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Sujet: L'éducation du Riddermark
Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Prairies   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éducation du Riddermark    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 11 Avr 2024 - 16:13

La silhouette d’un cavalier solitaire se détachant sur le ciel parsemé de nuages, offrait une vision saisissante que d’habiles artistes d’Esgaroth auraient peut-être su restituer sur une toile ou une tenture, avec le talent qu’on leur connaissait. Pour Enaël et Dernion, il s’agissait d’une heureuse nouvelle, une splendide apparition surgie de leur passé et de leurs rêves, qui les poussa à oublier brièvement leur chagrin et leur deuil, tandis que leurs cœurs gonflés d’allégresse reprenaient goût à la vie. Pour Swan, l’image était moins rassurante, et pendant une demi-seconde elle eut le souffle coupé, oscillant entre l’espoir fou de voir soudainement apparaître Fréod, et la crainte irrationnelle d’apercevoir…

« Papa ».

Le cri d’Enaël, profondément sincère, déchira le fil de ses pensées, la ramenant violemment à la réalité.

Elle ne comprenait pas.

D’après maître Ovadiah, les enfants lui avaient été confiés afin d’apprendre la lecture, l’écriture, le calcul, ainsi que bien d’autres choses utiles à un jeune esprit souhaitant s’élever dans la société. Généralement, ce genre d’études demandait plusieurs années de travail assidu, et les visites en famille étaient rares. La présence de cet homme ne pouvait rien signifier de bon. Emboîtant le pas à ses compagnons, Swan rejoignit le cavalier bien après Enaël et Dernion, ne souhaitant pas interrompre inutilement des retrouvailles vis-à-vis desquelles elle se sentait profondément étrangère.

- Bonjour monsieur, fit-elle d’une voix un peu plus intimidée qu’elle l’aurait voulu. Je m’appelle Swan. Souhaitez-vous que je vous conduise auprès de maître Ovadiah ?

Elle avait retrouvé sa réserve et sa raideur naturelles, et redevenait – pour l’instant du moins – l’humble servante d’un célèbre érudit du Rohan.


~ ~ ~ ~



C’eût été un euphémisme de considérer que l’arrivée de Heldamn avait constitué une surprise majeure dans la vie de la petite maisonnée. Une excellente surprise. Ovadiah, ravi de cette visite impromptue, avait serré chaleureusement le père de ses deux élèves dans ses bras, soucieux de prendre de ses nouvelles et de s’entretenir avec lui. Ils avaient discuté longuement en présence des enfants, avant de renvoyer ceux-ci à des tâches diverses pour s’accorder un moment à part dans l’étude du maître, et pouvoir aborder des sujets qui n’étaient pas adaptés pour toutes les oreilles.

- Qu’il est bon de te revoir Heldamn, tu n’imagines pas. Mes anciens élèves me rendent visite de moins en moins souvent. Beaucoup ont souffert des récents troubles. Certains sont morts durant la guerre, et d’autres… d’autres semblent avoir tout bonnement disparu. Ton apparition est un signe positif, je reprends espoir !

Son sourire sincère cachait une profonde tristesse qu’il ne révélait que rarement. Ovadiah était un homme d’une grande bonté et d’une grande douceur, qui avait formé avec amour et patience des dizaines d’étudiants durant sa vie. Toutefois, personne ne lui connaissait de femme ou d’enfant, et à l’heure où la vieillesse commençait à s’emparer de lui, le poids de cette solitude lui pesait. Quelques rumeurs racontaient bien qu’il avait nourri une relation avec une étrangère, et qu’il avait peut-être un enfant illégitime loin d’ici, mais personne n’avait pu le confirmer. Et si tel était le cas, n’était-il pas étonnant qu’il demeurât ainsi loin des siens ?

Cette pensée fugace s’échappa dans une gorgée de tisane au thym, et Ovadiah retrouva sa bonhommie habituelle.

- Ce n’est rien, vraiment. Ta famille a toujours montré beaucoup de belles dispositions pour l’apprentissage, et les descendants d’Eolkar ont toujours été bien élevés, si bien qu’il a toujours été facile de leur transmettre mon savoir… Bon, à l’exception de cet épisode avec le briquet à silex, n’est-ce pas ?

L’œil faussement sévère du précepteur se transforma bientôt en un rire sincère, alors qu’il se remémorait une des bêtises de son ancien élève. Sur le moment, il se souvenait avoir été en colère, et avoir vivement sermonné Heldamn. Aujourd’hui, il ne restait que la légèreté d’un moment complice où l’enfant jouant son rôle, transgressait les règles, tandis que l’adulte s’efforçait de les lui inculquer. Aujourd’hui, ils étaient tous les deux du côté des adultes, et ils regardaient Enaël et Dernion avec ces mêmes regards préoccupés mais bienveillants, et cette même gravité qui ne disparaîtrait que lorsque le temps aurait fait son œuvre, et aurait ôté de leurs épaules le souci permanent que ressentaient parents et professeurs vis-à-vis des âmes qui leur étaient confiées.

Le temps, maître de toutes choses.

Le temps, qui faisait mûrir les promesses de la jeunesse, mais qui rappelait aussi à lui les fruits les plus beaux et les plus purs.

- Oh… Toutes mes condoléances, Heldamn… Je ne sais que dire… Céoda était une femme remarquable, qui manquera à tous ceux qui l’ont côtoyée… Comment va ton père ? As-tu pu faire parvenir la nouvelle à ton frère ? Je sais que les enfants étaient préoccupés par le sort de Learamn, mais quoi qu’il ait pu faire, il serait bien qu’il soit là lui aussi…

La présence du Rohirrim avait tout à coup beaucoup plus de sens, à la lumière de cette nouvelle dévastatrice. Les enfants n’avaient pas vraiment eu l’occasion de dire au revoir à leur grand-mère, et il était bien naturel de venir les chercher pour assister aux funérailles. De tels rites étaient très importants, au Rohan, et Ovadiah n’était pas surpris d’apprendre qu’Eolkar tenait à faire les choses dans les règles.

- C’est tout à fait normal, et tu sais bien que je ne manquerai pas l’occasion de rendre un dernier hommage à ta mère. C’était vraiment quelqu’un de bien. Quant aux enfants… Je crois qu’ils sont prêts à entendre la nouvelle : ils sont courageux, et ils ont beaucoup grandi tous les deux depuis qu’ils ont dû s’éloigner de la ferme. Ils savent que le deuil fait partie de la vie, et je suis sûr que malgré toute leur tristesse, ils te surprendront positivement. Surtout Dernion. Tu n’imagines pas comme il change. En bien.

La proposition qui suivit provoqua une certaine surprise chez le précepteur. Rester avec Eolkar et sa famille, dans les environs d’Edoras ? Voilà bien longtemps qu’il n’avait pas été aussi désarçonné. Avant de dire non, toutefois, Archibald préféra interroger Heldamn plus avant. Il sentait que quelque chose le perturbait, et il pensait savoir de quoi il s’agissait.

- Tu sais que j’habite ici depuis des années… Ce jardin expérimental est ma fierté, et il détient peut-être la clé pour améliorer la vie de nos chers Rohirrim. J’y entrepose des plantes qui ont besoin de soins attentifs, réguliers… Je ne peux pas tout quitter si aisément, sans savoir quand je reviendrai. C’est le travail de toute ma vie. Qu’est-ce qui pourrait justifier devoir abandonner tout cela ?

La réponse ne tarda pas à arriver, portant son lot de sombres nouvelles.

- J’ai effectivement entendu parler de ces créatures étranges, qui auraient déjoué la surveillance de nos éored, et qui seraient infiltrées dans le royaume au nez et à la barbe du roi Fendor… Il y a peu, un groupe de marchands est passé dans les parages… ils avaient été attaqués sur le trajet, et ils ont dû abandonner leur cargaison en route, sans quoi ces Charbonneux auraient pris plus que leurs biens. Nous avons fait le choix de rester ici plutôt que de partir sur les routes à l’aventure.

Il se leva, incapable de rester assis pour réfléchir à une telle éventualité. Il savait que ses arguments ne tenaient pas. Une ferme isolée était une cible de choix pour des bandits ou des envahisseurs, surtout si elle recelait de nombreuses richesses. Les routes n’étaient sans doute pas sûres, mais elles leur permettaient au moins de se rapprocher d’un endroit mieux défendu, et elles augmentaient leur chance de croiser d’autres voyageurs de bonne compagnie, ou des éored susceptibles de leur fournir une escorte ou des conseils.

- Et puis il y aurait mes livres… C’est une collection inestimable… Certains de ces ouvrages viennent du Harad, et sont absolument introuvables à l’Ouest. Imagine qu’il tombe entre de mauvaises mains… Quel trésor serait perdu à cause de ma négligence…

Heldamn dut se montrer persuasif, mais il finit par réussir à convaincre Ovadiah de se pencher sérieusement sur la question.

- J’aurai besoin de quelques jours pour préparer mon départ. Si nous devons faire le voyage jusqu’à Edoras pour y rester un moment, il y aura quelques petites choses à régler avant tout. D’abord, les provisions. Je peux laisser les enfants se charger de ça, ils sauront quoi prendre. Ensuite, il faudra que je m’occupe de trier mes livres… Certains pourront être cachés soigneusement, de telle sorte que même si la maison devait être visitée par des indélicats, ils ne parviennent jamais à les trouver. Je peux m’en occuper. Ensuite, il faut absolument réparer le chariot. Le voyage l’a un peu abîmé, et je crois que les essieux et les roues ont besoin d’être entretenus pour un si long périple. Est-ce dans tes cordes, Heldamn ?

Sous ses airs malhabiles, Ovadiah cachait en réalité une personnalité très affirmée et rompue à l’aventure. Il avait passé de nombreuses années de sa jeunesse loin du Rohan, et les longs voyages le connaissaient sans doute davantage que beaucoup de jeunes hommes, même des cavaliers aguerris qui se targuaient d’avoir le goût du risque et de l’inconnu. L’inconnu, Ovadiah l’avait regardé dans les yeux, avait humé son parfum, senti sa texture. Maintenant qu’il devait penser à comment partir, et non à savoir s’il devait le faire, son esprit pragmatique et logique se remettait à réfléchir avec la même efficacité que d’habitude.

- Il faudra également s’occuper du jardin. Je tiens absolument à emporter quelques boutures qui pourront être replantées ailleurs… Swan pourra le faire, et…

Il marqua une pause.

Swan.

- Heldamn, avant toute chose, il faut que tu saches…

Comment lui dire ?

- Swan est…

Les mots restèrent bloqués dans sa gorge serrée.

- Elle est très importante, et il est essentiel qu’il ne lui arrive rien. Promets-moi que, quoi qu’il arrive, tu prendras soin d’elle si jamais cela m’était impossible. Promets-le moi, Heldamn, sur ce que tu as de plus cher et de plus sacré.
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Rechercher dans: Les Prairies   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éducation du Riddermark    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 11 Mar 2024 - 20:30

Swan n’était pas une jeune fille volubile, et d’ordinaire elle n’appréciait pas devoir se confier à quiconque. Toute sa vie durant, elle avait appris à serrer les dents, à endurer les difficultés, et à laisser glisser les douleurs sur sa carapace. On lui avait souvent dit qu’elle ressemblait à son père, qu’elle n’avait jamais connu. Un homme droit et fier, qui aurait juré que tout allait bien en tenant entre ses mains un tisonnier brûlant. C’était de lui qu’elle avait besoin, aujourd’hui, pour l’aider à combattre ses cauchemars et les silhouettes étranges qu’elle apercevait parfois devant ses yeux éveillés, apparitions spectrales et terrifiantes qui lui donnaient le sentiment qu’on l’épiait constamment.

Elle inspira profondément.

Rester calme.

La présence d’Enaël à ses côtés lui servit de point d’ancrage dans la réalité, de phare dans les ténèbres. La Rohirrim avait la chance de n’avoir pas souffert autant que Swan, et cette dernière put lire de la culpabilité sur le visage de sa camarade de chambrée.

- Ce n’est pas grave, fit-elle doucement. C’est mieux ainsi, crois-moi.

Elle fit une moue indéchiffrable, entre un sourire plein de tristesse et un signe de résignation face aux affres de la vie qu’on ne contrôlait pas toujours. De toute évidence, elle dissimulait un passé qui pesait sur ses épaules, et enviait quelque part l’histoire d’Enaël qu’elle devinait tendre, apaisée et pacifique. Tout le monde ne naissait pas avec la même chance, en ce monde, et il fallait se féliciter que certains enfants eussent connu les joies d’un foyer aimant et d’une enfance insouciante. C’était peut-être de là que venait sa compassion naturelle, songea Swan. Comment expliquer, sinon, cette envie permanente de s’intéresser à autrui, et ce besoin qu’avait Enaël de la rassurer ?

Rejetant une mèche de cheveux noirs derrière son oreille, elle répondit :

- Le Vice-Roi, oui… J’ai entendu quelques histoires à son sujet : maître Ovadiah le tient en très haute estime. Prions Ulmo que ses hommes arrivent à temps, et chassent les créatures qui rôdent dans les environs…

Elle aurait voulu ajouter une parole rassurante, mais n’eut pas le cœur à mentir. Pas ce soir. Pas alors qu’un ombre planait sur les habitants de la maison. Les deux jeunes filles continuèrent à discuter quelque peu, échangeant sur leurs perspectives concernant les récits de Sire Hamel, et sur le danger qui planait potentiellement sur leurs familles respectives. Si Enaël sut se montrer rassurante au sujet des siens, affirmant que ses proches avaient depuis longtemps quitté la région de l’Entalluve et qu’ils se trouvaient en sécurité près d’Edoras, Swan se montra particulièrement évasive sur la question, refusant de donner le moindre nom ou de mentionner le moindre lieu, comme si toute sa famille n’était qu’une chimère insaisissable qu’elle s’efforçait de tenir hors de portée de son interlocutrice. Les deux jeunes filles étaient décidément très différentes, mais également complémentaires sur bien des points. Enaël ne put que constater à quel point Swan était ignorante de l’histoire récente du Rohan, et de ce que l’on racontait dans les villages et les bourgs du royaume. Alors qu’elles abordaient nonchalamment les conséquences de la guerre civile qui avait déchiré le Riddermark, il devint rapidement évident qu’elle en savait bien plus au sujet de ce conflit que Swan, qui paraissait ne pas connaître très bien les subtilités de la vie du Rohan. Elle en comprenait les grands traits, connaissait les noms de Gallen Mortensen et de Fendor, mais pour le reste elle semblait découvrir certains des plus importants personnages du Rohan, tels que Orwen ou Hogorwen. Elle ne semblait même pas connaître l’identité des principaux maréchaux, ni même celui de Dame Farma ou de Rihils le guérisseur. Sa connaissance du pays était livresque, mais guère informée par l’expérience et la pratique de ces terres.

Swan ne cacha pas son trouble, lorsqu’elle perçut qu’Enaël commençait à s’en étonner, et elle profita de l’arrivée soudaine du jeune Dernion pour aller se coucher, refermant la coquille qu’elle avait légèrement entrouverte le temps d’une soirée.

Il faudrait encore un peu de temps avant qu’elle ne s’ouvrît complètement.


~~~~


Cette nuit-là, il fit très froid.

L’immense fenêtre qui donnait sur l’extérieur se couvrit de buée, tandis qu’au-dehors on entendait le ressac de l’océan qui rugissait inlassablement en cherchant à dévorer les rochers, à les réduire patiemment en poussière. Le vent grondait comme une bête furieuse, grattant contre les volets avec ses griffes invisibles, lacérant le bois qui grinçait douloureusement.

Il y eut un craquement anormal.

Swan ouvrit grand les yeux, gelée. Son souffle formait un nuage de vapeur devant son visage, et tout autour d’elle semblait givré. Des murs au plafond, elle avait le sentiment que tout était recouvert d’une fine plaque de gel luisant, qui renvoyait une lumière blafarde qui n’avait pas de source. Sa première préoccupation fut pour ses compagnons de chambrée, Enaël et Dernion, qu’elle ne vit pas. Où étaient-ils ?

Elle se leva.

Ses pieds nus se posèrent sur le sol de marbre sans un bruit.

Elle poussa la porte.

Se retrouva dehors.

Les pieds dans le sable.

- Il y a quelqu’un ? Cria-t-elle, décontenancée.

Le vent lui hurla une réponse qu’elle ne comprit pas, et elle s’aventura dehors en désespoir de cause, descendant vers l’océan qui l’appelait inexorablement. Elle s’arrêta devant l’immensité obscure, ce monstre bouillonnant vis-à-vis duquel elle éprouvait toujours un sentiment de respect teinté de crainte.

Cette nuit-là, ce fut la crainte.

La crainte, et le retour de la silhouette

Au milieu des eaux tumultueuses, elle ne crut d’abord distinguer qu’une vague comme les autres, se gonflant de colère avant de s’abattre en un puissant rouleau qui achèverait sa course à ses pieds. Mais cette vague ne retomba jamais. Glissant hors des flots en s’appuyant sur deux jambes frêles et incertaines, la silhouette s’approchait inexorablement. Large et trapue, elle allait voûtée, les bras ballants, l’air hagard. On aurait dit un cadavre dégingandé, rongé par un séjour prolongé dans les abysses, qui surgissait des tréfonds infernaux de l’océan pour répandre la mort et la désolation sur tous ceux qui croiseraient sa route.

La créature n’était pas qu’une silhouette, cependant.

Elle avait aussi des yeux.

Des yeux qui se fichèrent comme deux pieux rouillés dans la chair de Swan, la clouant sur place, l’empêchant de prendre ses jambes à son cou. La jeune fille voulut crier, se débattre, mais elle était pétrifiée par une émotion qu’elle n’aurait pu décrire que comme une terreur au centuple.

La créature avait aussi une bouche.

Une bouche hideuse, atroce, qui s’ouvrit à l’infini pour prononcer un mot.

Un unique mot.

- A…


~~~~



- Non ! Non ! Quoi !?

Swan émergea brusquement de son sommeil en criant de manière incohérente, mais personne ne s’en rendit compte tant la scène qui se déroulait sous ses yeux était chaotique. Dernion était étendu sur le sol, agité par de violentes convulsions qui donnaient l’impression qu’il était atteint d’un mal qui n’était pas de ce monde. Un mal surnaturel, un mauvais sort, jeté par une créature d’un autre temps… La jeune fille demeura figée en regardant la scène surréaliste sous ses yeux, tandis qu’Enaël s’affairait à essayer de veiller sur son frère pour qu’il ne s’étouffât pas dans sa crise, et qu’il ne lui arrivât rien de grave.

Cet instant d’hésitation la terrifia.

Elle qui d’ordinaire ne manquait ni de courage, ni de détermination, qui agissait avant de réfléchir et qui ne se préoccupait pas de considérations aussi inutiles que les émotions et les sentiments, se retrouva soudainement submergée par une peur qu’elle ne se connaissait pas. C’était peut-être le fait de voir ce jeune garçon ingénu terrassé par une force invisible qui semblait le clouer au sol en le faisant souffrir atrocement. Elle aurait pu se jeter tête la première contre un ours ou un loup en train de le dévorer, mais ce qui lui ôtait la vie présentement n’était pas une chose qu’elle pouvait combattre.

L’immensité de son impuissance la pétrifia.

Mais la voix d’Enaël parvint à se frayer un chemin jusqu’à son cerveau. Des ordres, brefs, concis, efficaces, qui la renvoyèrent à une époque pas si lointaine où elle n’était qu’une petite chose ballottée par les événements et la vie, obligée d’obéir à d’autres voix, d’aller là où on lui commandait, de suivre le chemin qu’on avait tracé pour elle.

- Ou-Oui, j’y vais !

Elle retrouva de la consistance dans l’action, dans le mouvement, dans le fait de courir éperdument à travers la maison à la recherche d’un flacon dont elle ignorait tout, mais qui lui semblait en cet instant le seul rempart contre la mort qui rôdait entre ces murs, et qui avait refermé ses serres sur la gorge de l’innocent Dernion. Ses jambes déliées trouvèrent rapidement comment courir et dévaler quatre à quatre les marches de bois qui menaient au salon. Elle se fichait du vacarme et de son maître qui ronflait non loin. Elle se fichait de Sire Hamel et de ses compagnons fourbus qui devaient espérer mieux qu’une cavalcade effrénée pour trouver un sommeil qui les fuyait depuis trop longtemps.

Rien n’avait de sens, à l’exception de cette maudite potion verte.

Elle ne mit pas plus de quelques minutes à la trouver, balançant tout ce qui se trouvait sur son chemin pour remonter précipitamment l’escalier, le souffle court, mais l’air triomphant :

- Je l’ai ! Je l’ai !

Le regard que lui renvoya Enaël, rempli de larmes et de désespoir, lui coupa littéralement les jambes et elle tomba à genoux aux côtés du jeune garçon. Leurs regards s’accrochèrent, et dans un élan d’affection qui ne lui ressemblait pas elle lui prit les mains et lui souffla :

- Ça va aller, ça va aller… Enaël, dis-moi que ça va aller !

Gagnée par la panique, par une peur qui concernait au moins autant Dernion que Fréod et que tous les amis qu’elle avait perdus en chemin, elle se mit à trembler comme une feuille embrassée par la tempête, suspendue aux caprices des bourrasques de l’existence, qui faisaient tanguer son univers et lui donnaient la nausée.

La panique se mua alors en silence, et elle attentive à chaque geste.

Son regard acéré, d’un bleu très clair, suivait avec attention le moindre mouvement d’Enaël, qui devenait en cet instant la ligne de vie à laquelle se raccrochait son frère… et l’espoir incarné auquel Swan se raccrochait de toutes ses forces. Elle avait l’air de savoir quoi faire, de savoir comment combattre le mal qui rongeait Dernion, elle et ses yeux humides mais courageux. Elle et ses jolies mèches blondes qui cascadaient autour d’un visage où pouvait se lire toute la bonté que l’on trouvait dans ce monde. Cette nuit-là, Swan ne lâcha jamais la main de Dernion, mais surtout elle ne quitta jamais Enaël des yeux, consciente sans vraiment comprendre pourquoi qu’elle ne pourrait supporter de les perdre, et de vivre une nouvelle tragédie…

Ses lèvres s’entrouvrirent pour former à voix très basse les phonèmes d’une prière qu’elle récitait machinalement, sans y penser, sans se rappeler vraiment de la voix maternelle qui avait ancré ces paroles dans sa chair :

- Man tiruva fána cirya,
Wilwarin wilwa,
Ëar-celumessen
Rámainen elvië
Ëar falastala,
Winga hlápula
Rámar sisílala,
Cálë fifírula?



~~~~


Un joli rayon de soleil perça les nuages.

L’hiver touchait à sa fin.

Deux corneilles se disputaient un ver de terre.

Swan essuya la sueur qui coulait le long de son front, en s’appuyant sur sa pelle. La motte de terre qui s’amoncelait à côté de son pied lui donna le sentiment d’être suffisante pour la triste besogne qu’elle se devait d’accomplir. Elle émergea du trou qu’elle avait creusé, et se rapprocha d’Enaël.

- Je crois que ça suffira. Je pense que c’est à toi de l’enterrer.

Elles posèrent les yeux sur cette boîte en bois apparemment anodine, simples planches reliées maladroitement les unes aux autres pour former un petit cercueil pudique. Elles n’avaient pas eu le cœur à graver un nom sur le dessus. Swan déposa son instrument sur l’arbre qui servirait de pierre tombale, et joignit les mains devant elle dans une posture respectueuse et silencieuse. Enaël semblait attendre quelque chose, incertaine.

Comme si, quelque part, l’espoir subsistait.

Combien de semaines avait-elle passé à le soigner, à veiller sur lui jour et nuit, redoublant d’efforts et d’ardeur pour le garder en vie malgré le mal dont il souffrait ? Elle avait démontré une force de caractère assez impressionnante pour une jeune fille de son âge, et la nécessité lui avait donné un intérêt renouvelé pour les lettres et les livres de maître Ovadiah qu’elle avait interrogé autant qu’elle l’avait pu sur la médecine et sur l’art de préserver la vie contre tous les maux.

Swan l’avait observée, sans vraiment comprendre cet acharnement.

A ses yeux, la mort avait des accents familiers qu’elle avait appris à accepter. Ainsi allait la vie. A l’exception des Elfes qui pouvaient prétendre chanter sous la lune au crépuscule du monde, les autres créatures d’Arda étaient soumises au temps, à l’acier ou à la maladie, qui avaient raison des plus vaillants guerriers et des plus brillants esprits. Elle se demandait quelquefois si la vie avait seulement un sens, puisque la fin était déjà écrite. Un regard vers le cercueil ne fit que confirmer son sentiment.

- On devrait dire quelques mots.

Ce n’était ni une question ni un ordre, plutôt un constat. Celui du poids des mots dans ce genre de circonstances, pour faciliter le passage d’un monde à l’autre, et permettre un voyage sûr à celui à qui elles disaient aujourd’hui adieu. Enaël était sans doute sur le point de commencer, quand un mouvement derrière elle attira l’attention de Swan, qui se retourna avec un demi-sourire :

- C’est Dernion, maître Ovadiah l’a finalement libéré plus tôt.

En raison de ses étonnantes dispositions pour l’apprentissage, Dernion s’était vu proposer des cours particuliers en lecture et en histoire, ce qui accélérait de manière exceptionnelle sa maîtrise de la langue écrite et des glyphes. Il était désormais capable de lire un texte simple, et s’il butait encore sur quelques subtilités linguistiques, il était de plus en plus autonome et pourrait bientôt entamer ses premiers ouvrages. La présence du maître des lieux était encore indispensable pour lui permettre de déchiffrer le sens de certains termes complexes qui n’avaient pas de lien avec le vocabulaire quotidien, et qu’il ne pouvait pas deviner par ailleurs. Cet après-midi, Dernion et le maître travaillaient une notion particulièrement complexe de grammaire, que le garçon peinait à comprendre depuis quelques jours, et de laquelle il ne voulait pas se détourner le moins du monde. Il avait toutefois trouvé le temps de quitter son étude pour venir voir sa sœur et procéder à l’inhumation de l’aiglon qu’elle avait retrouvé quelques semaines plus tôt, les ailes cassées, au milieu du jardin.

Swan sentit que la présence de Dernion eut l’effet d’un baume réparateur sur Enaël, qui parut immédiatement rassurée. Complète. Pendant un bref instant, elle se sentit à l’écart de cette relation si proche entre les deux, sans doute encore renforcée par l’absence de leurs parents et par l’éloignement de leur maison. Elle se demanda ce que cela faisait, d’avoir une personne sur qui elle pouvait compter contre vents et marées. Une personne qui ne l’abandonnerait jamais, et à qui elle serait toujours liée, indépendamment des circonstances.

Un regard vers le lointain.

L’hiver touchait toujours à sa fin.

Et Fréod n’était toujours pas rentré.

Il y avait plusieurs mois, maintenant, que Sire Hamel était reparti vers le Nord. Il avait décidé de ne pas se rendre à Edoras, trop effrayé à l’idée de repartir vers le danger, et il avait poussé son exploration vers les terres de Dale, en espérant y trouver l’appui de quelques marchands qu’il connaissait. Il pourrait faire le retour de manière plus aisée, en suivant le cours de l’Anduin, qui le ramènerait naturellement vers Pelargir. Son départ avait beaucoup pesé maître Ovadiah, que Swan avait senti préoccupé pour la première fois depuis bien longtemps. Il n’avait quasiment pas parlé de ses tracas, mais il était certain que le précepteur avait profondément réfléchi à ses options… Finalement, il avait décidé qu’il valait mieux rester ici : la maison était sûre, à l’abri des grandes routes qu’empruntaient les gens de mauvaise vie, et suffisamment perdue dans le paysage pour ne pas éveiller l’attention. Ils avaient déjà eu quelques visiteurs inopinés parfois, mais Fréod avait toujours su les chasser le cas échéant.

Son absence avait laissé un grand vite.

Les regards échangés entre Swan et Ovadiah avaient progressivement trahi leur inquiétude.

Pour la jeune fille, il était évident qu’il était mort. L’enterrement de cet oiseau insignifiant, qu’ils allaient mettre en terre comme un humain, lui donnait le sentiment étrange de ne pas avoir accompli son devoir envers Fréod, et de l’avoir abandonné à un sort tragique. Une partie plus rationnelle de son esprit se souvenait du récit de Sire Hamel, des créatures qui rôdaient au Rohan, et qu’elle ne pouvait affronter seule. Elle avait du courage, à n’en pas douter, mais assez de jugeote pour ne pas présumer de ses forces et pour ne pas partir à l’aventure sans réfléchir. Cela lui pesait indéniablement.

N’aurait-il pas été plus facile d’écouter son instinct et de galoper à travers le Rohan en criant son nom ?

Une partie d’elle-même le désirait.

Elle la fit taire avec délicatesse, refermant le coffret dans lequel reposaient ses désirs et ses rêves. Son regard glissa vers Enaël, et les myriades impossibles qui virevoltaient dans ses pensées. La jeune fille était en deuil, pour un simple oiseau, comme elle l’aurait été pour quelqu’un de sa famille. Cette attitude contrastait avec le détachement constant de Swan, qui s’efforçait de maintenir une saine distance entre elle et le monde pour ne pas en ressentir la violence et la noirceur. Désarçonnée par tant de candeur et d’empathie, cette dernière ne pouvait qu’admirer le cœur encore pur de sa camarade de chambrée, qui battait avec force et fougue pour des causes nobles et belles.

Alors, prise par l’instant, Swan se laissa aller elle aussi.

Elle s’approcha d’Enaël et glissa sa main dans la sienne, répondant instinctivement au geste de Dernion qui s’était blotti contre sa sœur de l’autre côté. Elle choisit de ne rien dire, et de laisser à la Rohirrim le soin de trouver comment souhaiter adieu à son ami. Elle avait au moins la chance d’en avoir l’opportunité, ce qui n’était pas donné à tout le monde en ces temps troublés.

Ainsi allait la vie, dans le Riddermark.
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Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Prairies   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éducation du Riddermark    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 3 Fév 2024 - 12:04

- Et voilà, fit Hamel en adoptant un sourire forcé, comment la cité de Pelargir a été libérée du joug maléfique de l’Ordre de la Couronne de Fer.

Son regard glissa vers les enfants, qui semblaient boire ses paroles avec admiration. Il fallait dire que de tous les récits que l’on avait pu leur rapporter ces derniers temps, bien peu égalaient celui de la sinistre bataille qui s’était déroulée par une nuit pluvieuse dans la grande cité du Sud. Un groupe d’hommes mystérieux, mus par un esprit de liberté et par une grande noblesse, avait décidé de s’attaquer à un contre dix à la garnison de Pelargir pour éliminer ses maîtres, passés traîtreusement à l’ennemi. Hamel savait raconter des histoires, et il n’avait pas lésiné sur les quelques détails qu’il avait pu glaner ici ou là. Comment ces hommes avaient pénétré dans le quartier général de l’Amirauté, et comment ils s’étaient battus férocement contre tous les sédéistes de la Couronne de Fer, plongeant dans l’enfer des combats en se jurant de triompher ou de mourir.

- Je me demande bien qui étaient ces hommes, fit Ovadiah, qui avait déjà entendu parler de cette histoire sans en connaître toutefois les détails.

- Nul ne le sait, mais le nouveau maître de la ville, Sieur Leontochir, leur aurait promis une amitié éternelle. Quand il a repris la main sur la ville, et qu’il a restauré l’autorité du Haut-Roy Mephisto, tout le monde croyait que la situation de Pelargir allait s’arranger… C’était sans compter sur l’arrivée de ces maudits pirates. Lorsque nous sommes partis, on racontait des choses sinistres… des rumeurs venues du Harad lointain, comme quoi Umbar aurait décidé de porter un coup mortel au Gondor.

Il sentit que ces nouvelles préoccupantes faisaient planer une ombre délétère sur leur succulent repas, et avec intelligence il reprit sur un ton plus léger :

- Mais tout le monde sait que les armées du Gondor ne se laissent pas impressionner comme cela. Ah, mes enfants, j’espère qu’un jour vous pourrez vous les armées de Pelargir dans leurs armures rutilantes, marchant sous le soleil en portant haut les couleurs de notre noble royaume. C’est un spectacle magnifique, et nul doute que les Pirates se débanderont prestement lorsqu’ils verront approcher la troupe de Leontochir et la plus puissante flotte du Gondor, ha !

- Je croyais que la flotte la plus puissante se trouvait à Dol Amroth, pourtant, fit Swan en sortant brusquement de son mutisme.

Hamel haussa les épaules avec un sourire :

- C’est ce que l’on dit à Dol Amroth, pour sûr ! Mais partout ailleurs, tout le monde s’accorde à dire que c’est bien Pelargir qui tient à l’abri les côtes du Gondor.

Il partit d’un grand éclat de rire, tandis que Swan fronçait légèrement les sourcils sans qu’il fût possible de déterminer pourquoi. Cette dernière secoua légèrement la tête, refusant d’entrer dans ce débat avec un homme naturellement fier de sa cité, et porta son regard vers Enaël qu’elle s’attendait à trouver parfaitement absorbée par le récit de Sire Hamel. Il n’en était rien, cependant, et cette dernière observait au contraire un des compagnons de route du marchand, qui n’avait presque pas mangé de la soirée et qui regardait dans le lointain. On aurait dit qu’il venait de voir un spectre.

Un frisson parcourut l’échine de Swan.

Ce n’était pas la première fois qu’elle voyait ce regard.

- Sire Romuald, fit-elle pour le ramener à la raison, vous voulez encore du vin ?

Il sursauta perceptiblement, et s’excusa maintes fois, avant d’accepter et de tendre son verre d’une main encore tremblante. Romuald était un jeune marchand en comparaison de ses compagnons. Il devait avoir la moitié de l’âge de Hamel, et il avait encore des joues pouponnes derrière sa barbe de jeune homme. Ce qu’il avait vu durant son séjour avait laissé de profondes cicatrices dans son âme, et nul doute que ces visions hanteraient ses nuits pendant plusieurs lunes.

Swan le servit délicatement, pensant que l’alcool l’aiderait à se détendre quelque peu, mais elle constata soudainement que c’était une erreur en voyant ses pupilles s’écarquiller légèrement. Ses yeux semblaient ne pas pouvoir se détacher de ce liquide carmin qui se déversait à gros bouillons dans son verre. Elle s’interrompit dans son geste, et pendant une seconde qui sembla durer des heures, ils restèrent ainsi suspendus au milieu de la table, lui tenant son verre à bout de bras, et elle la bouteille.

Le malaise fut partiellement dissipé par l’intervention d’Ovadiah, qui sauta intelligemment sur l’occasion pour lever son propre verre :

- Portons un toast, mes amis. A tous ceux qui se battent pour garder nos terres en sécurité, et qui donnent leur vie pour que la nôtre soit plus douce.

Ils trinquèrent tous, mais Romuald ne trouva pas le courage de porter le verre à ses lèvres frémissantes. Sitôt qu’il le jugea convenable, il prit congé de son hôte, et se dirigea vers les chambres pour y chercher un repos qu’il ne trouverait pas. Enaël l’imita bientôt, lasse de cette première journée éreintante sur le plan physique et intellectuel, tandis que Swan et Dernion profitaient de leurs invités pour se nourrir des discussions passionnantes qu’entretenaient Ovadiah et Hamel. Ces derniers conversèrent longtemps et avec beaucoup de finesse sur les troubles politiques de la Terre du Milieu, en peignant le tableau de régions fort éloignées avec tant de détails que les enfants avaient le sentiment de s’y trouver eux-mêmes, et de voir danser devant leurs yeux les silhouettes d’armées en campagne, de rois recevant des ambassades, ou de créatures fantastiques déambulant parmi les Hommes dans les terres où cela était possible… loin de leur petit coin du Rohan où rien ne se passait jamais, donc.

Hamel était particulièrement au fait des questions politiques de sa région natale, et il parlait avec beaucoup de passion des problèmes locaux, offrant un avis que beaucoup d’érudits auraient envié :

- C’est bien le problème Ovadiah… Depuis la chute de Dur’Zork, les Pirates montrent beaucoup de confiance, et l’absence de réaction du Gondor ne peut que les encourager à continuer. Cet été, nous avons eu beaucoup de mal à nous approvisionner auprès de nos partenaires du Sud, dont beaucoup ont trouvé refuge à Djafa. Un de mes amis, marchand d’étoffes et de soieries, a vu ses profits être amputés de moitié, et il a perdu trois de ses équipiers ainsi que son officine de Dur’Zork. Les Seigneurs Pirates ont réquisitionné toutes ses marchandises pour les envoyer à Umbar en tant que prise de guerre. Même si Mephisto parvenait à reprendre la ville un jour, aucun de ces marchands ne sera compensé pour ses pertes à la hauteur du préjudice subi. On ne mesure pas encore les conséquences pour le commerce, mais tu sais à quel point Pelargir dépend de ce qui se trame au Sud. J’espère qu’une campagne sera lancée bientôt pour reprendre au moins le Harondor, et peut-être écraser une bonne fois pour toutes Umbar. Tant qu’elle demeurera autonome, elle restera une menace pour nos activités, et pour la sécurité de tout le Harad.

Ovadiah était plus mesuré, et son positionnement était davantage celui d’un homme de lettres qui savait faire la part des choses, et convoquer l’histoire pour appuyer son propos :

- Le problème d’une telle entreprise, c’est que le Gondor n’est plus aussi puissant qu’il l’était jadis, au temps d’Elessar le Grand. La dernière campagne au Khand s’est soldée par un échec retentissant devant les murs d’Assabia. Il ne fait aucun doute qu’Umbar représente un obstacle bien plus redoutable qu’une modeste cité du désert, et je ne sais pas si à l’heure actuelle le Gondor est vraiment en mesure de se débarrasser des Pirates. Quant à reprendre le Harondor, c’est sans doute l’ambition de l’état-major gondorien, mais la question la plus importante demeure « pourquoi le Harondor est-il tombé en premier lieu ? ». J’ai entendu toutes sortes de choses troublantes, des cités ouvrant librement leurs portes aux Pirates, d’autres refusant d’affronter l’ennemi et battant en retraite piteusement… Sans doute le Gondor devrait-il revoir sa politique méridionale, et accorder davantage d’autonomie aux seigneurs locaux, sans quoi ils demeureront toujours des alliés de circonstance, prêts à suivre le sens du vent. Cela faisait longtemps que l’on disait que Radamanthe n’était pas apprécié par les gens de la région de l’Harnen, et que d’aucuns appelaient à remplacer l’émir par un nouvel homme fort… Peut-être quelqu’un issu des terres du Sud, pour pouvoir parler aux seigneurs locaux et les conforter dans l’idée qu’ils ne sont pas seulement les vassaux du Gondor, mais bel et bien des membres du Royaume Réunifié à part entière.

Hamel rejeta cette idée d’un geste de la main :

- Non, il est bien mieux que le Harondor soit dirigé par Radamanthe. Il a fait ses preuves, et est loyal à Mephisto. Au moins lui a tenté de défendre Dur’Zork quand les Oliphants ont fait leur apparition sur le champ de bataille : un autre que lui aurait fui, et les Haradrim auraient ainsi pu s’emparer de la capitale sans coup férir. Ils ont certes pris Dur’Zork, mais ils ont payé le prix fort pour cela, et cette victoire a mis un coup d’arrêt à leur campagne.

- J’ai pourtant entendu dire que des traîtres se trouvaient dans la ville, et avaient ouvert les portes aux régiments Haradrim.

Le marchand hocha la tête :

- Oui, et c’est bien le problème. Des traîtres au sein de la capitale, sans lesquels la bataille aurait pu continuer pendant des semaines. Radamanthe était tellement focalisé sur le champ d’honneur qu’il en a oublié de surveiller ses arrières… Raison de plus pour ne pas confier la moindre responsabilité à des gens du Sud. Et raison de plus pour mettre les enfants au lit ! Regarde comme ils s’endorment devant nos élucubrations !

Ils partirent d’un rire léger, en regardant Dernion qui s’était assoupi. Installé confortablement dans un fauteuil de cuir qui épousait la forme de son corps, il s’était lentement laissé aspirer par le sommeil, et dormait profondément comme tout enfant de son âge à une heure aussi tardive. Swan, quant à elle, somnolait doucement près de l’âtre où les dernières bûches calcinées crépitaient encore par intermittence. En entendant qu’on parlait d’elle, elle essaya de se redresser, mais elle eut toutes les peines du monde à retrouver ses esprits. Étouffant un bâillement, elle résolut d’aller se coucher pour reprendre des forces avant le lendemain.

- Voulez-vous que je réveille Dernion pour qu’il aille dans son lit ?

- Non, laissons-le dormir pour l’instant. Nous allons mettre de l’ordre dans nos affaires, et discuter encore un peu, puis nous l’aiderons à aller dormir. Tu peux aller te reposer Swan, tu en as beaucoup fait aujourd’hui. Bonne nuit !


Éreintée, Swan rejoignit le dortoir où elle passerait la nuit avec les deux nouveaux venus. Elle s’efforça de faire le moins de bruit possible, et se mordit la lèvre en entendant la voix d’Enaël, craignant de l’avoir réveillée. Toutefois, au ton qu’elle employait, il était plus qu’évident qu’elle n’avait pas encore trouvé le sommeil, et qu’elle aussi devait être plongée dans des pensées qui l’empêchaient de se reposer. Décidément, même dans la demeure d’Ovadiah qui semblait coupée du monde, les affres de l’existence trouvaient le moyen de se faufiler entre ces murs, et d’instiller le doute et la crainte chez les anciens comme chez les plus jeunes. Il fallait sans doute envier Dernion, qui avait réussi à s’assoupir le premier.

- Ton frère est encore en bas, lâcha la jeune fille simplement. Maître Ovadiah le fera monter quand il ira se coucher, ne t’inquiète pas.

Depuis leur arrivée dans la maison, c’était peut-être la première fois que Swan se montrait réellement prévenante. Elle qui d’ordinaire était davantage portée sur l’efficacité et se souciait peu des émotions, montrait ce soir une douceur peu habituelle. Il fallait dire que les récits troublants colportés par Sire Hamel, et ses propres inquiétudes qu’elle ne parvenait pas vraiment à canaliser, semblaient avoir ouvert une brèche dans sa carapace studieuse et sérieuse. Ce fut peut-être pour cette raison qu’Enaël osa s’aventurer dans une conversation avec son étrange camarade de chambrée.

Une première question, aussi anodine que douloureuse pour celle qui la reçut comme une flèche en plein cœur. Une seconde, plus directe, qui poussa la jeune fille à lâcher un profond soupir alors qu’elle s’asseyait sur son lit, et glissait ses jambes fuselées sous son drap en frissonnant. Swan garda le silence un long moment, alors que des pensées désordonnées se bousculaient dans son esprit. Une partie d’elle-même avait envie de simplement tourner le dos à cette main tendue, et de continuer comme elle l’avait toujours fait, c’est-à-dire en serrant les dents et en allant de l’avant. Pourquoi s’embarrasser à se confier à une quasi-inconnue sur des sujets qui ne l’intéressaient sans doute pas vraiment… Pouvait-elle changer quelque chose à la situation ? Pouvait-elle ramener Fréod à la maison, en sécurité ? Alors à quoi bon lui parler ? Il valait sans doute mieux ne rien dire, garder les choses pour soi, et s’endurcir pour affronter ces émotions certes difficiles mais ô combien fréquentes en Terre du Milieu.

Swan ferma les yeux, prête à s’endormir.

Une larme silencieuse se mit à couler le long de sa joue.

- Tu promets de garder ça pour toi ? S’entendit-elle murmurer d’une voix serrée.

Elle inspira profondément, essuyant son visage de plus en plus humide. La nuit protectrice qui les enveloppait étendait un linceul pudique qui préservait encore la dignité de la jeune fille, dont seule la respiration alourdie trahissait son émoi. Ses lèvres tremblantes ne parvinrent pas à contenir les souvenirs qui la hantaient :

- Je rêve tout le temps de la même chose… Je rêve de la mer… Un soir de tempête, je suis seule sur la plage, et je vois… quelque chose… quelqu’un, qui sort de l’eau. Une silhouette. Je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse d’un être humain, mais…

Swan marqua une pause. Cela faisait des années qu’elle rêvait de cette scène, et qu’elle luttait contre le sentiment de paralysie qui la saisissait toujours. Elle voulait hurler, fuir, mais restait pétrifiée de terreur devant cette créature qui marchait inexorablement vers elle.

Créature.

C’était le mot qu’elle utilisait pour le décrire, et pourtant…

- Est-ce que tu as déjà eu l’impression que quelqu’un te voulait du mal, Enaël ? Je veux dire… vraiment du mal ?

Elle ouvrit la bouche pour en dire davantage, mais elle se rappela des mises en garde de Fréod, et préféra ne rien ajouter. Enaël n’était sans doute pas la Créature, mais il valait mieux lui révéler des secrets trop bien enfouis au risque de faire peser sur ses frêles épaules un fardeau qui n’était pas le sien. Consciente d’interrompre la conversation de manière un peu abrupte, Swan choisit de rebondir sur la seconde question de sa compagne, qui concernait la menace plus immédiate et plus tangible des « Charbonneux ».

- Mais rassure-toi, ce ne sont pas les Charbonneux auxquels je fais référence. Je ne sais pas si quelqu’un sait de qui il s’agit, mais Maître Ovadiah en avait déjà entendu parler, expliqua-t-elle sans savoir qu’Enaël avait capté secrètement la conversation entre l’érudit et le marchand. Apparemment, ils ont d’abord attaqué le Gondor, ce qui me semble très surprenant. Si la cité de Minas Tirith avait été attaquée, nous en aurions sans doute entendu parler. Comment alors expliquer qu’une armée ait traversé le Gondor, et soit arrivée impunément au Rohan ?

Elle marqua une pause, réfléchissant pour elle-même. Elle ignorait de quelles notions géographiques disposait Enaël, mais Swan était particulièrement à l’aise dans la discipline, et elle avait une représentation mentale du monde que bien peu d’enfants de son âge pouvaient se targuer d’avoir. Elle savait par exemple qu’une armée souhaitant travers le grand royaume des Hommes devait nécessairement s’aventurer aux abords d’une des trois places fortes : Osgiliath, Minas Tirith, ou Cair Andros. Il semblait impossible que l’une des trois eût été enlevée par des démons, mais après tout, n’avait-on pas récemment entendu des rumeurs de créatures ailées et gigantesques dans les contrées septentrionales ? Sire Hamel n’avait-il pas évoqué lui-même les formidables Oliphants, hauts comme des montagnes d’après ce que l’on murmurait ? Ne parlait-on pas avec passion de magiciens aux terribles pouvoirs arpentant le monde ? De monstres assoupis dans leurs immenses tombeaux de pierre, attendant patiemment l’heure de se réveiller ? Des démons surgis de l’Orient… cela n’avait rien de bien extraordinaire en comparaison.

Toutefois, alors que les pièces d’un étrange casse-tête s’assemblaient doucement dans l’esprit de Swan, une idée prit progressivement le pas sur toutes les autres. Une réalisation aussi violente que terrifiante. Avec raideur, elle demanda :

- Enaël… Où habitent tes parents, déjà ?
Sujet: L'éducation du Riddermark
Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Prairies   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éducation du Riddermark    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 27 Déc 2023 - 13:54

La résistance acharnée de la souche avait eu raison de la volonté d’acier de Swan, qui déposa les armes devant l’obstacle pour chercher comment régler son principal problème de la matinée. Tous avaient fait de leur mieux en combinant leurs forces humaines et animales, mais rien n’y faisait : la souche se refusait à céder du terrain, trop profondément enracinée dans la terre robuste du Rohan. En d’autres latitudes, là où le sol était meuble et tendre, cela n’aurait été qu’un jeu d’enfants. Mais ici, après l’été prolongé qu’ils avaient connu, la terre semblait aussi dure que la pierre. La jeune fille laissa Enaël et Dernion s’éloigner quelque peu pour profiter comme ils l’entendaient de quelques minutes de repos, tandis qu’elle se creusait les méninges de son côté.

D’un œil toutefois, elle continuait à les suivre.

Elle avait été impressionnée par leur résolution, leur envie de bien faire, et par le courage d’Enaël face à cette tâche ingrate qui aurait pu rebuter nombre de précieuses. Dire que cette entreprise était un défi destiné à éprouver leur moral et leur caractère aurait sans doute été réducteur, mais Swan n’était pas très douée pour déceler les intentions des uns et des autres, et elle s’appuyait bien davantage sur les actes que sur les paroles. Enaël par le bras, et Dernion par la voix et le cœur, avaient montré à leur manière qu’ils méritaient leur place auprès de maître Ovadiah. Ce n’étaient pas des enfants gâtés dont il fallait s’occuper et dont les moindres désirs faisaient désordre. Bien au contraire, ils semblaient prêts à travailler dur, prêts à se salir les mains, à risquer quelques ampoules. De véritables Rohirrim, tels que Swan avait pu apprendre à les connaître. Des gens simples mais laborieux, qui savaient endurer les rigueurs de la vie sans se plaindre, pour tirer le meilleur de chaque jour. Des gens joyeux, également, qui pouvaient se laisser aller à rire et à chanter avec beaucoup moins de retenue que d’autres peuples en Terre du Milieu.

Elle les observa brièvement s’installer pour jouer à un jeu dont elle ignorait la nature et les règles, mais qui semblait les absorber considérablement. Pendant un instant, son esprit logique et calculateur se demanda quelle pouvait bien être la finalité de leur partie, et pourquoi ils semblaient réfléchir tant et tant au positionnement de simples pierres plates. Puis une partie plus enfantine d’elle-même, plus enfouie aussi, s’émut brusquement de cette vision simple. Deux enfants, unis par le sang et par une profonde complicité, jouant sous un beau soleil d’été…

Swan détourna le regard, confuse.

Des pensées parasites s’introduisirent bien inélégamment dans son esprit, et semèrent la pagaille dans ses souvenirs. Elle vit quelques visages familiers, au sens où elle les considérait pratiquement comme des membres de sa famille, qui lançaient quelques plaisanteries en l’air en essayant de lui tirer un sourire. Elle se souvint de soirées sous les étoiles, à jouer aux devinettes. Lui revinrent alors en mémoire l’odeur incomparable des poissons que l’on fumait, le bruit des vagues, la texture du sable entre ses orteils. Cela remontait à une éternité.

Elle soupira.

La souche.

Se concentrer sur la souche.

La porte de ses rêveries se referma sans violence, mais résolument, et elle jugea bon de la verrouiller à double-tour pour faire bonne mesure. Derrière, elle entendait ses pensées rebelles cogner contre le verrou de son extraordinaire discipline mentale, mais elle savait qu’il n’y avait rien à craindre. Elle prit une profonde inspiration, pour s’ancrer dans le présent, dans le Rohan, et lorsqu’elle ouvrit finalement les yeux, elle se retrouva exactement là où elle avait commencé son voyage intérieur. Debout devant la souche, à observer le lointain avec cet air triste et mélancolique qu’elle arborait parfois quand elle se croyait seule.

Elle donna un coup de pied rageur à son adversaire du jour, et entreprit d’en refaire le tour.

Les coups de hache et de pioche avaient clairement affaibli la structure, sectionnant même plusieurs racines qui lui avaient paru être décisives. Toutefois, elles n’avaient pas attaqué le problème assez profondément. D’après ses premières estimations, il leur faudrait creuser encore, et s’attaquer aux grosses racines qu’elle voyait poindre sous la terre remuée par leur récente bataille. De tels efforts leur prendraient au moins une grosse journée de travail, si la souche ne se montrait pas plus récalcitrante qu’elle l’imaginait. Perplexe quant à la suite à donner à cette histoire, Swan s’approcha de ses deux compagnons afin de s’enquérir de leur état. S’il leur restait quelques forces, ils pouvaient peut-être s’atteler au déblayage fastidieux avant de passer au jardin… Ils tournèrent la tête vers elle en la voyant arriver, et lui firent soudainement part d’une idée qui venait d’émerger de leur fructueuse conversation. Dernion était peut-être le plus fluet de leur étrange trio, mais il ne manquait pas de pertinence, et sa proposition laissa Swan un peu décontenancée.

- Euh… Passer autour ? Je veux dire… Euh… Je ne sais pas trop…

Les deux enfants auraient pu croire qu’elle cherchait une excuse pour leur dire que c’était une idée très mauvaise, une politesse maladroite destinée à cacher un sentiment moins noble de mépris ou de dédain. Cependant, ils comprirent bien vite que leur interlocutrice était simplement perdue quant à la meilleure stratégie à adopter. L’idée de Dernion était loin d’être mauvaise, mais elle faisait appel à des vertus que la jeune Swan n’avait pas cultivée depuis fort longtemps : la créativité, l’ingéniosité, l’esprit d’initiative. Paralysée par le poids des responsabilités qu’elle se voyait confier, elle réagissait étrangement comme une enfant privée de ses parents, égarée. Son esprit ne pouvait réfléchir au-delà de la mission qui lui avait été donnée et sans invalider la proposition de Dernion, elle avait du mal à voir ce qu’ils pouvaient faire de la souche. À ses yeux, maître Ovadiah lui avait ordonné d’accomplir cette tâche, et elle ne pouvait pas lui désobéir.

- Euh… Je… Je ne peux pas prendre cette décision : je vais aller poser la question, ne bougez pas !

Sans attendre de réponse de la part de Dernion, elle détala vers la maison et laissa ses deux compagnons avec assez de questions et de temps pour discuter en privé de la scène curieuse à laquelle ils venaient d’assister. Elle revint quelques minutes plus tard, avec des nouvelles prometteuses.

- Maître Ovadiah est d’accord. Nous pouvons laisser la souche en l’état pour le moment.

Les trois enfants poussèrent un soupir de soulagement, conscients qu’ils pouvaient désormais se consacrer à des activités moins difficiles. Forte des nouvelles consignes qu’elle venait de recevoir de la bouche du maître en personne, Swan retrouva subitement son rôle d’organisatrice, et reprit :

- Dernion, tu peux ramener Canaille. Il faudra le faire boire, et il a tendance à être un peu récalcitrant mais c’est pour son bien. Attention à ce qu’il ne te donne pas un coup de sabot. Enaël, on va ranger les outils. On se retrouve au jardin, il faut enlever les mauvaises herbes, arroser les plantes qui souffrent de la chaleur, et récolter les pommes de terre. S’il nous reste assez de temps, on fera le semis des choux, en prévision de l’hiver. Allez, on s’active, il nous reste du pain sur la planche.

Et, à l’instar d’une belle armée jardinière, ils s’exécutèrent avec empressement.

La matinée fut consacrée aux activités de la terre, et leur apporta une joie simple. L’été n’avait pas été tendre avec les récoltes et les plantations du Rohan, mais le jardin particulier de maître Ovadiah semblait avoir bien résisté aux fortes chaleurs, grâce à la science, mais également grâce à la dévotion des petites mains de Swan qui avaient veillé religieusement sur les fruits et les légumes, comme s’il s’agissait de la prunelle de ses yeux. Elle était ici chez elle, et elle ne manqua pas de présenter à Enaël et Dernion tous les recoins du jardin, qui s’étendait sur une surface moins importante qu’ils auraient pu le croire. Le verger faisait une petite centaine de mètres de long, et accueillait moins d’arbres que d’arbustes, tandis que le potager était divisé en plusieurs sections consacrées à différentes variétés de plantes. Quelques insectes paresseux voletaient au milieu des feuilles, et leur bourdonnement apaisant semblait avoir le pouvoir de guérir les âmes.

Ils y consacrèrent trois bonnes heures, les genoux dans la poussière, à désherber et à récolter ce qui pouvait l’être. Les paniers d’osier dont ils s’étaient chargés se remplissaient rapidement, et ils faisaient régulièrement des aller-retours vers la maison principale pour y déposer les précieuses récoltes. Trois bonnes heures durant lesquelles Swan s’absorba entièrement à sa tâche, sans échanger plus de quelques mots avec ses deux compagnons qui, eux, ne purent s’empêcher de transformer l’expérience en moment plaisant. Encore une fois, Swan se sentit dépassée par les émotions qu’elle ressentait. Ce n’était pas de la jalousie dans sa forme la plus sombre, celle qui pouvait pousser à la méchanceté. Non. Quand elle les observait rire et jouer, et se faire des blagues innocentes, elle ressentait seulement de l’envie : l’envie de vivre la même chose, de partager la même insouciance, de se laisser aller à sourire pour un rien, de s’émerveiller de la couleur des aubergines, de la taille des tomates, du poids des potirons… Pour amoureuse qu’elle fût de ce jardin et de ses enchantements, elle ne parvenait pas à s’enthousiasmer comme le faisaient ces deux êtres à la fois si proches et si différents.

En les regardant se chamailler pour une nouvelle facétie, Swan se surprit à éprouver un sentiment de profonde tristesse et de profonde solitude.

Son frère lui manquait.


~~~~



Après avoir travaillé si dur toute la matinée, les enfants furent autorisés à prendre une brève pause. Celle-ci prit la forme d’un bon bain chaud pour se délester de la sueur et de la poussière des activités physiques, et d’un repas léger mais succulent, qui suffit à leur redonner des forces sans leur infliger une terrible fatigue tout l’après-midi. Dès qu’ils eurent fini de débarrasser la table, ils furent autorisés à se rendre dans l’office de maître Ovadiah, sans doute la pièce la plus importante de la demeure. Elle se trouvait au rez-de-chaussée, dans une aile un peu à l’écart, dans un endroit de la maison où les enfants n’étaient pas autorisés à se rendre en-dehors de leurs classes. Ovadiah sortit de la poche de son veston une petite clé dorée, qu’il introduisit dans la serrure, et d’un geste souple du poignet il leur ouvrit la porte d’un monde comme ils n’en avaient jamais connu.

- Bienvenue dans mon bureau, les enfants. Bienvenue.

D’un ample geste de la main, il les invita à pénétrer à l’intérieur du bureau, dont la taille impressionnante s’expliquait en grande partie par la présence d’une superbe bibliothèque, qui n’avait probablement pas d’égal au Rohan, à l’exception de celles que l’on trouvait à Edoras. Les nombreux ouvrages et documents d’archive, soigneusement classés et organisés, étaient un véritable trésor de savoirs que certains savants venaient parfois consulter depuis des contrées fort lointaines. Les deux enfants n’avaient pas encore accès à la lecture, mais ils ne tarderaient pas à pouvoir déchiffrer le sens de ces mystérieux traités qui s’empilaient sur le bureau, dans les étagères, et dans les nombreux coffres que l’on voyait ici ou là. Un monde entier s’étendait sous leurs yeux, fait de voyages, de récits et d’innombrables épopées. La lecture était aussi la promesse d’un avenir différent pour eux, qui pouvaient s’arracher à leur condition, au pénible travail de la terre. Quand ils seraient aussi habiles avec les lettres qu’un jongleur avec ses balles, qu’est-ce qui les empêcherait de prendre la route d’Edoras pour y monnayer leurs services ? Ils pouvaient aspirer, comme leur oncle Learamn, à réaliser une noble et belle carrière… en espérant connaître une meilleure fin. Lui aussi avait appris à déchiffrer le sens des lettres et des mots, lui aussi avait appris le savoir contenu dans les livres… Mais il y avait sans doute des leçons qu’il n’avait pas assimilées entièrement, pour avoir connu une chute aussi spectaculaire que l’histoire de son ascension.

Peut-être trouveraient-ils le récit des aventures de leur oncle dans un de ces ouvrages, s’ils osaient poser la question à maître Ovadiah.

- Vous êtes ici dans ma bibliothèque personnelle, que j’ai constituée patiemment au cours de mes années de voyage. Avec du travail, vous serez capables de parcourir ces ouvrages, et d’apprendre par vous-mêmes ce qu’ils contiennent. Pour l’heure, cependant, je préfère que vous ne déambuliez pas librement parmi les livres. Certains contiennent les clés de la liberté de l’esprit humain, mais d’autres peuvent s’avérer dangereux pour de jeunes âmes encore innocentes. Les livres ont un grand pouvoir, et ils peuvent corrompre le cœur des Hommes quand ils ne sont pas maniés avec précaution.

Son regard grave ne laissait pas de doute quant au poids des paroles qu’il venait de prononcer, qui ressemblaient à un avertissement dont ils feraient bien de se souvenir à l’avenir. Le précepteur avait déjà vu ce que la connaissance pouvait faire aux hommes, en particulier durant ses séjours dans les terres du Sud. Les hommes du Harad, contrairement à l’image que l’on dépeignait d’eux au Rohan, n’étaient pas des sauvages et des brutes sans cervelle. Au contraire, ils cultivaient les arts et la science avec un certain raffinement, mais sans la noblesse et la bonté qui caractérisaient les Hommes de l’Ouest. Pendant longtemps, Ovadiah avait été convaincu que la nature profonde de ces « mauvais hommes » expliquait leur attitude vis-à-vis des valeurs qu’il considérait comme cardinales : la tempérance, la loyauté, l’honneur, le soin des petits… Cependant, depuis la Guerre des Trois Rois qui avait déchiré le royaume des seigneurs des chevaux, son opinion avait évolué. Peut-être parce que deux de ses anciens élèves avaient rejoint les rangs de l’Ordre de la Couronne de Fer… Son chagrin avait été immense, et il en était arrivé à la conclusion que le mal se trouvait en réalité dans le cœur de tous les Hommes, d’où qu’ils vinssent. Dès lors, il ne pouvait plus enseigner avec la même liberté de ton, et la même désinvolture qu’auparavant. Il lui était désormais primordial de former des esprits pétris de ces valeurs cardinales, sans quoi son enseignement n’aurait aucun sens. Après avoir lâché un soupir, il leur indiqua du doigt deux coffres, scellés par un cadenas.

- Ces ouvrages vous sont donc interdits, et il n’est pas certain que durant votre séjour ici, vous y ayez accès. Mais comme vous le voyez, vous aurez de quoi vous exercer, et de quoi satisfaire votre curiosité. Si vous êtes assidus et studieux, vous parviendrez vite à lire par vous-mêmes, et vous pourrez emprunter certains de ces livres pour les feuilleter le soir.

Ovadiah adressa un sourire compatissant aux deux jeunes. La tâche semblait à la fois attrayante et ardue, mais elle était loin d’être impossible à réaliser, pourvu qu’ils consacrassent la même énergie à l’apprentissage intellectuel qu’aux travaux des champs. D’après Swan, ils avaient fait montre d’un bel enthousiasme, et le jugement de la jeune fille avait beaucoup de valeur aux yeux du vieux précepteur, qui se fiait à ce qu’elle avait vu durant leur matinée de travaux. Il prit un livre dans son étagère, et l’ouvrit à une page où étaient représentés des caractères mystérieux, formes abstraites pour les deux ingénus qui semblaient trépigner d’impatience à l’idée d’en découvrir tous les mystères.

- Nous allons donc commencer par les bases, les principes élémentaires de l’écriture, à savoir les voyelles et les consonnes. Vous les trouverez dans l’ordre. Voici le o, par exemple. Et voici le a. Sur ces tablettes en argile, vous vous exercerez à reproduire les symboles que voici. D’ici la fin de la journée, je veux que vous ayez parfaitement mémorisé toutes ces lettres, et que vous soyez capables de les reproduire de mémoire à l’aide de ce calame. Quand je vous dirai o, je veux que ce symbole apparaisse immédiatement dans votre esprit.

Il leur désigna deux chaises, devant un bureau, et les invita à prendre place. La lueur du pâle soleil de l’après-midi s’engouffrait par la fenêtre située non loin, éclairant de manière fort convenable leur plan de travail, et leur offrant encore de nombreuses heures de jour durant lesquelles ils pourraient s’exercer, avant d’avoir besoin d’une bougie.

- Le temps sera un facteur important, chers enfants. Il vous faudra faire preuve de patience, et de discipline. On forme son esprit de la même manière que l’on forme son corps à toute autre tâche. Seul le temps et le travail vous permettront d’exceller dans ce nouveau domaine. Je vous en prie, vous pouvez commencer, ne vous laissez pas distraire par les divagations d’un vieil homme. Quand vous arriverez au bout de la tablette, vous n’aurez qu’à l’humidifier légèrement pour effacer votre exercice, et recommencer.

Enaël et Dernion prirent ainsi place face à leur nouveau travail. Sur la page devant eux, s’étendait une quantité impressionnante de glyphes obscurs qui, combinés dans un ordre précis, formaient des mots, puis des phrases, des paragraphes, et enfin des ouvrages entiers. Pour l’heure, ils n’en étaient qu’aux balbutiements, aux premiers pas chancelants, à l’analyse fastidieuse de la plus petite unité qui composait la pensée des grands sages. Ovadiah eut un sourire attendri en les voyant se pencher vers les pages qui produisaient un bruit feutré quand ils les tournaient avec mille précautions. Quant à lui, il s’installa confortablement dans le fauteuil qui était le sien, pour feuilleter un ouvrage tout en prenant quelques notes dans la marge. Il glosait fréquemment les ouvrages qu’on lui envoyait, y adjoignant ses observations et ses commentaires, avant d’envoyer des lettres parfois élogieuses et parfois réprobatrices à ses contacts en Terre du Milieu. Même ici, au cœur de cette retraite, il continuait à entretenir de nombreux contacts avec les savants du monde.

Un silence apaisant s’installa entre le professeur et ses élèves, seulement rompu par le grattement régulier de la plume sur le papier, et du calame sur l’argile. Après avoir fait tant d’efforts, et s’être tant dépensé durant la matinée, les enfants auraient pu croire que le travail de l’esprit était moins éreintant, mais en réalité il exigeait d’eux une grande concentration. Les formes n’étaient pas difficiles à mémoriser en elles-mêmes, mais elles exigeaient une gymnastique intellectuelle à laquelle les deux enfants n’étaient guère habitués. De temps à autre, ils demandaient une précision à leur professeur, notamment l’association du son et du signe, pour travailler leur mémoire, avant de replonger dans la répétition soignée du geste.

Les heures défilèrent ainsi. Calmes. Chaque seconde semblait s’étirer à l’infini, et seules les ombres qui s’étiraient paresseusement donnaient une vague idée de l’écoulement du temps.

Ovadiah se félicita de constater que ses deux protégés étaient capables de travailler dans le silence pendant de longues périodes. Cela les mènerait loin. Il croyait beaucoup dans l’autonomie de ses protégés. Il préférait éviter de se trouver derrière leur épaule, et s’amusait de voir les stratégies qu’ils mettaient en place pour mémoriser des connaissances nouvelles, chacun à leur manière. Leurs sourcils froncés et leurs moues perplexes tirèrent un sourire au précepteur, qui savait que le chemin était encore long vers la lecture fluide d’un texte, et vers la formulation d’une pensée précise. Ils étaient au début d’un voyage dont ils ne reviendraient jamais vraiment.

Les rêveries du maître et les difficultés des enfants furent brusquement interrompues par quelques coups discrets frappés à la porte. Swan s’invita dans la pièce avec un empressement très inhabituel chez elle.

- Maître, fit-elle la voix curieusement inquiète. Les marchands du Sud sont arrivés, avec deux jours d’avance sur leurs propres prévisions. Ils… Ils portent d’étranges nouvelles, je crois que vous devriez venir. Rapidement.

Ovadiah comprit à l’attitude de sa protégée que sa présence était requise et quelque chose se tramait. Il partit avec tant de précipitation qu’il oublia d’ordonner explicitement à Dernion et Enaël de continuer leur travail, ce qui signifiait qu’il ne leur interdisait pas non plus de le suivre à une distance respectable. Le précepteur trotta jusqu’au salon, où il découvrit trois marchands éreintés, dont le voyage ne s’était visiblement pas passé sans heurts.

- Hamel, mon vieil ami, fit Ovadiah sans cacher son trouble. Que vous est-il arrivé ? Vous avez l’air d’avoir traversé les plaines de Gorgoroth.

L’intéressé haussa les épaules, en serrant chaleureusement la main du professeur. Il avait le visage allongé, et de longs cheveux bruns qui lui tombaient jusqu’aux épaules. Ses yeux sombres semblaient porter toute la peine du monde, et les mots mirent un moment à franchir ses lèvres.

- Je ne sais pas… Nous avons eu de la chance dans notre malheur, d’autres n’ont hélas pas eu cette fortune…

- Asseyez-vous, prenez un verre. Je veux tout entendre.

Swan n’eut pas besoin de consigne, et elle se hâta de filer à la cuisine pour servir quelque chose aux voyageurs. Elle connaissait les habitudes de son maître, et trouva sans mal une bouteille de cognac parfaitement adaptée à cette situation tout à fait exceptionnelle. Hamel, connaisseur de ces choses, dégusta la première gorgée avec délectation et lâchant un soupir de soulagement.

- Ovadiah, par où commencer ? Crois-tu aux démons et aux créatures de cette nature ? Je crois que c’est ce que nous avons rencontré. On murmurait déjà des choses, loin à l’Est, au Gondor, mais les monstres sont arrivés jusqu’à nous désormais. J’en ai vu des centaines, le long de l’Entalluve, en route vers l’Ouest. Armés jusqu’aux dents. Des monstres à la peau aussi noire que la suie, et aux yeux rouges comme le sang qu’ils boivent. Les hommes les appellent Charbonneux… Les paysans ont fui vers l’Ouest, mais nous avons pensé qu’il valait mieux pousser vers le Nord, ne serait-ce que pour prévenir les villages isolés. Cela a été une terrible erreur…

Il marqua une pause, et ses compagnons baissèrent subitement la tête.

- Nous étions onze quand nous sommes partis de Pelargir, et nous voilà seulement trois… Le monde est devenu fou, Ovadiah. Complètement fou… Nous avons subi deux attaques de ces Charbonneux, à la nuit tombée. Nous avons à peine survécu à la dernière, et nous avons dû abandonner la moitié de notre cargaison sur la route… C’était il y a une semaine, et depuis nous avons chevauché avec célérité sans croiser de nouveaux démons.

Ovadiah fronça les sourcils, pensif.

- Je n’ai jamais entendu parler de telles créatures, ces « Charbonneux »… Leur description ressemble cependant à certains récits qui me sont parvenus depuis le Gondor. D’étranges envahisseurs venus de l’Orient, qui ont semé la terreur en Anórien. Si vous dites qu’ils sont au moins à une semaine d’ici, alors peut-être ignoreront-ils les contrées de la Marche orientale, et qu’ils bifurqueront vers l’Ouest. Nos terres n’ont rien de particulier à offrir et…

- Pardonnez-moi de vous interrompre, maître, trancha brusquement Swan avec une rudesse qui ne lui ressemblait pas, mais qui trahissait la profondeur de son trouble. Avons-nous des nouvelles de Fréod… Sire Hamel ?

Ce dernier accueillit la question avec gravité, mais secoua la tête négativement :

- Nous n’avons rien entendu à son sujet, je suis désolé. S’il a été plus malin que nous, il aura pris le chemin de l’Ouest avec les convois de civils. Je suis certain qu’il est en sécurité…

- C’est un garçon intelligent, abonda Ovadiah. Il aura eu la présence d’esprit de s’éloigner du danger, et de penser à sauver sa vie avant toute chose. Tout ira bien, Swan. Nous aurons bientôt de ses nouvelles, j’en suis persuadé. Mais pour l’heure, vous devez être affamés et vous avez besoin de repos. Hamel, vous et vos compagnons pouvez dormir ici ce soir, vous êtes les bienvenus évidemment. Vous dormirez dans le dortoir des garçons, et je ferai dormir mes étudiants dans le dortoir des filles exceptionnellement. Swan, je te laisse t’occuper de nos invités et leur montrer leurs appartements. Je vais aller prévenir Enaël et Dernion, mais je vous saurais gré de leur épargner les détails de vos mésaventures. Ils sont encore jeunes, et je préférerais ne pas les inquiéter outre mesure, d’autant que ma demeure est encore sûre jusqu’à preuve du contraire. Ils doivent se concentrer sur leurs études, et rien d’autre.

En disant cette phrase, Ovadiah se rappela que les enfants dont il parlait avaient des parents, une famille entière au Rohan, qui pouvait être concernée par les attaques ignobles de ces « Charbonneux ». Peut-être valait-il mieux ne pas les effrayer, mais en même temps était-il judicieux de les priver de la possibilité de communiquer avec leurs proches ? Le maître soupira profondément. Ce genre de décisions n’était pas facile à prendre, mais il se rappela qu’on lui avait confié librement la garde de ces deux jeunes gens car on avait confiance dans son jugement, et dans sa capacité à veiller sur eux. C’était ce qu’il entendait faire, de la manière qui lui paraîtrait la meilleure.

En rentrant dans son bureau, il trouva les deux jeunes gens au même endroit que là où il les avait laissés, toujours aussi studieux. D’une voix douce et qu’il voulut très apaisante, il souffla :

- Alors, vous progressez ? Est-ce que les lettres vous semblent un peu plus familières désormais ?

Il sourit, mais son regard trahissait d’autres préoccupations.

- Je… Nous avons la visite d’invités inattendus ce soir, des amis marchands qui viennent de loin. Ils sont fourbus, et ont besoin d’une chambre. Dernion, tu iras exceptionnellement dormir avec les filles ce soir. Nous reporterons également l’évaluation que je vous préparais à demain, si vous le voulez bien. Nous devons d’abord nous occuper de nos invités. Vous êtes donc libérés pour ce soir, et vous pouvez aller aider Swan aux cuisines.

Puis, constatant que quelque chose semblait perturber les enfants, il ajouta :

- Est-ce que tout va bien ?
Sujet: L'éducation du Riddermark
Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Prairies   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éducation du Riddermark    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyDim 26 Nov 2023 - 18:13

Un bon feu crépitant dans l’âtre, un repas chaud préparé avec soin, et le rire joyeux des enfants… Le cœur d’Ovadiah trouva la paix ce soir-là, alors qu’il s’amusait de la curiosité innocente de Dernion. Décidément, l’esprit de ce jeune garçon était aussi vaste qu’un palais, et tout semblait l’intéresser. Si sa bouche lui avait permis de poser mille questions à la fois, il l’aurait sans doute fait sans réserve. Nul doute qu’en plongeant le nez dans un livre pour la première fois, il ne ressortirait pas de ce puits infini de savoir. Le précepteur reconnaissait en lui des traits familiers, qui lui tirèrent un sourire attendri. Pour l’heure, ses émerveillements étaient assez simples, mais ils ne tarderaient pas à se complexifier… Il s’étonnait par exemple de la nourriture qui leur était servie, lui dont l’expérience en matière de cuisine se limitait très certainement à ce qu’il avait toujours mangé dans sa propre famille. Il était difficile de lui en vouloir, car la cuisine du Rohan était davantage fondée sur la nécessité de survivre plutôt que sur une quelconque recherche d’un plaisir culinaire. Ici toutefois, il s’ouvrirait à d’autres saveurs, et s’il était déjà bouleversé par les fèves, il n’en reviendrait pas des variétés de fruits exotiques que l’érudit s’efforçait de faire fleurir ici.

- Eh oui, jeune Dernion. Figure-toi que l’on peut en faire toutes sortes de choses. Nous les préparons généralement avec des oignons, des échalotes, ou de l’ail, et parfois une sauce au vin. Mais on peut également les broyer, et les réduire en une purée très consistante qui tient au corps toute la journée. Ces fèves, en l’occurrence, viennent d’une souche suderonne, qui semble s’acclimater plutôt bien au Rohan. Les Haradrim ont pour habitude d’en faire des beignets qu’ils épaississent avec une sorte de farine légère, avant de les faire frire dans de l’huile bouillante. Ils les mangent salés, avec des épices de leurs lointaines contrées, ou avec de la menthe ; mais certains en font aussi des desserts en rajoutant à la pâte des fruits confits.

Ovadiah s’essuya les lèvres à l’aide de sa serviette, tandis que l’image des mets succulents qu’il décrivait s’imprimait dans l’esprit de ses jeunes invités. Ils salivaient rien que de penser à ces douceurs venues d’ailleurs, qui ne ressemblaient en rien à ce qu’ils connaissaient. L’érudit avait cette faculté incroyable de rendre n’importe quelle conversation intéressante : il semblait avoir quelque chose de pertinent à dire sur tous les sujets, et il avait cette manière de narrer les choses qui savait captiver son auditoire. Les enfants trouveraient en lui un homme susceptible de les instruire, certes, mais également de les faire rêver et de leur ouvrir les portes de mondes dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence. Swan l’écoutait religieusement, sans pour autant croiser son regard. Elle gardait le nez rivé dans son assiette, mangeant lentement et avec dignité, mais le petit sourire qui fleurissait presque imperceptiblement sur ses lèvres ne trompait pas. Elle savourait ces paroles avec délectation, comme plongée dans une vision.

Dernion et Enaël également, mais ce n’était pas de nourriture terrestre dont les deux jeunes gens avaient faim. Ils étaient davantage intéressés par la nourriture intellectuelle. Leur curiosité du monde, de ses peuples, de ses territoires et de ses gens ne les quittait jamais vraiment. En s’éloignant de leur maison, en parcourant le Rohan ainsi pendant des jours, ils prenaient peut-être mieux conscience de l’immensité de la Terre du Milieu, de la diversité de ses peuples, et de la richesse qui résidait au-delà de leur horizon… Leurs questions ne cessaient de pleuvoir, comme une douce pluie d’été abreuvant un sol trop longtemps privé d’eau.

- Le Harondor ? Ma foi, c’est une terre magnifique que j’ai eu l’opportunité de visiter plusieurs fois dans ma jeunesse. Cette principauté, cet émirat comme l’appellent les gens qui y vivent, est gouverné par le vaillant Radamanthe, qui répond effectivement devant le Haut Roy Mephisto du Gondor, le plus puissant souverain de ce monde. Ce sont les terres frontalières du Sud, gorgées de soleil et de vie, où foisonnent certains des esprits les plus brillants qu’il m’ait été donné de rencontrer. Isidor Andro, qui a écrit le remarquable Traité sur les peuples au-delà de l’Anduin, et qui est un ami personnel, était originaire du Harondor. C’est un pays tout à fait étonnant, où la vie serait douce et prospère si hélas les Haradrim n’y faisaient pas la guerre de manière aussi régulière. Le Harondor appartient encore au Gondor, mais ces terres ont perdu de leur charme depuis l’époque où j’y voyageais… Nombre d’érudits ont dû fuir les combats, et ont trouvé refuge plus loin au Nord. On y rencontre encore le courage et la valeur, mais on y croise bien davantage la briganderie et le mensonge. Les routes du Sud ne sont plus aussi sûres qu’elles l’étaient…

Il eut un regard en coin pour Swan.

Celle-ci ne sembla pas le remarquer.

Ils continuèrent ainsi leur agréable repas, ponctué de questions et d’observations pertinentes de la part des plus jeunes, tandis qu’Ovadiah déployait son savoir immense comme un barde jouerait de la lyre ou du luth. Ses mots, toujours justes, formaient une mélodie prompte à bercer les esprits et à transporter les âmes. Enaël et Dernion étaient encore trop jeunes pour résister à de telles leçons, et ils ne tardèrent pas à sentir leur concentration diminuer. Leurs oreilles épuisées avaient de plus en plus de mal à se donner du sens aux paroles de leur précepteur, rapidement distraites par le craquements des bûches qui brûlaient joyeusement dans l’âtre. Dernion fut le premier à étouffer un bâillement, qui annonça la fin de leur succulent dîner. Après leur avoir souhaité une bonne nuit, le vieil homme les regarda s’éloigner vers leurs chambres, tout en se demandant à quoi ils rêveraient ce soir… Aux braves chevaliers qui se battaient pour le contrôle de l’Harnen face aux hordes suderonnes ? Aux plantes merveilleuses et aux forêts luxuriantes qui couvraient certaines des régions les plus sauvages d’Arda ? Aux sorcelleries de l’Orient, où s’était égaré le brave Learamn ?

Il sourit.

Tant qu’ils se souvenaient de la douceur de la terre du Rohan, du parfum des champs après la moisson, de la chaleur de leur famille réunie autour d’une bonne histoire après une longue journée de labeur… Tant qu’ils se souvenaient que l’éducation n’avait qu’un seul objectif : les conduire vers eux-mêmes.


~~~~


Accroupie devant un seau d’eau rempli de vaisselle encore sale, les manches retroussées pour ne pas s’éclabousser inutilement, Swan frottait énergiquement les assiettes à l’aide d’un morceau de tissu. L’obscurité et le silence confortable que lui offrait la nuit ne la dérangeaient pas vraiment, pas davantage que d’effectuer les corvées de la maison. Elle aurait sans doute préféré aller s’allonger et profiter d’une nuit de sommeil bien méritée, mais elle savait également que tous seraient heureux d’avoir des couverts propres dès le matin pour entamer leur journée de la meilleure des manières. Elle entendit les pas lourds d’Ovadiah qui s’approchait dans son dos, et s’interrompit brusquement. Le vieil homme souffla à voix basse, pour ne pas déranger les enfants qui devaient sans doute s’endormir.

- Tu as l’air soucieuse.

Elle soupira.

- Fréod n’est toujours pas là, et je…

Swan inspira profondément, sans parvenir à contenir les larmes qui lui montaient déjà aux yeux, mélange d’émotions qu’elle ne parvenait pas à canaliser. Elle voulut achever sa phrase, mais les mots furent étranglés par un sanglot qui la surprit elle-même. Elle renifla bruyamment, et souffla fort pour essayer de chasser ce sentiment terrible de culpabilité et de crainte profonde. En vain. Ovadiah lui jeta un regard compatissant et attristé, puis s’avança pour lui poser une main amicale sur l’épaule.

- Il a promis de faire attention, et je suis certain qu’il tient parole. Ce n’est pas son genre de nous causer du souci, et je suis certain qu’il y a une explication parfaitement logique à son retard. Tu sais que les marchands doivent arriver ces prochains jours… nous leur demanderons des informations à ce moment-là.

Elle sécha les quelques larmes qui avaient coulé sur ses joues.

- Oui maître, vous avez raison… Mais que se passera-t-il si quelqu’un déc… ?

- Swan, l’interrompit Ovadiah avec un mélange de douceur et de fermeté. Ne pense pas à ces choses ce soir. Tout ira bien, nous sommes en sécurité ici. D’accord ?

Elle hocha la tête, puis se retourna pour reprendre sa vaisselle là où elle l’avait laissée. Ovadiah resta quelques secondes à l’observer, elle et sa silhouette gracieuse, réduite à gratter des assiettes en cachant ses larmes. Il ne put s’empêcher d’éprouver une grande pitié pour cette jeune âme, mais il savait également qu’il ne pouvait trouver les mots susceptibles de la réconforter, et qu’il valait mieux la laisser s’apaiser naturellement plutôt que d’ouvrir cette conversation à une heure aussi tardive. Résolu à ne pas la priver d’une parole bienveillante, il lui souhaita bonne nuit avec toute la bienveillance humainement possible, avant de s’éclipser discrètement. Hélas, c’était un vœu qu’il savait difficile à réaliser.


~~~~



A l’exception du rayon de lune qui se glissait dans la pièce par la fenêtre, la chambre des filles était plongée dans l’obscurité la plus totale. Swan y évoluait toutefois avec autant d’aisance que s’il avait fait grand jour, preuve qu’elle connaissait ces lieux à la perfection. Elle avait pris soin de déposer ses vêtements au pied de son lit, sur un petit coffre de bois qui contenait sans doute l’entièreté de ses maigres possessions avant de se glisser sous les épaisses couvertures. La nuit était fraîche, mais Swan étant particulièrement frileuse, elle dut se frictionner vigoureusement les bras pour essayer de se réchauffer légèrement. Elle avait toujours du mal à trouver le sommeil dans de telles conditions, et le confort très relatif du lit ne l’aidait pas à trouver une position dans laquelle aurait pu passer une nuit véritablement reposante. Alors, comme chaque soir, elle se mit à fixer les ténèbres qui peuplaient le plafond de la chambre, jusqu’à ce que ses paupières alourdies décidassent de se fermer d’elles-mêmes.


Son sommeil était très aléatoire… Parfois, il lui fallait de longues heures avant de pouvoir combattre l’envie irrépressible de rester éveillée au point d’en avoir les yeux endoloris. Ce soir-là, cependant, elle sentit très rapidement les bras du sommeil l’envelopper délicatement, et l’attirer vers un repos bien mérité. Son esprit, à demi-conscient, assistait en spectateur impuissant à son immersion dans cet état curieux, perdu entre le monde onirique et celui, tangible, où évoluait Enaël, quelques lits plus loin. Sa respiration s’apaisa, se faisant plus profonde et plus régulière, tandis que ses yeux continuaient de fixer le plafond par habitude. D’abord, elle ne vit rien que l’obscurité, avant de capter une série de mouvements furtifs et lents, comme un long serpent ondulant le long du plafond… La créature, à peine discernable dans la nuit noire, semblait un instant immense, puis l’instant d’après n’être faite que d’un entrelacs complexe de fils de soie tressés les uns aux autres. Certains de ces filaments se détachèrent puis, portés par une brise invisible, s’envolèrent à la limite de sa conscience en prenant progressivement des formes plus familières…

Des lignes brisées.

Irrégulières.

Des filaments qui venaient s’échouer inlassablement à ses pieds en charriant avec eux les débris de son existence. Des objets dont elle ignorait pour la plupart la nature et la fonction… et puis un coffret en bois. De grandes tentures, qui ressemblaient un peu à des drapeaux, s’envolèrent devant elle et allèrent s’accrocher dans les branches d’un arbre qui n’était pas là quelques secondes auparavant. L’arbre descendait du plafond, et ses branches presque invisibles ressemblaient à des racines hors de terre… Swan plissa les yeux, croyant apercevoir quelque chose dans les ténèbres. Enaël respirait de plus en plus fort à ses côtés… cela ne pouvait donc pas être elle qui lui souriait…

Non.

C’était un visage familier, mais pourtant indéfinissable, qui semblait s’arracher du mur comme s’il ne s’agissait que d’un enchevêtrement complexe de toiles d’araignées. Des arachnides descendaient d’ailleurs le long de la cloison, hors de son champ de vision, creusant les poutres de la pièce avec leurs pattes griffues… La jeune fille se figea, horrifiée, alors que la plus grande d’entre elles s’emparait d’une lame argentée dissimulée sous son abdomen gigantesque et velu. La créature aurait pu l’attaquer, mais elle se contenta de rester là à aiguiser son arme patiemment. Ses yeux d’un bleu très clair, le même bleu que ceux de Swan étaient rivés sur cette dernière, qui ne pouvait pas détourner le regard.

Elle étouffait.

Littéralement.

Le démon nocturne n’avait pas bougé, mais elle ressentait un poids terrible sur sa poitrine qui la clouait au lit, sans lui laisser la possibilité de faire entrer le moindre filet d’air dans ses poumons. Elle ne se souvenait pas avoir cligné des yeux, mais tout à coup l’arachnide disparut sans que sa présence ne s’évanouît pour autant. Elle ne voyait plus la créature à présent, mais elle entendit distinctement sa voix s’élever dans les ténèbres.

« Dis-moi, Al’… ? »

Elle déglutit.

Tout son corps était comme paralysé. Pétrifié. Elle tentait bien de s’agiter, de hurler de toutes ses forces, d’appeler à l’aide… rien n’y faisait. Elle ne pouvait que rester là, curieusement immobile, figée par ce monstre qui tentait de la faire suffoquer sans merci. Une autre voix venue de loin, reprit en écho.

« Dis-moi, Swan ? »

Elle voulut répondre, mais son cri mourut avant même d’atteindre la lisière de ses cordes vocales. Une larme solitaire coula le long de sa joue.

« Dans quel coin du Rohan tu vis ? »

En proie à une terreur nourrie par son incompréhension la plus totale, elle se sentit mourir… puis revenir brusquement à la vie lorsque son corps prit une grande inspiration malgré elle. Une inspiration douloureuse et violente qui la poussa à se redresser violemment, la main sur la poitrine pour chasser l’impression désagréable d’avoir été compressée contre son lit. Son cœur battait à tout rompre, et son front était emperlé de sueur.

Pourtant, tout cela n’avait pas duré plus de quelques minutes.

Swan capta un bref mouvement à côté d’elle, et sursauta en voyant qu’Enaël s’était réveillée, et qu’elle avait quitté sa couchette pour s’approcher, visiblement préoccupée par l’état de sa camarade de chambrée. La jeune fille aux cheveux bruns lui fit signe que tout allait bien, mais peina à se montrer rassurante. Elle était livide, un état encore accentué par la pâleur de la lumière qui s’engouffrait dans leur dortoir.

- Pardon… J’ai seulement fait un cauchemar… Je…

Désorientée, elle tenta de se raccrocher à ses souvenirs confus, et répondit à ce qu’elle croyait être la question d’Enaël, mais qui appartenait en réalité à ses sombres rêveries.

- Je… Je vis au Rohan, juste ici… Je… Est-ce qu’on peut en parler plus tard ? S’il-te-plaît ? Il faut que je boive quelque chose…

Elle se leva un peu plus vivement que nécessaire, et essuya promptement ses joues avant de mettre le cap sur la pièce à vivre où elle était certaine de pouvoir trouver de l’eau, un verre, et de la solitude.


~~~~


Les premiers rayons du soleil vinrent tirer les enfants de leurs rêveries, leur promettant une journée qui s’annonçait douce quoique venteuse. Les nuages filaient à toute vitesse en direction de l’Ouest, comme s’ils fuyaient quelque chose. Ils se disloquaient en une multitude de fresques étranges, évoquant tour à tour des silhouettes guerrières embarquées dans de nobles combats, des créatures mythiques aux gueules effrayantes, ou des animaux du quotidien qui s’égayaient joyeusement l’espace d’un bref instant, avant de se dissoudre dans une nouvelle enveloppe corporelle. Swan se montra particulièrement distante, et rejeta toutes les tentatives de la part d’Enaël d’aborder les événements de la veille au soir. Elle semblait ne même pas vouloir répondre aux questions les plus élémentaires sur son passé, ce qui ne pouvait pas manquer de susciter la curiosité des deux nouveaux venus.

Toutefois, ils n’eurent guère le temps de mener une enquête approfondie.

Swan leur réservait une matinée difficile pour les distraire de leurs questionnements.

- Nous allons commencer par la souche, avait-elle dit avec autorité. Profitons de ce qu’il ne fasse pas trop chaud pour faire le plus difficile, puis nous terminerons par le jardin avant le repas. Dernion, je te laisse aller chercher Canaille et la sangle qui se trouve dans l’enclos. Enaël, va chercher les outils dont nous aurons besoin : hache, pelle, pioche, tout ce qui pourra nous servir à déraciner cette souche.

La jeune fille distribuait ses ordres avec clarté et, franchement, avec une aisance qui ne s’improvisait pas. Elle ressemblait quelque peu au commandant d’un navire, distribuant les tâches à ses moussaillons inexpérimentés qui couraient en tous sens pour apporter le nécessaire. La principale différence résidait dans le fait qu’elle ne s’emportait jamais. Elle pouvait paraître agacée, frustrée parfois, mais elle n’avait jamais un mot plus haut que l’autre, et ne tenait pas à se donner en spectacle. Pour autant, son commandement était efficace, et ils eurent bientôt réuni tout le nécessaire pour attaquer leur tâche.

- On va utiliser la force de Canaille pour arracher cette souche, tout en essayant de couper tout ce qui peut gêner. Les racines sont profondes, il faut essayer d’en arracher autant que possible. Dernion, tu t’occupes de la traction. Enaël, avec moi, on leur facilite le travail.

Sans attendre, elle leva bien haut sa pioche et l’abattit à la base de la souche, en espérant sectionner tout ce qui la tenait ancrée dans le sol. Elle frappait avec énergie, envoyant voler des copeaux de bois dans toutes les directions, canalisant toutes ses émotions dans ce simple geste répété. A chaque fois que la pioche s’écrasait dans le bois, elle lâchait un ahanement sonore teinté de colère. Cependant, après presque une heure d’efforts et de souffrance, ils furent bien obligés de se rendre à l’évidence : la souche ne lâchait pas.

Swan leur proposa de prendre une pause, transpirant dans son surcot gris et sa chemise épaisse.

- Je ne comprends pas, fit-elle en s’essuyant le front dans sa manche. Qu’est-ce que j’ai mal fait ?
Sujet: L'éducation du Riddermark
Ryad Assad

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Rechercher dans: Les Prairies   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: L'éducation du Riddermark    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 17 Fév 2021 - 13:41

Eolkar avait expliqué à Ovadiah que les enfants ne le décevraient pas, et pour l’heure il devait dire que son vieil ami ne s’était pas trompé. L’enthousiasme débordant de Dernion pour la connaissance se mariait à la perfection avec l’esprit indomptable de sa sœur qui, certes, semblait se désintéresser des choses de l’esprit, mais ne manquait pas de curiosité pour le monde et ses mystères. Ils avaient fait une longue route, loin de leur famille pour la première fois, et pourtant ils ne demandaient qu’à apprendre, désireux de se mettre au travail, sans doute conscients de la chance qu’ils avaient.

A table, ils jugèrent cependant utile de demander à quelle sauce ils allaient être mangés, conscients que les règles de la maison du précepteur seraient sans doute différentes de ce qu’ils avaient l’habitude de voir chez eux. Ovadiah, tout en glissant une serviette sur ses genoux à la manière des aristocrates du Gondor, leur répondit :

- Les journées sont routinières ici, mais commencent toujours par le même rituel. La matinée est consacrée aux activités du corps, et l’après-midi aux activités de l’esprit. L’un ne va sans l’autre, et cette maison a besoin d’un bel entretien pour rester propre et belle afin d’accueillir les jeunes enfants comme vous qui souhaitent apprendre des choses du monde.

Il fit un geste de la main en direction de l’extérieur, et reprit :

- Demain, nous irons au jardin, et je vous montrerai comment l’entretenir. Nous ferons la récolte des fèves qui sont prêtes, et nous les mettrons dans les paniers prévus à cet effet. Il faudra également aller puiser de l’eau pour la journée, faire quelques menues réparations sur la clôture, et…

- Et enlever la grosse souche, intervint Swan qui semblait agir comme une extension de l’esprit de son maître.

Il frappa dans ses mains avec un grand sourire :

- Oui c’est bien ça, la grosse souche ! Avec une monture et deux bras supplémentaires, je ne doute pas que nous parviendrons à l’avoir enfin !

Le travail ne paraissait pas faire peur à la jeune fille aux cheveux bruns, qui hocha la tête simplement, tout en servant ses nouveaux compagnons d’apprentissage. Elle avait le geste sûr, la main ferme, et paraissait aussi à l’aise à accomplir toutes les tâches ménagères qu’une femme mariée, en dépit de son jeune âge. Il y avait chez elle quelque chose de curieusement gracieux, alors qu’elle dégageait paradoxalement la force et la résistance des gens du peuple, qui n’étaient généralement pas connus pour leur délicatesse. Ce curieux mélange renvoyait involontairement Enaël à la comparaison, elle dont les manières étaient sans doute moins raffinées que cette inconnue, mais qui dans le même temps n’avait pas l’efficacité rare de cette dernière. Swan lui jeta un regard en coin, comme pour jauger la compétition, mais ne parut nullement impressionnée par cette nouvelle venue qui semblait certes farouche, mais encore bien tendre.

Dernion, de son côté, n’avait pas encore obtenu la réponse à sa question. Plus que les travaux des champs, il se demandait surtout de quelle leçon maître Ovadiah allait les régaler, et de quelle manière il allait les faire découvrir le monde fascinant du savoir et de la connaissance. Le précepteur, qui aurait été bien en peine de ne pas voir la curiosité de l’enfant, se fendit d’un sourire amusé, avant de nourrir son sentiment bien naturel :

- Et demain après-midi, nous commencerons notre première leçon de lecture. Nous apprendrons d’abord à reconnaître les lettres, les signes qui composent les mots, et quand vous aurez bien appris vos leçons, nous apprendrons à les assembler ensemble pour déchiffrer des textes. Ce sera la partie fastidieuse de votre apprentissage, mais sans doute la plus importante. Savoir lire, c’est se donner la possibilité d’apprendre par soi-même. C’est en tout cas un premier pas dans cette direction. C’est l’indépendance de l’esprit, la capacité à discerner le vrai du faux, le bon du moins bon. Les mots écrits, gravés, inscrits, renferment un grand pouvoir qu’il est possible de maîtriser… Pour s’en protéger, quand certains l’utilisent à des fins néfastes, mais aussi pour faire le bien.

Il ne daigna pas préciser ce qu’il entendait par « des fins néfastes », mais les enfants avaient encore en mémoire les sinistres événements de la Guerre Civile. Ils n’en connaissaient pas forcément les tenants, sinon par les racontars des adultes de passage qui portaient les nouvelles, qui racontaient à qui voulait l’entendre que les troupes royales détenaient la liste des traîtres et des ennemis de la couronne, qu’ils passaient de village en village pour les débusquer. La vision d’un cavalier portant un ordre royal écrit avait hanté les cauchemars de beaucoup, au Riddermark, même si finalement bien peu d’arrestations avaient été conduites dans le royaume. La Nuit des Lances Noires avait largement suffi à dompter le royaume des dresseurs de chevaux.

Si lire pouvait les protéger de tels épisodes horribles, il valait certainement mieux commencer l’apprentissage au plus tôt. Ovadiah le croyait sincèrement, et savait qu’il parviendrait à de bien meilleurs résultats quand les enfants auraient une compréhension correcte des signes et des glyphes. Ils continuèrent à discuter, évoquant des sujets divers et variés, et notamment les lentilles qu’ils mangeaient à table. Le précepteur, fier de ses plantes, ne put s’empêcher d’expliquer :

- Ces lentilles sont originaires du Harondor, de la région près de Methir pour être précis. Elles ont montré une très belle résistance à la chaleur, ce qui n’a pas été le cas de nos pousses de blé qui ont beaucoup souffert. Swan les cuisine à merveille.

La jeune fille rougit, mais ne répondit rien, gênée plus que nécessaire par ce compliment anodin, sans qu’il fût aisé d’en déterminer la raison.

Le repas se poursuivit sans encombre. Ils évoquèrent quelques souvenirs heureux, et Ovadiah leur raconta une ou deux anecdotes savoureuses sur Eolkar qui firent beaucoup rire les enfants, mais somme toute ils étaient fatigués et avaient besoin de se reposer. Le long voyage, le bain et le repas chaud dans leur ventre eurent rapidement raison de leur résistance, et ils gagnèrent leurs lits sans tarder.


Swan ne rejoignit Enaël que plus tard, après avoir vaqué à ses occupations domestiques, nommément la vaisselle et le nettoyage de la salle principale. Elle ouvrit la porte doucement, et se glissa à pas feutrés dans la chambre des filles en prenant grand soin de ne pas réveiller la silhouette allongée sur le lit au fond de la pièce. Elle ne vit pas qu’Enaël était endormie, et l’observait en silence. Assise sur le lit, elle ôta ses bottes, sa robe et sa tunique, avant d’enfiler une chemise de nuit en lin. Ce fut à cet instant qu’Enaël put remarquer que Swan avait une grande cicatrice dans le dos, lui barrant le corps de droite à gauche. Elle était fine et régulière, comme celles qu’on pouvait se faire en se coupant par inadvertance, mais en bien plus grand. Assurément, ce n’était pas le genre de marques que la plupart des gens portaient au Rohan, encore moins à cet âge.

La jeune fille aux cheveux bruns s’allongea dans son lit avec un soupir de soulagement, et ferma les yeux.
Sujet: Il y a une fin a toute chose
Ryad Assad

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Rechercher dans: Vieille-Tombe   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Il y a une fin a toute chose    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 15 Fév 2014 - 15:30
Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! Boros10

- On nous attaaaaaque !

Le hurlement de Boros dura une éternité, et se répercuta sur les murs de la caverne, venant s'ajouter au chaos de la bataille qui faisait rage sur le balcon où se trouvait l'Orchâl. Il hurla à s'en briser la voix, haranguant les rares Pies qui avaient survécu à la course poursuite dans les tunnels. Ses hommes étaient hagards, éreintés, et ils semblaient avoir perdu tout ce qui faisait d'eux des combattants efficaces : la discipline et la dévotion qui caractérisaient les soldats de l'Ordre. Il fallait dire que leur chef était loin d'être un modèle en la matière. L'ancien sergent du Gondor n'avait pas traversé un tunnel dans l'obscurité, non. Il avait traversé l'enfer, et n'en était pas ressorti indemne. Alors que pour les autres, la noirceur ambiante n'était qu'une onde de terreur qui s'emparait peu à peu de leur courage, broyait leur détermination, c'était une créature bien plus cruelle qui s'était attaquée au guerrier de l'Ordre. Un monstre tapi dans l'abîme de ténèbres de son âme noircie et corrompue, un monstre drapé dans les vapeurs âcres des herbes de plaisir, un monstre cauchemardé, vu à travers les hallucinations conférées par les plantes locales.

En ressortant à la lumière du jour, Boros ne ressemblait plus à un humain. La peau pâle, le visage déformé par la rage, il était déconnecté du monde réel. Ses yeux injectés de sang, grands ouverts, semblaient voir un univers qui échappait aux sens du commun des mortels. Ses muscles étaient agités de tremblement nerveux, et il était probablement aussi dangereux pour ses alliés que pour ses ennemis. Il fit un moulinet avec son épée, et faillit éborgner un de ses compagnons, qui eut le réflexe de reculer au moment opportun. L'officier de l'Ordre était en proie à un délire paranoïaque depuis bien longtemps, aggravé par la consommation abusive des substances psychotropes de l'Est. Le fait de voir une horde de guerriers surgir face à l'Orchâl n'était pas pour le rassurer, et il brailla à nouveau :

- En rang, sales rats ! Mécréants ! Tuez-les tous ! Tranchez-leur les jarrets ! Coupez-leur les doigts ! Mangez-leur les...

Il s'interrompit en pleine phrase, et se retourna furieusement vers les soldats qui le suivaient. En vérité, ils n'étaient plus qu'une demi-douzaine, des survivants de la course-poursuite effrénée dans les ténèbres. Boros leur avait ordonné de se sacrifier pour résister à l'avancée des assaillants, ce que les plus fanatiques du lot avaient fait sans hésiter une seconde. Ils s'étaient arrêtés au beau milieu du couloir, et avaient attaqué tout ce qui semblait bouger dans l'obscurité. Le combat avait été âpre mais trop bref pour permettre au Lefnui de prendre une avance suffisante. Il était talonné par une troupe de combattants particulièrement déterminés, et rattrapé par son embonpoint, ce qui l'avait contraint à un effort physique qui pour lui frisait le surhumain. Il pensait toutefois avoir réussi à se débarrasser des chevaliers qui s'étaient infiltrés dans le repaire de l'Ordre, certain qu'ils auraient succombé aux pièges infernaux que l'Orchâl avait déposé là à leur intention. Il avait bien entendu leurs hurlements, les cris de terreur qu'ils avaient poussé, et il en avait logiquement conclu qu'ils ne pouvaient pas avoir survécu aux pouvoirs terrifiants de l'être le plus puissant en Terre du Milieu actuellement.

Du fait de cette certitude, il fut particulièrement surpris de voir surgir sur ses talons, jaillissant de la bouche du tunnel d'obsidienne, un groupe de guerriers l'arme au clair, qui ne portaient pas les uniformes réglementaires de l'Ordre. C'étaient leurs poursuivants ! Leurs armures étaient en piteux état, éraflées et égratignées. Ils étaient blessés pour certains, mais ils s'avéreraient des adversaires redoutables, à en juger par la flamme qui brûlait dans leurs yeux. Ils étaient habités par la fureur du juste, et pendant un bref instant, Boros sentit la peur se saisir de lui. Il se sentit entièrement dépassé par la colère et la rage de ces guerriers dont la conviction en leur cause dépassait de loin la foi qu'il plaçait dans l'Ordre. Mais cet instant ne dura pas, et les visions anarchiques que les plantes hallucinogènes lui envoyaient reprirent le dessus, galvanisèrent son organisme rendu insensible à la douleur, poussèrent son esprit dément à l'imprudence. Avec un nouveau cri de rage, il chargea les nouveaux arrivants, imité par ses hommes.

Le fracas fut terrible lorsque les épées s'entrechoquèrent, lorsque les corps se percutèrent avec une rare violence. Du tranchant de leurs lames, de leur poing ganté ou de leur pied botté, ils frappaient avec sauvagerie, cherchant à gagner par tous les moyens. De part et d'autre, il n'était plus question d'honneur, mais bien de survie. Vivre et vaincre, mourir et perdre. Leur choix se résumait à cela. Boros, toutefois, agissait selon une vision différente. Il pouvait toujours enlever la victoire, mais il n'avait pas conscience qu'il était déjà mort. Son corps semblait aller relativement bien, à l'exception des symptômes les plus visibles de sa consommation excessive de drogues. Toutefois, son esprit n'était plus le même : il était détruit, rongé, ravagé, presque anéanti. Le Boros qui jadis avait servi sous les ordres du Gondor, qui avait ensuite trahi pour rallier l'OCF, ce Boros là avait disparu. L'être qui frappait inlassablement de son épée, sans se soucier de sa propre défense, était un être triste, désespérément seul, rongé par le regret. La chandelle de sa vie arrivait progressivement à son terme, et il n'avait réalisé aucun des objectifs qu'il s'était fixé. Il avait le sentiment amer d'avoir échoué, d'avoir pris la mauvaise direction. Seules les drogues l'aidaient à surmonter ces moments de profonde dépression, qui étaient chaque fois plus intenses, quand les effets de ses plantes s'atténuaient.

Il se battait donc avec la rage de vaincre, mais pas la rage de vivre. Il ne faisait aucun cas de sa santé, de sa sécurité, et il frappait comme un damné, abattant son arme sur le malheureux qui lui servait d'adversaire avec une violence rare. Ses assauts ne touchaient pas leur cible, trop maladroits pour être réellement décisifs, mais ils noyaient le chevalier sous un déluge d'acier dont il aurait bien du mal à se dépêtrer. Boros éclata de rire, franchement, sincèrement. Les étincelles qui jaillissaient du bouclier de son opposant prenaient une teinte bleue, orange, ou verte selon les moments. Ses yeux rougis voyaient des choses qui n'existaient pas, mais qui lui donnaient paradoxalement plus de force. A chaque assaut, il voyait les étincelles multicolores éclater en un millier d'étoiles brillantes qui semblaient danser devant lui comme un kaléidoscope hypnotique. Il frappait non seulement pour tuer son adversaire, mais aussi pour ces flammèches envoûtantes.

- Je vais gagner ! Grogna-t-il. Je dois gagner ! Pour l'Ordre, pour l'honneur, et pour les étoiles bleues !

Il gloussa, son rire se fondant avec le fracas du combat sous Vieille-Tombe.


~~~~


Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! Warini10

Dans la salle de duel, réservée au spectacle particulièrement attrayant de l'affrontement entre Le Fantôme et le Maréchal du Rohan, deux des Passeurs et deux amis forcés de s'affronter dans un combat à mort, l'ambiance venait de changer du tout au tout. Par l'accès le plus improbable qui fût, celui gardé par un détachement de Pies et protégé par les pièges maléfiques d'Arzâzath lui-même, un premier groupe de guerriers venait de surgir. Leur arrivée fut aussi tonitruante que si la foudre s'était abattue jusqu'à eux, découpant la roche dans un grand fracas. Tous s'immobilisèrent, et tournèrent la tête vers ces nouveaux intrus qui venaient de faire leur apparition. Les Pies chargées de la sécurité, qui n'étaient que cinq ou six, réagirent en premier lieu avec une précision toute militaire. Arme au poing, ils fondirent sur les assaillants, sans même chercher à les identifier. Ils n'avaient pas l'uniforme de l'Ordre, et c'était un crime suffisant pour mériter d'être condamné à mort.

Mais la situation, les gradés de l'OCF le comprenaient progressivement, était bien plus grave que prévue. Alors que le premier choc avait lieu, et que les premières Pies s'écroulaient sous les coups de ces chevaliers inconnus, le poids de cette intrusion s'abattait sur les épaules de chacun. Le repaire de l'Ordre avait été découvert ! Leur quartier général de Vieille-Tombe n'était plus sûr ! Warin se leva brusquement de sa chaise, en proie à un malaise qu'il ne pouvait décemment expliquer. En considérant les choses logiquement, il aurait dû garder son éternel petit sourire en coin accroché à son visage, et ne pas s'inquiéter de la suite des événements. Les hommes qui les attaquaient venaient d'affronter les hommes de cet idiot de Boros, et avaient dû subir de lourdes pertes pour arriver jusqu'ici. Ils n'étaient que le fer rouillé d'une lance depuis bien longtemps brisée. Ils ne pouvaient pas vaincre l'Orchâl, et leur pathétique tentative était vouée à l'échec. Et pourtant, il avait du mal à rester serein. L'inquiétude le tenaillait, car il savait que le fer rouillé d'une lance brisée pouvait encore frapper un cœur mal protégé.

Les Neleg et les Edwen qui se tenaient auprès de l'Orchâl, et qui constituaient le sommet de la hiérarchie de l'Ordre de la Couronne de Fer, hésitaient quant à la marche à suivre. Contrairement aux idées reçues, tous n'étaient pas des guerriers accomplis, et l'OCF n'était pas qu'une machine militaire bien huilée. C'était également un ensemble de stratèges et de planificateurs, qui centralisaient les renseignements que leur faisaient remonter les agents de terrain. Ceux-là voyaient d'un très mauvais œil l'arrivée de chevaliers, et ils ne parurent pas davantage rassurés quand, d'un autre couloir un peu plus loin, surgirent d'autres soldats ennemis. Les troupes de Boros, les rares hommes qui avaient survécu, tentèrent de repousser la charge des nouveaux venus, mais il était évident qu'ils allaient ployer sous le nombre. Déjà, les premiers murmures effrayés couraient dans l'entourage de l'Orchâl.

Warin du Gondor, noble de son état, aurait dû appartenir à cette catégorie. Il n'était là que pour les immenses ressources qu'il avait mises à disposition de son nouveau seigneur, et pour l'aide précieuse qu'il lui avait apportée dans le grand plan consistant à éliminer les acteurs les plus gênants qui entravaient la glorieuse marche de l'Ordre. Pourtant, malgré sa toilette luxueuse, son maintien impeccable, et sa coiffure parfaite, l'épée qui pendait à son côté était loin d'être purement décorative. Ouvragée et de qualité, elle l'était, mais il savait s'en servir mieux qu'il ne le laissait paraître. Rapidement, il observa l'Orchâl pour voir quelle serait sa réaction. La jeune femme délicieuse qu'Arzâzath avait décidé d'habiter se tenait droite et fière, observant la scène avec une expression indéchiffrable. Il semblait impossible de lire sur ses traits parfaitement humains, et sur lesquels on reconnaissait néanmoins l'empreinte immortelle du maître. Comme il ne réagissait pas, cela signifiait probablement qu'il n'entendait pas fuir le combat. Pas devant ce qu'il voyait comme une menace ridicule, bien vite balayée. Warin ne partageait pas son avis, et il cria à l'attention de tous, et plus particulièrement de ceux qui attendaient le bon moment pour s'éclipser :

- Aux armes ! Protégez l'Orchâl !

Ces ordres, il les distribuait sans se soucier des grades ou des jeux de pouvoir internes à l'Ordre. Les différences formelles avaient disparu, et maintenant la seule chose qui comptait était de savoir qui savait manier une épée. Une partie des guerriers se rassembla autour de leur maître, en un cercle protecteur. Toutefois, ils ne tiendraient pas le choc face aux chevaliers expérimentés qui les attaquaient. Tout au plus permettraient-ils au maître de s'échapper si la situation devenait vraiment catastrophique. Les autres, ceux qui avaient un réel talent militaire, décidèrent toutefois de ne pas rester en retrait. L'assassin Dalamyr fut le premier à s'élancer, avec la souplesse d'un chat. Il se porta à la rencontre de leurs ennemis qui franchissaient déjà le premier rideau des Pies, et engagea le duel. Warin le suivit immédiatement, certain que Sepsis et quelques autres allaient faire de même.

Il n'était pas particulièrement familier de ce genre de situations, et même s'il savait se battre, il n'était pas dans ses habitudes d'être pris dans une mêlée. D'autant que sa tenue d'apparat ne se prêtait guère à cet exercice. Il n'avait aucune protection, aucune cuirasse susceptible d'atténuer ou de dévier un coup chanceux. La moindre égratignure serait douloureuse et le ferait souffrir, assurément. Mais ce n'était pas cela qui allait le démonter. Il fixa du regard le chef des chevaliers, facilement reconnaissable car il était le seul à haranguer ses troupes, et qu'il progressait dans les lignes de l'Ordre comme si les armes de ses adversaires étaient en papier. Il ordonna toutefois à un de ses compagnons d'aller prêter main-forte aux deux prisonniers, et celui-ci s'exécuta. Warin, qui connaissait le talent des deux hommes, et qui imaginait fort bien la rage qui devait les habiter, considéra plus urgent de stopper cet individu. Le chevalier descendait les marches aussi rapidement que possible, mais il fut rattrapé par le noble gondorien, plus vif.

La pointe de l'épée sublime de Warin s'enfonça sans douleur dans la chair de Léaramn, à l'arrière de la cuisse, le déstabilisant suffisamment pour le faire trébucher et l'envoyer rouler dans les dernières marches. S'il avait été frappé un peu plus tôt, il aurait probablement vu sa nuque se briser sur une des marches de pierre, mais en l'occurrence le sable de l'arène freina sa dégringolade, et il se retrouva étendu par terre, sonné. Warin le rejoignit sans tarder pour lui porter le coup fatal, nous sans s'assurer que Sirion et Gallen étaient bien occupés. En effet, l'alerte avait été donnée, et trois guerriers de l'Ordre avaient pris sur eux d'aller les arrêter. Les fous ! Ils seraient massacrés prestement. Mais c'était une diversion suffisante pour lui laisser le temps d'achever son adversaire.

Il brandit sa lame et frappa comme un beau diable. L'acier rencontra l'acier, et son coup fut dévié in extremis. Pestant, il donna un coup de pied vicieux au jeune chevalier, juste là où il l'avait blessé précédemment, et essaya de lui porter un coup décisif. Mais le misérable était bien déterminé à survivre, et il esquiva au dernier moment, laissant l'épée frapper le sable sans lui faire de mal. Warin combattait comme un beau diable, l'empêchant de se relever vraiment. Chaque fois que Léaramn essayait de se remettre sur ses pieds, un nouveau blocage absorbait ses forces et mettait en péril son équilibre. Il devait rouler sur lui-même sans grâce, éviter comme s'il était totalement désarmé, et reculer, encore et toujours. Il finit par se retrouver contre un des murs de l'arène, et Warin s'approcha de lui, confiant dans ses propres capacités :

- Tu t'es bien battu, mon jeune ami... Qui que tu sois, d'ailleurs... Mais ne sacrifie pas ta vie inutilement. Tu as fait preuve d'un grand courage en t'attaquant à l'Ordre, et être arrivé jusqu'ici est la preuve d'un immense talent. Un talent que nous saurions mettre à profit pour créer un monde meilleur...

Warin était lancé. Sa langue était probablement plus dangereuse que son épée, et les mots qu'il employaient savaient trouver la faille dans la plus solide des armures. Il était un noble, un politicien, un homme formé à la rhétorique et à l'éloquence. Son intelligence et sa capacité à manipuler autrui avaient déjà fait des merveilles sur des adversaires bien plus coriaces que ce jeune homme essoufflé qui se tenait devant lui. D'une voix suave, il poursuivit :

- J'ai tout quitté pour servir cet idéal... J'ai abandonné ma richesse, mon pouvoir, mes rêves de jeunesse, pour un bien supérieur : la paix, l'ordre, la sécurité. Ne voudrais-tu pas d'un monde pareil, chevalier ? N'est-ce pas ce à quoi tu as consacré ta vie ? Protéger les faibles, et servir les rois ? Tu pourrais accomplir ton serment, mais être délié de l'obligation d'affronter un autre royaume. Car qu'apportent les rois, à part du sang et des larmes ?

Il plissa les yeux, essayant de déterminer d'où pouvait bien venir ce guerrier, pour mieux ajuster son discours. Il analysa rapidement ses vêtements, la forme de son épée, les traits de son visage. Il cherchait une façon de rendre ce discours plus personnel, plus touchant, plus efficace en somme. Il repéra de minuscules détails qui indiquaient son appartenance au Rohan. Une cuirasse comme on n'en fabriquait que dans ce pays, la garde de son épée caractéristique des plaines du Riddermark. Warin le dissimula bien, mais un immense sourire intérieur s'empara de lui. Oui... Il voyait l'ouverture parfaite :

- Regarde le Rohan, par exemple ! Notre objectif était d'apporter la paix à tous, mais vois ce que le roi Hogorwen a fait ! Il a détourné notre cause de son chemin. Il a préféré servir ses propres intérêts, et il a mal employé le pouvoir que nous lui avions confié... Nous sommes desservis par les gens envieux, avides. Nous avons besoin de cœurs purs, d'hommes d'honneur capables d'employer le pouvoir qui leur est confié avec bienveillance.

Il sentait que ses mots s'insinuaient profondément dans l'esprit du jeune rohirrim, et qu'ils le faisaient réfléchir. Il sentait qu'il était en proie au doute, que ses défenses mentales mises à rude épreuve. Ce paysan à qui on avait donné une épée et une armure n'était rien par rapport au noble du Gondor qui le toisait, et Warin était certain qu'il ne tiendrait guère face à ses assauts. Il finirait par succomber, et s'inclinerait devant l'Orchâl avec la foi dans les yeux et des suppliques sur les lèvres. Sûr de lui, il porta l'estocade :

- Allons, mon jeune ami, soyez honnête avec vous-même... N'avez-vous jamais rêvé d'avoir le pouvoir de punir les coupables, et de protéger ceux que vous aimez ? Peut-être... peut-être avez-vous une femme que vous aimeriez voir s'épanouir dans un monde de paix. Ou peut-être courtisez-vous une belle et charmante demoiselle, auprès de laquelle vous voudriez demeurer sans craindre d'être appelé par les cors de la guerre. Peut-être y a-t-il une femme... dans vos souvenirs ou vos rêves... que vous aimeriez revoir. Une femme que les ambitions guerrières d'un roi, d'un prince, d'un seigneur, maintient loin de vous...

Le combat le plus difficile, pour le jeune rohirrim, ne se déroulait pas dans l'arène de sable, ou sur le balcon où s'affrontaient toujours les hommes vaillants qui s'opposaient pour de nobles idéaux. Non. Il se déroulait à l'intérieur de sa propre tête, et son ennemi était le serpent du doute, dont la reptation lente et constante étaient plus déroutantes que la plus originale des passes d'armes. Patient, Warin attendit sa réponse, certain que la victoire était sienne.

#Boros #Shiva #Sepsis #Swan
Sujet: Colin maillard mortel
Gallen Mortensen

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Rechercher dans: Vieille-Tombe   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Colin maillard mortel    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 29 Oct 2013 - 14:26
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Sepsis se trouvait en retrait par rapport à l'Orchal. Il distinguait l'apparente silhouette frêle de son maitre. Un peu plus loin la canthui Shiva scrutait les yeux enflammés la scène qui se déroulait sous son magnifique regard d'ébène.Cette femme aimait la violence et le sang, Sepsis le nota mentalement, cela pouvait être un talon d'achille.

Le neleg sentit la présence de Swan derrière lui. Éternellement les bras croisés, son sourire suffisant accroché aux lèvres. Sepsis se retourna simplement, le canthui se tendit et on sourire s'effaça quelques secondes. Satisfait de son effet, l'arnorien fixa les deux loques humaines en contrebas. L'Orchal voulait jouer. Sepsis le nota aussi au cas où.....

Le neleg avait ordonné au canthui Dalamyr d ese tenir près en cas de pépin. L'entrée des catacombes avait été renforcée, cet avorton de lefnui Boros en avait la charge, une escouade de ses meilleurs agents en soutien et une ou deux surprises en cas d'intrusions.Sepss avait reçu les différents rapports: Imladris était à leur botte, Pélargir aussi, le Rohan sous contrôle, la situation en Arnor plus complexe, Aldarion était invisible aux yeux de l'Ordre, mais Caleb était un agent rusé. Sepsis aime le travail bien fait , Etelion était toujours à la cité blanche mais impossible de savoir où se trouvait ce nobliau fantoche d'Erco Skaline. Le neleg détestait l'ignorance cela l'agaçait au plus haut point. Un adage rhunien lui revient en tête. Une langue simple sans fioriture. "Soit patient comme le soleil"

Sepsis respira profondément et plongea son regard dans la pénombre pour observer le combat qui s'annonçait

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Complètement désorienté, Gallen se releva le plus rapidement possible. Ses jambes étaient flageolantes mais il fut surpris de constater qu'elles supportaient son poids.
Il était prêt à se battre, Il hurla un bref instant . Puis il stoppa son mouvement . Il souleva ses cheveux collants de crasse, de sueur et de sang pour découvrir le visage émacié tuméfié de son ami Sirion. Le rohirrim le prit par les épaules, heureux de le voir

"Sirion mon ami, ils t'ont eu aussi , mais que t'ont ils fait ces salauds ?"

Gallen ne se voyait pas mais il était dans un état aussi piteux que son compagnon Passeur.

Puis le maréchal du Rohan se tourna vers le balcon. Il découvrit l'Orchal. Il écouta la voix emprunt de force et de chrisme descendre vers lui. Gallen baissa la tête sur l'épisode de lion opulent, il risqua même un regard vers Sirion, la honte le taraudait, il eut presque un haut le cœur.

À la fin du discours de leur ennemi Gallen hurla sa frustration, il cracha littéralement

"Descend te battre, Ordure"

Puis un son guttural presque inhumain sortit de sa bouche déformée par la haine

"AAAAAAH"

Il se rua sur le mur décrépi le frappant de ses deux poings. Ils s'inondèrent rapidement de rouge sang. Puis il fixa Sirion qui lui restait stoïque, mais Mortensen sentit la flamme brûlée chez son ami. Gallen observa la salle , il remarqua l'étendue de la pièce, la dureté du sol. Incroyable, il se préparait à son duel.

C'est donc ainsi qu'il mourrait. Toujours cette litanie

Les images de Lion opulent , de Thorin et Farma s'imposèrent à son esprit. Comme un pantin il s'avança vers Kaya il passa près de Sirion il murmura juste "Désolé vieux frère"

Le contact de la poignée de sa meilleure amie le rassura  . Il la fit tournoyer avec élégance

Il hurla à l'encontre de l'Orchal

"Vous êtes des monstres"

Puis il entendit une petite voix presque diabolique lui parler en son for intérieur: il était temps de savoir ... Oui il était de savoir qui était le meilleur.

Le regard bleu cobalt de Gallen Mortensen plongea dans la regard ébène de Sirion Ibn Halad . Puma reconnut sûrement ce regard celui de la mort , il l'avait déjà vu chez son ami.

Gallen embrassa sa lame comme toujours. Il la pointa vers Sirion.

"À la vie , à la mort Puma. J'aime Farma est mon unique argument pour ce que je m'apprête à faire. Tu es et restera mon meilleur ami. "

Il ménagea une pause. Son regard se durcit encore

"En garde Sirion! Nous allons savoir qui est le meilleur sous peu !!"


Gallen avança d'un pas. La danse écarlate allait reprendre ses droits sous le regards et les rires moqueurs de l'Ordre de la Couronne de Fer.[/b]

#Gallen #Mortensen #Sirion #Dalamyr #Orchpal #Sepsis #Swan #Shiva #Warin
Sujet: Colin maillard mortel
Gallen Mortensen

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Rechercher dans: Vieille-Tombe   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Colin maillard mortel    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 16 Oct 2013 - 16:56
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Sepsis les bras croisés sur sa poitrine  comptait dans sa tête l'égrènement des secondes  qui passait comme l'eau file dans les rivières. Il le faisait en naugrim, selon lui la langue la plus adaptée aux sciences. Une partie de son cerveau était tout à cette énumération. En effet le Neleg ne pouvait pas utiliser sa toupie pour s'intérioriser , il devait faire avec les moyens du bord. Mais l'autre partie de son cerveau était tendue sur son interlocuteur, son maitre si Sepsis en avait un dans les terres du milieu autre que la mort.

Il doit bien l'avouer, bien que lui rendant 1 bonne tête, l'Orchal était plus qu'impressionnant. Sa voix calme froide impérieuse imposait l'obéissance et le respect. Sepsis nota néanmoins des sautes d'intonation chez le maitre de l'Ordre peut être du au changement de climat . L'assassin posa un regard rapide sur la sublime créature à ses cotés, la canthui Shiva. Il remarqua la fiole sui pendait nonchalamment à sa taille:  Immédiatement le neleg reconnut des liquides du Rhun: le fameux antidote, il avait étudié auprès de maitre Hasharin même si celui-ci ne sut jamais qui était son élève plus que doué.... le naïf.....

Sepsis releva la tête écoutant les ordre du maitre. Il doit bien avouer qu'il ne les comprenait pas. Le maitre voulait jouer avec les prisonniers. Sepsis réfutait le jeu dans de telles circonstances et il doit bien se l'avouer  ce changement de programme lui interdisait une confrontation plus sportive avec Puma.

Sepsis posa un nouveau regard sur Shiva. Elle était d'un charme fou. Mais l'anorien n'étit pas dupe , c'était une tueuse experte. Il aimerait la tuer cela était sûr.

Mais quelle beauté !! Pas étonnant qu'elle avait été choisi pour s'occuper de ce maréchal rebelle, une basse besogne pour Sepsis, le rohirrim n'était qu'un paysan , un cul terreux. Un poème elfique vint immédiatement à son esprit. L'elfique était la langue de l'amour et de la passion.

La voix atone de Sepsis s'éleva:

"Maitre excusez moi mais c'est selon moi une erreur, ces prisonniers peuvent encore parler ils savent des choses"


Mais rien n'y fait L'Orchal avait parlé. Sepsis remarqua bien que Shiva était de son avis. Que faire? L'ordre n'est pas une démocratie, Orchal décide et on s'exécute.

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Sepsis avait croisé dans les sombres couloirs Swann. Le neleg aurait bien volontiers agrandi son sale sourire avec son rasoir. Une sorte d'œuvre artistique ambulante. L'assassin était sûr que Swann faisait partie de ceux qui s'opposait à son ascension fulgurante dans l'Ordre.

Tout en continuant son chemin, Sepsis affichait lui aussi un sourire qui glaça Swann lui même, le neleg chantonnait une chanson aux accents gutturaux, c'était un hymne de guerre gobelin .

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Swan  entra dans la geôle de Gallen  Mortensen avec deux pies. Immédiatement le rohirrim se rua sur l'agent de l'Ordre. mais la chaine le bloqua. A son habitude Swann eut un sourire mauvais. Il claqua des doigts. Et les pies rossèrent le maréchal de nouveau. Mortensen hurla se débattit mais il dut de nouveau se rendre à l'évidence, il était vaincu. Il allait mourir.
La tête embrumé il découvrit Swan s'avancer vrs lui, recouvrit sa tête d'un sac. Il sentit qu'on le libérait de ses chaines et qu'on trainait sans ménagement. Vers sa mort sûrement.

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Boros entra lui aussi dans une geole. Dans celle de Sirion  dit puma sibyllin , pair du royaume d'Arnor. l'homme était craint dans les rangs de l'ordre : meurtrier de Balthazar , du neleg Nain. Le lefnui fut surpris , l'homme semblait détruit. Mais Boros n'était pas dupe, Sirion avait morflé mais son regard dégagé encore de la force. Comment ce passeur avait tenu contre Sepsis?

Boros recouvrit le visage émacié d'une cagoule. Il ne réagit pas. Il fut trainé par deux pies. Mais l'agent de l'Ordre était certain qu'à la moindre erreur Sirion les tuerait .

#Sepsis #Shiva #Swan #Boros #Orchal
Sujet: Voyage au bout de l'enfer
Gallen Mortensen

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Rechercher dans: Vieille-Tombe   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Voyage au bout de l'enfer    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyLun 11 Mar 2013 - 17:03
Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! Homme_10

Le maréchal avait les bras tendus enchainés. Il tremblait, car son torse nu recevait sans interruption des gouttes d'eau froides suintant du plafond grossier. Le coup de poing fit de nouveau vaciller le champion du Rohan. Mais dans un nouvel hurlement il se redressa défiant l'ignoble colosse qui le tabassait avec une méthodicité cruelle.

Il lui cracha à la figure

"Je vais te tuer "

Mais aucun son ne sortait de la bouche du bourreau qui inlassablement tentait de détruire le rohirrim. Auncun son et surtout aucune question. Mais pourquoi ne le tuait il pas?? Quel intérêt? Un jeu ? Des informations? mais lesquelles?

Le voyage vers sa dernière demeure, Gallen en était de plus en plus certain avait été long et pénible. Il avait chevauché durant deux jours plein sud avec le sombre Swan puis arrivé aux confin du Rohan , ils furent rejoints par une petite troupe. Gallen fut assommé et ses yeux furent occultés par une cagoule noire ébène.

A son réveil il fut pris de nausées et était attaché à cette foutue chaine torse nu. La peur mélée à la culpabilité et à la rage cohabitaient dans l'esprit embrumé du maréchal déchu.

C'est donc ainsi qu'il mourrait.
Encore cette satanée litanie morbide.Il se rendit compte que le seul visage qui lui manquerait serait celui de sa belle épouse. Ne plus voir sa bien aimée le rendait fou. L'espoir de la soigner était mince mais il était responsable de son état, il devait tenter sa chance.

Gallen eut un sourire intéreiur il se retrouvait dans la même situation que l'Inconnu qu'il avait vaincu il y a près de cinq ans aux portes de la cité d'Eomer. Et Gallen Mortensen fils de Lars était bien décidé tout comme sa némésis de ne pas parler, sa dernière bravade.

#Swan #Gallen #Mortensen #Boros
Sujet: Un nouveau roi au Rohan ??
Gallen Mortensen

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Rechercher dans: Aldburg   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Un nouveau roi au Rohan ??    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMer 20 Fév 2013 - 14:07
Gallen regarda sans un geste ni un mot partir Eradan et Orwen. Le champion du Rohan comprit le desarroi des deux jeunes gens. Il remarqua le fremissement des mains d'Orwen , il avait perdu son père et s'apprêter de nouveau à fuir.

Chose rarissime, Gallen baissa les yeux dans un sentiment patiné de honte de tristesse et de rage.

Le rohirrim fixa un bref instant le dos des deux jeunes hommes. Puis il sortit récupérer les clefs des chaines du prisonnier.

D'un ton solennel, il répondit au guerrier

"Moi Gallen Mortensen, maréchal de la marche est du Rohan jure en cet instant de respecter ma promesse. mais sache que si il arrive le moindre ennui à mon épouse je t'abbats comme un chien"

Gallen eut une boule au ventre. Il faisait le coriace mais il doutait de revenir de son prochain périple .

Puis d'un ton autoritaire il ordonna au geolier de remettre son équipement et ses armes à Rohk. Le rohirrim prit en main l'épée du guerrier de l'OCf et admira sa facture.

D'un ton neutre il complimenta

"Une belle lame"

Puis il lui indiqua

"Tu trouveras mon épouse dans mes appartements , prends garde car j'ai de nombreux ennemis, Rokh"

Puis il regarda le fier soldat du Sud tentant ne pas montrer l'étendue de ses blessures quitter sa prison.

Gallen resta seul un long moment. Sa respiration était difficile .Il faillit tomber et se rattrapa en posant ses mains sur les murs grossiers et humides. La culpabilité, la peur le taraudaient.

Puis avec difficulté il remonta. Il se força à respirer à pleins poumons. Son regard se posa sur ses appartements. Il aperçut une lumière blafarde. Eothain son ecuyer devait être au chevet de Farma.

Tu vas me manquer mon Amour, fut son unique pensée.

Gallen se redressa, et se rendit sur la parvis de l'armuerie. Il entendit un bruit de calvacade et des ordres claqués. Déjà la rumeur croissait, Orwen avait quitté précipitamment Aldburg avec deux cents cavaliers pour des raisons inconnues.

Le Maréchal ferma de nouveau les yeux, il eut un haut le coeur tellment ce qu'il s'apprêtait à faire le désolait. Il aperçut appuyée près de l'enceinte de l'écurie une silhouette encapuchée: Swan.

Sur son promontoire ,Gallen aperçut au loin dans l'aube naissant galopant sur les plaines du Riddermark une petite colonne de cavaliers, c'était Erco.... Un mince espoir vint dans le coeur du rohirrim.Mais lui était perdu.

Prenant son courage à deux mains , le champion du Rohan demanda à faire sonner le cor d'Aldburg.

Le son resonna se heurtant aux murs à demi effondrés. Puis la population arriva petit à petit , surprise par cette semonce.

Gallen découvrit le jeune Fendor accompagné par la maison du Roi. Il lança un regard noir vers Eoseld.

Enfin, sa voix de stentor s'éleva dans le ciel blanchâtre

"Mes amis, Mes compatriotes. La bataille d'aldburg a été gagnée par vous et pour vous. mais à quel prix ? Regardez autour de vous.... Il nous faut un roi légitime en ces noirs instants. Et moi Gallen Mortensen , Maréchal de la marche est déclare que le jeune Fendor fils de Firion est le roi légitime, mon épée est sienne"

Puis il s'agenouille

Au départ chacun fut surpris. puis la foule à son tour s'agenouille devant Fendor. Puis le jeune garçon est acclamé.

Gallen se relève difficilement, il n'entend pas les questions autour de lui. Dans un état second il traverse la foule agglutinée.

Il effectue une réverence à Fendor

"Soyez digne de votre père Majesté. je sens de la force en vous. Suivez votre instinct"

Puis Gallen se dirigea vers les écuries. Il croisa Eoseld. Les deux hommes se toisèrent un instant.

Le maréchal expliqua sombrement

"Je sais"

Puis il continua sa route sans un regard.

La silhouette se redressa à son arrivée c'estait bein ce fameux Swan

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L'agent de l'ordre resta muet. A son coté Kaya, l'épée du maréchal. Silencieux également Gallen monta sur son étalon ébène.

Il était à son tour aux mains de l'Ordre.

#Gallen #Mortensen #Swan #Fendor
Sujet: Avec l'Ordre les choses ne sont pas si simples.
Forlong

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Rechercher dans: Aldburg   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Avec l'Ordre les choses ne sont pas si simples.    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 29 Jan 2013 - 3:07
Un silence mortel s'empara des appartements du maréchal Mortensen...Il était à présent resté seul, hormis Dame Farma, plongée dans un sommeil renforcé par les narcotiques de Rihils. La vision de Gallen était brouillée, et il était perdu dans les pensées noires, lorsqu'une voix retentit derrière lui:

-Vous devez vous demander à quoi cela sert de ressortir victorieux et recouvert de gloire d'une bataille, si seule la mort et les larmes vous attendent à votre retour auprès de vos proches...


Lorsque le maréchal se retourna, il put apercevoir un homme appuyé de façon nonchalante contre le mur. La neige sur sa cape de voyage noire n'avait pas encore entièrement fondu; il portait une tunique élégante et un foulard blanc autour du cou, ses vêtements soulignant sa silhouette svelte. L'intelligence brillait dans son regard, ses lèvres ornées par une moustache fine étaient déformées par un léger sourire. Qui était cet homme, et comment avait il fait pour s'introduire dans la cité, et parvenir jusqu'aux appartements du maréchal?

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-Vous vous demandez probablement qui je suis...Je m'appelle Swan. Canthui de l'Ordre de la Couronne de Fer.L'homme se tut pendant un instant. Sa main disparut dans les profondeurs de sa cape, et il en sortit un sac de tissu noir, qu'il posa sur la table. Voici une preuve de mon identité...vous reconnaîtrez sans doute ce visage.


Lorsque Gallen ouvrit le sac pour inspecter son contenu, il put y découvrir avec horreur la tête décapitée et conservée de Cantelmo de Sora, le Lion Opulent, un des quatre pères des Passeurs des Etoiles, qu'il jurait faire souffrir quelques instants auparavant...

Swan l'observait attentivement. Le sourire léger ne quittait pas ses lèvres, mais une lame à raser était dissimulée dans la paume de sa main, sous sa cape. Il savait que le seigneur d'Aldburg était imprévisible en ce moment, et que sa colère et son deuil pourraient l'inciter à s'attaquer à l'envoyé de la Couronne de Fer. Le maréchal leur était inutile s'il était incapable de contrôler sa furie...s'il levait la main contre Swan, le canthui l'abattrait tel un chien enragé, avec le même rasoir qui trancha la gorge de l'apprenti mage de la Cité Blanche.

-Vous savez...tout n'est pas encore perdu pour vous. Notre Ordre dispose du savoir de mille générations, et de moyens qui dépassent votre imagination...Votre femme...belle dame Farma...pourrait regagner l'usage de ses jambes...elle pourrait même vous donner un autre enfant. Un héritier. Loin, à l'Est, dans des terres qui vous sont inconnues, il existe un remède capable de soigner votre femme maréchal, croyez moi ou non...certains guérisseurs en Terre du Milieu en ont entendu parler, mais le considèrent comme une légende, disparu il y a des années...mais le remède existe toujours. Votre épouse le recevra, seigneur Mortensen...mais vous devrez quitter Aldburg, et venir avec moi, cette nuit.


L'émissaire de l'Ordre soupira en se redressant, et rajouta;, en regardant Gallen droit dans les yeux:

-De toute façon vous savez que vous avez perdu ici, maréchal, et que votre victoire n'est qu'une illusion...La mort de Hogorwen n'arrêtera pas l'avènement de la Couronne de Fer. La seule question que vous devez vous poser est celle-ci. Jusqu'où êtes vous capable d'aller pour la femme que vous aimez?

#Swan
Sujet: Négociations glacées...
Forlong

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Rechercher dans: Les Caves d'Or   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Négociations glacées...    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySam 24 Nov 2012 - 22:02
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Swan était plongé dans la lecture d'un parchemin, assis de manière nonchalante sur le trône du gouverneur. Lorsqu'il remarqua la silhouette de Burfëa, il leva les yeux, sa main se posant immédiatement sur le rasoir. Ceci dit il ne paraissait ni surpris, ni particulièrement inquiet. Il enfila lentement des fins gants de cuir sur ses doigts, sans quitter l'elfe des yeux. Le lieutenant de l'Ordre finit par dire:

-Vous pourriez diminuer un peu le drame de vos entrées, maitre elfe...il fait assez froid comme ça, et avec le prix de bois de nous jours...Ceci dit, je suis content de voir que vous avez accompli votre mission. Toujours aussi efficace, vous pourriez aller loin...si vous aviez un sens d'humour un peu plus développé. A mon tour de respecter ma partie du contrat, je suppose. Comme je vous ai dit, l'Ordre dispose de quelques ouvrages qui pourraient vous intéresser. Cependant ils le sont pas ici, et même s'ils l'étaient, je doute que vous ayez la capacité de les déchiffrer entièrement. Si vous voulez approfondir votre magie, vous irez vers l'Est, là où vos sortilèges de froid vous serviront peut être davantage. C'est à Blankanimad, au Rhûn, que vous rencontrerez celui qui vous enseignera la sorcellerie. Vous vous rendrez au quartier des commerçants, chez le boucher Bashaar. Vous vous présenterez en Noir-Parler, et il vous guidera vers la personne que vous recherchez. Ceci dit, je vous conseille de faire attention...Sous le règne de reine Lyra, les elfes ne sont pas les bienvenus au Rhûn, et les fanatiques melkorites parcourent le royaume, prêts à égorger n'importe quel représentant de cette race. Ce ne sera pas un voyage facile...


Le lieutenant de la Couronne de Fer se tût, avec un sourire léger sur les lèvres. L'opportunité de rencontrer un véritable maitre de la magie noire était une chance rare pour Burfëa, et l'accès aux grimoires était une perspective tentante. Cependant Swan avait ses propres motifs derrière l'offre. Un sorcier parcourant librement les royaumes de l'Ouest pouvait être aussi dangereux qu'utile; il serait un atout plus sûr sous la tutelle de quelqu'un capable de le contrôler.

***

Comme à son habitude, Asthrabal était entouré de gardes, discrets mais armés jusqu'aux dents. Il fronça ses sourcils lorsque le feu de cheminée s'éteignit, et regarda Burfëa sans sympathie. Le Bourgeois claqua des doigts, et deux serviteurs entrèrent dans la pièce luxueuse, se vouant à la tâche difficile de rallumer le feu. Le marchand répondit alors:

-Tant mieux...tant mieux. J'ai effectivement ce qu'il vous faut, Asthrabal paye toujours ses dettes.


Ses doigts recouverts de bijoux se posèrent sur un tube rouge contenant un parchemin. Il le tendit dans la direction de Burfëa, sans l'inviter à s'asseoir, et ne lui offrant aucun rafraîchissement.

-Je suis sûr que vous trouverez le contenu de ce parchemin satisfaisant. Ceci termine notre contrat, et ici nos chemins se séparent...à moins que vous ayez quelque chose d'autre à me demander.

Lorsque Burfëa ouvrit le tube, il put y découvrir un parchemin en très bon état, décrivant deux sortilèges différents. Le premier servait à enrager les animaux et les inciter à attaquer tout être vivant dans leur entourage. Une note annonçait cependant que les effets de ce sort étaient limités, par la taille de l'animal ainsi que sa fidélité à son maître. Le deuxième sort cependant, était pratiquement illisible. La page était recouverte de symboles étranges, que Burfëa ne connaissait pas. Il pouvait s'agir d'une langue orientale, du langage d'Angmar, ou d'un autre alphabet mystérieux...'Je doute que vous ayez la capacité de les déchiffrer entièrement....' Les paroles calmes de Swan résonnèrent dans les pensées de l'elfe.

#Swan
Sujet: Négociations glacées...
Burfëa

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Rechercher dans: Les Caves d'Or   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Négociations glacées...    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 30 Oct 2012 - 12:29
Burfëa, suite à son entrevue, s’était levé puis avait disparu de la pièce. Après son départ, le froid s’était levé, l’âtre reprenant sa splendeur et sa chaleur. L’elfe, la cape en main, la passa immédiatement aux épaules. Il n’en avait guère besoin pour l’heure, mais il la préférait ainsi, utile pour le peu de temps où elle resterait entre ses mains que simplement fourrée dans l’une des multiples poches de son ample bure d’obscurité. Les négociations avaient duré, et l’elfe sentait que la lune était à présent haut dans le ciel, bien que par le temps qu’il fit, un temps polaire, l’on ne pu observer les astres, donc donner une heure précise. Le ciel était teinté d’un léger rose qui s’étendait sur tout son masque de nuages. La neige tombait en de nombreux et épais flocons, à peine visibles dans la nuit gelée. Engoncé de sa cape d’ombre, Burfëa semblait peu à peu se fondre aux ténèbres, son élément. Il était temps de retourner vers la Couronne de Fer.


L’elfe avançait à présent seul dans les landes sauvages. La neige jusqu’aux chevilles, il progressait pourtant rapidement. Le froid n’avait que peu d’emprise sur lui, et ce n’était guère plus que transformer sa respiration en nuage de vapeur. Les yeux de notre personnage, d’une acuité sans pareil, distinguaient des traces de pas multiples. Malgré cet hiver glacé, il y avait toujours des gens pour voyager. Des personnes comme lui peut être, en quête de rédemption ? Notre immortel ralentit doucement sa marche. Dans le silence sauvage, le seul bruit de la neige crissant sous ses pieds semblait un tonnerre, mais ses oreilles entendaient à présent un ouragan ; non loin, le grondement d’un torrent. Oui, l’une des nombreuses ramifications qui irait se jeter à l’anduin puis la grande mer. Malgré les nombreux gels, l’eau coulait toujours, vive et menaçante sous une couche de glace précaire. Traverser maintenant aurait été risqué, un pari dangereux…À moins de ne renforcer la glace plus encore. Pour cela, il faudrait faire chuter encore la température. L’elfe sourit faiblement. C’était une possibilité, en effet. Il sortit sa main droite de sous ses épaisseurs d’étoffes noires et s’avança vers le bord du courant, prenant bien garde à ne pas glisser. Là, il sortit enfin son épais grimoire, et se mit à feuilleter les pages. L’ouvrage était incomplet, car de nombreuses pages avaient été pillées.  Celles qui restaient étaient toutefois en parfait état, le temps ayant passé sur le livre avec guère plus d’effet qu’un ruisseau contre du granit. Les sortilèges présentés étaient uniquement ou presque de l’ordre  du mental. C’était notamment le principal talent de l’elfe pour cette raison ;  ces pages, il les avait étudiées encore et encore, tournant chaque phrase, chaque mot en un nouveau sens à chacune de ses lectures et les enrichissant de ses propres expériences. Ce livre était comme un habit que chacun portait, et qui s’accommodait à la personnalité du porteur pour lui faire lire des choses différentes. Néanmoins, il ne faisait nul doute que c’était un ouvrage maléfique. Burfëa n’avait d’autre choix que la plongée dans les ténèbres pour pouvoir revenir à la lumière crépusculaire qu’il recherchait. Ses doigts s’arrêtèrent sur une page. Une aura de froid. Parcourant la page des yeux, il en mémorisa les incantations. Après les avoir récitées plusieurs fois dans sa tête, il rangea son livre sous son manteau, avec grand soin. L’effet du sortilège durerait longtemps, nul doute. Car il ne connaissait guère le contre-sort. Ce n’était pas grave. Avec ce froid, peu de personnes s’en apercevraient. Il se racla la gorge, puis d’une voix assurée entama son chant. Sa voix était claire et mélodieuse, mais semblait lointaine à présent. L’on eût dit qu’elle provenait du sol, des profondeurs, d’une étrange légèreté mais d’une profondeur caverneuse. L’air s’agita, alors que les flocons commençaient à tourbillonner autour de Burfëa. Il poursuivait ses formules mystiques, avec une concentration qui était presque transe.Les flocons et la pellicule de neige à ses pieds reculèrent alors qu’il se taisait, dévoilant le sol nu. Ses yeux virent alors parfaitement la terre se fissurer sous un froid nouveau. Sur la roche, des fleurs de givre éclosaient. Notre personnage avait réussi son sort. Mû par une assurance nouvelle, il se remit à marcher, posant le pied sur la glace qui s’était formée en surface du fleuve. Sans hésitation, il avança. L’eau, à l’approche de sa présence, gelait en profondeur. Il traversait le fleuve. Bientôt, il arriva de l’autre côté de la large étendue d’eau. Un véritable succès. Burfëa ramena sa capuche sur son visage puis sourit. Froidement.


******

Le palais de Pelargir…Ce palais qu’il avait aidé à prendre. La Couronne de Fer avait ainsi pu s’établir à un port, position stratégique avantageuse s’il en était. Celui qui donnait ses missions à Burfëa, Swan, avait pris le poste de gouverneur. La cité, sous la direction de la Couronne de Fer, s’était refermée sur elle-même. La garde aurait sans doute arrêté notre elfe à vue, de part son accoutrement peu…Amenant. Mais la cape d’ombre dont il était vêtu lui permettait de se fondre dans les ombres. Et la discrétion des elfes n’est plus à prouver. Sans que personne ne s’en soit aperçu donc, Burfëa passa les portes, traversa tout le port, et arriva au palais, laissant derrière lui un souffle glacial, un baiser de givre mortel. Les gardes ressentirent très nettement la baisse soudaine de température.

- Fait pas chaud hein ? Dit l’un d’eux en riant
- Ah ça non !  Ce maudit hiver qui n’en finit pas…


Profitant de l’engourdissement des gardes et de sa discrétion décuplée, l’elfe passa derrière eux sans être remarqué, et il ouvrit même les portes du palais sans un bruit, entrant. Là, il se redressa de toute sa hauteur. La salle du trône. Au fond, un homme portant une ombre de moustache observait dans sa direction. Notre ombre s’avança dans la lumière d’un pas calme et uni, et ôta de son dos la cape noire de dissimulation, qui ondula entre ses doigts, liquide et insaisissable. Un froid polaire avait envahi  la pièce.


- Voici ce que vous m’aviez demandé, Swan,
dit Burfëa d’une voix posée et froide.

******


Il pleuvait certes à Lossarnach. Mais à l’approche d’un personnage engoncé d’un noir manteau, la pluie se fit neige, et la boue gela instantanément. Deux yeux qui brûlaient d’une étrange énergie se fixèrent sur les gardes, qui déjà familiers, ne s’interposèrent pas. Le personnage pénétra dans la riche habitation, familière. L’âtre était toujours là, mais à l’entrée de l’être, il fut soufflé et s’éteint immédiatement. Burfëa n’émit pas même un sourire. Son visage n’était pas visible, dans l’ombre de sa capuche.


- J’ai reçu votre message…Asthrabal.





Note: La partie entre étoiles pourrait être intégrée dans un autre topic, celui où se trouve normalement Swan. Si, pour des raisons pratiques, vous souhaitez poursuivre en parallèle les deux discussions, je n'y vois aucune objection.

#Swan
Sujet: [FB] À la croisée de Rohan et de Gondor...
Forlong

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Rechercher dans: Le Rohan   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: [FB] À la croisée de Rohan et de Gondor...    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyMar 5 Juil 2011 - 0:39
-Oui, l'on pourrait croire que la mortalité humaine nous inciterait à respecter les règles cruelles du temps. Mais peut être que les ignorer nous permet de mieux profiter de nos brefs moments...ou alors il y a des raisons valables pour notre retard, des raisons dont la nature exacte ne vous concerne point.

La voix de l'infâme barbier, car c'était effectivement ce personnage familier à Burfëa, se fit dure comme l'acier lorsqu'il prononça ces derniers mots. Il établissait à présent l'autorité. L'elfe lui devait la vie, et allait remplir son contrat jusqu'à la lettre, ou il la perdrait.

-Vous avez bien fait de répondre à l'appel, maitre elfe. Suivez moi.

L'homme se dirigea alors vers la frontière de la forêt des Druadan, qui marquait la frontière avec le royaume du Gondor. Lorsqu'ils pénétrèrent sous l'ombre des arbres,  les yeux elfiques de Burfëa purent distinguer trois grands chariots bâchés, tirés par des chevaux. Un petit groupe d'hommes en tenues paysannes s'occupaient des chevaux, mais quelque chose dans leur démarche et comportement indiquait qu'il ne s'agissait pas de fermiers. Lorsque le barbier ouvrit la toile qui recouvrait le premier chariot, l'elfe put apercevoir six hommes assis à l'intérieur. Ils étaient tous habillés en noir, leurs torses recouverts par des cottes de maille. Ils étaient armés de haches, de poignards et d'épées. Certains saluèrent leur commandant et Burfëa, d'autres les ignorèrent, jouant avec leurs armes ou regardant dans le vide. L'elfe put se douter que le même genre d'équipage se trouvait dans les deux autres chariots. En tout, une vingtaine de professionnels armés jusqu'aux dents...il ne s'étaient probablement pas rassemblés pour une cueillette de champignons.

***

Le barbier, qui demanda à Burfëa de l'appeler Swan, l'invita à s'asseoir à l'avant du premier chariot, qui se mit aussitôt en route à travers la forêt. Le chemin fut long mais dépourvu d'émotions autres que l'ennui. Les chariots n'étaient pas le moyen de locomotion le plus rapide, mais n'attiraient pas trop de regards, même lorsque le groupe arriva sur les chemins plus fréquentés du royaume. Au bout de quelques jours, l'odeur du sel se fit sentir dans l'air. La nuit était déjà tombée, et Swan donna l'ordre d'arrêter les chariots pendant un moment.
Il dit à Burfëa:

-Nous nous approchons de la cité portuaire de Pelargir. C'est loin d'être une cité de saints, mais les gardes à l'entrée ont la fâcheuse tendance de vérifier le contenu le contenu des chariots qui essayent de traverser les portes de la ville. C'est là que vous intervenez. Il faut que l'on s'infiltre dans la cité sans soucis. Et ensuite, il s'agira de pénétrer le palais du Gouverneur...ne nous décevez pas.

Sur ces mots, le barbier leva la main en signe que les chariots pouvaient à nouveau se mettre en route...bientôt, les portes fermées de Pelargir apparurent devant eux.

#Swan
Sujet: Les dents du Loup
Forlong

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Rechercher dans: Le Palais   Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptySujet: Les dents du Loup    Tag swan sur Bienvenue à Minas Tirith ! EmptyJeu 14 Avr 2011 - 20:05
L'homme rigola, non pas un rire sec, mais rempli de jovialité, comme si il voyait vraiment quelque chose d'hilarant dans les paroles brèves de Burfëa.

-Un elfe qui passe tout de suite aux affaires? Incroyable, vraiment! Votre instinct ne vous trompe pas. Je souhaite effectivement utiliser vos...talents. Je pense que c'est la moindre des choses que de rendre un petit service à votre sauveur, n'est ce pas? A moins que vous préfériez que je vous ramène au point de départ, dans une ruelle de la Cité Blanche, entouré de gardes. Ce petit service donc, consistera à utiliser votre maitrise des esprits humains. J'ai jeté un petit coup d'oeil dans votre charmant livret. Je ne suis pas un spécialiste, mais il me semble que vous savez convaincre certaines personnes à faire des choses...inconsciemment. Cela m'intéresse. Nous intéresse. Le contrat sera simple. Lorsqu'il sera accompli, vous aurez un choix. Rester avec nous, en tant que employé...de longue durée, ou partir de votre côté.

L'homme sortit son rasoir meurtrier, et commença à jouer avec. La lame coupante tournait avec une vitesse hallucinante dans ses doigts, il la pliait, dépliait, lançait en l'air et passait de main en main sans même y accorder de l'attention. Après une brève pause, il reprit ses paroles:

-Mais d'abord, il me semble que vous avez quelque chose à faire, n'est ce pas? Vous êtes un être rusé et assez puissant, mais savoir que ces..dents..se trouvaient à Minas Tirith dans une chambre sécrète du Palais Royal...ce n'est pas quelque chose de commun. Même parmi les Eldars. Il me semble aussi que vous manquez encore le savoir nécessaire pour s'en servir. Vous travaillez donc pour quelqu'un, n'est ce pas? Quelqu'un en dehors de la Cité Blanche. Sinon vous ne vous seriez pas hâté de quitter la ville à cette vitesse. Deux semaines. Je vous donne deux semaines, et ensuite je vous attendrai à la frontière Nord de la forêt des Druadan, entre le Rohan et le Gondor. Vous y serez, n'est ce pas?

La lame s'immobilisa dans les doigts de l'homme, qui jeta un long regard à Burfëa.

#Swan
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