[Event] Bal d'Edoras

#Edwÿne Néogathe


Longs étaient les jours depuis que la veuve était de retour dans ses terres natales. Son cœur accablé par une vie difficile, surtout ces derniers temps, recevoir l'invitation dans sa minuscule demeure avait été une immense surprise. Elle qui se démenait corps et âmes dans les Marches de l'Ouest, faisant la navette régulière entre Erian et Edoras, recevoir une invitation à un tel événement ne faisait aucun sens. Mais cela serait une occasion, une opportunité unique qu'elle devait saisir.


Vêtue d'une robe de bal de sa confection, la veuve aux longs cheveux auburn dont les tresses décorées de fleurs des champs sans pollen se tenait dans cette partie de la foule appartenant aux gens de sa condition : les gens du peuple. Le seul parmi les invités qu'elle reconnut, de par les descriptions qu'on lui en avait fait, était le Seigneur Dolfenbrand. Jamais vu en personne mais elle entendait de nombreux racontars. Quant aux autres... évidemment hormis la vice-reine, bien plus merveilleuse que ce qu'elle en avait entendu, aucun visage ne pouvait tout simplement lui être connu. Côtoyer la noblesse ou les riches n'était pas une chose à laquelle la guérisseuse pouvait prétendre.

Nerveuse, son regard restait figé sur les portes de Meduseld. La merveille de la bâtisse et de ses hôtes lui rendait le souffle court, les yeux brillants d'un émerveillement enfantin. Mais elle se devait de garder la tête froide, le dos droit et faire preuve d'humilité comme elle l'avait appris. Surtout que personne ne lui avait donné un cours sur l'étiquette de la noblesse... Elle était handicapée dans cet univers bien loin des chambres de malades et blessés.

Un effort, se disait-elle. Bientôt, les grandes portes s'ouvrirent. Edwÿne regarda la file de gens bien plus importants entrer, dans un ordre connu d'eux seuls, jusqu'au moment où Edwÿne présenta son invitation. Elle dû se forcer à garder la bouche close en admirant le hall, ses yeux se perdant sur la structure, les décorations, le festin au loin, cette opulence si étrangère. Elle observa les tissus riches et fins des autres femmes conviées, là où la sienne artisanale faisait bien pâle figure, d'évidente pauvre confection voire grossière. Elle dû suivre le regard des autres convives vers le fond de la salle, vers l'endroit où le Roi allait bientôt se tenir pour son discours. La dame aux modestes origines se faufila avec politesse sans se mêler aux plus riches, simplement dans un endroit où elle pourrait assister au mieux au discours.

La hâte nouait son estomac et la foule nouait sa gorge. Courage, se disait-elle. La chance, l'émerveillement, elle devait se concentrer dessus, chasser le reste de ses pensées. Pendant l'attente, elle en profiter pour observer aussi discrètement que possible autour d'elle, la curiosité de voir quels personnages assistaient à de telles festivités prenant largement le dessus...

Eólida observait d’un œil attentif les convives qui l’entouraient. Comme à chaque apparition de la Vice-Reine en public, sa nervosité était palpable. Les invités avaient tous été triés sur le volet par l’entourage du Roi mais il ne suffisait que d’une personne mal intentionnée pour profiter de la confusion et se fondre dans la foule avant d’accomplir son méfait. Depuis son ascension fulgurante, Dame Aelyn avait fait l’objet de plusieurs attaques contre sa personne; au Rohan comme ailleurs, et la mission de la garde royale était de s’assurer que ce genre de situation ne se reproduisent plus jamais. Ainsi, la main instinctivement posée sur le pommeau de son épée, elle analysa chacune des personnes qui l’entourait, cherchant à estimer la menace que chacun pouvait représenter. Des dignitaires issus de la haute société du Rohan, d’illustres officiers ou des représentants venus de l’étranger. Aucun ne semblait en mesure de pouvoir prendre le meilleur sur elle si jamais elle venait à croiser le fer.  

Quelque peu rassurée, elle souffla longuement et se retourna en direction du Château d’or alors que le Chambellan en annonçait l’ouverture des portes. Comme le voulait le protocole, la Vice-Reine fut la première à pénétrer dans le grand Hall. Eólida la suivait de très près, faisant écran entre sa suzeraine et le reste.

Sa Majesté le Roi n’était pas encore présent mais son arrivée prochaine fut annoncée. De grandes tables avaient été dressés de part et d’autre de la salle, laissant un espace au centre dédié aux danses et activités prévues. La guerrière relâcha finalement le manche de son arme et ses muscles se détendirent. De nombreux gardes, sélectionnés parmi les guerriers n’ayant pas suivi le Vice-Roi Mortensen à l’Est, étaient chargés de sécuriser les lieux. Ceux qui avaient eu l’autorisation d’entrer étaient des hommes reconnus du Royaume et si certains arboraient des épées d’apparat; les risques étaient plus limités au sein du Palais.

Son regard se porta sur Aelyn. Cette dernière revêtait une somptueuse tenue qui ne pouvait, cependant, masquer sa grossesse désormais très avancée. Il n’y avait d’ailleurs aucune raison de cacher au monde le futur héritier de Mortensen. Elle avisa les chaises en bois ouvragé:

“Excellence, voulez-vous que je vous fasse porter un siège plus confortable?”

Les convives n’avaient pas encore été invités à prendre place mais la Vice-Reine disposait de tous les droits dans sa demeure, surtout au vu de l’avancée de sa grossesse. Déjà, les rapaces s’amassaient autour d’Aelyn, multipliant les courbettes en quête de faveurs.  Elle sentit plusieurs regards dédaigneux se porter sur celle que beaucoup considéraient comme le chien de garde de la Vice-Reine. Elle était au courant des jugements que l’on portrait à son égard. Qu’une femme n’avait pas sa place au sein de la Garde Royale. Elle avait entendu les moqueries à son sujet. Le seule membre de la Garde à ne pas partir au front, préférant jouer les petites servantes pour Aelyn.


Eólida serra le poing de frustration.  Sa place était entièrement méritée; et, aujourd’hui, la jeune femme comptait bien le prouver à tous ces goujats.

Un bal, un foutu bal !! En ce temps de guerre, c’était tout ce que le roi avait décidé de faire pour « remonter le morale du peuple et de ses paires ». Foutaises se dit-elle, tout ceci n’était que foutaise, et irrespect pour les soldats partis à l’Est, qui eux n’avait pas le droit à toute ses tables débordante de victuailles, de charcuterie et de bon vin. Et cela pendant que son pauvre cousin, sa seule famille, chevauchais dans l’Estemmet pour défendre les siens au périls de sa vie.  Kandael, son cousin, était ce qui se rapprochait le plus d’un frère pour elle, c’est lui qui avait inspiré chez elle son sens de l’honneur et la soif de servir un but plus grand que sa simple existence. Ils avaient grandi ensemble à Aldburg, et avait déjà dus vivre un premier siège, et si les Valars le veulent, ils ne devraient pas subir ca une seconde fois. En tout cas pas si leurs forces remportait la victoire sur les Nurniens, ce que ne se ferais pas en organisant des bals.

Décidément se dit Caoilin, Fendor était un souverains avec des priorités bien à lui… Les pans de sa cape lui battaient à la figure tandis qu’elle gravissait les marches menant au palais royal de Méduseld, entourée des lumières chaudes des lampions et des bruits de festoiement. Cela faisait un petit bout de temps qu’elle n’avait pas foulé de son pied l’escalier qui menait à la demeure du souverain, ou plutôt du Vice-Roi, et elle était quand même heureuse d’enfin revoir le palais. Son ressentiment recula bientôt pour faire place à l’intérêt et la flegme diplomatique, qui avait fait d’elle une émissaire efficace, quand elle aperçut tout le gratins de la noblesse Rohirimms réunis devant les lourds battants du palais. Apparemment, Dame Aelyn n’étais toujours pas arrivée.

Elle remarqua vite les visages connus des personnalités du royaumes, tant des militaires grisonnants que des nobles ou des négociants influants. Elle savait l’identité de la plupart alors qu’elle n’était surement qu’une simple paysanne dans des vêtement de soie pour eux. Peu importe se morigéna-t-elle, elle restait une servante importante du Rohan, surement plus efficace que bien de ces noble bedonnant et mollasson. Alors qu’elle franchissait la dernière dalle du chemin, les portes s’ouvrirent en grand, laissant filtrer la lumière, la chaleur et les effluves de nourriture émanant de l’intérieur. Elle eu le temps d’apercevoir un homme dans la soixantaine, au port de cavalier malgré son âge... Dolfenbrand, ce vieux soldat pour lequel elle avait un grand respect. Avec des gens dans son genre présent au bal, elle saurait surement faire peser la balance en sa faveur, en tout cas, sa détermination pris complétement le pas sur sa réticence quand elle rentra dans la pièce et aperçus la Vice-Reine, resplendissante dans sa robe de grossesse. Caollin remarqua aussi la garde, taillé comme une vierge guerrière d’antan, posté au coté de la Dame, au aguets.

[HRP : Joyeux anniversaire Aelyn ^^']

Le Bal du Roi. Aelyn ne pensait plus qu’à ça depuis des jours et des jours. Elle était épuisée par la grossesse, rongée d’inquiétude, son époux parti guerroyer, et voilà que c’était ce moment que choisissait Sa Majesté pour organiser des festivités dans sa demeure et sous ses fenêtres. On ne refusait rien au Roi, et il était vrai que Meduseld était théoriquement la demeure des souverains du Riddermark, mais c’était bien la famille vice-royale qui y avait désormais ses quartiers !
On lui avait confectionné une robe magnifique, le meilleur de ce que l’artisanat rohirrim pouvait offrir en un délai si court. Pas aussi somptueuse que sa rode de mariage, mais de peu. Le vêtement, aux couleurs du Riddermark épousait parfaitement ses formes gravides. Les longues manches laissaient tout juste entrevoir sa main droite déformée par la torture et les longs pans qui effleuraient le sol dissimulaient à merveille le reste de claudication. Elle rayonnait… ou du moins l’illusion était parfaite.
Etre entourée de tant d’étrangers ne pouvait que faire ressurgir de vieilles angoisses. La présence familière et réconfortante d’Eólida à ses côtés calma quelque peu sa nervosité. La fidélité sans faille et l’assurance de sa garde du corps lui était, ces derniers temps, indispensables.

Parmi les places d’honneur au début des festivités, elle prit soin d’analyser le visage de tous les convives. Elle adressa un signe de main en direction de Berondir, son invité personnel. La Vice-Reine avait travaillé dur avec Polias, les maîtres du protocole et Merecandel, sa dame de compagnie, pour s’assurer de connaitre tous les noms des invités présents. Et si elle faisait une erreur ? Sous le coup du stress, elle porta sa main à son cou, et n’y trouva que le vide. Elle pensa à Gallen qui portait le bijou autour de son propre cou. Cela lui donna de la force. Elle ne pouvait faiblir aujourd’hui. Elle le représentait, lui et ses intérêts – qui n’étaient d’autres que les intérêts du Riddermark après tout ! – auprès de la Maison du Roi et auprès de tous les visiteurs. La tâche était lourde. La tâche était capitale. Elle rendit chaque salut, chaque révérence, avec grâce et aisance, prenant soin d’appeler chacun par ses noms et titres.
Au moins en rentrant dans la salle ne lui fit-on pas l’affront de lui demander son invitation. On lui avait même accordé la préséance dans le cortège des invités. Ce dernier point la laissa un peu amère. Invitée dans sa propre demeure… La remarque de l’ambassadeur nain non loin sur sa droite adoucit néanmoins son humeur, bien plus que les magnifiques décorations de la grande salle.


« Merci Eólida, je peux rester encore debout quelques instants… »

Ce qu’elle se garda bien de formuler à haute voix, c’était bien qu’elle ne désirait pas être regardée de haut par tous ces gens pour le moment. Prendre une chaise avant tout le monde aurait été un signe fort de son bon droit en sa demeure, mais elle tenait à assoir sa présence avant sa personne. Elle sentait la masse pressante prête à se jeter sur elle.

« … pour autant que je ne sois pas bousculée. » souffla-t-elle plus bas, légèrement plus tendue.

L’implication était claire, ceux qui l’approcheraient devraient faire preuve de retenue et montrer patte blanche. C’était un travail de routine pour sa garde personnelle, en qui elle plaçait une confiance aveugle.

Le premier à pouvoir l’approcher fut Volkan dont les mots murmurés vinrent piquer le cœur d’Aelyn.

« Vos pensées rejoignent les miennes alors, Seigneur Dolfenbrand. Merci de votre sollicitude. Le Vice-Roi fait de son mieux pour préserver nos terres, soyez en assuré. Je sais que vous, plus que quiconque ici, connaissez les enjeux et les risques. Comment se portent les vôtres ?... Vous semblez souffrir, voulez-vous que je vous fasse porter un collyre pour apaiser votre allergie ? »

Il n’avait pas fallu plus de deux phrases à Aelyn pour diagnostiquer le pauvre homme. Elle était, après tout, une guérisseuse avant tout.

Eodan était à Edoras depuis quelques paires de jours déjà, en tant que vétéran il était tout d’abord venu s’enquérir d’anciens frères combattant à lui, des vétérans de la guerre des trois rois et des escarmouches Dulendings. Il avait loué un petit logement à l’orée de la cité, avec sa pension, petit mais suffisant. Mais son action n’aurait pas pu mieux tomber quand il se vit inviter au Bal du Roi Fendor. Bien que surprit au début de cette invitation, il se convainquit de l’hypothèse selon laquelle Fendor voulait au moins un vétéran de la troupe dans sa petite gâterie, et pas que des officiers et des diplomates. Il espérait d’ailleurs voir des visages connus parmi les militaires à venir. Ainsi le jour venu, il avait traversé la cité pour pénétrer le Palais des rois du Rohan. Toujours merveilleux, même pour des yeux fatigués comme les siens . Les grandes tapisseries, les incrustations d’or, les représentations murales épiques des exploits de sa patrie, l’enchantement de la demeure royale, ne le laissait jamais indifférent. Il avait emmené pour l’occasion sa plus belle cape, d’un vert profond et riche, enfilé son armure de voyage, astiquée au point d’en briller, attaché son épée parfaitement entretenue à son coté, une lame de bien bonne fabrique, mais parfaitement utilitaire.

Ainsi dans cette sale il connaissait certains visages, bien sûr la femme du vice-roi Aelyn lui était connu, mais surtout il avait repéré le capitaine Rameth, qui bénéficiait de tout son respect, bien qu’il n’ait jamais servi sous ses ordres, de même il reconnaissait Vulkan Dolfenbrand pour ce qu’il était, un seigneur et meneur d’homme fort, digne de son titre. Il avait aussi remarqué un jeune homme, d’un physique agréable, presque noble, mais qui sans hésitations avait été, ou était un soldat, Eodan avait appris à repérer ceux qui avaient pris les armes dans leur vie ( heureusement la majorité des habitants du Rohan ). Il connaissait aussi de très loin ce nain, ou bien il le confondait avec une autre...malgré son amour grandissant pour ce bon peuple, il n’était pas encore très bon à les distinguer les uns des autres. Quant aux autres, ils lui paraissaient être des discutailleurs et des diplomates, pas vraiment digne du respect d’un soldat. Néanmoins, peut-être que cette foule pourrait lui permettre d’étendre un peu son réseau et de s’attirer quelques petites affaires. En effet un bal était assez inutile à ses yeux dans cette période de pré-crises, mais Eodan était quelqu'un de pragmatique, il avait des choses à obtenir, autant les avoir ici…

Le vétéran s’installa confortablement derrière la ligne des convives, un peu à l’ombre, en attendant le discours du Roi, se calant sur une bonne chaise rembourrée, lorgnant vers un piché de bière à portée de bras avec amour… !

Berondir ralentit le pas et laissa échapper un petit soupir en constatant avec soulagement que, finalement, il n’était pas en retard. Une petite foule se pressait encore aux portes du château.
Il ne regrettait pas d’avoir décidé de s’attarder auprès de ce patient, finalement. Il lui avait sûrement sauvé la vie, et il ne se ferait même pas remarquer par un retard malvenu.
Il eut un instant de panique en approchant des gardes qui surveillaient l’entrée, mais il finit par retrouver sa tablette d’invitation dans la poche cousue à l’intérieur de sa tunique.

Le grand hall était bondé – d’après les critères du jeune guérisseur, en tout cas… Il repéra tout de suite la vice-reine, entourée d’un amas de courtisans. Berondir jugea plus sûr d’attendre que l’amas se soit un peu désagrégé pour venir présenter ses respects.

En attendant, il laissa son regard parcourir la salle. Il ne reconnaissait personne. Ce qui, malheureusement, ne voulait pas dire qu’il n’était censé reconnaître personne. Il était arrivé dans le Rohan depuis suffisamment longtemps, maintenant, pour qu’on attende de lui qu’il reconnaisse les grands noms de la cour et de l’armée.

Berondir tira nerveusement sur les pans de son surcot. Il aurait cent fois préféré être dans la Maison de Guérison d’Edoras, ou au chevet de quelques malades, ou dans le Jardin des Simples, ou, mieux encore, dans sa chambre, à lire un des livres qu’on venait de lui envoyer de Minas Tirith.
Mais il avait une mission à accomplir, une mission très importante, et il ferait de son mieux pour l’accomplir.

Il ajusta une nouvelle fois son surcot bleu, l’un de ses premiers achats à Edoras. C’était un vêtement assez cher, pour une bourse comme la sienne, taillée dans une des fameuses laines du Rohan. Il ne l’avait quasiment jamais porté, et l’étoffe le démangeait.

L’assemblée était visiblement constituée de plusieurs types de personnes. Les nobles et bourgeois, bien sûr, même si la hiérarchie sociale rohirrim était légèrement différente de celle du Gondor. Il serait très intéressant de leur parler, mais aussi difficile de les aborder. Il y avait des militaires, peut-être plus accessibles, et dont certains étaient peut-être aussi issus de la noblesse. Et enfin, il y avait les gens comme lui, facilement abordables, mais qui risquaient de lui être moins utiles.

Berondir se tourna une nouvelle fois vers la vice-reine, qui discutait avec un homme d’âge mûr, vêtu de vert, et affligé d’une vilaine rhinite allergique. Le souvenir des genévriers de la Maison de Guérison traversa l’esprit de Berondir… Mais un autre souvenir, plus fugace, s’imposa soudain à lui. C’était la deuxième fois, depuis son entrée dans le Grand Hall du Château d’Or, qu’il pensait aux Jardins des Simples.

Il se retourna, peut-être un peu trop brusquement, vers l’une des convives, qu’il avait d’abord rangée dans la troisième catégorie des invités. Cette catégorisation venait notamment du choix de parure de cette femme : contrairement aux femmes de la noblesse et de la bourgeoisie, elle avait paré ses cheveux de fleurs plutôt que de bijoux. Des fleurs qui avaient toutes un point commun, leur caractère non phanérogame. Un hasard ? Ou bien cette femme avait-elle à dessein choisi des fleurs qui ne risquaient pas de nuire à l’homme qui parlait à la vice-reine ?

Ses instructions étaient claires : ne pas négliger la capacité des élites à intriguer et comploter. Berondir fixait la femme aux fleurs. Il se rappela un peu tard que ce n’était pas une attitude très polie…

Tandis que l'ambassadeur nain attendait sans trop savoir que faire, un homme se porta à sa hauteur et vint l'accoster et lui dire quelques mots. Il dit s'appeler Fasdren et n'avoir point vu de Nain depuis longtemps, ce qui voulait dire qu'il en avait vu par le passé. Puis il chercha à rassurer Ólfr quant aux regards curieux qu'il attirait, tout en se moquant, semblait-il, gentiment de certains parmi les autres convives.

- Enchanté maître Fasdren, et bonsoir à vous. Je me présente, je me nomme Ólfr et suis l'ambassadeur du seigneur Hadhod du Khazad-dûm.

Puisque le Roi n'était pas encore visible dans la salle, le diplomate choisit de laisser libre cours à la conversation qui venait de s'installer, et continua :

- Je ne m'étonne plus guère de ces choses-là. Même si je n'ai obtenu mon poste que récemment, j'ai déjà voyagé de par le monde et ce n'est pas la première fois que je me rends dans un Royaume des Hommes. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que je viens au Rohan, j'ai participé à la bataille d'Aldburg aux côtés de mon seigneur, vous savez...

La mention de cette guerre, bien qu'elle datât maintenant de plus d'un an et demi, réveilla de douloureux souvenirs dans son esprit comme dans son corps. Il sentit un frisson parcourir sa jambe droite, dont il tentait tant bien que mal de cacher le boitement et qui certainement allait le handicaper si danse il devait y avoir. Un coup d'estoc d'un des séides de l'Ordre de la Couronne de Fer avait bien failli le faire devenir cul-de-jatte.

- Vous dites que certains ne sont jamais sortis de leur domaine, sous-entendez-vous que vous avez souvent quitté votre chez-vous ? M'est-il permis de vous demander quelle est votre profession ?

Fasdren était le premier de ces gens à avoir noué le dialogue avec lui, aussi Ólfr comptait-il bien en apprendre davantage sur lui et savoir si cet homme pouvait lui être utile. En outre, l'ambassadeur était quelqu'un de curieux qui s'intéressait à beaucoup de choses, et une bonne conversation ne pouvait qu'être enrichissante, si tant est que l'homme en face de lui soit intéressant et ait de la conversation en retour.

- Et, vous dites que vous avez vu des Nains il y a de cela fort longtemps... En quelle occasion cela s'est-il produit ? C'est que vous attisez ma curiosité...

Alors qu'un instant plus tôt Ólfr était impatient que débute le discours du Roi et le Bal, il était à présent fort aise de ce petit moment de latence où il pouvait apprendre à connaître cet homme. Les convives étaient relativement nombreux et, le plus tôt il nouerait des relations, le mieux ce serait. Il ne devait pas perdre de temps !

#Edwÿne Néogathe


Edwÿne observait les piliers, les tables et autres preuves d'opulence. Elle aurait préféré voir cela à Erian, où elle voyait des gens se démener pour une bouchée de pain en échange de rien. Peut-être que ce bal pouvait être une occasion de changer la donne pour ces gens, ou d'autres pour lesquels personne ne saurait avoir de pensées. Soldats, paysans, qui s'occupaient d'eux, après tout...? La veuve secoua doucement la tête, s'échappant de ses songes sinistres.

La veuve tourna le regard et, à termes, finit par croiser celui de Berondir. Au lieu de se vexer du regard visiblement insistant, elle sourit avec la grâce et la politesse d'une femme ignorant les codes. Elle porta une main vers son cœur, comme un symbole de salutations, et inclina doucement le chef vers l'homme. Elle ne le connaissait pas et elle ignorait pourquoi il la fixait mais cela lui importait peu. Les pensées décorant sa chevelure longue, tombant en une cascade ondulée dans le creux de ses reins, attirait visiblement les yeux des dames aux tignasse décorées de divers bijoux magnifiques. Edwÿne n'admirait en aucun cas l'étalage du luxe dont certaines faisaient preuve. Elle ne considérait pas cela utile ou pertinent. Mais, après tout, qu'en savait-elle.

Détournant le regard de Berondir, la veuve fatiguée de la vie disparut de son champ de vision pour passer derrière certains convives. Peut-être avec la discrétion d'un cheval dans un magasin de porcelaine, elle contourna et se retrouva assez proche de Berondir pour rester à sa place, mais assez loin pour ne pas se montrer intrusive. Le ton doux et le sourire léger aux lèvres, elle articula doucement à l'intention de Berondir.

- Vos yeux n'ont pas rencontrés aussi longuement ceux d'autres, je me demande quelle espèce de bourgeon a attiré votre attention, mon cher Messire.

La femme aux cheveux auburn joignit ses mains devant elle, sans la moindre preuve d'anxiété, si ce n'est lorsqu'elle se mit à jouer des pouces pour faire passer son angoisse. Son regard observait Berondir, ses mains et son visage, ses vêtements et la façon dont il se tenait.

- Votre surcot ne semble pas des plus agréables, n'est-ce pas ? Lorsqu'elle inspira longuement, comme amusée, elle tendit légèrement le menton vers l'homme. Vous sentez les herbes, ne serais-je pas en train de me tromper ?

La femme haussa légèrement un sourcil, dans une surprise à peine feinte.

Avant que Berondir ait pu décider s’il valait mieux faire comme si de rien était, ou au contraire assumer son faux pas et aborder la dame aux fleurs, celle-ci disparut de son champs de vision. Bon, voilà qui réglait le problème…

L’homme au manteau vert et à la rhinite avait fini de parler à la vice-reine (il était d’ailleurs abordé par une autre femme avec des fleurs dans les cheveux, mais Berondir ne connaissait pas cette variété). Était-ce le moment d’aller présenter ses…

Il sursauta en entendant qu’on s’adressait à lui. Le sang afflua à ses joues et il balbutia :

-Je ne.. Ce ne…

Il tira une nouvelle fois son surcot en inspirant profondément.

-Ce ne sont pas vraiment des bourgeons que vous portez, gente dame. Ces fleurs sont pour la plupart tout à fait éclose et euh… J’ai remarqué qu’elles avaient toutes… enfin…

Peut-être valait-il mieux ne pas révéler qu’il avait remarqué leur point commun...

-Puis-je m’enquérir du critère qui vous a fait choisir ces fleurs plutôt que d’autres ?

Berondir lâcha les pans de son vêtement qu’il avait une nouvelle fois agrippé en entendant la question de la dame.

-Je… euh…

Cette dame avait l’air gentille, et c’était dur de cacher des choses aux gens…

-Effectivement… La laine de Rohan est certes fort belle et les couleurs en sont fort riches, mais…

Il grimaça.

-J’en trouve la texture assez inconfortable...

Sans compter qu’il commençait à avoir chaud, à l’intérieur, avec toutes ces couches de vêtements.

-Les herbes ? Oh, euh… j’espère que l’odeur ne vous en incommode pas ? J’ai fait faire une fumigation à un patient avant de venir, l’odeur a dû imprégner les tissus…

Berondir résista à l’impulsion de renifler l’étoffe de sa chemise. Après tout, il n’y avait rien d’infamant à sentir la menthe et le romarin !

-Je ne crois pas avoir saisi votre nom ?

Évidemment qu’il ne l’avait pas saisi, puisqu’elle ne l’avait pas dit… Mais… c’était plus poli formulé comme cela, non ?

-Je suis Berondir, guérisseur à la Maison de Guérison. Ce qui est un peu redondant comme présentation. Guérisseur, guérison… Ahem…

Que Yavanna lui vienne en aide, il n’avait rien d’autres à raconter ?

-Je… m’occupe surtout du jardin des simples… Il n’est… pas toujours évident de trouver suffisamment d’herbes, en ville… Évidemment, c’était encore plus compliqué à Minas Tirith ! C’est là que j’ai appris l’art de la guérison, auprès de… euh… de Guérisseurs et Guérisseuses de talent ! C’est là-bas que j’ai grandi, aussi…

Bon, cette dame était sûrement rohirrim, il ne fallait pas qu’il ait l’air de ne pas aimer être ici.

-Mais bien sûr, j’apprécie beaucoup le Rohan ! C’est très…

Barbu ? Équin ?

-Verdoyant…

La salle se remplissait de plus en plus vite. Des convives arrivaient par petits groupes, ou parfois en solitaire. La plupart agissaient selon les carcans si restreignant de la cour, et bien que la haute société rohirimms ne soit pas des plus codifiées, celle-ci restait soumise à l’étiquette. Toutefois certains des convives tenaient plus de l’homme de guerre rustaud ou du damoiseau guérisseur un peu perdus que du noble de la haute société. C’est vers la première catégorie que l’intérêt de Caoilin allait. Après tout, elle avait grandi entourée d’hommes comme eux, et elle connaissait les bénéfices de l’honnêteté qu’entraine un manque de convenances. Elle recherchait des visages connus parmi les nouveau arrivants, et c’est alors qu’elle remarqua un vieux loup de guerre à l’air pour le moins rustre débarquer d’un pas déterminé, s’assoir bruyamment sur un fauteuil de cuire rembourré au fond de la salle et glisser un regard amoureux vers une chope de bière devant lui.

En voila un qui avait l’air atypique se dit le jeune femme, Son visage lui disait même quelque chose… Après un instant de réflexion, ses idées s’assemblèrent et lui firent poussée un petit soupir détonement. C’était Eodand Monsfeld, un vieux militaire qu’elle avait déjà croisé lors de la campagne de l’année dernière dans l’Ouestfolde contre les raide Dunlendings, auquel Kandael participais. Elle se souvint l’avoir aperçu dans le camp, donnant des ordres de sa voix ravagé par des décennie d’usage intensif d’herbe à pipe, auquel les soldats obéissaient promptement. C’est son neveux qui lui avait raconté les histoire qui circulaient sur le vieux briscard des champs de bataille. Il jouissait d’une réputation de bretteurs pugnace et de commandant pragmatique et inspirant. Son charisme de vieux loup de guerre n’avait d’égale que son adresse à la lame, ou sa descente de gnôle, selon les différentes rumeurs…

Elle s’empara d’une paire de chopes de bières remplies jusqu’au bord qui trônaient sur la table devant elle, sans se soucier de passer pour une alcoolique rustaude au yeux des autres Dames. Elle se dirigeas vers le vétéran, sa longue chevelure rousse ondulant au grés de ses pas. Finalement, ce bal ne serait peut être pas si futile qu’elle ne le pensait au premier abords.
Alors que le vielle homme entamé sa première pinte, elle vint s’assoir a ses coté sur un simple banc de bois.

« Bonsoir Sire Eodan, désolé de vous importuner ainsi, mais il me semble que je vous connaisse, bien que je ne suis surement qu’une inconnue à vos yeux. Mais me feriez vous le plaisir de partager… elle attrapa les deux chopines de bière brune mousseuse posées à côté d’elle en se tournant vers le soldat… quelques chopes avec moi ?
Oh et désolé, je ne me suis même pas présenté, Caoilin, ambassadrice du Rohan au royaume du Gondor, et fille de soldat. »

Aelyn soupira, un air peiné et mélancolique passa furtivement sur son visage.

« Hélas, je ne suis pas sans le savoir… Le front manque de tout et le courage à lui seul ne remplira pas les estomacs bien longtemps encore. » laissa-t-elle échappé d’une voix à peine plus haute qu’un souffle pour les seules oreilles du seigneur qui s’entretenait avec elle.

Elle voulu également offrir un formule d’encouragement pour les temps futurs mais fut stoppée par un changement notable dans le comportement de son interlocuteur. Elle eu grand-peine à ne pas frémir mais resta impassible, reconnaissant quelque chose dans le regard noyé d’allergie ; un regard perdu au lointain qui lui était tristement familier. Puis cela passa. Aelyn reprit comme si de rien n’était, malgré une main légèrement plus crispée sur son ventre.

« Prenez soin de vous, Seigneur Dolfenbrand. J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir au cours de la soirée. Et sachez que mon offre tiendra aussi longtemps que durera ce bal, vous n’aurez qu’à dire aux serviteurs que c’est une demande de ma part et ils apporteront le remède. » Elle eut l’air songeuse un moment « Pour vos problèmes d’herbes médicinales, puis-je vous suggérer de vous adresser au jeune homme que vous voyez là-bas. Il nous vient de Minas Tirith, son nom est Berondir. Il semble avoir fait des Simples son domaine de prédilection. Je ne peux m’avancer de rien évidement, mais sait-on jamais… Les périodes de nécessité nous forcent parfois à sortir des sentiers battus… »

Il y avait d’autres guérisseurs dans l’assemblée évidement, et toutes les bonnes volontés seraient mises à contribution ce soir, mais Aelyn songea à son jeune invité dont elle pouvait sentir la nervosité à travers la foule. Un petit coup de pouce ne ferait pas de mal et Volkan était un homme honnête. Ce à quoi elle offrir une légère révérence de la tête au seigneur et scanna l’assemblée du regard. De nouveau elle répertoria dans son esprit les noms et les titres.

Elle repéra rapidement l’ambassadeur nain, en pleine conversation avec… quel était son nom déjà ?… ah oui, Fasdren. Pas forcément de la meilleure engeance disait la rumeur, mais l’homme avait des moyens, des contacts et des ressources. Il y avait peut-être là une possibilité de faire d’une pierre, deux coups. Un signe en direction d’Eólida et elle se dirigea à pas lent vers eux.

« - Ambassadeur Ólfr, Maître Fasdren, c’est un plaisir de vous compter parmi nous. J’espère ne pas interrompre ? »

Certes, elle savait que personne ne se plaindrait de l’arrivée de la Vice-Reine dans sa conversation quelles qu’en soient les circonstances, par réel intérêt ou par obligation protocolaire, mais cela ne l’empêchait pas de se montrer polie et agréable, sous son meilleur jour. Comme tout le monde ce soir-là, elle espérait beaucoup de cette soirée.

L'ambassadeur de Hadhod écoutait attentivement les réponses de Fasdren à ses questions. L'homme se révélait courtois et très poli, presque enjôleur.

- Je vous remercie maître Fasdren. Les batailles son encore de mise hélas, comme vous dites. Nous nous en passerions bien mais elles sont parfois nécessaires pour défendre nos intérêts, nos territoires ou nos idéaux contre les puissances qui nous veulent du mal. J'ai effectivement appris la situation périlleuse dans laquelle se trouve l'Est du Rohan, cela m'attriste au plus haut point.

Son vis-à-vis parla ensuite de son métier et des rencontres qu'il avait eu l'occasion de faire dans ce cadre. Il avait l'air d'aimer plaisanter, comme il avait l'air également de beaucoup aimer boire. Ólfr se dit que ce devait être un joyeux compagnon que ce Fasdren, et qu'il aurait eu tout à fait sa place dans un bon bal de campagne, mais il ne savait pas dans quel état il finirait la soirée avec la bière et le vin à portée de main. Il décida de se montrer jovial et blagueur en retour.

- Haha effectivement nous sommes redoutables en bien des points, nous les Nains, et en négociation comme en boisson certains de mes compatriotes ne sont pas les derniers. Quoi qu'il en soit, je suis heureux que vous gardiez un bon souvenir des Nains que vous avez côtoyé. Vous exercez donc le métier de négociant et vos marchandises semblent fort variées, voilà qui est intéressant ! Vous savez peut-être que nos forces viennent tout juste de reprendre la cité de Gund... Oh bien le bonsoir votre Altesse, je vous présente mes respects.

Le diplomate avait été coupé dans ses propos par la Vice-Reine, qui venait de s'approcher d'eux et de les saluer.

- Vous ne nous interrompez point, j'étais justement en train de parler au sieur Fasdren de la reprise de Gundabad par les forces naines et humaines coalisées. C'est une grande victoire pour nos deux peuples, et nous n'y serions jamais arrivés sans l'aide précieuse de vos éoreds.

Il ne mentionna pas le nom d'Orwen, ne sachant au juste s'il était en odeur de sainteté auprès d'Aelyn, la situation au Rohan étant passablement compliquée.

- Mais la guerre est partout, à ce que je vois, et je vous remercie sincèrement de nous accueillir dans votre demeure lorsqu'on sait dans quelle situation se trouve votre royaume actuellement.

Décidément Ólfr semblait attirer les convives comme un aimant, même si en l'occurrence cela était plutôt dû à la présence de la Vice-Reine, puisqu'un quatrième interlocuteur vint se joindre à eux.

- Capitaine Rameth, je vous remercie pour vos paroles affables. La nécessité et la solidarité m'ont poussé, il est vrai, à fouler vos pâturages, et je suis heureux de voir que cela n'a pas été oublié. La situation à l'Est est aujourd'hui aussi préoccupante qu'alors, à ce qu'on dit. Avez-vous vu ces... comment les appellent-on déjà... ces Dwimmens de vos yeux, Capitaine ?

#Edwÿne Néogathe


La veuve observa Berondir s'empourprer et ne put réprimer un petit ricanement amusé sans malveillance. Ce gloussement que l'on voit chez les dames en face d'un homme essayant, en vain, de les séduire avec le rouge aux joues. Restant avec sa bienveillance et sa douceur qui la caractérisent, Edwÿne saisit une des fleurs de ses cheveux, la plaça délicatement dans sa paume et la tendit vers son interlocuteur.

- Il ne s'agit que des fleurs bordant les routes entre Edoras et Erian. Je les vois tous les jours et, si elles ne sont que des fleurs, elles constituent un rappel des lieux que je fréquente.

Doucement, elle offrit la fleur à Berondir, sans se séparer de son sourire simple et modeste. Elle sembla agréablement surprise lorsqu'il parla de plantes et patients, et l'écouta se présenter avant d'elle-même exécuter une révérence polie, quoique quelques peu maladroite. Il était évident qu'elle n'avait pas l'habitude de telles courbettes, bien qu'elle dévoile une certaine élégance dans l'exécution.

- Veuillez excuser mon impolitesse, Messire. Je me nomme Edwÿne Néogathe, guérisseuse itinérante. Quelle coïncidence, j'ai également en partie grandie à Minas Tirith et y ait apprit les arts guérisseurs. Une surprise que nous ne nous soyons pas croisés auparavant.

Elle prit soin, pour l'heure, d'éviter de préciser qu'elle avait également un maître elfique. Cela ne devait pas être une chose que quiconque devait savoir, encore moins ici, encore moins dans ces circonstances. Penser à ses mentors de Minas Tirith, sa famille, lui fit repenser à feu son époux et feu ses enfants. Ils lui manquaient terriblement. La solitude lui pesait telle une enclume sur le cœur.

- Un plaisir de vous rencontrer, messire Berondir. Vous n'avez pas besoin de prétendre aimer le Rohan si ce n'est pas ce que vous pensez. La vie de ce coin du monde peut s'avérer rude et rustique pour quiconque n'y est pas né. Et cela n'est pas un mal. Tant que vous ne vous montrez pas insultant, enfin, disons que je ne vais pas vous le reprocher. Quant aux soldats... Une autre histoire.

La sincérité et douceur de sa voix la surprenait elle-même. Peut-être que la perte de sa famille avait meurtri sa vision de ses terres natales, alors qu'elle ferait tout pour les défendre. Ou bien était-ce car elle ne se sentait chez elle nul part désormais. Peu importait la raison, sa prise de parole s'était faite sur le ton de la confidence.

- [color=#996600Enfin, pour votre surcot, essayez peut-être de le faire retravailler pour le rendre plus agréable. Ce n'est pas donné à tous de supporter le contact de la bonne laine.[/color]

La taquineries s'invita à sa gentillesse, et arracha un léger sourire à la veuve.

Bon, ce n’était pas exactement la réponse à laquelle s’était attendu Berondir. D’un autre côté, il n’était pas très sûr de savoir à quel genre de réponse il s’était attendu…

Il prit presque mécaniquement la fleur qu’elle lui tendait, et observa les pétales délicats se courber contre la paume de sa main. C’était plus facile d’écouter et de parler quand il n’était pas obligé de regarder tout le temps son interlocuteur, ou son interlocutrice, en l’occurrence, dans les yeux. La fleur lui offrait une très bonne raison de déroger à cette convention sociale.

-Vraiment ? s’exclama-t-il en entendant Dame Edwÿne parler de son passé. Quelle coïncidence, en effet !

Détachant une nouvelle fois ses yeux de la fleur, il offrit à Dame Edwÿne un vrai sourire.

-A vrai dire, je ne sortais pas beaucoup pendant ma formation…

Il se retint de demander l’âge de Dame Edwÿne. Visiblement, ce n’était pas très poli de demander leur âge aux femmes (il l’avait appris à ses dépends avec une patiente…). Mais selon l’époque où elle avait quitté le Gondor pour le Rohan, ils ne s’étaient peut-être pas croisés parce que Berondir n’avait pas encore intégré le corps des Guérisseurs quand elle y officiait…

-D’ailleurs, Dame Dalia me… me sermonnait souvent là-dessus…

Il avait hésité à parler de Dame Dalia de Ronce, pour ne pas éveiller de soupçons, mais c’était sûrement une opportunité, en fait.

-Pourquoi avoir quitté Minas Tirith ? Vous ne vous y plaisiez plus ? Ou pas ?

Il ne voyait pas très bien comment on pouvait ne pas apprécier la belle cité. A part, bien sûr, à regretter qu’on y croise une trop grande quantité de gens… Berondir s’y était résolu à cause de son métier, mais…

-Vous avez dit que vous étiez guérisseuse itinérante ? Voilà qui semble...intéressant. Comment vous approvisionnez-vous en onguents et potions ? Comment savez-vous où aller ? Et si vos patients ont besoin d’un suivi plus long ?

Il réfléchit un instant, en faisant tourner la fleur dans sa main.

-Cela dit, c’est un bon moyen de toucher les populations rurales et reculées, si nombreuses en Rohan…

Les déserts de guérisseurs étaient un vrai problème. Il hésita un instant.

Mais à une échelle plus large, Dame Dalia avait raison. Même si cela devait causer quelques dommages ponctuels dans les populations rurales, Berondir devait penser comme sa mentor, à une échelle plus politique.

-N’avez-vous jamais songé à retourner à Minas Tirith ? Nos Maisons de Guérison – celles du Gondor, je veux dire – ont du mal à recruter suffisamment de Guérisseurs pour prendre en charge tous les malades et blessés, surtout avec toutes ces guerres… sans compter la peste, bien sûr...

Berondir secoua la tête avec dégoût.

-Mais… peut-être avez-vous… des attaches, ici, au Rohan, ajouta-t-il après un instant de réflexion.

Berondir jeta un coup d’œil nerveux dans la direction de la vice-reine quand Dame Edwÿne sous-entendit qu’il n’aimait peut-être pas le Rohan. Elle était toujours en conversation avec l’homme de tout à l’heure… et celui-ci le regardait. Berondir se figea. Pourquoi le regardait-il ? Avait-il fait quelque chose de mal ? Une faute protocolaire ?

-Je… euh… balbutia-t-il finalement en se re-concentrant sur son interlocutrice. On ne peut pas dire que je n’aime pas le Rohan… Les paysages y sont magnifiques… Mais… vous avez raison. Les mœurs me semblent toujours un peu… étrangères…

Il n’osa pas non plus développer ce qu’il pensait des soldats, dans une salle à demie remplie de guerriers et de guerrières… D’autant qu’un bref instant, il eut l’impression que l’interlocuteur de la vice-reine – qui avait pris congé d’elle – se dirigeait vers lui. Mais non… Devait-il être soulagé, ou voir cela comme une occasion manquée ?

-Je voulais tester la laine locale ! J’aurais dû continuer à me cantonner au lin…

Pour une fois qu'il bousculait ses habitudes...

Aelyn inclina la tête modestement devant les formules d’usage puis répondit à Ólfr.

« Effectivement, il semblerait que nos deux peuples travaillent admirablement bien ensemble, ce qui me réjouit au plus haut point. Cette victoire un symbole fort de la coopération entre nos deux nations et avoir des ambassadeurs capables de faire converger nos intérêts est un atout majeur pour le Riddermark comme pour la Moria. Je ne doute pas que notre collaboration sera aussi fructueuse que les récents évènements le laissent présager. Mais comme vous le soulignez si bien, les temps sont encore éprouvants pour le Riddermark et de nouveaux défis se dressent devant nous… Hélas !… Même si les rohirrims sont toujours prêts à prendre les armes pour leurs amis et alliés, il y a quelque chose de bien amer à devoir défendre ses propres frontières. Un sentiment qui ne vous est pas étranger, j’imagine. »

Arriva alors dans leur ronde un troisième luron, dont les extravagantes moustaches ne laissaient pas le moindre doute quant à son identité. Il se présenta néanmoins.

« Capitaine Rameth, ravie que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd’hui. »

Et ravie, Aelyn l’était. Elle avait autour d’elle, à cet instant même, les trois individus les plus à même de fournir ce dont elle avait le plus besoin en ces heures sombres. Chacun à leur manière pouvaient l’aider à faire pencher la balance en faveur des rohirrims dans le sombre conflit en cours. Si ce Bal paraissait à la Vice-reine d’une absurdité déplacée en ces temps de guerre, elle voyait à présent le potentiel de réunir autant d’atouts dans une même pièce.
Elle risqua un œil en direction de l’emplacement prévu pour le discours d’accueil du Roi. Et lui, que cherchait-il ? De toutes les personnes rassemblées ici aujourd’hui, il était celui qui avait le plus à perdre ou à gagner. Ce n’était certainement pas la simple joie du peuple qui l’animait. Ces festivités devraient être un symbole fort de son pouvoir s’il ne voulait pas qu’elles soient interprétées comme un gaspillage de ressources précieuses qui auraient pu être envoyées au front.

« Vos vœux nous vont droit au cœur, Capitaine, au Vice-roi et à moi-même. » répondit-elle avec un sourire discret en passant une main aimante sur son ventre arrondi.

Puis Aelyn se rappela qu’il était en général d’usage que ce soit l’hôte qui présente les convives entre eux, quand cela était possible. Et bien que le bal fut celui du Roi, elle était encore chez elle en ces murs. Elle se tourna alors pour désigner les autres interlocuteurs.

« Capitaine, voici l’Ambassadeur Ólfr qui nous arrive de la Moria par la grâce de son Seigneur, et Maître Fasdren, un de nos plus réputés négociants, ici à Edoras. »

La question de l’ambassadeur nain au capitaine attisa la curiosité d’Aelyn. Elle fit de son mieux pour ne montrer qu’un intérêt poli mais, malgré les rapports directs du front, elle avait parfois l’impression de ne recevoir que des versions édulcorées ou tronquées. L’idée d’un témoignage direct la faisait trépigner intérieurement malgré le besoin de plus en plus pressant de l’asseoir.