours pu goûter au cours de leur vie, et qu'ils appréciaient d'autant plus. Le plus âgé des deux retrouva le fauteuil qui était le sien, et le verre de cognac qu'il avait abandonné.

- Tout va bien ? Demanda l'autre, assis en face.

- Tout est réglé, oui, répondit l'ancien en déplaçant une pièce sur l'échiquier qui trônait au milieu d'eux. Que disais-tu au sujet d'Aldarion, déjà ?

#Alatar #Pallando
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