[Event] Bal d'Edoras

Balor était au service du roi depuis maintenant quelque temps. Rohirrim de famille modeste, il avait fini par s'élever parmi les proches de Fendor jusqu'à parvenir à l'oreille du roi. Une position tout à fait appréciable, d'autant que le jeune monarque avait très vite appris à entendre, à écouter et à suivre les conseils et paroles de Balor. Le rohirrim, d'âge moyen, n'avait pourtant rien d'une langue de serpent ni n'avait d'ambition personnelle au-delà du bien-être de son pays et de son peuple. Pour autant, Balor appréciait sa vie ainsi que le niveau auquel il était parvenu à l'élever.

Le conseiller se tenait droit comme un i, tout près du trône depuis lequel son souverain recevait ses convives. Il coordonnait chaque réception de présent avec une poignée de serviteurs et de gardes chargés d'apporter les cadeaux à hauteur du roi puis de les retirer en lieu sûr. Balor observait la scène, les mains croisées dans le dos et un sourire satisfait se dessinant sur ses lèvres.


Les uns après les autres, les visages se succédèrent. Et les uns après les autres, le jeune homme les écouta. Avec plus ou moins d'attention. Fendor observait puis inclinait légèrement la tête à chaque fin de présentation de ses invités. Certains cadeaux le surprirent, d'autres le laissèrent impassibles. D'autres encore lui firent se poser des questions. Si le roi était jeune, il savait néanmoins avec certitude que bon nombre de ses concitoyens n'approuvaient guère sa présence sur le trône.

Fendor se pencha et prit en main le dernier des cadeaux qu'il venait de recevoir. Une merveille forgée par leurs alliés nains du Khazâd-Dûm. Le heaume était magnifique et ses reflets de métaux précieux lui renvoyaient son regard juvénile. Un heaume, un bouclier, un étalon... Que de cadeaux pour un roi guerrier. Un roi... Un guerrier.

Un étalon.

Fendor releva la tête. Aussitôt, Balor sut en croisant son regard que le roi n'allait pas le consulter avant d'agir. Avant de faire -potentiellement- une bêtise. Ou quoi que ce soit que Balor n'aurait pas estimé de bon aloi. Mais le jeune garçon n'en avait cure.

- Dame Aelyn ?

Sa voix légère porta jusqu'aux oreilles de sa vice-reine. L'épouse de l'ancien maréchal fut invitée par le roi à revenir vers lui. Faisant fi de ses prérogatives et autres protocoles, Fendor quitta son trône et fit quelques pas en direction d'Aelyn, conscient que demander un nouvel aller-retour à une femme enceinte n'était pas des plus malins. Balor serra les dents et fit un pas en avant, s'efforçant de tendre l'oreille sans paraître intrusif.

- Je tiens à vous remercier de nouveau pour votre cadeau, vous et votre époux. L'investissement du seigneur Mortensen pour sa patrie n'est plus à démontrer, il le démontre encore en cette période troublée... Lorsqu'il sera de retour, j'aimerais pouvoir m'entretenir avec lui...

Fendor détourna le regard vers la salle où les convives échangeaient entre eux, sur fond musical. Les mots avaient du mal à sortir. Fendor, face à une Aelyn enceinte, se sentait encore plus enfant qu'il ne l'était déjà. La Vice-Reine demeurait dans l'attente des paroles de son jeune roi.

- J'aimerais aussi que l'on-

Un vacarme terrible s'éleva dans l'air.

Derrière les portes du grand Hall de Meduseld, l'agitation était perceptible. Quelque chose venait d'arriver. Ou peut-être quelqu'un. Aussitôt, les gardes royaux près de la porte bloquèrent l'accès par mesure de prudence. L'un des gardes, après hochement de tête de Balor, se risqua de l'autre côté et disparut. Une certaine frénésie s'empara du Hall et les échanges s'intensifièrent mais les sujets de discussion changèrent soudain.

Fendor baissa les yeux. Son coeur s'arrêta.

- Dame Aelyn ?

La Vice-Reine, qui s'était tournée vers l'origine du vacarme, fit volte-face pour de nouveau faire face à son roi. Lequel était devenu livide. Fendor déglutit avant d'ajouter :

- Vos pieds, lâcha-t-il.

Aelyn ne put que constater que sous sa belle robe de bal, une flaque d'eau s'étendait autour d'elle. Et le Bal s'apprêtait à accueillir un ou une convive supplémentaire. Dans la douleur.

Les cinq cavaliers parcouraient la plaine à une vitesse vertigineuse sous les derniers rayons du soleil qui s’apprêtait à disparaître derrière l’horizon. Malgré l’intensité de leur chevauchée, ils ne laissaient paraître aucun signe de fatigue. Les deux hommes étaient des fils de la Marche, habitués à la selle depuis leur plus jeune âge. Leurs trois compagnons étaient des elfes, plus résistants que n’importe quel mortel.

Ils galopaient dans le silence. Le bruit du vent rendait toute conversation impossible, mais même lors de la courte halte qu’ils avaient fait pour changer de chevaux, seuls quelques mots furent prononcés. L’heure n’était pas à la plaisanterie. Le rohirrim qui ouvrait la marche avait le coeur lourd, et toutes ses pensées étaient tournées vers leur destination: Edoras. L’homme s’impatientait à l’idée d’atteindre leur but, même si au fond de lui il savait qu’accomplir la mission n’enlèverait rien à la gravité de la situation dans laquelle ils se trouvaient.

La nuit était à présent tombée, mais ils n’avaient aucune intention de s’arrêter. Heureusement pour les chevaux, ils avaient atteint la route royale; les sabots trouvaient un appui certain sur la terre battue même lorsque l’obscurité les empêchait de voir la route. Enfin, les lumières provenant du Château d’Or et des maisons environnantes apparurent à l’horizon, semblant flotter dans les airs, car la colline sur laquelle elles se trouvaient restait plongée dans le noir. Thedras poussa un soupir de soulagement. Ils y étaient presque.



-Attendez-moi ici.

Il avait fait ralentir son cheval au pas avant de descendre de la selle avec agilité. Ses compagnons le regardèrent, perplexes: ils avaient chevauché sans répit, pourquoi s’arrêter si près du but? Thedras ne prit pas la peine de leur expliquer, et disparut dans la nuit pendant plusieurs minutes avant de réapparaître. Est-ce que ola vessie du brave rohirrim avait fini par céder au bout de longues heures de chevauchée intense? Ou cette brève escale avait-elle une autre justification moins terre-à-terre?

-Allons-y. Edoras est proche.

Il leur suffit de quelques minutes de chevauchée supplémentaires pour atteindre la cité des rois du Rohan. Les gardes à l’entrée les laissèrent passer après avoir échangé quelques paroles rapides avec le capitaine. Les cinq cavaliers commencèrent l’ascension vers le Château d’Or.

C’est ici que les choses se compliquèrent. Les grandes portes de Meduseld étaient fermées et gardées par des grands hommes vêtus de longs corselets brunis, et armés d’épées brillantes, le soleil blasonné sur leurs boucliers verts. Les guerriers de la Maison du Roi.

-Halte! Seuls les invités au grand bal peuvent rentrer dans le Château d’Or.

Une ride apparut sur le front de Thedras et il répondit en fronçant les sourcils.

-L’heure n’est pas aux festivités. Je suis le capitaine Thedras, et voici Théodell de la Garde Royale. Nous demandons une audience urgente avec le roi Fendor!

La situation devenait tendue. Les gardes n’avaient apparemment pas l’intention de les laisser entrer et s’étaient placés devant les portes, leur barrant la route. Puis, un autre homme de la Maison du Roi apparut, sortant du Château d’Or par une porte secondaire. Il s’exclama:

-Je reconnais ces deux hommes, et ce sont des serviteurs honorables de la Marche! Ouvrez leurs les portes, s’ils avaient été à Edoras avant le début du bal, leurs noms auraient figuré sur la liste des invités.

Après un moment d’hésitation, les gardes levèrent les lourdes barres et poussèrent lentement les portes, qui tournèrent en grognant sur leurs grands gonds.  Ils restèrent bouche-bée lorsque Thedras éperonna soudainement son cheval et pénétra dans le Château d’Or, suivi de près par Théodell, Calion, Sighild et Voronwë. Le bruit des sabots sur le sol dallé de pierres de multiples couleurs retentit dans la longue salle.

Un climat de confusion s’installa dans l’assemblée. Certains invités se trouvant près du roi Fendor avaient remarqué ce qui venait d’arriver à dame Aelyn, tandis que ceux à l’arrière s’étaient tournés vers les grandes portes qui venaient de s’ouvrir et les cavaliers qui avaient pénétré dans la salle. Quelqu’un se mit à applaudir, ayant sans doute consommé trop de vin ou d’hydromel ce soir. D’autres échangeaient des paroles chuchotées.

Thedras s’avança vers Fendor et Aelyn, déjà entourés par quelques gardes, les épées sorties de leurs fourreaux. Le capitaine descendit de son cheval et s’exclama, sa voix forte mais tremblant d’émotion:

-L’ennemi est aux portes du Rohan! L’armée du vice-roi a subi la défaite face aux Dwimmen. Gallen Mortensen…est tombé au combat.

Les derniers mots tombèrent comme un coup de marteau, irréfutables. En les prononçant, la terrible nouvelle était devenue réalité. Thedras tendit la main vers la Vice-Reine Aelyn. Il tenait une fleur blanche, cueillie sur les tertres des rois du Rohan: Simbelmynë.


[HRP]
Pour le fil des évènements :

• Les pieds nus dans la cendre
  
• Un ciel suspect d'être si beau et si bleu
  
• Flammes, fumées et cendres
  

[HRP]

Aelyn fut surprise d’entendre le Roi la rappeler à lui. Surprise, et elle devait bien l’admettre, un peu las. Elle apprécia l’effort de Fendor pour venir à sa rencontre, mais aurait préféré une bonne chaise. Ou mieux : son fauteuil devant la cheminée, où elle pouvait se positionner comme bon lui semblait, sans se préoccuper du regard inquisiteur de ceux qui l’entouraient. Là où elle pourrait tranquillement attendre le messager, avec la réponse de Gallen à sa dernière lettre, loin du brouhaha permanent de ces lieux. Elle se sentait de plus en plus fatiguée, et nerveuse. Mais il y avait tant à faire. Tant à dire…

« Votre Majesté ? »

Elle écouta le Roi et inclina la tête en un signe de respect.

« Vos paroles me touchent, Votre Majesté. J’espère qu’il reviendra au plus vite… »

Mais Aelyn était perplexe. Cela signifiait-il que Fendor comptait rester à Meduseld ? Ou que Gallen, sitôt rentré, devrait repartir au galop en Isengard ? Elle ne savait pas laquelle de ces alternatives elle préférait le moins. Prise dans ses pensées, elle en fut arrachée par le bruit terrible qui résonna dans le Grand Hall. Aelyn fronça les sourcils. Quand soudain, Fendor s’adressa à elle. Sa voix avait une sonorité étrange. Elle porta son attention sur lui – il était livide – puis suivit son regard exorbité pour atterrir sur la flaque qui s’étendait doucement au sol, glissant entre les interstices des pavés pour dépasser les pans de sa robe.

« Oh… » fut le seul mot qui s’échappa de sa bouche.

C’était nouveau. La première fois elle avait perdu les eaux bien après les premières contractions. Y avait-il un pire moment vraiment ? Alors qu’elle avait tant à faire ? Et Gallen qui n’était pas encore rentré ! Ne méritait-il pas de tenir ses enfants dans ses bras, de se les faire présenter devant la porte de la parturiente comme il était de tradition ? Ne méritait-elle pas elle-même de voir le visage tant aimé après les efforts qu’elle allait devoir déployer ? Elle se rappelait que savoir Hengest derrière la porte, à quelques mètres, avait été d’un grand secours la première fois. Elle laissa échapper un léger grognement de frustration qui ne fut sans doute entendu que par le Roi.
Elle ne put cependant s’appesantir sur la question. Le fracas redoubla, et dans la peur et l’agitation générale, cinq cavaliers encore en selle firent leur entrée dans la salle. Les guerriers, invités ou de garde, portèrent presque tous leur main à l’épée. Aelyn trembla. Un terrible pressentiment la saisit à la gorge. Quelque chose de grave était en train de se passer.

Les paroles de Thedras tombèrent tel un couperet sur la foule. Le choc fut… violent.

Dans un premier temps, le cerveau de la Vice-Reine se refusa à entendre ce qui avait été énoncé, se rebellant contre la réalité de ces mots terribles. Ses oreilles sifflaient, sa vision se brouillait, le monde disparaissait dans une brume épaisse, un goutte d’eau sur un trait d’encre. Sa jolie face avait pris la teinte cendrée des mourants. Sa main tremblante saisit délicatement par la tige la petite fleur blanche si caractéristique qui lui était tendue. Le symbole était fort. Que devait-elle dire ? Que devait-elle faire ? Son esprit était vide, perdu.

On disait que le cœur se brisait. On ne pouvait être plus loin de la vérité. C’était plutôt comme une implosion. Il enflait, enflait, enflait, douloureux. Il broyait l’estomac, les poumons, la gorge, coupait le sang et les sens. Elle étouffait, suffoquait. Sa respiration devint saccadée, sifflante. Ses membres ne lui renvoyaient plus d’autres sensations qu’un bourdonnement nerveux, comme l’attaque de mille insectes. Ses mains, à présent, tremblaient tant qu’elle laissa échapper la simbelminë qui alla lentement s’échouer dans la flaque grandissante à ses pieds. Fleur de la mort perdue au milieu des eaux de la vie. Aelyn la fixait sans la voir, là, sur le sol brillant, solitaire. Brutalement, elle fut prise d’une envie violente de la récupérer. Cette fleur devint d’une importance capitale. Plus précieuse que tout l’or du monde ! Mais ses muscles tétanisés lui refusaient tout mouvement. L’air lui manquait. Les bords de sa vision se teintaient de noir.
Elle murmura, étouffée : « Eólida ! » avant que ses jambes ne cèdent. Elle vit sans la sentir la main de Fendor sur son coude, tentative désespérée pour la retenir, avant que sa protectrice, répondant à son appel à l’aide, ne la saisisse à bras le corps pour amortir sa chute.

Genoux à terre, son esprit redémarra, féroce. Toutes les pensées affluèrent d’un coup, libérées par la rupture du barrage. Horribles, terribles, terrifiantes, trop fortes, trop vives, trop vite.

Non non non nonononon… Par Nahar, par ça ! Pas ça ! Pas ça, pas ça, pas ça… Pas encore ! Pas cette fois ! Pourquoi ! Pourquoi ?...

Le visage enfouit contre l’épaule d’Eólida, elle avait la bouche ouvert, elle avait l’impression de crier à plein poumon et pourtant pas un son ne sortait. Pas un souffle.

Gallen ! Gallen ! Gallen !

Son vendre se tordit. La première contraction. Aussi violente que la douleur morale. Trop tôt… Trop tard ! Pauvres petits êtres, pas encore nés, déjà orphelins. Pauvres bébés qui ne connaitraient rien de l’étreinte d’un père… Seuls. Eofyr et Eogast, abandonnés de nouveau. Aelyn, abandonnée de nouveau… Et pourtant, le travail avait commencé, il fallait mettre ces enfants au monde. Mais quel monde ?
Un son, enfin, franchit la barrière de sa gorge, déchirant, viscéral. Il perça le silence horrifié. Ou était-ce un brouhaha paniqué ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Tout ça n’avait plus d’importance. Qu’importe qu’on l’ait vu s’écrouler ! Qu’importe les négociations minutieusement planifiées ! Qu’importe le monde ! Aelyn n’était que douleur. Ni combativité, ni colère, juste une peine immense, insondable. Et des larmes qui une fois montées ne pouvaient se tarir. Un flot qui coulait dans un silence entrecoupé de plaintes fragiles, dévorées de chagrin.

Le monde ne serait plus jamais comme avant. Aujourd’hui, l’avenir était sombre, l’espoir ténu. L’air avait une odeur âcre, comme après un brasier, un incendie. Aurait-elle la force d’affronter les épreuves qui s’en venaient à grands pas ? Avait-elle seulement le choix ?

Les paroles du Capitaine Thedras furent suivies de quelque secondes d’un silence glacial ; chaque convive présent encaissant le choc de cette annonce et ses implications. Puis, très rapidement, un vent de panique s’empara de toute l’assemblée. Des cris, des pleurs, des injonctions. Eólida ne percevait qu’un vacarme ambiant et distant mais tout cela n’avait plus grand sens pour elle. Prise de vertige, le grand hall du Château d’Or semblait tournoyer autour d’elle dans un tourbillon de rouge et de vert. Comme lorsqu’elle s’entraînait pendant de longues heures, son souffle devint de plus en plus saccadé et sa respiration difficile alors que ses pensées devenaient incontrôlables.

La Bataille des Rives de l’Entalluve avait été perdu.  Le danger était imminent et désormais l’envahisseur avait le champ libre, à quelques jours de marche d’Edoras seulement. La capitale du Rohan était-elle vouée à subir le même destin funeste que les fermes de l’Estfolde?

Gallen Mortensen, Vice-Roi de la Marche était mort.

Tout sujet du Rohan accueillerait cette sinistre nouvelle avec effroi mais pour une Garde Royale cela était encore bien différent. Tout leur engagement reposait sur la protection du Champion du Rohan et des siens. On l’avait retenu ici, dans ce bal ridicule, alors que son chef avait besoin de sa lame. Elle avait échoué. Pire, elle avait trahi son serment.

La jeune femme se sentait salie.

Elle lança un regard à Théodell. Les deux gardes ne se connaissaient que très peu mais avaient prêtés le même serment lors de leur intronisation. S’était-il tenu au côté du Vice-Roi quand celui-ci luttait pour sa vie ? Si tel était le cas, comment aurait-il pu survivre là où le meilleur bretteur du royaume avait péri ?

Qu’en était-il des autres ? Le Capitaine Wald ? Le brave Eofend ? Bodvar ?

C’était son monde entier qui s’écroulait.

Derrière elle, Aelyn murmure son nom.

La voix de la Vice-Reine balaya tous ces doutes. Sa mission à elle, n’était pas terminée. La guerrière secoua la tête et souffla, puis s’agenouilla auprès de sa suzeraine. En voyant la détresse de celle-ci, elle voulut lui glisser quelques mots de réconfort. Puis se ravisa. Il était bien vain de chercher à soulager l’insupportable. Eólida n’avait jamais été douée pour ce genre de choses. De plus, le chagrin d’Aelyn n’était pas sa priorité pour le moment. Il fallait avant tout assurer sa sécurité et la conduire dans un lieu sûr pour l’accouchement.

Les conditions actuelles rendaient l’opération des plus périlleuses.

Puisant dans ses forces, elle passa le bras de la Vice-Reine autour de son épaule et se redressa afin de la conduire en lieu sûr.

“ Dégagez le passage ! Par les Valars ! Dégagez ! Laissez passer la Vice-Reine !” S’époumonna-t-elle.

De son bras valide, elle écarta violemment l’un des convives qui était resté planté comme un piquet en plein milieu de la salle. La soldate balaya ensuite le palais du regard, en quête d’une issue libre vers les quartiers de Meduseld.

Sur l’estrade, nulle trace du Roi ou de sa suite.

Elle finit par repérer une petite porte dérobée qui donnait sur l’aile résidentielle ; sans plus hésiter, elle s’élança aussi vite qu’elle le pouvait, Aelyn avec elle.

Eólida lui souffla :

“Allez Ma Dame ! Je vous conduis en lieu sûr. Restez avec moi. J’ai besoin de vous. Le Rohan a besoin de vous.”

#Edwÿne Néogathe



La guérisseuse sentit son cœur se serrer dans sa poitrine lorsque Thedras annonça la terrible nouvelle. Le Vice-Roi, mort ? Non, c'était impossible ! Et pourtant. Elle se demanda comment ils l'avaient su, comment ils pouvaient en être si sûrs, eux rescapés. Mais ce n'était ni sa place ni son rôle de savoir. Elle ne pouvait qu'imaginer la peine immense de la Vice-Reine bien qu'elle la comprenne plus que d'autres. Elle avait vécu cette douleur déchirante, cet instant où le monde s'écroule, lorsqu'elle avait perdu son mari, puis ses enfants. Elle connaissait la peine mais chaque femme la ressent avec une intensité différente. Et le visage, la réaction, puis le cri d'Aelyn prouva à Edwÿne que la déchirure était bien, bien plus intense que la sienne. Edwÿne avait hurlé, pleuré, mais quelque chose chez la Vice-Reine sonnait si brisé, écroulé, pire que tout ce que la veuve avait pu entendre. Pourtant, elle en avait vu des choses, des veuves éplorées, des enfants orphelins... Peut-être était-ce par son empathie ou sa compréhension de la douleur, ou du rang de la femme.

Edwÿne ne put se retenir de sangloter, main devant la bouche pour se cacher. Avec le Vice-Roi tombé, le Riddermark était à porté des envahisseurs. Ses premières pensées furent aux deux jeunes garçons qui attendaient la guérisseuse aux écuries, puis à la cité d'Erian. Qui allait les protéger, maintenant ? Toute l'armée allait rester à Edoras pour défendre la capitale mais qu'allait-il advenir de sa cité d'adoption ? Edwÿne trembla en imaginant les rues en flammes, ses assistants brûlant vifs et tout ces gens qu'elle avait aidé, soigné, conseillé ou salué courir, poursuivis par un envahisseur cruel et barbare. Son cœur rata un battement et la femme fut prise de panique. Il fallait demander de l'aide ! Erian, tous les villages paysans, personne ne pouvait se défendre ailleurs qu'ici à Edoras. La rousse devait en avertir la régence de la ville, apporter les terribles nouvelles et supplier à ce qu'ils demandent de l'aide.

La panique la saisit. Elle n'était pas du genre à se laisser autant submerger par les émotions mais la situation était trop déchirante, trop urgente pour qu'elle ne garde son sang-froid. Elle le devrait pourtant, pour que ses assistants ne paniquent pas plus. Elle devait les rejoindre et ils devaient partir, rentrer, faire quelque chose. Edwÿne chercha à fendre la foule, manquant de nombreuses fois de trébucher. Les fleurs dans ses cheveux tombaient, comme un mauvais présage, laissant sa longue chevelure flotter tel le crin d'un cheval fuyant pour sa vie.

Ils étaient en danger !